Livret pédagogique A l'école de l'accessibilité Un film de Tinsakré Konkobo et Paratéba Yaméogo
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Livret pédagogique A l’école de l’accessibilité Un film de Tinsakré Konkobo et Paratéba Yaméogo Mai 2015 Les enjeux de l’éducation : Du rendez-vous de Jomtien en 1990 au forum mondial sur l’éducation à Dakar en 2000 en passant par la conférence à la mi-décennie à Amman en Jordanie De nos jours, pour relever les multiples défis, il importe de s’appuyer sur des leviers puissants capables de faire basculer les lourds obstacles qui barrent le chemin vers l’accomplissement d’un destin meilleur des diverses communautés humaines. C’est le sens de l’appel lancé à tous les pays, à tous les peuples et à tous les citoyens du monde, en faveur de l’Education pour tous. En mars 1990, 4 organismes des Nations-Unies (l’UNESCO, l’UNICEF, le PNUD et la Banque Mondiale) ont pris l’initiative d’organiser un grand rendez-vous à Jomtien (Thaïlande) pour sceller dans une charte mondiale, l’engagement des Organisations Non Gouvernementales, des personnes individuelles, à militer afin que le droit fondamental à l’éducation pour chaque personne se concrétise. C’est ainsi que des représentants de 155 pays et de 150 organisations se sont engagés à garantir l'Éducation pour tous pour l'an 2000. Leur objectif était que toute personne - enfant, jeune ou adulte - "bénéficie d'une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux". La déclaration mondiale sur l’Education pour tous définit ainsi une nouvelle orientation générale en matière d'éducation.
Cette Déclaration a sonné le glas des systèmes éducatifs rigides et normatifs, pour ouvrir la voie à une ère favorable au développement de la flexibilité. Désormais, l'éducation serait faite sur mesure, adaptée aux besoins, à la culture et aux moyens des apprenants. C'est à Jomtien qu'a été prise la décision de faire le bilan des progrès accomplis une décennie plus tard. L'année 1996 a vu deux importantes étapes. La Conférence à la mi-décennie à Amman (Jordanie) a révélé qu'un considérable travail avait été réalisé dans ce domaine. Le rapport auquel elle a donné lieu indiquait qu'il était nécessaire de procéder à une évaluation plus approfondie. La Commission internationale sur l'éducation pour le vingt et unième siècle, quant à elle, défendait dans son rapport à l'UNESCO, une idée holistique de l'éducation reposant sur quatre "piliers" : apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être et apprendre à vivre ensemble. Le texte a été adopté par un grand nombre de pays. La décennie de l'Éducation pour tous a trouvé son apogée lors du Forum mondial sur l'éducation de Dakar (Sénégal) du 26 au 28 avril 2000, où fut adopté le Cadre d'action de Dakar "l'Éducation pour tous : tenir nos engagements collectifs". Ce document engage les États à réaliser les objectifs d'une éducation de base de qualité pour tous pour l'an 2015. Il insiste en particulier sur la scolarisation des filles et renferme la promesse de pays et d'organismes donateurs qu'"aucun pays qui a pris un engagement sérieux en faveur de l'éducation de base ne verra ses efforts contrariés par le manque de ressources". C’est dans ce contexte que l’Education inclusive qui est essentiellement axée sur la scolarisation des enfants handicapés trouve sa raison d’être. Au Burkina Faso, comme dans les autres pays d’Afrique subsaharienne, l’accès à l'éducation des enfants handicapés reste un grand défi. Les enfants handicapés souffrent du double préjudice d'avoir un handicap et de ne pas pouvoir accéder aux services sociaux de base comme l'éducation. Les gouvernements, les ONG et les partenaires techniques et financiers conjuguent les efforts afin que les enfants handicapés ne restent pas définitivement en marge de l’Education.
Handicap et Education inclusive Selon la définition des Nations Unies « Le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la vie de la société sur la base de l’égalité avec les autres» Dans l’opinion couramment admise, l’éducation inclusive se résume à l’éducation des enfants handicapés. Toutefois, les définitions de l’éducation inclusive peuvent varier selon le contexte et les intérêts des différents acteurs de l’éducation. Quand on part du principe que tous les enfants peuvent et doivent apprendre, l’éducation inclusive est un processus qui évolue en permanence. Les diversités suivant le statut social des parents des enfants, les âges, le genre, l’ethnie, la langue, le handicap, l’enfance vulnérable et / ou orphelin doivent être reconnues et pris en compte. Les méthodes et les techniques pédagogiques, les systèmes éducatifs, les structures éducatives, doivent être développés et adaptés, afin de répondre aux besoins de tous les enfants sans exception aucune. Dans cet ordre d’idée, l’éducation inclusive peut être perçue comme partie intégrante d’une large stratégie visant à promouvoir une société inclusive. Handicap et représentations sociales, le cas du Burkina Faso Le concept de représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les représentations sociales sont des modalités de pensée pratique orientées vers la communication, la compréhension et la maîtrise de l'environnement social, matériel et idéel. Historiquement, perçu en termes mythologiques et religieux, le handicap a souvent été associé à une malédiction divine, au châtiment pour un péché, à un sort jeté par des sorciers/sorcières. Ces points de vue qui persistent de nos jours au Burkina Faso sont largement relayés dans le manuel de formation des enseignants en éducation inclusive en ces termes : « Des cas d’infanticides étaient jadis constatés sur des enfants qui naissaient avec une malformation. Ces derniers étaient abandonnés, déposés vivants dans les fourmilières, dans les bois sacrés ou éliminés discrètement par le système d’étouffement, de gavage, de lavement (purge) avec des décoctions toxiques. Ces forfaitures étaient attribuées par la suite à la punition des ancêtres, aux génies et autres dieux. Des enfants « encéphalopathes » sont considérés dans certaines familles comme des enfants serpents, "porte-malheur", génies ou comme des animaux pour des familles de chasseurs… Dans d’autres milieux, ils sont souvent abandonnés à leurs mères sans aucun soutien sous prétexte qu’elles auraient
enfreint aux coutumes ou qu’elles auraient traversé un bois sacré, une rivière ou une grotte aux serpents (cas de Séguénéga dans la province du Yatenga) pendant la grossesse…» En pays bissa (Garango) par exemple, les personnes aveugles sont considérées comme des êtres ayant un certain pouvoir surnaturel, ce qui peut constituer une source de marginalisation. Les représentations sociales font que bon nombre d’enfants présentant un handicap léger ne sont pas scolarisés. Toutefois, il faut noter une certaine amélioration de la perception des personnes handicapées par la société. Au cours des 19è et 20è siècle, le développement des sciences et de la médecine a permis de comprendre que le handicap a une cause biologique ou médicale, avec des déficiences au niveau de la fonction et de la structure de l’organisme qu’on associe à différents états de santé. Ce modèle médical se concentre principalement sur la guérison et le recours à des soins médicaux par des professionnels. Par la suite, de nouvelles approches sociales sont passées des aspects médicaux du handicap vers des problématiques qui identifient les barrières sociales et la discrimination auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, tout en élargissant la définition du handicap. Cette nouvelle perception met l’accent sur la responsabilité de la société ainsi que la nécessité de se concentrer sur l’élimination des obstacles et le besoin de privilégier le changement social en faveur des personnes handicapées. Education inclusive et les types d’école au Burkina Faso Au Burkina Faso on peut citer 3 principaux types d’école dédiée à l’éducation inclusive : 1. Les écoles spécialisées qui développent une offre éducative pour un type de handicap spécifique (sourds, aveugles, déficients intellectuels). Peu de promoteurs d’expériences revendiquent ce statut, car dans la quasi-totalité des cas, la tendance est d’aboutir à terme, à une intégration globale des enfants en situation de handicap et ceux dits « normaux ». Ces écoles relèvent exclusivement d’organisations de la société civile ou du privé. 2. Les écoles intégratrices sont les plus nombreuses, tant dans le secteur privé qu’au niveau des établissements publics. Elles sont organisées sous forme de Classes transitoires d’inclusion scolaire (CTIS) au sein desquelles les élèves bénéficient d’un enseignement spécifique qui les prépare pendant 3 à 4 ans à intégrer une école classique. Elles concernent surtout l’éducation des handicapés auditifs et visuels. Elles reçoivent parfois des enfants ayant des problèmes de langage ou d’infirmité motrice et cérébrale (IMC) et des épileptiques. Il arrive que des écoles formelles ordinaires accueillent des enfants handicapés sans pour autant leur assurer véritablement la prise en charge nécessaire : matériel et infrastructures non adaptés, enseignants pas suffisamment formés. 3. Les écoles dites inclusives qui intègrent dès la première année d’enseignement, les enfants handicapés et les enfants dits « normaux ». Ce type d’inclusion directe est courant dans l’enseignement des enfants handicapés auditifs. L’accent est mis sur la formation de l’enseignant qui utilise la double modalité de l’acte de la parole et celui de la langue des signes. Quelques rares écoles sont préalablement aménagées pour accueillir les enfants (infrastructures, matériel, formation des enseignants).
Aspect juridique de l’Education inclusive au Burkina Faso Sur le plan juridique, des lois et des textes garantissant l’éducation inclusive au Burkina Faso sont adoptés mais la mise en pratique et le respect de ces lois et textes connaissent d’énormes difficultés. En effet, le Droit des personnes handicapées souffre d’un obstacle qui se perpétue depuis les années 1960. Ces obstacles sont liés à la difficile cohabitation entre le droit coutumier qui ne laisse que peu de chance aux enfants en situation de handicap et le droit institutionnel, moderne qui prend en compte les besoins d’une société moderne, démocratique et ouverte sur l’international . Comme lois et texte favorables à l’éducation inclusive on peut citer entre autres : l’adoption de la Zatu33 n°86-005/CNR/PRES du 16 janvier 1986 qui propose un éventail de mesures sociales destinées aux personnes handicapées dans les domaines de l’éducation, de la santé, des transports publics. La ratification en juillet 2009 de la Convention adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap en décembre 2006. L’adoption de la Loi n°012-2010/AN du 1er avril 2010 – Protection et promotion des personnes handicapées - promeut les droits des personnes handicapées grâce à un ensemble de mesures sociales comme la renaissance de la carte d’invalidité, la rééducation ou la gratuité des soins de santé primaires et de réadaptation, l’accès prioritaire aux établissements scolaires et de formation professionnelle les plus proches du domicile, la formation des enseignants à l’éducation inclusive, un recul de la limite d’âge d’entrée à l’école, des dispositions règlementaires particulières qui tiennent compte de la situation de l’enfant en situation de handicap pour les examens et concours. Inspirée de la Convention Internationale relative aux droits des Personnes Handicapées, elle constitue en fait une adaptation de cette convention au contexte burkinabè. L’un des effets les plus intéressants est la prise en compte de la situation de handicap chez l’enfant en proposant des pistes de réflexion sur la prévention, le dépistage et la prise en charge du handicap chez l’enfant. En outre, la loi évoque la création de centres d’éducation spécialisée ayant pour vocation l’accueil des enfants handicapés qui ne peuvent pas fréquenter une école ordinaire.
Les principales difficultés liées à la réussite de l’Education inclusive au Burkina Faso L’Education inclusive rencontre des difficultés liées au manque de matériel logistique et didactique dans des infrastructures inadéquates. Or, le développement de l’éducation inclusive implique, d’une part, l’engagement de moyens importants en matériel et en ressources humaines, et d’autre part, il nécessite une pédagogie différenciée complexe à mettre en œuvre. Par exemple, l’insuffisance de supports illustratifs adaptés à certains types d’apprentissage (géographie, sciences naturelles, géométrie) chez les handicapés visuels constitue une grande lacune. Par ailleurs, il convient de citer la problématique de la formation des enseignants sur l’Education inclusive, source de ressources humaines insuffisantes, peu formées et mobiles. Un module sur l’Education inclusive est intégré dans les Ecoles Nationales des Enseignants du Primaires certes, mais ces modules sont limités et les enseignants expriment la difficulté de mettre en œuvre sur le terrain les connaissances apprises sur l’Education inclusive. Conclusion Pour l’atteinte des objectifs de l’engagement de Dakar, à savoir « l’éducation pour tous », les différents acteurs doivent faire de l’éducation inclusive un enjeu majeur et mettre en place un système éducatif qui prend en compte l’ensemble des enfants handicapés. Ce système éducatif devrait s’attaquer aux problèmes suivant : infrastructures insuffisantes et pas adaptées ou inexistantes, enseignants pas formés ou faiblement motivés à l’enseignement des enfants handicapés, pédagogie inadaptées aux enfants handicapés. Au-delà de l’insuffisance des infrastructures et de personnel qualifié, l’éducation inclusive souffre des représentations sociales qui condamnent les enfants handicapés à rester en dehors de toute forme d’insertion sociale alors que le développement économique et sectoriel tant prôné est avant tout celui du développement humain et social. C’est pourquoi, des séances de sensibilisation et de plaidoyer formelles doivent être organisées auprès de l’ensemble des populations afin de démontrer que le handicap n’est pas une fatalité et que les enfants handicapés sont capables d’aller à l’école et de réussir leur vie tout en participant au développement de leur pays. Ces sensibilisations doivent être un travail de longue haleine étant donné qu’il s’agit de changement de mentalité et/ou de comportement. Bien qu’il
existe un lien étroite entre l’éducation inclusive et le handicap, l’éducation inclusive ne dépasse- t- elle pas aussi les situations de handicaps ? Pour aller plus loin : Agence européenne pour le développement de l’éducation des personnes ayant des besoins particuliers : Les principes clés de la promotion de la qualité dans l’éducation inclusive – Recommandations à l’intention des responsables politiques, Odense, Danemark, 2009 Assemblée Nationale du Burkina Faso : loi 13/2007/AN du 30 juillet 2007 portant orientation de l’éducation Assemblée Nationale du Burkina Faso : Loi n°013/96/ADP du 9 mai 1996 portant loi d’orientation de l’éducation au Burkina Faso Handicap International ; Scolariser les enfants handicapés au Burkina Faso : un exemple d’approche en éducation inclusive ; Programme Burkina Faso / Niger ; Juin 2011 MENA : Guide du formateur enseignant en éducation inclusive ; juillet 2012 MENA : Manuel du formateur en éducation inclusive, juillet ; 2012 ONU Genève / Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme : De l’exclusion à l’égalité - Réalisation des droits des personnes handicapées. Guide à l’usage des parlementaires: la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif ; 2007 Serge Ebersold : L’inclusion : du modèle médical au modèle managérial ? http://www.cairn.info/revue-reliance-2005-2-page-43.htm UNICEF : Etat des lieux de l’Education inclusive au Burkina Faso ; 2013 Valérie Liechti : Mesurer un Droit de l’Homme ? L’effectivité du Droit à l’éducation. ILO (2002) Disability and Poverty Reduction Strategies, http://www.imf.org/external/np/TSRPgen/2002/eng/091102.pdf Tinsakré Konkobo, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à l'Université de Koudougou
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