Message du président - FAFQ

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Message du président - FAFQ
Vol. 10, no 9, septembre 2021

Message du président
                 Parlons de délimiter notre territoire. Les animaux ont
                 souvent l’habitude de le faire en laissant une trace de
                 leur passage sur un arbre (poils, marques de griffe,
                 urine). Les humains le font aussi, mais autrement.

                 Au dernier numéro des NCN, un communiqué de
                 Parcours Fil Rouge nous apprenait que trois nou-
                 veaux marqueurs de familles venaient d’être dévoilés
                 en juillet dans le cadre de Passeurs de mémoire. Il Michel Bérubé
                 s’agit des marqueurs Lévesque-Chevalier, qui apparaît
                 sur la photo, Michaud-Asselin et Pelletier-Langlois, lesquels s’ajou-
                 tent à quatre marqueurs dévoilés l’an dernier. Ces marqueurs de huit
                 pieds en hauteur sont plantés à des endroits où certains de nos pre-
                 miers ancêtres se sont installés, à Kamouraska, La Pocatière, Rivière-
                 Ouelle ou Saint-Roch-des-Aulnaies. Le financement nécessaire à la
                 fabrication de ces marqueurs a été assuré par les associations de fa-
                 milles concernées.

                 Il est possible de consulter de la documentation sur ces familles en
                 approchant ces marqueurs avec un cellulaire, une fois payé un code
                 d’accès auprès de Fil Rouge. Il y a là un plus par comparaison à des
                 monuments traditionnels ou à des plaques. Les associations de famil-
                 les en ont disséminé un grand nombre sur le territoire du Québec et
                 même ailleurs, notamment en France.

                 Pourquoi tient-on à laisser des traces? Il y a différentes raisons, mais
                 la plus importante est sans doute celle d’afficher nos vieilles racines
                 pour que les générations futures, engendrées ici ou venues d’ailleurs,
                 aient une petite idée de l’histoire de nos vieilles familles. Cela fait
                 aussi partie de la mission de nos associations.
Message du président - FAFQ
À noter que l’assemblée générale qui était prévue            Au dernier numéro, nous avions annoncé notre inten-
pour le 30 octobre n’aura finalement pas lieu. Un            tion de profiter de l’assemblée proposée pour nous re-
responsable de l’endroit que nous avions réservé pour        trouver et discuter un peu de notre avenir. Nous allons
sa tenue nous a finalement informé qu’il ne serait pas       quand même vous présenter autour du 30 octobre une
possible de réunir plus de 25 personnes à la fois, une       vidéo qui permettra de faire état de l’évolution prévisi-
nouvelle règle mise en œuvre, à peu près l’équivalent        ble de la Fédération et des changements qui peuvent
d’un conseil d’administration élargi…Comme cela              être envisagés en conséquence. Vous pourrez ensuite
coïncide également avec les élections municipales, la        transmettre vos questions et commentaires, ce qui per-
recherche d’une autre salle se compliquait. Les récentes     mettra de poursuivre la réflexion en attendant la tenue
nouvelles portant sur la COVID nous laissent également       d’une véritable assemblée générale, en présentiel, au
dans le doute.                                               printemps 2022.

Émeute anti-vaccins de 1885 à Montréal

Ci-joint, un fichier audio fort intéressant de l’historien
Laurent Turcot sur le site web de ici.radio-canada.ca sur
l’épidémie de variole de 1885 à Montréal. Pour écouter
l’extrait sonore de huit minutes :

                           Appuyez

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Avis de convocation à la 30e assemblée générale, dimanche le 3 octobre 2021,
                  au Vieux Bureau de Poste de St-Romuald (Lévis)
                               (IMPORTANT : lire la note à la fin de ce texte)
                                        Programme de la journée :

                                        •   11h30 : arrivée des invités

                                        •   12h00 : dîner

                                        •   13h00 : présentation de faits historiques par M. Pierre Gouin

                                        •   14h00 : assemblée générale (après la présentation)

Menu du repas: pour éviter la manipulation de nourriture et d’ustensiles, nous aurons du poulet du
restaurant St-Hubert, la moitié de notre commande sera en boîtes de cuisse et l’autre moitié de poitrine. De
même que la moitié des boîtes seront accompagnées de frites et l’autre moitié de riz. Des breuvages seront
compris : boisson gazeuse, café ou thé. Nous avons également un service bar dans la salle. Si vous ne pouvez
pas manger de poulet, vous nous le direz lorsque vous ferez votre inscription.

Adresse : 2172 Chemin du Fleuve, Saint-Romuald, QC G6W 1Y6

Coût d’inscription : 35$/personne
Faire le chèque à l’ordre de :
Association des Lambert d’Amérique Inc.
Réservations attendues au plus tard:
Vendredi le 17 septembre 2021.

Fiche d’inscription annexée.

Faire parvenir à :
Association des Lambert d’Amérique Inc.
650, rue Graham-Bell, bureau 210
Québec QC, G1N 4H5

NOTE : Il faudra que les consignes du Gouvernement du Québec permettent les rassemblements de 50
personnes au moins pour que notre assemblée ait lieu. Nous vous aviserons si notre assemblée générale est
annulée et/ou reportée. Les personnes dont nous avons une adresse de courriel recevront un message en
conséquence. Les autres seront avisées par téléphone. Nous publierons également un avis sur notre site
Internet.

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Reculer de 900 ans
                                                                                                 Par Michel Bérubé

J    e me suis fait demander comment cela était possi-
     ble depuis que mon association a publié La Saga
     des Bérubé depuis 900 ans. Il n’y a pas de doute
que cela résulte dans mon esprit de circonstances excep-
                                                             die, mais pas seulement de ce duché. Pour asseoir leur
                                                             autorité, ces Français, appelés Anglo-Normands ou
                                                             Normans par les historiens, se sont complètement subs-
                                                             titués à une noblesse d’origine anglo-saxonne, en s’ap-
tionnelles que je vais tenter d’expliquer.                   propriant tous les postes importants, notamment au sein
                                                             de l’Église. Les nombreuses traces laissées par le nom
Admettons tout d’abord qu’il est généralement difficile      Beruby/Berruby/Barube, d’abord sous une forme an-
de remonter avant 1537 alors que la tenue de registres       cienne d’origine scandinave comme Bergaby/Bergeby
est devenue obligatoire au sein de l’Église. Il y a cepen-   ou Berchebi, témoignent de cette réalité, notamment
dant une exception au sein                                                               lorsqu’il est question de
de familles appartenant à                                                                titres de propriété ou encore
l’aristocratie qui attachaient                                                           d’un rôle de curé, de prieur
beaucoup d’importance à                                                                  ou celui de supérieur d’un
l’origine de leurs titres,                                                               monastère ou d’une abbaye.
donc à leur généalogie.                                                                  Or, cette « occupation »
Pour le monde ordinaire, il                                                              demeure significative jus-
est également possible de                                                                qu’à la fin du règne de la
trouver ici et là quelques                                                               dynastie des Plantagenêt en
traces anciennes de noms                                                                 1399, donc sur une longue
qui sont devenus des patro-                                                              période.
nymes, dès le XIIe siècle
chez les Normands présents                                                                Il reste un mystère autour
en Angleterre, des Ascelin,                                                               de notre patronyme dans le
Bouffard, Fleury, Godin,                                                                  contexte de la féodalité du
Hardy, Lafond, Leblond, Ricard, Taillefer, etc. Mais, il     Moyen âge. Les chevaliers et leurs écuyers devaient en
n’y a pas nécessairement là de quoi se donner une gran-      effet disposer d’une propriété suffisamment importante
de connaissance de l’histoire des gens qui le portaient,     pour s’équiper afin de suivre leur baron à la guerre, no-
surtout que l’orthographe des patronymes est très varia-     tamment aux croisades. S’il y avait en Angleterre un
ble jusqu’au XVIIIe siècle.                                  nombre limité de barons, 180 au temps du roi Guillau-
                                                             me (William 1er), il y avait un plus grand nombre de
La Saga… a été rendue possible parce que le patrony-         chevaliers, au moins 5000 à la même époque. Quand on
me Beruby/Berruby a été présent en Angleterre au sein        retrace son nom en lien avec une propriété, à l’occasion
de la classe possédante constituée essentiellement de        d’une transaction, d’un héritage ou d’un procès, la ques-
francophones. Nous ignorons pour la plupart que la           tion se pose rapidement. Est-on en présence d’un cheva-
conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant,        lier, d’un écuyer ou d’un de leurs héritiers? La réponse
en 1066, a mené à une occupation du pays par une mi-         ne se trouve pas nécessairement.
norité de Français qui venaient beaucoup de Norman-

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À l’époque de la Renaissance, notre patronyme évolue
de même que le nom des lieux dont il tire son origine,
qui deviennent progressivement des Barrowby ou des
Borrowby, des noms qui existent encore de nos jours.
Le plus ancien lieu autour duquel le patronyme est d’a-
bord apparu, au Northamptonshire (au sud de Rugby), a
évolué de Beruby en Boroughby, Beroubi, Berrobi pour
devenir de nos jours Barby. Il est voisin de lieux qui
portent aussi des noms d’origine norroise comme Kils-
by (autrefois Kildesby), Willoughby ou Nortoft.

Comme l’anglais moderne s’est imposé progressive-
ment au XVe siècle alors que le français anglo-normand       jours. Or, les descendants de Damian représentent près
perdait de l’influence, les patronymes se sont aussi an-     de 30 000 personnes en ne considérant que ceux qui
glicisés. L’orthographe a également évolué pour pren-        portent le nom. Il y a donc beaucoup de gens qui peu-
dre différentes formes qui s’éloignent de l’original. Il     vent se sentir concernés par ces découvertes, sans
reste toutefois des traces dans certaines régions, notam-    compter celles et ceux qui ne sont pas encore nés et
ment de la forme Berube (au nord-ouest du Yorkshire),        dont l’intérêt se manifestera plus tard.
Barube (nord-est du Yorkshire et à Coventry) ou Bero-
by/Berrobi, au Northamptonshire et au Lincolnshire.          L’existence de notre association a somme toute permis
Des porteurs de ces patronymes continuent d’appartenir       de donner une sens bien différent au patrimoine de tous
à une classe privilégiée et à laisser des traces qui per-    ceux qui ont de près ou de loin un intérêt pour ce patro-
mettent justement de comprendre leur rôle et de situer       nyme qui est le nôtre. Sans association, nous n’aurions
leur statut au plan social. Pendant la Renaissance, on les   sans doute rien su de tout cela.
retrouve notamment dans le monde de la navigation et
du commerce international, au sein des « staplers » pour                                             Michel Bérubé,
le commerce de la laine ou parmi des « marchands                      président de l’Association des familles Bérubé
aventuriers » qui ont migré vers d’autres contrées afin                                                 depuis 2012
d’échapper à des taxes.

Cela ne permet pas d’établir pour autant une filiation au
plan généalogique. Le but de La Saga… était tout au-
tre. L’ensemble des données recueillies au fil des ans
au sein de notre association nous assure toutefois de
mieux comprendre à quelle catégorie de gens apparte-
naient généralement, autrefois, les porteurs de notre pa-
tronyme. Comme l’ancêtre Damian Berruby, qui est ar-
rivé en Nouvelle-France en 1671, ne signait que par un
X, nous étions loin de soupçonner la riche histoire que
pouvait cacher son patronyme. Par ailleurs, celui-ci est
essentiellement porté en Amérique du Nord de nos

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Napoléon Beaulé et ses fils, une famille assez exceptionnelle…
                        Lignée                              Dans ce paysage franco-américain, le bon voisinage a
                                                            mené à une série de mariages :
      Laurent Bolley - Marguerite Bertheau
                                                            En première période, quatre frères Beaulé épousaient
            Sémur-en-Auxois (Bourgogne—1730)                quatre sœurs Rancourt :
           Lazare Bolley - Marie Lanclus                          David - Bertha (Lewiston 1929)
               Notre-Dame de Québec 1757                          Godfroy - Marie-Anne (Lewiston 1933)
           Jacques Bolley - Marie Boulé                           Ludger - Gabrielle (Lewiston 1933)
           St-François-de-la-Rivière-du-Sud 1781                  Arthur - Elisabeth (Lewiston 1935)
    Jean-Baptiste Beaulé - Angèle Bélanger                  En 1935, leur père veuf, épousait la veuve Delvina Bolduc-
                                                            Rancourt, la mère des quatre épouses.
              St-Gervais de Bellechasse 1816
                                                            Il n’en fallait pas plus pour que le réseau américain NBC
        François Beaulé - Marguerite Dion
                                                            invite la famille à sa célèbre émission BELEIVE IT OR
                 St-Vital de Lambton 1851                   NOT. C’était à New-York en 1939. La photo date de cet-
       Napoléon Beaulé - Honorine Giguère                   te occasion.
                St-Zénon-de-Piopolis 1878                   Napoléon répondait alors à l’animateur Bob Ripley que les
                                                            quatre garçons étaient en fait ses gendres puisque ma-
        Napoléon Beaulé - Marie Duffault                    riés à ses brues. Pour leur part, les garçons parlaient de
                St-Léon de Val Racine 1903                  leur beau-père Napoléon, le mari de leur belle-mère Del-
                                                            vina.
Ce monsieur, Napoléon –2 comme on l’appelait, émigrait
aux États-Unis au début du siècle et élevait une famille    Les photos et les anecdotes sont de Berthe Beaulé Gali-
de neuf enfants, soit sept garçons : Napoléon (3), David,   peau, leur petite sœur mais en même temps leur belle-
Godfroy, Ludger, Arthur, Alfred, Henri et Léo-René; et      sœur, fille de leur beau-père !
une fille , Berthe.
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Message du président - FAFQ
Notre passé antérieur
                                                                                               Par Michel Bérubé

N         ous sous-estimons parfois la valeur de nos
          premiers ancêtres en prenant pour acquis
          qu’ils étaient de pauvres bougres obligés de
quitter la France parce qu’ils n’y avaient pas d’avenir
                                                           Un livre édité par le ministère des Affaires culturelles
                                                           en 1984, fruit d’une recherche poussée par son auteure,
                                                           nous apprenait que nos Sevestre de Québec apparte-
                                                           naient à une famille d’imprimeurs parisiens dont les
pour eux dans ce pays. C’est pourquoi nous sommes          activités commencent à l’époque de François 1er. Cela
surpris quand nous découvrons des pans de notre passé      remonte à Louis Sevestre (1543-1584) qui était maître-
qui ne concordent pas tout à fait avec cette vision. Les   imprimeur à Paris. Deux autres imprimeurs Sevestre,
Sevestre nous en offrent un bel exemple.                   Pierre et François, étaient présents à la même adresse
                                                                                     que Louis. Son arrière-petit-
Il y a en effet des familles qui                                                     fils Charles, né en 1607, fut
descendent en Amérique du                                                            reçu imprimeur-libraire en
Nord de quatre des filles Se-                                                        1633. Il semble qu’une
vestre. Elles comptent de                                                            controverse générée par un
nombreux descendants. Marie                                                          mouvement dit des alchimis-
Magdeleine, née à Québec en                                                          tes attira les foudres de La
1639, épousa en secondes no-                                                         Sorbonne qui eut recours au
ces Louis Niort de Lanoraie.                                                         Parlement pour chasser certai-
Marie-Catherine, également                                                           nes personnes de Paris. Quel-
née à Québec en 1644, épousa                                                         ques membres de la famille
Louis Rouer de Villeray en                                                           Sevestre étaient sans doute en
1658. La descendance de ces                                                          cause, ce qui pourrait expli-
deux Sevestre s’est plutôt ré-                                                       quer le choix de Charles de
pandue aux États-Unis, jus-                                                          venir à Québec dans les an-
qu’à la Nouvelle-Orléans.                                                            nées 1630, alors que la colo-
                                                                                     nie naissante se limitait sur-
Au Québec, la descendance                                                            tout à Québec. Ici, il devînt
des Sevestre correspond aux                                                          commis général de la Compa-
Lessard et aux Nepveu. Les                                                           gnie des Cent-Associés.
deux filles dont descendent
ces familles sont toutes deux                                                       Tout ceci pour dire qu’il y a
nées à Paris, Marie-Denise en                                                       sans doute chez nous quelques
1632 et Marie-Marguerite en 1635. La première épousa       personnes peu instruites qui seraient sûrement très
Philippe Nepveu en 1659 et la seconde, Étienne De          étonnées d’apprendre qu’elles descendent d’une lignée
L’Essart en 1652. S’il n’y a pas de descendants au nom     d’imprimeurs et de libraires parisiens.
Sevestre chez nous, il y a près de la Place Royale une
maison Sevestre qui témoigne de leur présence ancien-
ne à Québec.

                                                      –7–
Message du président - FAFQ
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Message du président - FAFQ
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Message du président - FAFQ
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Le 11 septembre 2001 - 20 ans plus tard
                                                                                                    Par Yves Boisvert

L       e 11 septembre 2001. Une date bien ancrée
        maintenant dans l’imaginaire collectif. Ce qui
        fut la fin pour nous, Nord-américains, de notre
sentiment de fausse sécurité. Nous avons vu pendant
plus de 50 ans la guerre dans d’autres pays par le tru-
                                                             ge que des gens du Moyen-Orient viennent étudier pour
                                                             piloter un avion en mentionnant qu’ils voulaient seule-
                                                             ment apprendre à faire décoller un avion et non à le fai-
                                                             re atterrir...

chement de la télévision et du jour au lendemain, l’hor-     Le bon côté de la chose, c’est que depuis cette date, la
reur dans toute son expression. Voir mourir en direct,       sécurité dans les aéroports et les avions est efficace.
plus de 3 800 personnes. Assister à des actes de démen-      Vous pouvez prendre l’avion sans faire de crise de pani-
ces collectives au nom d’une religion. Comme d’habitu-       que à l’idée qu’un fou, pour se rendre intéressant, déci-
de.                                                          de de prendre le contrôle de l’appareil pour avoir son
                                                                                   quinze minutes de gloire.
Je crois que cet événement en
début du nouveau millénaire était                                                   Le 11 septembre 2001 c’est sur-
annonciateur que le monde que                                                       tout le début de la mort comme
nous avons connu va bientôt n’ê-                                                    divertissement. Pendant des se-
tre qu’un vague souvenir, que                                                       maines, les médias du monde en-
nous ne sommes plus en sécurité                                                     tier vont en faire leur pains et
nulle part.                                                                         leurs beurres à savoir combien de
                                                                                    corps on va retrouver, identifier,
J’ai encore en mémoire ces pau-                                                     les détails sinistres. Personne ne
vres gens qui se lançaient du haut                                                  semble s’en plaindre, sauf évi-
des tours pour éviter de mourir brûler vifs et dont le       demment les familles des victimes, qui voient des ve-
corps frappait lourdement le sol. Il faut une bonne dose     dettes de la chanson country comme Alan Jackson faire
de courage pour se lancer dans le vide, sachant que la       de l’argent sur le dos des victimes en composant une
mort vous attends 10 ou 12 secondes plus tard et que         chanson et un vidéo montrant des gens pleurer. Heureu-
vous ne pourrez revoir les vôtres. Pour les pompiers et      sement, les gens ne furent pas dupes.
les policiers qui sont montés, il en fallait encore plus.
                                                             On a vu quelques mois plus tard en 2001, un nouveau
Ma plus grande crainte fut au lendemain du 11 septem-        phénomène : les complotistes. Une bande d’idiots
bre 2001. Je crois que nous avons passé à un cheveux         croyant que les deux tours du World Trade Center fu-
de voir un conflit nucléaire. Juste à voir la une d’un       rent détruites par des explosifs et que ce n’est pas le ké-
journal britannique qui montrait une main qui essayait       rosène en flamme des avions qui ont détruit les deux
de pousser un bouton de lancement de missile pendant         immeubles mais du C-4 que le gouvernement américain
que deux autres mains retenaient celle-ci. Que c’est-il      aurait fait exploser pour déclencher une guerre… Com-
passé en coulisse chez les Américains? Mieux vaut ne         me vous le voyez, les choses ne se sont pas améliorer
pas le savoir. On aurait sans doute des cauchemars.          avec ces idiots depuis la Covid.

Élément curieux dans cette histoire, c’est que les servi-    Pour moi, le 11 septembre 2001, c’est un signe annon-
ces secrets américains (CIA) et le FBI étaient au courant    ciateur, un monde qui n’arrive plus, malgré toutes les
que les terroristes préparaient un gros coup, mais per-      technologies et les interfaces imaginables, à communi-
sonne n’avait idée de ce que les terroristes voulaient       quer. Tout le monde parle mais personne ne se com-
faire. Pourtant, un instructeur d’une école de pilotage de   prend.
la Floride quelque mois auparavant avait trouver étran-

                                                       – 12 –
– 13 –
Photo : François Kirouac
   Québec, terre d’accueil ou d’écueil ?
                  Conférence prononcée par Jacques Lacoursière
            au Salon des Familles-souches du Québec le 22 février 2008

D
              ans le cadre du colloque        cès à un public, quoique restreint. Ça
              sur les « pluralisme et so-     ne leur faisait rien de vivre à l’ombre
              ciétés », on m’a demandé        de la croix du mont Royal, car ils
              d’aborder la question de la     jouissaient de la protection des lois
« généalogie du Québec en ce qui              du pays, ce qui n’était pas le cas chez
concerne l’articulation de la diversité       eux, en Pologne ou en Lituanie »,
culturelle au cours de son histoire ».        conclut-il.
Comment le Québec, depuis ses dé-             Le Québec, terre d’accueil ou d’é-
buts, a-t-il géré sa diversité culturelle ?   cueil ? Telle est la question que l’on
Respect de l’autre, acceptation de            peut se poser lorsque l’on tente d’éta-
l’autre avec ses divergences ou tenta-        blir une certaine histoire de l’immi-
tives d’assimilation de nos jours, alors      gration au Québec. Selon les pério-
que l’on vit ou que, selon certains,          des, le genre d’immigrants et l’attitu-
l’on subit la diversité culturelle avec       de des Québécois à l’égard de ces
                                                                                        Jacques Lacoursière lors du Salon de la
plus ou moins de tentatives d’accom-                                                    Fédération des familles souches du Qué-
                                              derniers, ont beaucoup varié. D’une       bec, le 22 février 2008
modement que l’on dit, oui ou non,            immigration quasi sans restriction à
raisonnables. Quel a donc été notre           l’établissement de critères de choix      y séjourner durant la saison de navi-
cheminement collectif ? Le 26 mai             très précis, le chemin a été long.        gation. Ce qui signifie que l’on pou-
2007, à Québec, il y a eu, Place
                                              Précisons tout d’abord que nous som-      vait retrouver sur le même navire des
d’Youville, l’événement « Rondo
                                              mes tous des immigrants, de plus ou       catholiques et des protestants qui de-
Mondo », c’est à dire la première
                                              moins longue date, les Amérindiens        vaient se partager l’espace pour leurs
journée interculturelle « où des cen-
                                              inclus. Comme le paradis terrestre, en    offices religieux, la traversée durant
taines de personnes ont fêté la diversi-
                                              autant que je sache, n’était pas situé    habituellement de deux à cinq mois.
té autour de mets exotiques en se lais-
                                              sur le territoire québécois et, comme     Ce qui signifie qu’il y avait donc plu-
sant bercer par des musiques interna-
                                              ce n’est pas ici qu’un primate a décidé   sieurs dimanches sur ces navires.
tionales », comme l’écrivait un jour-
                                              de relever la tête pour se prendre pour   Marguerite Bourgeoys raconte qu’en
naliste du quotidien « Le Soleil ».
                                              un humain, les premiers habitants du      1659, alors qu’elle est à bord d’un
Dans « La Presse » du lendemain,
                                              pays sont donc venus d’ailleurs, il y a   navire entre la Nouvelle-France et la
c’est-à-dire dimanche dernier, sous la
                                              plusieurs milliers d’années. Lorsque      France, « le navire était rempli de
signature de David Home, il était
                                              les européens font leur apparition        huguenots et il n’y avait que cinq ou
question d’un nouvel ouvrage publié
                                              dans la vallée du Saint-Laurent, il y     six hommes catholiques, outre made-
aux Éditions du Noroît, « Nostalgie
                                              avait déjà quelques villes amérindien-    moiselle Mance et moi. »
et tristesse », de Sholen Shtern, tra-
duit et présenté par Pierre Anctil. Ce        nes importantes.                          Les protestants qui voulaient s’établir
dernier y affirme que « la littérature la                              e
                                              Il faut attendre le XVII siècle pour      en Nouvelle-France devaient, soit
plus avant-gardiste à Montréal (peut-         qu’arrivent plusieurs vagues d’immi-      abjurer leur foi et se convertir au ca-
être au Canada entier) dans les an-           grants français. Selon la charte éta-     tholicisme, soit faire semblant de se
nées 20 et 30 s’inscrivait en yiddish.        blissant en 1627 la Compagnie de la       convertir ! Si le roi Louis XIV avait
Pendant que les poètes d’ici, ajoute          Nouvelle-France, plus connue com-         permis aux protestants de s’établir
Homel, qu’ils soient de langue fran-          me la Compagnie des Cent-Associés,        dans sa colonie à la suite de la révo-
çaise ou anglaise, s’occupaient de            seuls peuvent émigrer en Nouvelle-        cation de l’Édit de Nantes en 1685,
paysages bucoliques, les poètes yid-          France des catholiques. Les juifs et      l’histoire du Canada et surtout celle
dish s’attaquaient aux thèmes de la           les protestants ne peuvent s’établir en   du Québec auraient été très différen-
modernité : la ville, l’engagement            permanence dans le futur Québec, et       tes. Dans son ouvrage « Brève Histoi-
politique, le dépaysement, le choc des        ce, sous peine d’emprisonnement et        re des protestants en Nouvelle-France
langues. (…) De quoi parlaient ces            de déportation. Le deuxième article       et au Québec (XVIe-XIXe siècles »,
écrivains ? demande-t-il. De leur sta-        de la Charte précisait donc que la        Robert Larin écrit : « La révocation
tut d’immigrant, de leurs incertitudes.       colonie devait être peuplée unique-       de l’Édit de Nantes obligea la Nou-
Aujourd’hui, on parlerait de                  ment de « naturels français catholi-      velle-France à se montrer encore plus
« précarité » et « d’exclusion ». « Ces       ques ». Même si les huguenots ne          intransigeante à l’égard des protes-
gens ne voyaient pas la chose de cette        peuvent s’établir en permanence en        tants. Plus que jamais, Louis XIV
manière. Ils étaient heureux d’être en        Nouvelle-France, ils peuvent fort bien    insista pour qu’on les oblige à se
vie, parmi des collègues, d’avoir ac-                                                   convertir, à quitter la colonie… ou à
                                                                                        cacher leur foi. Puis, à partir de 1715,
                                                                                        on fera preuve de plus de tolérance.

                                                             – 14 –
La révocation de l’Édit de Nantes,          Verchères, en 1690. Il décédera à            l’origine prouvée était les Îles Britan-
somme toute, n’aura eu que peu d’ef-        Montréal six ans plus tard. Son frère,       niques ont été analysés dans cette
fets durables sur les conditions de vie     le marquis Antoine de Crisafy, cheva-        étude. »
des huguenots en Nouvelle-France. »         lier de Saint-Louis, a été gouverneur        Apportons quelques précisions sur
Plus on approche de la Conquête,            de Trois-Rivières. Il avait épousé une       ceux que Fournier appelle « les res-
plus les huguenots prennent de l’im-        petite canadienne de quinze ans, Ma-         s o rt i s sa n t s d e la No u v e l l e -
portance dans le domaine commer-            rie-Claire Ruette d’Auteuil. Un autre        Angleterre ». Lors des raids cana-
cial. L’évêque Pontbriand se plaint au      Italien va s’illustrer lors de la            diens ou amérindiens contre des éta-
ministre français responsable de la         Conquête. Il s’agit de Francesco Car-        blissements des colonies anglaises, on
colonie de ce fait. Le 15 juillet 1755,     lo Burlammachi, plus connu sous le           ramenait des prisonniers. Quelques
le ministre répond à l’évêque : « Le        nom de Bourlamaque, un des offi-             centaines d’entre eux ont fini par de-
gouverneur et l’intendant prétendent        ciers supérieurs dans l’armée du mar-        mander la naturalisation française.
qu’il ne leur est parvenu aucune            quis de Montcalm.                            Ainsi, pour la seule année 1710, qua-
plainte contre les protestants, qu’ils      Toujours au cours de la première             tre-vingt-quatre d’entre eux obtien-
ont toujours été soumis aux lois et à       moitié du XVIIIe siècle, une cinquan-        nent l’enregistrement de leur lettre de
la police, qu’ils ne font point d’assem-    taine d’Irlandais, des Allemands, des        naturalisation. Jean Laha ou Lahaye,
blées, qu’ils forment quatorze mai-         Belges, des Italiens et des Suisses s’é-     Jean-Baptiste et Paul Otis, Gabriel
sons qui font les trois quarts du com-      tablissent dans la vallée du Saint-          Jordan, Germain Aubry dit Larose,
mence du pays, et que, si on les en         Laurent. Même si ces nouveaux su-            Charles Lemaire dit Saint-Germain,
chassait, ce serait faire grand tort à la   jets sont supposés posséder les mêmes        Jacques-Charles Stebbens, Jean Ri-
colonie, les négociants canadiens n’é-      droits que les autres sujets, il leur est    card, Madeleine Warren, Marie Ste-
tant pas en assez grand nombre, ni          interdit d’exercer certains métiers. Un      vens, entre autres, deviennent Cana-
assez riches, pour fournir tout ce qui      arrêt du Conseil du roi, enregistré à        diens. Quand on regarde certains pa-
est nécessaire. » Résumons : pendant        Québec le 17 septembre 1729, stipu-          tronymes de Québécois francopho-
un certain temps, il y a donc eu into-      le : « Les étrangers établis dans nos        nes, on est quasi convaincu qu’ils font
lérance, et aussi une certaine toléran-     colonies, même ceux naturalisés ou           partie de ce que l’on appelle « les fa-
ce.                                         qui pourraient l’être à l’avenir, n’y        milles-souches ». Prenons, par exem-
Il n’en va pas de même pour les juifs       pourront être marchands, courtiers et        ple, les Phaneuf. Bien peu de person-
à l’époque de la Nouvelle-France. Le        agents d’affaires de commerce, en            nes savent que l’ancêtre était Mathias
seul cas d’une présence juive tient         quelque sorte et manière que ce soit,        Farnworth, qui avait été fait prison-
plus de l’anecdote que d’une tentative      à peine de trois mille livres d’amende       nier en Nouvelle-Angleterre en 1704
réelle d’établissement. Au cours des        applicables au dénonciateur, et d’être       et amené en Nouvelle-France où son
dernières années de la décennie 1730,       bannis à perpétuité de nos dites colo-       nom s’est « francisé ».
Esther Brandon, une jeune juive, arri-      nies, leur permettons seulement d’y          Revenons un peu en arrière pour voir
ve à Québec, déguisée en garçon.            faire valoir des terres et habitations et    quelle a été l’attitude des Français
Rapidement, on découvre son sexe            d’y faire commerces de denrées qui           puis des Canadiens vis-à-vis les au-
réel. Devant les échecs pour la             proviendront de leurs terres. »              tochtones. En 1615 arrivent quelques
convertir au catholicisme, l’intendant      L’historien-généalogiste Marcel Four-        Récollets dont les tâches seront d’as-
Gilles Hocquart la retourne en Fran-        nier a cherché à savoir quelle a été         surer le service religieux pour les
ce. Il faudra attendre la Guerre de la      l’importance de l’immigration euro-          Français et aussi travailler à la
Conquête pour assister à l’arrivée des      péenne, autre que française, à l’épo-        conversion au catholicisme des Amé-
premiers immigrants juifs.                  que de la Nouvelle-France. Il arrive à       rindiens. Dix ans plus tard, ce seront
Sous le régime français, il n’y eut pas     la conclusion suivante : « Selon l’étu-      des jésuites qui débarqueront à Qué-
que des immigrants venus de France.         de que j’ai faite du sujet, je peux affir-   bec. Une fois l’occupation anglaise
On en compte plusieurs de diverses          mer qu’entre 1620 et 1765, environ 1         terminée, soit en 1632, seuls les jésui-
origines ethniques. Ainsi, en 1628, vit     500 immigrants étrangers, originaires        tes reviendront. Les relations entre les
dans la région de Tadoussac un Grec         d’Europe, sont venus au Canada. De           Français et les nations alliées seront
qui sert d’interprète entre les Français    ce nombre, ma recherche a permis             habituellement assez cordiales. En
et les Amérindiens du coin. On igno-        d’en identifier 1 502 à partir de sour-      1633, le chef Capitanal se rend à
re d’où il venait et comment il se          ces archivistiques et de sources impri-      Québec rencontrer Samuel de Cham-
trouvait à cet endroit. L’apport italien    mées. En ce qui concerne les Anglais,        plain qui vient de revenir de France,
fut plus important. Dans les années         il a fallu apporter une attention parti-     pour lui demander d’établir un poste
1680, on note la présence des deux          culière pour identifier les ressortis-       de traite à Trois-Rivières. Dans son
frères Crisafy, Siciliens d’origine et      sants de la Nouvelle-Angleterre, dont        discours, il déclare que la construc-
apparentés aux Grimaldi. Ils sont           j’estime le nombre en Nouvelle-              tion d’un fort les incitera à se sédenta-
cousins germains du prince de Mona-         France, entre 1693 et 1760, à 228            riser : « Tu sèmeras des blés, ajoute-t-
co. Thomas Crisafy, chevalier de            personnes. Seuls les Anglais dont            il, nous ferons comme toi et nous
Malte, est l’officier qui se porte à la
défense de la mère de Madeleine de

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n’irons plus chercher notre vie dans        ment ardu et que les circonstances          vivent en concubinage avec des soldats
les bois, nous ne serons plus errants et    interdisaient absolument aux Ursuli-        anglais. On verra surtout d’un mauvais
vagabonds. » Ce à quoi Champlain            nes l’exercice de leur mission d’édu-       œil les mariages mixtes, c’est-à-dire les
répond : « Quand cette grande mai-          catrices, reléguées qu’elles étaient au     unions entre catholiques et protestants.
son sera faite, alors nos garçons se        troisième étage de leur couvent et en       La conquête de la Nouvelle-France et
marieront avec vos filles et nous ne        ne disposant d’aucun espace. Du             l’établissement d’un gouvernement
ferons plus qu’un peuple. » Notons          moins, la présence et le soin des bles-     anglais vont modifier les sources d’im-
que ce seront des Français qui marie-       sés leur assuraient un ravitaillement       migrants. Au début, Anglais et Écos-
ront des Amérindiennes et non des           suffisant. (…) Les Ursulines se muè-        sais viendront en petit nombre s’établir
Amérindiens qui épouseront des              rent donc durant l’hiver en infirmiè-       dans la vallée du Saint-Laurent. La
Françaises !!! Les propos de Cham-          res d’un hôpital militaire, et le travail   première vague comprendra surtout des
plain soulèvent des rires chez quel-        qu’elles fournirent fut rémunéré en         administrateurs, des militaires et des
ques Algonquins. L’un d’eux répli-          nature, ce qui leur permit de survi-        commerçants, lesquels voient dans la
que : Tu nous dis toujours quelque          ve. »                                       nouvelle colonie un rapide moyen de
chose de gaillard pour nous réjouir. Si     Ce n’est sans doute pas un effet du         s’enrichir. C’est aussi à partir de ce
cela arrivait, nous serions heureux. »      hasard si les religieuses ursulines, à la   moment que des juifs pourront s’instal-
Quelques années plus tard, Marie de         suite du décès de leur supérieure,          ler au Québec. À Montréal, dès 1768,
l’Incarnation, la supérieure du mo-         choisirent pour lui succéder une Ur-        les premières assemblées de fidèles juifs
nastère des Ursulines à Québec, écri-       suline qui était née en Nouvelle-           se réunissent pour célébrer des anniver-
ra : « On fait plus facilement un sau-      Angleterre et qui devait posséder les       saires religieux que Joe King décrit
vage avec un Français qu’un Français        langues française et anglaise. « Aux        comme étant conformes « aux rites et
avec un sauvage, » Les Français et les      premières élections régulières, écrit       coutumes sépharades ». Neuf ans plus
Canadiens qui feront la course des          dom Oury, le 15 décembre 1760, elles        tard, on commence la construction de
bois pour récolter des fourrures pren-      choisirent comme supérieure la Mère         la première synagogue montréalaise
dront souvent « femme temporaire »          de l’Enfant-Jésus, qui était une de         qui sera située à l’angle des rues Notre-
chez les autochtones. Il y aura donc        leurs anciennes élèves anglaises, ra-       Dame et de la petite rue Saint-Jacques.
plus de métissage chez les Amérin-          chetée de captivité. Esther Whellright      Une des conséquences importantes
diens que les « Blancs ». De plus, il y     n’était pas une jeune religieuse ; elle     pour le Québec de la Révolution améri-
aura peu de conversions réelles au          avait 63 ans, étant née en 1696 à           caine, c’est l’arrivée sur son territoire,
catholicisme, même si, à certaines          Wells; à sept ans, en 1703, elle avait      dans les années 1780, de 7 à 8 000 Bri-
époques, les autorités ne donneront         été amenée en captivité par les Abé-        tanniques qui préfèrent émigrer ici plu-
des armes à feu qu’à ceux qui auront        naquis qui la gardèrent cinq ans. »         tôt que de devenir citoyens américains.
reçu le sacrement de baptême… En-           Pendant plusieurs mois, la chapelle         Ces loyalistes vont s’établir surtout
fin, les quelques tentatives de sédenta-    du monastère servit au culte protes-        dans la région de Montréal, dans ce
risation auront peu de succès. Le gou-      tant. « Murray, écrit encore dom Ou-        que l’on appellera les « Eastern Town-
verneur Frontenac affirmera que « les       ry, y tolérait une messe tous les ma-       ships » et en dehors des endroits soumis
jésuites ont converti plus de castors       tins et, le dimanche. Comme c’était le      au régime seigneurial. Ces immigrants
que de sauvages ». C’est vrai qu’il         seul édifice du culte à peu près intact     arrivent avec l’auréole du martyr. Ils
avait eu maille à partir avec des mem-      dans toute la ville, la chapelle faisait    réclament toutes sortes de modifica-
bres de cette communauté !                  fonction de paroisse catholique avant       tions tant sur le plan juridique que sur
Les suites de la Guerre de la Conquê-       d’être mise à la disposition des aumô-      le mode de gouvernement.
te seront des occasions de plusieurs        niers militaires de Sa Majesté. (…) Il
                                            devait en être ainsi jusqu’à la Noël        Une autre conséquence de la Révolu-
accommodements raisonnables. À la                                                       tion américaine est la venue au Québec
suite de la capitulation de Québec, le      1764 ! Aussi bien à Québec qu’à
                                            Montréal et Trois-Rivières. Les égli-       de près de 5 000 mercenaires d’origine
18 septembre 1759, une partie du                                                        allemande, le fameux régiment du Hes-
monastère des Ursulines de Québec           ses catholiques servirent aussi au
                                            culte protestant. Voilà quelques cas        se-Hénaut. Ces soldats viennent ici
est transformée en hôpital pour soi-                                                    pour combattre les insurgés américains.
gner des soldats anglais blessés. De        d’accommodements raisonnables !
                                                                                        Une fois la paix intervenue, plusieurs
plus, des soldats du 78th Highlanders       Au cours du régime militaire qui va         centaines d’entre eux choisissent de
écossais s’établissent au monastère.        de la capitulation de la colonie, le 8      demeurer dans la colonie. Quelques-
Des religieuses prennent en pitié des       septembre 1760, à la cession définiti-      uns s’établiront dans la seigneurie de
militaires en kilt. Elles occupent une      ve de la Nouvelle-France à l’Angle-         Saint-Gilles de Lotbinière. D’autres à
partie de l’hiver à leur tricoter des bas   terre par le Traité de Paris de février     Québec et Montréal ou dans la seigneu-
de laine. Dans son « Histoire des Ur-       1763, les relations entre les conqué-       rie de Vaudreuil.
sulines de Québec », dom Guy-Marie          rants et les conquis sont plutôt assez
Oury écrit : « Il n’en reste pas moins      bonnes. Quelques curés dénonceront          Avant la fin des guerres napoléonien-
que l’hiver 1759-1760 fut particulière-     le fait que des jeunes Canadiennes          nes en 1815, l’immigration contribue
                                                                                        faiblement au développement démogra-
                                                                                        phique du Bas-Canada. Le flot annuel
                                                                                        des étrangers est très mince. Au tout

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début du XXe siècle, un groupe de           Canada. Ainsi, en 1834, sur les 29            peste et la mort ! Si je vous présente un
Mennonites de langue allemande va           630 immigrants qui débarquent dans            si triste tableau de l’état du pays, j’aime
s’installer dans l’actuelle région de       le port de Québec ou de Montréal,             cependant à vous espérer que nous
Waterloo. Des soldats d’origine écos-       seulement 1 131 déclarent vouloir             pouvons encore préserver notre natio-
saise choisiront aussi de s’établir au      demeurer au Bas-Canada ; tous les             nalité et éviter ces calamités futures, en
Bas-Canada.                                 autres se dirigeront vers la colonie          opposant une digue au torrent de l’É-
À noter que les conditions qui préva-       supérieure. La plupart des immi-              migration. » Les propos de Rodier ne
lent en Europe occidentale après le         grants sont aussi d’origine irlandaise,       diminuèrent en rien le flot des immi-
Congrès de Vienne vont favoriser une        soit 20 320 ; 5 414 sont Anglais, 3 711       grants et n’empêcheront pas le choléra
immigration massive vers l’Amérique         Écossais, 17 Jersiais et 53 viennent          de 1834 et le typhus de 1847 !
du Nord. En Écosse, l’industrie texti-      des « Provinces voisines ». Enfin, le         Ce n’est qu’une minorité de francopho-
le sombre dans le marasme et l’ou-          contingent de 1834 se divise en 17            nes qui manifesteront une certaine réti-
vrier est le premier à en subir les         136 hommes et 12 494 femmes.                  cence à l’immigration. La majorité sera
conséquences. En Irlande, la mauvai-        Après 1815, la situation qui prévaut          plutôt accueillante et leurs représen-
se récolte de pommes de terre de 1821       en Irlande va amener des centaines de         tants à la Chambre d’assemblée du Bas-
ajoute à une misère déjà immense. Le        milliers d’Irlandais à émigrer en             Canada feront preuve d’une grande
mécontentement se manifeste partout         Amérique du Nord. On évalue à 2,3             ouverture surtout vis-à-vis la commu-
et les émeutes se multiplient.              millions le nombre d’Irlandais qui            nauté juive. Alors que les tensions sont
En 1832, les législatures du Bas-           quittent leur pays pour s’installer aux       de plus en fortes entre les députés fran-
Canada, du Nouveau-Brunswick et             États-Unis ou dans les colonies an-           cophones et les autorités coloniales, les
de la Nouvelle-Écosse imposent une          glaises d’Amérique du Nord. Entre             députés décident d’adopter des mesures
taxe de cinq chelins sur chaque immi-       1831 et 1860, le port de Québec en            pour accorder aux juifs qui vivent au
grant qui fait la traversée de l’Atlanti-   accueille 436 718. Seulement une              Bas-Canada des droits que ceux qui
que suivant les règles fixées par le        faible partie d’entre eux demeureront         vivent en Grande-Bretagne ne possè-
gouvernement britannique et le dou-         au Québec. On accusera les immi-              dent même pas ! Dans son ouvrage
ble si l’immigrant a effectué le voyage     grants Irlandais d’être à l’origine du        consacré aux principaux événements
en enfreignant lesdites règles. La rai-     choléra de 1832 qui fera plus de 10           concernant les juifs, Joe King note en
son d’être de cette taxe était de dé-       000 victimes au Bas-Canada. Pour un           1828 « un groupe de juifs montréalais
frayer une partie des dépenses occa-        certain nombre de Canadiens-                  adresse une pétition au parlement afin
sionnées par l’assistance médicale          français, la décision des autorités an-       qu’il soit permis à la communauté juive
aux immigrants malades.                     glaises d’envoyer dans la colonie des         de tenir un registre officiel d’état civil.
                                            immigrants malades tient presque du           Six ans plus tard, la loi est passée au
À partir de 1810, sauf pour les années      génocide. Un député du Parti patriote         parlement. Louis-Joseph Papineau (…)
1824, 1825 et 1838, les navires débar-      de Louis-Joseph Papineau, Édouard-            aida au passage de cette loi, quoique,
quent chaque année à Québec ou à            Étienne Rodier, est clair à ce sujet :        quelques années auparavant, il avait
Montréal au moins 10 000 immi-              « Quand je vois ma patrie en deuil,           voté pour l’expulsion d’Ézékiel Hart de
grants, surtout d’origine irlandaise.       déclare-t-il, et que mon sol natal ne         l’Assemblée du Bas-Canada. » En
Le nombre total de personnes varie          me présente plus qu’un vaste cimetiè-         1830, est présenté un projet de loi ayant
suivant les sources et les auteurs,         re, je me demande : quelle est la cau-        pour titre « Acte pour étendre certains
mais on peut affirmer qu’entre 1815         se de tous ces désastres? Et la voix de       privilèges y mentionnés aux personnes
et 1849, environ 532 000 Britanniques       mon père, de mon frère et de ma mè-           professant le Judaïsme et pour obvier à
ont foulé le sol du Bas-Canada, soit        re chérie, les voix des milliers de mes       certains inconvénients auxquels pour-
pour y demeurer, soit surtout pour se       concitoyens me répondent de leurs             raient être autrement exposés d’autres
rendre au Haut-Canada (l’Ontario)           tombeaux : C’est l’Émigration ! Ce            sujets de Sa Majesté. » Le projet de loi
ou aux États-Unis.                          n’était pas assez de nous envoyer des         sera adopté en 1832. Il accordait aux
Les principales raisons qui motivent        égoïstes avides, sans autre esprit de         juifs « les mêmes droits et privilèges
les immigrants à se diriger vers le         liberté que celle que peut donner une         dont jouissaient les autres sujets de la
Haut-Canada sont, en plus de l’ho-          simple éducation de comptoir, s’enri-         province ». « Ce statut, ajoute King,
mogénéité ethnique et linguistique, la      chir aux dépens des Canadiens et              établit les droits fondamentaux des juifs
facilité de se faire concéder des terres.   chercher ensuite à les asservir, il fal-      au Canada, plusieurs décennies avant
Au Bas-Canada, les seigneuries sont         lait encore se débarrasser de men-            que pareils droits soient accordés aux
surpeuplées et les terres produisent        diants et les jeter par milliers sur nos      juifs britanniques. »
peu. De plus, les problèmes politiques      rivages ; il fallait nous envoyer des         Les Îles Britanniques ne seront pas les
engendrés par la Chambre d’assem-           pauvres misérables qui, après avoir           seules à envoyer des immigrants au
blée risquent de créer des perturba-        partagé le pain de nos enfants, se por-       Québec entre 1760 et 1867. Le premier
tions graves. La plupart des immi-          ter aux horreurs où peuvent entraîner         recensement après l’entrée en vigueur
grants préfèrent donc gagner le Haut-       la Faim et la Misère ; il fallait plus ; il   de la Confédération, celui de 1871,
                                            fallait nous envoyer à leur suite la          place les Allemands au premier rang de
                                                                                          la population après les habitants d’ori-

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gine française et britannique. On          Le recensement de 1871 dénombre au         liques, ni protestants) ou les entreprises
compte alors 7 963 citoyens d’origine      Québec 454 Scandinaves, soit 121           commerciales en vertu des lois scolai-
allemande et ils forment 0,7 % de la       dans la circonscription électorale de      res. Après diverses négociations et pro-
population totale du Québec. Deux          Compton, 79 dans la ville de Mon-          jets de loi, les enfants juifs fréquente-
décennies auparavant, soit en 1850,        tréal, 48 dans celle de Québec et 28       ront les écoles protestantes ou les éco-
on ne comptait guère à Montréal que        dans le comté de Gaspé. Les Grecs          les privées juives dont le nombre aug-
317 habitants d’origine allemande,         sont au nombre de… 7 ; les Russes,         mentera avec les années.
sur une population totale de 48 207        186 ; les Portugais et les Espagnols,      Il faut bien constater qu’au Québec, les
personnes. D’ailleurs, l’immigration       142 ; les Suisses, 173 et les Gallois,     années 1930 sont marquées par un cer-
allemande, en ce temps-là, était sur-      283. Si, lors du recensement, seule-       tain antisémitisme, mais non aussi pré-
tout le fait d’agriculteurs. En 1861, on   ment 74 personnes se disent d’origine      sent qu’Esther Delisle a voulu le mon-
note toutefois l’arrivée de 200 person-    juive, 549 se disent de religion juive,    trer dans ses ouvrages. On ne peut ca-
nes qui vont s’établir dans la région      dont 409 pour la seule ville de Mon-       cher que le village de Sainte-Agathe a
de Labelle. Mais, le 29 juin 1864, la      tréal. La population d’origine juive va    vécu une crise antisémite. On a distri-
petite communauté allemande subit          croître rapidement à partir du début       bué une circulaire où on pouvait lire :
un coup terrible : un train transpor-      des années 1880, alors que des Juifs       « Les Juifs ne sont pas désirés ici. Sain-
tant plus d’une centaine d’immigrants      russes viendront ici par centaines.        te-Agathe est un village canadien-
allemands tombe dans le Richelieu,         Plus de 6 000 Juifs russes s’établiront    français et nous le garderons ainsi. »
provoquant la noyade de 97 d’entre         à Montréal entre le début des années       Sur un poteau porteur de fils électri-
eux tandis que plusieurs étaient bles-     1880 et la fin du siècle.                  ques, il y avait une affiche dont le texte
sés gravement. On enregistre à cette       En 1901, le Québec ne dénombre que         était : « Christians only. Jews not allo-
occasion les obsèques de 52 person-        66 citoyens d’origine grecque. Cinq        wed. Danger. »
nes de religion luthérienne, qui furent    ans plus tard, la population grecque
enterrées dans une fosse commune au                                                   L’Église catholique continue d’utiliser
                                           dépasse 1 000 personnes, la plupart        l’expression « Perfidis Judeis », lors des
cimetière du Mont-Royal. En 1871,          venant du Péloponnèse, soit de la
les Hollandais arrivent derrière les                                                  cérémonies du Vendredi Saint. L’orai-
                                           Macédoine. La population d’origine         son se traduisait ainsi : « Prions aussi
Allemands avec seulement 798 repré-        italienne progresse, elle aussi, rapide-
sentants, suivis par les Italiens avec                                                pour les Juifs parjures, afin que Dieu
                                           ment. De 539 en 1871, elle passe à 3       notre Seigneur ôte le voile de leurs
539 et les Scandinaves avec 454.           000 trente ans plus tard.
La population canadienne passe de 3                                                   cœurs et leur donne de connaître, eux
500 000 habitants en 1871 à 14 000         La grande poussée de l’immigration         aussi, Jésus Christ Notre Seigneur. »
000 en 1951. Cet accroissement im-         belge se situe entre les années 1919 et    C’est surtout dans la région de Mon-
portant est dû plus à l’immigration        1929. Pour cette seule période, le         tréal qu’on notera certains mouvements
qu’à l’apport de la natalité. Quant à      Québec accueille 14 905 personnes en       antisémites. Les fascistes d’Adrien Ar-
la population de la province de Qué-       provenance de la Belgique qui fait         cand feront des Juifs leurs victimes.
bec, elle est de 1 191 000 en 1871 et      alors face à une grave crise économi-      L’entrée en guerre du Canada, en sep-
de 4 056 000 en 1951. Ce qui signifie      que. La Crise de 1929 mettra fin tem-      tembre 1939, aura des conséquences
que, toute proportion gardée, la po-       porairement au mouvement migratoi-         pour plusieurs Allemands établis au
pulation du Canada a augmenté plus         re vers l’Amérique du Nord. Le re-         Québec. Avant même que le gouverne-
que celle du Québec, surtout à cause       censement de 1941 montre que 69 %          ment canadien déclare la guerre à l’Al-
de l’ouverture de l’Ouest à la coloni-     des immigrants belges avaient choisi       lemagne nazie, des Allemands de Mon-
sation. Pour la même période, le           de vivre dans la région de Montréal.       tréal sont mis aux arrêts. Ce qui amè-
pourcentage de francophones au             Divers groupes ethniques cherchent,        nera le consul allemand de la métropo-
Québec passe de 78 % à 82 %.               surtout pour des raisons religieuses, à    le à protester contre ce geste. Puis, l’en-
À partir de 1875, l’immigration fran-      posséder leurs propres écoles. Les         trée en guerre de l’Italie en juin 1940 va
cophone perd de son importance.            juifs réclament une plus grande auto-      signifier l’arrestation de centaines d’Ita-
Ainsi, pour l’exercice financier 1881-     nomie scolaire. Après l’échec de           liens de la région de Montréal.
1882, le Québec reçoit 5 621 immi-         1926, une entente intervient, le 14        Au début des années 1950, les mouve-
grants, soit 3 326 Anglais, 1 555 Ir-      janvier 1929, entre les représentants      ments nationalistes québécois commen-
landais, 382 Écossais, 141 Suédois ou      de la communauté juive et les com-         cent à manifester une certaine opposi-
Norvégiens, 123 Français, 36 Alle-         missaires des écoles protestantes de       tion à une immigration massive qui
mands, 16 Danois, 10 Russes, 8 Ita-        Montréal. Un des termes de l’entente       risquerait de diminuer l’importance du
liens, 2 Hollandais et un Suisse. De       prévoit que « le coût de l’instruction     groupe canadien-français. En 1951,
ce nombre, 3 423 vont s’établir à          des enfants juifs sera défrayé par les     l’Institut de psychologie de l’Université
Montréal, 1 276 à Sherbrooke, 122 à        taxes des juifs, complétées par un         de Montréal effectue un sondage qui
Brome et 165 à Compton. Le reste se        prélèvement sur le neutral panel ».        montre que 67 % des francophones et
distribue dans 21 autres centres.          Celui-ci comprend les sommes payées        37 % des anglophones de Montréal
                                           par les neutres (qui n’étaient ni catho-   s’opposent à l’immigration. « Les délé-
                                                                                      gués à une conférence nationale sur
                                                                                      l’immigration, note Michael Behiels,

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