REVUE DE PRESSE ET DES RESEAUX SOCIAUX - Mercredi 15 mai 2019 Outre-mer - Mayotte

 
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REVUE DE PRESSE ET DES RESEAUX SOCIAUX - Mercredi 15 mai 2019 Outre-mer - Mayotte
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    REVUE DE PRESSE
ET DES RESEAUX SOCIAUX
    ˂˂ Outre-mer ˃˃
  Mercredi 15 mai 2019

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A LA UNE
 ELECTIONS EUROPEENNES;
Pages, 9, 42 à 46.
Mayotte, Christian Jacob, le président du groupe Les
Républicains à l'Assemblée nationale, soutient le projet de
Mansour Kamardine et juge catastrophique l’immigration
clandestine.

 FINANCES COLLECTIVITES;
Pages, 10, 26 à 30.
Guadeloupe, le préfet lance une procédure de révocation
contre le maire de Pointe-à-Pître. Le Président de Région Ary
Chalus s’étonne du déclenchement d’une procédure de
révocation à l’encontre du maire Jacques Bangou.

 CHLORDECONE;
Pages, 11, 24 à 25, 39.
Antilles, vers une commission d'enquête, à la demande des
députés PS.

 JUSTICE DROGUE;
Pages, 12 à 17.
Guyane, de Cayenne à Paris, le chemin des « mules »

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L’OUTRE-MER
DANS LA PRESSE
MÉTROPOLITAINE

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Nouvelle-Calédonie: Deux députés demandent une commission permanente dédiée aux Outre-mer

Paris, France | AFP | mardi 14/05/2019 - 13:36 UTC+3 | 232 mots

Deux députés de Nouvelle-Calédonie ont demandé mardi qu'une commission permanente dédiée aux Outre-mer
soit créée à l'Assemblée nationale pour mieux prendre en compte les spécificités de ces territoires, dans le cadre
de la révision du règlement de l'Assemblée examinée à partir de mercredi.

Les députés (UDI-Agir) Philippe Gomès et Philippe Dunoyer vont proposer "par voie d’amendement la
création d’une commission permanente dédiée aux Outre-mer qui s’ajouterait aux huit commissions existantes",
afin de mieux prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins, annoncent-ils dans un communiqué
commun.

Ils saluent la création en 2012 d'une Délégation aux Outre-mer à l’Assemblée nationale et son inscription dans
la loi en 2017, qui "ont constitué une avancée pour une meilleure prise en compte des réalités ultramarines dans
les travaux législatifs", mais regrettent qu'elle "ne dispose pas à ce jour de moyens et de pouvoirs comparables à
ceux des commissions permanentes", et ne peut par exemple amender les textes soumis au Parlement.

"Or, on constate que les textes, qu’ils soient d’initiative parlementaire ou gouvernementale, omettent souvent de
prévoir les adaptations nécessaires à la spécificité des territoires ultramarins, en particulier à la Nouvelle-
Calédonie qui dispose d’un statut particulier", soulignent-ils.

La réforme du règlement de l'Assemblée nationale sera examinée en commission le 15 mai puis dans
l'hémicycle les 27 et 28 mai. Après un contrôle - obligatoire - par le Conseil constitutionnel, son entrée en
vigueur est programmée dès septembre.

caz/ib/tes

© Agence France-Presse

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REVUE DE PRESSE ET DES RESEAUX SOCIAUX - Mercredi 15 mai 2019 Outre-mer - Mayotte
A Mayotte, Christian Jacob défend une politique européenne "extrêmement ferme" contre l'immigration
clandestine

Mamoudzou, France | AFP | mardi 14/05/2019 - 14:27 UTC+3 | 278 mots

Christian Jacob, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, en déplacement à Mayotte
dans le cadre des élections européennes, a défendu mardi "une Europe qui protège", avec une politique de lutte
contre l'immigration clandestine "extrêmement ferme".

Jugeant lors d'une conférence de presse la situation "catastrophique" en matière d'immigration clandestine sur
l'île, M. Jacob a assuré que son parti était "conscient de la nécessité de renforcer le contrôle aux frontières" du
101ème département français.

Mayotte subit une forte pression migratoire des îles voisines des Comores dont la plus proche, Anjouan, est
située à 70 kilomètres de ses côtes, et a effectué 15.000 reconduites aux frontières en 2018. L'île comprend 48%
d'étrangers, selon l'Insee.

M. Jacob a défendu l'idée de placer des centres d'accueil de demandeurs d'asile en dehors des frontières du
territoire européen mais financés par l'Europe.

Interrogé par l'AFP sur la localisation de ces potentiels "hot spots" dans l'océan Indien, Christian Jacob a avoué
que "très concrètement, (il) ne savait pas" et que ça se déciderait au parlement européen si cette proposition
était validée. L'ancien ministre a également déclaré vouloir conditionner les fonds de coopération avec les pays
tiers en obligeant ces derniers à "reprendre leurs clandestins".

Il a enfin affirmé qu'il soutiendrait la proposition de loi du député mahorais Mansour Kamardine (LR) qui sera
soumise à l'Assemblée en juin.

Ce plan d'action qui prévoit pour Mayotte "un effort exceptionnel temporaire de rattrapage", selon M.
Kamardine, est chiffré à 995 millions d'euros sur 10 ans. Un montant "inférieur de 25%" au plan pour Mayotte
acté par la ministre des Outre-mer Annick Girardin en mai 2018, a défendu le parlementaire ultramarin, et qui
s'inscrirait en complémentarité.

ol/caz/it

© Agence France-Presse

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Le maire de Pointe-à-Pitre sous le coup d'une procédure de révocation
Pointe-à-Pitre, France | AFP | mardi 14/05/2019 - 19:30 UTC+3 | 528 mots
Le maire de Pointe-à-Pitre, Jacques Bangou, s'est vu notifier une procédure de révocation lundi pour mauvaise
gestion de sa commune, a-t-on appris de sources concordantes. Cette procédure, rare à l'encontre d'un édile, a
été lancée par le préfet Philippe Gustin à la suite d'un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC)
publié fin mars qui pointait un budget primitif 2018 en déficit de 78 millions d'euros.
M. Bangou dispose d'un mois pour présenter une réponse contradictoire.
Le rapport de la CRC évoquait un déficit structurel grave et une situation financière risquant "à brève échéance
de ne plus pouvoir être redressée", ainsi que nombre "d'insincérités budgétaires". La Chambre déplorait
également l'absence de réaction de la commune, sous-préfecture de Guadeloupe, à ses précédentes
recommandations: "Depuis 2015, la chambre propose des mesures de redressement dont la commune ne tient
aucun compte. (…) La volonté de ne pas gérer ses ressources et ses dépenses se confirme année après année".
Dans une lettre ouverte, Jacques Bangou s'interroge sur "la faute grave" qu'il aurait pu commettre "pour donner
au pouvoir le prétexte d’écarter le maire de la ville de Pointe-à-Pitre, vice-président de Cap Excellence
(communauté d'agglomération du sud-Grande-Terre, ndlr) et président du PPDG (Parti progressiste et
démocratique guadeloupéen, ndlr)". La procédure de révocation s’appuie sur le code général des collectivités
territoriales, qui prévoit que le maire et les adjoints peuvent être soit suspendus par un arrêté ministériel motivé
- pour une durée qui ne peut excéder un mois -, soit révoqués par décret pris en Conseil des ministres.
Si l'édile devait être révoqué, il serait remplacé par sa première adjointe, Josiane Gatibelza, et une nouvelle
élection devrait être organisée sous quinze jours. M. Bangou pourrait toutefois déposer un recours devant le
Conseil d'Etat. En Guadeloupe, comme aux Antilles, la CRC épingle régulièrement les communes et les
organismes publics pour leur mauvaise gestion. Près de deux communes guadeloupéennes sur trois sont situées
dans la zone d'alerte du réseau des finances locales, selon un document révélé par le quotidien FA Guadeloupe
début mai. Ces difficultés financières s'expliquent notamment par une masse salariale des communes
importante et en croissance constante. "Les dépenses de personnel représentent 65 % de leurs charges et elles
ont augmenté de 10% en trois ans", selon un document de la Direction générale des finances publiques de
Guadeloupe, que l'AFP s'est procuré. "La prime de vie chère (+ 40%) explique aussi la dépense
supplémentaire".
Dans un communiqué commun, le sénateur PS de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel
et les députées socialistes de Guadeloupe Victoire Jasmin et Hélène Christophe-Vainqueur ont dénoncé mardi
une "procédure infamante" qui, selon eux, "s’apparente à une manoeuvre politique visant à punir un maire
d’opposition". La présidente socialiste du département, Josette Borel-Lincertin a également fustigé "le caractère
politicien de cette procédure de révocation rarissime dans toute l’histoire de la Ve République".
ndl-sma-caz/are/mm
© Agence France-Presse

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Chlordécone: vers une commission d'enquête, à la demande des députés PS
Paris, France | AFP | mardi 14/05/2019 - 19:51 UTC+3 | 498 mots
Pollution des eaux et des sols, risque de cancers: les députés socialistes devraient obtenir l'ouverture d'une
commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, environnementales et économiques des pesticides
"chlordécone" et "paraquat" aux Antilles.
Le chlordécone, pesticide longtemps utilisé pour combattre un insecte dévastant les bananeraies, est suspecté
d'avoir des effets toxiques pour l'homme. Sa persistance dans les sols - jusqu'à sept siècles - et le risque de
contamination des aliments ont justifié l'adoption depuis 2008 de plusieurs Plans chlordécone pour évaluer la
pollution et protéger la population.
Le paraquat est un herbicide très dangereux interdit depuis 2007.
Le groupe PS a annoncé mardi vouloir engager son "droit de tirage" (une commission d'enquête par groupe et
par session) pour obtenir des réponses sur "les responsabilités dans l'autorisation de ces produits", l'évaluation
"des politiques publiques de recherche et de décontamination" et "les modalités d'indemnisation" des victimes.
Le président de l'Assemblée a saisi la garde des Sceaux pour s'assurer que les faits visés ne faisaient pas l'objet
de poursuites, seule condition qui pourrait rendre la demande (ou une partie de la demande) irrecevable.
Or, selon une source judiciaire, une information judiciaire sur le chlordécone est en cours. Ouverte en
novembre 2007 à Paris, elle porte sur les chefs de "mise en danger de la vie d'autrui par violation manifeste et
délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence", "administration de substances nuisibles" et "tromperie
sur la qualité substantielle et le risque inhérent d'une marchandise".
Si, pour l'heure, il n'y a pas eu de mise en examen, une expertise relativement complexe est en cours, a précisé
cette source à l'AFP.
"Nous sommes face à un drame sanitaire", a expliqué lors d'un point presse Serge Letchimy, député de la
Martinique. "Il faut répondre à la psychose collective qui s'installe, laisser la parole aux scientifiques", a ajouté
Hélène Vainqueur-Christophe (Guadeloupe).
Josette Manin (Martinique) a rappelé les mots du président Macron, fin septembre aux Antilles, expliquant que
l’État devait "prendre sa part de responsabilité" dans cette pollution et "avancer sur le chemin de la réparation".
"Depuis 1976, les conséquences catastrophiques du chlordécone étaient connues, sa fabrication a été interdite
aux Etats-Unis, pourtant la France a donné une autorisation du pesticide en 1980 qui a duré jusqu'en 1990 avec
une prolongation jusqu'en 1993", a rappelé Serge Letchimy.
"Plusieurs années après, nous constatons que 50% des terres martiniquaises et guadeloupéennes sont polluées",
selon lui.
"Une étude récente a montré que les risques de récidive du cancer de la prostate sont trois fois supérieurs pour
quelqu'un touché par le chlordécone et des institutions nationales (dont Santé publique France, ndlr) disent que
95% des Martiniquais et Guadeloupéens" sont contaminés, a-t-il indiqué.
Pour le député, l'indemnisation ne doit pas prendre en compte uniquement "l'exposition aux risques des 12.000
employés agricoles" mais bien "la contamination par l'alimentation" de "750.000 personnes".
L'élu souligne aussi les conséquences économiques pour les exploitants des sols contaminés et les pêcheurs, "la
moitié des côtes antillaises étant interdites à la pêche", contaminées par des écoulements d'eaux pluviales.
pr-edy/reb/are/mm
© Agence France-Presse

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De Cayenne à Paris, le chemin des « mules »
Par Alexandre Kauffmann
Après avoir franchi le fleuve qui sépare le Suriname de la Guyane, la cocaïne doit maintenant accomplir une
deuxième étape : la traversée de l’Atlantique. Les candidats pour cette mission sont désormais si nombreux que
le système judiciaire français n’arrive plus à faire face.
Cocaïne, les filières guyanaises (2/3). Un dimanche midi, à l’heure sans ombre, de jeunes Amérindiens se
partagent une bouteille de punch artisanal sur les trottoirs déserts de Cayenne. Pascal (les noms de certains
témoins et de tous les trafiquants cités dans cette enquête ont été modifiés), 24 ans, n’a pas dessoûlé depuis la
fin de son procès, qui s’est tenu trois jours plus tôt au palais de justice de la ville guyanaise. Cocard sous l’œil,
cheveux peroxydés, jean tombant à mi-fesses : c’est dans cette dégaine qu’il s’est présenté devant ses juges.
Quand les policiers l’ont intercepté au pied de l’avion avec 400 g de cocaïne ingérés sous forme d’ovules, il se
trouvait déjà sous contrôle judiciaire pour des faits similaires. Un magistrat lui avait interdit d’approcher
l’aéroport Félix-Eboué. Son nom figurait sur les fichiers de la police. Il n’avait aucune chance d’embarquer
pour Paris.
« C’est le profil type de la “mule sacrifiée”, indique le capitaine de gendarmerie Laurent M., à la tête du
détachement guyanais de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Les
trafiquants l’envoient au casse-pipe pour faciliter le passage des autres fantassins – au minimum une vingtaine
de personnes sur les deux vols quotidiens à destination de Paris-Orly. Les commanditaires savent que les
contrôles se grippent après deux ou trois interpellations. Avec 400 g, leurs pertes restent limitées. » La plupart
des candidats au trafic sont au courant de ces méthodes. Certains pensent avoir trouvé une parade : pour éviter
d’être « sacrifiés », ils réclament une charge de produit plus importante. Ces précautions expliqueraient en
partie l’augmentation de la quantité moyenne transportée par chaque passeur sur la liaison Cayenne-Paris, 2 kg
en 2018, contre 900 g en 2016.
Au moins 10 000 « mules » par an
Pascal, lui, ne s’est pas embarrassé de telles garanties. Comme nous passons à sa hauteur, il s’avance sur le
trottoir : « Je me souviens de votre tête, vous étiez au tribunal le jour de mon procès ! » La langue empâtée, les
yeux qui chassent, il avoue ne plus se souvenir de la peine prononcée à son encontre. Nous la lui rappelons :
deux ans d’emprisonnement assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve. Du délibéré, il a simplement retenu
qu’on ne le conduirait pas en prison s’il trouvait un travail ou une formation. Quand nous précisons que les
magistrats lui ont à nouveau interdit l’accès à l’aéroport Félix-Eboué, il lève les bras au ciel : « Je m’en fous !
Je recommencerai. Pas pour l’argent, juste pour emmerder ma femme… »
« En réalité, nous ne sommes pas confrontés à un problème de détection, mais à un problème de traitement »
Christophe Ducoli, inspecteur des douanes à l’aéroport Félix-Eboué de Cayenne
Si Pascal n’avait pas été arrêté par la police avant d’embarquer, il aurait sûrement retenu l’attention des
douaniers. Afin de repérer les passeurs, les agents utilisent en effet des critères de ciblage en amont. Ils
s’intéressent entre autres aux personnes sans bagages, dont les billets ont été payés en liquide. « En cas de
doute, quelques questions suffisent à confirmer notre intuition : la plupart des “mules” ne connaissent pas leur
destination finale en métropole, précise Christophe Ducoli, inspecteur des douanes à l’aéroport Félix-Eboué. En
réalité, nous ne sommes pas confrontés à un problème de détection, mais à un problème de traitement. » Il
paraît en effet impossible d’interpeller et de poursuivre l’ensemble des « mules » officiant sur les vols vers
Orly, soit environ 10 000 personnes par an, selon les plus basses estimations. Sans compter les commanditaires
et les logisticiens qui pilotent en coulisses les opérations depuis le Suriname, la Guyane ou la métropole. Avec
près de 1 400 passeurs arrêtés en 2018, la chaîne pénale française est déjà au bord de l’explosion.

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Pour les services de police et de gendarmerie, les « mules » in corpore – celles qui ont ingurgité des ovules,
comme le jeune Pascal – sont les plus chronophages, car elles exigent un suivi médical. « Chacune d’entre
elles, si elle était traitée par un seul gendarme, représenterait 35 jours complets de travail », précise la
préfecture de la Guyane. Le département ne disposant que de quatre lits en milieu médico-carcéral, toute place
supplémentaire nécessite la surveillance permanente de deux agents, un dispositif qui a totalisé 17 000 heures
de garde hospitalière en 2018. « La chaîne pénale d’urgence est mobilisée aux trois quarts par les “mules”,
déplore Samuel Finielz, procureur de la République à Cayenne. Autant de moyens en moins pour les autres
formes de criminalité. » Là aussi, les chiffres donnent la mesure du problème : la Guyane affiche le taux
d’homicide le plus élevé de tous les départements français, quatorze fois supérieur à celui de la Seine-Saint-
Denis. La nature des procès prévus à Cayenne donne le ton : coups de feu au canon scié sur une pirogue,
braquages en série contre des bijouteries, actes de tortures et de barbarie sur mineurs.

A l’aéroport Félix-Eboué, les passagers suspectés de transporter des ovules sont soumis à un test urinaire. Les
résultats s’avèrent positifs à la cocaïne pour l’ensemble des « mules » in corpore, même celles qui n’ont pas
consommé de produit : la poudre est si volatile qu’une partie se dépose immanquablement sur la paroi
extérieure des ovules au moment du conditionnement et de l’ingestion. Les passeurs sont alors transférés à
l’hôpital, où un scanner médical à rayons X confirme avec certitude la présence de corps étrangers dans
l’organisme. « Pour acheminer davantage de marchandises, explique un agent des douanes, il n’est pas rare
que plusieurs vecteurs soient combinés : en valises, à corps, ingérés ou insérés dans le vagin et le rectum. »
Pour satisfaire les revendications du vaste mouvement social qui a secoué la Guyane en 2017 contre la violence,
les trafics et le manque de moyens, un échographe a été installé à Félix-Eboué. Coût de l’opération :
15 000 euros. Avec un problème, tout de même : depuis sa livraison, l’appareil sommeille sous une bâche, faute
de médecin pour l’utiliser !

Des corps passés aux rayons X

Il n’y a que deux radiologues à l’hôpital de Cayenne, et ils ont déjà fort à faire par ailleurs. Leur déplacement à
l’aéroport, facturé 400 euros, paraît d’autant plus superflu que l’échographe a le même niveau de précision que
les tests urinaires : s’il permet de préciser une suspicion, un scanner à rayons X demeure indispensable à la fin
pour confirmer l’ingestion de boulettes. Le 27 mars, lors de la présentation du plan de lutte contre le
« phénomène » des « mules », la ministre des outre-mer, Annick Girardin, n’a pas hésité à mentionner
l’installation de cet appareil parmi les « avancées » du gouvernement. Quand Le Monde lui a fait valoir qu’il
n’avait jamais servi, Mme Girardin a reconnu un « manque de coordination », qui justifie d’autant plus le
« caractère transversal du plan annoncé ». L’échographe de Félix-Eboué incarne surtout l’improvisation des
pouvoirs publics face à un enrayement sans précédent des dispositifs de contrôle.

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Si les « fantassins de la cocaïne » retenus à l’aéroport de Cayenne présentent des points communs – jeunes, sans
profession, domiciliés sur les rives du Maroni, dans la région de Saint-Laurent, frontalière du Suriname –, ils
tendent à se diversifier. « Au-delà du fait d’avoir besoin d’argent vite, il n’y a pas vraiment de critères
spécifiques », analyse l’inspecteur des douanes Christophe Ducoli, en poste à Félix-Eboué. Parmi les personnes
interpellées, on compte ainsi des retraités, des réfugiés hmong, des femmes enceintes, des agents de sécurité
domiciliés en métropole et même des rapatriés sanitaires atteints d’un cancer. Quant aux « mules » mineures,
leur nombre a considérablement baissé depuis que les autorités exigent une autorisation parentale pour
embarquer. Il arrive aussi aux douaniers de recevoir l’appel d’un père ou d’une mère leur demandant de retenir
leur enfant pour éviter qu’il ne s’attire des « problèmes en métropole ».
De l’autre côté de l’Atlantique, un « nid de frelons » attend les passeurs à l’aéroport d’Orly. Devant les portes
des arrivées, il y a d’abord les « réceptionnistes », du petit personnel travaillant pour des commanditaires
installés en Amérique du Sud ou en Europe. La plupart d’entre eux n’ont jamais vu les « mules » qu’ils
accueillent. Smartphone en main, ils comparent les passagers aux photos que leur envoient par WhatsApp les
logisticiens du trafic depuis la Guyane ou le Suriname. Des enquêteurs en filature, à l’affût d’une identification
ou d’une interpellation, se cachent également dans les rangs du « comité d’accueil ». Il y a enfin les « équipes
de souleveurs », groupes discrets à la recherche de transporteurs à kidnapper. « Ils dérèglent totalement nos
dispositifs de surveillance », déplore un enquêteur du 2e district de la police judiciaire de Paris, témoin d’une
récente tentative d’enlèvement. A chacun de ses voyages, Saphira, une passeuse multirécidiviste âgée de
29 ans, préfère prendre les devants : « Je ne traîne pas dans le hall des arrivées, indique-t-elle au Monde. Même
si le “réceptionniste” n’est pas là, je prends un taxi. On finit toujours par m’envoyer une adresse. »
« Deux ans de RSA en 72 heures »
Les douanes d’Orly interceptent environ 5 % des « mules » en provenance de Guyane. Cette proportion – près
de deux personnes par jour – suffit à saturer les services judiciaires de la région parisienne. Le parquet de
Créteil, compétent sur l’aéroport du Val-de-Marne, doit donc faire preuve de subtilité dans la répartition des
saisines : au pied de l’avion, les passeurs ayant ingéré de la cocaïne ou détenant plus de 2 kg de marchandises
sont traités par l’OCRTIS ; les transporteurs ayant inséré des ovules dans leur vagin ou dans leur rectum
rejoignent le service départemental de la police judiciaire (SDPJ 94), en compagnie de ceux contrôlés avec
moins de 2 kg de produit ; enfin, toutes les « mules » interpellées dans les gares de la capitale, où elles
cherchent à filer vers des villes de province, sont remises à la brigade des stupéfiants de Paris (BSP). Malgré
cette distribution pointilleuse des procédures, l’équilibre du système demeure précaire : selon une note datée du
15 février circulant au ministère de l’intérieur, que Le Monde s’est procuré, les « passeurs en provenance de
Guyane […] dépassent actuellement la capacité des services à enrayer la progression du phénomène ».
Par une brumeuse matinée d’hiver, Lydie, 19 ans, est conduite au SDPJ 94, à un jet de pierre du tentaculaire
centre commercial Créteil Soleil. Un peu plus tôt, à l’arrivée du vol Air Caraïbes en provenance de Cayenne,
les douaniers d’Orly ont découvert trois sachets de cocaïne scotchés sur ses fesses et son bas-ventre. En tout
1 200 g, soit une valeur d’environ 35 000 euros à la revente en métropole. Domiciliée à Saint-Laurent-du-
Maroni, mère d’un garçon de 2 ans, la jeune femme est sans emploi. Le major Georges B., chef de groupe
adjoint chargé de son audition, lui fait apporter une couverture : elle ne porte qu’une veste d’été et des sandales,
sous lesquelles elle a enfilé les chaussettes à grosses mailles distribuées dans les avions. « Ton iPhone X,
comment il a été payé si tu ne travailles pas ? », interroge l’enquêteur. « Je règle par mensualités, avec l’argent
de la CAF », murmure Lydie. Son français est approximatif : elle fait mention de « prénom de famille » et
plisse le front en signe d’incompréhension quand il est question de produits « illicites ».
Au fil de son audition, deux autres passeurs en provenance de Guyane sont remis au service : un homme de
35 ans originaire de Cayenne et une femme de 26 ans habitant Grand-Santi, sur le Haut-Maroni. Après avoir
donné quelques consignes, le major retourne à son clavier, questionnant Lydie sur ses motivations. « J’ai
accepté de faire ça pour pouvoir sortir avec mes copines », souffle-t-elle. Les « mules » atteignant la
destination qui leur est assignée par les commanditaires reçoivent entre 3 000 et 10 000 euros.

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Pour les amadouer, les trafiquants leur promettent « deux ans de RSA en 72 heures ». Si la plupart des passeurs
disent agir par nécessité, beaucoup évoquent aussi des motifs futiles : « faire profiter les amis », « s’acheter un
smartphone » ou même « se refaire les seins ». « Un voyage en métropole, c’est valorisant pour des jeunes sans
emploi, estime Erwan Gourmelen, du Groupe SOS jeunesse Guyane, qui offre aux mineurs des alternatives à
l’incarcération. Sans perspective d’avenir, ils n’ont pas grand-chose à perdre. »

Une salle secrète de l’Hôtel-Dieu

Les « soutiers de la blanche » étranglent également les services de l’OCRTIS, qui recueillent l’essentiel des
« bouletteux », comme les policiers surnomment les transporteurs in corpore. Basée à Roissy, la brigade
aéroportuaire de cet office passe le plus clair de son temps entre les douanes d’Orly – où les « mules » sont
placées en rétention – et les centres médico-judiciaires de Paris – où les ovules sont expulsés. D’une adresse à
l’autre, le brigadier Sébastien G. traîne derrière lui une valise à roulettes, ce qui lui permet de garder à portée de
main les formulaires, un ordinateur, les tampons et une imprimante portable. Il se rend plusieurs fois par
semaine dans l’un des lieux les plus secrets de la capitale, caché derrière une porte en fer, au dernier étage de
l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, près de Notre-Dame. Aucune inscription. Pas de poignée. Créée en 1943 par les
Allemands pour y interroger des membres de la Résistance, la salle Cusco est la seule unité hospitalo-carcérale
de Paris.

Dans les pas du brigadier, nous franchissons la porte blindée avant d’aborder un sas gardé par un agent
bodybuildé. A ses côtés, une policière en uniforme lit Harry Potter devant des écrans de surveillance, sans
paraître incommodée par l’odeur d’excréments et de paraffine qui imprègne les lieux. « Aujourd’hui, on a un
“gilet jaune”, une pyromane et quatre “mules” », annonce-t-elle à Sébastien G. Le brigadier s’enquiert de son
« client », Erol, 18 ans, arrêté par les douanes d’Orly avec 125 ovules dans le ventre. « Il est en bonne voie, se
félicite la policière. On a déjà la moitié des capsules. » Sébastien G. tire sa valise dans l’une des neuf chambres
alignées sous les combles de l’Hôtel-Dieu. « Tu avances bien, Erol, lance-t-il au « patient », allongé en blouse
verte sur le lit. Si tu gardes ce rythme, on aura toutes les boulettes avant la fin de ta garde à vue. »

Un infirmier apporte au jeune ultramarin une coupe remplie de pâte rose. Un laxatif à base de paraffine. Dès le
début de son audition, Erol tient à préciser qu’il ne consomme pas de cocaïne, juste du kali (de la marijuana).
C’est le cas de toutes les « mules » que nous avons pu rencontrer, à l’exception de Dylan, un jeune transporteur
récidiviste habitant à Saint-Laurent-du-Maroni. D’après nos informations, il en irait de même pour les
commanditaires et les logisticiens : ils trafiquent, mais ne consomment pas. Erol se lève soudainement pour
aller s’asseoir sur les toilettes, obstruées par un bac en plastique. Après quelques minutes, sous la surveillance
d’un agent, il récupère des ovules dans le réceptacle et les passe sous l’eau. « Cinq de plus », approuve le
brigadier.

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Le passeur répond maintenant aux questions sur son état civil. Il indique vivre à Kourou, chez sa mère,
actuellement incarcérée au centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) pour avoir transporté de la cocaïne,
elle aussi. Sébastien G. comprend alors qu’il connaît cette femme : il l’a placée en garde à vue en automne
2018, ici même, à « Cusco »… Cette découverte ne semble pas le surprendre. « La mère d’Erol était en
récidive, se souvient-il. Elle fait partie de notre quotidien, une “mule” parmi les 300 que nous avons déférées
en 2018. Leur nombre a doublé en une seule année. Hôpitaux, auditions, destruction du produit : à la fin, il
nous reste peu de temps pour démanteler les filières. »

L’exemple néerlandais

L’embolie inédite des services judiciaires et le taux élevé de récidives conduisent certains analystes du
ministère de l’intérieur à s’intéresser aux stratégies expérimentées à l’étranger. Aux Pays-Bas, par exemple,
confrontés au même phénomène au début des années 2000. A l’époque, les douaniers de l’aéroport
d’Amsterdam-Schiphol ont en effet commencé à intercepter des milliers de « mules » en provenance des
Antilles néerlandaises, du Suriname et du Venezuela. Chaque vol pouvait compter jusqu’à cinquante passeurs.
Face à l’afflux massif de cocaïne, le gouvernement a mis en place des mesures radicales : contrôle de tous les
passagers sur les liaisons aériennes sensibles ; installation d’un scanner à rayons X, uniquement destiné aux
voyageurs suspectés – une rétention de trois jours étant prévue en cas de refus – et, surtout, abandon temporaire
des poursuites judiciaires en dessous de 3 kg de marchandise, afin de prévenir tout engorgement de la chaîne
pénale.

« En ce moment, le cours des sanctions, c’est à peu près un an ferme par kilo »
David Cazeneuve, avocat

D’importantes quantités de cocaïne ont ainsi été saisies, décourageant peu à peu les réseaux. En quelques mois,
le nombre de « mules » est revenu à hauteur des capacités procédurales. En 2005, les autorités ont décidé de
reprendre les poursuites pénales, suspendues deux ans plus tôt. « Nous interceptons aujourd’hui moins de
300 passeurs par an sur les vingt-cinq vols hebdomadaires en provenance des pays à risque – Antilles
néerlandaises, Suriname et Venezuela –, évalue Hans Abma, conseiller politique du gouvernement des Pays-
Bas. A ce niveau, le flux est sous contrôle. »

Si la situation actuelle de la France est comparable à celle des Pays-Bas il y a une vingtaine d’années – avec
près de 1 500 interpellations par an –, les options retenues ne freinent en rien la croissance du phénomène. En
Guyane comme en métropole, l’abandon des procédures judiciaires en dessous d’une certaine quantité de
produit n’est pas à l’ordre du jour. Face à la multiplication des défèrements, les magistrats de Cayenne essaient
de limiter les détentions provisoires et les peines d’emprisonnement ferme, surtout quand il s’agit de
transporteurs primo-délinquants.

En février, une femme interceptée avec 15 kg de cocaïne est ressortie libre, après avoir été placée sous contrôle
judiciaire dans l’attente de son procès. Un mois plus tard, une autre « mule », qui avait caché 4,3 kg dans sa
valise, s’est vue condamnée à deux ans de prison avec sursis, une peine assortie d’une mise à l’épreuve. « Le
plus souvent, les transporteurs ne participent pas à la conception du trafic, précise le procureur Samuel Finielz.
Ils se contentent d’exécuter des consignes. » C’est l’une des raisons qui incitent le parquet à favoriser les
comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les « mules » interpellées avec moins de 1 kg de
marchandise. « Et nous allons probablement élargir ce seuil », annonce le magistrat.

Schizophrénie pénale

En métropole, le parquet de Créteil oriente lui aussi les sanctions à la baisse. Il faut dire que les passeurs
mobilisent près de la moitié des audiences en comparution immédiate du tribunal. Au cours de la seule année
2018, la juridiction cristolienne a condamné près de 450 « mules ».

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En l’absence de garanties de représentation – les justiciables étant pour l’essentiel domiciliés en Guyane –, les
peines de prison ferme y sont plus nombreuses que dans le département d’outre-mer. « Ces procès ont tout
d’une justice d’abattage, s’indigne l’avocat David Cazeneuve. En ce moment, le cours des sanctions, c’est à
peu près un an ferme par kg. » La condamnation de Lydie, cette transporteuse de 19 ans rencontrée dans les
services de police du Val-de-Marne, s’aligne sur cette jurisprudence : 14 mois pour 1 200 g. A l’issue du
délibéré, la jeune Guyanaise fond en larmes, même si elle n’a pas tout saisi de ce qui a été dit.

Au tribunal de Nevers (Nièvre), où les comparutions de « mules » sont bien plus rares, les peines prononcées
apparaissent sans commune mesure avec celles de Cayenne ou de Créteil. Le dernier transporteur traduit dans
cette juridiction a écopé de trois ans de prison ferme. Que ce soit dans la Nièvre ou sur les rives du fleuve
Maroni, les justiciables manifestent le même étonnement en s’entendant désignés comme des « trafiquants de
drogue ». « Il y a un sérieux problème de compréhension des peines et des règles de droit, reconnaît le
procureur Samuel Finielz. Pour expliquer les sanctions et prévenir la récidive, nous étudions la mise en place
d’un stage de sensibilisation ad hoc. » Dans les rues de Saint-Laurent-du-Maroni, où nous avait conduits le
premier volet de cette enquête, les candidats au transport ont toutefois compris qu’un premier voyage avait peu
de chances de les conduire derrière les barreaux, à condition d’être interpellés du bon côté de l’Atlantique.
« Sur le fleuve, tout le monde sait que les passeurs sans casier ressortent libres après leur défèrement à
Cayenne », confirme un éducateur travaillant au sein d’une structure d’accueil des mineurs placés sous mandat
judiciaire. Dans le plan de lutte interministériel contre le « phénomène des “mules” », présenté en mars par le
gouvernement, il est rappelé qu’une « politique pénale de fermeté sera mise en œuvre par les parquets de
Cayenne et de Créteil ». Parallèlement, le même parquet de Cayenne détache des audiences à Saint-Laurent-du-
Maroni pour mieux faire connaître ses décisions, en l’occurrence une relative indulgence à l’encontre des
transporteurs. Cette schizophrénie pénale donne la mesure de l’impasse actuelle : le renforcement des
interpellations banalise la présence des « mules » dans les tribunaux, où leurs sanctions s’allègent
progressivement, incitant toujours plus de candidats au départ. « Puisque les poursuites n’ont plus d’effet
dissuasif, pourquoi ne pas les supprimer et ne retenir que la marchandise en dessous d’une certaine quantité,
comme l’ont fait les Pays-Bas ? », s’interroge un douanier soucieux de rester anonyme. Le plus souvent, les
« mules » semblent en effet détachées des décisions de justice, comme en témoigne la récente réplique d’un
passeur guyanais au tribunal de Créteil, après l’annonce de sa condamnation à douze mois de prison ferme :
« Au moins, je sortirai à temps pour mon concours de gendarmerie… »
Les filières guyanaises de la cocaïne, une série en trois épisodes
1. Sur les rives du fleuve Maroni, de la coke et des hommes
2. De Cayenne à Paris, le chemin des mules
3. Traînées de poudre à travers l’Hexagone
Alexandre Kauffmann Cayenne, envoyé spécial

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Le gouvernement désigne Montagne d’Or pour
masquer la faiblesse de son cadre légal
Myrtille Delamarche DOM - TOM , métaux précieux , Mines - métaux

Analyse Les déclarations politiques contre le projet Montagne d'or en
Guyane se multiplient, à l'approche des élections européennes. Il
s'agit de convaincre un électorat sensible aux questions écologiques.
Mais sans cadre légal pour appuyer ce refus, il est urgent d'attendre,
pour éviter un fiasco du type de l'écotaxe.
Le ministre de la Transition écologique François de Rugy et le Président Emmanuel Macron ont réitéré leurs
réserves sur le projet Montagne d'Or début mai. © FDR - François de Rugy / CC BY 2.0
                                            "Pas au niveau" selon le ministre de la Transition écologique
                                            François de Rugy, "pas compatible avec une ambition écologique et
                                            en matière de biodiversité" d’après le président de la République
                                            Emmanuel Macron… Les déclarations politiques se multiplient ces
                                            derniers jours contre le projet de mine d'or de la Compagnie
                                            Montagne d’Or (CMO) en Guyane.
                                             Il faut dire que les vents ne sont pas favorables à ce projet de mine
                                             industrielle, en pleine panique sur la biodiversité, et alors que Brune
                                             Poirson lutte pied à pied pour faire valoir l'engagement du
gouvernement dans l'économie circulaire. Nous sommes surtout à quelques semaines des élections
européennes, et Pascal Canfin vient de quitter la direction du WWF pour rejoindre la liste LREM de Nathalie
Loiseau. Difficile de croire que le sujet n'a pas été évoqué dans les discussions préalables à ce ralliement
opportun, les voix écologistes pouvant peser dans la bataille entre les 33 listes déposées. Le WWF est l'un des
opposants les plus virulents au projet Montagne d'Or.. . . . . . . . . . . .

Pas de cadre légal pour un refus
"On a aujourd'hui un code minier qui ne date même pas du XXe siècle mais du XIXe siècle", a rappelé François
de Rugy le 30 avril sur BFMTV. Et de préciser "ce que je veux, c'est que ces consortiums miniers
internationaux ne puissent pas se jouer d'un droit complètement obsolète. Donc je veux réformer les règles qui
permettent d'attribuer ou pas des projets." Si ce n’était pas assez clair, le ministre a assuré qu'il ne serait "pas
trop tard" pour le projet Montagne d'or, qui "n'est pas déposé". Mais "il faudra évidemment que le Parlement
puisse voter ces nouvelles règles le plus rapidement possible".

Un numéro d’équilibriste pour François de Rugy
En clair, faute d’avoir avancé, en droit, pour cadrer l’activité du secteur minier, le gouvernement – et
particulièrement François de Rugy, en charge des mines - doit tenir sur la durée un numéro d’équilibriste, en
affirmant son opposition au projet sans se mettre en porte-à-faux juridique.
Les directions de son ministère chargées d’instruire les dossiers de renouvellement des concessions minières
ont peu à peu dû renouveler, faute d’arguments pour motiver un refus, celles arrivées à échéance en Guyane.
Mais pas celle de Montagne d’Or, prorogée de facto à défaut de l’être de jure. Plusieurs sources familières avec
le dossier le reconnaissent : l’Etat n’a pas aujourd’hui d’arguments pour refuser de prolonger cette concession
qui, rappelons-le, n’est qu’un titre foncier qui ne permet pas de lancer l’exploitation.

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Si CMO n'a pas déposé de demande de permis - l'étape suivante -, c'est parce qu’elle attend, précisément, que
soit fixé le cadre dans lequel insérer ce projet pour qu’il soit recevable. Une mini-loi de circonstance n'y suffira
pas. Cela passe par la nécessaire (mais sans cesse repoussée) refonte du code minier, tentée en 2017 par le
député (PS) Jean-Paul Chanteguet. Plusieurs associations écologistes étaient très critiques sur ce texte. Il faudra
mettre ce code minier obsolète en conformité avec le code de l'Environnement, et y transcrire les principes de la
Charte "mine responsable", édictés sur une initiative pour le renouveau minier d’Emmanuel Macron du temps
où, ministre, il soutenait le projet Montagne d’Or.
En attendant, le dossier Montagne d’Or sera examiné par le tout nouveau Conseil de défense écologique
réunissant des ministres et opérateurs de l’Etat, dont la création a été annoncée le 25 avril parmi d’autres
mesures visant à répondre à la grogne sociale cristallisée autour du mouvement des Gilets jaunes. Le chef de
l'Etat a précisé qu'il y aurait "une évaluation complète pour le prochain conseil de défense écologique sur ce
sujet et une décision formelle et définitive sera prise en concertation avec le territoire", sans préciser de date.

Le précédent de la montagne de Kaw…
Comment ne pas penser au précédent de la montagne de Kaw, qui avait vu la minière canadienne Iamgold (ou
plutôt sa filiale guyanaise CBJ Caïman) se faire refuser par le président d’alors, Nicolas Sarkozy, un permis
d’exploiter un gisement guyanais après deux ans de tergiversations? En 2008, un rapport ministériel était
produit sur la montagne de Kaw et le secteur aurifère guyanais, qui rappelle étrangement celui sur les grands
projets aurifères en Guyane qui vient d'être bouclé et remis aux ministres concernés (en toute confidentialité).
Ce rapport de 2008 soulignait "la nécessité de lever rapidement les incertitudes sur le dossier et de s’engager
dans une véritable stratégie de développement minier", notamment en Guyane. On pourrait copier-coller la
phrase dans le rapport actuel.
Mais en 2009, les deux recours et demandes d’indemnisation formulés par Iamgold avaient échoué en justice,
grâce à un cadre légal qui soutenait le refus. Dix ans plus tard, la situation a un peu évolué. La Guyane a
désormais un Schéma départemental d’orientation minière (Sdom), qui n’empêche en rien le développement du
projet Montagne d’Or, situé en zone 2, où la prospection et l’exploitation minière sont autorisées sous
conditions.
CMO s’est engagée à plusieurs reprises à respecter l'ensemble de ses obligations, ainsi que les principes de la
charte "mine responsable" définie par l’État en 2017. Depuis le débat public, elle a proposé plusieurs
modifications pour verdir son projet: passage à l'énergie solaire, abandon de la construction de la ligne à haute
tension, abaissement des digues des bassins de résidus pour réduire le risque d'une catastrophes telle que celles
de Vale au Brésil, adhésion au Code du Cyanure sous l'égide des Nations unies pour faire auditer son usage de
ce réactif dangereux... Pour le détail, il faudra attendre l'étude d'impact et la description du projet dans la
demande de permis... donc le cadre légal qu'elle attend pour formuler son projet. Au-delà des déclarations, il est
bien trop tôt pour juger de sa pertinence et de son acceptabilité.

… ou celui de l’écotaxe ?
Plus que la montagne de Kaw, le dossier Montagne d'Or évoque l’écotaxe et ses portiques, qui ont défrayé la
chronique entre 2015 et 2017. N’étant pas soutenue en droit, l’annulation toute politique de ce contrat (et du
principe de l’écotaxe poids-lourds) avait abouti au paiement, par l’Etat français, de 403 millions d’euros
d’indemnités au consortium franco-italien Ecomouv. Indemnités auxquelles il avait fallu ajouter une reprise de
créance de près de 390 millions d’euros, ainsi que le coût du démontage des portiques et la perte de revenus.
Une facture totale que la Cour des comptes a évaluée à 11 milliards d’euros.
Décider vite ("avant l'été" selon François de Rugy), ce serait trancher entre la délivrance de permis bien
impopulaires et le blocage non-motivé de tout projet minier sur le sol français. Pour l'or de Guyane comme pour
le tungstène de l'Ariège et le lithium de nos futurs véhicules électriques, il est urgent d'attendre et de délaisser
les symboles pour s'atteler à définir une politique minière responsable, et à la rédaction des textes qui
permettront de l'implémenter.

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L’OUTRE-MER
DANS LA PRESSE
   LOCALE

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LES UNES DE LA PRESSE LOCALE

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LES UNES DE LA PRESSE LOCALE

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GUADELOUPE

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14/05/2019
Chlordécone : Vers une commission d’enquête, à la demande des députés PS
©Twitter / Hélène Vainqueur-Christophe

Pollution des eaux et des sols, risque de cancers : les députés socialistes devraient obtenir l’ouverture
d’une commission d’enquête sur les conséquences sanitaires, environnementales et économiques des
                                                 pesticides « chlordécone » et « paraquat » aux Antilles.
                                                   Le chlordécone, pesticide longtemps utilisé pour combattre
                                                   un insecte dévastant les bananeraies, est suspecté d’avoir des
                                                   effets toxiques pour l’homme. Sa persistance dans les sols –
                                                   jusqu’à sept siècles – et le risque de contamination des
                                                   aliments ont justifié l’adoption depuis 2008 de plusieurs
                                                   Plans chlordécone pour évaluer la pollution et protéger la
                                                   population. Le paraquat est un herbicide très dangereux
                                                   interdit depuis 2007.
                                                   Le groupe PS a annoncé mardi vouloir engager son « droit de
tirage » (une commission d’enquête par groupe et par session) pour obtenir des réponses sur « les
responsabilités dans l’autorisation de ces produits », l’évaluation « des politiques publiques de recherche et de
décontamination » et « les modalités d’indemnisation » des victimes. Le président de l’Assemblée a saisi la
garde des Sceaux pour s’assurer que les faits visés ne faisaient pas l’objet de poursuites, seule condition qui
pourrait rendre la demande (ou une partie de la demande) irrecevable. Or, selon une source judiciaire, une
information judiciaire sur le chlordécone est en cours. Ouverte en novembre 2007 à Paris, elle porte sur les
chefs de « mise en danger de la vie d’autrui par violation manifeste et délibérée d’une obligation de sécurité ou
de prudence », « administration de substances nuisibles » et « tromperie sur la qualité substantielle et le risque
inhérent d’une marchandise ». Si, pour l’heure, il n’y a pas eu de mise en examen, une expertise relativement
complexe est en cours, a précisé cette source.
« 50 % des terres martiniquaises et guadeloupéennes polluées »
« Nous sommes face à un drame sanitaire », a expliqué lors d’un point presse Serge Letchimy, député de
Martinique. « Il faut répondre à la psychose collective qui s’installe, laisser la parole aux scientifiques », a
ajouté Hélène Vainqueur-Christophe (Guadeloupe). Josette Manin (Martinique) a rappelé les mots du président
Macron, fin septembre aux Antilles, expliquant que l’État devait « prendre sa part de responsabilité » dans
cette pollution et « avancer sur le chemin de la réparation ». Répondant aux associations, le président de la
République a également annoncé, le 12 mai, un « Plan Chlordécone IV » visant au « zéro chlordécone dans
l’alimentation ».
« Depuis 1976, les conséquences catastrophiques du chlordécone étaient connues, sa fabrication a été interdite
aux Etats-Unis, pourtant la France a donné une autorisation du pesticide en 1980 qui a duré jusqu’en 1990
avec une prolongation jusqu’en 1993″, a rappelé Serge Letchimy. « Plusieurs années après, nous constatons
que 50% des terres martiniquaises et guadeloupéennes sont polluées », selon lui. « Une étude récente a montré
que les risques de récidive du cancer de la prostate sont trois fois supérieurs pour quelqu’un touché par le
chlordécone et des institutions nationales (dont Santé publique France, ndlr) disent que 95% des Martiniquais
et Guadeloupéens » sont contaminés, a-t-il indiqué. Pour le député, l’indemnisation ne doit pas prendre en
compte uniquement « l’exposition aux risques des 12.000 employés agricoles » mais bien « la contamination
par l’alimentation » de « 750.000 personnes ». L’élu souligne aussi les conséquences économiques pour les
exploitants des sols contaminés et les pêcheurs, « la moitié des côtes antillaises étant interdites à la pêche »,
contaminées par des écoulements d’eaux pluviales.

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