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LA CONFÉRENCE
N° D’AGREMENT : P003027
N ° 3 • A N N É E J U D I C I A I R E 2 0 0 7 - 2 0 0 8 • J A N V I E R - F É V R I E R 2 0 0 8
e 2008
nne anné
Bo
• DOSSIER : PARCOURS D'ANCIENS
• COLLOQUE : LES 30 ANS DE LA LOI DU 3 JUILLET 1978
• LE RETOUR DU CERCLE MARIN : "SECRET STORY"
AGENDA
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N°3 P. 2
EDITORIAL
EDITORIAL
grande communauté judiciaire pour
vivre une autre vie fort des compétences
acquises au barreau.
Dans notre dossier « Parcours d’anciens »
nous vous invitons à découvrir quelques
anciens confrères ayant succombé,
avec succès, à cette tentation. Vous y
Au nom de la commission administra- la confiance, les nuits blanches, les lirez les raisons de leur choix de quitter
tive de la Conférence, je vous souhaite angoisses et les instants de complicité le barreau, les qualités acquises au bar-
une très belle année 2008 ! Je vous partagés entre tous ceux, commissaires reau qui les ont (des)servis ultérieure-
souhaite excès, risque et passion. ou non, qui auront œuvré à leur réali- ment et leur parcours depuis hors du
sation. Et in fine, les amitiés qui nais- barreau. Un regard à la fois différent,
A l’heure où j’écris ces lignes, nous sent de ces instants partagés et qui lucide, reconnaissant, critique et ins-
sommes dans la derrière ligne droite de transcendent les souvenirs. tructif sur le barreau. Et toujours la pas-
l’année 2007 et deux évènements sion.
majeurs se profilent à l’horizon : la Le métier d’avocat est exigeant. Sans
Conférence Berryer dont José Garcia doute un des plus exigeants qui soit car Pour le surplus, vous retrouverez dans
est l’invité et, bien sûr, la rentrée solen- les clients des avocats viennent rare- ce numéro vos rubriques habituelles –
nelle du 11 janvier 2008. Dans l’un et ment les voir pour concrétiser un rêve en espérant que vous aurez appris à les
l’autre cas, la commission administra- mais parce qu’ils sont confrontés à un apprécier au fil des numéros – et l’an-
tive aura travaillé d’arrache-pied afin problème ou, ce qui n’est pas toujours nonce de la suite du programme de la
de transformer l’essai. Avec passion. plus confortable intellectuellement, crai- Conférence pour cette année judiciaire.
gnent de l’être. L’avocat, en outre, n’est, Il me reste à nous souhaiter que vous
A l’heure où vous, et moi, lirons ces sauf exception, pas au cœur de l’action prendrez autant de plaisir à continuer à
lignes – et plus loin dans ce numéro le : il conseille, il ne décide pas. venir à nos activités que nous à les ima-
compte-rendu de la Berryer – la messe giner et les réaliser à votre attention.
aura sans doute été dite en ce qui La tentation peut alors parfois surgir de Avec passion.
concerne l’une et l’autre de ces activités. ne plus se satisfaire de « simplement »
Cela aura été un succès ou un échec. La prodiguer conseil et assistance, fût-ce Très belle année 2008 !
différence n’est pas mince mais n’est avec talent et passion, et d’avoir envie
pas pour autant essentielle. L’important de « (re)monter sur le terrain », que ce Emmanuel Plasschaert
est ailleurs : ce qui aura compté, une soit à titre temporaire ou définitif en
fois de plus, c’est l’énergie, la passion, quittant avec armes et bagages la
RUBRIQUES SOMMAIRE
5 Dossier : parcours d’anciens 24 Dans le signataire 30 Vu d’ailleurs
LA CONFÉRENCE
14 Les Echos de la Conférence 26 Culture et loisirs par Lionel Halpérin
ANNONCES
32 Visite guidée : Europalia « Le grand 33 Mini-recyclage : « le rôle de l'avocat cation des peines : évaluation de la
atelier » dans le cadre du code bruxellois du loi du 17 mai 2006, un an après son
32 Palais littéraire et artistique : « les logement » entrée en vigueur »
avocats au cinéma » par Me Bruno 34 Tournoi de tennis avocats-magistrats 36 Colloque : les 30 ans de la loi du 3
Dayez 34 Conférence : M. Philippe Bilger, « Un juillet 1978 relative aux contrats de
www.cjbb.be
33 Cercle marin : « Secret story » par avocat général en liberté » travail
Me Yurt Cavit 35 Mini-recyclage : « le tribunal d’appli- 37 “ A vos karts “
LA CONFÉRENCE est éditée par la Conférence SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Me Candice Fastrez COUVERTURE : Jean-Marc Henry
du jeune barreau de Bruxelles SITE INTERNET : www.cjbb.be RÉALISATION : RP&C
ÉDITEUR RESPONSABLE : Me Emmanuel Plasschaert, COLLABORATRICE PERMANENTE : PUBLICITÉ : RP&C - 145, rue Meyerbeer - 1180 Bruxelles
Rue Royale, 71 - 1000 Bruxelles - Tél : 02.282.40.84 Régine Waterman - Tél. : 02.508.66.43 Tél. : 02.344.52.20 - Fax : 02.343.61.72
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PARCOURS D’ANCIENS
DOSSIER
Ils étaient avocats.
Ils étaient heureux dans leur métier et menaient une belle carrière lorsqu’ils ont décidé de changer de vie professionnelle.
Ils ne se sont pas contentés de quitter le barreau pour poursuivre leur voie dans la sphère juridique mais ont définitivement
quitté celle-ci pour relever un tout autre défi.
Ils ont tous en commun d’avoir réussi avec éclat cette reconversion.
Nous sommes partis à leur recherche et le dossier de ce troisième numéro de La Conférence leur est consacré.
Ils retracent leur parcours d’avocat, expliquent les raisons qui les ont incités à réorienter leur carrière, s’expliquent sur leur
nouvelle vie.
C’est passionnant et La Conférence vous invite à découvrir ces destins d’exception.
PS : Ce dossier ne peut bien entendu en aucun cas être considéré comme une tentative de la Conférence d’inciter les mem-
bres du barreau à se reconvertir et la Conférence décline toute responsabilité quant aux éventuelles vocations qui pourraient
naître suite à la lecture de ce dossier.
INTERVIEW DE M. AXEL MILLER
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE DIRECTION DE DEXIA
J’ai opté pour le droit, une formation droit financier, mais aussi du droit
plus générale, qui me paraissait plus immobilier. J’ai fait, comme tout le
ouverte. Pour le surplus, j’avais dans monde, mon contingent de pro deo. J’ai
ma famille quelques personnes qui donc également été confronté au droit
avaient exercé la profession d’avocat et de la famille et au droit patrimonial.
qui avaient une vie professionnelle et C’est un dossier en particulier qui a
personnelle que je trouvais intéressante. imprimé le cours suivant de ma car-
Mon grand-père était avocat à la Cour rière. J’ai été pressenti, comme jeune
de cassation et mon oncle était avocat avocat stagiaire, pour travailler sur un
d’affaires spécialisé dans l’arbitrage dossier qui allait se révéler être l’OPA
international au sein de l’association De Benedetti sur la Générale de
Van Ryn et Van Ommeslaghe. Chaque Belgique. Cela a occupé le plus clair de
nouvelle année à l’université m’a permis mon temps durant toute l’année 1988
de clarifier mes attentes et de préciser alors que j’étais arrivé au barreau en
ce que j’avais envie de faire. octobre 1987. Cela m’a directement
plongé dans le milieu des fusions et
2. Quel est le type de dossiers que acquisitions et du droit financier. Cela a
vous pratiquiez au barreau ? été véritablement ma première
empreinte rétinienne quand je suis
1. Pourquoi avoir choisi la profession On a du mal au début à savoir ce que arrivé au barreau. Après cela, j’ai dû
LA CONFÉRENCE
d’avocat ? l’on va faire par la suite. Cela dépend m’interrompre quatorze mois pour
très fort des rencontres que l’on fait et effectuer mon service militaire. Je suis
Je vais peut-être vous surprendre mais des dossiers qu’on est amené à traiter. ensuite parti aux Etats-Unis travailler
je ne savais pas, jusque très tard, ce Dès la deuxième licence, j’avais été pour le cabinet d’avocats avec lequel
que je voulais faire dans l’existence. approché par deux associés du cabinet nous collaborions sur le dossier
J’ai fait mes études secondaires à Simont & Simont, Anne-Marie Stranart Générale de Belgique. Lorsque je suis
Mons. Jusqu’au jour où j’ai quitté la en droit des sûretés et André Bruyneel rentré, j’étais plutôt axé sur tout ce qui
rhéto, je n’avais pas d’idée très arrêtée en droit financier pour pouvoir venir était fusions et acquisitions, droit com-
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de ce que j’avais envie de faire. J’ai travailler dans cette association. C’est mercial et droit financier. Ce sont ces
plutôt procédé par exclusion. Je ne vou- donc là que j’ai débuté au sortir de mes matières-là que j’ai pratiquées le plus
lais pas faire les sciences exactes parce études de droit. J’ai commencé à faire clair du temps entre 1991 et ma sortie
que mes parents étaient déjà impliqués du droit commercial général, du droit du barreau en 2001. C’est donc un peu
dans cette branche-là et que cela me des contrats, du droit des sûretés, quel- le fruit du hasard si j’ai été amené à me
semblait relativement peu passionnant. ques dossiers de droit bancaire et de spécialiser dans ces matières. Comme
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DOSSIER SUITE DE LA PAGE 5
PARCOURS D’ANCIENS
toujours, le type de dossiers que vous maturité. Lorsque l’on vous propose de 5. Est-ce plus confortable d’être aux
pratiquez dépend de vos clients. Je col- sortir de ce que j’appelle l’ordre commandes ?
laborais à l’époque avec Christian Van «contemplatif» pour entrer dans l’ordre
Buggenhout, en droit des faillites, «actif», il est difficile de résister… Ah non, ça n’est pas plus confortable.
Etienne Heilporn, en droit immobilier, D’autre part, le rythme au barreau est Je vous le garantis. En termes de rythme
Anne-Marie Stranart, en droit des sûre- extrêmement intensif. Ce n’est pas pour de travail, c’est autant sinon plus inten-
tés, André Bruyneel, en droit bancaire, dire que celui que j’ai aujourd’hui l’est sif. Il faut aussi songer au périmètre de
Lucient Simont et Paul-Alain Foriers, en vraiment moins. Mais il faut toujours responsabilité. Lorsqu’on est avocat, il
droit des O.P.A.. Il y avait une très parvenir à générer un nombre suffisant s’agit d’un périmètre que l’on peut
grande diversité dans mon activité. Je de nouveaux dossiers de manière à gérer du début à la fin en totalité. La
suis devenu associé chez Simont & faire face à la structure de coût et de position d’un membre de comité de
Simont en 1996. Durant trois ans, j’ai rémunération d’une association. Cela direction est très différente. On doit
encore développé ce type d’activités-là. fait du métier d’avocat d’affaires un gérer des équipes et des enjeux beau-
Chez Clifford Chance, j’ai pratiqué milieu extrêmement exigeant. Il faut coup plus larges et que l’on contrôle
essentiellement le droit commercial organiser son travail et sa vie de beaucoup moins. Les aspects à gérer
général en ce compris le contentieux et manière à pouvoir continuer à produire sont beaucoup plus nombreux. Il faut
le droit financier, les fusions et acquisi- et à générer des dossiers qui, quelque aussi être apte à gérer les ressources
tions, les opérations de capital markets. part, prennent un peu une nature répé- que l’on a dans l’entreprise. En tant que
titive. On se demande parfois si on patron, on ne fait rien soi-même mais
3. Qu’est ce qui vous a amené à quit- pourra toujours rassembler le même on doit être en mesure de créer un
ter le barreau ? niveau de passion, d’énergie et d’en- cadre dans lequel les personnes par-
thousiasme pour pouvoir continuer à viennent à développer leur énergie. Ma
Deux choses. De nouveau, c’est une faire cela ou si, à un moment donné, on responsabilité comme avocat était de
opportunité qui m’a été offerte par ne risque pas de se trouver un peu faire du bon boulot. La sanction était :
Dexia, l’un de mes bons clients de coincé dans cette course constante de je garde le client ou je ne le garde pas.
l’époque. J’en avais suivi le parcours devoir trouver le prochain dossier. Je La responsabilité dans une entreprise
puisque j’avais aidé la partie belge à craignais de perdre à terme ma motiva- est beaucoup plus pesante. Il faut pou-
construire le groupe en 1995-1996. Je tion. C’est la conjonction de ces deux voir déterminer une stratégie qui fait
suis resté très impliqué dans l’ensemble éléments qui m’a poussé à franchir le sens, la mettre en œuvre sur le long
de leur développement ultérieur à partir pas et à prendre ce risque de quitter le terme, dans un environnement qui est
de 1996. C’est Pierre Richard, mon pré- barreau. parfois un peu chahuté. En termes de
décesseur à la tête du groupe, qui m’a temps consacré, ce n’est donc certaine-
proposé de rejoindre le groupe. Cela a 4. Comment s’est opéré la transition ? ment pas plus confortable. En termes
évidemment déclenché chez moi une d’organisation du travail, l’avocat doit
réflexion basée sur deux idées maîtres- Il y a quelques recettes dans la vie. répondre immédiatement aux deman-
ses. D’une part, lorsqu’on est conseil Avoir un peu de sens commun. Avoir un des de son client alors que le dirigeant
juridique et qu’on travaille sur des opé- bon esprit analytique. Avoir une cer- d’entreprise est sans doute un peu plus
rations complexes, on a un gros avan- taine force de travail. Savoir écouter maître de son temps.
tage qui est d’être neutre, objectif et ceux qui connaissent la matière mieux
LA CONFÉRENCE
indépendant par rapport aux questions que vous. Savoir s’entourer des person- 6. Quelles sont les compétences spéci-
soumises de manière à pouvoir donner nes qui vous complémentent dans les fiques que vous avez acquises au bar-
le meilleur avis possible. Une certaine dossiers où vous êtes moins bien formés reau et qui vous ont servi après et,
frustration provient néanmoins du fait ou moins bien préparés. Cela a été l’en- inversement, quels sont les défauts
que la décision n’appartient évidem- jeu de mes premières années lorsque je propres aux avocats dont vous avez
ment pas au conseil juridique. La vérita- suis entré chez Dexia. J’ai eu la chance peut-être dû vous débarrasser ?
ble décision appartient à d’autres et d’être plongé immédiatement dans un
c’est surtout la bonne ou mauvaise exé- dossier particulier qui était l’intégration Ce qu’on acquiert au barreau, c’est une
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cution de celle-ci qui fait la différence de Dexia et d’Artesia avec des négocia- très forte capacité analytique. Le raison-
entre une opération réussie et une opé- tions sociales et une réorganisation de nement juridique est par définition de
ration ratée. On a toujours, je pense, la banque. Je ne me suis pas vraiment partir d’une règle de droit, de voir quels
lorsqu’on n’est que conseiller, l’envie de posé de questions. Il faut plonger dans sont les faits et d’appliquer la règle de
prendre la responsabilité d’une déci- les dossiers et travailler. Petit à petit, on droit aux faits pour arriver à une
sion, de l’assumer et de la porter à acquiert les réflexes et les compétences. conclusion. C’est ce même esprit analy-
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DOSSIER
tique dont il faut parfois aussi se méfier demande un minimum d’organisation et Clairement. Je me suis rendu compte
dans le monde de l’entreprise. Le de discipline. J’ai quatre enfants et une que le monde est beaucoup plus com-
monde de l’entreprise n’est pas un épouse qui m’accompagne depuis plexe que je ne l’imaginais. Je me suis
monde cartésien. C’est un monde dans vingt-cinq ans. Cela signifie s’organiser rendu compte également de l’écart
lequel il faut se garder d’avoir une frus- pour pouvoir s’arrêter vraiment et ne important qui existe entre ce qu’on lit
tration qui consiste à se dire : « J’ai rai- pas retourner voir le Blackberry qui dans les journaux et la réalité. Au bar-
son mais la raison n’est pas reconnue ». vibre dans un coin de la pièce, ne pas reau, j’avais une vision plus tranchée
Quel que soit le contexte dans lequel vouloir nécessairement avancer pen- sur les choses. Je me permettais de por-
vous travaillez, dans des relations avec dant le week-end sur tous les dossiers ter plus facilement des jugements sur un
des investisseurs, dans des relations ou bien le faire à des moments où tout certain nombre de choses. Il y a un
avec des décideurs politiques, des régu- le monde est au lit. Garder un espace écart très important entre la réalité du
lateurs ou même des collègues dans familial est absolument indispensable. terrain et la façon dont les débats sont
l’entreprise, on peut se dire qu’il y a une Entre cela et le reste, il ne reste plus perçus dans l’opinion publique.
logique mais dans tous ces mondes, grand-chose voire rien du tout.
dans toutes ces relations et surtout 11. Quelle est la question que nous ne
lorsqu’elles sont mêlées il peut y avoir 9. Le métier de dirigeant d’entreprise vous avons pas posée et que vous
des événements ou des relations qui est-il votre dernier défi ou vous sentez- auriez aimé que nous vous posions ?
sortent de ce cadre logique et rationnel. vous prêt pour une troisième vie après ?
Il y a une dimension de conviction qui Est-ce que je m’amuse ? Et la réponse
est particulièrement importante. Au- Non, je me concentre sur ce défi pour est : oui, absolument ! Je pense d’ail-
delà du rationnel, il faut convaincre les une raison bien simple qu’il s’agit d’une leurs qu’on ne ferait pas ce genre de
autres et parvenir à les entraîner dans responsabilité avant d’être un privilège. métier si l’on n’avait pas deux choses :
la direction qu’on estime la bonne pour J’ai une responsabilité par rapport à d’abord de la passion pour ce que l’on
l’entreprise. Cette dimension, j’ai dû l’entreprise et aux gens qui y travaillent. fait et ensuite des convictions très affir-
l’apprendre au fil des ans et j’ai encore C’est pour cela que je suis payé. Cela mées. Je suis un optimiste convaincu.
beaucoup à apprendre de ce point de me semble donc le minimum absolu que Cela a toujours été mon moteur et je
vue-là. L’aspect d’entraînement, de d’y consacrer tout mon temps et toute pense que c’est le plus puissant de tous.
conviction, de motivation, de communi- mon énergie. Ce qui me passionne c’est
cation qui n’est pas du tout rationnel ou l’interaction qui peut exister entre l’en-
cartésien est essentiel pour être un bon treprise et la société. Aujourd’hui, il y a Monsieur Axel Miller en bref
dirigeant d’entreprise. de plus en plus d’attentes qui portent sur
elle. Il y a des mutations importantes qui 1965 : naissance à Bruxelles
7. Quelles sont les qualités d’un bon se passent dans la relation entre l’entre-
dirigeant d’entreprise ? prise et le monde et cette dimension doit 1987 : licence en droit à l’ULB et
être incorporée dans la réflexion de tout début comme collaborateur au cabi-
Savoir prendre du champ. Avoir pour chef d’entreprise. Aujourd’hui toute net Simont & Simont
soi-même une vision claire de l’endroit entreprise doit assumer ses responsabi-
où vous voulez mener l’entreprise et ne lités en matière environnementale, de 1996 : associé Stibbe, Simont,
pas en bouger d’un iota. Une claire choix de société, de vieillissement de la Monahan, Duhot
LA CONFÉRENCE
conviction que l’entreprise est formée population, d’impact dans la lutte
par les hommes et les femmes qui la contre le chômage, d’économie sociale 2001 : membre du comité exécutif et
composent, qui en sont l’élément essen- dans un monde où les frontières natio- General Counsel Dexia
tiel. Il ne suffit pas d’être un bon techni- nales se sont totalement dissipées.
cien ou d’avoir les bonnes idées, il faut Aujourd’hui, positionner l’entreprise 2006 : Administrateur-délégué et
encore comprendre comment aligner dans ce débat-là nécessite d’interagir président du comité de direction de
les ressources de l’entreprise pour beaucoup plus qu’il y a vingt ou trente Dexia. Il est également membre due
mener un projet. L’éthique et l’intégrité ans dans des dimensions qu’on com- du comité de direction de la
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sont également fondamentales. mence seulement à explorer Fédération des entreprises belges et
aujourd’hui. des conseils d’administration de
8. Gardez-vous un peu de temps pour Crédit du Nord et LVI Holding
votre famille, vos passions, vos hobbys ? 10. La façon dont vous appréhendez (groupe Carmeuse)
les choses a-t-elle changé aujourd’hui
Pour la famille, oui. C’est vraiment un par rapport à ce qu’elle était lorsque
combat de tous les instants et cela vous étiez avocat ?
SUITE PAGE 8 P. 7 N°3
DOSSIER SUITE DE LA PAGE 7
PARCOURS D’ANCIENS
INTERVIEW DE M. ERIC DOMB
PRÉSIDENT DE L’UNION WALLONNE DES ENTREPRISES,
PRÉSIDENT ET FONDATEUR DU PARC PARADISIO
ment mes phrases quel que soit l'enjeu.
Cela prenait toujours un temps considé-
rable… et n’était donc pas très renta-
ble.
4. Quelles sont les compétences acqui-
ses durant votre carrière au barreau
qui vous ont encore servi après ?
J'ai appris les bienfaits du règlement
transactionnel des conflits. Pour être sin-
cère, j’ai surtout fait le constat d’une
effroyable inefficacité et de nombreux
dysfonctionnements dans l’organisation
judiciaire. Je garde un souvenir agréa-
ble de mon stage mais aussi malheureu-
sement celui d’un énorme gaspillage de
temps dans la gestion des dossiers.
5. Quel a été votre parcours après le
barreau ?
Photo : Tilt Photo
Je ne suis resté qu’un an chez Coopers
& Lybrand parce que j’avais goûté l’in-
dépendance au barreau et que j’ai
1. Pourquoi avoir choisi la profession effectué que mon stage. Je suivais assez vite compris que je n’étais pas fait
d’avocat ? beaucoup de dossiers pro deo. Le cabi- pour ce mode de structure qui m’a tou-
net pour lequel je travaillais était géné- tefois apporté beaucoup de rigueur. J’ai
Pour être franc, j’ai fait mes études raliste mais les dossiers que je préférais fait ensuite un passage assez court dans
parce que je n’avais pas beaucoup de étaient ceux qui avaient une nature plus une société financière spécialisée dans
caractère et parce qu’il n’était pas commerciale. J’ai aussi été amené à le leasing financier qui faisait partie du
question que je ne fasse pas d’études faire de la médiation avant la lettre. groupe Econocom. J’ai commencé véri-
universitaires. J’étais ce qu’on appelle Comme je n’avais pas beaucoup de tablement à m’amuser professionnelle-
LA CONFÉRENCE
un « coupeur de cheveu en quatre » et clients personnels durant cette période, ment lorsque j’ai créé une fiduciaire qui
mon père, qui était médecin (et on sait j’en ai profité pour suivre une licence en s’appelle Stratefi avec Etienne Van de
le peu d'estime que certains médecins sciences commerciales et financières à Kerckhove avec qui j’avais travaillé
accordent parfois aux juristes) m’a dit : l’EHSAL. L’économie m’intéressait. Ce chez Econocom et qui est aujourd’hui
« Fais le droit ». Il ne voyait pas du tout sont ces études qui m’ont amené, à la l'un des deux CEO d'Iris, la société spé-
en moi les qualités nécessaires pour être fin de mon stage, dans le département cialisée dans les logiciels de reconnais-
médecin alors que je pensais avoir la fiscal du cabinet d’audit Coopers & sance optique de caractères. Ce fut
vocation pour exercer ce métier. Je Lybrand. notamment pour aider une connais-
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m'inclinai sans résister. sance que j’ai songé à commencer cette
3. Qu’est ce qui vous a amené à quit- activité de fiduciaire. Nous apportions
2. Quel était le type de dossiers que ter le barreau ? un véritable service intégré, un travail
vous pratiquiez ? de facilitateurs qui combinait conseil
J’adore l’écriture. J’ai toujours mis un juridique, fiscal et comptable. Cette
J’ai quitté le barreau le jour de mon ins- point d’honneur à écrire des conclu- fiduciaire s’est bien développée. Je m’y
cription au tableau. Je n’y ai donc sions impeccables. Je ciselais véritable- plaisais mais restais convaincu de ne
N°3 P. 8
DOSSIER
pas avoir encore trouvé ma voie. C’est deux cents villages. Ils touchent entre m'inspire confiance. Mes absences ont
à nouveau le hasard qui a décidé de la trois et cinq fois plus que ce qu’ils contraint mes proches collaborareurs à
suite de mes activités. Un jour, le beau- gagnent d’habitude lorsqu’ils vendent exprimer tout leur talent, de sorte que le
père de ma secrétaire, un ancien leur production à Bali. Vous pouvez Parc fonctionne mieux aujourd’hui.
forain, veut me voir car il a appris que imaginer le plaisir qu’on éprouve à réa-
le site d’une ancienne abbaye cister- liser ce genre de projets. 8. Quelles sont vos autres passions ?
cienne entre Mons et Ath est à vendre.
Il me demande de visiter ce site en 6. Quelle est la chose dont vous êtes le Je ne travaille pas. Paradisio est ma
novembre 1992. Le rendement des pla- plus fier par rapport au Parc Paradisio ? maîtresse et mon hobby. Cette entre-
cements sans risques était à l’époque prise plutôt atypique est structurellement
colossal… Rétrospectivement, il fallait Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir créatrice d’emplois et totalement indélo-
franchement être givré pour mettre sur résisté au discours de raison d’un cer- calisable. Nos visiteurs habitent princi-
pied un projet de parc de loisirs à l’épo- tain nombre d’amis et d’administrateurs palement en Wallonie. 36 % d'entre
que où Walibi commençait déjà à avoir de la société à l’occasion de la création eux viennent du Hainaut et ne sont vrai-
des soucis… Mais j’ai eu le coup de du jardin chinois. C’était un investisse- ment pas les plus favorisés. J’avais
foudre. Il est vrai que j'ai toujours adoré ment important car tout est authentique envie de leur offrir un espace de rêve
la nature. Au fur et à mesure que je dans ce jardin. On m’avait dit que le qui les dépayse et les détourne l'espace
m’emballais pour le projet, celui qui me choix de l'authenticité ne se justifiait pas d'une journée de leurs tracas quoti-
l’avait proposé se décourageait. C’était sur le plan financier et que c'était même diens. Je suis un passionné de nature,
un peu ma chance car nous divergions un peu limite sur le plan éthique, cer- de cultures primitives et de jardins. Je
un peu sur l’idée du projet. Je me suis tains ayant l’impression que je me fai- ne peux m’empêcher d’avoir envie
donc retrouvé seul. J’ai réuni de l’ar- sais plaisir sur le dos de nos actionnai- d’embellir le parc et d’œuvrer sans
gent auprès de clients, d’amis et de res. cesse à son avenir. C’est une passion
membres de ma famille et j’ai lancé qui ne laisse place à rien d’autre si ce
Paradisio. Les débuts furent catastrophi- L’autre remarque était que le public ne n'est l'amour que je porte à mes pro-
ques car je manquais totalement de ferait sans doute pas la différence entre ches.
l’expérience nécessaire pour piloter ce une véritable lanterne chinoise et une
projet. Le parc était presque en faillite et copie belgo-belge. J’ai gagné mon 9. Que diriez-vous à des jeunes qui
là, c’est mon expérience d’avocat qui pari. Ce jardin est devenu la principale débutent aujourd’hui ?
m’a aidé. On a ramé pendant quatre attraction du site. Le public a véritable-
ans. Après cela, on a commencé à ment ressenti quelque chose. Les jardins Vous ne serez jamais aussi bien servis
avoir un cash-flow positif… et l’année chinois ont l’ambition de libérer le visi- que par vous-même. Il vaut mieux être
dernière, l’entreprise à réalisé un béné- teur en brisant ses automatismes par son propre patron. La plupart des jeu-
fice net de l'ordre de 1.700.000 euros, toute une série d'artifices et de le placer nes ont un véritable potentiel à dévelop-
résultat qui devrait encore augmenter ainsi dans un état de sérénité et de per. La plupart du temps, ni la famille ni
cette année. Je peux vous dire qu’après bien-être. L'effet thérapeutique de ces l'école l'y encouragent, malheureuse-
avoir dû tirer le diable par la queue jardins est le résultat de trois mille ans ment. Ma vraie vie a commencé à l'âge
pendant autant d’années, on ne se lasse de sagesse et d'expérience. Et cela mar- de trente-deux ans lorsque j’ai com-
pas du plaisir de voir un projet qui fonc- che ! Personne n’est insensible à ce qui mencé Paradisio. Je témoigne souvent
LA CONFÉRENCE
tionne. La jubilation est quasi-quoti- s’y passe. C’est pour cela qu’il fallait de mon expérience, de mes nombreux
dienne. Les projets ne manquent pas. absolument conserver intégralement échecs et de mes succès dans les classes
On vient ainsi d'achever l'aménage- cette authenticité ! de rhéto et à l'université. En relatant
ment du plus grand jardin chinois clas- mon aventure, je veux encourager les
sique jamais construit hors de Chine 7. Vous êtes également président de étudiants à rêver leur vie profession-
avec des artisans chinois et des maté- l’Union Wallonne des Entreprises. nelle et à vivre leurs rêves éveillés.
riaux venus uniquement de Chine. Ce Comment parvenez-vous à combiner
fut une véritable gageure ! Nous som- cela avec votre fonction d’administra- 10. Question plus impertinente ? Qui
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mes à présent en train de réaliser un teur-délégué du Parc Paradisio ? sera élu Manager de l’Année 2007 ?
jardin indonésien sur à peu près cinq
hectares. On a fait construire un temple Je m'y donne à fond, ce qui ne veut pas Je dois d’abord vous dire que je ne me
balinais par une centaine de sculpteurs dire que je consacre suffisamment de suis pas porté candidat. Je déteste me
sur l’île de Bali. Nous avons actuelle- temps à l’une et à l’autre de ces mis- mettre en avant et suis un peu gêné de
ment mille tailleurs de pierre qui travail- sions. Heureusement, je délègue très donner l'impression que j'aurais décidé
lent pour nous à Java. Cela représente facilement des responsabilités à qui de prendre part à une compétition pour
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DOSSIER SUITE DE LA PAGE 9
PARCOURS D’ANCIENS
ce titre. La vérité est qu'on n'a pas voix 11. Quelle est la question que je ne
au chapitre. Je serais en tout cas assez vous ai pas posée que vous auriez Monsieur Eric Domb
surpris d’être ce manager de l’année. aimé que je vous pose ? en quelques dates
En effet, le Parc présente les mêmes for-
ces et faiblesses qu’il avait à sa créa- Comment en est-on arrivé, en Belgique, 1960 : naissance à Uccle
tion. Ayant déjà été pressenti plusieurs à une situation où le gouffre entre les
1983 : avocat au barreau de
fois, je ne vois pas ce qui justifierait à uns et les autres s’est creusé à ce point ?
Bruxelles
présent que je sois désigné cette année A cette victoire du poing levé contre la
plutôt que les autres. Je n’ai d’ailleurs main tendue ? Les pompiers qui tentent
1987 : consultant fiscal chez
pas voté pour moi mais pour Michel d’éteindre l’incendie avec leurs dés à
Coopers & Lybrand
Croisé qui est l'excellent patron de coudre ont sans doute déjà perdu la
Sodexho pour la Belgique. J’ai égale- partie contre les pyromanes. La carica- 1989 : création de Stratefi, société
ment une affection et une estime toute ture l'emporte chaque jour davantage fiduciaire développant une activité
particulière pour Katia De Paepe et sur la raison. Elle contamine à présent de conseil dans le domaine financier
Simon-Pierre Gilliot, les fondateurs et les plus sages d'entre nous. Par mimé- aux PME
patrons d’Amtoys. Il y a un troisième tisme ou par réaction, nous sommes de
candidat que je trouve assez génial, plus en plus nombreux à souffler sur le 1993 : création du Parc Paradisio
c’est Renaud Mazy, le nouvel adminis- brasier. L'avenir nous expose au pire à
trateur-délégué de Baxter. Quant aux la séparation, au mieux à des réformes 2006 : président de l’Union
autres, on ne peut pas dire que ce coûteuses et inutiles. Du pain béni pour Wallonne des Entreprises
soient des ‘manches‘... les juristes, dirait mon père...
LORNE COUSIN
Dans la catégorie des avocats qui ont changé leur fusil d’épaule, l’exemple le plus
cocasse est certainement celui de Lorne Cousin.
Jusqu’à il y a peu, ce solicitor écossais coulait des jours heureux, mais probable-
ment dépourvus de fantaisie, entre son métier d’avocat et sa passion pour la cor-
nemuse.
Cette passion peut certes sembler peu sexy sur papier. Pourtant, elle fut son pas-
LA CONFÉRENCE
seport vers une vie autrement plus glamour.
La rencontre décisive eut lieu lors du mariage de Stella Mc Cartney, en 2003. La
famille de Stella et celle de Lorne étant amies, ce dernier avait accepté de se pro-
duire lors de ce mariage.
Parmi le beau monde présent ce jour-là, une invitée fut particulièrement impres-
sionnée par le talent du jeune Lorne, à tel point qu’elle décida de l’engager
comme musicien pour sa tournée : c’est ainsi que Lorne parcourut le monde avec
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Madonna lors de la tournée mondiale qu’elle fit en 2004.
Lorne a désormais quitté le barreau, et vit de son art à Los Angeles, loin des perruques enfarinées des prétoires de son pays
d’origine.
Julie-Anne Delcorde
N°3 P. 10DOSSIER
INTERVIEW DE M. PATRICK DEROM
PATRICK DEROM GALLERY - BRUSSELS - NEW YORK
d’avocats d’affaires d’être, certes, utile 3. Qu’est-ce qui vous a donné envie de
à mes clients mais d’être trop éloigné du quitter la profession d’avocat ?
processus de décision. Et hélas, bien
souvent, plus grande est la société, plus La combinaison de deux éléments. Ma
cette frustration se fait ressentir. passion pour l’art, d’une part, et l’envie
de changer de vie d’autre part.
J’ai toujours eu une passion pour l’art.
J’ai toujours été collectionneur. Alors 4. Quel message souhaiteriez-vous
même que ces clients ne rentraient pas transmettre à ceux qui débutent leur
tout à fait dans le cadre habituel, le vie professionnelle ?
cabinet De Bandt me laissait d’ailleurs
volontiers effectuer des missions pour Soyez passionnés par votre métier.
Sothebys ou les Musées Royaux par Faites ce que vous avez envie de faire.
exemple. Comme je le disais, avant de quitter le
Photo : Elisabeth Broekaert
barreau, après avoir fait le tour de mes
A 37 ans donc, j’ai décidé de changer associés pour leur annoncer ma déci-
de mode de vie. La vie est trop courte sion, je voyais poindre chez certains
pour faire toujours la même chose et je d’entre eux l’envie de franchir le pas
ne souhaitais pas attendre mon premier également. Tout le monde, je crois, rêve
infarctus pour en profiter pleinement. de cela. Je crois néanmoins qu’il y un
1. Décrivez-nous brièvement votre J’ai donc pris une année sabbatique ce monde entre ce rêve et la réalité d’un
parcours qui était autorisé et prévu par l’associa- changement de vie. Pour ma part, je
tion au sein de laquelle je travaillais. crois avoir été courageux mais pas
Après avoir effectué mes études de droit J’étais, à l’époque, le plus jeune associé téméraire. Je savais parfaitement vers
à Gand, j’y suis resté deux ans pour y du cabinet et je redoutais quelque peu quoi j’allais. Je ne partais pas vers l’in-
débuter mon stage d’avocat et exercer la réaction de mes pairs. Elle a été posi- connu. Je m’étais préparé. Je crois
un rôle d’assistant à l’Université. tive et je crois avoir même éveillé chez avoir surtout privilégié toujours la qua-
certains d’entre eux l’envie de faire de lité de vie.
J’ai ensuite quitté la Belgique pour sui- même.
vre un LLM à la Harvard Law School et 5. En quoi votre expérience au bar-
ensuite travailler pour le cabinet Dewey, Après cette année sabbatique, j’ai défi- reau vous a-t-elle aidé dans votre acti-
Ballantine à New York. nitivement quitté le barreau en devenant vité actuelle ?
avocat honoraire à 37 ans.
En 1975, j’ai rejoint le cabinet de Jean- Beaucoup. Le fait d’avoir été avocat
Pierre de Bandt à Bruxelles comme col- 2. Pourquoi avoir choisi la profession avant de devenir marchand de tableaux
laborateur. Je suis devenu associé en d’avocat ? m’a donné immédiatement du crédit et
1980.
LA CONFÉRENCE
m’a permis immédiatement de traiter
Au départ, je me destinais plus vers les d’affaires importantes pour des musées
Bien que j’aie toujours beaucoup aimé études romanes ou l’histoire de l’art. ou institutions. Dans ce type d’activité,
ce métier d’avocat d’affaires, j’ai Mes parents estimant que cela ne pro- on discute finalement plus avec des avo-
décidé à 37 ans de le quitter pour chan- curait pas beaucoup de débouchés, j’ai cats et des banquiers. Chassez le droit,
ger complètement d’horizon profession- opté pour les études de droit qui, à il revient au galop. Aujourd’hui, la pro-
nel et devenir marchand d’œuvres l’époque, durant les candidatures per- fession est confrontée à de nombreux
d’art. mettaient de partager le même cursus litiges relatifs à la revendication de
que les étudiants de romane. J’ai beau- tableaux volés (pendant la guerre
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Au barreau, je travaillais essentielle- coup aimé les études de droit. notamment). En tant que président de la
ment pour des investisseurs étrangers Particulièrement la découverte de cette Chambre des Antiquaires, j’ai eu à me
(principalement japonais ou améri- rigueur juridique. Tellement d’ailleurs pencher également sur la question du
cains) en Belgique ainsi que pour le sec- que, comme je l’ai déjà mentionné, je droit de suite qui nous est imposé
teur aéronautique. Je ressentais cette suis devenu assistant à l’Université de aujourd’hui…et qui me semble assez
frustration que connaissent beaucoup Gand au terme de mes études. catastrophique pour le métier.
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PARCOURS D’ANCIENS
6. La décision de changer de vie a-t- ble. J’ai conservé des relations avec
elle été difficile à prendre ? d’anciens clients lorsque j’ai quitté le
barreau et mes rapports sont immédia-
La décision a effectivement été difficile tement devenus très différents. Du vou-
et a nécessité du temps… comme toutes voiement, on est passé au tutoiement.
les décisions difficiles à prendre. Mais On ne peut exercer le métier d’avocat
je suis convaincu que lorsqu’on s’est d’affaires à moitié : il nécessite un
laissé le temps de la réflexion, les déci- investissement permanent. Le métier de
sions sont beaucoup plus faciles à assu- marchand d’art permet plus de liberté.
mer. On peut ne travailler qu’avec une
dizaine de tableaux par an sans que
7. Y a-t-il des réflexes d’avocat qui cela ne mette forcément l’activité en
vous ont desservi dans votre nouvelle péril. On peut, me semble-t-il, ne
activité ? me suis ainsi constitué, un peu sans le jamais cesser le métier de marchand
savoir, un carnet d’adresses de ces col- d’art alors que vient toujours un
Je ne pense pas. Je suis dans doute plus lections importantes. Je m’intéresse moment où celui d’avocat d’affaires
prudent, moins casse-cou que certains. principalement aux œuvres des 19 et devient trop éprouvant.
Un peu plus pointilleux sur les aspects 20ème siècles et aux courants symbo-
juridiques aussi. liste, surréaliste, à l’avant-garde des 13. Avez-vous d’autres activités au
années nonante et aux mouvements sein de votre galerie ?
8. Parlez-nous de la Chambre des proches de l’abstraction. J’ai toujours,
Antiquaires que vous présidez ? comme avocat et comme marchand Nous publions des ouvrages. Avec
d’art, cru aux vertus de la spécialisa- l’aide d’historiens de l’art qui travaillent
La Chambre des Antiquaires est l’équi- tion. pour la galerie. Nous avons ainsi publié
valent de ce qu’est sans doute le Conseil deux ouvrages importants : un inven-
de l’Ordre pour des avocats. Nous 10. Où achetez-vous vos tableaux ? taire complet des sculptures publiques
imposons certaines règles déontologi- de Bruxelles et un catalogue raisonné
ques à nos membres et veillons à leur Principalement, disons 90 %, dans les de l’œuvre de Frits Van den Berghe.
respect. A cet égard, nous prononçons collections privées et 10 % seulement en
d’ailleurs peu de sanction. Nous nous vente publique. Très récemment, j’ai été
chargeons également de l’organisation notamment contacté par le Musée de
du métier. J’ai constaté un certain man- Gand qui, suite à d’importants travaux Monsieur Patrick Derom en bref
que d’information dans le chef de la de rénovation, souhaitait acquérir une
plupart des membres. Souvent les mar- œuvre majeure pour sa réouverture. Je Docteur en droit de l’Université de
chands sont assez mal renseignés et l’ai trouvée chez une des ces familles Gand (1971)
peu au fait de leurs droits et obligations. new-yorkaises qui a quitté la Belgique
Nous organiserons d’ailleurs au mois durant la guerre. LL.M. – Université de Harvard –
d’avril une journée d’études sur la pro- U.S.A. (1974)
blématique des droits et obligations des 11. Avez-vous d’autres passions ? Avocat à partir de 1971, à Gand,
LA CONFÉRENCE
marchands d’œuvres d’art pour pallier ensuite à New York et, à partir de
ce manque. Le voyage. Cuba, l’Inde, l’Amérique du 1975, à Bruxelles au sein du cabinet
Sud, la Grèce. Et les lectures qui se rap- de Bandt, van Hecke.
9. D’où est née votre passion pour l’art ? portent au voyage. J’adore aller à la
Comment êtes-vous devenu collection- découverte d’un pays. Patrick Derom quitte le barreau en
neur ? 1985 pour créer la galerie Patrick
12. Quelle est la principale différence Derom à Bruxelles.
Mon père était lui-même collectionneur. que vous voyez entre votre parcours
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Il y avait des tableaux de la cave au d’avocat et celui de marchand d’art ? En 1998, il ouvrira la galerie
grenier. Cela a suscité chez moi un inté- Shepherd & Derom à New York.
rêt, pour ne pas dire une passion pour Quelle que soit sa pratique, l’avocat est
l’art. Lors de mon séjour à New-York, toujours confronté aux problèmes des Patrick Derom est actuellement prési-
j’occupais mes temps libres à visiter les gens. Le marchand d’art est lui dent de la Chambre Royale des
collections privées qui avaient quitté la confronté à la passion des gens et Antiquaires de Belgique.
Belgique au moment de la guerre. Je croyez-moi, c’est beaucoup plus agréa-
N°3 P. 12Désormais, vous pouvez aussi fermer vos comptes rubriqués via Internet Parce que la gestion de votre temps est pré- déplacer. Aujourd’hui, nous allons plus loin dans cieuse, que chaque minute compte, ING Privalis la recherche constante de votre satisfaction, en met tout en œuvre pour faciliter ajoutant deux nouveaux services: la l’exercice de votre profession. Ainsi, simulation d’un décompte d’intérêts Home’Bank Plus, notre système d’e- et la fermeture d’un compte rubriqué banking réservé à notre clientèle via Internet. Car depuis toujours, professionnelle, vous permet déjà d’ouvrir et de nous pensons que servir au mieux vos intérêts, gérer vos comptes rubriqués sans devoir vous c’est aussi notre intérêt. Profitez de Home’Bank Plus. Renseignez-vous sur www.privalis.be ou auprès de l’ING Privalis Desk au 02 464 63 02, du lundi au vendredi, de 8 h à 20 h.
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