Mobilité - LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N 2
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Mobilité RAPPORT | MARS 2022 LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N°2
PAGE 2 RAPPORT MOBILITÉ sommaire 07 LE RAPPORT EN BREF 11 CONTEXTE ཝ L a d o u b le u r g e n ce c l i m a tiq u e e t so ciale ཝ N o tr e méth o d e
PAGE 3 31 F E U I L L E D E R O U TE ཝ F ace à la cr is e én er g étiq u e, les 19 mes u r es d ’u r g en ce ཝ F ace au d éf i climati que et s o cial, u n p lan d ’acco mp ag n emen t ver s la mo b ilité d u r ab le p o u r to u s ENQUÊTE ཝ 1 3 ,3 mi l l i o n s d e pe r so n nes en " pr écar it é mo bilit é" ཝ Le s fa c t e u r s d e pr é c a r i t é ཝ Du re no n c e m e n t à l a n o n - mo bilit é ཝ De s i né ga l i t é s e n t r e t e n u es par les po lit iqu es pu bliqu es ཝ De l ’ a ut o so l i sm e à l a m obilit é du r able : les fr ein s per sist e nt ཝ 1 6 % d es a u t o m o b i l i st e s so n t dispo sés à e s s a y e r u n a u t r e m o y en de t r an spo r t
PAGE 5 édito Un constat s'impose : en France, nous n'avons pas tous largement pour réduire les émissions du premier au quotidien la liberté de choisir la façon dont nous secteur émetteur de gaz à effet de serre. nous déplaçons, de choisir les solutions de mobilité La politique des petits pas, au regard du défi qui, selon nos contraintes respectives, sont les plus gigantesque de la décarbonation des transports, se vertueuses pour l’environnement. révèle inadaptée, et même créatrice d’inégalités. C’est Regardons la réalité en face, notre Baromètre démontre le second enseignement de ce Baromètre. Les efforts que 13,3 millions de Français.e.s sont confrontés à la mis pour expérimenter, dans tous les territoires, précarité mobilité. En grande partie dotés de revenus des combinaisons d’intermodalité et les rendre limités, ces “précaires mobilité” sont d’abord ceux qui, confortables, renforcer les transports publics, rendre la coincés avec une voiture thermique consommatrice, France cyclable, favoriser le partage de véhicules, sont, sans alternative, ou contraints à de longues distances, de fait, insuffisants. se retrouvent à la merci de la hausse des prix à la L’heure est donc à la mobilisation. Limiter la casse n’est pompe. L’électrique est une des issues mais encore peu pas une politique publique quand la précarité mobilité accessible. Si rien ne change dans les années à venir, est devenue le quotidien d’1 personne sur 5. le piège social se refermera sur les automobilistes qui n’auront ni alternative à la voiture, ni les moyens de N’est-il pas temps de se donner une chance de faire passer à l’électrique. autrement ? N’est-il pas temps de donner à voir et diffuser les expériences et les succès de territoires Les précaires sont aussi les personnes sans permis, que rien ne prédestinait à faire autrement si ce ni voiture, ni vélo, ni même abonnement de transport n’est la volonté d’habitants, entrepreneurs ou élus en commun. Celles-ci sont les grandes oubliées des déterminés ? N’est-il pas temps de créer les métiers politiques de mobilité, possiblement empêchées d’aller verts de la mobilité de demain ? Les transports en travailler, d’accéder aux soins ou encore contraintes commun, les pistes cyclables et le covoiturage ont déjà dans leur vie sociale. Pour tous les précaires de la trouvé ici où là leur place dans les territoires périurbains mobilité, le choix au quotidien est limité voire inexistant. ou ruraux. Les retours de terrains prouvent qu’une part Nous payons là le lourd tribut de la métropolisation des significative de la population s’empare des alternatives 50 dernières années qui construit le monopole de la lorsqu’elles sont bien pensées. Ils prouvent aussi que voiture dans de nombreux territoires de France. Nous sortir du tout-voiture va de pair avec une amélioration payons également le poids des aprioris, selon lesquels des conditions de vie : réduction de la pollution, du bruit, « on ne pourrait pas faire autrement », selon lesquels baisse des budgets transports pour les ménages… Si la le vélo ne serait que pour les centres-villes, la voiture voiture thermique est devenue vecteur de précarité à l’unique vecteur de liberté et les alternatives vaudraient l’heure de la crise énergétique et climatique, elle doit privation du droit à la mobilité. Comme si la transition retrouver sa juste place, en complément des autres écologique ne pouvait être qu’un moins disant solutions de mobilité. Parallèlement, nous devons social. Ces aprioris sont devenus, à l’heure de la crise travailler l’accessibilité des véhicules électriques pour énergétique et climatique, d’impardonnables raisons les plus contraints. de laisser des millions de personnes dans la précarité. L’évidence s’impose : offrir à chacun la liberté de choisir Si la capacité de choisir pour chacun au quotidien n’est entre plusieurs modes de déplacement est autant une pas à la hauteur, la question qui se pose est celle des conquête sociale qu’une conquête écologique. Telle moyens que nous mobilisons, collectivement, pour devrait être la priorité du gouvernement à l’issue des développer les alternatives à la voiture solo et plus élections de 2022. STÉPHANIE CLÉMENT-GRANDCOURT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA FNH FLORENCE GILBERT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE WIMOOV / GROUPE SOS
PAGE 7 le rapport en bref Le Baromètre des mobilités du quotidien est né Le Baromètre met tout d’abord en évidence que en 2019, d’une double ambition portée par la 13,3 millions de personnes sont en situation Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov. de précarité en matière de mobilité. Elles La première était de mieux comprendre les représentent 27,6 % de la population totale des pratiques de mobilité, dans leur diversité, depuis 18 ans et plus. les centres-villes où la densité de l’offre de services répond déjà à une large partie des besoins, Cette précarité mobilité rassemble deux familles jusque dans les zones rurales, là où l’accès aux de situation. solutions alternatives à la voiture est limité. La Tout d’abord, une situation d’insécurité en deuxième ambition était, en nous appuyant sur matière de mobilité qui touche 9 millions de nos expertises croisées, d’aiguiller les politiques personnes, soit 18 % des Français de 18 ans et publiques sur le long cours. plus. Parmi ces millions de Français, le Baromètre Cette deuxième édition du Baromètre des mobilités nous apprend ainsi que : intervient dans un contexte unique, mêlant une ཝ 3,6 millions d’entre eux sont notamment mise en application de la Loi d’orientation des concernés par la "précarité carburant" : il mobilités, deux années de crise sanitaire au s’agit des personnes qui ont un bas revenu, lourd tribut social, la guerre en Ukraine et ses des dépenses en carburant élevées et /ou qui conséquences énergétiques et économiques en doivent déjà restreindre leurs déplacements. Europe, et une urgence chaque jour plus grande de lutter contre le changement climatique. Le ཝ 4,3 millions sont notamment concernés par la secteur des transports est, en France, le secteur "vulnérabilité mobilité". Celle-ci caractérise le plus émetteur (31% des émissions de gaz à effet les ménages à bas revenu qui ont des de serre). Mais les émissions ne baissent pas et la conditions de mobilité contraignantes, telles dépendance massive à la voiture individuelle y est qu’une longue distance à parcourir, l’absence pour beaucoup. d’alternative à la voiture ou des véhicules vieillissant. Le Baromètre des mobilités du quotidien est ཝ 5,3 millions de Français sont notamment une enquête, menée entre octobre et décembre concernés par la "dépendance à la voiture". 2021 auprès d’un large panel de Français, Ce facteur est bien plus large et n’est pas lié à la répartis au sein des 13 régions métropolitaines situation économique personnelle. Il concerne et représentatifs de la diversité de la population. tous les automobilistes qui ont des dépenses 13 105 personnes ont ainsi participé à l’enquête élevées en carburants, et des conditions de via 2 000 enquêtes réalisées par téléphone et mobilité contraignantes comme les longues 11 000 en auto-administration sur Internet. distances ou qui n’ont pas d’autre choix que la voiture. Dans cette deuxième édition, Wimoov et la FNH apportent un nouvel éclairage sur la réalité Notons que 2,5 millions de Français cumulent sociale des mobilités et identifient les moyens de deux ou trois de ces facteurs. Ensuite, s’ajoutent transformer nos politiques publiques pour faire à ce chiffre 4,3 millions de Français, soit 8,5 % enfin rimer lutte contre le changement climatique de la population, qui n’ont aucun équipement et progrès social. individuel ou abonnement à un service de transport collectif.
PAGE 8 RAPPORT MOBILITÉ Ce chiffrage de 13,3 millions de personnes Wimoov et la FNH appellent ainsi le futur concernées par la “précarité mobilité”, met en gouvernement à : lumière les fragilités d'une société toute entière, dépendante de la voiture individuelle - et, pour 1. Renforcer les mesures d’urgence face à la la majorité des automobilistes, des carburants crise énergétique fossiles - ou tout simplement oubliée des politiques ཝ Favoriser le partage de véhicules : systématiser publiques. D’autant que les difficultés pour se les aires de covoiturage dans toutes les déplacer peuvent parfois se cumuler aux difficultés communes. pour se chauffer ou se nourrir. La France compte en effet 12 millions de personnes concernées par ཝ Renforcer les aides à l’acquisition de vélos, la précarité énergétique logement et 5 à 7 millions vélos électriques, vélo cargo. de citoyens touchés par la précarité alimentaire. ཝ Accélérer le déploiement du réseau cyclable en renforçant les investissements Le Baromètre met également en évidence la défaillance des politiques publiques. Si celles-ci échouent à réduire les émissions de gaz à effet 2. Lancer un plan social national de serre elles échouent tout autant à répondre d’accompagnement vers les mobilités aux besoins des usagers et notamment des durables plus fragiles. En cause, par exemple, le manque d’infrastructures cyclables dénoncé par les foyers La prise en compte des besoins de mobilité des gagnant moins de 1 000 euros net par mois et les habitants est indispensable et doit devenir la clé des habitant.e.s de communes isolées, la politique politiques publiques de mobilité. Il est nécessaire ferroviaire (LGV) qui profite avant tout aux de rompre avec une politique de l’offre, centrée plus aisés et pénalisent les autres, des voitures sur les infrastructures. Ensuite, les entreprises ont électriques encore inaccessible aux classes un rôle clé à jouer, et il est temps de faire évoluer moyennes et précaires. la gouvernance vers plus de transversalité. Enfin, ce plan d’accompagnement devra pouvoir Il est plus que jamais nécessaire de sortir de compter sur une politique d’investissement massif l’impasse. C’est la condition pour respecter notamment dans les alternatives et en particulier les objectifs climat et réduire durablement les le ferroviaire. Ce plan permettra une application inégalités. juste et ambitieuse de la Loi mobilité sur les différents territoires au cours des années à venir.
PAGE 9 Chiffres clés 2022 PRÉCARITÉ 13,3 M de Français.es sont en situation de « précarité mobilité ». 9 M sont en situation et 4,3 M de Français.es d’insécurité mobilité n’ont aucun équipement individuel ou abonnement à un service de transport collectif. 3,6 M 4,3 M en précarité en vulnérabilité carburant mobilité Bas revenus et Bas revenus, budget conditions de mobilité carburant élevé contraignantes et /ou restrictions des déplacements 5,3 M dépendants de la voiture Budget carburant élevé et conditions de mobilité contraignantes RENONCEMENTS 28 % des demandeur.se.s d’emploi ont renoncé au moins 1 fois à un emploi. + d’ 1 Français sur 4 déclare 23 % des étudiants ont renoncé à des activités de loisirs. avoir renoncé à un déplacement au moins 1 fois lors des cinq dernières années. 42 % des seniors qui ont exprimé un renoncement, l’ont fait au moins 1 fois pour un rendez-vous médical. FACE À LA HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS ZONES À FAIBLES ÉMISSIONS + 50 % + 100 % de hausse de hausse • 43 % des personnes sans activité • 58 % des 77 % professionnelle diminueraient beaucoup automobilistes ne ou abandonneraient leur voiture. diminueraient pas ou peu des Français.es leur usage de la voiture. ne savent pas • 35 % des foyers gagnant moins ce qu’est une ZFE. de 1 500 € net par mois diminueraient + 14 points vs 2020 beaucoup l'usage de la voiture. Pour 3 automobilistes Les personnes qui cumulent La dépendance sur 5, les ZFE signifieront bas revenus et dépendance à la à la voiture se un changement de pratique voiture seront les 1ères touchées. renforce. de mobilité ou de voiture.
PAGE 11 contexte Le Baromètre des mobilités du quotidien est né en 2019, d’une double ambition portée par la Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov. La première était de mieux comprendre les pratiques de mobilité, dans leur diversité, depuis les centres-villes où la densité de l’offre de services répond déjà à une large partie des besoins, jusque dans les zones rurales, là où l’accès aux solutions alternatives à la voiture est limité. La deuxième ambition était, en nous appuyant sur nos expertises croisées, d’aiguiller les politiques publiques sur le long cours. Comment celles-ci, adossées à la loi mobilité de 2019, peuvent-elles accompagner au mieux les citoyens dans la transition écologique ? LA DOUBLE URGENCE CLIMATIQUE ET SOCIALE LA DIFFICILE DÉCARBONATION LES RISQUES SOCIAUX DES TRANSPORTS LIÉS AUX POLITIQUES PUBLIQUES ACTUELLES Les années à venir seront cruciales pour décarbo- ner les transports. L’enjeu est inédit : réduire de Le premier Baromètre a été initié quelques 55 % nos émissions de gaz à effet de serre (GES) mois après le début de la crise des Gilets jaunes. d’ici 2030 et devenir neutres en carbone d’ici 2050. Quelques mois après que la perspective d’une Le transport est le premier secteur émetteur en augmentation des carburants sous l’effet de la France (31 % des émissions). Le seul trafic de fiscalité carbone ait mis le feu aux poudres d’une voitures particulières pèse pour 16 % des émis- colère sociale, celles des personnes précaires et/ sions. C’est aussi un des seuls secteurs dont les ou dépendantes à la voiture individuelle. Il est re- émissions ne baissent pas. Pourtant les solutions connu que les mesures fiscales ne peuvent être sont connues : développement des solutions plus acceptées si elles sont injustes socialement. Mais sobres, vélo, transports collectifs, partage de vé- surtout, il est devenu essentiel d’alléger les bud- hicules, réduction des déplacements contraints, gets transports des ménages et de redonner une conversion à l’électrique… Le virage est engagé, capacité de choix aux citoyens quant à leur mode et malgré tout la transformation tant attendue de déplacement, afin de réduire la dépendance à patine. Et pour cause : la dépendance à la voiture la voiture. Or, actuellement, les solutions de trans- est plus forte que jamais, les alternatives ne se dé- ports collectifs, ou les modes actifs, ne sont pas ploient que de manière sporadique, incomplète. suffisamment développés ou adaptés, pour pou- Pire, certaines pratiques, tels que le covoiturage voir répondre aux besoins du quotidien de tous. ou le partage de véhicule, ont reculé depuis le dé- Le plan vélo ne couvre pas tous les territoires, les but de la crise sanitaire. Le changement semble services ferroviaires ne sont pas équivalents dans parfois impossible tant les résistances sont dures les différentes régions, les services de transport et les contraintes économiques semblent insur- collectif peu connectés entre les différentes ré- montables. gions. Depuis quelques années, le gap entre ceux qui y ont accès, dans nos grandes métropoles, et
PAGE 12 RAPPORT MOBILITÉ ceux qui ne bénéficient d’aucun service, dans les si, nous avons voulu aller plus loin : comprendre territoires moins denses, grandes couronnes, ou les besoins de chacun, habitant.e.s des territoires zones rurales, est devenu de plus en plus criant. dans leur diversité, au regard de leur situation fa- Quant aux véhicules électriques, ils sont encore miliale, de leur âge, de leur catégorie sociale, de pour quelques années, plus chers, et donc inac- leur activité. Le changement vers les mobilité du- cessibles pour une large part de la population. rables doit être compris dans sa réalité sociale. C’est la condition pour que les politiques pu- Le contexte social, marqué de manière croissante bliques puissent accompagner chacun dans une par la précarité et les inégalités, ne favorise pas la transition réussie, et que la société relève le défi transition vers les mobilités durables. Pire, la tran- climatique. sition écologique constituerait, sans changement de politique majeur, un risque social accru. Aus- 2020-2022 : DEUX ANNÉES QUI SECOUENT LES PRATIQUES En janvier 2020, nous appuyant sur le premier Ba- En deux ans, la Loi d’orientation des mobilités romètre des mobilité du quotidien, nous alertions – promulguée en 2019 – est entrée en application, sur les risques sociaux -précarité et renoncement renforçant les compétences des collectivités terri- à l’emploi notamment- liés à la dépendance à la toriales en termes de mobilité notamment celle de voiture individuelle. 55 % des Français.e.s di- mettre en place des solutions durables pour tous. saient alors n’avoir pas le choix de leur mode de déplacement au quotidien, jusqu’à 87 % dans les zones rurales. Un actif sur 4 disait avoir déjà renoncé à un emploi faute de pouvoir s’y rendre. En parallèle, nos organisations mettaient en avant les aspirations fortes d’une part des Français.e.s, à mieux vivre les déplacements, à passer à l’élec- trique, voire à abandonner leur voiture. Le po- tentiel du vélo était très clair : il ressortait qu’1 Français.e.s sur 2 pourrait être en mesure de se déplacer à vélo au quotidien si les conditions (in- frastructures et services) étaient réunies. Deux ans plus tard paraît cette seconde édition du Baromètre. En deux ans, la pandémie a secoué les habitudes de mobilité. Télétravail et réduction des déplacements professionnels, stratégies d’évi- tement des transports collectifs, déploiement des coronapistes pour accompagner la pratique du vélo, recours accru aux modes individuels… Les études ne manquent pas pour analyser les bou- leversements en cours dans ce secteur. En té- moignent les analyses de l’Observatoire des mobi- lités émergentes, portées par Chronos et Obsoco.
PAGE 13 NOTRE AMBITION : LIER POLITIQUES SOCIALES ET POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE Mais surtout, en 2022, alors que paraît ce second viaire transeuropéen. Il ré-ouvre aussi la difficile Baromètre, la crise énergétique met les pays eu- question de la fiscalité carbone, appliquée aux ropéens face à la réalité : il est plus que jamais carburants. La Commission propose en effet d’ins- essentiel de sortir des énergies fossiles. C’est de- crire à partir de 2026 les transports routiers dans venue une question de souveraineté, mais aussi, le système d’échange de quotas carbone (ETS- avec l’augmentation des prix des carburants et de Emissions trading system). Cela signifie la mise en l’électricité, un enjeu social. La convergence des place d’une taxe sur les carburants pour les parti- défis sociaux, économiques et climatiques n’aura culiers. En l’état, si l’on considère la dépendance jamais été aussi criante. de notre société à la voiture individuelle et le faible niveau de développement des alternatives, l’ETS2 Car le compte à rebours climatique s’accélère : représente plus un risque social majeur qu’un en Europe, la négociation sur le Green Deal, et atout pour le climat. le paquet de mesures Fit for 55 annonce une ac- célération des politiques de décarbonation des De son côté, la France, condamnée pour inaction transports. Le Green Deal va notamment pousser climatique par le tribunal administratif en 2021, l’industrie automobile vers l’électrification mas- devra avant la fin 2022 renforcer ses actions. Ce sive, accélérer le développement des énergies re- sera un défi majeur pour le futur gouvernement. nouvelables, ou encore renforcer le réseau ferro- Dans ce contexte, Wimoov et la FNH souhaitent apporter un éclairage sur la réalité sociale des mo- bilités, mais aussi identifier les moyens de trans- former nos politiques publiques pour faire enfin rimer lutte contre le changement climatique et progrès social. Alors que s’ouvre un nouveau mandat présidentiel, il est temps de prendre acte des défis sociaux et environnementaux pour transformer les politiques publiques et leur donner les moyens de leurs ambitions. Déployer les solutions de mobilité durable ne peut se réduire à une politique d’infrastructures.
PAGE 14 RAPPORT MOBILITÉ NOTRE MÉTHODE Le Baromètre des mobilités du quotidien est une enquête, menée auprès d’un large panel de Français.e.s, répartis au sein des 13 régions métropolitaines et représentatifs de la diversité de la population. Le Baromètre propose une photographie de la mobilité des Français.es, les besoins et contraintes rencontrées, leur capacité à évoluer vers une solution répondant au défi environnemental, et les conditions à ce changement de pratique. Le questionnaire nous permet d'identifier les freins à l’accès à la mobilité durable en fonction de la situation indivi- duelle des personnes et les renoncements du fait d’une entrave à la mobilité. PLUS DE 13 000 RÉPONDANTS les enquêtes sont ici correctement représentées : les personnes les plus âgées, les non-diplômées, À L’ENQUÊTE NATIONALE une partie des publics précaires et probablement le monde rural notamment parce que les per- Pour l’édition 2022 du Baromètre des mobilités du sonnes âgées y sont nettement plus nombreuses quotidien, ce sont 13 105 personnes qui ont par- que la moyenne nationale. De la même façon, l’en- ticipé à l’enquête : 2 000 enquêtes réalisées par quête a été soucieuse de bien prendre en compte téléphone et 11 000 en auto-administration sur les territoires moins denses et en particulier le Internet. L’auto-administration peut générer cer- monde rural, qui ont été volontairement surrepré- tains biais de réponse évidents en comparaison sentés avant pondération. avec un échange téléphonique. Grâce à cette pro- fondeur d’échantillon, et au complément télépho- nique, certaines catégories de population tradi- tionnellement peu représentées en volume dans UN INDICATEUR ORIGINAL DE PRÉCARITÉ MOBILITÉ Les axes du questionnaire La précarité liée à la mobilité est un sujet de pré- occupation croissant, complexe à cerner. Qu’est Ϣ Comment se déplacent les Français.e.s : ce qui caractérise la précarité mobilité ? À partir équipements et services disponibles, modes de quand peut-on dire que l’on est précaire de la utilisés, fréquence, capacité de choix… mobilité ? Le prix des carburants est l’indice le plus Ϣ Comment et pourquoi leur mobilité observé d’un point de vue sociétal, pourtant il ne a-t-elle évolué depuis 2 ans ? peut pas être le seul indicateur. La FNH et Wimoov ont souhaité aller plus loin pour définir la préca- Ϣ Quels sont les freins au report modal : vers rité. le vélo, les transports collectifs, le covoiturage ? Quels sont les freins au passage à l’électrique ? Tout d’abord, en nous appuyant sur l’expertise Ϣ Quelle est la sensibilité aux enjeux d’Auxilia et TMO, nous prenons en compte un pre- environnementaux, aux politiques publiques en mier indicateur, composite, reflétant la multipli- matière de mobilité et à l’évolution du contexte ? cité des facteurs qui mettent les individus et les ménages, et en particulier les automobilistes, en Sur la base des résultats de cette enquête difficulté, ou dans des situations à risque. Cette et de leur analyse croisée, la FNH et première étape nous a permis de mesurer l’insé- Wimoov formulent leurs recommandations curité qui pèse sur la mobilité. à l’attention des politiques publiques. Outre ces situations, nous avons également consi- déré comme précaires les personnes qui déclarent
PAGE 15 ne disposer d’aucun équipement de mobilité : les données de l’Enquête Nationale Transports permis voiture, voiture, vélo, abonnement aux Déplacements 2008 de l’INSEE. Pour ce faire, nous transports en commun, abonnement aux vélos en avons calculé à partir des données du Baromètre libre-service ou trottinette. des mobilités du quotidien 2021, 6 facteurs, qui reflètent différentes causes (ressources finan- L’indicateur composite est construit à partir d’une cières, dépense en énergie, condition de mobilité), méthode inspirée des travaux d’Audrey Berry, en et dimensions (économique, technique, géogra- collaboration avec Céline Guivarch, Yves Jouffe et phique). En les croisant, nous pouvons identifier Nicolas Coulombel, publiés en 2016 dans un ar- trois situations distinctes et complémentaires : la ticle intitulé Comment mesurer la précarité éner- précarité carburant, la vulnérabilité en matière de gétique en matière de transport et reposant sur mobilité et la dépendance à la voiture. PRÉCARITÉ VULNÉRABILITÉ DÉPENDANCE DIMENSIONS FACTEURS CARBURANT DE MOBILITÉ À LA VOITURE Ressources financières Bas revenu Restriction de l’usage de la voiture Pratiques de mobilité Dépenses élevées en carburant Mauvais ajustement spatial ou distances parcourues élevées Condition de mobilité Absence d’alternatives à la voiture Véhicule à faible rendement Volume de personnes concer- 7% 8,50% 10,50% nées, base échantillon BMQ 2021 Part de la population à risque 18% (précarité et/ou vulnérabilité et/ou dépendance) Il est important de noter la notion de « cumul au moins », par exemple sont en situation de précarité carburant les personnes à bas revenus et devant restreindre leur usage de la voiture ou devant assumer des dépenses élevées en carburant. CAUSES ET DIMENSIONS FACTEURS CONSIDÉRÉS DÉFINITION En retenant un seuil (dur) de pauvreté à 5 % du revenu par Unité de consommation Ressources financières Bas revenus (UC) médian national (1 837 €), on définit un seuil de pauvreté à 900 € par UC. 17% des personnes interrogées. Auto-solistes ayant indiqué avoir renoncé plusieurs fois à Restriction de l’usage de la voiture des déplacements lors des 5 dernières années. Pratiques de mobilité 9 % des personnes interrogées Dépenses individuelles de carburant Le carburant représente 5 % et plus du budget du ménage. élevées par rapport au revenu ménage 18 % des personnes interrogées Mauvais ajustement spatial Calculé en fonction de l’intensité de la mobilité à l’échelle (distance à l’emploi et aux services essen- de la semaine et de la portée des déplacements. tiels de la vie courante) 7,5 % des personnes interrogées Absence d’alternative à la voiture Auto-solistes ayant déclaré une absence d’alternative. Conditions de mobilité (autosolistes) 35 % des personnes interrogées. Véhicules diesel de 10 ans et plus et les véhicules de plus de 15 ans, Voiture personnelle reprenant la logique Crit’air et en focalisant sur les niveaux 3 et plus. à faible rendement énergétique 22 % des personnes interrogées, 31 % des automobilistes et personnes ayant accès à une voiture.
PAGE 16 RAPPORT MOBILITÉ 2020 – 2022 : que s’est-il passé depuis 2 ans ? … dans les modes de déplacement des Français.es Stabilité du mode de Des équipements en voiture déplacement principal individuelle qui évoluent Pour 71 % des Français.es - 5 points pour les vs 72 % en 2020 ménages habitants dans les petits et moyens pôles urbains Pour 16 % des Français.es qui utilisent les transports collectifs + 2,8 points pour les vs 17 % en 2020 voitures hybrides ou électriques L’accès aux services de proximité Le libre-service marque une percée significative. 15 % des Français.es disent n’avoir 20 % 11 % aucun service de mobilité. disent avoir accès à des trottinettes contre 10 % en 2020 à des vélos vs 6 % en 2020 vs 17 % en 2020 12 % des Français.es pratiquent la multimodalité*. 6 % l’intermodalité*. des Français.es pratiquent + 4 points vs 2020 - 4 points vs 2020 *Usage de différents modes en fonction du trajet *Usage de différents modes sur un même trajet 55 % des Français.es disent avoir le choix de leur mode de déplacement. + 10 points vs 2020 Le Baromètre N°1, publié en janvier 2020, repose sur une enquête menée au dernier trimestre 2019. Le Baromètrre N°2, publié en mars 2022, repose sur une enquête menée au dernier trimestre 2021.
PAGE 17 … dans leurs habitudes de mobilité 1 Français.e sur 4 a changé ses habitudes de mobilité. La marche Le co-voiturage Les transports en commun Pour 3 raisons* Le confort Faire des Réduire son impact économies environnemental Les Français.es qui n’ont pas changé leurs habitudes de mobilité • des ouvriers, dont les emplois sont souvent situés en périphérie des zones urbaines 80 % • des employés ne pratiquant pas le télétravail • des habitants des couronnes périurbaines, des petits et moyens pôles urbains Prêts pour le changement ? 16 % des Français.es utilisant un véhicule thermique Vélo éléctrique Voiture éléctrique seraient prêts à essayer un mode alternatif au profit de : 18 % 21 % Quels leviers au changement ? 20 % des personnes prêtes à la transition disent avoir besoin de conseils ou d’informations. * Hors problématiques sanitaires directes
PAGE 18 RAPPORT MOBILITÉ
PAGE 19 enquête 13,3 MILLIONS DE PERSONNES EN SITUATION DE PRÉCARITÉ MOBILITÉ La précarité carburant, la vulnérabilité économique, la dépendance à la voiture et même le non-équipement sont autant de facteurs de précarité qui pour un certain nombre de per- sonnes se cumulent, et qui pèsent sur le quotidien de 13,3 millions de Français.e.s. 9 MILLIONS DE PERSONNES EN SITUATION D'INSÉCURITÉ MOBILITÉ Comme évoqué plus haut, il s’agit d’un indicateur La dépendance à la voiture composite permettant de prendre en compte les L’indice de “dépendance à la voiture” concerne différentes facettes de la précarité. Trois indices les ménages qui cumulent des dépenses élevées distincts le composent : la “précarité carburant,” de carburant et des conditions de mobilité contrai- la “vulnérabilité mobilité” et la “dépendance à la gnantes, longues distances ou absence d’alterna- voiture”. tive à la voiture. Cette dépendance est une réali- té pour 10,5 % de la population, soit 5,3 millions La précarité carburant de personnes en France. Si cette catégorie de L’indice de “précarité carburant” concerne les population n’est pas classiquement considérée ménages modestes, qui ont des dépenses en comme “précaire”, la dépendance à la voiture carburant élevées et /ou qui doivent déjà res- fait peser un risque réel de basculer dans la pré- treindre leurs déplacements. Elles sont dès lors carité. particulièrement sensibles à la fluctuation du prix à la pompe. Les résultats du Baromètre nous per- Ces 3 facteurs - précarité carburant, vulnérabilité mettent d’estimer qu’elle touche 7 % de la popula- mobilité et dépendance à la voiture - se cumulent : tion1 , soit 3,6 millions de personnes. 5 % des répondants au Baromètre cumulent au moins deux de ces facteurs, soit une estimation au La vulnérabilité mobilité total pour la France de 2,5 millions de personnes. L’indice de “vulnérabilité mobilité” concerne En considérant les cas de cumul, 18 % de l’échan- les ménages qui cumulent un bas revenu avec tillon du Baromètre est dans une situation d'insé- des conditions de mobilité contraignantes, telles curité mobilité. Ainsi au niveau national, on estime qu’une longue distance à parcourir au quotidien que 9 millions de personnes sont concernées. pour aller travailler, l’absence d’alternative à la voi- ture ou des véhicules au faible rendement énergé- tique. Les résultats du Baromètre nous permettent d’estimer qu’elle touche 8,5 % de la population, soit 4,3 millions de personnes. 1 La population française de 18 ans et plus représente 50,8 millions de personnes.
PAGE 20 RAPPORT MOBILITÉ 4,3 MILLIONS DE PERSONNES NE DISPOSENT D’AUCUN ÉQUIPEMENT DE MOBILITÉ Le Baromètre révèle ensuite qu’une part significa- tive de la population ne dispose, en propre, d’au- cun équipement de mobilité : sans voiture, sans permis, sans vélo, sans abonnement aux trans- ports en commun ou à un service partagé. C’est le cas de 8,5 % des personnes interrogées; aussi l’on peut estimer que le sous-équipement touche 4,3 millions de Français.e.s2. On observe qu’au sein de cette population, les foyers gagnant moins de 1 500 euros nets mensuels sont particulière- ment représentés (16 % d’entre eux), ainsi que les demandeur.se.s d’emplois (18 % d’entre eux), les non diplômés (20 % d’entre eux), et les adultes sans enfants (21 % d’entre eux). Le coût ressort ainsi comme un obstacle à la mobilité. Le cas des demandeur.se.s d’emploi mérite d’être regardé de plus près. 18 % d’entre eux ne disposent d’aucun équipement. Et ce phéno- mène se renforce quand le chômage se prolonge. 32 % d’entre eux ne possèdent pas le permis de conduire, quand c’est le cas de 12 % seulement si l’ensemble des plus de 18 ans. Ce chiffre passe à 36 % pour les chômeurs de plus de 2 ans. 2 10 % des personnes interrogées dans le cadre du Baromètre disent ne posséder aucun équipement de mobilité. (On observe bien 10 % de l’échan- tillon total sans équipement à titre individuel, soit une estimation de 5,1 mil- lions de personnes de 18 ans et plus. Notons toutefois que parmi ces personnes sans équipement à titre individuel, 15 % sont dans un foyer « équipé », 85 % dans un foyer non équipé. Les personnes ni équipées à titre individuel, ni au titre du foyer représentent 8,5 % de l’échantillon, soit 4,3 millions de personnes. Au total : 13,3 millions de Cela peut aller jusqu’à bliques se sont enfermées, personnes, en situation de une non mobilité, subie, en privilégiant la route au précarité ou qui risquent socialement excluante. détriment des transports d’y basculer, notamment collectifs et du vélo pendant avec l’augmentation des Ces chiffres illustrent une de nombreuses années. Ils prix des carburants. Ces dimension concrète des illustrent des politiques pu- chiffres donnent le vertige. inégalités actuelles qui bliques qui ont faux sur toute Ils traduisent des difficultés traversent la vie quoti- la ligne parce qu’elles entre- concrètes pour se déplacer dienne des Français.e.s. tiennent voire accroissent les au quotidien. Ce sont des inégalités et parce qu’elles Ces chiffres sont également emplois, des rendez-vous favorisent des niveaux le reflet d’une impasse dans médicaux, auxquels les élevés d’émission de CO2. laquelle les politiques pu- personnes renoncent.
PAGE 21 LES FACTEURS DE PRÉCARITÉ À travers les réponses au questionnaire du Baromètre, nous avons approfondi l'analyse de trois facteurs majeurs de précarité : la hausse du prix des carburants fossiles, l’absence d’alternatives à la voiture individuelle et le vieillissement des véhicules. LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS Le Baromètre teste à travers son questionnaire Le Baromètre révèle que pour plus de 70 % des différents scénarios de hausse des prix des car- automobilistes, une hausse des prix à la pompe burants (+15 %, +30 %, +50 % et doublement) afin jusqu’à 30 % n’aurait pas ou peu d’incidence sur d’évaluer l’impact sur l’usage de la voiture. Il est leur usage. Y compris si le prix doublait, seul un à noter que l’enquête a été réalisée à l’automne tiers des automobilistes réduirait fortement ou 2021, alors que la hausse des prix en France était n’utiliserait plus du tout la voiture. La comparaison déjà engagée et constatée par les automobilistes. des résultats des enquêtes 2019 et 2021 révèle ici A l'heure où nous publions, la crise énergétique un renforcement de la dépendance à la voiture en Europe rend particulièrement prégnante cette individuelle3. Certaines catégories de populations problématique. se révèlent particulièrement dépendantes à la voi- ture et contraintes de se déplacer quel que soit Le premier enseignement à retenir est que la le niveau de hausse des prix. C’est le cas des ou- fluctuation des prix des carburants fossiles et vrier.e.s, qui disent n’avoir pas le choix par ailleurs l’incertitude a des effets profondément inéga- à 56 %, en lien avec des emplois souvent situés en litaires. En cas de hausse des prix, les premiers périphérie des zones urbaines. De manière géné- touchés sont les plus précaires. En effet, une rale, les personnes ne pratiquant pas le télétravail hausse de 15 % affecterait d’abord les demandeur. se déclarent à 52 % dépendants de la voiture. On se.s d’emplois, et les employés : 23 % des em- observe ici un phénomène de “double peine”. ployé.e.s et 22 % des demandeur.se.s d’emplois diminueraient beaucoup ou abandonneraient leur Dernier élément d’analyse à prendre en compte : usage de la voiture personnelle. Ce sont ensuite les automobilistes les moins sensibles sont les les foyers gagnant moins de 2 000 euros, les pro- propriétaires de voitures électriques ou hybrides. priétaires de véhicules anciens et les personnes La part croissante de ces véhicules dans le parc âgées qui changeront leurs pratiques de manière sera un moyen d’accroître la résilience de la po- contrainte, et sans nécessairement pouvoir choi- pulation à condition de favoriser un accès large sir une autre alternative. à ces véhicules, y compris aux personnes les plus dépendantes à la voiture, et aux plus précaires ; Second enseignement : le seul prix n’est pas un ce qui n’est pas le cas pour l’instant. L’inégalité moteur de changement de pratiques pour aller perçue aujourd’hui pourrait s’aggraver dans les vers d’autres modes, celui-ci étant indissociable- années à venir si rien n’est fait pour faciliter l’accès ment lié au fait d’avoir le choix. à ces véhicules ou aux alternatives. 3 Les automobilistes interrogés en 2021 maintiendraient bien plus leur usage de la voiture qu’en 2019, et ce notamment lorsque l’augmentation est supérieure à 30 %, avec une progression de +14 à +17 points. 1 automobi- liste sur 3 maintiendrait ainsi son usage en cas de hausse de 50 % ou de 100 %, contre 1 sur 4 en 2019.
PAGE 22 RAPPORT MOBILITÉ mobilité face à la crise sanitaire, c’est aussi lié à L’ABSENCE D’ALTERNATIVE la dépendance à la voiture. Deux profils de Fran- À LA VOITURE DANS LES çais.e.s n’ont particulièrement pas modifié leurs TERRITOIRES PEU DENSES habitudes de mobilité : celles vivant dans des ter- ritoires moins pourvus en offres de mobilité, et les personnes dont les emplois présentent des 45 % des répondant.e.s à notre enquête déclarent contraintes particulièrement fortes en matière en 2021 ne pas avoir la possibilité de choisir entre de mobilité (longues distances notamment et ab- différents modes de transport pour leurs déplace- sence d’alternative à la voiture individuelle). ments du quotidien. De même, on constate que les Français.e.s qui Première remarque, cette absence de choix est n’ont pas le choix restent prisonniers de la voiture moins marquée qu’il y a deux ans, où elle s’élevait en cas de hausse des prix du carburant (+4 à 5 à 55 %. Ce changement significatif (10 points), alors points par rapport à la moyenne nationale sur l’en- que les pratiques, elles, sont relativement stables, semble des niveaux d’augmentation). L’absence peut s’expliquer par le déploiement de services de de choix a un coût : plus on s’éloigne des grands mobilité (vélos, trottinettes, voitures partagées, centres, plus les dépenses de carburant sont éle- transports à la demande) dans de nombreux ter- vées. ritoires, mais aussi, plus largement par une plus grande conscience des services disponibles dans les territoires. La crise sanitaire, en recentrant les populations sur la proximité a pu jouer un rôle en LE VIEILLISSEMENT DU PARC ce sens. L’absence de choix est ensuite très liée à l’usage L’ancienneté des véhicules est un facteur de pré- de la voiture individuelle comme mode principal carité croissant pour les personnes qui en dé- de déplacement. Parce qu’elle est corrélée au ni- pendent pour leurs déplacements du quotidien. veau d’urbanisation du territoire et à la présence 38 % des automobilistes ont une voiture de plus de transports collectifs et autres services de mo- de 10 ans. Ce sont notamment les foyers aux plus bilité. Dans les communes isolées, la part des per- faibles revenus, les jeunes, les demandeur.se.s sonnes déclarant avoir le choix dans le mode de d’emplois (56 %) et les ouvrier.e.s. transport n’est que de 26 % quand elle atteint 80 % dans les villes centres des grandes métropoles. En D’une part, leur coût d’usage, lié au prix des car- 2019, 89 % des habitant.e.s des communes isolées burant et à leur forte consommation, pourrait de- déclaraient déjà ne pas avoir le choix. venir rédhibitoire, mais en plus il ne sera plus pos- sible à terme de les utiliser dans les zones à faibles On peut enfin mettre en lien la dépendance à la émissions, qui couvriront les agglomérations de voiture individuelle avec l’évolution des pratiques plus de 150 000 habitants en 2025. sur les deux dernières années. Si trois Français.e.s sur quatre n’ont pas modifié leurs habitudes de DATE DE MISE EN CIRCULATION DE LA VOITURE ANCIENNETÉ DE MISE EN CIRCULATION DU VÉHICULE Base : répondant.e.s possédants une voiture , n = 8 826 EN FONCTION DU REVENU NET MENSUEL DU FOYER Base : répondant.e.s possédants une voiture , n = 8 826
PAGE 23 DU RENONCEMENT À LA NON-MOBILITÉ Quels sont les impacts sociaux de cette précarité mobilité ? Le Baromètre prend en compte deux phénomènes pour les mesurer : les renoncements et la non-mobilité. LES RENONCEMENTS 2. Pour 22 % d’entre eux, un renoncement est ap- paru pour la première fois en raison de la crise sanitaire. Il s’agit de ménages préalablement En 2021 plus d’1/4 des Français.e.s déclarent vulnérables (classe moyenne basse) : artisans avoir renoncé, en raison de problèmes de trans- et commerçants, foyers dont le revenu se si- port, au moins une fois lors des cinq dernières tue entre 1 500 et 2 000 € par mois, personnes années à un emploi, à un rendez-vous médical de plus de 85 ans. ou administratif, à des loisirs, ou à visiter leurs 3. 28 % d’entre elles sont, enfin, des personnes proches. 17 % ont même renoncé plusieurs fois. qui ont réorganisé leur mobilité du fait de On observe une distribution très homogène des la crise. Il s’agit ici de catégories nettement motifs de renoncement. Depuis deux ans, cette moins vulnérables : cadres, personnes au ni- tendance est en légère augmentation (+2 points), veau de mobilité fort, usagers des transports il n’y a donc eu ni amélioration ni explosion de ce en commun, qui ont adapté leurs pratiques chiffre malgré la crise sanitaire. sans enjeu social particulier. Ainsi, l’édition 2021 du BMQ confirme bien le lien entre fragilité sociale et/ou économique et renon- cement aux déplacements clés de la vie quoti- LA NON-MOBILITÉ dienne. Autre impact de la précarité mobilité, la réduction ཝ Renoncement à l’emploi : 28 % des deman- de la fréquence des déplacements. L’intensité de deur.se.s d'emploi ont renoncé au moins 1 la mobilité est calculée à partir de la récurrence fois à un emploi. Les personnes n'ayant pas le déclarée des déplacements effectués à différentes permis de conduire, les foyers aux revenus les échelles spatiales (quartier, commune, départe- plus faibles et les jeunes sont également les ment, etc.). plus touchés. ཝ Renoncement aux loisirs : 23 % y ont renoncé On observe une forte corrélation entre l'intensi- au cours des 5 dernières années. té de la mobilité d'une part, et l'âge ou le revenu ཝ Renoncement à la santé : si les seniors ont d'autre part. moins renoncé que le reste de la population, lorsqu’ils l’ont fait, dans 42 % des cas c'était ཝ 32 % des foyers gagnant moins de 1 000 euros pour un rendez-vous médical. net par mois, ont une faible mobilité quoti- dienne. Le Baromètre permet de distinguer trois catégo- ཝ Une personne sur deux, parmi les plus de ries parmi les personnes qui renoncent à des dé- 85 ans, a une faible mobilité quotidienne. placements : 1. La moitié d'entre elles était déjà contrainte avant la crise, celle-ci n'a pas eu d'effet sur leur Cette non mobilité accentue les inégalités mobilité. Sont particulièrement représentées : sociales, entre les personnes qui se déplacent les demandeur.se.s d’emploi (en particulier de peu et le subissent, et qui ont une empreinte longue durée), ouvrier.e.s, foyers aux revenus environnementale de fait limitée, et de l’autre côté inférieurs à 1 000 €, personnes n’ayant pas de les personnes qui peuvent se déplacer davantage, services de mobilité à proximité de chez elles. mais qui pèsent plus lourd sur le budget carbone.
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