Memphis et le Delta - Culture, le magazine culturel de l ...
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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Le Blues moderne d'après 1945 e On a précédemment passé en revue les conséquences de la 2 guerre mondiale sur les musiques africaine-américaines. On rappellera seulement l'importance prise par les petites compagnies indépendantes qui foisonnèrent et par les stations de radio qui couvrirent de larges territoires et diffusèrent en masse du gospel, du jazz mais aussi du blues comme WLAC à Nashville et WDIA à Memphis. Memphis et le Delta C'est précisément de Memphis que le Blues redémarra en force. Il y avait un DJ à la station WDIA qui s'appelait Riley King. Passionné de blues il en passait beaucoup sur antenne, il était lui-même chanteur et guitariste et il devint célèbre sous le nom de Blues Boy King, soit B. B. King. Il fut repéré par une compagnie de Californie, Modern Records, qui l'enregistra pour sa branche RPM Records. © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -1-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège C'est à Memphis aussi que Sam Phillips, un homme d'affaires passionné de musiques populaires fonda en 1947 un studio d'enregistrement et une compagnie qu'il appela Sun Records et qui ouvrait ses portes à tous les talents de passage qui voulaient tenter leur chance. Phillips engagea un talent scout, excellent guitariste et pianiste qui n'était rien moins que Ike Turner, qui à l'audition pouvait séparer le bon grain de l'ivraie. C'était trop tard pour signer un contrat avec B. B. King mais Sun put s'adjoindre les chanteurs Bobby Blue Bland et Junior Parker, le one man band de Doctor Ross, James Cotton, Howling Wolf, Elmore James, Rice Miller (Sonny Boy Williamson n°2), etc. et très vite, Sun développa aussi une ligne de styles émergeants et très populaires chez les jeunes, le rock and roll et le rockabilly avec Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Roy Orbison, Johnny Cash, Carl Perkins, etc…. James Cotton B.B.King Bobby Blue Bland Doctor Ross Rocket 88 Rock me baby Ain't that loving you Feel so goog (Youtube) (Youtube) (Youtube) (Youtube) Chicago et Detroit Chicago continua sur la lancée d'avant-guerre et là aussi, les «Majors» (RCA Victor, Decca, Columbia et Capitol) firent face à rude concurrence. Leonard et Phil Chess, des immigrants polonais, rachetèrent en 1947 le « Macumba », un club du ghetto noir, le South Side, et Aristocrat, une compagnie de disques en déclin où ils produisirent des disques des groupes et solistes de R&B passant par leur club. © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -2-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Cela marcha très bien et en 1950, ils changèrent le nom de la compagnie qui devint Chess Records pour se tourner vers les bluesmen de la nouvelle génération dont les racines étaient le Mississippi blues rural lequel fut électrifié et dépoussiéré avec harmonicas amplifiés, section rythmique percutante, voire section cuivres agressive. D'emblée, un concurrent sérieux essaya de leur couper l'herbe sous le pied et d'engager les meilleurs artistes, une compagnie fondée en 1953 à Gary, Indiana, par deux Africains Américains, Vivian Carter et Jimmy Bracken. Ils choisirent les initiales de leurs prénoms respectifs pour appeler leur compagnie Vee Jay Records et, en 1960, ils vinrent s'installer à Chicago. Les catalogues Chess sont prestigieux avec Muddy Waters, Howlin' Wolf, Little Walter, Otis Spann, Jimmy Rogers, Sonny Boy Williamson n°2, Willie Dixon, Elmore James, John Brim, Sunnyland Slim, Eddie Boyd, J.B.Lenoir, Willie Mabon, Walter Horton, Koko Taylor et beaucoup d'autres aujourd'hui disparus. © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -3-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Le catalogue VeeJay n'était pas en reste avec Jimmy Reed, John Lee Hooker, Big Joe Williams, Memphis Slim… mais aussi l'harmoniciste Billy Boy Arnold toujours en activité de nos jours. En outre, Vee Jay ouvrit une ligne Gospel et une ligne Jazz avec le trompettiste Lee Morgan, le pianiste-chanteur-chef d'orchestre Jay Mc Shann etc. À noter que John Lee Hooker commença sa carrière à Detroit et il y côtoya des artistes comme Eddie Burns, etc… Muddy Waters Howlin' Wolf John Lee Hooker Jimmy Reed Mannish boy Smokestack I'm in the mood Honest I do (Youtube) Lightning, 1964 (Youtube) (Youtube) (Youtube) À partir des années '60, Chicago se paya le luxe d'héberger deux styles de blues différents. Les migrants des années 30-40-50 avaient occupé le quartier Sud (le South Side) qui devint le principal ghetto noir de Chicago, tous les bluesmen cités plus haut y résidaient. Leur blues était moderne, musclé, rentre-dedans, à la pointe de l'actualité mais sans agressivité particulière contre la société civile. C'était le Chicago South Side blues. © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -4-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Au début des années 60, une nouvelle vague de migrants arriva à Chicago qui était en pleine récession économique, il n'y avait plus beaucoup de travail et il n'y avait plus de logements disponibles dans le South Side. Les nouveaux venus durent se contenter des taudis insalubres d'un quartier Ouest qui ressemblait à une zone de guerre sans services publics, avec des ruines partout et des terrains vagues. Ces nouveaux habitants en conçurent une amertume et une colère qui rejaillit sur les musiciens qui les avaient accompagnés. Leur blues fut violent et agressif, leurs guitares devinrent des sortes de fusils automatiques avec lesquels ils lâchaient des notes en arpèges, en rafales et en staccato, comme des rafales de fusils d'assaut, à l'instar du Texas Blues rural. C'était un nouveau style de blues le Chicago West Side Blues. Ses hérauts furent Buddy Guy, Magic Sam (Maghett), Otis Rush, Eddie C. Campbell, Johnny B.Moore, Luther Allison, Jimmy Dawkins, Son Seals, etc. Buddy Guy - Eddie C. Cambell Buddy Guy Otis Rush Magic Sam Jimmy Dawkins (Youtube) Double trouble All your love Fast fingers (Youtube) (Youtube) (Youtube) © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -5-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Texas et Californie Le Texas blues rural prospéra avec Lightnin' Hopkins et d'autres mais un Texas blues urbain se développa après 1945 avec Jimmy Mc Cracklin, Pee Wee Crayton et surtout T-Bone Walker qui fut un guitariste exceptionnel, il servit de modèle à toute la génération suivante des Clarence Gatemouth Brown, Albert Collins, Philip Walker, Roy Gaines, Jimmy et Stevie Ray Vaughan, … En Californie, à San Francisco, Oakland et Los Angeles, on assista à l'apparition d'un Club Blues avec des trios piano-guitare-basse (ou batterie) comme ceux de Nat King Cole, Ray Charles, Charles Brown ; ce style apparut dans des clubs à la mode où les clients mangeaient et buvaient sur fond musical. Nat King Cole devint ensuite un crooner du jazz, Ray Charles suivit sa voie dans le R&B et seul Charles Brown se maintint dans ce style Club Blues. © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -6-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège C'est en Californie aussi que des big bands de blues se formèrent avec le batteur Roy Milton et sa pianiste Camille Howard, et beaucoup d'autres comme Lowell Fulson, etc. Lightnin' Hopkins T-Bone Walker Roy Milton Short hair woman (Youtube) Stormly Monday(Youtube) RM Blues (Youtube) © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -7-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Louisiane Après 1945, La Louisiane devint un paradis des musiques africaines américaines avec tous les styles du blues, de gospel et de jazz que l'on pouvait imaginer mais aussi avec des styles locaux originaux comme du blues et R&B typiquement New Orleans mis en valeur par des pianistes comme Professor Longhair, James Booker, Fats Domino, Little Richard ou des chanteurs comme Roy Brown… Fast Domino ©Klaus Hiltscher James Booker ©Lionel Decoster Little Richard ©Okeh Records Dans le Sud Ouest de la Louisiane dans le triangle Baton Rouge au Nord, Lake Charles à l'Ouest et Crowley au Sud, avec les studios de Jay Miller et d'Eddie Shuler, se développa un style de Swamp © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -8-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Blues à la fois nonchalant et torride avec des artistes comme Katie Webster, Lightnin' Slim, Lonesome Sundown, Slim Harpo, Lazy Lester... Dans la même région, plus au Sud, dans les bayous de l'Acadiana, autour de Lafayette, Mamou, Ville Platte et Rayne, à côté d'une musique cajun blanche (violon, accordéon diatonique), apparut une musique Zydeco noire (accordéon chromatique, guitares, saxophone), aussi appelée La La Music ou Blues français, car c'était du blues en effet sur le plan instrumental, avec des paroles en français créole et ses chantres furent Clifton et Cleveland Chenier, Rockin Dopsee, Fernest Arceneaux, Queen Ida, etc. Slim Harpo James Booker Professor Longhair King bee (Youtube) True (Youtube) Go to the Mardi Gras (Youtube) Lightnin' Slim/Whispering Smith Clifton Chenier Live 1972 (Youtube) Comin' home (Youtube) © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 -9-
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège Blues revival des sixties Comme le gospel traditionnel et le jazz, le blues subit, fin des années '50, un déclin de popularité dans les communautés noires qui se tournèrent vers le gospel contemporain et vers le Rock and Roll, le Rhythm and Blues et la Soul Music. La fin du blues semblait programmée mais vers la moitié des années '60, de nombreux musiciens anglais de rock découvrirent le blues moderne de Chicago, de Californie et de Louisiane. Ils en adoptèrent les thèmes et ils relancèrent la carrière de nombreux bluesmen. C'est ce que firent les Rolling Stones, Eric Clapton, John Mayall, Eric Burdon et les Animals, les Yardbirds, Fleetwood Mac, Peter Green et beaucoup d'autres. Ce fut un Blues revival qui laissa indifférents la majorité des Noirs américains mais qui boosta l'intérêt des Européens, des Américains blancs et des Asiatiques, et ce pour un bon bout de temps, puisque cette popularité est toujours au top de nos jours . © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 - 10 -
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège En Europe cela se traduisit par une série de tournées de blues, les American Folk Blues Festivals (1961-1985) dans nombre de grandes villes du Vieux Continent, par l'apparition de magazines spécialisés comme Blues Unlimited et Blues World en Angleterre et même R&B Panorama en Belgique, puis Living Blues aux USA. Des bluesmen noirs se fixèrent en Europe : Memphis Slim à Paris, Champion Jack Dupree en Allemagne, Eddie Boyd en Scandinavie , d'autres séjournèrent longtemps en Belgique, en Hollande, en Italie… En outre, les musiques africaines américaines commencèrent à être étudiées dans les Universités, en Europe d'abord (à l'Université de Liège depuis 1984), plus tard seulement en Amérique où le Blues Revival des sixties se traduisit aussi par une action de grande envergure menée par des amateurs et collectionneurs de vieux disques 78 tours des grands bluesmen d'avant-guerre. Ils se dirent « Et si de nombreux artistes qui avaient pris leur retraite parce que leur musique était démodée, étaient toujours en vie ? » Ils cherchèrent et ils en retrouvèrent des dizaines. Ils leur fournirent des instruments, les incitèrent à rejouer jusqu'à retrouver leur lustre d'antan. Cela permit à beaucoup d'entre eux de redémarrer une nouvelle carrière : des musiciens comme Son House, Mississippi John Hurt, Big Joe Williams, Fred Mc Dowell, Robert Wilkins, Bukka White, Mance Lipscomb…Un grand nombre d'entre eux put participer © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 - 11 -
Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège à des festivals et enregistrer des albums qui eurent un succès considérable. Ce fut un des facteurs qui permirent au blues d'être à nouveau un style populaire surtout hors communautés noires. Un livre récent raconte cette quête menée par des collectionneurs mais aussi par des musicologues dont certains, au contact des bluesmen, ont assimilé leur jeu et leur répertoire et sont actuellement des musiciens professionnels eux-mêmes se produisant en clubs et en festivals, enregistrant des disques et faisant des tournées dans le monde entier comme David Evans, Taj Mahal, Corey Harris... On le voit les 1 résultats de ces recherches ont été tout à fait remarquables Robert Sacré Août 2015 1 Steve Cushing, Pioneers of the Blues revival, University of Illinois Press, 2014 > Le Blues moderne d'après 1945 -- >> Le Blues aujourd'hui © Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 03/04/2020 - 12 -
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