MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE - Opéra Comique
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MÂROUF, SAVETIER DU CAIRE Opéra-comique en cinq actes d'Henri Rabaud. Livret de Lucien Népoty. Créé à l’Opéra Comique le 15 mai 1914. Direction musicale - Marc Minkowski Mise en scène - Jérôme Deschamps Décors - Olivia Fercioni Costumes - Vanessa Sannino Lumières - Marie-Christine Soma Chorégraphie - Franck Chartier (Peeping Tom) Assistants à la mise en scène - Sophie Bricaire, Damien Lefèvre Assistant à la chorégraphie - Louis-Clément Da Costa Assistant aux lumières - Sébastien Böhm Mârouf - Jean-Sébastien Bou Princesse Saamcheddine - Vannina Santoni Le Sultan - Jean Teitgen Chœur de l’Opéra National de Bordeaux Le Vizir - Franck Leguérinel Orchestre National Bordeaux Aquitaine Ali - Lionel Peintre Fattoumah - Aurélia Legay Le Fellah / Premier marchand - Valerio Contaldo Reprise de la production de 2013 | Production Opéra Comique Ahmad - Luc Bertin-Hugault Reprise en coproduction avec l’Opéra National de Bordeaux Le chef des marins / Un ânier / Premier muezzin / Premier homme de police - Yu Shao AVEC L'AIMABLE PARTICIPATION DE PARTENARIAT MÉDIA Durée estimée : 3h avec entracte Second muezzin - Jérémy Duffau Spectacle en français surtitré Second mamelouk / Second homme de police - Sydney Fierro Second marchand /Premier mamelouk - Simon Solas* Le Kâdi / Cheikh-al-Islam - David Ortega* Introduction au spectacle, 45 min. avant la représentation, salle Bizet | Chantez Mârouf, 45 min Danseurs : Julie Amesz, Hélène Beilvaire, Mélissa Blanc, Cécile avant la représentation, au foyer | Rencontre avec Caro, Maya Kawatake, Marlène Rabinel, Casia Vengoechea, les artistes de la production mardi 24 avril à 19h Candide Sauvaux, Thomas Michaux, Louis-Clément Da Costa. *Membre du Chœur de l'Opéra National de Bordeaux 2 3
À LIRE AVANT LE SPECTACLE Le livret exploite le ressort principal du conte, le « bluff » monté par Mârouf et son ami Ali. Ce terme relatif au jeu de poker commençait Par Agnès Terrier à entrer dans le vocabulaire militaire. Le succès de Mârouf en répand l’usage courant à partir de 1914. Au début du XXe siècle, les empires Si le visuel a longtemps primé, car tout ce que vous m'écrivez, de l'anneau magique qui évoque trop à la partition, elle satisfait le nationalisme jouée jusqu’en 1950 pour un total coloniaux atteignent leur expansion le musical a été stimulé par les musiques c'est de la musique ». À Mârouf Wagner, et exploite le ressort principal ambiant : « cette œuvre va prouver de 116 représentations. maximale et sont célébrés dans turques jouées en Europe, puis par succèderont après‑guerre un opéra du conte, le « bluff » monté par Mârouf à tous et partout que l’on écrit encore les témoignages des voyageurs partis et trois musiques de scène. et son ami Ali. Ce terme relatif au jeu chez nous de la bonne, de la vraie Entretemps, Mârouf a voyagé en province l e s ex p o s i t i o n s u n i ve r s e l l e s plus loin ou ailleurs. de poker commençait à entrer dans musique française » (Le Petit Journal). à partir sa création rouennaise en 1919, et coloniales, tandis que la vogue Après une décennie d’œuvres plutôt le vocabulaire militaire. Le succès et à l’étranger à partir de sa première orientaliste a gagné tous les arts. En 1910, Paris découvre Shéhérazade : dramatiques, alors que la menace d’un L’œuvre est reprise chaque année C’est alors que paraît, entre 1899 de Mârouf en répand l’usage courant. new‑yorkaise en 1917, au Metropolitan la symphonie-ballet de Rimski-Korsakov, conflit avec l’Allemagne se précise, jusqu’en 1917 avec Périer. Lui succèdent et 1904, dans La Revue blanche puis Opera sous la baguette de Pierre produite par les Ballets Russes, la direction de l’Opéra Comique – Albert La création a lieu le 15 mai 1914 sous les ténors Thomas Salignac et Fernand chez Fasquelle, une nouvelle version Monteux. L’Europe, les deux Amériques et est dansée par Vaslav Nijinski dans Carré puis Pierre-Barthélémy Gheusi la baguette de François Ruhlmann. Francell, puis le baryton André-Gaston des Mille et Une Nuits. La traduction et les frères Isola – veut produire l’Égypte (Le Caire en 1926) l’applaudissent des décors et des costumes de Bakst : À 45 ans, le créateur de Pelléas, Baugé. À partir de 1923, Mârouf pâtit de Joseph-Charles Mardrus (1868-1949) du gai et du spectaculaire. Népoty le baryton Jean Périer, interprète de la comparaison avec Le Hulla, jusqu’à la veille de la Seconde Guerre les Mille et Une Nuits sont désormais enthousiasme le public. Poétique, drôle, évoque « ce palais de féerie qu’est le rôle-titre au côté de Marthe Davelli nouvel ouvrage « oriental » signé Marcel mondiale, où ses représentations apparentées à l’art moderne. coloré, le récit, présenté comme enfin l’Opéra‑Comique ». Trois ans après en Saamcheddine, et de Félix Vieuille, Samuel-Rousseau. Rabaud ayant susciteront de nombreuses manifestations intégral, est aussi plus érotique que Un an plus tôt, Henri Rabaud, la création de L’Heure espagnole le créateur d’Arkel, chanteur « voué aux dirigé l’orchestre de l’Opéra pendant francophiles. Indice de sa notoriété, la version d’Antoine Galland, réalisée qui a donné en 1904 une tragédie de Ravel, Rabaud apparaît comme longues barbes ». Les cinq tableaux une dizaine de saisons, il négocie avec Rabaud est sollicité en 1929 pour son au début du Siècle des Lumières. à l’Opéra Comique, songe à aborder un homme de synthèse : admirant sont mis en scène par Pierre Chéreau et son directeur Jacques Rouché pour adaptation en film muet accompagné le registre comique. Son ami Lucien à la fois la Louise vériste de Charpentier Gheusi, de façon « charmante et parfaite » y faire passer l’œuvre. Au terme d’un orchestre de cinéma, un projet Medium populaire d’une image Népoty lui fait lire L’Histoire du Gâteau et le Pelléas symboliste de Debussy, dixit Reynaldo Hahn, dans des décors d’un conflit où intervient la Société qu’il refuse par attachement aux paroles. de l’Orient, les Mille et Une Nuits ont échevelé au miel d’abeilles, un conte ce disciple de Saint-Saëns propose de Jusseaume et des costumes de des Auteurs, la Salle Favart abandonne inspiré la peinture, l’édition illustrée découvert par Mardrus. Complice une comédie chantée tout du long Multzer, avec des ballets réglés par Mârouf en 1927 après 129 levers En 2018, l’Opéra Comique dirigé par et le théâtre, depuis les spectacles de Firmin Gémier au Théâtre-Antoine, (et non un opéra-comique traditionnel), Mariquita. Florent Schmitt applaudit de rideau. La « seconde première » Olivier Mantei a choisi de reprendre forains de l’Opéra Comique naissant Népoty a travaillé avec Rabaud aux d’un orientalisme de bon aloi, « l’un des plus intéressants spectacles parisienne de Mârouf a lieu le 21 juin le Mârouf de 2013, signé Jérôme jusqu’aux opérettes de la Belle Arènes de Béziers : « Vous êtes, lui plus digeste et français que l’Orient que l’Opéra Comique ait montés depuis 1928 au Palais Garnier, sous la baguette Deschamps, et remonte ce spectacle Époque, en passant par des ouvrages écrit Rabaud, plus musicien que tous barbare et sensuel des Russes. Le livret longtemps » et Xavier Leroux loue du compositeur, avec Georges avec l’Opéra de Bordeaux sous la signés Grétry, Cherubini ou Boieldieu. les compositeurs que je connais simplifie l’intrigue originale, réduit le rôle sa « philosophie souriante ». Quant Thill et Fanny Heldy. L’œuvre y est baguette de Marc Minkowski. 4 5
ARGUMENT ACTE I ACTE II ACTE IV Dans le souk du Caire, Mârouf, Un long voyage puis une tempête Les jours passent, l’enquête du Vizir un modeste savetier, est martyrisé ont jeté la felouque sur les rivages se resserre, le Sultan commence par son épouse Fattoumah, dite de Khaïtan. Mârouf est recueilli par à douter. Le savetier avoue l’imposture la Calamiteuse. Déçue par le gâteau le prospère Ali en qui il reconnaît à la princesse. Pour lui prouver qu’il lui a offert , elle ameute son ami d’enfance. Ali l’habille son amour, elle s’enfuit avec lui. le voisinage et l’accuse de l’avoir somptueusement puis le présente battue. Le Kâdi le condamne comme un richissime marchand à la bastonnade. Après cette épreuve, qui attend sa caravane. Malgré ACTE V Mârouf s’enfuit avec un équipage la méfiance du Vizir, l’avide Sultan Dans le désert, un vieux fellah laboure qui descend le Nil vers la Méditerranée. de Khaïtan invite Mârouf au palais. péniblement son champ. En échange de son hospitalité, Mârouf poursuit son travail. La charrue dégage de la terre ACTE III l’entrée d’un souterrain au contenu Mârouf doit épouser la fille du Sultan fabuleux. Le fellah, en réalité un génie, au cours d’une fête magnifique. fait paraître une caravane de richesses Contre toute attente, la princesse alors qu’arrivent le Sultan, le Vizir Saamcheddine s’avère non seulement et les mamelouks. Mârouf est réhabilité docile mais aussi ravissante. et le Vizir condamné à mort. Jean-Sébastien Bou, Mârouf Vannina Santoni, Saamcheddine 8 9
Marc Minkowski Direction musicale Jérome Deschamps INTENTIONS Mise en scène JÉRÔME DESCHAMPS DE 2013 À 2018 Alors directeur de l'Opéra Comique, je souhaitais en 2013 que Mârouf savetier du Caire donne, dans la Salle Favart, l’impression d’un véritable voyage, un voyage vers des contrées imaginaires pleines de saveurs et d’exotisme, où le merveilleux se serait fait subversif tant l’illusion du conte devenait convaincante et forte d’alternatives possibles au réel. Mârouf est un pauvre du Caire, un misérable savetier aux babouches peu rémunératrices. Victime d’une épouse calamiteuse au charme inexistant, qui ne fait qu’accroitre son lot de peines en l’assommant de caprices impossibles et de ruses malintentionnées, il envie le sort des musulmans dont les femmes « à la peau beurrée » adoucissent Mon intention a consisté à jouer directement le contour des jours. Il rêve d’un ailleurs plus facile et plus heureux, où la justice avec les ressorts et les artifices du théâtre, d’Allah pourrait bousculer la destinée des en utilisant la cage scénique comme une boîte hommes et la renverser complètement. magique truffée d’astuces et de surprises. Comme par un tour de magie. 10 11
Lionel Peintre, Ali Jean-Sébastien Bou, Mârouf Le miracle se produit dans sociale et politique accablante qui m’a surnaturelles, qui viennent contrecarrer la ville des Mille et Une Nuits, où la permis de plonger sans retenue dans leur ordre et renverser le réel. magie opère grâce à la main divine l’univers des Mille et Une Nuits, avec Car ce monde de la fiction ne dépend et à l’intervention malicieuse des la force éblouie et naïve de l’enfant pas que de la seule volonté des hommes. génies. Ami perdu et retrouvé, sultan qui s’enchante à la découverte d’un vénal et irresponsable, princesse à la conte, et qui conserve en lui cette Mon intention a consisté à jouer beauté foudroyante et au cœur noble, croyance immédiate, innocente, directement avec les ressorts et les galopades amoureuses dans des plaines infaillible et formidable en l’impossible. artifices du théâtre, en utilisant la cage désertiques, où la métamorphose Les fondements de la réalité, scénique comme une boîte magique inattendue d’un vieillard en haillons aussi concrets et quotidiens que truffée d’astuces et de surprises, pour fait surgir une caravane regorgeant de le commerce, amoureux et marchand, donner à rêver, pour laisser place aux trésors : chaque hasard de l’intrigue se ou le pouvoir de l’argent, ne quittent fantasmes et au fabuleux de l’histoire révèle un nouveau coup de chance. jamais l’intrigue. Ils la rythment telle qu’elle est racontée. L’élégance au contraire, de rebondissement en mystérieuse des pyramides, l’agitation Jean Teitgen, Le Sultan C’est cette irruption foisonnante rebondissement, mais sans jamais folle du souk, les beautés langoureuses Franck Leguérinel, Le Vizir du merveilleux dans une réalité maîtriser les forces extérieures, presque du palais, l’intimité voluptueuse du harem, 12 13
le vide immense d’une plaine désertique en elle la fougue bariolée et onirique Comme un livre dominée par un sphinx imposant : des Mille et Une Nuits. Comme un livre d’enfant, le décor tout cela doit exister sur le plateau d’enfant, le décor se déplie, s’invente de la Salle Favart, avec la même à chaque acte, dans un relief déstructuré, se déplie, s’invente naïveté que celle dont jouaient les truqué, impossible et malin, comme dans à chaque acte, contemporains d’Henri Rabaud pour certains tableaux de Léopold Survage dans un relief faire découvrir au public français où les formes planes échafaudent une déstructuré, truqué, l’Orient dans ses traits les plus évidents, structure d’ensemble qui donne l’illusion les plus savoureux aussi. d’un volume étourdissant et irréel. impossible et malin. Il leur faut une gaieté lumineuse La partition de Rabaud invite et des couleurs éclatantes, de même au même dépaysement, à cette que dans les costumes, pour exprimer excitation gourmande, curieuse, de cette poésie de l’ailleurs et permettre tonalités étrangères et méconnues. au spectateur de se laisser surprendre Avec ses accents orientalisants et ses par la magie de la scène comme rythmes contrastés, la musique porte par celle d’un voyage. 14 15
MARC MINKOWSKI une carte postale de l’art français, dès 1915 sous la direction de Rabaud DE L’OPÉRA DE et qui berça des générations de lui-même, puis régulièrement à l’affiche BORDEAUX chanteurs de Paris à New York, offrait au XXe siècle, lors de seize séries À L’OPÉRA COMIQUE forcément une matière exceptionnelle. de représentations, j’ai décidé de programmer ce spectacle à l’Opéra de J’ai été séduit par la mise en scène Bordeaux. Nous venons de le jouer en En 2013, j’ai abordé la partition de Jérôme Deschamps comme par cette deuxième saison de mon mandat et le spectacle de l’Opéra Comique le travail des artistes rassemblés en de directeur. Mârouf est un chef-d’œuvre avec une grande curiosité, sachant 2013, à commencer par Jean‑Sébastien à restaurer, en attendant de mieux qu’il n’y a pas de fumée sans feu : Bou qui est le grand titulaire du rôle- appréhender le reste de la production un ouvrage joué partout au XXe siècle, titre aujourd’hui. Lorsque j’ai su que de Rabaud, grand compositeur considéré entre les deux guerres comme l’œuvre avait été jouée à Bordeaux et chef d’orchestre. Mârouf est un chef-d’œuvre à restaurer, en attendant de mieux appréhender le reste de la production Valerio Contaldo, Le Fellah d'Henri Rabaud, qui fut un grand compositeur et chef d’orchestre. 16 17
Le rôle de Mârouf me frappe par son aspect éminemment mélodique : il est écrit et s’appréhende comme un long récital de mélodies. Dans Mârouf, on entend des échos Le rôle de Mârouf me frappe par collective qui accompagne l’ouverture de la vie musicale de la Belle Époque : son aspect éminemment mélodique : du bazar ou la fuite des amoureux, Ravel, d’Indy (je pense à sa Symphonie il est écrit et s’appréhende comme en passant par les rythmes chaloupés sur un chant montagnard français), un long récital de mélodies, dès de l’air « À travers le désert », Puccini (pour l’écriture du rôle l’ouverture du rideau. La beauté si cinématographique, l’orchestre passe de la princesse Saamcheddine), Strauss de ses airs a séduit barytons par les phases les plus diverses (Fattoumah la Calamiteuse tient et ténors, et la double orientation pour peindre les paysages orientaux d’Elektra), les Russes (dans les danses)… de ce rôle-titre devrait aussi contribuer et l’intimité amoureuse, la violence Wagner est présent en creux par à relancer l’intérêt des programmateurs et la mélancolie, la richesse et la le clin d’œil du dernier acte à l’anneau et du public pour cette œuvre. solitude. Débutant sur une anecdote du Nibelung. Debussy est là aussi, Le plus extraordinaire dans Mârouf on ne peut plus simplette – une scène du fait que Mârouf est créé par Jean est probablement la luxuriance de ménage pour un désaccord sur Périer, premier Pelléas, et le Sultan par et la virtuosité de l’orchestration, la meilleure façon de sucrer Félix Vieuille, premier Arkel. Certes les très exigeante à l’égard des un gâteau –, l’œuvre déploie une partitions sont contrastées, Mârouf étant musiciens, mais aussi très gratifiante prodigieuse palette d’émotions aussi démonstratif et spectaculaire que par le plaisir mélodique qu’elle et de situations : un véritable régal Pelléas est profond et délicat. Mais procure. D’un solo de harpe écrit pour le compositeur, pour ses la fluidité de la prose et la mise en valeur comme pour un oud, lorsque Mârouf interprètes d’alors et d’aujourd’hui, des paroles sont comparables. séduit la princesse, à la frénésie et pour le public. 18 19
LES PERSONNAGES ET LEURS COSTUMES Maquettes des costumes de Mârouf, savetier du Caire Vanessa Sannino pour l’Opéra Comique, 2013 20 21
Maquettes des costumes de Mârouf, savetier du Caire Vanessa Sannino pour l’Opéra Comique, 2013 22 23
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HENRI RABAUD (1873-1949) Henri Rabaud naît à Paris lauréat en 1897. À Rome, Rabaud Rabaud entre en 1908 à l’Opéra le 10 novembre 1873 (Debussy produit de la musique de chambre, de Paris comme chef d’orchestre. a 11 ans, Ravel naît 18 mois plus des divertissements et des Collaborant activement avec tard). Son grand-père est Louis oratorios. Des séjours en Autriche Messager et Busser ainsi qu’avec Dorus, père de l’école moderne et en Allemagne, où il appréhende les compositeurs programmés, de flûte française et frère de la l’œuvre de Wagner, complètent il développe une connaissance célèbre soprano Julie Dorus-Gras. cette période qui se conclut avec approfondie du répertoire. Réformé Son père Hippolyte Rabaud enseigne une Deuxième symphonie puis le pendant la Grande Guerre, il dirige le violoncelle au Conservatoire ; poème symphonique Procession les Matinées Nationales de 1915 sa mère Juliette est chanteuse lyrique. nocturne, d’après le Faust de Lenau. à 1917. Après-guerre, il est invité à diriger l’Orchestre Symphonique de Après ses études au lycée Condorcet, Les deux œuvres sont créées Boston : il y programme les Français en même temps que Proust, le jeune à Paris en 1899 aux Concerts et gardera des liens durables avec Henri entre au Conservatoire. Il y Colonne avec succès, tout comme le public et les interprètes américains. étudie la composition avec Massenet l’oratorio Job l’année suivante. Comme chef, il se produit à Paris, qui favorise la personnalité de chacun Alors que Rabaud épouse en 1901 en province et à l’étranger. de ses élèves. Rabaud écrit une Marguerite Mascart, dont il aura Première Symphonie qui sera créée en trois enfants, il voit son premier En 1908, il écrit la musique 1893. En 1894, dix ans après Debussy, il opéra reçu à l’Opéra Comique de scène du Premier glaive de Lucien remporte le Prix de Rome, sésame pour qu’Albert Carré ouvre alors à toutes Népoty pour les Arènes de Béziers. une carrière de compositeur en France. les tendances de la musique : il s’agit Il reviendra à ce genre avec Népoty de La Fille de Roland, une tragédie. en 1917 (Le Marchand de Venise Son séjour à la Villa Médicis lui Sa création en 1904, sous la baguette et Antoine et Cléopâtre au permet de découvrir l’opéra italien d’André Messager, ne remporte pas Théâtre-Antoine) puis en 1922 (Paul Henri Rabaud en 1914 et de se lier avec Max d’Ollone, le succès escompté. et Virginie au Théâtre Sarah Bernhardt). 27
RABAUD, ARCHAÏQUE ET MODERNE Rabaud est l’un des premiers à composer pour le cinéma avec en 1924 Le Miracle Par Michel Rabaud des loups, puis en 1927 Le Joueur d’échecs. La consécration arrive entretemps Dukas et Février), ce choix donne lieu à et éditeurs de musique, créé par Vichy À dix-neuf ans, Rabaud emporte en les romantiques, de Schumann à Grieg, une lettre à d'Ollone, cette inconstance avec son deuxième opéra, Mârouf, une œuvre intense mais ne séduit pas et qui sera liquidé en 1944. vacances des partitions de Gluck ainsi que les Russes, que l'on découvre de jugement, au nom de l'authenticité créé le 15 mai 1914 à la Salle Favart. le public qui réclame des comédies. et de Méhul, à côté des symphonies à Paris depuis l'exposition universelle et de l'évolution naturelle et nécessaire L’œuvre sera jouée dans le monde Enfin l’Opéra crée en 1934 Rolande Après-guerre, Rabaud compose de Mozart et de Beethoven. de 1889. Rabaud, lui, est agacé par de sa sensibilité. entier jusqu’à la fin de la Seconde et le mauvais garçon. La production, encore la musique de scène de Martine, Chopin, goûte peu Schumann dont il juge Guerre mondiale. très belle, souffre d’incohérences pièce de Jean-Jacques Bernard qui Dans une lettre à Daniel Halévy, son la forme "très imparfaite", et dresse Que reproche Rabaud au post- et ne remporte pas le succès, malgré a réchappé à la déportation grâce camarade de classe au lycée Condorcet, Joseph de Méhul contre Lohengrin romantisme ? La perte du sens de la forme Rabaud est élu membre de l’Académie le brillant Georges Thill. à l’intervention de Sacha Guitry, il désigne ses quatre compositeurs de Wagner, qu'il trouve trop "meyerbeerien". et de la ligne, au profit d'un enchaînement des beaux-arts en 1918, à 45 ans. et une adaptation du Jeu de l’amour préférés : "1) Mozart 2) Gluck Dans l'hommage posthume qu'il lui mouvant d'harmonies et de modulations En 1920, il succède à Gabriel Fauré En octobre 1940, alors que et du hasard de Marivaux. Il meurt 3) Beethoven 4) Méhul" en soulignant consacre, d'Ollone décrit la posture de incessantes, et de la recherche d'effets à la tête du Conservatoire national le gouvernement de Vichy réfléchit à Paris le 11 septembre 1949 avec ces bien : "Gluck avant Beethoven". son condisciple à la classe de Massenet ponctuels qui privent le temps de repères, de musique et d’art dramatique, au statut des juifs sous le régime mots : « Méphisto… c’est l’esprit des Cela peut surprendre dans cette comme "agressivement archaïque". et le discours musical de lisibilité. rue de Madrid. L’aura de Mârouf et de l’Occupation, Henri Rabaud ténèbres ». époque marquée par le romantisme Sans doute faut-il voir là des jugements Il incrimine particulièrement le wagnérisme, l’éclectisme dont il fait preuve comme communique spontanément aux allemand et ses ressacs, et partagée tranchés de jeunesse, que l'expérience pour des raisons voisines de celles chef sont les garants d’une direction autorités nazies les noms des entre franckistes et wagnériens, se chargera de moduler. Mieux connu de Nietzsche, avec qui il opte résolument ouverte. Rabaud est l’un des premiers enseignants puis des personnels partage dont Marcel Proust s'est fait et approfondi, "ce diable de Wagner" pour la tragédie contre le drame. à composer pour le cinéma avec en 1924 et étudiants juifs du Conservatoire. l'écho. Halévy, bien qu'étant l'un des deviendra pour Rabaud une référence, Le Miracle des loups, puis en 1927 Ce geste précipite leur radiation. premiers traducteurs de Nietzsche, parfois involontaire, sensible dans Comme Berlioz, ce qu'il admire chez Le Joueur d’échecs. La même année Rabaud n’en subit pas les est wagnérien, comme beaucoup. plusieurs de ses œuvres. Sa carrière Gluck et Méhul, c'est le sens tragique, paraît aussi L’Appel de la mer à l’Opéra conséquences et prend sa retraite en Le compositeur Max d'Ollone, camarade de chef d'orchestre le conduira par la clarté de la forme, le dessin des Comique, d’après Riders to the Sea avril 1941. Il fait partie du Comité Cortot de Conservatoire de Rabaud, l'ami intime ailleurs, comme Pierre Boulez, à diriger phrases et la largeur de la déclamation. de Synge. Passionnante alternative et préside le Comité professionnel des de toute sa vie, avec lequel il entretient des œuvres exécrées dans sa jeunesse. Il revient souvent sur la beauté plastique à Maeterlinck (qui a inspiré Debussy, auteurs dramatiques, compositeurs une correspondance nourrie, aime Du reste, il revendique fièrement, dans de la musique, sur sa forme plastique, 28 29
Sur une structure formelle classique, Rabaud déploie dans Mârouf une extrême diversité de couleurs et de moyens musicaux. Jean Périer a trouvé à l'encontre du vague et du flouté création en 1898, connaît un succès vif et à Halévy en 1896 : "la forme, je la vois dans le rôle de Mârouf impressionnistes. Ce goût pour une durable. Mais la grande affaire, comme assez bien : elle procéderait à la fois l’un des meilleurs de sa carrière. architecture solide, qui le rattache aux pour la plupart de ses contemporains, est de la tragédie antique, de la tragédie Il s’y montre avec un égal bonheur maîtres anciens, et cet anti-romantisme d'aborder la scène lyrique, et de relever française, et de l’oratorio classique". indolent, malicieux, naïf, imposteur, décidé se retrouveront également le défi d'y associer musique et théâtre. Il trouvera finalement son sujet dans piteux, amoureux et solennel, chez Stravinsky ou Prokofiev. Une Une fois évacué le drame wagnérien, ni une pièce inspirée de l'épopée de donnant à tous les aspects fois la forme et la lisibilité assurées, Massenet ni Saint-Saëns ne lui servent Roland. Créée à l'Opéra Comique en du rôle une vérité irréprochable. » toujours comme chez Berlioz, toutes de pilotes. S'il admire la force théâtrale 1904, La Fille de Roland, déroutante Reynaldo Hahn les audaces d'écriture, d'harmonie chez Puccini, il rejette la langue vériste. d'austérité, poliment accueillie par la et de couleur sont libérées, ce qui Cette alliance réussie d'une structure critique, est un échec. lui permet de recourir à un langage solide et d'une langue neuve, il la trouve musical varié et hétérogène, depuis de enfin dans Louise de Charpentier et dans Il se remet au travail aussitôt pour écrire Mârouf, c’est Jean Périer, longues monodies étales jusqu'à des Pelléas et Mélisande de Debussy. Pelléas une œuvre fort différente, le Deuxième c’est-à-dire le plus accompli dissonances aiguës et complexes. On l'éblouit dès sa création en 1902, tant par Poème lyrique sur le livre de Job, pour chanteur-comédien que nous ayons. ne trouve pas chez lui, malgré quelques l'étrangeté envoûtante de la langue que baryton et orchestre. Mécontent d'un Qu’il soit tragique ou comique, tours harmoniques et stylistiques très par la sûreté du métier ; mais, ajoute- premier Job, auquel il avait prêté un il est les deux avec une puissance personnels, une "manière" identifiable t-il dans une lettre à d'Ollone, comme caractère résigné, il se concentre sur de talent difficilement égalable. » comme chez Fauré, Debussy, Ravel dans "toutes les œuvres réussies, le les protestations véhémentes de Job Xavier Leroux ou Poulenc. Cet éclectisme vaut pour métier y disparaît". Sans doute s'amuse- contre son sort, à partir de la traduction les genres également : "il n'y a pas t-il à y recenser des leitmotive, mais de Renan. Cette œuvre étrange et de genre méprisable, le tout est l'essentiel n'est pas là : l'œuvre de tourmentée, l'une de ses plus originales, d'y faire de belles œuvres". Debussy est "sincère, belle et forte". associe récitatif à la Gluck, lyrisme Néanmoins, cette vive admiration puissant, chromatisme, rythmes brutaux Jean Périer dans le rôle de Mârouf, Rabaud commence par écrire des pour Pelléas n'entame pas sa volonté et dissonances stridentes. Elle est photographie parue dans symphonies et un poème symphonique, de composer une "tragédie musicale", malheureusement peu jouée et attend Le Théâtre, juin 1914 La Procession nocturne, qui dès sa à l'école des maîtres anciens. Il écrit un enregistrement de qualité. 30 31
Son deuxième essai Très absorbé ensuite par ses fonctions de Lucien Népoty, allègre et ironique, et le réalisateur : équilibre des forces du Joueur d'échecs que l'on a pu revoir Là encore, on retrouve ce souci lyrique, Mârouf savetier de chef à l'Opéra, il écrit peu jusqu'à qui s'appuie sur la traduction colorée entre l'image et la musique, apport et réentendre à l'Opéra de Paris contradictoire d'exactitude et de son deuxième essai lyrique, Mârouf des Mille et Une Nuits par Mardrus. de la couleur par la partition, dialectique en 1992 et qui a été gravé en DVD. mélange des genres : à côté de mélodies du Caire, connaît un savetier du Caire, qui connaît un entre le montage des scènes et le Ces deux partitions sont remarquables gaéliques fidèlement transcrites et succès retentissant en succès retentissant en France comme Confortées par le succès de Mârouf, montage musical, et, surtout, exigences de vivacité, de couleur et d'invention : bouleversantes de simplicité, évoquant France comme à l'étranger à l'étranger et qui lui assure la célébrité ses options musicales, longuement impérieuses de la synchronisation. on peut déplorer que Rabaud n'ait pas la vie des pauvres pêcheurs mis et lui assure la célébrité et l'entrée à l'Institut. Là encore, discutées avec d'Ollone, sont Mais ces contraintes s'accompagnaient pensé à en tirer des suites d'orchestre en scène, un riche matériau d'orchestre la structure formelle est classique, en place. Sans souci de revendiquer d'une liberté inédite : ce pouvait être autonomes pour les concerts, comme évoque, au sein d'agrégats sonores et l'entrée à l'Institut. découpée en actes et en scènes une cohérence stylistique, Rabaud une musique d'opéra sans chanteurs, le fit plus tard Prokofiev avec ses complexes, la puissance de la mer bien lisibles, avec des personnages va écrire des musiques de scène pour un poème symphonique avec images musiques de film. qui entoure et dévore peu à peu les musicalement caractérisés et une Népoty, notamment pour Le Marchand (ce dont avait rêvé Scriabine), sans souci personnages. Cette œuvre brève, déclamation large mais sans lenteur. Sur de Venise, d'après Shakespeare, d'où de devoir composer avec l'action, Nationalisme aidant, l'époque voulait contemporaine du Miracle, est l'un ces fondations solides, Rabaud déploie il tirera Trois suites anglaises, pièces d'un prise en charge par le film. Le Miracle aussi, à la suite des Russes et des des chefs-d'œuvre de Rabaud, comme une extrême diversité de couleurs classicisme mendelssohnien provocant, des loups et Le Joueur d'échecs travaux d'ethnomusicologie de Tiersot, le souligne d'Ollone, mais elle souffre et de moyens musicaux : emprunt sans l'ombre d'une dissonance. furent les premières superproductions que l'on revienne aux sources populaires sans doute, depuis sa création en 1924, de thèmes orientaux, chatoiement de françaises, colossales fresques épiques de la musique. On connaît le travail de l'atmosphère douloureuse et chromatismes, mélopées monodiques, Plus intéressantes pour nous sont les avec chevaux, batailles, loups, neige, de transcription de chants populaires pathétique - trop bien réussie ? - dont airs véritables, lyrisme suave, rythmes musiques qu'il composa pour deux décors réels et des dizaines qu'ont mené Bartók et Kodály. D'Indy et elle est empreinte. Elle aussi, malgré impairs, superposition complexe de films de Raymond Bernard, Le Miracle de milliers de figurants. La musique Canteloube en France ont aussi recouru des reprises peu convaincantes, attend lignes vocales ou de plans sonores, des loups (1924) et Le Joueur d'échecs pouvait peindre les états d'âme des à des mélodies de terroir. À sa manière, un enregistrement de qualité. clins d'œil à la bitonalité, fugue finale... (1927). Leur nouveauté est d'être écrites personnages, les climats, le suspense, Rabaud se joint à ce mouvement. Il écrit L'unité dans cette variété est acquise pour grand orchestre symphonique, les références historiques, les combats, le livret et la musique de L'Appel de la Cette volonté d'inscription populaire par le recours discret mais efficace et de devoir être exécutées pendant la les cavalcades, les scènes d'amour ou mer, d'après la pièce Riders to the sea de marque aussi deux opéras ultérieurs, à des leitmotive, comme chez Debussy, projection. Les contraintes particulières de séparation. Le Miracle n'a jamais été l'auteur irlandais Synge, dont Vaughan Rolande et le mauvais garçon (1934) et par le ton général de l'excellent livret à ce projet ont passionné Rabaud repris avec orchestre, à la différence Williams tirera aussi un ouvrage lyrique. et Martine (1947). Dans Rolande, 32 33
DES ÉTIQUETTES LYRIQUES On ne trouve pas chez lui une "manière" identifiable comme chez Fauré, Debussy, Ravel ou Poulenc. Cet éclectisme vaut pour les genres également : "il n'y a pas de genre méprisable, le tout est d'y faire de belles œuvres". à voulu que, dire : gt e m p s s en lon econnai dant bi is je r r qui pen musique. Ma l peut évoque ez rasant. i èc e e n en s, i et a ss ine p g e douza en des pécial, h a sard un que j’ai là, pour bi re " assez s ttons : d ’ ou vrir au r t i t ions . u n " g e n o ul ez pas, me Népoty, s Je vien re plus) de p a ea u mon bur t, de d’Indy , en v uci ne -ê t ès d e e Si vous n’ X actes de L . (peu t rs p r asse n en ud " ous. d e s casie titions de M de Samuel- " Pièce d’Henri Raba s e , direz-v n da n s des par entier, e sont c e s musique a pa r es ginatio que Lucien Népoty voulait situer la csárdás, et que le folklore français se Ce sont au, de Charp . Voilà ce qu usical c o mb le de l î t . C e tte ima e e la l e e de Brun , que sais-j que - Drame m Légende C’est l se me p t guère e ît assez. dans les brumes du nord, mais que montre moins susceptible de traitement s ea u l y ri - que s ce t t e pares ne me plaît m e pl a Rou s onte sica l lyri Mai ette mière e Rabaud a insisté pour placer dans musical que celui d'Europe centrale, MICHEL RABAUD : C a n m u éd i e ét i q u a p re te ne m e s m ouvrag lyrique - Ro lyrique - Tr Action ag pour l ’ f ai t avant l o nc e alléchan remières un contexte méridional, on retrouve si fécond pour tant de compositeurs ? silence nn a p - Drame ue - Comédie te oriental - cle en 3 par l’a avant l que le même souci de mélanger couleur Ancien élève de l'École normale q n dramati lyrique - Co ntique - Mira lyrique - le l a ncement si je reçois je crois bien ur Et . Et e s, e le a - Poème - Conte rom actes - Pièce oriental " uère alist si j locale et raffinement d'écriture; Ainsi attaché à fonder la modernité supérieure, agrégé de lettres e plaît g tes de journ du tout. Et mplement mais, trop inspiré de Maeterlinck, sur les leçons des maîtres anciens, classiques et lauréat du concours musical Mystère en 3 onte lyrique des vi s i rai r i en trè s s i e pas actes - e lyrique - C l en t p as j e n e leur di ose, ce sera ue j’espère n rien, le livret est quelque peu languissant Rabaud n'a pas été le seul à s'interroger des jeunes chefs d'orchestre eu nt lque c h avoir q mble à Fantais i ui ne v re " so dis que e pense, à s qui ne resse ué à ce qu’il et la recette ne fonctionne pas aussi bien sur les questions de forme à l'opéra de Besançon en 1971, Michel c e s c hoses q ans un " gen unique e j g e i q Toutes air d’être d genre e, ce qu ouvra appl lque que précédemment. Martine, d'après et à vouloir mêler des sources Rabaud a été professeur ’ ans un cellenc ait un ntraire ire que avoir l ent toutes d soir " par ex ui avoir f e suis au co hose. Pour fa as négliger m a m c ne p une pièce de Jean-Jacques Bernard, d'inspiration hétérogènes : Berg, de littérature française, précisé le genre " r soit, et cel ause car je e à quelque l t sage de initiateur du "théâtre du silence", offrait Britten et Poulenc se sont posé des puis haut fonctionnaire es t é q ui la c s s em b il e s qui od e, re e bien, lus dém entiell c. chose d x modèles. trêmeme nt à la musique de prendre en charge questions semblables de construction, au Ministère de la Culture, et le p la cause ess tion du publi u t rait ex re sensible. i es t és a f f e c n te u rs le s be a u n a t è qu des cha e eauté a suis gu l'inexprimé de la pièce. Résonnant de conduite, et de matériau sonore. tout en menant une carrière de la d rchestr La nouv auquel je ne unique ue S y m phonie, d’airs, un o tent également d'échos provençaux, cette de pianiste, de compositeur tend pas acon fugitif Une pré hantent pas, ndre ce que r ul première tentative de théâtre musical, et d'accompagnateur. Il a n e c o m pr e , s e qui c iot entre parlé et chanté, n'a, malgré son publié chez Symétrie en 2008 êche de qui emp urs – un sys ompositeurs) tème id pendant H e n ri Rabaud e c succès à la création, pas été reprise. Henri Rabaud. Correspondance les act e (chez les t on a soupé. n Népot y d n ", à Lucie Est-ce à dire que la farandole ne vaut pas et écrits de jeunesse. à la mo e ans, et do " op é ra in éd i te bre 19 32), cinquan t p e u r du mot Lettre i s , 20 octo s a r n’ai pa ( P Moi je 34 35
MÂROUF ET L'ORIENTALISME MUSICAL FRANÇAIS Marthe Davelli dans le rôle de Saamcheddine, Entretien avec Catherine Lorent photographie parue dans Le Théâtre, juin 1914 D’OÙ VIENT comme sous la plume de Montesquieu. et des percussions nombreuses L’orient s’y dévoile de manière picturale LA PASSION DES Au théâtre, la turquerie investissait et bruyantes. L’opéra-comique de Grétry, et dramatique, grâce à des images FRANÇAIS POUR tous les genres, de la tragédie (Zaïre de La Caravane du Caire, qui fut créé à la sonores riches en couleur locale : très Voltaire) à l’opéra (Les Indes galantes Cour en 1783, en est un bon exemple. longue note tenue, à découvert, évoquant LES SUJETS ORIENTAUX ? de Rameau), en passant par les pièces Pour cet Orient de convention, il est l’immensité désertique, poétique rêverie Médecin et orientaliste né au Caire, foraines (Arlequin Mahomet de Lesage préférable de parler d’exotisme, et non du soir, mise en évidence de la religion le docteur Mardrus achève de publier et d’Orneval). Elle s’avérait appropriée, d’orientalisme. musulmane avec chœur de glorification en 1904 la traduction complète des dans l’opéra-comique, à la peinture des d’Allah et chant du muezzin calqué sur Mille et Une Nuits, d’où Nepoty tire le sensibilités, comme dans Les Trois Sultanes QU’A APPORTÉ la réalité (il surprend même les auditeurs pittoresque récit de Mârouf, savetier où triompha Justine Favart en 1761. LE ROMANTISME par ses intervalles plus petits que le demi- du Caire. Deux siècles auparavant, Si les éléments visuels des spectacles À L’ORIENTALISME ? ton), exhibition de danseuses orientales entre 1704 et 1717, la publication d’une se montraient assez réalistes, d’après (almées), harmonisation réduite fondée première traduction de ces contes les témoignages de voyageurs ou Un souci du réalisme favorable sur des ostinatos rythmiques, utilisation arabes par Antoine Galland suscitait d’ambassadeurs, la fantaisie régnait au dépaysement, à la suggestion et de thèmes authentiques le cas échéant, la vogue de la « turquerie ». Fantasmé dans les intrigues (combinant sultans au rêve, tandis que le comique n’a et enfin évocation pittoresque de la par les Occidentaux – et moins craint cruels, captifs étrangers, odalisques plus cours. Dans le domaine musical, caravane, élément typique qui sera exploité qu’au siècle précédent –, l’Orient était sensuelles, eunuques, sérails, princesse, l’œuvre inaugurale et emblématique est par nombre d’orientalistes (compositeurs, alors présenté comme une civilisation caravane…) et dans la musique, dont l’ode symphonique Le Désert (1844) de peintres ou écrivains). Plusieurs de ces inverse à l’Europe des Lumières, les caractéristiques rudimentaires se Félicien David, fruit de ses impressions caractéristiques se retrouveront dans permettant d’exalter les valeurs de limitaient essentiellement à des notes recueillies au Moyen-Orient. Berlioz, Mârouf. Félicien David invite ainsi ses pairs celle-ci ou d’en livrer l’examen critique, répétées, des ostinatos rythmiques enthousiasmé, en fait aussitôt l’éloge. à voyager pour enrichir leur langage. 36 37
Certains observateurs parlent d’une vision unifiée de la culture arabe, où les clichés abondent. L’Orient serait-il une construction de l’Occident ? Presque vingt ans plus tard, sa Lalla À propos de cet orientalisme visant Universelles. Si Rabaud est né après Un orient asiatique, où Debussy une véritable révélation pour Les Danses Roukh, créée à l’Opéra Comique à restituer des éléments du monde celle de 1867, il connaît l’influence et Ravel entre autres découvrent les Français désireux d’échapper du IIIe acte de en 1862, remporte un énorme et musulman, certains observateurs qu’elle a exercée sur Lalo : dans son avec ravissement le théâtre annamite à l’emprise wagnérienne. Ravel rend durable succès : Rabaud en verra parleront d’une vision unifiée de la ballet Namouna, certaines danses sont et surtout les gamelans javanais, avec hommage à Rimski dans son ouverture Mârouf montrent L’orient une s’y dévoile reprise en 1911. de manière picturale Plusieurs de ces culture arabe, où lescaractéristiques clichés abondent. se Saint-Saëns inspirées de compose notammentnotés thèmes marocains une leurs sonorités cristallines et leurs effets Schéhérazade. Schmitt, lui, souligne que Rabaud et dramatique, grâce à des images retrouveront L’Orient serait-il dansuneMârouf. Félicien construction de Suite alors. algérienne Cette œuvre, en 1880, qui appréciée très comporte de résonance (carillons, gongs…). l’impact de la Thamar de Balakirev est aussi sensible sonores riches Entretemps, en couleur orientale la symphonie locale : David invite l’Occident ? Ilainsi ses pairs n’en reste à voyager pas moins que, une « rêverie du par Debussy soir » (à est et Schmitt, Blida) et une redonnée sur les musiciens de sa génération. à l’orient russe. très longue note tenue, à est presque devenue un genre à partdécouvert, pour mêmeenrichir pour leur langage. Presque les sédentaires vingt – comme délirante à Paris en«1908. marche militaire française », Enfin, deux « concerts historiques » Le choc artistique des Ballets Russes évoquant entière. Reyer l’immensité s’inspire à désertique, la fois du ans Bizetplus tard, sa Lalla composant pourRoukh, créée Djamileh uneà colonialiste à souhait. de musique russe marquent en de Diaghilev à partir de 1909 amplifie poétique rêverie Désert et de ses années du soir,enmise en Algérie l’Opéra danse de Comique l’alméeenet 1862, unremporte chant des un La célèbre Exposition de 1889 présente, juin 1889 l’irruption d’un troisième le phénomène, comme en témoigne évidence de la religion musulmane énorme bateliersetsurdurable le Nil –,succès : Rabaud l’Orient prend uneen À propos quant detrois à elle, cet types orientalisme visant d’orientalisme. orient, plus barbare, parfois épicé de notamment le ballet orientaliste pour écrire son ode symphonique avec chœur de glorification d’Allah et verra certaine uneréalité. reprise en 1911. à restituer L’orient desavec arabe, éléments du monde la fameuse « rue thèmes caucasiens, avec un orchestre de Dukas, La Péri, en 1912. Le Sélam (1850), évoquant le retour chant du muezzin calqué sur la réalité musulman, certains : enobservateurs du Caire » reconstituée dépit d’une chatoyant recourant au son pur des pèlerins au Caire après leur (il surprend même les auditeurs par Entretemps, la symphonie orientale parleront figuration d’une assuréevision par unifiée de la des Parisiens d’instruments solistes constamment Si Rabaud n’est pas marqué par voyage à Laplus ses intervalles Mecque. Auteur petits que de le demi- LE TABLEAU est presque devenue un genre à part culture arabe, où les de Ménilmontant et clichés abondent. de Belleville, les variés, s’appuyant sur des harmonies l’orient asiatique, certains passages nombreuses ton), exhibitionpages orientalistes de danseuses en orientales CHANGE-T-IL entière. Reyer s’inspire à la fois du L’Orient visiteurs serait-il peuventunefréquenter construction de divers crues à base de quintes à vide et de de Mârouf – en particulier les Danses lien avec ses séjours en Égypte (almées), harmonisation réduite fondée et À L’ÉPOQUE Désert et de sesDE RABAUD années ? en Algérie l’Occident ? Il n’enécouter cafés orientaux, reste pasdesmoins que, mélopées parallélismes d’accords. Déjà, quelques du IIIe acte, qui rappellent les fameuses au Maghreb, Saint-Saëns compose sur des ostinatos rythmiques, utilisation pour écrire son ode symphonique Le même arabes pour les sédentaires interprétées – comme par des musiciens années auparavant, le jeune Debussy « Danses polovtsiennes » du Prince notamment une Suite de thèmes authentiques algérienne le cas échéant, Sélam (1850), évoquant le retour des Bizet venus composant d’Égypte etpour Djamileh avec du Maghreb une avait été très marqué par cette Igor de Borodine – montrent qu’il est en 1880, qui comporte et enfin évocation pittoresque une « rêverie de la pèlerins Un certainau Caire nombreaprèsd’événements leur voyage danse de l’almée et« un leurs instruments. chant C’est des surtout musique lors de ses voyages en Russie, sensible à l’orient russe. Et surtout, du soir » (à caravane, Blida) typique élément et une délirante qui sera à La Mecque. modifient Auteur de l’approche d’unnombreuses tel sujet, bateliers aux Millesur et le UneNil Nuits –, l’Orient que laprend rue en tant que pianiste accompagnateur. comme le remarque Schmitt, à « l’Orient «exploité marche par militaire nombre française », d’orientalistes pages orientalistes en premier lieu en lien avec ses l’importance du une certaine du Caire m’aréalité.L’ orient »s’ynote fait songer dévoile un Glinka, Balakirev, Borodine, Moussorgski parfumé de jasmin et plein de joies des (compositeurs,à souhait. colonialiste peintres ou écrivains). séjours en Égypte colonialisme français et les auExpositions Maghreb, de manière dans journaliste picturale son et dramatique, compte-rendu. et surtout Rimski-Korsakov sont Orientaux sans histoire ». 38 39
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