LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni

 
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LE MAGAZINE DES SCIENCES PO
ILLUSTRATION : BOLL

                      ÉMILE BOUTMY MAGAZINE / N° 14 / AUTOMNE 2018
LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
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IEP Paris 92
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Germany

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LEÇON                                                                                                    L’HUMOUR ET
                                                                                                               LA POLITIQUE
  DEBoris VIES
          Cyrulnik
                                                                      LE MAGAZINE DES SCIENCES PO

                                                                                                               LE LOUVRE
& Frédéric Lenoir                                                                                              FACE À
                                                                                                               SCIENCES PO
                                                                                                               LE MATCH
                                                                                                               OM-RED STAR
                     ILLUSTRATION : BOLL

  Yannick Jadot
      L’écologiste
  Jean Leonetti                            ÉMILE BOUTMY MAGAZINE / N° 14   / AUTOMNE 2018

    La bioéthique
     en question

                LA FRANCE, À TABLE !
              Avec Arnaud Montebourg, Apollonia Poilâne,
                    Périco Légasse, Pierre Rabhi…
                                                                 émile numéro 14            3   automne 2018
LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ÉMILE              SOMMAIRE

AUTOMNE 2018 - NUMÉRO 14

  4 INCIPIT                                                                                    58 FICTION
      Les anciens élèves et l’avenir de Sciences Po                                                  Changer son karma
      Rencontre entre Frédéric Mion et Pascal Perrineau                                              Par Pascal Fauliot

      actualités                                                                                     grands formats
  9 ENTRETIEN                                                                                 63 DÉB AT
      Yannick Jadot, l’écologiste                                                                    Humour et politique, une histoire de maux et de mots
                                                                                                     Avec Jean-François Copé, Jérôme de Verdière,
14 ENQUÊTE                                                                                           Thierry Saussez et Emmanuel Rivière
      Bioéthique : pour éviter le meilleur des mondes                                          72 ENTRETIEN CROISÉ
      Par Tâm Tran-Huy
                                                                                                     Le Louvre et Sciences Po : mêmes combats !
 18 INTER VIEW                                                                                 76 FENÊTRE SUR COUR
      Jean Leonetti : « En matière de bioéthique, ce
      n’est pas l’appartenance à une famille politique                                               1935 : « L’atmosphère des Sciences Po »
                                                                                                     Par David Colon
      qui détermine notre vision des choses »

22 EN VUE
      Spécial culture                                                                                business
                                                                                            103 ENTRETIEN CROISÉ
24 LIVRES                                                                                            OM-Red Star : le match
      Le bonheur : nouveau business littéraire ?
                                                                                                     Avec Jacques-Henri Eyraud et Grégoire Potton

      regards                                                                               108 ENQUÊTE
                                                                                                     Bien-être et productivité au travail
29 ENTRETIEN CROISÉ                                                                          112 ENTRETIEN
      Leçon de vies                                                                                  Édouard Fillias : « Le fait que l’on donne l’entrepreneur
      Avec Boris Cyrulnik et Frédéric Lenoir                                                         en exemple à suivre me pose problème »
38 DOSSIER TERROIR                                                                          116 L’ŒIL DU CO A CH
      LA FRANCE, À TABLE !
                                                                                            11 8 INTER VIEW
40           TRIBUNE                                                                                 Olivier Cousi : « La justice du XXIe siècle : plus rapide,
             « Le terroir dit toujours la vérité »                                                   moins chère »
             Par Périco Légasse
                                                                                           120 NOMINATIONS
42           PORTRAITS
             Arnaud Montebourg, l’apiculteur 2.0                                            128 LES ACTUALITÉS DE SCIENCES PO
             Apollonia Poilâne, la boulangère
             Louis-Fabrice Latour, le vigneron                                              130 C ARNET
             Charlotte Salat, la fromagère
             Laurent Gardinier, le restaurateur                                              131 RÉGIONS
52           FROM ABRO AD                                                                   132 BONNES ADRESSES
             Food Fight: Traditions in American Food
             Culture                                                                        133 A GEND A
             Par Tori Otten
                                                                                            134 D’UN MOT
54           RENCONTRE                                                                               Revue de presse
             Pierre Rabhi, écologie et consommation                                                  Par David Abiker

ÉMILE BOUTMY MAGAZINE / AUTOMNE 2018 / N° 14 Magazine des élèves et anciens élèves de Sciences Po, édité par Sciences Po Alumni, distribué à l’ensemble des cotisants Adhésion en ligne
sur www.sciences-po.asso.fr Siège de l’Association 26, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris, 01 45 48 40 40, info@sciencespo-alumni.fr Directeur de la publication Pascal Perrineau (promo 74) Rédactrice en chef
Anne-Sophie Beauvais (promo 01) Responsable éditorial Maïna Marjany (promo 14) Journaliste Laurence Bekk-Day (promo 18) Directeur artistique Michel Maïquez Comité éditorial Laurent Acharian (promo 00),
Arnaud Ardoin, François Barral (promo 89), Claire Bauchart (promo 10), Antoine Buéno (promo 01), Nicolas Catzaras (promo 88), Agnès Chauveau (promo 95), Annick Cojean (promo 80), David Colon (promo 95), Emmanuel
Dreyfus (promo 91), Jean-Sébastien Ferjou (promo 94), Éric Fottorino (promo 83), Eric Freysselinard (promo 90), Clémence Fulleda (promo 14), Alain Genestar (promo 76), Jérôme Guilbert (promo 89), Marc Jézégabel,
Renaud Leblond (promo 86), Gérard Leclerc (promo 76), Jessica Nelson (promo 01), Alexandre Poncet (promo 97), Dominique Reynié (promo 83), Brigitte Rischard (promo 81), Jérôme Sainte-Marie (promo 90), Emmanuelle
Talon (promo 04), Éric Thiers (promo 92), Benoît Thieulin (promo 95), Philippe Weil (promo 77), Jason Wiels (promo 12), Tâm Tran Huy (promo 06) Ont aussi participé à ce numéro Julia Laureau, Lucile Pascanet,
Anaïs Richard Secrétariat de rédaction Muriel Foenkinos Régie publicitaire FFE Directeur de la publicité Patrick Sarfati, 15, rue des Sablons, 75116 Paris, 01 53 36 20 40, www.ffe.fr Responsables com-
merciaux Sidney Schando, 01 43 57 88 70, et Mickael Caron, 01 53 36 37 88 Impression PRINTCORP, 6, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris. N° ISSN 0753-3454 Création de la maquette, réalisation Polka Image.
                                                                                                émile     7      sommaire
LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
L’EXPERTISE
                                                            JURIDIQUE
                                                            DES ENJEUX
                                                            INDUSTRIELS
                                                            Un cabinet d’avocats qui intervient en France
                                                            et à l’international.
                                                            Plus de 20 ans d’expérience au service de groupes
                                                            industriels, de compagnies d’assurances et de
                                                            réassurance et de courtiers en assurance.

Ses 7 grands domaines d’expertises :
Maîtrise des risques industriels - Assurance et réassurance - Contentieux des affaires et des procédures
d’arbitrage - Droit pénal des affaires - Responsabilité civile - Droit public - Joint-ventures /
contrats commerciaux et de coopération internationaux.

43 rue Cambon - 75001 Paris - France
Switchboard : +33 1 86 95 15 90 - Fax : +33 1 86 95 37 60
contact@grenier-avocats.com - www.grenier-avocats.com
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14                              18                                           22                                   24
Enquête bioéthique : pour       Interview Jean Leonetti,                      En vue Médias et culture, les       Livres Le bonheur est-il
éviter le meilleur des mondes   science et politique                          Sciences Po en haut de l’affiche    devenu un business ?

                                        ENTRETIEN

              YANNICK JADOT
« EN 10 ANS, ON A PROGRESSÉ
MAIS, HÉLAS, LA CRISE ÉCOLOGIQUE
A AVANCÉ PLUS VITE. »
Tête de liste des écologistes
aux prochaines élections
européennes, Yannick Jadot
connaît déjà bien les rouages
de Bruxelles. L’ancien
directeur des campagnes de
Greenpeace y est élu depuis
2009. Véritable pourfendeur
des lobbies, il appelle les
hommes politiques à prendre
leurs responsabilités à bras-
le-corps pour offrir un futur
désirable et surtout viable.
Grand invité d’Émile, il nous
parle des quelques victoires
obtenues au Parlement
européen, des combats qui
l’animent et des enjeux qui
nous attendent.

                                        PROPOS RECUEILLIS PA R A NNE - SOPHIE BE A UVA IS ET M A ÏNA M A RJA NY
                                        PH OTOS AGL AÉ BO RY

                                                           actualités    9     entretien
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A CTUALITÉS ENTRETIEN

« Je me bats pour la transformation                                    Tel Aladin, vous possédez la lampe
                                                                       magique. Le génie qui en sort est prêt
de notre modèle, mais la crise                                         à réaliser deux de vos vœux en matière
                                                                       d’écologie. Quels seraient-ils ?

est telle que je savoure chaque victoire,                                   Le premier : que l’Europe par-
                                                                       vienne à sortir des énergies fossiles et du
                                                                       nucléaire. Le nucléaire, parce que nous
même à petite échelle. »                                               restons confinés dans un risque, auquel
                                                                       s’ajoute une faillite industrielle et finan-
                                                                       cière profonde de ce secteur ; et les éner-
                                                                       gies fossiles, à cause du climat. Les éner-
                                                                       gies renouvelables ont démontré qu’elles
                                                                       sont moins chères, davantage créatrices
                                                                       d’emploi et tournées vers l’aménagement
                                                                       du territoire. Et, dans le monde actuel,
                                                                       je pense qu’il vaut mieux dépendre du
                                                                       soleil, du vent et de la biomasse que de
                                                                       Vladimir Poutine, des pétromonarchies
                                                                       du Golfe ou encore d’Ali Bongo. Deu-
                                                                       xième vœu, sortir des pesticides. C’est
                                                                       devenu un enjeu majeur de santé, à la fois
                                                                       pour les agriculteurs et pour les consom-
                                                                       mateurs. Derrière la question des pesti-
                                                                       cides se pose celle de la souveraineté ali-
                                                                       mentaire.

                                                                       On parle souvent de ce qui reste à faire,
                                                                       mais si on devait dresser un bilan des
                                                                       10 dernières années, quelles avancées
                                                                       positives avez-vous constatées ?
                                                                            Il y a 10 ans, il y avait une conver-
                                                                       gence : d’abord le film d’Al Gore, Une
                                                                       vérité qui dérange, puis la création, en
                                                                       2006 de L’Alliance pour la planète [un
                                                                       regroupement d’ONG, associations et
                                                                       collectifs français liés à l’écologie dis-
                                                                       sout en 2012, NDLR] qui alertait les
                                                                       politiques sur l’importance de l’enjeu
                                                                       écologique. Puis, le Pacte écologique de

                          émile boutmy magazine   10   numéro 14 / automne 2018
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Nicolas Hulot, en 2007, et enfin le sommet      encourageant, c’est que le monde qui           Quand je me bats au Parlement européen
de Copenhague sur le climat, en 2009.           va bien existe déjà : des entreprises ont      contre la pêche électrique et qu’on par-
À cette occasion, les citoyens du monde         intégré l’enjeu climatique, des citoyens       vient à faire voter son interdiction dans
entier se sont pris par la main, les respon-    et des élus agissent, des collectivités se     les eaux européennes, je n’ai certes pas
sables politiques se sont engagés pour          sont emparées des innovations techno-          changé le modèle, mais c’est une première
sauver le climat. Puis cela s’est affaissé.     logiques, sociales et démocratiques…           victoire des pêcheurs-artisans contre la
Pourquoi ? Parce que lutter contre le           Ce qui est frustrant, c’est que les diri-      pêche industrielle.
dérèglement climatique, ce n’est pas            geants des pays sont en retard et laissent
simplement faire une grande déclaration         les solutions d’avenir en marge des poli-      On se rappelle l’appel lancé aux dirigeants
pendant le G8. À un moment donné, il            tiques publiques. Mon objectif est de          par 700 scientifiques français, en
faut être prêt à transformer nos modes de       mettre ces expérimentations au cœur            septembre dernier, en une du Monde,
production, nos habitudes et à se désin-        des politiques publiques.                      sous le titre « Il sera bientôt trop tard ».
toxiquer du pétrole.                                                                           Pourtant, ce n’est pas suivi d’effet. Une
                                                Mais est-ce possible de tendre vers une        forme d’indifférence s’est-elle installée ?
Concrètement, les bonnes intentions ne          société plus écologique sans changer                Je ne parlerais pas d’indifférence,
sont pas suivies d’actes ?                      l’ensemble de notre système économique         mais d’une forme de fatalité. Prenons
      Au niveau européen, en 2008, on a         libéral ?                                      l’exemple de la séquence française
quand même fait le paquet climat-éner-               Tout n’est pas lié au libéralisme. Dans   « Make our planet great again ». Emma-
gie. Tout un cadre de directives pour           notre pays, les subventions au modèle agri-    nuel Macron est élu, il récupère Nico-
réduire les consommations d’énergie dans        cole productiviste représentent 13 mil-        las Hulot, l’écologiste le plus populaire.
les logements, diminuer le CO2 des voi-         liards d’euros d’argent public par an. Le      On est dans la dynamique de l’accord de
tures ou encore développer les énergies         nucléaire, ce n’est pas non plus du libéra-    Paris, on a le sentiment que le climat est un
renouvelables afin d’engager l’Europe           lisme ; le premier grand accident, Tcher-      sujet essentiel, les dirigeants font de belles
vers une formidable transition écologique       nobyl, était une catastrophe nucléaire         tirades sur « notre avenir », « l’humanité
à l’horizon 2020. Mais, 10 ans après, lors-     dans un monde communiste, Fukushima            qui se joue »… Mais, la minute d’après,
qu’on a fait le paquet 2030, on a réduit de     était une catastrophe nucléaire dans un        ils passent à autre chose. Les engage-
moitié les efforts en matière de transition     monde ultralibéral. Ce sont donc des           ments du président de la République sur
énergétique, au moment où les énergies          choix de politiques publiques qui peuvent      le glyphosate, le broyage des poussins, la
renouvelables sont compétitives et où les       être changés.                                  transition énergétique ne sont pas res-
programmes de réduction des consomma-                Notre modèle de développement             pectés. Comment voulez-vous qu’on ne
tions sont performants. On est en train de      consomme deux fois plus que les res-           rentre pas dans un moment de profonde
basculer. Mais c’est aussi à ce moment-là       sources disponibles sur la planète ; bien      défiance envers la politique quand autant
que le vieux monde – les pesticides, le die-    évidemment qu’il est trop polluant. Ce         est promis et si peu est fait ?
sel, le pétrole – sort un arsenal considé-      modèle-là est, en effet, incompatible avec
rable de lobbies pour tout bloquer.             la sauvegarde à moyen et long terme de         Dans une récente interview, le sociologue
                                                nos conditions de vie. Je me bats donc         Bruno Latour conseillait de substituer la
Au final, on progresse ?                        pour la transformation de notre modèle,        notion de protection des territoires à celle
    On a progressé mais, hélas, la crise        mais la crise est telle que je savoure         d’écologie afin que les citoyens se sentent
écologique a avancé plus vite. Ce qui est       chaque victoire, même à petite échelle.        plus concernés. Pensez-vous que cette

                                                « Comment voulez-vous qu’on n’entre
                                                pas dans un moment de profonde
                                                défiance de la politique quand autant
                                                est promis et si peu est fait ? »

                                                    actualités   11   entretien
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échelle du « très local », près de chez soi,   partenance. Or, nous avons tous des             implique plus de paysans sur tout notre
puisse mobiliser davantage ?                   besoins d’appartenance : à une commu-           territoire, avec des circuits raccourcis. À
     Cela fait des années que je pense         nauté d’amis, à un territoire, à une com-       chaque fois que l’on fait ça, on redonne du
ainsi. Dans la mondialisation actuelle,        munauté professionnelle. La société             pouvoir aux citoyens. Ils deviennent des
un certain nombre de nos concitoyens           ouverte doit atterrir, elle doit remettre       acteurs de leur vie à l’échelle locale. De
ont perdu leurs repères et ne savent           les pieds dans la terre.                        plus, quand on a des emplois et de l’acti-
plus vraiment qui décide. En plus, on               Pourquoi cela s’intègre-t-il dans le       vité économique à l’échelle locale, on a
leur explique que leur attachement à           programme écolo ? Parce que la transi-          des services publics, de la culture et de la
leur territoire n’a plus de sens, que c’est    tion énergétique doit se faire à partir des     démocratie.
réactionnaire. Pendant longtemps, on a         territoires. La rénovation de nos loge-
expliqué que la société ouverte était, au      ments est faite par des artisans locaux.        Des emplois et de l’activité économique
fond, une société qui n’avait plus d’ap-       Avec l’agriculture non industrielle, on         à l’échelle locale, le Rassemblement

                                         « La transition énergétique doit se faire à partir
                                         des territoires… À chaque fois que l’on fait ça,
                                         on redonne du pouvoir aux citoyens. Ils deviennent
                                         des acteurs de leur vie à l’échelle locale. »

                                                  émile boutmy magazine   12   numéro 14 / automne 2018
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                                                 « L’Europe est l’échelon politique
                                                 qui permet de résister à Donald Trump
                                                 et à Vladimir Poutine,
                                                 deux climato-sceptiques. »

national ne dit pas autre chose…                 la PAC, qui est en train d’être réformée.       Donc, être écologiste, c’est par exemple
     Cette vision des territoires où les         On peut faire en sorte que les neuf mil-        adopter un discours favorable à
citoyens deviennent les acteurs du chan-         liards d’aide soient consacrés à la sor-        l’immigration ?
gement est précisément une alternative           tie des pesticides. Pas besoin de changer            Le projet écologiste est, en effet,
à la vision des territoires « carte postale      les traités, il suffit de décider à l’échelle   aussi un projet de fraternité. Les dis-
sépia » du Rassemblement national, qui           européenne que la PAC va devenir une            cours que j’entends à droite aujourd’hui,
nous explique que l’âge d’or, c’était avant,     politique alimentaire durable, avec une         et même au sein de ce gouvernement, sur
quand les pères dirigeaient la famille, les      agriculture qui soit respectueuse de l’en-      la subversion migratoire, j’y trouve beau-
femmes n’avaient rien à dire, les homo-          vironnement et de notre santé.                  coup de perversité politique.
sexuels se planquaient et les immigrés
– au mieux – courbaient l’échine.                Vous êtes actuellement 52 écologistes sur       Interviewé par le magazine We Demain
                                                 750 députés au Parlement européen. Ne           juste avant sa démission, Nicolas
Et cette échelle très locale peut-elle être      vous sentez-vous pas isolés ? Les lobbies       Hulot expliquait que 2040 serait un
compatible avec l’échelle européenne ?           sont-ils encore plus offensifs qu’au            moment de vérité pour notre avenir :
     Oui, à condition que l’Europe               niveau national ?                               soit l’effondrement aura eu lieu, soit
incarne un vrai projet de civilisation.               Sur nos sujets, on parle beaucoup          nous aurons basculé du bon côté, avec
Nous avons besoin de l’Europe car c’est          des lobbies parce qu’une bonne partie           un système écologique durable. Qu’en
l’échelon politique qui permet de résister       des décisions sur les questions de santé        pensez-vous ?
à Donald Trump et à Vladimir Poutine,            et d’environnement sont européennes.                  Dans une trentaine d’années, il fau-
deux climato-sceptiques, mais qui permet         Évidemment, ils se constituent là où ils        dra nécessairement que nous soyons sor-
également l’innovation technologique, la         peuvent peser. Mais à la fin, c’est au légis-   tis du carbone et du nucléaire. Mais, pour
recherche, la politique industrielle et la       lateur de prendre la décision. Le Parle-        cela, il faut agir maintenant. Il faut du
politique d’investissement dans les terri-       ment européen a tout de même voté pour          courage politique, dès aujourd’hui, face
toires, qui deviennent alors des lieux de        la sortie du glyphosate ou encore l’inter-      aux lobbies pour enclencher les change-
reconquête démocratique.                         diction de l’huile de palme. Cette décision     ments qui seront visibles en 2040. Je vois
                                                 sur l’huile de palme a d’ailleurs été com-      Emmanuel Macron ne jurer que par l’ac-
On a pourtant tendance à opposer les             battue par la France pour les intérêts de       cord de Paris, mais ça ne veut rien dire
deux échelons.                                   Total. Si certaines mesures passent, c’est      s’il n’y a pas d’action concrète derrière.
     Parce que ceux qui dirigent l’Union         parce que nous réussissons à construire         La force de cet accord est la convergence
européenne depuis des années sont ce             des majorités au Parlement européen.            de la politique et de la science, avec l’ob-
que j’appelle des euro-fainéants, des euro-                                                      jectif de ne pas dépasser deux degrés de
lâches, qui sont les premiers fossoyeurs         Pourquoi, selon vous, le parti écologiste       réchauffement. Son immense faiblesse
de l’Europe. Les institutions européennes        se retrouve-t-il à gauche sur l’échiquier       est qu’il s’agit d’une déclaration non
sont devenues détestables car leurs diri-        politique ?                                     contraignante.
geants n’ont pas fait le pilier social, n’ont         J’estime que l’écologie se situe tout
pas fait le pilier fiscal et démontent           à fait en dehors du clivage gauche-droite       Parvenez-vous tout de même à rester
aujourd’hui un pilier environnemen-              classique, hérité de la révolution de 1789      optimiste ?
tal que tout le monde nous enviait il y a        et de la révolution industrielle. L’écolo-           Mais oui ! Sinon, je ne me battrais pas
10 ans. Je pense, contrairement à Jean-Luc       gie projette un nouveau clivage entre pro-      tous les jours. Et comme je le disais, le
Mélenchon, qu’on peut changer l’Europe           ductivisme et respect de l’environnement,       monde qui va bien existe déjà, à la marge ;
à traités constants. Prenons l’exemple de        entre société ouverte et fermée.                il faut juste qu’il devienne majoritaire. l

                                                     actualités   13   entretien
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                                                                        Bioéthique :
pour éviter le meilleur des mondes
                   PILULES, IMPLANTS DANS LE CERVEAU, MAIS AUSSI TECHNOLOGIES DE CORRECTION DU GÉNOME…
                   DEPUIS DES ANNÉES, AMÉLIORER LES CAPACITÉS HUMAINES N’EST PLUS UN FANTASME. CES PROGRÈS
                   SCIENTIFIQUES SE DOUBLENT D’INTERROGATIONS SUR L’AVENIR QUE NOUS SOUHAITONS. LES ÉTATS GÉNÉRAUX
                   DE LA BIOÉTHIQUE SE SONT DÉROULÉS DE JANVIER À JUIN 2018, AFIN DE PRÉPARER LA RÉVISION DE
                   LA LOI DE BIOÉTHIQUE PRÉVUE DÉBUT 2019. GPA, PMA, FIN DE VIE… QUELLES QUESTIONS ONT FOCALISÉ
                   L’ATTENTION DES PARTICIPANTS À CETTE GRANDE CONSULTATION CITOYENNE ? COMMENT CONCILIER ÉTHIQUE
                   ET SCIENCE ? QUELS SONT LES ENJEUX DE LA RÉVISION DE CETTE LOI ? ENQUÊTE.
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                                                                                                 © Emmanuel Doumic
                                                © Mike Tango
  © D.R.

                   Alain Milon, président                      Gérard Longuet,                                       Jean-François Delfraissy,
                   de la commission des                        président de l’OPECST                                 président du CCNE
                   affaires sociales du Sénat
                   et ex-rapporteur de la loi
                   de bioéthique de 2011

                                                                  émile boutmy magazine   14   numéro 14 / automne 2018
A CTUALITÉS ENQUÊTE

                                                                          “Les États généraux ont vu
                                                                          émerger la parole citoyenne au
                                                                          sein du débat scientifique, « un
                                                                          moment important de démocratie
                                                                          sanitaire » a jugé le CCNE.”

   PAR TÂM T RAN HUY (PROMO 0 6 )

     e terme « bioéthique » est né dans         sion de cette loi, qui doit avoir lieu tous      scientifiques pour avoir un avis pertinent,
les années 1970 et regroupe les ques-           les sept ans.                                    et sur lesquels il y a eu peu de mobilisa-
tions morales posées par les avancées                                                            tion.
technologiques ou scientifiques et l’im-        MORALE ET AVANCÉES                                    D’autant plus que les médias, à l’ex-
pact qu’elles peuvent avoir sur l’humain.                                                        ception de La Croix, se sont très peu fait
En pratique, elles relèvent de la biologie,     SCIENTIFIQUES                                    l’écho de cette consultation. « On n’a pas
de la médecine et des sciences de la vie.            En janvier 2018, le Comité consulta-        assez parlé de l’intelligence artificielle, il
Selon le professeur Ameisen, ex-président       tif national d’éthique (CCNE) a ouvert           n’y a pas eu grand-chose sur les nanotech-
du Comité consultatif national d’éthique        la consultation citoyenne sur une ques-          nologies », déplore Alain Milon, président
(CCNE), la bioéthique va même bien              tion vaste et apparemment simple : « Quel        de la commission des affaires sociales du
au-delà : « Pour ne pas être déconnectée        monde voulons-nous pour demain ? »               Sénat et ex-rapporteur de la loi de bioé-
de la réalité, la bioéthique doit prendre       L’objectif est de « distinguer ce qui, à par-    thique de 2011. Et d’ajouter : « Les sujets
en compte des domaines extérieurs à son         tir du possible, relève du souhaitable ».        de société ont débordé les sujets d’éthique
champ, comme l’équité devant l’accès aux        L’enjeu : mettre en place des barrières          médicale. » Même constatation pour le
innovations médicales, la sphère écono-         pour que le progrès ne transforme pas les        Professeur Jean-François Delfraissy,
mique ou encore le handicap et le vieillis-     scientifiques en apprentis sorciers. Cette       président du CCNE : « La fin de vie et la
sement. » Bref, la bioéthique nous invite       consultation citoyenne a pour but de dres-       problématique de la procréation sont deux
à une réflexion qui porte sur les sciences,     ser un bilan de la mise en application de        sujets sociétaux qui ne relèvent pas véri-
mais qui excède largement le champ              la loi précédente. Ces États généraux ont        tablement de la bioéthique ». Paradoxale-
scientifique.                                   vu émerger la parole citoyenne au sein du        ment, ce sont ces problématiques, qui ne
     Par exemple, les progrès de la méde-       débat scientifique, « un moment important        sont pas liées à des avancées scientifiques
cine génomique ont bouleversé les dia-          de démocratie sanitaire » a jugé le CCNE,        récentes, qui ont concentré la majorité des
gnostics sur le fœtus ou l’embryon. Vou-        lui-même organisateur.                           contributions.
lons-nous des enfants génétiquement                  Pour la consultation citoyenne de
modifiés avant même leur naissance ?            2018, sept thèmes ont été retenus : la           PMA, GPA, FIN DE VIE…
Où commence l’eugénisme ? Vouloir un            recherche sur l’embryon humain et les
enfant en aussi bonne santé que possible        cellules souches embryonnaires, les exa-              Sur Internet, 69 % des 65 000 contri-
en fait-il partie ? Voilà un échantillon des    mens génétiques et la médecine géno-             butions citoyennes ont porté sur ces thé-
interrogations en cascades soulevées par        mique, les dons et transplantations d’or-        matiques. L’ouverture de la procréa-
certains participants aux États généraux        ganes, les neurosciences, les données de         tion médicalement assistée (PMA) aux
de la bioéthique du début 2018. Cette           santé, l’intelligence artificielle et la robo-   couples de femmes et aux femmes seules,
consultation citoyenne, mise en place par       tisation, la santé et l’environnement.           ainsi que la gestation pour autrui, a foca-
la loi relative à la bioéthique de 2011, est    Autant de sujets complexes, nécessitant          lisé l’attention politique, médiatique et
un préalable obligatoire avant toute révi-      la maîtrise de nombreuses connaissances          sociétale. Le débat a-t-il été confisqué par

                                                    actualités   15   enquête
A CTUALITÉS ENQUÊTE

                              certaines officines de La Manif pour tous,            avec une consultation qui a majoritaire-               aux couples de femmes et aux femmes
                              cinq ans après l’adoption de la loi Tau-              ment porté sur des thèmes qui ne relèvent              seules), la GPA (pour son interdiction) et
                              bira sur le mariage homosexuel ? Gérard               pas directement de la bioéthique ? « C’est             sur la fin de vie (pour une meilleure appli-
                              Longuet, président de l’OPECST1, le nie :             une prise de température, l’expression du              cation de la loi Claeys-Leonetti).
                              « Il n’y a pas eu d’accaparement du débat             bon sens populaire » selon Gérard Lon-                      Les contributions font aussi appa-
                              ni par une profession ni par un courant               guet. Le sénateur souligne par ailleurs la             raître un décalage, voire une méfiance
                              d’idées ». Une autre spécialiste du dossier           pertinence de certaines intuitions : « Assez           de l’opinion vis-à-vis de la communauté
                              estime aussi qu’il y a eu moins de préemp-            spontanément, les gens ont soulevé le lièvre           scientifique. Une situation que Gérard
                              tion du débat qu’on le pense : « Simple-              de l’eugénisme, avec, désormais, la possi-             Longuet explique par un « climat géné-
                              ment, ce sont les archi-pour et les archi-            bilité de choisir comment sera son enfant              ral de remise en cause des connaissances :
                              contre qui se sont le plus exprimés ; il n’y          grâce à la science. »                                  on est épris de doute ». Il prend l’exemple
                              a pas eu beaucoup d’avis modérés. » La                                                                       de Pasteur, « un saint en son temps ; pour-
                              consultation citoyenne, tiraillée entre                                                                      tant, aujourd’hui, nombreux sont ceux
                              deux extrêmes, a montré une absence de                UNE « DÉFIANC E»                                       qui remettent en cause la vaccination. »
                              consensus en France sur ce sujet.                     ENVERS LA SCIENCE                                      Sa conclusion : « Nous sommes dans une
                                    La fin de vie a, quant à elle, concen-                                                                 société de plus en plus scientifique, mais
                              tré un quart des contributions. Ces der-                   Le processus de révision de la loi rela-          dont la science est de plus en plus contes-
                              nières ont porté sur l’aide active à mou-             tive à la bioéthique, qui consulte pour la             tée ». Le contexte actuel est pour le moins
                              rir ou encore l’état des soins palliatifs en          première fois les citoyens, se heurte aux              paradoxal : les attentes à l’égard de la
                              France… Là encore, rien à voir avec la                difficultés que pose ce type de textes.                science sont aussi fortes que la défiance
                              bioéthique. « Ce n’est pas un sujet d’éthique         D’ailleurs, les étapes de la révision sont             s’accroît. Pour Alain Milon, cette affirma-
                              médicale », explique Alain Milon. « Depuis            distinctes : en premier, la consultation des           tion est à nuancer : « Les gens sont plus
                              la nuit des temps, on sait tuer… C’est un             Français (début 2018), qui fait l’objet d’un           méfiants à l’égard des laboratoires qu’à
                              problème de morale sociétale. » Chaque                rapport de synthèse du CCNE, et dans un                l’égard des chercheurs. La confiance est
                              fois que le législateur s’est penché sur ce           second temps, l’avis du CCNE, composé                  toujours là, dès lors que le chercheur n’a
                              sujet, il l’a fait par des lois bien séparées,        de médecins, chercheurs et philosophes.                pas de lien financier avec la mise en appli-
                              la dernière en date étant la loi Claeys-Leo-          Les experts insistent sur la parfaite étan-            cation de sa recherche. »
                              netti (2016), qui instaure un droit à la              chéité des deux étapes. Néanmoins, le                       Alain Milon distingue plusieurs
                              « sédation profonde et continue » pour les            CCNE a bel et bien été influencé par la                sujets majeurs pour la prochaine révi-
                              malades en phase terminale.                           consultation citoyenne : pour preuve, son              sion. Une priorité pour lui : permettre aux
                                    Dès lors, comment analyser ces pre-             avis, rendu fin septembre, s’est prononcé              chercheurs français d’avoir plus facile-
                              miers États généraux de la bioéthique,                sur la PMA (en faveur de son ouverture                 ment accès aux cellules souches embryon-

                              1. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a pour mission d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique
                              et technologique afin d’éclairer ses décisions. Il a été le premier destinataire du rapport de synthèse du CCNE résumant les États généraux de la bioéthique.

                                           POURQUOI FACILITER L’ACCÈS
                                           AUX CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES ?
                                                 Issues de l’embryon à un stade très précoce de son développe-               essais cliniques. Depuis, il y en a eu 23 ou 24 dans le monde, dont un en
                                           ment, les cellules souches embryonnaires sont dotées de deux capa-                France. Mais la donne a changé très récemment. Au mois de mars 2018, des
                                           cités : celle de se multiplier à l’infini, par simple division, et celle de       collègues anglais ont fait des transplantations sur des patients qui avaient
                                           donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme. Ces pro-            perdu la vue et ces personnes, qui ne voyaient plus rien, se sont mises à
                                           priétés ouvrent de nombreuses perspectives pour les greffes, l’étude              voir. Ça ne veut pas dire que l’on sait guérir parfaitement, mais on est sur
                                                                    des maladies génétiques ou encore pour tester            la bonne voie : c’est un changement majeur et il faut pouvoir poursuivre.
                                                                    la toxicologie des médicaments. L’isolation de                 Le problème, aujourd’hui, en France, c’est que la loi de bioéthique
                                                                    ces cellules pose néanmoins un questionne-               n’encadre que la recherche sur les cellules souches (et de façon forte)
                                                                    ment éthique, sur les droits d’un embryon à ce           et qu’elle ne parle pas de leur usage thérapeutique. Elle n’est donc
                                                                    stade très peu avancé.                                   pas adaptée à ce changement historique. Par ailleurs, avec la Société
                                                                          Spécialiste des maladies génétiques et             d’études des cellules souches (FSSCR), nous demandons à faire sor-
                                                                    des thérapies cellulaires, Marc Peschanski               tir les cellules souches embryonnaires de la loi de bioéthique pour les
© Inserm/Patrick Delapierre

                                                                    s’est rendu célèbre pour son travail sur les             faire rentrer dans un format d’autorisation par règlement. Ces cellules
                                                                    cellules souches embryonnaires. Il explique              souches seraient un produit biologique médical intégré à un cadre rè-
                                                                    ce qu’il attend de la prochaine loi : « Lors de la       glementaire (moins lourd), tandis que le travail sur l’embryon resterait,
                                                                    dernière révision de 2011, nous commencions les          lui, dans le cadre de la loi de bioéthique. » l

                                                                                        émile boutmy magazine      16   numéro 14 / automne 2018
A CTUALITÉS ENQUÊTE

“Le modèle de
bioéthique français
repose sur un
certain nombre de
principes moraux,
rappelle le Conseil
d’État.”

                                                                                                                                                     © Shutterstock
      naires (cf. encadré). « Ces cellules sont      considérations face aux avancées scienti-        tion aux modèles d’autres pays.
      pluripotentes. Le potentiel de recherche       fiques. Ainsi, les progrès de la génétique            Début 2013, la Chine a lancé un pro-
      est immense. » Le parlementaire met en         laissent espérer des guérisons extraordi-        gramme de séquençage de l’ADN des sur-
      cause des « lobbies religieux, toutes reli-    naires en remplaçant un gène muté par            doués. L’objectif à terme : permettre aux
      gions confondues », qui ont déjà empêché,      un gène sain. Si réparer l’homme touche          couples qui ont besoin de la fécondation
      en 2011, de modifier la loi sur ce point.      à la mission fondamentale de la méde-            in vitro d’avoir recours aux embryons
      La réflexion sociétale a-t-elle évolué en      cine, ces mêmes technologies peuvent             les plus intelligents, pour améliorer le
      sept ans ? « Certainement, mais reste à voir   aussi permettre de constituer des « bébés        niveau général de QI de la population.
      si le politique, et notamment le nouveau       à la carte ». Impensable en France pour          Il y a cinq ans, la presse internationale
      monde, le permettront. » Parmi les autres      des raisons éthiques. Aux États-Unis, le         s’est fait l’écho de ces travaux. Ce pro-
      priorités du parlementaire : la levée de       brevet est déjà déposé.                          gramme du Beijing Genomics Institute
      l’anonymat dans le don de gamètes, afin             Le modèle de bioéthique français            (BGI) n’a suscité aucun débat éthique en
      qu’un enfant issu d’un donneur puisse          repose sur un certain nombre de principes,       Chine, mais a provoqué de très vives réac-
      remonter à lui si ce dernier est d’accord      rappelle le Conseil d’État dans un rapport       tions des médias étrangers. Depuis, le BGI
      (aujourd’hui, la loi l’interdit).              rendu à l’été 2018 : « La place prééminente      poursuit ses recherches, mais dans la plus
                                                     du principe de dignité qui se traduit par une    grande discrétion.
      LA BIOÉTHIQUE, UNE                             protection particulière du corps humain,              Encore plus puissants que les États,
                                                     la prise en compte du principe de liberté        les GAFA s’intéressent aussi aux progrès
      SPÉCIALITÉ FRANÇAISE                           individuelle qui s’exprime à travers l’obli-     de la génétique. La santé est un nouveau
           Malgré tout, la France reste en pointe    gation de consentement, le droit au respect      cheval de bataille pour la Silicon Valley ;
      en matière de législation bioéthique. Selon    de la vie privée, l’autonomie du patient, et     à coups d’investissements de centaines de
      Alain Milon, l’explication réside dans la      l’importance accordée au principe de soli-       millions de dollars, « informatique » rime
      formation des chercheurs, qui sont en          darité, avec une certaine conception du don      désormais avec « génétique ». Bref, sans les
      même temps des citoyens préoccupés             altruiste... ». Ces principes intangibles sont   garde-fous de la bioéthique, on imagine les
      par toutes ces questions morales. L’ins-       aujourd’hui confrontés à trois évolutions :      dérives que pourrait nous réserver l’ave-
      truction va de pair avec l’éducation dans      les avancées scientifiques, les aspirations      nir, dignes du Meilleur des mondes cau-
      l’école française. Mais de nombreux pays       sociales qui réclament l’assouplissement         chemardé par Aldous Huxley. Ne dit-on
      ne s’embarrassent pas de ce genre de           de certaines règles, et enfin la confronta-      pas que le mieux est l’ennemi du bien ? l

                                                         actualités   17   enquête
A CTUALITÉS ENTRETIEN

    Jean Leonetti
« En matière de bioéthique,
ce n’est pas l’appartenance à une
famille politique qui détermine
notre vision des choses. »
     LE 25 SEPTEMBRE DERNIER, LE COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ÉTHIQUE (CCNE) A PUBLIÉ SON AVIS
     SUR LA RÉVISION DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE, SE DÉCLARANT EN FAVEUR DE LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE
     (PMA) POUR TOUTES LES FEMMES ET DES RECHERCHES SUR L’EMBRYON. IL RÉCLAME ÉGALEMENT LE
     DÉVELOPPEMENT DES SOINS PALLIATIFS. LE PROJET DE RÉVISION PAR LE GOUVERNEMENT DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE
     EST, QUANT À LUI, ATTENDU FIN NOVEMBRE. UNE LOI QUE JEAN LEONETTI CONNAÎT BIEN. LE VICE-PRÉSIDENT
     DES RÉPUBLICAINS EN A ÉTÉ LE RAPPORTEUR LORS DE SA PREMIÈRE RÉVISION, EN 2011. IL LIVRE À ÉMILE SON REGARD
     SUR LES ÉVOLUTIONS DE LA BIOÉTHIQUE ET LES DÉBATS QUE CELA SOULÈVE DANS LA SOCIÉTÉ.
     P RO P OS RECUEILLIS PAR ANNE-SO P HIE B EAUVAIS, M A ÏNA M A RJA NY ET VIC TORIA DAVID

                                      émile boutmy magazine      18    numéro 14 / automne 2018
© Jean-Christophe Marmara / Figarophoto
La loi de bioéthique s’apprête à être          la réalité. L’infarctus du myocarde est,     Mais, au fond, aujourd’hui, la demande
révisée pour la deuxième fois. Pourquoi        par exemple, moins déclenché par des         de mort vient du triomphe de la méde-
est-il nécessaire de réexaminer ce texte       facteurs génétiques que par des facteurs     cine, capable de prolonger la vie, sans tou-
tous les cinq ans ?                            environnementaux.                            jours le faire dans de bonnes conditions.
     La bioéthique doit être la source d’un         L’autre remise en cause de la bioé-     De nouvelles questions se posent et nous
débat régulier, car elle est constamment       thique vient de la société. C’est le cas     ramènent à notre relation avec la vie et la
remise en cause. D’abord parce que les         de l’euthanasie. On sait donner la           mort, qui est différente de celle du siècle
découvertes techniques nous poussent           mort depuis longtemps, mais se pose          dernier. Est-ce que je dois arrêter l’achar-
à nous poser la question de ce qu’il est       aujourd’hui la question d’un droit, d’une    nement thérapeutique ? À quoi me sert
souhaitable de faire, là où avant, nous        créance que je peux réclamer à la société.   de m’être battu pour la vie si c’est une
nous demandions ce qu’il était possible                                                     vie purement biologique et végétative ?
de faire. Pour la première fois, tout ce qui   La fin de vie s’inscrit-elle dans les lois   Il y a 30 ans, des situations comme celles
est scientifiquement ou techniquement          bioéthiques ?                                de Vincent Humbert ou Vincent Lambert
possible n’est pas humainement souhai-             C’est un sujet éthique, pas réellement   n’existaient pas. Aujourd’hui, nous pou-
table. Aujourd’hui, on peut connaître          bioéthique, puisqu’il n’y a pas eu d’avan-   vons faire vivre des gens inconscients pen-
son génome, sa carte génétique, et donc        cée majeure de la science qui provoque       dant des années.
connaître ses chances de développer un         une remise en question de la fin de vie.
cancer du sein ou de la prostate. Est-ce                                                    Vous évoquez souvent un conflit de
dans mon intérêt de le savoir ? À titre                                                     valeurs pour parler de la bioéthique…
individuel, peut-être, mais pas forcé-                                                           J’aime bien l’envisager sous l’angle
ment à titre collectif : il se peut qu’une     « Pour la première                           d’un conflit de valeurs, car il permet
assurance privée finisse par multiplier
les montants de ses cotisations en fonc-
                                               fois, tout ce qui est                        d’éviter de mettre les gentils d’un côté et
                                                                                            les méchants de l’autre, les progressistes
tion du risque de développer telle ou telle
pathologie… Pire, ces nouvelles informa-
                                               scientifiquement                             face aux moralisateurs. Nous devons sans
                                                                                            cesse arbitrer entre deux valeurs, entre
tions pourraient fausser notre vision de       ou techniquement                             l’éthique d’autonomie et celle de vulné

                                               possible n’est
                                               pas humainement
                                               souhaitable. »

                                                   actualités   19   entretien
A CTUALITÉS ENTRETIEN

                                                 « Essayons
                                                 de légiférer
                                                 sur les droits
rabilité. L’éthique d’autonomie, c’est le                                                          jamais été votées bloc contre bloc, et heu-
fait qu’un individu dise « je », le fait qu’il   fondamentaux et                                   reusement.
dise « c’est mon corps, c’est mon choix, c’est
ma vie ». L’éthique de vulnérabilité, elle,      d’écrire des lois                                 Vous évoquiez le fait que 80 à 90 % de
dit : « Nous te protégeons malgré toi.» C’est,
par exemple, le Samu social devant un
                                                 souples permettant                                personnes sont contre la PMA et la GPA,
                                                                                                   selon les résultats de la consultation
sans-abri qui refuse qu’on lui vienne en
aide : doit-il le laisser dans le froid, alors
                                                 aux hommes qui                                    citoyenne. C’est une opinion que vous
                                                                                                   partagez ?
qu’il risque de mourir, ou l’emmener de          les appliquent de                                      Effectivement, je suis contre. La
force ?                                                                                            médecine s’adresse aux vulnérables ; elle
                                                 les interpréter                                   sert à soigner les malades, pas à répondre
Les États généraux de la bioéthique                                                                à tous les désirs. La maladie est impo-
se sont terminés en juin dernier. En             humainement. »                                    sée, le désir est infini, et la médecine ne
2009, vous aviez piloté une première                                                               pourra jamais combler tous nos désirs.
consultation publique en vue de la               taine de députés que comptait la mission.         Ensuite, il s’agit de faire naître un enfant
révision des lois de bioéthique de 2011.         Nous avions tous, au départ, des opinions,        sans père. Il y a bien sûr des enfants qui
Quel bilan tirez-vous de ces exercices en        presque des certitudes, différentes. Au fil       vivent sans père, mais ils savent qu’ils en
prise avec les citoyens ?                        du débat, ces certitudes individuelles se         ont un. Certes, des enfants nés de PMA
      Ce sont des expériences modéra-            sont effritées au profit d’un doute col-          peuvent trouver un repère masculin ail-
trices, qui montrent l’utilité d’établir un      lectif. Chacun s’est remis en question, a         leurs dans la famille. Toujours est-il qu’ils
triangle décisionnel entre le politique, les     dépassé sa vision personnelle, pour nous          partent avec ce handicap.
experts et le peuple. Car les gens parlent       permettre de trouver les bonnes solutions.             Et puis, il y a l’effet domino. Depuis
de ces sujets naturellement, cela touche         À la fin, l’opposition a accepté non seu-         l’adoption du Pacs, les gouvernements
à leur intimité. Les interroger, c’est aussi     lement que nous écrivions une loi plu-            ont systématiquement promis qu’ils
un moyen de confronter les experts aux           tôt qu’un rapport, mais elle m’a expliqué         n’iraient pas plus loin. Finalement, il y a
interrogations de la population afin de          qu’elle souhaitait la cosigner. Je crois          eu le mariage, la filiation, et maintenant la
faire avancer le débat. J’ai aussi beau-         que si toutes les lois étaient faites sur ce      procréation médicalement assistée pour
coup appris des missions d’information           modèle, nous cesserions d’avancer sans            toutes, qui constitue la porte ouverte à la
que nous avions organisées pour les par-         réfléchir, et il n’y aurait plus de lois intem-   GPA, car ces réformes sont adoptées au
lementaires. La Chaîne Parlementaire             pestives détruites immédiatement après            nom du principe d’égalité. Pourquoi un
avait même diffusé ces auditions, notam-         par l’opposition devenue majoritaire.             couple de femmes n’aurait-il pas le même
ment celles d’Axel Kahn sur la vulnérabi-                                                          « droit à un enfant » qu’un couple hété-
lité ou encore celle du philosophe André         Ces lois bioéthiques ne reposent donc pas         rosexuel ? Pourquoi, alors, deux hommes
Comte-Sponville sur le droit à la mort,          sur un clivage droite-gauche ?                    n’auraient pas le même droit que deux
qui avaient fait des scores d’audience très           Absolument pas. En matière de                femmes ? Nous entrons à ce moment-là
élevés, preuve que ces sujets intéressent        bioéthique, le clivage est très différent         dans la GPA, qui pose davantage de pro-
les citoyens. Cette année, j’ai l’impression     des clivages traditionnels, car nos certi-        blèmes.
que cela a été fait quelque peu a minima,        tudes sont personnelles. Notre vision de               Enfin, dernier point, les enfants issus
peut-être trop rapidement. C’est une             la mort est liée à notre éducation, mais          de PMA ont tendance à chercher le don-
consultation qui nécessite beaucoup de           surtout à la mort intime, à celle de per-         neur de sperme. Cela va à l’encontre de
temps. Nous avions mis un an et demi à           sonnes que nous avons aimées. Soit cette          mes convictions. Je crois que nous sommes
l’organiser.                                     épreuve s’est relativement « bien passée »,       des produits de l’amour et du savoir qui
                                                 et on pense alors qu’il ne faut rien faire        nous sont transmis, pas des produits géné-
Ce processus de consultation a-t-il              de plus ; soit on a accompagné jusqu’au           tiques. Nos parents, notre famille, nos
bousculé votre vision sur certains sujets ?      bout un parent qui a beaucoup souffert,           amis nous construisent, nous tirons notre
     En tant que médecin, je croyais             et on estime alors qu’il aurait mieux valu        humanité de l’autre. En France, l’éducatif
connaître la mort. Je me suis finalement         qu’il meure avant. Ce n’est pas la famille        prime sur le biologique. Or, la recherche
rendu compte que je ne connaissais que la        politique qui détermine notre vision              du donneur va entraîner la fin du don
mort médicale, car le soignant a ce déta-        des choses. Les lois bioéthiques ont été          anonyme et gratuit. Au Danemark, il est
chement qui lui permet de survivre. C’est        votées chapitre par chapitre, tantôt avec         possible d’acheter du sperme en choisis-
la première mission sur la fin de vie, en        une majorité de droite et une minorité de         sant les caractéristiques du donneur, en
2005, qui m’a bousculé, comme la tren-           gauche, tantôt avec l’inverse. Elles n’ont        disant : « Je veux que mon enfant soit bril-

                                                    émile boutmy magazine    20   numéro 14 / automne 2018
A CTUALITÉS ENTRETIEN

lant comme Mozart, Nadal, Mbappé, etc. »         principe fondateur de la laïcité. Par ail-      L’évolution récente de la droite et du
C’est une erreur qui se transforme en uto-       leurs, plus un homme politique a de res-        centre ne vous rend-elle pas malheureux ?
pie décevante. Il ne deviendra pas Nadal         ponsabilités, moins il doit livrer ses états          Dans la vie, ce qui est passionnant, ce
parce que le donneur de sperme est un            d’âme. Un ministre parle au nom de la           sont les débuts. Quand nous avons créé
joueur de tennis classé.                         France, au nom d’un gouvernement, pas           l’UMP, il y avait des centristes, des libé-
                                                 en son nom personnel. La parole doit être       raux, des gaullistes. En échangeant, nous
La bioéthique est un domaine où les              haute et rare. Elle doit l’être d’autant plus   nous rendions compte que nous nous
lobbies sont puissants, et les débats            qu’aujourd’hui, les phrases sont décorti-       retrouvions sur de nombreux sujets. Les
houleux. Pensez-vous avoir été                   quées, redites, coupées. Dans l’informa-        gaullistes étaient moins anti-européens,
influencé ?                                      tion moderne, il faut dire le minimum de        conquis à la décentralisation, les cen-
     J’ai été accusé sur les réseaux sociaux     choses en touchant le maximum de gens.          tristes avaient compris les enjeux majeurs
d’être à la fois un tueur en série et un tor-    La bioéthique est un sujet complexe qui         que représentaient l’autorité de l’État
tionnaire de vieillards agonisants. Il y a       ne s’inscrit absolument pas dans ce cadre.      et la sécurité. Il y avait donc une vraie
toujours des oppositions et des lobbies.                                                         convergence qui rendait ce moment pas-
Mais nous faisons la loi pour tous, et non       Vous êtes médecin de campagne de                sionnant.
pas pour chacun. Plus nous entrons dans          profession. Sur les bancs de l’Assemblée,             Puis le système a généré autre chose.
le détail, plus les situations individuelles     votre profil semble peu à peu disparaître       Je crois que l’union se fait dans la diver-
apparaissent. La fin de vie d’un homme de        au profit de celui du jeune entrepreneur…       sité, c’est d’ailleurs la devise de l’Europe.
90 ans atteint d’un cancer avec métastases            L’élection d’Emmanuel Macron et            Laurent Wauquiez sait très bien que je ne
ne se pose pas dans les mêmes termes que         les législatives qui ont suivi ont été un       suis pas toujours sur la même ligne que
celle d’un enfant que l’on ne réanime            séisme pour l’organisation politique en         lui, que je n’utilise pas les mêmes mots. Ne
pas, car il est atteint d’une grave malfor-      France. Pour autant, dans ma généra-            peut-on pas être complémentaires, élargir
mation. Pourtant, la loi est universelle.        tion, il y a certes des personnes tombées       le spectre ? Ce matin, on m’a dit : « Dans le
Essayons donc de légiférer sur les droits        dans la politique très jeunes, mais il y en a   temps, on pensait tous pareil. » Lorsqu’il y
fondamentaux, plutôt que de répondre à           aussi qui se sont engagées beaucoup plus        avait Charles Pasqua et Simone Veil côte
chaque cas particulier, car nous n’y arri-       tard. Les deux cas de figure ont toujours       à côte, était-ce tout pareil ? Vous imagi-
verons pas. Il est cependant nécessaire          existé. J’ai commencé à œuvrer locale-          nez Simone Veil prononcer les phrases
d’écrire des lois souples permettant aux         ment en politique à l’âge de 45 ans. J’ai       de Charles Pasqua et inversement ? Nous
hommes qui les appliquent de les inter-          été médecin des hôpitaux, chef de service       acceptions l’idée qu’il y ait des gens diffé-
préter humainement et, à ce moment-là,           et élu local avant de faire de la politique     rents, des options philosophiques et poli-
effectivement, en fonction de l’individu.        à l’échelle nationale. Je viens donc de la      tiques différentes. Nous travaillions tous
                                                 société civile. Et lorsqu’un jeune chef         dans le cadre de l’intérêt général.
Pendant la campagne présidentielle,              d’entreprise est élu député En Marche,                C’est pour cela que je reste dans ma
François Fillon avait déclaré qu’il était        il n’est plus simplement membre de la           famille politique. Je me sens libre de dire
opposé à l’IVG, mais qu’il ne le remettrait      société civile, il fait de la politique. En     ce que j’ai envie de dire. Je suis loyal, mais
pas en cause s’il était élu. Avez-vous, de       tout cas, je pense qu’il vaut mieux avoir       je dis mes désaccords. Il y a de nombreux
votre côté, ressenti cette tension entre         eu une vie avant la politique, et si pos-       sujets sur lesquels nous ne sommes pas en
vos convictions personnelles et ce que l’on      sible, une vie après.                           accord, sur l’Europe par exemple. On se
attendait de vous en tant que législateur ?                                                      le dit. On ne se précipite pas sur une radio
     Pasteur disait : « Quand je rentre dans     Aujourd’hui vice-président des                  de grande écoute pour critiquer ceux qui
mon laboratoire, je suspends ma foi au por-      Républicains, vous avez connu l’UMP             ne pensent pas comme nous. Je n’ai, par
temanteau. » Le législateur peut avoir           lorsqu’elle était une grande famille unie.      exemple, jamais dit du mal de Nicolas Sar-
des convictions religieuses, mais il doit                                                        kozy malgré les débats parfois vifs que
s’en extraire pour écrire une loi univer-                                                        nous avons pu vivre. Je pense qu’il me sait
selle et normative qui s’applique à tous.        « On ne peut pas                                gré de lui avoir dit ce que je pensais, et je
Il faut se dire que les normes que l’on                                                          lui suis reconnaissant de pas m’en avoir
s’applique à soi-même, on ne peut pas            imposer aux autres                              tenu rigueur. La politique, c’est mieux
les imposer aux autres. C’est d’ailleurs le
                                                 les normes que                                  comme ça. l

                                                 l’on s’applique à
                                                 soi-même. »

                                                     actualités   21   entretien
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