Mission Atlas Logistique Kosovo - Rapport de mission Poste : chef de base Kosovo Stanislas Tarnowski

 
CONTINUER À LIRE
Mission Atlas Logistique
        Kosovo

       Rapport de mission

                      Poste :      chef de base Kosovo
                                    Stanislas Tarnowski

     Période d'activité sur la base : du 26 juin au 2 septembre
Préambule : Profil original de poste (juin 99) :

La Mission Atlas Logistique Kosovo est basée à Skopje (Macédoine), d'où elle apporte
un soutien logistique (transport et entreposage de fret humanitaire) aux O.N.G.
partenaires ECHO, dans le cadre du programme de soutien aux réfugiés kosovars.
Le chef de base Kosovo, installé à Pristina à la tête d'un équipe légère (un expat et 7
logisticiens Kosovo sont prévus dans le budget), doit faire l'interface entre les O.N.G.
présentes sur le terrain et la base logistique.
Il ira sur le terrain évaluer les besoins en transport (l'entreposage étant assuré à Skopje)
des O.N.G., centralisera les besoins des différents acteurs et remontera ces infos à la
base arrière afin de coordonner l'ensemble de ces besoins et de les servir au mieux.
Chapitre 1 : profil final du poste

Ce préambule me parait nécessaire pour mesurer toute l'évolution de mon poste.
En effet, fin Août, la base Kosovo comporte 10 expats, moi y compris, sans compter les
5 chauffeurs espagnols, qui sont gérés par la mairie de Barcelone, mais qui dépendent
d'Atlas pour le travail. Atlas emploie par ailleurs plus de 50 personnels nationaux, qui
vont du manutentionnaire au responsable de stock… bref, le centre de gravité de la
mission s'est déplacé sur Pristina, qui assure 100 % de l'activité entreposage et plus de
80 % de l'activité transport du programme de soutien au retour des réfugiés kosovars.
Ce changement dans le schéma de fonctionnement est bien sur dû au retour extrêmement
rapide desdits réfugiés, un mouvement qui aura surpris l'ensemble de la communauté
internationale en général et humanitaire en particulier. Atlas, comme tous ses confrères, a
suivi le mouvement, avec une vitesse de réaction qui a été soulignée et appréciée par le
bailleur et les O.N.G..

Les conséquences pour le poste du chef de base sont naturellement à la mesure de cette
évolution : journaliste de formation, habitué au travail en indépendant sur le terrain (ce
qui correspondait bien au profil du poste qui m'était proposé), je me suis retrouvé à
monter une base importante, dans un temps limité (urgence oblige), avec tout ce que cela
suppose de procédures à créer, d'outils à mettre en place, de gestion d'une équipe au
caractère souvent bien trempé… En fait, le chef de base s'est muté en chef de mission
bis, avec sensiblement les mêmes responsabilités et prérogatives : rôle de référent,
pouvoir de décision finale en cas de conflit, garant du bon déroulement de la mission et
de la poursuite de ses objectifs, coordination et animation de l'action des membres de
l'équipe… Je m'empresse d'ajouter que je n'aurai pu assumer ce rôle sans le soutien
efficace de toute l'équipe et les conseils de Lies Gacem, le chef de mission.
Loin de moi en effet l'idée de tirer la couverture à moi, bien au contraire. Peu préparé à la
mission que j'ai dû assumer, je ne suis guère satisfait du travail que j'ai accompli : même
si nous assumons notre mission, les problèmes d'organisation, l'optimisation des
ressources humaines (tant nationales qu'expatriées) laissent encore à désirer. En
revanche, je rends hommage appuyé à tous ceux qui ont fourni une besogne énorme dans
cette phase de mise en place, et notamment Max-Antoine Grolleron et Aferdita
Ibrahimaj, qui m'ont accompagné dès le début de cette aventure.
Chapitre 2 : mes tâches au quotidien

Arrivé à Pristina le 26 juin avec Max-Antoine Grolleron, je devais en tout premier lieu
trouver un logement, tandis que Max devait effectuer une évaluation des possibilités
d'entreposage à Pristina. et des besoins des O.N.G. présentes sur place.
En une semaine, nous étions dans "nos" murs, une maison de trois étages, capable
d'accueillir 6 personnes dans de bonnes conditions de confort, jusqu'à une douzaine en se
serrant. Elle nécessita toutefois quelques travaux, achats de mobilier et fournitures
variées pour être pleinement habitable. Une phase d'installation qui fut l'occasion de
contacts nombreux avec la population et l'activité économique renaissante de la capitale
de la province.
Parallèlement à cette installation, il fallait faire "tourner" les camions d'Atlas (conduits
par les chauffeurs espagnols et / ou français de l'équipe). En cette période de mise en
place et de désorganisation pour l'ensemble des O.N.G., toute planification de l'activité
s'avérait vaine : nous connaissions nos chargement 24 heures avant, voire moins. Une
situation qui n'est pas encore totalement résorbée début septembre. Pour les détails et
statistiques en transport, je vous renvoie aux rapports d'activités de Max Antoine
Grolleron, qui a géré cette activité depuis le début, en plus de sa mission entreposage.
C'est début juillet, avec l'installation d'Atlas dans l'entrepôt que la mission prit une
nouvelle ampleur. La partie stockage de notre activité nécessite en effet un personnel
nombreux (manutentionnaires, gardes, responsables de stock…). De plus, il est devenu
rapidement indispensable de soulager Max-Antoine de la masse de travail importante qui
pesait sur ses épaules et donc d'étoffer le service transport. Il en aura été de même pour
l'administration (secrétariat, gestion des ressources humaines, logistique achats…).
Autant de personnes (jusqu'à 58) à embaucher, à gérer…, le tout dans l'urgence, avec des
procédures manquant de rigueur qui ne nous permirent pas d'éviter quelques erreurs de
recrutement. Malgré tout, l'équipe nationale d'Atlas se distingue tant par sa compétence
que par son dévouement.
C'est aussi durant cette phase de montée en puissance de notre activité que la partie
administrative de mon travail fut la plus lourde : comptabilité de la base, mise en place
des outils de suivi du personnel (paye, contrats de travail… certains de ces outils n'étant
toujours pas finalisés au moment de mon départ, du fait de mon manque de formation
juridique), mise en place des différents règlements intérieurs et de sécurité (qui furent la
cause de quelques frictions au sein de l'équipe expatriée).
Jusque fin juillet environ, je dus assumer seul l'ensemble de ces taches, l'administratrice
générale, Yasmina, étant complètement absente de la base (à part de très brefs passages),
absorbée qu'elle était par son travail à Skopje. Et même si elle nous apportait un appui à
distance, cela ne pouvait en aucun cas remplacer sa présence sur la base. A souligner qu'à
la date de mon départ, nous ne pouvons toujours pas profiter de la présence d'un admin.
général à plein temps sur cette base, Stéphane, notre nouvel admin. étant toujours basé à
Skopje, malgré la baisse du volume d'activité de cette base arrière.
La venue de l'administratrice comptable mi-juillet me soulagea progressivement de la
partie la moins exaltante (euphémisme…) de mon travail. Les passages de plus en plus
fréquents du chef de mission (jusqu'à son installation quasi-permanente à Pristina début
Août), s'ils me permirent de mieux cerner mon rôle et de profiter de son expérience,
furent parfois bien désorientants : l'évolution rapide de la situation, les réflexions et
essais fréquents de réorientation de la mission étant parfois difficiles à suivre d'un point
de vue concret… Ceci mis à part, la présence de Lies fut pour toute l'équipe de Pristina
(et pour moi en particulier) un solide stimulant et nous permis de nous sortir d'un certain
nombre d'ornières dans lesquelles nous menacions de nous embourber.

Part importante de mes prérogatives, les relations entre Atlas, ses partenaires et le
bailleur. Si je dois avouer n'avoir eu que peu de contacts avec ce dernier, mon assiduité
relative aux différentes réunions de coordination humanitaires, de sécurité ou de réunions
thématiques, sans parler des contacts directs avec les O.N.G., me permettaient d'avoir
une bonne vision d'ensemble du contexte dans lequel la mission évolue.

Enfin, il faut souligner qu'une partie très importante du rôle de chef de base consiste à
régler une foule de détails matériels, de problèmes ponctuels, et ce, évidemment, sans
avoir (ou sans prendre…) le temps de mûrir les décisions : tout est urgent, tout doit se
régler dans l'instant… j'ai eu bien souvent l'impression de passer des journées entière à
jouer les pompiers armé d'un simple seau d'eau… Je ne saurai donc décrire par le menu la
foule de problèmes ponctuels auxquels j'ai été confronté, mais qui mis bout à bout,
auraient pu totalement gripper notre activité. Je souligne toutefois le principal problème
auquel j'ai été confronté : la circulation de l'information au sein de l'équipe et le manque
de cohésion entre les parties « administrative » (chef de base, responsable transport…)
et « opérationnelles » (chauffeurs, chef de convoi, dans une certaine mesure chef
mécano) de celle-ci.
Chapitre 3 : le facteur humain,
                                § 1 : le staff national

Atlas Logistique, de part la nature de son activité, n'est pas au contact direct des
bénéficiaires qu'elle sert. Une situation frustrante, même si nous sommes conscients du
soutien que nous apportons aux populations kosovares.
C'est pourquoi nous avons tendance à reporter toute notre "attention" sur les membres
albanais de notre équipe : tous on souffert de la guerre, chacun porte sa part de malheur,
de deuil, mais en même temps de désir de vivre, de se sortir d'une situation difficile ou
dramatique.
Cette joie mêlée de malheur qui les caractérise presque tous les rend particulièrement
attachants et la grande difficulté de la gestion des ressources humaines est justement de
"gérer", de mettre de côté l'affectif, les liens de camaraderie, d'amitié, qui se lient très
rapidement dans le contexte intense d'une mission humanitaire d'urgence. En bref, on
voudrait embaucher presque tous ceux qui se présentent, n'avoir pas à discuter salaire,
compétences, à licencier les mauvais éléments… J'ai été amené à le faire et c'est bien la
responsabilité la plus pénible que j'ai eu à assumer.

Nous avons eu aussi note lot de "défections" , par exemple un chauffeur VL, Blerim,
parti pour une O.N.G. plus riche, Afrim, assistant direct de Max pour l'activité
entrepôt, qui nous a quitté pour se consacrer à la photo et au cinéma, ses passions, et
Beatriqe, log. transport qui a démissionné pour entrer dans la police kosovare en cours
de formation… malgré l'insupportable coté "lieu commun" de cette phrase, je n'hésiterais
pas à dire que ce sont les meilleurs qui s'en vont, en tout cas d'excellents éléments, tant
du point de vue professionnel que personnel.

Cela dit, j'ai le sentiment d'avoir quitté une équipe solide, compétente et très attachante.
Je me bornerai à regretter qu'elle souffre dans son travail de notre manque d'organisation
(retards d'un jour ou deux dans le versement des salaires, profils de postes mal définis…)
S'il est des situations que l'on peut demander à des expats, volontaires et détachés de
tout souci matériel (tant qu'ils sont sur la mission, bien sûr), il n'en est pas de même
pour notre équipe nationale, qui constitue, pour reprendre un leitmotiv de Lies « nos
premiers bénéficiaires ». Je dois souligner que je me considère responsable de cette
situation, mais qu'elle était en cours de règlement rapide au moment de mon départ grâce
aux efforts conjugués de toute l'équipe expat.
Chapitre 3 : le facteur humain,
                             § 1.2 : « l'affaire du garage »

Si j'ai beaucoup parlé de notre équipe albanaise, ce n'est pas par ostracisme vis à vis des
populations serbes du Kosovo. Dès le début, nous avons essayé d'en recruter,
convaincus qu'il faisait partie de notre mission de faire cohabiter au sein de notre mission
et d'aider en leur offrant du travail serbes et albanais.
Les difficultés pour les localiser dans Pristina et les premiers refus de serbes d'intégrer
notre équipe (nous ne payions pas assez à leur goût) nous firent mettre de côté ce projet
jusqu'à « l'affaire du garage ».

Après d'assez longues recherches, nous avons localisé un garage pouvant convenir à la
maintenance de nos camions. Situé à 5 km de Pristina, dans le village de Devet Jugovic, il
appartenait à la coopérative agricole du lieu, alors prise en main par les albanais, mais
situé dans la zone serbe du village.
Après 15 jours de négociations (et trois directeurs de coopérative plus tard, l'UCK
pratiquant activement la valse des fauteuils afin de placer ses hommes), nous avons pris
possession des lieux le premier août, alors que le personnel de la coopérative effectuait
encore des travaux de remise en état des locaux. Nous avions par ailleurs recruté deux
gardes et un mécano (tous albanais), parmi les membres de la coopérative. J'avais de plus
entamé des discussions avec les interprètes serbes du détachement KFOR local (localisé
à 30 m du garage) afin qu'il m'envoie des travailleurs serbes pour le garage. Démarche
jusqu'alors vaine.

L'enlèvement d'un travailleur serbe de la coopérative, sur le chemin du travail, mis le feu
aux poudres dans ce secteur auparavant réputé pour son calme. Je dus faire face à une
manif. d'une soixantaine de serbes du village voisin (100 % serbe, celui-ci), passablement
énervés, qui réclamaient justice pour leur compagnon, du travail, de l'aide humanitaire…
A force de palabres, je parvins à disperser la manif, à leur proposer un rendez-vous pour
ceux qui désiraient travailler avec nous et à leur expliquer que seule la KFOR était
compétente pour ramener le disparu. Je dus ensuite passer quelques heures à convaincre
mon staff albanais de la nécessité de travailler avec les serbes.
Accompagné d'Aferdita, qui voulait montrer par sa présence que les albanais étaient
prêts à tendre la main aux serbes, je suis allé exposer mes besoins et conditions de travail
aux serbes. Un moment difficile, tant il est vrai que deux expats dans un café peuplé
d'une quarantaine de serbes parfois agressifs se doivent de garder un self-control de tous
les instants… Mais le soir même, quatre d'entre eux se présentaient au garage pour des
postes de gardes.
S'ensuivit une heure de palabre entre candidats serbes, gardes albanais et moi-même,
pour définir le partage des taches et l'organisation du travail afin de garantir un maximum
de sécurité à chacun. Nous étions enfin tous d'accord lorsqu'un serbe exigea de travailler
armé, ce qui était bien sur impossible. Cela mis fin à cette négociation, pourtant bien
avancée.

Je revins deux jours de suite discuter avec cette communauté serbe afin d'essayer de
trouver une solution pour leur trouver des emplois au sein d'Atlas. Mais leur
intransigeance quant aux conditions de travail et aux garanties qu'ils voulaient obtenir
firent toujours capoter ces négociations, malgré toute ma bonne volonté.
Je rendis aussi visite à la famille du disparu afin de montrer la solidarité d'Atlas (et la
mienne) envers le malheur qui les frappait. Quelques jours plus tard, je leur apportait un
colis de produits de première nécessité (café, sucre etc), afin de faire un geste
symbolique et personnel.

La peur dans laquelle ils vivent explique bien sur ce comportement, mais je souligne que
les albanais qui venaient travailler en zone serbe couraient encore plus de dangers
potentiels et qu'eux les assumaient. Les officiers anglais qui travaillent dans cette zone
m'ont malheureusement confirmé que les serbes agissent toujours ainsi : tout leur est dû,
et ils exigent systématiquement des conditions de travail, d'aide humanitaire etc…
supérieures à ce que la communauté internationale offre aux albanais du Kosovo, même
si leurs besoins sont bien moindres.

Devant l'échec de mes démarches, j'ai donc pris la décision (appuyé en cela par Lies) de
fermer aussitôt le garage. Bien m'en pris, car les véhicules Atlas chargés de déménager
notre matériel furent dès le lendemain la cible de jets de pierres…
Chapitre 3 : le facteur humain,
                                 § 2 : l'équipe expat

Chacun vient en mission humanitaires avec ses motivations, ses problèmes à régler, ses
aspirations et ses méthodes de travail. C'est au chef de base de gérer cela et de diriger
l'ensemble vers le but commun, le bon déroulement du programme. Facile à dire en
théorie.
Car autant le personnel national est « facile » à gérer (vous les embauchez, les payez, les
dirigez, ils n'ont donc pas de problème à reconnaître vote rôle, même s'ils vous testent
pour savoir « jusqu'où ils peuvent aller trop loin »), autant les expats constituent une
autre « paire de manches ».

Le chef de base doit tout d'abord faire accepter son autorité, ce qui n'est pas évident
lorsqu'on est « première mission », que l'on a face à soi des gens (chauffeurs, chef de
convoi ou autres…) qui ont souvent 5 ou 10 ans d'expérience dans le métier. Plutôt que
de me transformer en « caporal-chef » imposant son autorité par la seule force de son
grade et de ses cordes vocales, j'ai essayé d'obtenir l'adhésion de l'équipe autour de nos
objectifs communs, d'expliquer aussi longuement que nécessaire le bien-fondé de telle ou
telle décision ou la raison de tel ou tel dysfonctionnement. Une méthode coûteuse en
temps, en énergie et qui en remplace pas toujours l'imposition pure et simple d'une
décision, ce que je n'ai pas su faire assez souvent. Cela dit, son bien-fondé ne doit pas
être remis en cause, tout est affaire de dosage.

Deuxième difficulté, déjà rapidement évoquée : faire circuler l'information et créer une
cohésion dans le groupe.
La difficulté est là que chacun, absorbé dans ses tâches quotidiennes, travaille « en
solo », ou tout au plus avec ses « collègues de travail » directs et ne fait pas remonter les
informations. Cela conduit à bien des incompréhensions, à la formation de « clans » au
sein de l'équipe, à l'aggravation de problèmes bénins et donc nuit à l'efficacité de
l'ensemble. De mon strict point de vue, j'avais énormément de mal à obtenir une vision
d'ensemble de la mission et de ses problèmes et je devais en permanence la reconstituer à
partir de monceaux d'informations éparses, comme une mosaïque.
Je ne parle même pas de la difficulté d'imposer des réunions d'informations et de travail
après 12 heures de labeur…
Sans rentrer dans les détails, et sans remettre le moins du monde en cause la compétence
des personnes citées, je citerai quelques exemples de difficulté auxquelles j'ai été
confronté :
Astrid : chef de convoi compétente, mais son caractère, ses relations en permanence
orageuses (euphémisme…) avec l'équipe, son impossibilité à se plier à nos contraintes et
le côté surréaliste de toute tentative de dialogue avec elle m'ont amené à demander (et
obtenir) son départ.
Aferdita : recrutée sur le terrain, française d'origine albanaise, très intelligente, elle nous a
apporté sa connaissance du terrain et de la population. Mais ses liens affectifs très forts
avec la province et ses habitants (dont, naturellement, sa famille) étaient une contrainte
importante pour nous. De plus, son statut de française expatrié a souvent été difficile à
imposer à des albanais qui ne voyaient en elle « qu'une » albanaise : femme et albanaise
« de sang », ils mettaient du temps à admettre son autorité sur eux ;
Max : bourreau de travail, alliant compétence et bon caractère, c'est quelqu'un sur qui on
peut se reposer. Toutefois, il est très difficile d'obtenir de lui la moindre remontée
d'information sur son activité (« je gère » est son invariable réponse). Quelques
difficultés aussi à lui faire accepter les contraintes du groupe.
Paul : chauffeur hors-pair, il fait preuve la plupart du temps d'une grande gentillesse.
Cependant, il accepte mal les contraintes de la vie de groupe, les bornes mises à sa liberté
(consignes de sécurité sur la base, par exemple). Le refus d'une évolution de son poste l'a
conduit à nous quitter
Alexandre : un chauffeur compétent, plein de qualités humaines et ayant fait beaucoup
pour bien s'intégrer à l'équipe, Alex souffre toutefois d'une indiscipline chronique,
notamment quant aux consignes de sécurité sur la route et sur base. Il faut à chaque fois
le convaincre (ce qui est long) et garder un œil sur lui.
Jean-Marie : excellent compagnon et mécano compétent, Jean-Marie n'a toutefois
jamais su s'impliquer à fond dans son travail, attendant trop de « l'administration ». Ce
manque d'initiative lui faisait en retour penser que nous ne considérions pas assez son
travail.
Valérie : une personnalité attachante, mais trop fragile pour la masse de travail et les
responsabilités qu'elle avait à assumer. En fait, elle s'attendait à prendre en main un
travail structuré et on lui a demandé de bâtir elle-même son cadre de travail, dans un
contexte de désordre ambiant.
Chapitre 4 : fin de mission
                                  un départ anticipé

A la grande surprise de l'ensemble de l'équipe (ainsi qu'à celle de certains membres du
siège), j'ai quitté Pristina le 2 septembre au lieu du 20 comme prévu dans mon contrat. Je
dois quelques explications sur ce comportement et reviens donc un peu en arrière.
J'ai déjà évoqué dans les chapitres précédents les difficultés liées à mon poste (définition
de poste fluctuante, impréparations aux taches administratives, circulation de
l'information parfois problématique…). S'en est rajoutée une autre avec l'installation de
Lies à Pristina : Nous nous sommes en effet retrouvé dans la situation de l’emblème
albanais, (un aigle à deux têtes), à partager sensiblement les mêmes prérogatives et
responsabilités. Situation dérangeante pour moi qui avait déjà eu du mal à définir mes
responsabilités de chef de base en l’absence physique du chef de mission.
Situation également désorientante pour l’équipe, tant nationale qu’expatriée. Les uns,
recrutés, payés et dirigés par moi, me percevaient naturellement comme leur référent.
Les autres ne savaient jamais exactement à qui s’adresser pour tel ou tel problème ou
question qui se posait. Bref, la situation devenait de plus en plus inconfortable pour tout
le monde.
Aussi, lors de la préparation des nouveaux budgets à présenter à ECHO, j’ai
personnellement soutenu l’idée d’abandonner le poste de chef de base tel que défini
initialement. En cohérence avec cette idée, et pour clarifier tout de suite la situation, j’ai
donc annoncé mon départ.

Je dois ajouter que cette décision reposait aussi sur des facteurs personnels : le
sentiment d’être la cinquième roue du carrosse n’est pas très satisfaisant d’un strict
point de vue professionnel (personnel aussi, d’ailleurs) : je voyais de moins en moins
mon utilité au sein de la mission.
Le constat, en revanche, que ma mission (monter la base) était remplie l’était bien plus :
malgré toutes les imperfections notées dans ce rapport, notre base était opérationnelle et
tournait. Le chef de mission prenant le relais, il ne me restait qu’à m’effacer.
Enfin, je dois dire qu’une grosse fatigue (euphémisme…) dû à 20 heures de travail
quotidien pendant un mois, pratiquement 7 jours / 7, suivi de quinze à 18 heures ensuite,
ont eu raison de ma résistance et que je n’aspirai plus alors qu’à un repos bien mérité.
Vous pouvez aussi lire