Mai 2021 - Observatoire des multinationales
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À retenir Rémunérer les actionnaires « quoiqu’il en coûte » La crise ? Quelle crise ? En pleine pandémie et alors que 100% de ses membres touchent des aides publiques liées au COVID19, le CAC40 réussit l’incroyable performance de verser près de 51 milliards d’euros à ses actionnaires (+22%), soit l’équivalent de 140% des profits qu’il a réalisés en 2020. BlackRock et les grandes familles capitalistes françaises en sont les grands bénéficiaires, avec le soutien tacite de l’État français qui touche lui aussi une part de ces dividendes. Malgré les aides publiques massives, la tendance de long terme à supprimer des emplois en France s’accélère Plus de 80% des groupes du CAC40 ayant recours au chômage partiel ont versé un dividende en 2020 ou 2021, y compris des groupes soupçonnés d’en avoir abusé. Dans le même temps, le CAC40 prévoit de supprimer 62 486 emplois dans le monde et 29 681 en France. Les action- naires du CAC40 reçoivent l’équivalent de 815 000 euros par emploi supprimé. Qu’ils aient continué à verser de généreux dividendes malgré la crise sanitaire (Danone, Sanofi, Total) ou qu’ils aient dû être sauvés à grand renfort de milliards d’euros par les pouvoirs publics (Renault, Safran), les piliers du CAC40 se rejoignent dans la même stratégie de long terme de réduction de leurs effectifs, notamment en France. Des PDG plus choyés qu’il n’y paraît Au printemps 2020, les dirigeants du CAC40 s’étaient engagés à réduire leur rémunération « par solidarité ». Loin des 25% recommandés par l’AFEP, les PDG ont réduit leur rémunération de 8,1% en moyenne. Dix d’entre eux n’ont pris aucune initiative en la matière, et sept ont même augmenté leur rémunération en 2020 malgré la pandémie, à savoir les PDG d’Atos, Teleperformance, Renault, Kering, Publicis, Vivendi, Crédit agricole et Saint-Gobain. La France, championne d’Europe Avec 155 milliards d’euros débloqués pour soutenir les entreprises entre mars et décembre 2020, la France est, selon les données publiées par la Commission européenne, championne d’Europe en la matière. Ces 155 milliards viennent s’ajouter aux 150 milliards d’aides aux entreprises déjà en place avant la pandémie. Sans conditionnalité sociale, écologique et fiscale digne de ce nom. Pour la transparence et la conditionnalité des aides Plus d’un an après le début de la pandémie, rien ne justifie que ni le législateur ni le citoyen ne sache précisément qui a bénéficié, et pour quel montant, de l’argent public. En écartant sans ménagement toutes les mesures proposant que les grands groupes soutenus par les ressources publiques ne versent pas de dividendes, décarbonent leur outil de production ou se retirent des paradis fiscaux, l’exécutif a refusé d’activer un formidable levier pour dessiner les contours d’une économie plus soutenable, plus juste et solidaire.
Priorité aux actionnaires Malgré la pandémie, Les dividendes repartent déjà à la hausse En ce printemps 2021, alors que la pandémie de Covid-19 n’en finit pas de ne pas finir, les groupes du CAC40 continuent à bénéficier d'aides publiques massives... et les dividendes repartent à la hausse, avec près de 51 milliards d’euros versés aux actionnaires. D ébut 2020, juste avant que le virus Malgré les nombreux appels à suspen- non soignants des hôpitaux publics. Ou Covid-19 ne commence à submer- dre le versement des dividendes, seule encore ce que gagnera une personne au ger la France, le CAC40 s’apprêtait une minorité d’entreprises qui y étaient SMIC en 3,5 millions d’années. à verser à ses actionnaires (sous la plus ou moins obligées (les banques, les forme de dividendes et de rachats d’ac- entreprises dont l’État est actionnaire tions) la somme record de 64,7 milliards direct, celles qui avaient besoin d’un d’euros. soutien direct et massif des pouvoirs publics comme Renault ou Air France) Avec l’irruption de la crise sanitaire, le les ont supprimés. Au final, le CAC40 gouvernement français et les autorités avait tout de même versé à ses action- SEULE UNE MINORITÉ D’ENTREPRISES européennes ont débloqué des mon- naires près de 42 milliards d’euros de QUI Y ÉTAIENT PLUS OU MOINS OBLIGÉES tants massifs pour soutenir l’écono- dividendes et rachats d’actions. mie, et les très grandes entreprises en ONT SUPPRIMÉ OU RÉDUIT profitent très largement. Comme nous Aujourd’hui, les grandes entreprises LEUR DIVIDENDE AU PRINTEMPS 2020. l’avons montré dans le premier rapport continuent à toucher des aides pub- « Allô Bercy ? » d’octobre 20201, 100 % du liques massives, auxquelles devraient CAC40 a bénéficié et continue de bénéfi- s’ajouter bientôt les sommes issues du cier d’aides publiques, même si certains plan de relance européen, et peut-être un Encore faut-il tenir compte du fait que les groupes ont tenté de prétendre le con- second plan de relance français. Le reste versements de dividendes des banques traire. La grande majorité de ces aides de l’économie (PME, petits commerces, (BNP Paribas, Crédit agricole, Société ont été accordées sans aucune condition services publics, secteur culturel et non générale) restent strictement limités par sociale, fiscale ou environnementale. lucratif) reste enfoncé dans la crise. Mais les autorités monétaires européennes. Si les dividendes repartent à la hausse, avec les banques françaises avaient eu la liberté des versements de près de 51 milliards de verser autant de dividendes qu’elles le dividendes et rachats d’actions d’euros (43,2 milliards de dividendes et 7,6 souhaitaient, nous serions sans doute rev- (en milliards €, année de versement) milliards de rachats d’actions) qui ont été enus très près du record historique de 2019. ou doivent être approuvés ce printemps 60 par les assemblées générales des grands Les plus gros distributeurs de dividendes groupes français. Soit l’équivalent de la et rachats d’actions du CAC40 sont Total construction de 100 hôpitaux publics ou (7,6 milliards d’euros, malgré une perte 1300 lycées, ou encore 36 000 km de ligne nette sur l’année de 7,2 milliards), Sanofi ferrée TER, ou encore la rémunération (4,8 milliards), Axa (3,7 milliards), LVMH 40 des 960 000 personnels soignants et (3 milliards) et Vivendi (2,8 milliards). les groupes du cac40 les plus généreux envers leurs actionnaires (dividendes et rachats d’actions, 2020, versement en 2021, EN millions d'euros) 20 total 7 615,2 sanofi 4 818,6 axa 3 716,6 lvmh 3 041 vivendi 2 808,3 2019 2020 2021 orange 2 392,9 dividendes auxquels le CAC40 a renoncé crédit agricole 2 336,6 au printemps 2020 l’oréal 2 261,7 OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 3
Priorité aux actionnaires les principaux bénéficiaires de dividendes du cac40 (ag 2021, versements en 2021 au titre de 2020, m€) blackrock 1 684,6 état français 1 618,6 LES HYPOCRISIES groupe arnault 1 465,6 groupe bolloré 759 DE L’ÉTAT ACTIONNAIRE famille bettencourt 750,2 Comme chaque année, l’État français est – grâce à ses participations nestlé 524,7 directes (Orange, Engie, Safran) l’oréal 452,5 et indirectes (via la Caisse des dépôts) famille hermès 436,5 – l’un des principaux bénéficiaires famille pinault 401,2 des dividendes du CAC40. Plusieurs l. del vecchio 364,4 groupes de l’indice parisien où l’État mfs 341 garde un rôle prépondérant, comme les anciens services publics privatisés Engie (ex Gaz de France) et Orange Qui touche les dividendes du CAC40? dit, ils reversent l’équivalent de 100 % de (ex France Télécom) comptent Le principal bénéficiaire de la cuvée 2021 leurs profits, et puisent dans leur trésore- en effet parmi les plus généreux des dividendes du CAC40 est… BlackRock. rie pour verser les 40% restants. Certaines envers leurs actionnaires (1,3 et Le fonds d’investissement est présent au aides publiques, comme le programme 2,4 milliards d'euros respectivement). Hors de l’indice phare de la Bourse capital de la quasi-totalité des grandes d’achat d’obligations des banques centrales, de Paris, EDF reprend lui aussi la entreprises françaises, et notamment de sont spécifiquement dédiées à renforcer la distribution de dividendes celles qui versent le plus de dividendes trésorerie des très grandes entreprises sous ce printemps avec 650 millions comme Total et Sanofi. Il touchera à ce titre prétexte de les aider à « passer la crise ». On redistribués à ses actionnaires près de 1,7 milliard d’euros de la part des voit à quoi elles servent. (soit pour 84% à l’État français), grands groupes français au titre de l’exer- soit l’équivalent des bénéfices cice 2020, selon les informations publique- générés en 2020. ment disponibles2. C’est de quoi employer Aides publiques Au printemps 2020, la ministre près de 35 000 personnels hospitaliers du Travail Muriel Pénicaud avait (soignants et non soignants), ou encore indiqué que l’État français demanderait de payer l’hospitalisation en réanimation « aux entreprises dont il est actionnaire de 33 600 personnes infectées par le Covid- Trésorerie des multinationales de ne pas verser de dividendes 19 et souffrant de symptômes graves. Ou par solidarité » – une instruction encore de quoi construire 42 lycées ou 1200 très inégalement respectée comme kilomètres de lignes TER, ou d’employer nous l’avions montré dans le rapport Allô Bercy ? d’octobre 2020. plus de 84 000 personnes au Smic. Actionnaires Cette année, elle ne semble déjà plus d’actualité. Plusieurs groupes Le second grand bénéficiaire des divi- dont l’État est actionnaire – Renault, dendes du CAC40 est l’État lui-même, à Quelques groupes ont versé des divi- Airbus ou Safran par exemple – travers ses différents bras armés finan- dendes tout en ayant affiché des pertes ont aussi engagé d’importants plans ciers (Agence des participations de l’État, pour 2020 (Engie, Société générale, de suppressions d’emploi, alors même Bpifrance, Caisse des dépôts et consigna- Total). D’autres versent en dividendes qu’ils figurent parmi les plus aidés par la puissance publique au cours tions). On trouve ensuite le groupe Arnault et rachats d’actions l’équivalent de 3 fois de l’année écoulée. (à un niveau presque équivalent aux deux (Saint-Gobain), 5 fois (Veolia) ou 13 fois premiers grâce à ses participations dans (Essilor Luxottica) leurs profits... Carrefour et surtout LVMH) puis toutes les grandes familles du CAC40 : Bolloré (Vivendi), Bettencourt (L’Oréal), Hermès taux de distribution (groupe éponyme), Pinault (Kering), del (dividendes et rachats d’actions sur profit, 2020, versement en 2021) Vecchio (EssilorLuxottica), ainsi que deux essilorluxottica 1 336,47 % multinationales (Nestlé, actionnaire de veolia 455,29 % L’Oréal, et L’Oréal, actionnaire de Sanofi). saint-gobain 299,06 % Vient enfin un autre fonds d’investisse- vivendi 195,02 % ment, MFS. cac40 136,55 % vinci 119,89 % 140% des profits 2020 redistribués axa 117,47 % aux actionnaires engie -83,4 % Globalement, le CAC40 a réalisé des béné- total -105,15 % fices cumulés de 39,7 milliards en 2020 – ce société générale -180,97 % qui signifie que les grands groupes français Les taux de redistribution sont négatifs lorsque les groupes concernés ont distribué distribuent aux actionnaires l’équivalent de des dividendes tout en ayant affiché des pertes en 2020. 140% de leurs profits sur l’année. Autrement OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 4
Résultats 2020 Le CAC40 a-t-il tant souffert de la crise ? Les aides massives débloquées par les pouvoirs publics sont justifiées par le besoin d’aider les entreprises à survivre à la crise sanitaire et économique. Mais, à quelques exceptions importantes près, le CAC40 dans sa globalité s’est plutôt bien tiré de cette année difficile. D’où la question : ces dizaines de milliards d’euros ont-ils été employées à bon escient ? L e chiffre d’affaires cumulé du CAC40 tion, des petits commerces ou du secteur des centres commerciaux. À l’inverse, les est en baisse de 12% en 2020 par rap- culturel. La baisse est aussi très inégalement entreprises du secteur numérique et des port à 2019. Cette décrue reflète l’im- répartie. Les groupes industriels (aéronau- services – Wordline, Capgemini, Dassault pact global de l’épidémie de Covid-19, tique, sidérurgie, pétrole, automobile) sont Systèmes, Teleperformance, etc. – ont été mais reste limitée pour ces grands groupes ceux qui connaissent la chute la plus spec- beaucoup moins affectées, voire favorisées, – notamment par comparaison avec les taculaire de leurs ventes, au-delà de 20%, par la situation sanitaire et les restrictions. chutes de chiffre d’affaires de la restaura- de même que le groupe Unibail, spécialiste Les profits cumulés du CAC40 affichent une baisse beaucoup plus nette d’une les plus importantes hausses et baisses du chiffre d’affaires du cac40 en 2020 (par rapport à 2019) année sur l’autre : 36,9 milliards en 2020 les plus i les plus importantes hausses et baisses du chiffre d’affaires du cac40 en 2020 (par rapport à 2019) contre 82,9 milliards en 2019, soit une wordline 15,38 % wordline wordline 15,38 chute de 55%. Là encore, cependant, le capgemini 12,2%% capgemini capgemini 12,2 %% tableau est très contrasté. Et il n’en reste dassault systèmes 10,8 dassault sy dassault systèmes 10,8 %% pas moins que le CAC40 dans son ensem- teleperformance 7,04 teleperfor teleperformance 7,04 %% ble reste largement bénéficiaire malgré la st micro st micro 6,32 stcrédit micro agricole 6,32 %1,73 % pandémie et malgré les pertes spectacu- crédit agri crédit agricole vivendi 1,73 1,21%% laires, autour de 7 à 8 milliards sur un an, vivendi vivendi orange 1,21 0,08%% de Renault, Total et Unibail. Seulement 6 orange orange kering -17,52 %0,08 % groupes sur 40 ont fini 2020 dans le rouge. kering kering psa -17,52 %% -18,73 Plusieurs groupes de l’indice affichent des psa psa total -18,73 %% -21,32 bénéfices de plusieurs milliards, à com- total total unibail -21,32 %% -21,5 mencer par Sanofi avec ses profits record unibail unibail renault -21,5 %% -21,72 de plus de 12 milliards d’euros sur un an. renault renault arcelormittal -21,72 %% -25,21 arcelormit arcelormittal airbus -25,21 %% -29,18 Dix autres groupes du CAC40 affichent airbus airbus safran -29,18 %% -33,46 des profits supérieurs à 2 milliards d’euros safran safran -33,46 % en 2020, dont certains (PSA, Schneider Electric, Air Liquide) ont été largement plus gros bénéfices et pertes du cac40 en 2020 (mds€) soutenus par les pouvoirs publics, à tra- plus gro plus gros bénéfices et pertes du cac40 en 2020 (mds€) sanofi 12,3 vers les divers plans de relance et de sanofi sanofi bnp paribas 12,3 7,1 sauvetage et le chômage partiel. bnp pariba bnp paribas orange 7,14,8 orange orange lvmh 4,84,7 Six groupes voient même leurs bénéfices lvmh lvmh l’oréal 4,7 3,6 augmenter d’une année sur l’autre malgré l’oréal l’oréal axa 3,63,2 la pandémie, dont Sanofi (bénéfice multiplié axa axacrédit agricole 3,22,7 par 4,4), ST Micro (+78%) et Orange (+60%). crédit agri crédit agricole 2,7 air liquide air liquide 2,4 air liquide 2,4 kering kering 2,2 kering 2,2 les hausses de bénéfices du cac40 schneider schneider 2,1 schneider 2,1 (2019 – 2020) psa psa 2 psasociété générale -0,3 2 société gén société sanofi +338,9 % airbusgénérale -0,3 -1,1 airbus airbus -1,1 st micro +77,8 % engie -1,5 engie engie -1,5 orange +60,4 % unibail -7,2 unibail unibail -7,2 capgemini +11,8 % total -7,2 total total -7,2 air liquide +8,6 % renault -8 renault renault -8 danone +1,4 % OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 5
Argent public, profits privés Des aides massives et m Depuis le début de la crise Les prêts garantis par l’État (PGE) sanitaire, l’argent public coule à flots pour soutenir le secteur Estimation du montant entreprises en difficulté, et ce (au moins 135 milliards d’euros (début février dans un premier temps) « à prix coû- privé : 155 milliards d’euros selon tant ». Au-delà des cas emblématiques 2021), essentiellement au début les chiffres de la Commission de l’épidémie. (4 milliards d'€ à Air France auxquels européenne, faisant de la France s’ajoutent 3 milliards de prêt direct de la championne en Europe des Qui en profite ? l’État, 5 milliards à Renault), des milliers 670 000 entreprises ont bénéficié d’entreprises souvent très petites ont aides aux entreprises, et la de PGE, dont un petit nombre profité du dispositif. On ne connaît pas deuxième derrière l’Espagne de très grandes entreprises encore le nombre d’entreprises qui feront en part du PIB. Que sait-on de (Renault, Air France...). finalement défaut sur leur PGE et donc le l’utilisation de ces aides et de coût final pour les deniers publics. leurs bénéficiaires3 ? Transparence C’est l’une des seules formes d’aides à Les plus importants bénéficiaires être soumises à des restrictions sur le sont connus, les garanties de l’État versement de dividendes et les rachats faisant l’objet d’un arrêté ministériel. d’actions et la présence dans une poignée Les reports de territoires officiellement qualifiés de Conditions et exonérations de charges « paradis fiscaux ». En revanche, bien que Interdiction des dividendes certaines des entreprises aidées soient fiscales et de cotisations sociales et rachats d’actions en 2020 et 2021, sur des secteurs sensibles (automobile, pas de localisation dans une liste très aérien), aucune condition « climatique » Estimation du montant restrictive de « paradis fiscaux ». ou sociale n’a été introduite, le gouver- 24,4 milliards d’euros restant dus en mars 2021, à quoi s’ajoutent nement se contentant de faire valoir les 8 milliards d’exonérations totales pour les secteurs les plus touchés. L es prêts garantis par l’État (PGE) ont été l’un des dispositifs d’aide aux entreprises les plus médiatisés dès le « engagements » volontaires pris par les entreprises aidées (sans valeur juridique). début de la crise sanitaire. Dans le cadre Les 46 grandes entreprises ayant obtenu Qui en profite ? de ce mécanisme conçu par le ministère un PGE représentent 0,01% des entre- Le dispositif est ouvert des Finances et le secteur bancaire, les prises aidées, mais 12,3% des montants aux entreprises de toutes tailles. pouvoirs publics apportent leur garantie garantis. Les entreprises « faisant partie (à 90% dans la plupart des cas, à 70% en d’un groupe », autrement dit les filiales Transparence théorie pour les grandes entreprises) afin d’entités plus importantes, représentent Informations détaillées non publiques. d’encourager les banques à prêter aux 66% du montant des PGE. Conditions Interdiction des dividendes PGE pour les grands groupes et rachats d’actions en 2020 et 2021, Entreprises en millions € pas d’implantation dans une liste très Renault 5000 restrictive de « paradis fiscaux ». Air France 4000 CMA-CGM 1050 L e dispositif semble avoir été lar- gement utilisé par les petites entreprises. Les entreprises « faisant Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt) Fnac Darty Accor Invest 600 500 477 partie d’un groupe » représentent 35% Groupe Lagardère (Europe 1) 465 du montant des reports, tandis que Galeries Lafayette 300 les très petites entreprises en repré- Conforama 300 sentent 56%. Ces aides sont soumises Mobivia (Norauto) 280 aux mêmes conditions que les prêts Nexans 280 garantis par l’État. Le manque de Tereos 230 transparence sur les bénéficiaires Elior 225 ne permet pas un suivi et contrôle Europcar 220 démocratique. En jaune, les entreprises où des emplois ont été supprimés en 2020-2021. OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 6
Argent public, profits privés ultiformes La protection des entreprises « stratégiques » Estimation du montant 20 milliards d’euros Qui en profite ? Un petit nombre de grandes entreprises jugées « stratégiques » DES CONDITIONNALITÉS QUI N’EN SONT PAS VRAIMENT par les agences de l’État français. Bercy et Bruno Le Maire ne cessent La restriction portant sur le versement Transparence d’affirmer que les PGE, reports et de dividendes et le rachat d’actions n’est exonérations de charges et cotisations valable que pour l’année 2020 et qu’à L’Agence des participations de l’État sont bien l’objet de conditions imposées compter du 27 mars : l’affréteur CMA-CGM doit rendre un rapport au Parlement aux entreprises bénéficiaires : pas de a pu verser un dividende de 85,5 millions de sur l’utilisation de ces fonds versements de dividendes ni de rachat dollars et bénéficier d’un PGE de plus d’un et leur alignement avec les objectifs d’actions en 2020, et pas de présence dans milliard d’euros. Enfin, ne sont considérés climatiques de la France « un Etat ou territoire non-coopératif en comme paradis fiscaux qu’un nombre très et de l’Europe, mais on ne sait pas matière fiscale » 4. Au-delà des paroles restreint de pays tels que les Bahamas, les s’il sera rendu public. publiques, les détails d’application sont peu Fidji, Guam, les Îles Vierges, le Panama ou restrictifs. Ces conditions ne s’appliquent les Seychelles. FNAC-Darty, qui est accusé Conditions d’abord qu’aux seules très grandes de faire de l’optimisation fiscale à Malte Aucune condition sociale, fiscale entreprises de plus de 5 000 salariés selon les MaltaFiles, a ainsi pu obtenir un ou environnementale. ou ayant un chiffre d'affaires consolidé PGE, tout comme la CMA-CGM qui affrète supérieur à 1,5 milliard d’euros en France pourtant des navires sous pavillon du (287 entreprises en 2015 selon l’INSEE). Panama. D ans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2020, une enveloppe de 20 milliards d’euros sup- plémentaires a été mise à disposition de l’Agence des participations de l’État Le chômage partiel pour monter au capital d’entreprises considérées comme « stratégiques » qui Estimation du montant utilisé par les grands groupes et leurs pourraient être menacées par la crise 27 milliards d’euros en 2020 filiales (66% des montants). sanitaire ou par des spéculateurs. En et 5,5 milliards supplémentaires Contrairement aux mesures précé- date d’avril 2021, ces fonds semblent au premier trimestre 2021. dentes, le recours au chômage partiel avoir servi principalement à soutenir la Qui en profite ? n’est assorti d’aucune condition sur SNCF, Air France-KLM et EDF, ainsi qu’à Le dispositif est ouvert aux entreprises le versement de dividendes. Aucune abonder les fonds automobile et aérien. de toutes tailles. information détaillée n’a été rendue Plusieurs députés avaient proposé que publique par le ministère du Travail. En ces soutiens soient conditionnés à des Transparence critères climatiques, ce que le gouver- recoupant les informations de la presse Informations détaillées non publiques. régionale ou spécialisée, des sources nement a refusé. Conditions syndicales et les rares informations Aucune condition sociale, fiscale publiques, il est possible d’affirmer ou environnementale. qu’au moins 27 groupes du CAC40 ont bénéficié du dispositif du chômage par- tiel. Sur ces 27 groupes, 16 ont versé un L e chômage partiel, qualifié de « nationalisation sans précédent des salaires » par Emmanuel Macron lui- dividende en 2020 et 22 en 2021, soit plus de 80%. Des allégations de fraude au chômage partiel ont été formulées même, est l’une des mesures centrales vis-à-vis de filiales d’au moins trois de la réponse gouvernementale à la groupes du CAC40 : Atos5, Bouygues6 crise sanitaire. Les modalités d’accès et Vinci7. à ce dispositif, à travers lequel l’État et l’Unedic prennent en charge une Un dispositif complémentaire a été mis partie importante des salaires (qui a en place à l’été 2020, l’activité partielle DES GROUPES AYANT RECOURS varié en fonction des flux et reflux de de longue durée (APLD). Doté de 7 mil- AU CHÔMAGE PARTIEL ONT VERSÉ l’épidémie) dans la limite de 4,5 SMIC liards d’euros, il permet aux entreprises UN DIVIDENDE EN 2020 OU 2021 (soit 4800 euros mensuels), ont été lar- de réduire le temps de travail de leurs gement assouplies, de sorte que nom- salariés jusqu’à 40 %, en couvrant 85 breuses entreprises grandes et petites à 100 % de leurs salaires. Au sein du en ont profité... et parfois abusé. Ce CAC40, il a été mis en place par le dispositif semble avoir été largement groupe Safran. OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 7
Argent public, profits privés Le plan aéronautique Estimation du montant Le plan automobile 15 milliards d’euros. Estimation du montant du Fonds d’avenir de l’automobile (doté Qui en profite ? 8 milliards d’euros (dont 5 milliards d’un milliard d’euros dont 800 millions Entreprises du secteur aéronautique de prêt pour Renault) publics) pour les sous-traitants et la (donneurs d’ordre et sous-traitants) modernisation de l’industrie, ainsi que la Qui en profite ? Transparence confirmation d’une aide publique de 850 Renault et les autres entreprises millions d’euros à un projet d’usine pilote Partielle sur certaines composantes. du secteur automobile: constructeurs de batterie porté par PSA et Saft (Total). Conditions (PSA), équipementiers (Valeo, Faurecia, Aucune condition sociale, fiscale Plastic Omnium) et leurs sous- Gouvernement et constructeurs ont ou environnementale. traitants, et autres acteurs de la voiture énormément communiqué sur le fait électrique (Total, Bolloré). Transparence que ce plan allait contribuer à la « tran- sition » du secteur automobile, mais en réalité il ne contient pas d’autre enga- É laboré par l’État en lien étroit avec l’industrie aéronautique (GIFAS – Groupement des industries fran- Partielle sur certaines composantes. gement que celui de respecter ce qui çaises aéronautiques et spatiales – Conditions était déjà l’objectif officiel de réduction et les quatre grands donneurs Aucune condition sociale, fiscale des émissions du secteur (dont, il est d’ordre que sont Airbus, Safran, ou environnementale. vrai, les industriels avaient essayé de Thales et Dassault Systèmes), ce retarder l’application au prétexte de la plan contient des mesures renfor- L e plan automobile, élaboré par l’État en lien étroit avec l’industrie, a été annoncé fin mai 2020. Outre le sauvetage crise sanitaire). Les primes à l’achat et à la conversion concernent encore en partie les véhicules thermiques cées de protection des entreprises face aux difficultés liées à la crise et aux annulations éventuelles de de Renault, il contient des primes à l’achat (essence et diesel). Il n’y a pas de condi- contrats, des commandes publiques et à la conversion, ainsi que la création tion sur le maintien de l’emploi. supplémentaires, des subventions directes et la création d’un fonds (confié à la firme de private equity Tikehau) pour l’investissement et le renforcement des sous-traitants, La baisse des impôts de production et 1,5 milliard d’aides publiques années au nom de « l’attractivité fis- pour aider à développer « l’avion de Estimation du montant cale du pays et la compétitivité des demain ». 10 milliards d’euros par an. entreprises » : une étude du Conseil Comme pour le plan automobile, mal- Qui en profite ? d’analyse économique montre que ces gré l’impact climatique du secteur Toutes les entreprises assujetties impôts n’ont pas d’effet majeur sur la aérien, ce plan ne contient aucune aux taxes réduites, principalement compétitivité des entreprises8. disposition ferme concernant le les grandes, plus intensives en capital. Cette baisse d’impôts – qui affectera bilan carbone des entreprises sou- Transparence principalement, comme souvent, les tenues, mais seulement des aides à Pas d’information disponible société collectivités locales – bénéficiera de la recherche sur diverses solutions par société. manière indiscriminée à toutes les technologiques pour « décarboner » entreprises assujetties quelle que soit l’avion (agrocarburants, électricité, Conditions leur taille et à tous les établissements, hydrogène). Et aucune conditionna- Conditions : Aucune condition sociale, même les plus polluants. C’est pourquoi lité de maintien de l’emploi. fiscale ou environnementale. elle a été très contestée, y compris par le Haut conseil pour le climat. C ette mesure a été intégrée par le gouvernement français à son plan de relance de 100 milliards d’euros Elle est aussi contestée parce que la baisse bénéficiera proportionnelle- annoncé en septembre 2020. Il s’agit ment davantage aux entreprises plus d’une réduction de moitié de la coti- intensives en capital ou dont le chiffre sation sur la valeur ajoutée des entre- d’affaires est plus important. Des amen- prises (CVAE), de la cotisation foncière dements parlementaires visant à réser- des entreprises (CFE) et de la taxe fon- ver les bénéfices de cette baisse aux cière sur les propriétés bâties (TFPB), petites entreprises ont été rejetés par le pour un montant évalué à 10 milliards gouvernement. Cette baisse ne concerne par an. La baisse de ces impôts est pas non plus simplement l’industrie, une vieille lune des lobbys patronaux, puisque la CVAE est également payée qui essayaient de l’obtenir depuis des par le secteur financier par exemple. OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 8
Argent public, profits privés Le plan de relance Les achats Estimation du montant d’obligations des banques centrales 80 milliards d’euros sur 2 ans (à quoi de 500, puis de 600 milliards d’euros Estimation du montant s’ajoutent 20 milliards de baisse au cours des mois suivants. Le pro- 1 850 milliards d’euros (obligations des impôts de production) gramme doit prendre fin en mars 2022. d’entreprises et souveraines) Qui en profite ? Une obligation est une manière pour les Qui en profite ? entreprises de se financer via les marchés Entreprises de divers secteurs Exclusivement les grandes boursiers plutôt que par un prêt bancaire : (industrie, numérique, BTP…) multinationales européennes elles récoltent les fonds de leur émission Transparence qui se financent à travers obligataire, qu’elles s’engagent à rembour- Très partielle sur certaines composantes. des émissions obligataires. ser aux investisseurs sur une durée déter- Conditions Transparence minée et à un taux convenu. Cet argent va Selon les termes de l’accord européen, directement dans leur trésorerie. La liste des obligations d’entreprises au moins 37% des montants achetées par les banques centrales Dans la pratique, l’achat d’obligations par des plans de relance doivent être est disponible, sans les montants. la BCE sont délégués aux banques cen- alloués à la transition écologique. trales nationales, c’est-à-dire à la Banque Conditions de France en ce qui concerne les multi- Aucune condition sociale, fiscale L e plan de relance à 100 milliards annoncé par la France s’inscrit ou environnementale. nationales tricolores. En plus de racheter elles-mêmes ces obligations, les banques dans le cadre du plan de relance et de résilience européen. L’Europe doit apporter 40 milliards sur les E n mars 2020, pour faire face à la pandémie, la Banque centrale euro- péenne a décidé d’une augmentation centrales jouent un rôle prescripteur vis- à-vis d’autres investisseurs qui seront d’autant plus disposés à les acheter 100 prévus. En échange, la France spectaculaire de son programme eux aussi, les jugeant plus « sûres ». Un s’est engagée à mettre en œuvre d’achats d’actifs lancé suite à la crise grand nombre de groupes du CAC40 ont des réformes controversées comme financière de 2008. Sous le nom de bénéficié de ces rachats d’obligations, sur les retraites et l’assurance chô- PEPP (Pandemic Emergency Purchase y compris certains (Total, AIr Liquide, mage, ainsi qu’à réduire la dette Programme), 750 milliards ont été Sanofi) qui prétendent n’avoir bénéficié publique par une politique d’austérité mobilisés notamment pour acheter d’aucune forme d’aide publique, et qui budgétaire. des obligations souveraines et d’en- ont augmenté leurs versements de divi- treprises. Ce montant a été augmenté dendes malgré la crise sanitaire. Le plan français comprend plusieurs volets, dont le soutien à l’hydrogène (7 milliards), au secteur numérique et à la « numérisation » des entre- prises et de l’État (10 milliards, ce qui devrait ouvrir des contrats juteux aux GAFAM et aux champions français du numérique), à la santé, au rail, à la rénovation des bâtiments, à l’écono- mie circulaire et au nucléaire. L’Union européenne a décidé qu’au moins 37% du plan de relance devait ET AUSSI être consacré à la transition énergé- (ENTRE AUTRES)... tique, et que le reste ne devait pas concourir à une augmentation des LES SOUTIENS AU SECTEUR FINANCIER (VOIR SECTION émissions de gaz à effet de serre (ce qui est le cas de la baisse des impôts SUIVANTE). de production par exemple). La LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES EXPORTATRICES. France estime que ces conditions ne concernent que les 40 milliards d’eu- LES AUTRES PLANS SECTORIELS (TOURISME, CENTRES ros apportés par l’Europe : pour le Haut COMMERCIAUX…). Conseil pour le climat, 70% du plan pourrait avoir « un effet significatif à LE FONDS DE SOLIDARITÉ (17 MILLIARDS D’EUROS À LA FIN la hausse sur les émissions » de CO2. MARS 2021). Aux dernières nouvelles, le gou- LES MESURES DE SOUTIEN PROPRES DE BPIFRANCE vernement français envisagerait ET DE LA CAISSE DES DÉPÔTS. aujourd’hui un second plan de relance pour la fin de l’année 2021. OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 9
CHÔMAGE REPORT BAISSE IMPÔTS PLANS SOUTIEN PARTICIPATIONS DIVIDENDES 2020 DIVIDENDES 2021 EVOLUTION EMPLOI PGE PARTIEL DE CHARGES DE PRODUCTION SECTORIELS BCE « STRATÉGIQUES » (SUR 2019)* (SUR 2020) EN 2020 AIR LIQUIDE OUI OUI (HYDROGÈNE) OUI 1313,6 1 338,1 -2 275 AIRBUS OUI ? OUI OUI (AÉRIEN) OUI VIA FONDS AÉRO 0 0 -3 582 ALSTOM OUI ? OUI OUI (RAIL) OUI 0 À VENIR ? ARCELORMITTAL OUI ? OUI OUI (HYDROGÈNE) 0 286,9 -23 505 ATOS OUI ? OUI OUI (NUMÉRISATION) 0 98,9 -3 887 AXA OUI 1764,9 3 458,0 -6 244 BNP PARIBAS OUI OUI 0 1 387,0 -5 497 BOUYGUES OUI ? OUI OUI (BÂTIMENT) OUI 645,7 647,3 -1 432 CAPGEMINI OUI ? OUI OUI (NUMÉRISATION) OUI 228,3 329,1 50 455 OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY CARREFOUR OUI ? OUI OUI 183,5 392,5 781 CRÉDIT AGRICOLE OUI OUI 0 2 332,5 368 DANONE OUI OUI 1374,8 1 332,0 -538 DASSAULT SYSTÈMES OUI OUI (NUMÉRISATION) 181,6 148,6 428 des dividendes à un niveau moindre qu'avant la crise. ENGIE OUI ? OUI OUI (HYDROGÈNE) OUI 0 1 281,0 1 600 ESSILORLUXOTTICA OUI ? OUI OUI 0 977,0 -10 488 HERMÈS OUI 474,1 480,3 1 183 KERING OUI (IT+DE) ? OUI OUI 1001,1 1 000,1 485 L’ORÉAL OUI 2172,6 2 261,7 -2 887 LEGRAND ? OUI OUI 357,5 379,6 -2 281 LVMH OUI ? OUI OUI 2417,5 3 029,0 -12 830 MICHELIN OUI ? OUI OUI (AUTOMOBILE) OUI 357,3 410,2 -3 545 ORANGE ? OUI OUI (NUMÉRISATION) OUI 1325,2 2 392,9 -4 618 PERNOD RICARD OUI ? OUI OUI 693,4 À VENIR ? PSA / STELLANTIS OUI ? OUI OUI (AUTOMOBILE) OUI VIA FONDS AUTO 0 1 308,0 -4 780 PUBLICIS OUI ? OUI 272,5 495,5 -4 184 RENAULT OUI ? OUI OUI OUI (AUTOMOBILE) VIA FONDS AUTO 0 0 -9 407 SAFRAN OUI ? OUI OUI (AÉRIEN) OUI VIA FONDS AÉRO 0 183,7 -16 551 SAINT-GOBAIN OUI ? OUI OUI (RÉNOVATION) OUI 0 705,7 -3 091 SANOFI OUI OUI (RELOCALISATION, SANTÉ) OUI 3940,5 3 996,6 -997 SCHNEIDER OUI ? OUI OUI (NUMÉRISATION) OUI 1405,1 1 441,3 -3 479 SOCIÉTÉ GÉNÉRALE OUI OUI 0 466,9 -4 989 CAC40: aides publiques reçues, dividendes et suppressions d'emploi ST MICROELECTRONICS OUI (IT) ? OUI OUI (NUMÉRISATION, ÉLECTRIFICATION) 133,7 192,3 462 TELEPERFORMANCE OUI ? OUI OUI (NUMÉRISATION) OUI 140,9 141,0 52 168 THALES OUI ? OUI OUI (AÉRIEN) OUI VIA FONDS AÉRO 127,6 375,5 -2 036 TOTAL OUI OUI (HYDROGÈNE, AUTOMOBILE) OUI 6931,6 7 004,2 -2 300 UNIBAIL-RODAMCO-WESTFIELD OUI ? OUI OUI (CENTRES COMMERCIAUX) OUI 747,2 0 -528 VEOLIA OUI ? OUI OUI (RELANCE) OUI 277,3 396,0 114 VINCI OUI ? OUI OUI (RÉNOVATION) OUI 1131,7 1 153,0 -4 666 VIVENDI OUI ? OUI OUI (NUMÉRISATION) 698,3 651,3 -2 215 WORDLINE OUI (BE) ? OUI OUI (NUMÉRISATION) OUI 0 0 8 750 AIR FRANCE OUI ? OUI OUI OUI (AÉRIEN) OUI 0 0 -8254 EDF OUI ? OUI OUI (NUCLÉAIRE, ÉLECTRIFICATION) OUI OUI 0 653 473 ADP OUI ? OUI OUI (RAIL) OUI 0 0 -1675 SNCF OUI ? OUI OUI (AÉRIEN) OUI OUI N/A N/A -4841 Dividendes versés en 2020 sur l'exercice 2019 : en rouge, les dividendes maintenus ou réduits de moins de 10%, en orange les dividendes réduits de plus 10% en raison de la crise sanitaire. Dividendes versés en 2021 sur l'exercice 2020 : en rouge, retour à la "normale"• des dividendes malgré la crise, en orange reprise 10
Financiarisation Comment les banques et le secteur financier profitent eux aussi des aides publiques Les banques et plus généralement le secteur financier ont joué un rôle central dans la distribution de l’argent public aux entreprises. Une forme de délégation voire de privatisation des aides publiques qui nuit aussi bien à la transparence qu’à la poursuite d’objectifs sociaux ou environnementaux. E n théorie, les aides publiques aux que les banques avaient déjà touché 500 n’est qu’au printemps 2021 qu’elle a réau- entreprises sont de l’argent public, millions d’euros au total grâce à ces émis- torisé partiellement les dividendes, dans octroyé directement par l’État et sous sions obligataires9. Les banques ont en la limite de 15% de leurs bénéfices cumu- le contrôle de son administration. En outre pu emprunter 1300 milliards d’euros lés en 2019 et 2020 et à condition qu’elles pratique, certaines formes d’aides passent en juin 2020, puis à nouveau 330 milliards disposent des fonds propres nécessaires. en effet par les banques (privées). C’est le en mars 2021 à taux négatif auprès de BNP Paribas se prépare déjà à distribuer cas notamment du système des prêts la Banque centrale européenne, à nou- 2 milliards d’euros supplémentaires à ses garantis par l’État, conçu dans l’urgence veau sous prétexte de maintenir le crédit actionnaires (sous formes de rachats d’ac- aux débuts de la crise sanitaire par Bercy aux ménages et aux entreprises. Enfin, tions ou de dividendes exceptionnels) dès et la Fédération bancaire française. 136 mil- elles ont obtenu l’assouplissement ou que la Banque centrale européenne aura liards d’euros ont à ce jour été mobilisés levé ses dernières restrictions. pour soutenir des dizaines de milliers d’en- treprises, des plus petites aux plus grandes. Fonds public-privé Les banques se sont engagées à offrir ces Dernière manifestation de cette tendance prêts garantis « à prix coûtant », mais des à la financiarisation des aides publiques : incertitudes demeurent sur l’évolution des la multiplication des nouveaux « fonds » taux au fil des ans, alors que l’essentiel du LES BANQUES ONT PU EMPRUNTER depuis les débuts de la crise sanitaire. Par risque est assumé par les pouvoirs publics. 1300 MILLIARDS D’EUROS À TAUX exemple, le fonds public-privé « Lac1 » Surtout, en délégant au secteur financier le NÉGATIF EN JUIN 2020, PUIS À NOUVEAU créé par Bpifrance au printemps 2020 soin de distribuer ces aides, l’État se prive est théoriquement destiné à soutenir les d’un outil pour orienter l’économie en un 330 MILLIARDS EN MARS 2021. « fleurons français » contre les appétits sens plus écologique et plus social. étrangers. Une illustration du souci actuel de la « souveraineté économique », sauf D’autres mécanismes moins connus qu’il est abondé par… le fonds souverain obéissent à la même logique de déléga- l’abandon de règles prudentielles mises d’Abu Dhabi, à hauteur d’un milliard d’eu- tion. À la faveur de la crise, la Banque en place après la crise de 2008, qu’elles ros. D’après les informations disponibles, européenne d’investissement a ouvert elle contestaient depuis longtemps, comme ce fonds a notamment pris des partici- aussi un fonds de garantie aux grandes la règle Volcker, ou en Europe le relâche- pations dans EssilorLuxottica et dans banques du continent ainsi qu’à des fonds ment des seuils de fonds propres. le groupe chimique Arkema, tous deux de private equity sous prétexte d’assurer pourvoyeurs de dividendes significatifs. le crédit aux petites et moyennes entre- Malgré tous les avantages obtenus, prises. Cela représentait, fin avril 2021, 12 une incertitude demeure sur la solidité Les divers plans de relance et de sou- milliards d’euros de garanties. Ces fonds financière des grandes banques face à la tien sectoriels reposent également en sont redistribués sans transparence ni poursuite de la crise, notamment si les grande partie sur de tels « fonds » confiés critères sociaux ou environnementaux. défauts de remboursement et les faillites au secteur financier. Ainsi la gestion du d’entreprises sont plus nombreux qu’an- fonds de soutien au secteur aéronautique, Des banques chouchoutées par les pouvoirs publics ticipés. Cela n’empêche pas BNP Paribas, abondé par l’État et par les industriels Les banques privées touchent également Société générale et leurs pairs de frétiller du secteur, a été confiée au champion un écot sur les émissions obligataires d’impatience à la perspective de pouvoir français du capital-investissement, souveraines mises en œuvre par les gou- recommencer à verser des dividendes et Tikehau Capital, connu pour ses liens vernements européens pour financer la racheter des actions à leur gré. Malgré leur étroits avec le monde politique (François réponse à la crise et les aides publiques. lobbying intense, la Banque centrale euro- Fillon y avait été par exemple embauché En juin 2020, Bloomberg avait estimé péenne a tenu bon jusqu’à la fin 2020; ce suite à sa débâcle de 2017). OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 11
Casse sociale L’emploi comme variable d’ajustement Les groupes du CAC40 qui suppriment le plus d’emplois en invoquant la pandémie de Covid-19 figurent parmi ceux qui ont reçu le plus d’aides publiques (Renault, Airbus, Safran), ou parmi ceux qui versent le plus de dividendes (Total, Sanofi). Tout un symbole des priorités des grandes entreprises françaises. L es effectifs cumulés du CAC40 – un figurent pas moins parmi les groupes qui tains groupes, certaines activités, pays peu plus de 4,8 millions de per- suppriment le plus d’emplois. ou filiales connaissent des suppressions sonnes – ont globalement baissé massives d’emploi, tandis que d’autres de 0,5% entre fin 2019 et fin 2020. Les annonces de plans sociaux embauchent, ce qui complique la lecture. Cette stabilité apparente cache de fortes Les chiffres globaux portent sur l’évolu- disparités entre certaines firmes qui tion de l’emploi au sein du CAC40 en 2020. Il est donc utile d’apporter un éclairage ont connu un véritable boom, comme Or la plupart des plans sociaux annoncés supplémentaire, à partir de la liste Teleperformance et Capgemini, ou en par les grands groupes français n’ont des plans de suppression de postes ont absorbé d’autres (comme Wordline pas encore fait sentir tous leurs effets, annoncés publiquement par le CAC40. pour Ingenico), et les groupes qui ont for- la plupart ayant vocation à se déployer Ces données sont moins précises et – tement réduit leurs effectifs mondiaux sur plusieurs années. Au sein de cer- mises à part pour les grandes annonces avec la crise. Dans ce dernier groupe, on peut dis- les plus importantes hausses et baisses d’effectifs tinguer deux catégories : ceux qui ont (2019 – 2020) fortement souffert de l'épidémie (auto- safran -17,34 % mobile, aéronautique) et qui ont répondu unibail-rodamco-westfield -14,56 % à ces difficultés en effectuant des coupes arcelormittal -12,29 % lvmh -7,86 % essilorluxottica -6,49 % legrand - 5,85 % renault -5,24 % axa -5,17 % dassault systèmes +2,21 % RENAULT ET SAFRAN hermès +7,67 % téléperformance +15,76 % ONT RÉPONDU AUX DIFFICULTÉS capgemini +23,01 % LIÉES À LA CRISE wordline +73,17 % EN EFFECTUANT DES COUPES CLAIRES DANS LEURS EFFECTIFS. plus grosse pertes et hausses d’emploi en 2020 arcelormittal -23 505 safran -16 551 claires dans leur main d’œuvre. C’est le lvmh -12 830 cas de Safran ou Renault par exemple. essilorluxottica -10 488 D’autres ont simplement profité pour renault -9 407 accélérer un processus de réduction de axa -6 244 leur effectif qui était déjà engagé depuis bnp paribas -5 497 des années. C’est le cas des banques société générale -4 989 Société générale et BNP Paribas. carrefour +781 hermès +1 183 On voit que toutes les pertes d’emploi engie +1 600 ne sont pas forcément liées à la perfor- wordline +8 750 mance des firmes en 2020 ni à leur santé capgemini +50 455 financière. D’importants distributeurs de teleperformance +52 168 dividendes, comme LVMH ou Axa, n’en OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 12
Casse sociale médiatisées – plus difficiles à rassem- place sous prétexte de Covid n’ont pas bler, notamment lorsqu’elles concer- servi à sauver l’emploi. Renault, Airbus nent de petites usines ou filiales. ou Safran font partie des entreprises les plus soutenues par divers moyens (prêts Le tableau ci-dessous recense les prin- garantis, plans aérien et automobile, cipales annonces relatives aux suppres- baisse d’impôts, apports en capitaux de sions d’emploi des groupes du CAC40 l’État actionnaire), mais sont aussi celles 62 486 depuis le printemps 202010. Ces chiffres qui suppriment le plus d’emplois. Même n’incluent pas les suppressions d’em- Sanofi a annoncé son plan de suppression ploi chez les sous-traitants des grands d’emplois en juin 2020, quelques jours à groupes, qui ont été importantes dans les peine après l'annonce d'une aide publique secteurs de l'aéronautique et de l'auto- de plusieurs centaines de millions d’euros mobile. Ne sont pas non plus incluses les pour la localisation en France d’une unité suppressions d’emploi annoncées par des de production de vaccins. groupes hors CAC40, comme Accor, Air France, Auchan, Altice, Nokia ou Lafarge. Comme si l’aide financière des pouvoirs LE CAC40 A ANNONCÉ publics servait surtout à financer les PLUS DE 60 000 SUPPRESSIONS Des aides publiques pour favoriser, voire diverses mesures d’accompagnement financer les suppressions d’emplois ? et d’incitation à des départs volontaires DE POSTES À LUI SEUL, Ces éléments démontrent que les aides plutôt qu’à sauver les emplois au sein DONT PRESQUE LA MOITIÉ publiques aux entreprises mises en des groupes. EN FRANCE. 15 000 (monde) plan de « départs accélérés airbus dividendes suspendus 4 498 (France) à la retraite » en France 15 000 (monde) plan d’économies global en cours Renault dividendes suspendus 4 600 (France) de mise en oeuvre 10 000 (monde) plan de « départs accélérés Safran dividendes réduits, puis repris 3 000 (France) à la retraite » en France Orange 7 500 (France) départs en retraite non remplacés dividendes réduits, puis repris 3 158 (monde) plan général de départs volontaires Michelin dividendes réduits puis repris 2 300 (France) et de préretraite 1 850 (monde) plan de réorganisation « Danone First », Danone dividendes maintenus 458 (France) en cours de déploiement Plans de réduction d’effectifs Hutchison, Total 1 850 (France) dividendes maintenus Grandpuits, fonctions centrales 1 700 (monde) Dont 400 postes dans la recherche. Sanofi dividendes maintenus 1 000 (France) Plan général de réduction d’effectifs. Suppression de 1000 postes Thales 1 000 (France) dividendes réduits, puis repris au sein de Thales AVS Société générale 640 (France) Plan général d’économies dividendes suspendus puis repris TOTAL CAC40 62 486 dans le monde, dont 29 681 en France OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES – ALLô BERCY 13
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