MISSION D'OBSERVATION DE L'UNION AFRICAINE POUR L'ELECTION PRESIDENTIELLE DU 25 AVRIL 2015 EN REPUBLIQUE TOGOLAISE

 
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AFRICAN UNION                                                                 UNION AFRICAINE

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MISSION D’OBSERVATION DE L’UNION AFRICAINE POUR L’ELECTION
 PRESIDENTIELLE DU 25 AVRIL 2015 EN REPUBLIQUE TOGOLAISE

                          DECLARATION PRELIMINAIRE

   I. Introduction
Conformément aux dispositions pertinentes de la Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance de 2012, de la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes
régissant les élections démocratiques en Afrique de 2002, des Directives de l’Union
Africaine pour les missions d’observation et de suivi des élections de 2002, la Présidente
de la Commission de l’Union Africaine (UA), Son Excellence Dr Nkosazana Dlamini
Zuma, a dépêché une Mission d’Observation Electorale (MOEUA) à l’occasion de
l’élection présidentielle du 25 avril 2015 en République Togolaise. Conduite par Son
Excellence Monsieur Kabiné Komara, ancien Premier Ministre de la République de
Guinée, la Mission est composée de 43 observateurs, comprenant : des ambassadeurs
accrédités auprès de l’Union africaine, des parlementaires panafricains, des responsables
d’organes de gestion des élections et des membres d’organisations de la société civile
africaine.
Les observateurs viennent de 22 pays, représentatifs de la diversité géographique du
continent, à savoir l’Afrique du Sud, le Benin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun,
le Congo, la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Djibouti, le Gabon, le Mali, la Mauritanie, l’Union
des Comores, l’Ouganda, la République Arabe Sahraouie Démocratique, la République
Centrafricaine, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad,
la Tunisie et la Zambie.
Présente en République Togolaise depuis le 18 avril 2015, la MOEUA va y séjourner
jusqu’au 1er mai 2015 afin de suivre toutes les opérations de remontée, de traitement et
de publication des résultats, conformément au mandat du comité d’accompagnement mis
sur pied auprès de la CENI.
La présente déclaration renferme les conclusions préliminaires et recommandations de la
MOEUA à l’issue des différents échanges avec les parties prenantes au processus
électoral ainsi que de l’observation des opérations de vote et de dépouillement.
   II. Objectifs et Méthodologie
La MOEUA avait pour objectif l’évaluation indépendante, objective et impartiale du
processus électoral en République Togolaise, conformément aux dispositions pertinentes
de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2012, de la
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Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en
Afrique de 2002, des Directives de l’Union africaine pour les missions d’observation et de
suivi des élections de 2002. La MOEUA a également évalué le processus électoral au
regard de la Constitution de la République Togolaise et du cadre légal national en vigueur
pour l’organisation de l’élection présidentielle du 25 avril 2015.
Dès son arrivée à Lomé, la Mission a rencontré les autorités gouvernementales, en
charge des affaires étrangères, de l’administration territoriale, de la décentralisation et des
collectivités locales, ainsi que le président de la CENI, le bureau de la Haute Autorité de
l’Audio-visuel et de la Communication, les représentants des partis politiques, les
ambassadeurs africains accrédités à Lomé et les Organisations de la Société Civile. Au
cours de ces rencontres la MOEUA a exhorté les parties prenantes togolaises à renforcer
les conditions d’un climat de confiance et de consensus en vue d’une élection crédible et
apaisée.
La MOEUA a pris une part active à l’accord qui a été signé entre les représentants des
candidats, le gouvernement et la CENI en présence des autres chefs de missions.
Le jour du scrutin, 16 équipes ont été déployées dans les différentes régions du pays :
Grand Lomé, la Région Maritime, la Région des Plateaux, la Région Centrale, la Région
de Kara, la Région des Savanes. Les observateurs de la MOEUA ont observé l’ouverture
des bureaux de vote, les opérations de vote et le dépouillement dans les communes de
Lome ainsi que dans les localites suivantes : Vakpossito, Legbassito, Agoe-Nyive,
Togblekope, Aflao-Gakli, Aflao Sagbado, Sanguera, Zio, Avé, Yoto, Vo, Bas-Mono, Lacs,
Est Mono, Agou, Kloto, Danyi, Kpele, Wawa, Amou, Akebou, Ogou, Anie, Moyen Mono,
Tchaoudjo, Tchamba, Sotouboua, Blitta, Kozah, Binah, Dankpen, Bassar, Keran, Assoli,
Doufelgou, Tone, Kpendjal, Tandjoaré et Oti.
   III. Observations pré-électorales

   A. Contexte politique
Le climat politique préélectoral a été marqué au Togo par la polémique sur les réformes
constitutionnelles. En effet, en vertu de l’accord Politique Global (APG) d’août 2006 les
parties prenantes s’engageaient à étudier la révision de la durée et de la limitation du
mandat présidentiel ainsi que la réforme du mode de scrutin à la Présidence de la
République.
La matérialisation d’une telle exigence politique a laissé paraitre une fracture au sein de
la classe politique nationale. Le premier bord constitué d’une opposition radicale exigera
ainsi que la limitation de mandats devrait éventuellement s’appliquer avec effet rétroactif
impliquant que le Président en exercice, ayant déjà effectué deux mandats, ne puisse
pas se présenter au scrutin de 2015. A l’opposé, au sens du gouvernement, toute révision
de la Constitution ne pourrait que disposer pour l’avenir, autorisant le Président en
exercice à briguer le fauteuil présidentiel sur les dix années à venir. A la croisée des
positions ci-haut, la ligne politique médiane proposait que le Président en fonction soit
permis de compétir une dernière fois pour les élections de 2015 et autorisé à exercer un
dernier mandat constitutionnel à l’issue duquel l’alternance devra se faire au sein de son
parti et à la tête de l’Etat.
Ce manque de consensus au sein de la classe politique ne permettra pas la mise en
place de la réforme prévue par l’APG et favorisera la division du corps politique entre
partisans du boycott du scrutin de 2015 et partisans de la participation matérialisés par les
cinq candidats en lice.
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B. Cadre juridique
Le cadre juridique du scrutin présidentiel du 25 avril est régi principalement par :

    La Constitution de la IVème République adoptée par référendum du 27 septembre
     1992, modifiée par les lois No 2002-029 du 31 décembre 2002 et 2007-008 du 07
     février 2007 ;
    La loi No 2012-002 du 29 mai 2012 portant Code électoral. Celle-ci a été modifiée
     par les lois No 2013-004 du 19 février 2013 et 2013-008 du 22 mars 2013.
A ces textes, il convient d’ajouter les trois décrets pris en Conseils des ministres du 24
février 2015 :

    Le premier décret convoque le corps électoral pour l’élection présidentielle le 15
     avril 2015. Suite à la médiation de la CEDEAO, un autre décret du 27 mars 2015
     repoussera ces élections au 25 avril 2015 ;

    Le deuxième décret fixe à 20 millions de FCFA le montant du cautionnement que
     chaque candidat doit verser au Trésor public ;

    Le troisième décret fixe à 600 millions de FCFA le montant total du financement
     public de la campagne pour l’élection présidentielle du 15 avril 2015 et précise les
     conditions ainsi que les modalités de sa répartition.
Au regard de leurs contenus il faut souligner que ces instruments consacrent les droits et
libertés politiques de la personne. Si la Constitution pose en effet le principe de liberté en
matière de création et d’exercice des partis ou groupements politiques, elle garantit par
ailleurs la liberté de la presse et le droit pour toute personne de diffuser librement son
opinion.
Pour ce qui est de l’organisation du cadre électoral, la Constitution fixe le caractère
universel, secret ainsi que l’égalité du suffrage. Il reconnait, en son Article 5, le droit de
vote à tout National âgé de 18 ans révolus. Reprenant cette disposition, le Code électoral
dispose que « Tout togolais peut faire acte de candidature et être élu sous réserve des
conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi » (Article 65).
Le Président de la République togolaise, Chef de l'Etat, détenteur du pouvoir exécutif et
garant de l'indépendance ainsi que de l'unité nationale, est élu pour cinq ans à l’issue d’un
scrutin uninominal majoritaire à un tour. Il est rééligible sans limitation aucune. Aux termes
du décret du 27 mars 2015, le scrutin présidentiel est ouvert de 07h00 à 16h00.
La MOEUA constate que le cadre juridique du scrutin du 25 avril 2015 est propice à
l’exercice des libertés politiques tel que fixées par les instruments internationaux
pertinents en la matière, notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples et la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance
ratifiés par le Togo. Elle note cependant, dans le corpus juridique national, la persistance
des questions polémiques prises en compte par l’Accord Politique Global de 2006. Il s’agit
de la limitation du mandat présidentiel ainsi que du mode de scrutin à l’élection du
Président de la République.
   C. Administration électorale
La Commission Electorale nationale Indépendante (CENI) est régie par la loi No 2012-
002 du 29 mai 2012 portant Code électoral. Celle-ci dispose en son Article 3 que la

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Commission, Institution permanente, est en charge de l’organisation et de la supervision
des consultations électorale et référendaires.
La CENI est composée de dix-sept membres, désignés de façon consensuelle, dont 5
par la majorité parlementaire, 5 par l’opposition parlementaire, 3 par les partis politiques
extraparlementaires élus par l’Assemblée Nationale, 3 par la société civile élus par
l’Assemblée Nationale et 1 par l’Administration. Ceux-ci sont nommés pour un mandat de
un an renouvelable.
Si une telle composition est destinée à assurer un certain équilibre entre les différentes
forces politiques nationales, la Mission a pu noter la méfiance de l’opposition et d’une
partie de la société civile quant à l’impartialité de l’Institution. Par ailleurs, le mandat bref
des membres de la CENI ainsi que l’absence d’un Secrétariat permanent pourraient poser
le problème de mémoire institutionnelle d’une élection à une autre.
Au titre de ses attributions, la loi, qui reconnait à la CENI le statut d’autorité administrative
indépendante lui assurant une autonomie d’organisation et de fonctionnement (Article 4),
énumère en son Article 8 les tâches exclusives relevant de la compétence de l’institution
électorale. Il s’agit notamment de :

    L’élaboration des textes, actes et procédures devant assurer la régularité, la
     sécurité, la transparence des scrutins et garantir aux électeurs ainsi qu’aux
     candidats le libre exercice de leurs droits ;

    La formation des citoyens en période électorale ;

    La commande, l‘impression et la personnalisation des cartes d’électeurs ;

    La commande du bulletin d vote et de l’ensemble du matériel électoral ;

    La proclamation des résultats provisoires des élections
L’article 9 souligne toutefois que la CENI opère, pour certaines questions dont la révision
des listes électorales, la ventilation des bureaux de vote, les candidatures et l’observation
internationale, avec « le concours du ministère chargé de l’Administration du territoire et
d’autres services de l’Etat ». Les contours, le contenu et les modalités d’un tel concours
n’étant pas définis, cela pourrait faire le lit à des tiraillements entre l’Administration
électorale et le gouvernement.

   D. Fichier électoral et enregistrement des électeurs
Du 20 janvier au 23 février 2015, la CENI a procédé à la collecte des données de la
phase de révision de la liste électorale. Celle-ci a été conduite graduellement sur
l’ensemble du territoire national. Cette opération a connu de nombreux désagréments
dont le dysfonctionnement de certaines valises biométriques. Prenant la mesure de la
question, la CENI a corrigé au fur et à mesure les problèmes rencontrés en vue de la
constitution d’un fichier électoral exhaustif et exact.
Le mode opératoire du processus a consisté à prendre pour base les données de la liste
électorale de 2013, utilisée lors des dernières élections législatives. Il s’agissait dès lors
de procéder aussi bien par radiation que par adjonction. Par radiation, la CENI visait à
expurger de la liste de 2013 toutes les personnes ayant perdu la qualité d’électeur en
raison d’une décision de justice mais aussi, les personnes décédées. Par adjonction en
revanche, il s’agissait d’inclure les nouveau majeurs mais aussi toutes les personnes
ayant recouvré dans l’entretemps la jouissance des leurs droits civiques et politiques. Le

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fichier consolidé de 2015 ainsi constitué comporte 3 509 258 électeurs dont 1 807 166
femmes et 1 702 092 hommes répartis dans 4.112 centres de vote et 8.994 bureaux de
vote.
Dénonçant la fiabilité de la base de 2013, l’opposition a exigé l’audit de la liste électorale
consolidée. Appelée à la rescousse, l’OIF a dépêché une équipe d’experts en vue
d’examiner la liste électorale et faire les prescriptions qui s’imposaient. La MOEUA note
qu’un consensus s’est dégagé autour de la liste consolidée et auditée par l’OIF.

   E. Information et sensibilisation des électeurs
La MOEUA félicite la CENI pour les actions d’éducation civique entreprises afin de
d’encourager une plus grande participation de la population aux élections. Pour le succès
de sa stratégie d’éducation civique et électorale, la CENI a eu recours aux medias audio-
visuels, à la presse écrite, aux films publicitaires, des articles de presse et des
campagnes de sensibilisation directes auprès des populations. La CENI a également
produit des affiches de sensibilisation disséminées dans les différentes localités du pays.
La MOEUA a noté que cette vigoureuse campagne a eu un impact positif sur le taux de
bulletin nuls qui était faible dans les bureaux de vote visités ses observateurs.

   F. Partis politiques et campagne électorale

La MOEUA note que l’activité des partis et groupements politiques est garantie par la
Constitution de la République Togolaise en ses articles 6 à 9. Cinq (5) partis et coalitions
politiques ont présenté des candidats à l’élection présidentielle du 25 avril 2015.

Dans le but de s’entendre sur les règles du jeu politique et les exigences démocratiques
fondamentales et de contribuer à l’organisation d’élections transparentes, régulières,
équitables, et pacifiques, les partis politiques et candidats ont signé un code de conduite.

La MOEUA note avec satisfaction le financement public des partis politiques et de la
campagne électorale ainsi que la prise en charge des délégués des candidats. Cette
contribution est, de l’avis de la Mission, de nature à assurer une participation équitable et
équilibrée des partis politiques aux compétitions électorales.
La campagne électorale a commencé le vendredi 10 avril à 00 heures pour s’achever le
jeudi 23 avril 2015 à minuit. La Mission a observé les derniers jours de la campagne
électorale et a noté que celle-ci s’est globalement déroulée dans le calme et une
ambiance festive. Elle relève que la période de silence de 24 heures avant le jour du
scrutin imposée par la loi a été observée par tous les acteurs politiques. Les partis et
candidats ont pour la plupart opté pour la stratégie des affiches aux artères principales
des villes et villages, des campagnes mobiles à l’aide de véhicules et de mégaphones et
ont eu recours aux techniques du porte-à-porte.
   G. Société civile
La société civile togolaise renferme un champ hétéroclite d’organisations. Elle est
dominée par les ONG de défense des droits humains. Très clivée et inféodée aux
politiques, la société civile s’est faite l’écho, tout le long des préparatifs au scrutin du 25
avril 2015, du manque de consensus et de la division au sein de la classe politique. Ce
clivage de la société civile a consacré deux grandes tendances matérialisées par le front
du boycott et la société civile dite participationniste.

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Le premier bord, réuni essentiellement au sein du « front Tchoboé » et engagé dans une
alliance de circonstance avec l’opposition radicale, s’est fait l’écho de cette dernière en
exigeant la mise en acte des recommandations de l’Accord Politique Global (APG) et le
retrait immédiat du jeu électoral du Président en exercice.
A l’opposé, la société civile partisane de la participation au processus électoral a pris sa
part dans tous les projets destinés à soutenir la participation populaire et assurer la
crédibilisation du processus. Celle-ci s’est engagée, comme la Mission a pu le constater
sur le terrain, aussi bien dans l’observation électorale que dans la sensibilisation au vote
ainsi qu’à la non-violence.
La multiplicité des organisations ayant le même objet et opérant séparément, sans
synergie et vision stratégique globale, n’est pas de nature à assurer l’efficacité de la
société civile nationale. Par ailleurs, si s’agissant de la sensibilisation, les actions se sont
étalées dans la durée, une observation électorale nationale confinée au court terme du
jour du vote comporte le risque de limiter l’impact de la société civile sur l’ensemble du
processus électoral.
La MOEUA félicite la Société civile togolaise pour son implication lors des différentes
échéances électorales. Ses actions renouvelées en faveur de l’éducation civique et
électorale contribuent à favoriser la participation citoyenne et à consolider la démocratie
au Togo.
   H. Media
L’univers médiatique au Togo est très ouvert et varié. Il est constitué d’une presse écrite
foisonnante et d’une pluralité d’organes audiovisuels. A côté de la presse classique,
coexiste une presse en ligne de plus en plus importante. Cette effervescence médiatique
est portée par l’Article 26 de la Constitution togolaise qui consacre la liberté de la presse.
Cette disposition reconnait par ailleurs la liberté pour toute personne d’exprimer et de
diffuser par parole, écrit ou tous autres moyens ses opinions ou les informations qu’elle
détient. Mieux, la Constitution proclame que la presse ne peut être assujettie à
l’autorisation préalable, au cautionnement, à la censure ou à d’autres entraves.
L’espace médiatique national est organisé par la loi No 98-004/PR du 11 février 1998
portant Code de la presse et de la communication. Celle-ci a été modifiée à plusieurs
reprises comme il suit par :

    La loi No 2000-06 du 23 février 2000 ;
    La loi No 2002-026 du 25 septembre 2002 ;
    La loi No 2004-015 du 27 aout 2004.
Ce texte pose en son Article 1er que « la presse écrite et la communication audiovisuelle
sont libres ». Des différentes rencontres avec les parties prenantes au processus
électoral, il est ressorti qu’aucune d’entre elles ne remet en cause la réalité de cette
disposition au regard de la vie et des activités des medias au Togo.
Compte tenu du rôle joué par le passé par les medias dans le déclenchement de la
violence politique mais aussi pour assurer l’équilibre dans l’accès des candidats aux
medias, le législateur a confié la mission de la régulation du respect de la déontologie en
matière d’information et de l’accès équitable des partis politiques, des associations et des
citoyens aux moyens officiels d’information et de communication à la Haute Autorité de
l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Aux termes en effet de l’Article 75 du Code
électoral, tout candidat dispose d’un accès équitable à ces moyens de communication
dans le respect des procédures et modalités déterminées par la HAAC.
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Composée de 9 membres, la HAAC a fait la répartition des temps d’antenne allouant trois
passages de dix minutes chacun sur les antennes de la télévision et de la radio nationales
ainsi qu’une page dans le quotidien national. Les messages des candidats, avalisés par la
Haute Autorité, sont par la suite admis à paraitre ou être diffusés. Ceux-ci sont rétorqués
s’ils sont contraires à la déontologie. En cas de refus, le message est interdit de
publication.
Pour prévenir tout manquement au Code électoral, la HAAC a organisé le mercredi 22
avril 2015 une séance d’échanges avec les medias sur la couverture du jour de vote et le
respect de la période de silence ainsi que des principes en matière d’annonce des
résultats. Le Chef de la MOEUA a été invité à cette rencontre et y a lancé un appel à une
grande responsabilité des medias dans le traitement de l’information relative aux résultats
du vote.
La Mission n’a été avisée d’aucun incident majeur quant à l’accès aux medias publics par
les différents candidats.

   I. Dialogue politique en vue d’une meilleure gestion des résultats

La veille du scrutin les Missions d’observation électorale internationale ont été alertées du
grand risque de non acceptation des résultats par certains candidats, s’il était fait recours
au logiciel ACCES pour la remontée et la transmission des résultats vers la CENI. En
particulier, le candidat Jean Pierre Fabre avait adressé un recours sur le sujet auprès
Président de la République. Face à ce risque, l’ensemble des Chefs de Missions
d’observation électorale, à l’initiative du Chef de Mission de l’Union africaine, se sont
retrouvés et ont convenu de la nécessité de regrouper toutes les parties prenantes afin de
trouver une solution qui éliminerait la méfiance et renforcerait la crédibilité et la
transparence du scrutin.

Cette assise tenue dans la nuit du 24 avril jusqu’au petit matin du 25 a abouti à la mise
sur pied d’un Comité d’Accompagnement de la CENI.

La MOEUA se félicite de la mise sur pied de ce comité en vue de juguler la méfiance
persistante entre les acteurs politiques. Ce comité, composé des représentants des
candidats en lice pour l’élection présidentielle et des représentants des Missions
d’observation et d’information internationales, a pour mandat de suivre de façon
permanente, rigoureuse et transparente, toutes les opérations de remontée, de traitement
et de publication des résultats par la CENI. La Mission estime qu’un tel comité est de
nature à renforcer l’intégrité du scrutin et salue le sens élevé de l’intérêt national dont ont
fait preuve les candidats dans le traitement de la question sensible de la gestion des
résultats.

   IV. Observations du scrutin et du dépouillement

   A. Ouverture des bureaux de vote
La MOEUA a constaté que 87,78 % des bureaux de vote visités ont ouvert à l’heure. Les
bureaux de vote visités par la Mission étaient situés dans les écoles, et étaient à 81,03 %
facilement accessibles aux personnes vivant avec un handicap, aux personnes âgées et
aux femmes et étaient tous aménagés de façon à assurer la fluidité du vote. L’atmosphère
à l’extérieur des bureaux de vote était pacifique et calme malgré la forte affluence à
l’ouverture et aucune activité de campagne n’était visible aux alentours des centres de
vote.
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B. Matériel électoral
Les observateurs ont noté que le matériel électoral était disponible à temps et en quantité
suffisante tout au long du scrutin dans 98,28 % des bureaux de vote visités. Les urnes
étaient correctement scellées et placées de manière visible pour le public. Les listes
électorales étaient affichées à l’entrée de tous les bureaux de vote.
   C. Déroulement du vote
La bonne compréhension des procédures de vote par le personnel électoral a permis un
bon déroulement du vote dans l’ensemble des bureaux de vote visités. L’intégrité du vote
a été garantie et le secret du vote protégé dans tous les bureaux de vote visités grâce à
une position adéquate des isoloirs. Les procédures telles que prescrites par la CENI ont
été généralement respectées par le personnel électoral. Les bulletins de vote qui portaient
tous des hologrammes de sécurisation étaient pliés comme prévu.
La Mission a noté que dans certains bureaux de vote visités le doigt à tremper après le
vote variait d’un électeur à l’autre, alors que le code électoral mentionne clairement qu’il
s’agit de l’index.
Les bulletins de vote étaient remis aux électeurs par les membres des bureaux de vote
alors que le code électoral précise que l’électeur prend lui-même le bulletin. La Mission
note toutefois que cette méthode n’affectait pas l’intégrité du scrutin mais facilitait plutôt la
manipulation du bulletin par les électeurs.
   D. Clôture et dépouillement

Tous les bureaux de vote visités par les observateurs ont fermés à 16 heures. Ils ont
procédé immédiatement au dépouillement des voix in situ. Les délégués des partis
politiques et les observateurs présents ont été autorisés à suivre le dépouillement qui
s’est déroulé généralement dans le calme, sans interruption, sans ingérence de
personnes extérieures au bureau de vote et selon les procédures en vigueur. Les bulletins
contenus dans l’urne ont été comptés et étaient conformes au nombre de bulletins de vote
utilisés. La Mission a noté avec satisfaction les conditions de validation des bulletins de
vote en vue du respect du choix de l’électeur.

Après le dépouillement, les délégués des partis ont tous reçu une copie des fiches de
résultats qui n’ont pas toujours été affichés devant les bureaux de vote visités. La Mission
salue la conduite pacifique du dépouillement et la remise de la fiche de résultats aux
délégués des partis. Ceci renforce la transparence du scrutin et permet de prévenir les
différends éventuels.
   E. Personnel électoral
La MOEAU a noté la présence des membres des bureaux de vote dès l’ouverture des
bureaux de vote et tout au long du scrutin en nombre requis, à savoir 6 personnes. La
Mission note avec satisfaction une très grande présence de jeunes parmi les membres du
personnel électoral.
La MOEUA a constaté que les membres du personnel électoral portaient des gilets
permettant de les identifier. Les observateurs ont relevé que le personnel électoral a
montré une assez bonne compréhension de son rôle et interagissaient bien avec les
délégués des partis/candidats et les observateurs.

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F. Participation électorale
La MOEUA a observé que l’affluence des électeurs a baissé au fur et à mesure lors des
opérations de vote. Malgré le temps d’attente assez longs observé à l’ouverture dans
certains bureaux de vote, les électeurs ont fait preuve de patience dans
l’accomplissement de leur devoir citoyen. La Mission a toutefois noté que dans la plupart
des centres de vote, les électeurs avaient des difficultés à retrouver leurs bureaux de
vote.
   G. Participation des femmes
La MOEUA a noté la faible participation des femmes le jour du scrutin aussi bien comme
membre de bureaux de vote que délégués de candidats. Sur l’ensemble des bureaux
visités, seuls 21,68 % des membres de bureaux étaient des femmes.
   H. Délégués des partis et observateurs
La forte présence des délégués des candidats a contribué au renforcement de la
transparence et de la crédibilité du scrutin. La Mission a toutefois observé que certains
délégués des candidats n’avaient pas toujours une bonne compréhension de leur rôle et
des procédures électorales en vigueur.
Plusieurs organisations ont pu être observées sur le terrain le jour du vote. Il s’agit
notamment de la Concertation Nationale de la Société Civile (CNSC), le Collectif des
Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) et des observateurs des droits de
l’homme déployés par la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et le
Haut-commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies (HCDH).
   I. Sécurité
Pour assurer la sécurité du processus électoral sur toute l'étendue du territoire national et
prendre les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre public avant, pendant et après les
opérations de vote, environ 7 800 hommes composant la Force de Sécurité de l’Election
Présidentielle (FOSEP) 2015 ont été déployés dans tous les centres de vote. La Mission a
constaté la présence effective mais discrète des éléments de la FOSEP dans tous les
centres de vote visités.

   V. Conclusion et recommandations

      A. Conclusion

Dans l’ensemble, l’élection présidentielle du 25 avril 2015 constitue une étape importante
dans l’enracinement de la démocratie en République du Togo. La Mission se félicite que
les incompréhensions qui existaient entre certains acteurs politiques et la CENI la veille
du scrutin ont été largement aplanies avec l’accord conclu le 24 avril 2015 en présence de
tous les chefs de missions d’observation électorale. Ceci a contribué à ce que cette
élection se soit déroulée dans le calme, la paix et la sérénité.

Cette élection a permis au peuple togolais de choisir son Président de la République
librement et dans la transparence. Le climat d’apaisement et la volonté de recherche du
consensus qui ont prévalu lors de la préparation et le déroulement du vote méritent d’être
préservés dans l’attente des résultats de cette élection et la gestion de la phase post-
électorale.

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La Mission exhorte les partis politiques, les candidats et leurs supporters à respecter la
volonté du peuple telle qu’exprimée à travers les résultats officiels et à recourir, le cas
échéant, uniquement à la voie légale pour toute contestation éventuelle.
La Mission félicite le peuple togolais pour son implication en vue de la réussite du
processus électoral. Elle remercie les autorités, la CENI et toutes les parties prenantes au
processus électoral pour les dispositions prises en vue de faciliter son travail.
La Mission voudrait toutefois faire les recommandations suivantes :

       B. Recommandations

   Au Gouvernement

   -   Poursuivre les reformes engagées en vue du renforcement de la démocratie et des
       institutions démocratiques en République Togolaise.
   -   Renforcer le dialogue politique en instituant un cadre permanent de dialogue entre
       les acteurs politiques en vue de la préservation d’un climat de paix et de cohésion
       nationale ;

   A la CENI

   -   Communiquer davantage avec les acteurs politiques et les autres parties prenantes
       en vue de dissiper les doutes et inquiétudes et créer ainsi un climat de confiance
       nécessaire à la conduite sereine d’un processus électoral ;
   -   Renforcer les capacités du personnel électoral, notamment sur les procédures de
       clôture et de dépouillement ;
   -   Intensifier les actions d’éducation civique et électorale surtout en milieu rural ;
   -   Améliorer la participation des femmes comme membres des bureaux de vote ;
   -   Faire une publication désagrégée des votes bureau par bureau, centre par centre
       et région par région.

   Aux partis politiques

   -   Entreprendre des actions d’éducation civique et électorale à l’endroit de leurs
       militants en vue d’une plus grande participation aux élections ;
   -   Organiser des sessions de formation pour leurs délégués dans les bureaux de
       vote.

   A la société civile

   -   Continuer et renforcer les actions d’éducation civique et électorale surtout en milieu
       rural et auprès des jeunes ;
   -   Contribuer à la crédibilité du scrutin en poursuivant le déploiement d’équipes
       d’observateurs sur l’ensemble du processus électoral.

                                                             Fait à Lomé, le 27 avril 2015

                                                                       Le Chef de Mission

                                                                   S. E. M. Kabiné Komara

                                                                                          10
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