Message du président - FAFQ
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Vol. 10, no 9, septembre 2021 Message du président Parlons de délimiter notre territoire. Les animaux ont souvent l’habitude de le faire en laissant une trace de leur passage sur un arbre (poils, marques de griffe, urine). Les humains le font aussi, mais autrement. Au dernier numéro des NCN, un communiqué de Parcours Fil Rouge nous apprenait que trois nou- veaux marqueurs de familles venaient d’être dévoilés en juillet dans le cadre de Passeurs de mémoire. Il Michel Bérubé s’agit des marqueurs Lévesque-Chevalier, qui apparaît sur la photo, Michaud-Asselin et Pelletier-Langlois, lesquels s’ajou- tent à quatre marqueurs dévoilés l’an dernier. Ces marqueurs de huit pieds en hauteur sont plantés à des endroits où certains de nos pre- miers ancêtres se sont installés, à Kamouraska, La Pocatière, Rivière- Ouelle ou Saint-Roch-des-Aulnaies. Le financement nécessaire à la fabrication de ces marqueurs a été assuré par les associations de fa- milles concernées. Il est possible de consulter de la documentation sur ces familles en approchant ces marqueurs avec un cellulaire, une fois payé un code d’accès auprès de Fil Rouge. Il y a là un plus par comparaison à des monuments traditionnels ou à des plaques. Les associations de famil- les en ont disséminé un grand nombre sur le territoire du Québec et même ailleurs, notamment en France. Pourquoi tient-on à laisser des traces? Il y a différentes raisons, mais la plus importante est sans doute celle d’afficher nos vieilles racines pour que les générations futures, engendrées ici ou venues d’ailleurs, aient une petite idée de l’histoire de nos vieilles familles. Cela fait aussi partie de la mission de nos associations.
À noter que l’assemblée générale qui était prévue Au dernier numéro, nous avions annoncé notre inten- pour le 30 octobre n’aura finalement pas lieu. Un tion de profiter de l’assemblée proposée pour nous re- responsable de l’endroit que nous avions réservé pour trouver et discuter un peu de notre avenir. Nous allons sa tenue nous a finalement informé qu’il ne serait pas quand même vous présenter autour du 30 octobre une possible de réunir plus de 25 personnes à la fois, une vidéo qui permettra de faire état de l’évolution prévisi- nouvelle règle mise en œuvre, à peu près l’équivalent ble de la Fédération et des changements qui peuvent d’un conseil d’administration élargi…Comme cela être envisagés en conséquence. Vous pourrez ensuite coïncide également avec les élections municipales, la transmettre vos questions et commentaires, ce qui per- recherche d’une autre salle se compliquait. Les récentes mettra de poursuivre la réflexion en attendant la tenue nouvelles portant sur la COVID nous laissent également d’une véritable assemblée générale, en présentiel, au dans le doute. printemps 2022. Émeute anti-vaccins de 1885 à Montréal Ci-joint, un fichier audio fort intéressant de l’historien Laurent Turcot sur le site web de ici.radio-canada.ca sur l’épidémie de variole de 1885 à Montréal. Pour écouter l’extrait sonore de huit minutes : Appuyez –2–
Avis de convocation à la 30e assemblée générale, dimanche le 3 octobre 2021, au Vieux Bureau de Poste de St-Romuald (Lévis) (IMPORTANT : lire la note à la fin de ce texte) Programme de la journée : • 11h30 : arrivée des invités • 12h00 : dîner • 13h00 : présentation de faits historiques par M. Pierre Gouin • 14h00 : assemblée générale (après la présentation) Menu du repas: pour éviter la manipulation de nourriture et d’ustensiles, nous aurons du poulet du restaurant St-Hubert, la moitié de notre commande sera en boîtes de cuisse et l’autre moitié de poitrine. De même que la moitié des boîtes seront accompagnées de frites et l’autre moitié de riz. Des breuvages seront compris : boisson gazeuse, café ou thé. Nous avons également un service bar dans la salle. Si vous ne pouvez pas manger de poulet, vous nous le direz lorsque vous ferez votre inscription. Adresse : 2172 Chemin du Fleuve, Saint-Romuald, QC G6W 1Y6 Coût d’inscription : 35$/personne Faire le chèque à l’ordre de : Association des Lambert d’Amérique Inc. Réservations attendues au plus tard: Vendredi le 17 septembre 2021. Fiche d’inscription annexée. Faire parvenir à : Association des Lambert d’Amérique Inc. 650, rue Graham-Bell, bureau 210 Québec QC, G1N 4H5 NOTE : Il faudra que les consignes du Gouvernement du Québec permettent les rassemblements de 50 personnes au moins pour que notre assemblée ait lieu. Nous vous aviserons si notre assemblée générale est annulée et/ou reportée. Les personnes dont nous avons une adresse de courriel recevront un message en conséquence. Les autres seront avisées par téléphone. Nous publierons également un avis sur notre site Internet. –3–
Reculer de 900 ans Par Michel Bérubé J e me suis fait demander comment cela était possi- ble depuis que mon association a publié La Saga des Bérubé depuis 900 ans. Il n’y a pas de doute que cela résulte dans mon esprit de circonstances excep- die, mais pas seulement de ce duché. Pour asseoir leur autorité, ces Français, appelés Anglo-Normands ou Normans par les historiens, se sont complètement subs- titués à une noblesse d’origine anglo-saxonne, en s’ap- tionnelles que je vais tenter d’expliquer. propriant tous les postes importants, notamment au sein de l’Église. Les nombreuses traces laissées par le nom Admettons tout d’abord qu’il est généralement difficile Beruby/Berruby/Barube, d’abord sous une forme an- de remonter avant 1537 alors que la tenue de registres cienne d’origine scandinave comme Bergaby/Bergeby est devenue obligatoire au sein de l’Église. Il y a cepen- ou Berchebi, témoignent de cette réalité, notamment dant une exception au sein lorsqu’il est question de de familles appartenant à titres de propriété ou encore l’aristocratie qui attachaient d’un rôle de curé, de prieur beaucoup d’importance à ou celui de supérieur d’un l’origine de leurs titres, monastère ou d’une abbaye. donc à leur généalogie. Or, cette « occupation » Pour le monde ordinaire, il demeure significative jus- est également possible de qu’à la fin du règne de la trouver ici et là quelques dynastie des Plantagenêt en traces anciennes de noms 1399, donc sur une longue qui sont devenus des patro- période. nymes, dès le XIIe siècle chez les Normands présents Il reste un mystère autour en Angleterre, des Ascelin, de notre patronyme dans le Bouffard, Fleury, Godin, contexte de la féodalité du Hardy, Lafond, Leblond, Ricard, Taillefer, etc. Mais, il Moyen âge. Les chevaliers et leurs écuyers devaient en n’y a pas nécessairement là de quoi se donner une gran- effet disposer d’une propriété suffisamment importante de connaissance de l’histoire des gens qui le portaient, pour s’équiper afin de suivre leur baron à la guerre, no- surtout que l’orthographe des patronymes est très varia- tamment aux croisades. S’il y avait en Angleterre un ble jusqu’au XVIIIe siècle. nombre limité de barons, 180 au temps du roi Guillau- me (William 1er), il y avait un plus grand nombre de La Saga… a été rendue possible parce que le patrony- chevaliers, au moins 5000 à la même époque. Quand on me Beruby/Berruby a été présent en Angleterre au sein retrace son nom en lien avec une propriété, à l’occasion de la classe possédante constituée essentiellement de d’une transaction, d’un héritage ou d’un procès, la ques- francophones. Nous ignorons pour la plupart que la tion se pose rapidement. Est-on en présence d’un cheva- conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, lier, d’un écuyer ou d’un de leurs héritiers? La réponse en 1066, a mené à une occupation du pays par une mi- ne se trouve pas nécessairement. norité de Français qui venaient beaucoup de Norman- –4–
À l’époque de la Renaissance, notre patronyme évolue de même que le nom des lieux dont il tire son origine, qui deviennent progressivement des Barrowby ou des Borrowby, des noms qui existent encore de nos jours. Le plus ancien lieu autour duquel le patronyme est d’a- bord apparu, au Northamptonshire (au sud de Rugby), a évolué de Beruby en Boroughby, Beroubi, Berrobi pour devenir de nos jours Barby. Il est voisin de lieux qui portent aussi des noms d’origine norroise comme Kils- by (autrefois Kildesby), Willoughby ou Nortoft. Comme l’anglais moderne s’est imposé progressive- ment au XVe siècle alors que le français anglo-normand jours. Or, les descendants de Damian représentent près perdait de l’influence, les patronymes se sont aussi an- de 30 000 personnes en ne considérant que ceux qui glicisés. L’orthographe a également évolué pour pren- portent le nom. Il y a donc beaucoup de gens qui peu- dre différentes formes qui s’éloignent de l’original. Il vent se sentir concernés par ces découvertes, sans reste toutefois des traces dans certaines régions, notam- compter celles et ceux qui ne sont pas encore nés et ment de la forme Berube (au nord-ouest du Yorkshire), dont l’intérêt se manifestera plus tard. Barube (nord-est du Yorkshire et à Coventry) ou Bero- by/Berrobi, au Northamptonshire et au Lincolnshire. L’existence de notre association a somme toute permis Des porteurs de ces patronymes continuent d’appartenir de donner une sens bien différent au patrimoine de tous à une classe privilégiée et à laisser des traces qui per- ceux qui ont de près ou de loin un intérêt pour ce patro- mettent justement de comprendre leur rôle et de situer nyme qui est le nôtre. Sans association, nous n’aurions leur statut au plan social. Pendant la Renaissance, on les sans doute rien su de tout cela. retrouve notamment dans le monde de la navigation et du commerce international, au sein des « staplers » pour Michel Bérubé, le commerce de la laine ou parmi des « marchands président de l’Association des familles Bérubé aventuriers » qui ont migré vers d’autres contrées afin depuis 2012 d’échapper à des taxes. Cela ne permet pas d’établir pour autant une filiation au plan généalogique. Le but de La Saga… était tout au- tre. L’ensemble des données recueillies au fil des ans au sein de notre association nous assure toutefois de mieux comprendre à quelle catégorie de gens apparte- naient généralement, autrefois, les porteurs de notre pa- tronyme. Comme l’ancêtre Damian Berruby, qui est ar- rivé en Nouvelle-France en 1671, ne signait que par un X, nous étions loin de soupçonner la riche histoire que pouvait cacher son patronyme. Par ailleurs, celui-ci est essentiellement porté en Amérique du Nord de nos –5–
Napoléon Beaulé et ses fils, une famille assez exceptionnelle… Lignée Dans ce paysage franco-américain, le bon voisinage a mené à une série de mariages : Laurent Bolley - Marguerite Bertheau En première période, quatre frères Beaulé épousaient Sémur-en-Auxois (Bourgogne—1730) quatre sœurs Rancourt : Lazare Bolley - Marie Lanclus David - Bertha (Lewiston 1929) Notre-Dame de Québec 1757 Godfroy - Marie-Anne (Lewiston 1933) Jacques Bolley - Marie Boulé Ludger - Gabrielle (Lewiston 1933) St-François-de-la-Rivière-du-Sud 1781 Arthur - Elisabeth (Lewiston 1935) Jean-Baptiste Beaulé - Angèle Bélanger En 1935, leur père veuf, épousait la veuve Delvina Bolduc- Rancourt, la mère des quatre épouses. St-Gervais de Bellechasse 1816 Il n’en fallait pas plus pour que le réseau américain NBC François Beaulé - Marguerite Dion invite la famille à sa célèbre émission BELEIVE IT OR St-Vital de Lambton 1851 NOT. C’était à New-York en 1939. La photo date de cet- Napoléon Beaulé - Honorine Giguère te occasion. St-Zénon-de-Piopolis 1878 Napoléon répondait alors à l’animateur Bob Ripley que les quatre garçons étaient en fait ses gendres puisque ma- Napoléon Beaulé - Marie Duffault riés à ses brues. Pour leur part, les garçons parlaient de St-Léon de Val Racine 1903 leur beau-père Napoléon, le mari de leur belle-mère Del- vina. Ce monsieur, Napoléon –2 comme on l’appelait, émigrait aux États-Unis au début du siècle et élevait une famille Les photos et les anecdotes sont de Berthe Beaulé Gali- de neuf enfants, soit sept garçons : Napoléon (3), David, peau, leur petite sœur mais en même temps leur belle- Godfroy, Ludger, Arthur, Alfred, Henri et Léo-René; et sœur, fille de leur beau-père ! une fille , Berthe. –6–
Notre passé antérieur Par Michel Bérubé N ous sous-estimons parfois la valeur de nos premiers ancêtres en prenant pour acquis qu’ils étaient de pauvres bougres obligés de quitter la France parce qu’ils n’y avaient pas d’avenir Un livre édité par le ministère des Affaires culturelles en 1984, fruit d’une recherche poussée par son auteure, nous apprenait que nos Sevestre de Québec apparte- naient à une famille d’imprimeurs parisiens dont les pour eux dans ce pays. C’est pourquoi nous sommes activités commencent à l’époque de François 1er. Cela surpris quand nous découvrons des pans de notre passé remonte à Louis Sevestre (1543-1584) qui était maître- qui ne concordent pas tout à fait avec cette vision. Les imprimeur à Paris. Deux autres imprimeurs Sevestre, Sevestre nous en offrent un bel exemple. Pierre et François, étaient présents à la même adresse que Louis. Son arrière-petit- Il y a en effet des familles qui fils Charles, né en 1607, fut descendent en Amérique du reçu imprimeur-libraire en Nord de quatre des filles Se- 1633. Il semble qu’une vestre. Elles comptent de controverse générée par un nombreux descendants. Marie mouvement dit des alchimis- Magdeleine, née à Québec en tes attira les foudres de La 1639, épousa en secondes no- Sorbonne qui eut recours au ces Louis Niort de Lanoraie. Parlement pour chasser certai- Marie-Catherine, également nes personnes de Paris. Quel- née à Québec en 1644, épousa ques membres de la famille Louis Rouer de Villeray en Sevestre étaient sans doute en 1658. La descendance de ces cause, ce qui pourrait expli- deux Sevestre s’est plutôt ré- quer le choix de Charles de pandue aux États-Unis, jus- venir à Québec dans les an- qu’à la Nouvelle-Orléans. nées 1630, alors que la colo- nie naissante se limitait sur- Au Québec, la descendance tout à Québec. Ici, il devînt des Sevestre correspond aux commis général de la Compa- Lessard et aux Nepveu. Les gnie des Cent-Associés. deux filles dont descendent ces familles sont toutes deux Tout ceci pour dire qu’il y a nées à Paris, Marie-Denise en sans doute chez nous quelques 1632 et Marie-Marguerite en 1635. La première épousa personnes peu instruites qui seraient sûrement très Philippe Nepveu en 1659 et la seconde, Étienne De étonnées d’apprendre qu’elles descendent d’une lignée L’Essart en 1652. S’il n’y a pas de descendants au nom d’imprimeurs et de libraires parisiens. Sevestre chez nous, il y a près de la Place Royale une maison Sevestre qui témoigne de leur présence ancien- ne à Québec. –7–
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Le 11 septembre 2001 - 20 ans plus tard Par Yves Boisvert L e 11 septembre 2001. Une date bien ancrée maintenant dans l’imaginaire collectif. Ce qui fut la fin pour nous, Nord-américains, de notre sentiment de fausse sécurité. Nous avons vu pendant plus de 50 ans la guerre dans d’autres pays par le tru- ge que des gens du Moyen-Orient viennent étudier pour piloter un avion en mentionnant qu’ils voulaient seule- ment apprendre à faire décoller un avion et non à le fai- re atterrir... chement de la télévision et du jour au lendemain, l’hor- Le bon côté de la chose, c’est que depuis cette date, la reur dans toute son expression. Voir mourir en direct, sécurité dans les aéroports et les avions est efficace. plus de 3 800 personnes. Assister à des actes de démen- Vous pouvez prendre l’avion sans faire de crise de pani- ces collectives au nom d’une religion. Comme d’habitu- que à l’idée qu’un fou, pour se rendre intéressant, déci- de. de de prendre le contrôle de l’appareil pour avoir son quinze minutes de gloire. Je crois que cet événement en début du nouveau millénaire était Le 11 septembre 2001 c’est sur- annonciateur que le monde que tout le début de la mort comme nous avons connu va bientôt n’ê- divertissement. Pendant des se- tre qu’un vague souvenir, que maines, les médias du monde en- nous ne sommes plus en sécurité tier vont en faire leur pains et nulle part. leurs beurres à savoir combien de corps on va retrouver, identifier, J’ai encore en mémoire ces pau- les détails sinistres. Personne ne vres gens qui se lançaient du haut semble s’en plaindre, sauf évi- des tours pour éviter de mourir brûler vifs et dont le demment les familles des victimes, qui voient des ve- corps frappait lourdement le sol. Il faut une bonne dose dettes de la chanson country comme Alan Jackson faire de courage pour se lancer dans le vide, sachant que la de l’argent sur le dos des victimes en composant une mort vous attends 10 ou 12 secondes plus tard et que chanson et un vidéo montrant des gens pleurer. Heureu- vous ne pourrez revoir les vôtres. Pour les pompiers et sement, les gens ne furent pas dupes. les policiers qui sont montés, il en fallait encore plus. On a vu quelques mois plus tard en 2001, un nouveau Ma plus grande crainte fut au lendemain du 11 septem- phénomène : les complotistes. Une bande d’idiots bre 2001. Je crois que nous avons passé à un cheveux croyant que les deux tours du World Trade Center fu- de voir un conflit nucléaire. Juste à voir la une d’un rent détruites par des explosifs et que ce n’est pas le ké- journal britannique qui montrait une main qui essayait rosène en flamme des avions qui ont détruit les deux de pousser un bouton de lancement de missile pendant immeubles mais du C-4 que le gouvernement américain que deux autres mains retenaient celle-ci. Que c’est-il aurait fait exploser pour déclencher une guerre… Com- passé en coulisse chez les Américains? Mieux vaut ne me vous le voyez, les choses ne se sont pas améliorer pas le savoir. On aurait sans doute des cauchemars. avec ces idiots depuis la Covid. Élément curieux dans cette histoire, c’est que les servi- Pour moi, le 11 septembre 2001, c’est un signe annon- ces secrets américains (CIA) et le FBI étaient au courant ciateur, un monde qui n’arrive plus, malgré toutes les que les terroristes préparaient un gros coup, mais per- technologies et les interfaces imaginables, à communi- sonne n’avait idée de ce que les terroristes voulaient quer. Tout le monde parle mais personne ne se com- faire. Pourtant, un instructeur d’une école de pilotage de prend. la Floride quelque mois auparavant avait trouver étran- – 12 –
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Photo : François Kirouac Québec, terre d’accueil ou d’écueil ? Conférence prononcée par Jacques Lacoursière au Salon des Familles-souches du Québec le 22 février 2008 D ans le cadre du colloque cès à un public, quoique restreint. Ça sur les « pluralisme et so- ne leur faisait rien de vivre à l’ombre ciétés », on m’a demandé de la croix du mont Royal, car ils d’aborder la question de la jouissaient de la protection des lois « généalogie du Québec en ce qui du pays, ce qui n’était pas le cas chez concerne l’articulation de la diversité eux, en Pologne ou en Lituanie », culturelle au cours de son histoire ». conclut-il. Comment le Québec, depuis ses dé- Le Québec, terre d’accueil ou d’é- buts, a-t-il géré sa diversité culturelle ? cueil ? Telle est la question que l’on Respect de l’autre, acceptation de peut se poser lorsque l’on tente d’éta- l’autre avec ses divergences ou tenta- blir une certaine histoire de l’immi- tives d’assimilation de nos jours, alors gration au Québec. Selon les pério- que l’on vit ou que, selon certains, des, le genre d’immigrants et l’attitu- l’on subit la diversité culturelle avec de des Québécois à l’égard de ces Jacques Lacoursière lors du Salon de la plus ou moins de tentatives d’accom- Fédération des familles souches du Qué- derniers, ont beaucoup varié. D’une bec, le 22 février 2008 modement que l’on dit, oui ou non, immigration quasi sans restriction à raisonnables. Quel a donc été notre l’établissement de critères de choix y séjourner durant la saison de navi- cheminement collectif ? Le 26 mai très précis, le chemin a été long. gation. Ce qui signifie que l’on pou- 2007, à Québec, il y a eu, Place Précisons tout d’abord que nous som- vait retrouver sur le même navire des d’Youville, l’événement « Rondo mes tous des immigrants, de plus ou catholiques et des protestants qui de- Mondo », c’est à dire la première moins longue date, les Amérindiens vaient se partager l’espace pour leurs journée interculturelle « où des cen- inclus. Comme le paradis terrestre, en offices religieux, la traversée durant taines de personnes ont fêté la diversi- autant que je sache, n’était pas situé habituellement de deux à cinq mois. té autour de mets exotiques en se lais- sur le territoire québécois et, comme Ce qui signifie qu’il y avait donc plu- sant bercer par des musiques interna- ce n’est pas ici qu’un primate a décidé sieurs dimanches sur ces navires. tionales », comme l’écrivait un jour- de relever la tête pour se prendre pour Marguerite Bourgeoys raconte qu’en naliste du quotidien « Le Soleil ». un humain, les premiers habitants du 1659, alors qu’elle est à bord d’un Dans « La Presse » du lendemain, pays sont donc venus d’ailleurs, il y a navire entre la Nouvelle-France et la c’est-à-dire dimanche dernier, sous la plusieurs milliers d’années. Lorsque France, « le navire était rempli de signature de David Home, il était les européens font leur apparition huguenots et il n’y avait que cinq ou question d’un nouvel ouvrage publié dans la vallée du Saint-Laurent, il y six hommes catholiques, outre made- aux Éditions du Noroît, « Nostalgie avait déjà quelques villes amérindien- moiselle Mance et moi. » et tristesse », de Sholen Shtern, tra- duit et présenté par Pierre Anctil. Ce nes importantes. Les protestants qui voulaient s’établir dernier y affirme que « la littérature la e Il faut attendre le XVII siècle pour en Nouvelle-France devaient, soit plus avant-gardiste à Montréal (peut- qu’arrivent plusieurs vagues d’immi- abjurer leur foi et se convertir au ca- être au Canada entier) dans les an- grants français. Selon la charte éta- tholicisme, soit faire semblant de se nées 20 et 30 s’inscrivait en yiddish. blissant en 1627 la Compagnie de la convertir ! Si le roi Louis XIV avait Pendant que les poètes d’ici, ajoute Nouvelle-France, plus connue com- permis aux protestants de s’établir Homel, qu’ils soient de langue fran- me la Compagnie des Cent-Associés, dans sa colonie à la suite de la révo- çaise ou anglaise, s’occupaient de seuls peuvent émigrer en Nouvelle- cation de l’Édit de Nantes en 1685, paysages bucoliques, les poètes yid- France des catholiques. Les juifs et l’histoire du Canada et surtout celle dish s’attaquaient aux thèmes de la les protestants ne peuvent s’établir en du Québec auraient été très différen- modernité : la ville, l’engagement permanence dans le futur Québec, et tes. Dans son ouvrage « Brève Histoi- politique, le dépaysement, le choc des ce, sous peine d’emprisonnement et re des protestants en Nouvelle-France langues. (…) De quoi parlaient ces de déportation. Le deuxième article et au Québec (XVIe-XIXe siècles », écrivains ? demande-t-il. De leur sta- de la Charte précisait donc que la Robert Larin écrit : « La révocation tut d’immigrant, de leurs incertitudes. colonie devait être peuplée unique- de l’Édit de Nantes obligea la Nou- Aujourd’hui, on parlerait de ment de « naturels français catholi- velle-France à se montrer encore plus « précarité » et « d’exclusion ». « Ces ques ». Même si les huguenots ne intransigeante à l’égard des protes- gens ne voyaient pas la chose de cette peuvent s’établir en permanence en tants. Plus que jamais, Louis XIV manière. Ils étaient heureux d’être en Nouvelle-France, ils peuvent fort bien insista pour qu’on les oblige à se vie, parmi des collègues, d’avoir ac- convertir, à quitter la colonie… ou à cacher leur foi. Puis, à partir de 1715, on fera preuve de plus de tolérance. – 14 –
La révocation de l’Édit de Nantes, Verchères, en 1690. Il décédera à l’origine prouvée était les Îles Britan- somme toute, n’aura eu que peu d’ef- Montréal six ans plus tard. Son frère, niques ont été analysés dans cette fets durables sur les conditions de vie le marquis Antoine de Crisafy, cheva- étude. » des huguenots en Nouvelle-France. » lier de Saint-Louis, a été gouverneur Apportons quelques précisions sur Plus on approche de la Conquête, de Trois-Rivières. Il avait épousé une ceux que Fournier appelle « les res- plus les huguenots prennent de l’im- petite canadienne de quinze ans, Ma- s o rt i s sa n t s d e la No u v e l l e - portance dans le domaine commer- rie-Claire Ruette d’Auteuil. Un autre Angleterre ». Lors des raids cana- cial. L’évêque Pontbriand se plaint au Italien va s’illustrer lors de la diens ou amérindiens contre des éta- ministre français responsable de la Conquête. Il s’agit de Francesco Car- blissements des colonies anglaises, on colonie de ce fait. Le 15 juillet 1755, lo Burlammachi, plus connu sous le ramenait des prisonniers. Quelques le ministre répond à l’évêque : « Le nom de Bourlamaque, un des offi- centaines d’entre eux ont fini par de- gouverneur et l’intendant prétendent ciers supérieurs dans l’armée du mar- mander la naturalisation française. qu’il ne leur est parvenu aucune quis de Montcalm. Ainsi, pour la seule année 1710, qua- plainte contre les protestants, qu’ils Toujours au cours de la première tre-vingt-quatre d’entre eux obtien- ont toujours été soumis aux lois et à moitié du XVIIIe siècle, une cinquan- nent l’enregistrement de leur lettre de la police, qu’ils ne font point d’assem- taine d’Irlandais, des Allemands, des naturalisation. Jean Laha ou Lahaye, blées, qu’ils forment quatorze mai- Belges, des Italiens et des Suisses s’é- Jean-Baptiste et Paul Otis, Gabriel sons qui font les trois quarts du com- tablissent dans la vallée du Saint- Jordan, Germain Aubry dit Larose, mence du pays, et que, si on les en Laurent. Même si ces nouveaux su- Charles Lemaire dit Saint-Germain, chassait, ce serait faire grand tort à la jets sont supposés posséder les mêmes Jacques-Charles Stebbens, Jean Ri- colonie, les négociants canadiens n’é- droits que les autres sujets, il leur est card, Madeleine Warren, Marie Ste- tant pas en assez grand nombre, ni interdit d’exercer certains métiers. Un vens, entre autres, deviennent Cana- assez riches, pour fournir tout ce qui arrêt du Conseil du roi, enregistré à diens. Quand on regarde certains pa- est nécessaire. » Résumons : pendant Québec le 17 septembre 1729, stipu- tronymes de Québécois francopho- un certain temps, il y a donc eu into- le : « Les étrangers établis dans nos nes, on est quasi convaincu qu’ils font lérance, et aussi une certaine toléran- colonies, même ceux naturalisés ou partie de ce que l’on appelle « les fa- ce. qui pourraient l’être à l’avenir, n’y milles-souches ». Prenons, par exem- Il n’en va pas de même pour les juifs pourront être marchands, courtiers et ple, les Phaneuf. Bien peu de person- à l’époque de la Nouvelle-France. Le agents d’affaires de commerce, en nes savent que l’ancêtre était Mathias seul cas d’une présence juive tient quelque sorte et manière que ce soit, Farnworth, qui avait été fait prison- plus de l’anecdote que d’une tentative à peine de trois mille livres d’amende nier en Nouvelle-Angleterre en 1704 réelle d’établissement. Au cours des applicables au dénonciateur, et d’être et amené en Nouvelle-France où son dernières années de la décennie 1730, bannis à perpétuité de nos dites colo- nom s’est « francisé ». Esther Brandon, une jeune juive, arri- nies, leur permettons seulement d’y Revenons un peu en arrière pour voir ve à Québec, déguisée en garçon. faire valoir des terres et habitations et quelle a été l’attitude des Français Rapidement, on découvre son sexe d’y faire commerces de denrées qui puis des Canadiens vis-à-vis les au- réel. Devant les échecs pour la proviendront de leurs terres. » tochtones. En 1615 arrivent quelques convertir au catholicisme, l’intendant L’historien-généalogiste Marcel Four- Récollets dont les tâches seront d’as- Gilles Hocquart la retourne en Fran- nier a cherché à savoir quelle a été surer le service religieux pour les ce. Il faudra attendre la Guerre de la l’importance de l’immigration euro- Français et aussi travailler à la Conquête pour assister à l’arrivée des péenne, autre que française, à l’épo- conversion au catholicisme des Amé- premiers immigrants juifs. que de la Nouvelle-France. Il arrive à rindiens. Dix ans plus tard, ce seront Sous le régime français, il n’y eut pas la conclusion suivante : « Selon l’étu- des jésuites qui débarqueront à Qué- que des immigrants venus de France. de que j’ai faite du sujet, je peux affir- bec. Une fois l’occupation anglaise On en compte plusieurs de diverses mer qu’entre 1620 et 1765, environ 1 terminée, soit en 1632, seuls les jésui- origines ethniques. Ainsi, en 1628, vit 500 immigrants étrangers, originaires tes reviendront. Les relations entre les dans la région de Tadoussac un Grec d’Europe, sont venus au Canada. De Français et les nations alliées seront qui sert d’interprète entre les Français ce nombre, ma recherche a permis habituellement assez cordiales. En et les Amérindiens du coin. On igno- d’en identifier 1 502 à partir de sour- 1633, le chef Capitanal se rend à re d’où il venait et comment il se ces archivistiques et de sources impri- Québec rencontrer Samuel de Cham- trouvait à cet endroit. L’apport italien mées. En ce qui concerne les Anglais, plain qui vient de revenir de France, fut plus important. Dans les années il a fallu apporter une attention parti- pour lui demander d’établir un poste 1680, on note la présence des deux culière pour identifier les ressortis- de traite à Trois-Rivières. Dans son frères Crisafy, Siciliens d’origine et sants de la Nouvelle-Angleterre, dont discours, il déclare que la construc- apparentés aux Grimaldi. Ils sont j’estime le nombre en Nouvelle- tion d’un fort les incitera à se sédenta- cousins germains du prince de Mona- France, entre 1693 et 1760, à 228 riser : « Tu sèmeras des blés, ajoute-t- co. Thomas Crisafy, chevalier de personnes. Seuls les Anglais dont il, nous ferons comme toi et nous Malte, est l’officier qui se porte à la défense de la mère de Madeleine de – 15 –
n’irons plus chercher notre vie dans ment ardu et que les circonstances vivent en concubinage avec des soldats les bois, nous ne serons plus errants et interdisaient absolument aux Ursuli- anglais. On verra surtout d’un mauvais vagabonds. » Ce à quoi Champlain nes l’exercice de leur mission d’édu- œil les mariages mixtes, c’est-à-dire les répond : « Quand cette grande mai- catrices, reléguées qu’elles étaient au unions entre catholiques et protestants. son sera faite, alors nos garçons se troisième étage de leur couvent et en La conquête de la Nouvelle-France et marieront avec vos filles et nous ne ne disposant d’aucun espace. Du l’établissement d’un gouvernement ferons plus qu’un peuple. » Notons moins, la présence et le soin des bles- anglais vont modifier les sources d’im- que ce seront des Français qui marie- sés leur assuraient un ravitaillement migrants. Au début, Anglais et Écos- ront des Amérindiennes et non des suffisant. (…) Les Ursulines se muè- sais viendront en petit nombre s’établir Amérindiens qui épouseront des rent donc durant l’hiver en infirmiè- dans la vallée du Saint-Laurent. La Françaises !!! Les propos de Cham- res d’un hôpital militaire, et le travail première vague comprendra surtout des plain soulèvent des rires chez quel- qu’elles fournirent fut rémunéré en administrateurs, des militaires et des ques Algonquins. L’un d’eux répli- nature, ce qui leur permit de survi- commerçants, lesquels voient dans la que : Tu nous dis toujours quelque ve. » nouvelle colonie un rapide moyen de chose de gaillard pour nous réjouir. Si Ce n’est sans doute pas un effet du s’enrichir. C’est aussi à partir de ce cela arrivait, nous serions heureux. » hasard si les religieuses ursulines, à la moment que des juifs pourront s’instal- Quelques années plus tard, Marie de suite du décès de leur supérieure, ler au Québec. À Montréal, dès 1768, l’Incarnation, la supérieure du mo- choisirent pour lui succéder une Ur- les premières assemblées de fidèles juifs nastère des Ursulines à Québec, écri- suline qui était née en Nouvelle- se réunissent pour célébrer des anniver- ra : « On fait plus facilement un sau- Angleterre et qui devait posséder les saires religieux que Joe King décrit vage avec un Français qu’un Français langues française et anglaise. « Aux comme étant conformes « aux rites et avec un sauvage, » Les Français et les premières élections régulières, écrit coutumes sépharades ». Neuf ans plus Canadiens qui feront la course des dom Oury, le 15 décembre 1760, elles tard, on commence la construction de bois pour récolter des fourrures pren- choisirent comme supérieure la Mère la première synagogue montréalaise dront souvent « femme temporaire » de l’Enfant-Jésus, qui était une de qui sera située à l’angle des rues Notre- chez les autochtones. Il y aura donc leurs anciennes élèves anglaises, ra- Dame et de la petite rue Saint-Jacques. plus de métissage chez les Amérin- chetée de captivité. Esther Whellright Une des conséquences importantes diens que les « Blancs ». De plus, il y n’était pas une jeune religieuse ; elle pour le Québec de la Révolution améri- aura peu de conversions réelles au avait 63 ans, étant née en 1696 à caine, c’est l’arrivée sur son territoire, catholicisme, même si, à certaines Wells; à sept ans, en 1703, elle avait dans les années 1780, de 7 à 8 000 Bri- époques, les autorités ne donneront été amenée en captivité par les Abé- tanniques qui préfèrent émigrer ici plu- des armes à feu qu’à ceux qui auront naquis qui la gardèrent cinq ans. » tôt que de devenir citoyens américains. reçu le sacrement de baptême… En- Pendant plusieurs mois, la chapelle Ces loyalistes vont s’établir surtout fin, les quelques tentatives de sédenta- du monastère servit au culte protes- dans la région de Montréal, dans ce risation auront peu de succès. Le gou- tant. « Murray, écrit encore dom Ou- que l’on appellera les « Eastern Town- verneur Frontenac affirmera que « les ry, y tolérait une messe tous les ma- ships » et en dehors des endroits soumis jésuites ont converti plus de castors tins et, le dimanche. Comme c’était le au régime seigneurial. Ces immigrants que de sauvages ». C’est vrai qu’il seul édifice du culte à peu près intact arrivent avec l’auréole du martyr. Ils avait eu maille à partir avec des mem- dans toute la ville, la chapelle faisait réclament toutes sortes de modifica- bres de cette communauté ! fonction de paroisse catholique avant tions tant sur le plan juridique que sur Les suites de la Guerre de la Conquê- d’être mise à la disposition des aumô- le mode de gouvernement. te seront des occasions de plusieurs niers militaires de Sa Majesté. (…) Il devait en être ainsi jusqu’à la Noël Une autre conséquence de la Révolu- accommodements raisonnables. À la tion américaine est la venue au Québec suite de la capitulation de Québec, le 1764 ! Aussi bien à Québec qu’à Montréal et Trois-Rivières. Les égli- de près de 5 000 mercenaires d’origine 18 septembre 1759, une partie du allemande, le fameux régiment du Hes- monastère des Ursulines de Québec ses catholiques servirent aussi au culte protestant. Voilà quelques cas se-Hénaut. Ces soldats viennent ici est transformée en hôpital pour soi- pour combattre les insurgés américains. gner des soldats anglais blessés. De d’accommodements raisonnables ! Une fois la paix intervenue, plusieurs plus, des soldats du 78th Highlanders Au cours du régime militaire qui va centaines d’entre eux choisissent de écossais s’établissent au monastère. de la capitulation de la colonie, le 8 demeurer dans la colonie. Quelques- Des religieuses prennent en pitié des septembre 1760, à la cession définiti- uns s’établiront dans la seigneurie de militaires en kilt. Elles occupent une ve de la Nouvelle-France à l’Angle- Saint-Gilles de Lotbinière. D’autres à partie de l’hiver à leur tricoter des bas terre par le Traité de Paris de février Québec et Montréal ou dans la seigneu- de laine. Dans son « Histoire des Ur- 1763, les relations entre les conqué- rie de Vaudreuil. sulines de Québec », dom Guy-Marie rants et les conquis sont plutôt assez Oury écrit : « Il n’en reste pas moins bonnes. Quelques curés dénonceront Avant la fin des guerres napoléonien- que l’hiver 1759-1760 fut particulière- le fait que des jeunes Canadiennes nes en 1815, l’immigration contribue faiblement au développement démogra- phique du Bas-Canada. Le flot annuel des étrangers est très mince. Au tout – 16 –
début du XXe siècle, un groupe de Canada. Ainsi, en 1834, sur les 29 peste et la mort ! Si je vous présente un Mennonites de langue allemande va 630 immigrants qui débarquent dans si triste tableau de l’état du pays, j’aime s’installer dans l’actuelle région de le port de Québec ou de Montréal, cependant à vous espérer que nous Waterloo. Des soldats d’origine écos- seulement 1 131 déclarent vouloir pouvons encore préserver notre natio- saise choisiront aussi de s’établir au demeurer au Bas-Canada ; tous les nalité et éviter ces calamités futures, en Bas-Canada. autres se dirigeront vers la colonie opposant une digue au torrent de l’É- À noter que les conditions qui préva- supérieure. La plupart des immi- migration. » Les propos de Rodier ne lent en Europe occidentale après le grants sont aussi d’origine irlandaise, diminuèrent en rien le flot des immi- Congrès de Vienne vont favoriser une soit 20 320 ; 5 414 sont Anglais, 3 711 grants et n’empêcheront pas le choléra immigration massive vers l’Amérique Écossais, 17 Jersiais et 53 viennent de 1834 et le typhus de 1847 ! du Nord. En Écosse, l’industrie texti- des « Provinces voisines ». Enfin, le Ce n’est qu’une minorité de francopho- le sombre dans le marasme et l’ou- contingent de 1834 se divise en 17 nes qui manifesteront une certaine réti- vrier est le premier à en subir les 136 hommes et 12 494 femmes. cence à l’immigration. La majorité sera conséquences. En Irlande, la mauvai- Après 1815, la situation qui prévaut plutôt accueillante et leurs représen- se récolte de pommes de terre de 1821 en Irlande va amener des centaines de tants à la Chambre d’assemblée du Bas- ajoute à une misère déjà immense. Le milliers d’Irlandais à émigrer en Canada feront preuve d’une grande mécontentement se manifeste partout Amérique du Nord. On évalue à 2,3 ouverture surtout vis-à-vis la commu- et les émeutes se multiplient. millions le nombre d’Irlandais qui nauté juive. Alors que les tensions sont En 1832, les législatures du Bas- quittent leur pays pour s’installer aux de plus en fortes entre les députés fran- Canada, du Nouveau-Brunswick et États-Unis ou dans les colonies an- cophones et les autorités coloniales, les de la Nouvelle-Écosse imposent une glaises d’Amérique du Nord. Entre députés décident d’adopter des mesures taxe de cinq chelins sur chaque immi- 1831 et 1860, le port de Québec en pour accorder aux juifs qui vivent au grant qui fait la traversée de l’Atlanti- accueille 436 718. Seulement une Bas-Canada des droits que ceux qui que suivant les règles fixées par le faible partie d’entre eux demeureront vivent en Grande-Bretagne ne possè- gouvernement britannique et le dou- au Québec. On accusera les immi- dent même pas ! Dans son ouvrage ble si l’immigrant a effectué le voyage grants Irlandais d’être à l’origine du consacré aux principaux événements en enfreignant lesdites règles. La rai- choléra de 1832 qui fera plus de 10 concernant les juifs, Joe King note en son d’être de cette taxe était de dé- 000 victimes au Bas-Canada. Pour un 1828 « un groupe de juifs montréalais frayer une partie des dépenses occa- certain nombre de Canadiens- adresse une pétition au parlement afin sionnées par l’assistance médicale français, la décision des autorités an- qu’il soit permis à la communauté juive aux immigrants malades. glaises d’envoyer dans la colonie des de tenir un registre officiel d’état civil. immigrants malades tient presque du Six ans plus tard, la loi est passée au À partir de 1810, sauf pour les années génocide. Un député du Parti patriote parlement. Louis-Joseph Papineau (…) 1824, 1825 et 1838, les navires débar- de Louis-Joseph Papineau, Édouard- aida au passage de cette loi, quoique, quent chaque année à Québec ou à Étienne Rodier, est clair à ce sujet : quelques années auparavant, il avait Montréal au moins 10 000 immi- « Quand je vois ma patrie en deuil, voté pour l’expulsion d’Ézékiel Hart de grants, surtout d’origine irlandaise. déclare-t-il, et que mon sol natal ne l’Assemblée du Bas-Canada. » En Le nombre total de personnes varie me présente plus qu’un vaste cimetiè- 1830, est présenté un projet de loi ayant suivant les sources et les auteurs, re, je me demande : quelle est la cau- pour titre « Acte pour étendre certains mais on peut affirmer qu’entre 1815 se de tous ces désastres? Et la voix de privilèges y mentionnés aux personnes et 1849, environ 532 000 Britanniques mon père, de mon frère et de ma mè- professant le Judaïsme et pour obvier à ont foulé le sol du Bas-Canada, soit re chérie, les voix des milliers de mes certains inconvénients auxquels pour- pour y demeurer, soit surtout pour se concitoyens me répondent de leurs raient être autrement exposés d’autres rendre au Haut-Canada (l’Ontario) tombeaux : C’est l’Émigration ! Ce sujets de Sa Majesté. » Le projet de loi ou aux États-Unis. n’était pas assez de nous envoyer des sera adopté en 1832. Il accordait aux Les principales raisons qui motivent égoïstes avides, sans autre esprit de juifs « les mêmes droits et privilèges les immigrants à se diriger vers le liberté que celle que peut donner une dont jouissaient les autres sujets de la Haut-Canada sont, en plus de l’ho- simple éducation de comptoir, s’enri- province ». « Ce statut, ajoute King, mogénéité ethnique et linguistique, la chir aux dépens des Canadiens et établit les droits fondamentaux des juifs facilité de se faire concéder des terres. chercher ensuite à les asservir, il fal- au Canada, plusieurs décennies avant Au Bas-Canada, les seigneuries sont lait encore se débarrasser de men- que pareils droits soient accordés aux surpeuplées et les terres produisent diants et les jeter par milliers sur nos juifs britanniques. » peu. De plus, les problèmes politiques rivages ; il fallait nous envoyer des Les Îles Britanniques ne seront pas les engendrés par la Chambre d’assem- pauvres misérables qui, après avoir seules à envoyer des immigrants au blée risquent de créer des perturba- partagé le pain de nos enfants, se por- Québec entre 1760 et 1867. Le premier tions graves. La plupart des immi- ter aux horreurs où peuvent entraîner recensement après l’entrée en vigueur grants préfèrent donc gagner le Haut- la Faim et la Misère ; il fallait plus ; il de la Confédération, celui de 1871, fallait nous envoyer à leur suite la place les Allemands au premier rang de la population après les habitants d’ori- – 17 –
gine française et britannique. On Le recensement de 1871 dénombre au liques, ni protestants) ou les entreprises compte alors 7 963 citoyens d’origine Québec 454 Scandinaves, soit 121 commerciales en vertu des lois scolai- allemande et ils forment 0,7 % de la dans la circonscription électorale de res. Après diverses négociations et pro- population totale du Québec. Deux Compton, 79 dans la ville de Mon- jets de loi, les enfants juifs fréquente- décennies auparavant, soit en 1850, tréal, 48 dans celle de Québec et 28 ront les écoles protestantes ou les éco- on ne comptait guère à Montréal que dans le comté de Gaspé. Les Grecs les privées juives dont le nombre aug- 317 habitants d’origine allemande, sont au nombre de… 7 ; les Russes, mentera avec les années. sur une population totale de 48 207 186 ; les Portugais et les Espagnols, Il faut bien constater qu’au Québec, les personnes. D’ailleurs, l’immigration 142 ; les Suisses, 173 et les Gallois, années 1930 sont marquées par un cer- allemande, en ce temps-là, était sur- 283. Si, lors du recensement, seule- tain antisémitisme, mais non aussi pré- tout le fait d’agriculteurs. En 1861, on ment 74 personnes se disent d’origine sent qu’Esther Delisle a voulu le mon- note toutefois l’arrivée de 200 person- juive, 549 se disent de religion juive, trer dans ses ouvrages. On ne peut ca- nes qui vont s’établir dans la région dont 409 pour la seule ville de Mon- cher que le village de Sainte-Agathe a de Labelle. Mais, le 29 juin 1864, la tréal. La population d’origine juive va vécu une crise antisémite. On a distri- petite communauté allemande subit croître rapidement à partir du début bué une circulaire où on pouvait lire : un coup terrible : un train transpor- des années 1880, alors que des Juifs « Les Juifs ne sont pas désirés ici. Sain- tant plus d’une centaine d’immigrants russes viendront ici par centaines. te-Agathe est un village canadien- allemands tombe dans le Richelieu, Plus de 6 000 Juifs russes s’établiront français et nous le garderons ainsi. » provoquant la noyade de 97 d’entre à Montréal entre le début des années Sur un poteau porteur de fils électri- eux tandis que plusieurs étaient bles- 1880 et la fin du siècle. ques, il y avait une affiche dont le texte sés gravement. On enregistre à cette En 1901, le Québec ne dénombre que était : « Christians only. Jews not allo- occasion les obsèques de 52 person- 66 citoyens d’origine grecque. Cinq wed. Danger. » nes de religion luthérienne, qui furent ans plus tard, la population grecque enterrées dans une fosse commune au L’Église catholique continue d’utiliser dépasse 1 000 personnes, la plupart l’expression « Perfidis Judeis », lors des cimetière du Mont-Royal. En 1871, venant du Péloponnèse, soit de la les Hollandais arrivent derrière les cérémonies du Vendredi Saint. L’orai- Macédoine. La population d’origine son se traduisait ainsi : « Prions aussi Allemands avec seulement 798 repré- italienne progresse, elle aussi, rapide- sentants, suivis par les Italiens avec pour les Juifs parjures, afin que Dieu ment. De 539 en 1871, elle passe à 3 notre Seigneur ôte le voile de leurs 539 et les Scandinaves avec 454. 000 trente ans plus tard. La population canadienne passe de 3 cœurs et leur donne de connaître, eux 500 000 habitants en 1871 à 14 000 La grande poussée de l’immigration aussi, Jésus Christ Notre Seigneur. » 000 en 1951. Cet accroissement im- belge se situe entre les années 1919 et C’est surtout dans la région de Mon- portant est dû plus à l’immigration 1929. Pour cette seule période, le tréal qu’on notera certains mouvements qu’à l’apport de la natalité. Quant à Québec accueille 14 905 personnes en antisémites. Les fascistes d’Adrien Ar- la population de la province de Qué- provenance de la Belgique qui fait cand feront des Juifs leurs victimes. bec, elle est de 1 191 000 en 1871 et alors face à une grave crise économi- L’entrée en guerre du Canada, en sep- de 4 056 000 en 1951. Ce qui signifie que. La Crise de 1929 mettra fin tem- tembre 1939, aura des conséquences que, toute proportion gardée, la po- porairement au mouvement migratoi- pour plusieurs Allemands établis au pulation du Canada a augmenté plus re vers l’Amérique du Nord. Le re- Québec. Avant même que le gouverne- que celle du Québec, surtout à cause censement de 1941 montre que 69 % ment canadien déclare la guerre à l’Al- de l’ouverture de l’Ouest à la coloni- des immigrants belges avaient choisi lemagne nazie, des Allemands de Mon- sation. Pour la même période, le de vivre dans la région de Montréal. tréal sont mis aux arrêts. Ce qui amè- pourcentage de francophones au Divers groupes ethniques cherchent, nera le consul allemand de la métropo- Québec passe de 78 % à 82 %. surtout pour des raisons religieuses, à le à protester contre ce geste. Puis, l’en- À partir de 1875, l’immigration fran- posséder leurs propres écoles. Les trée en guerre de l’Italie en juin 1940 va cophone perd de son importance. juifs réclament une plus grande auto- signifier l’arrestation de centaines d’Ita- Ainsi, pour l’exercice financier 1881- nomie scolaire. Après l’échec de liens de la région de Montréal. 1882, le Québec reçoit 5 621 immi- 1926, une entente intervient, le 14 Au début des années 1950, les mouve- grants, soit 3 326 Anglais, 1 555 Ir- janvier 1929, entre les représentants ments nationalistes québécois commen- landais, 382 Écossais, 141 Suédois ou de la communauté juive et les com- cent à manifester une certaine opposi- Norvégiens, 123 Français, 36 Alle- missaires des écoles protestantes de tion à une immigration massive qui mands, 16 Danois, 10 Russes, 8 Ita- Montréal. Un des termes de l’entente risquerait de diminuer l’importance du liens, 2 Hollandais et un Suisse. De prévoit que « le coût de l’instruction groupe canadien-français. En 1951, ce nombre, 3 423 vont s’établir à des enfants juifs sera défrayé par les l’Institut de psychologie de l’Université Montréal, 1 276 à Sherbrooke, 122 à taxes des juifs, complétées par un de Montréal effectue un sondage qui Brome et 165 à Compton. Le reste se prélèvement sur le neutral panel ». montre que 67 % des francophones et distribue dans 21 autres centres. Celui-ci comprend les sommes payées 37 % des anglophones de Montréal par les neutres (qui n’étaient ni catho- s’opposent à l’immigration. « Les délé- gués à une conférence nationale sur l’immigration, note Michael Behiels, – 18 –
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