Mobilité - LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N 2

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Mobilité - LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N 2
Mobilité                  RAPPORT | MARS 2022

  LA DÉPENDANCE AUX
CARBURANTS FOSSILES
 SOURCE DE PRÉCARITÉ
 BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N°2
Mobilité - LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N 2
PAGE 2   RAPPORT MOBILITÉ

               sommaire

                                07                  LE RAPPORT
                                                      EN BREF

                                                    11
                                CONTEXTE
                            ཝ L a d o u b le
                              u r g e n ce
                              c l i m a tiq u e
                              e t so ciale
                            ཝ N o tr e méth o d e
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                                                    31
                                                     F E U I L L E D E R O U TE
                                                    ཝ F ace à la cr is e
                                                      én er g étiq u e, les

19
                                                      mes u r es d ’u r g en ce
                                                    ཝ F ace au d éf i climati que
                                                      et s o cial, u n p lan
                                                      d ’acco mp ag n emen t
                                                      ver s la mo b ilité
                                                      d u r ab le p o u r to u s

                                       ENQUÊTE
ཝ 1 3 ,3 mi l l i o n s d e pe r so n nes en " pr écar it é mo bilit é"
ཝ Le s fa c t e u r s d e pr é c a r i t é
ཝ Du re no n c e m e n t à l a n o n - mo bilit é
ཝ De s i né ga l i t é s e n t r e t e n u es par les po lit iqu es pu bliqu es
ཝ De l ’ a ut o so l i sm e à l a m obilit é du r able : les fr ein s per sist e nt
ཝ 1 6 % d es a u t o m o b i l i st e s so n t dispo sés
  à e s s a y e r u n a u t r e m o y en de t r an spo r t
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                                        édito
Un constat s'impose : en France, nous n'avons pas tous         largement pour réduire les émissions du premier
au quotidien la liberté de choisir la façon dont nous          secteur émetteur de gaz à effet de serre.
nous déplaçons, de choisir les solutions de mobilité
                                                               La politique des petits pas, au regard du défi
qui, selon nos contraintes respectives, sont les plus
                                                               gigantesque de la décarbonation des transports, se
vertueuses pour l’environnement.
                                                               révèle inadaptée, et même créatrice d’inégalités. C’est
Regardons la réalité en face, notre Baromètre démontre         le second enseignement de ce Baromètre. Les efforts
que 13,3 millions de Français.e.s sont confrontés à la         mis pour expérimenter, dans tous les territoires,
précarité mobilité. En grande partie dotés de revenus          des combinaisons d’intermodalité et les rendre
limités, ces “précaires mobilité” sont d’abord ceux qui,       confortables, renforcer les transports publics, rendre la
coincés avec une voiture thermique consommatrice,              France cyclable, favoriser le partage de véhicules, sont,
sans alternative, ou contraints à de longues distances,        de fait, insuffisants.
se retrouvent à la merci de la hausse des prix à la
                                                               L’heure est donc à la mobilisation. Limiter la casse n’est
pompe. L’électrique est une des issues mais encore peu
                                                               pas une politique publique quand la précarité mobilité
accessible. Si rien ne change dans les années à venir,
                                                               est devenue le quotidien d’1 personne sur 5.
le piège social se refermera sur les automobilistes qui
n’auront ni alternative à la voiture, ni les moyens de         N’est-il pas temps de se donner une chance de faire
passer à l’électrique.                                         autrement ? N’est-il pas temps de donner à voir et
                                                               diffuser les expériences et les succès de territoires
Les précaires sont aussi les personnes sans permis,
                                                               que rien ne prédestinait à faire autrement si ce
ni voiture, ni vélo, ni même abonnement de transport
                                                               n’est la volonté d’habitants, entrepreneurs ou élus
en commun. Celles-ci sont les grandes oubliées des
                                                               déterminés ? N’est-il pas temps de créer les métiers
politiques de mobilité, possiblement empêchées d’aller
                                                               verts de la mobilité de demain ? Les transports en
travailler, d’accéder aux soins ou encore contraintes
                                                               commun, les pistes cyclables et le covoiturage ont déjà
dans leur vie sociale. Pour tous les précaires de la
                                                               trouvé ici où là leur place dans les territoires périurbains
mobilité, le choix au quotidien est limité voire inexistant.
                                                               ou ruraux. Les retours de terrains prouvent qu’une part
Nous payons là le lourd tribut de la métropolisation des       significative de la population s’empare des alternatives
50 dernières années qui construit le monopole de la            lorsqu’elles sont bien pensées. Ils prouvent aussi que
voiture dans de nombreux territoires de France. Nous           sortir du tout-voiture va de pair avec une amélioration
payons également le poids des aprioris, selon lesquels         des conditions de vie : réduction de la pollution, du bruit,
« on ne pourrait pas faire autrement », selon lesquels         baisse des budgets transports pour les ménages… Si la
le vélo ne serait que pour les centres-villes, la voiture      voiture thermique est devenue vecteur de précarité à
l’unique vecteur de liberté et les alternatives vaudraient     l’heure de la crise énergétique et climatique, elle doit
privation du droit à la mobilité. Comme si la transition       retrouver sa juste place, en complément des autres
écologique ne pouvait être qu’un moins disant                  solutions de mobilité. Parallèlement, nous devons
social. Ces aprioris sont devenus, à l’heure de la crise       travailler l’accessibilité des véhicules électriques pour
énergétique et climatique, d’impardonnables raisons            les plus contraints.
de laisser des millions de personnes dans la précarité.
                                                               L’évidence s’impose : offrir à chacun la liberté de choisir
Si la capacité de choisir pour chacun au quotidien n’est       entre plusieurs modes de déplacement est autant une
pas à la hauteur, la question qui se pose est celle des        conquête sociale qu’une conquête écologique. Telle
moyens que nous mobilisons, collectivement, pour               devrait être la priorité du gouvernement à l’issue des
développer les alternatives à la voiture solo et plus          élections de 2022.

             STÉPHANIE CLÉMENT-GRANDCOURT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA FNH
             FLORENCE GILBERT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE WIMOOV / GROUPE SOS
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               le rapport
                                            en bref
Le Baromètre des mobilités du quotidien est né            Le Baromètre met tout d’abord en évidence que
en 2019, d’une double ambition portée par la              13,3 millions de personnes sont en situation
Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov.            de précarité en matière de mobilité. Elles
La première était de mieux comprendre les                 représentent 27,6 % de la population totale des
pratiques de mobilité, dans leur diversité, depuis        18 ans et plus.
les centres-villes où la densité de l’offre de services
répond déjà à une large partie des besoins,               Cette précarité mobilité rassemble deux familles
jusque dans les zones rurales, là où l’accès aux          de situation.
solutions alternatives à la voiture est limité. La
                                                          Tout d’abord, une situation d’insécurité en
deuxième ambition était, en nous appuyant sur
                                                          matière de mobilité qui touche 9 millions de
nos expertises croisées, d’aiguiller les politiques
                                                          personnes, soit 18 % des Français de 18 ans et
publiques sur le long cours.
                                                          plus. Parmi ces millions de Français, le Baromètre
Cette deuxième édition du Baromètre des mobilités         nous apprend ainsi que :
intervient dans un contexte unique, mêlant une
                                                          ཝ 3,6 millions d’entre eux sont notamment
mise en application de la Loi d’orientation des
                                                            concernés par la "précarité carburant" : il
mobilités, deux années de crise sanitaire au
                                                            s’agit des personnes qui ont un bas revenu,
lourd tribut social, la guerre en Ukraine et ses
                                                            des dépenses en carburant élevées et /ou qui
conséquences énergétiques et économiques en
                                                            doivent déjà restreindre leurs déplacements.
Europe, et une urgence chaque jour plus grande
de lutter contre le changement climatique. Le             ཝ 4,3 millions sont notamment concernés par la
secteur des transports est, en France, le secteur           "vulnérabilité mobilité". Celle-ci caractérise
le plus émetteur (31% des émissions de gaz à effet          les ménages à bas revenu qui ont des
de serre). Mais les émissions ne baissent pas et la         conditions de mobilité contraignantes, telles
dépendance massive à la voiture individuelle y est          qu’une longue distance à parcourir, l’absence
pour beaucoup.                                              d’alternative à la voiture ou des véhicules
                                                            vieillissant.
Le Baromètre des mobilités du quotidien est               ཝ 5,3 millions de Français sont notamment
une enquête, menée entre octobre et décembre                concernés par la "dépendance à la voiture".
2021 auprès d’un large panel de Français,                   Ce facteur est bien plus large et n’est pas lié à la
répartis au sein des 13 régions métropolitaines             situation économique personnelle. Il concerne
et représentatifs de la diversité de la population.         tous les automobilistes qui ont des dépenses
13 105 personnes ont ainsi participé à l’enquête            élevées en carburants, et des conditions de
via 2 000 enquêtes réalisées par téléphone et               mobilité contraignantes comme les longues
11 000 en auto-administration sur Internet.                 distances ou qui n’ont pas d’autre choix que la
                                                            voiture.
Dans cette deuxième édition, Wimoov et la FNH
apportent un nouvel éclairage sur la réalité              Notons que 2,5 millions de Français cumulent
sociale des mobilités et identifient les moyens de        deux ou trois de ces facteurs. Ensuite, s’ajoutent
transformer nos politiques publiques pour faire           à ce chiffre 4,3 millions de Français, soit 8,5 %
enfin rimer lutte contre le changement climatique         de la population, qui n’ont aucun équipement
et progrès social.                                        individuel ou abonnement à un service de
                                                          transport collectif.
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         Ce chiffrage de 13,3 millions de personnes             Wimoov et la FNH appellent ainsi le futur
         concernées par la “précarité mobilité”, met en         gouvernement à :
         lumière les fragilités d'une société toute entière,
         dépendante de la voiture individuelle - et, pour       1.   Renforcer les mesures d’urgence face à la
         la majorité des automobilistes, des carburants              crise énergétique
         fossiles - ou tout simplement oubliée des politiques
                                                                ཝ Favoriser le partage de véhicules : systématiser
         publiques. D’autant que les difficultés pour se
                                                                  les aires de covoiturage dans toutes les
         déplacer peuvent parfois se cumuler aux difficultés
                                                                  communes.
         pour se chauffer ou se nourrir. La France compte
         en effet 12 millions de personnes concernées par       ཝ Renforcer les aides à l’acquisition de vélos,
         la précarité énergétique logement et 5 à 7 millions      vélos électriques, vélo cargo.
         de citoyens touchés par la précarité alimentaire.      ཝ Accélérer le déploiement du réseau cyclable
                                                                  en renforçant les investissements
         Le Baromètre met également en évidence la
         défaillance des politiques publiques. Si celles-ci
         échouent à réduire les émissions de gaz à effet        2.   Lancer   un   plan  social            national
         de serre elles échouent tout autant à répondre              d’accompagnement vers les             mobilités
         aux besoins des usagers et notamment des                    durables
         plus fragiles. En cause, par exemple, le manque
         d’infrastructures cyclables dénoncé par les foyers     La prise en compte des besoins de mobilité des
         gagnant moins de 1 000 euros net par mois et les       habitants est indispensable et doit devenir la clé des
         habitant.e.s de communes isolées, la politique         politiques publiques de mobilité. Il est nécessaire
         ferroviaire (LGV) qui profite avant tout aux           de rompre avec une politique de l’offre, centrée
         plus aisés et pénalisent les autres, des voitures      sur les infrastructures. Ensuite, les entreprises ont
         électriques encore inaccessible aux classes            un rôle clé à jouer, et il est temps de faire évoluer
         moyennes et précaires.                                 la gouvernance vers plus de transversalité.
                                                                Enfin, ce plan d’accompagnement devra pouvoir
         Il est plus que jamais nécessaire de sortir de         compter sur une politique d’investissement massif
         l’impasse. C’est la condition pour respecter           notamment dans les alternatives et en particulier
         les objectifs climat et réduire durablement les        le ferroviaire. Ce plan permettra une application
         inégalités.                                            juste et ambitieuse de la Loi mobilité sur les
                                                                différents territoires au cours des années à venir.
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Chiffres clés 2022
 PRÉCARITÉ

 13,3 M de Français.es sont en situation de « précarité mobilité ».

                            9 M sont en situation                                             et       4,3 M de Français.es
                           d’insécurité mobilité                                                          n’ont aucun
                                                                                                     équipement individuel
                                                                                                        ou abonnement
                                                                                                          à un service
                                                                                                          de transport collectif.
                       3,6 M                          4,3 M
                       en précarité               en vulnérabilité
                        carburant                     mobilité

                                                                     Bas revenus et
 Bas revenus, budget                                                 conditions de mobilité
 carburant élevé                                                     contraignantes
 et /ou restrictions
 des déplacements
                                       5,3 M
                                      dépendants
                                      de la voiture
                                                          Budget carburant élevé et
                                                          conditions de mobilité
                                                          contraignantes

 RENONCEMENTS
                                                                                                   28 % des demandeur.se.s
                                                                                                   d’emploi ont renoncé au moins
                                                                                                   1 fois à un emploi.

   + d’  1 Français sur 4 déclare                                                                  23 % des étudiants ont
                                                                                                   renoncé à des activités de loisirs.
   avoir renoncé à un déplacement
   au moins 1 fois lors des cinq dernières années.
                                                                                                   42 % des seniors qui ont exprimé
                                                                                                   un renoncement, l’ont fait au moins
                                                                                                   1 fois pour un rendez-vous médical.

 FACE À LA HAUSSE DU PRIX DES CARBURANTS                                                                              ZONES
                                                                                                                    À FAIBLES
                                                                                                                    ÉMISSIONS
                + 50 %                                                  + 100 %
                  de hausse                                                de hausse
 • 43 % des personnes sans activité                           • 58 % des
                                                                                                                      77 %
 professionnelle diminueraient beaucoup                       automobilistes ne
 ou abandonneraient leur voiture.                             diminueraient pas ou peu
                                                                                                                  des Français.es
                                                              leur usage de la voiture.                            ne savent pas
 • 35 % des foyers gagnant moins                                                                                 ce qu’est une ZFE.
 de 1 500 € net par mois diminueraient
                                                                      + 14 points vs 2020
 beaucoup l'usage de la voiture.
                                                                                                               Pour   3   automobilistes
 Les personnes qui cumulent                                   La dépendance                                   sur   5, les ZFE signifieront
 bas revenus et dépendance à la                               à la voiture se                                 un changement de pratique
 voiture seront les 1ères touchées.                           renforce.                                        de mobilité ou de voiture.
Mobilité - LA DÉPENDANCE AUX CARBURANTS FOSSILES SOURCE DE PRÉCARITÉ BAROMÈTRE DES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN N 2
PAGE 10   RAPPORT MOBILITÉ
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                    contexte
Le Baromètre des mobilités du quotidien est né en 2019, d’une double ambition portée par
la Fondation pour la Nature et l’Homme et Wimoov. La première était de mieux comprendre
les pratiques de mobilité, dans leur diversité, depuis les centres-villes où la densité de l’offre
de services répond déjà à une large partie des besoins, jusque dans les zones rurales, là où
l’accès aux solutions alternatives à la voiture est limité. La deuxième ambition était, en nous
appuyant sur nos expertises croisées, d’aiguiller les politiques publiques sur le long cours.
Comment celles-ci, adossées à la loi mobilité de 2019, peuvent-elles accompagner au mieux les
citoyens dans la transition écologique ?

   LA DOUBLE URGENCE CLIMATIQUE ET SOCIALE

LA DIFFICILE DÉCARBONATION                              LES RISQUES SOCIAUX
DES TRANSPORTS                                          LIÉS AUX POLITIQUES
                                                        PUBLIQUES ACTUELLES
Les années à venir seront cruciales pour décarbo-
ner les transports. L’enjeu est inédit : réduire de     Le premier Baromètre a été initié quelques
55 % nos émissions de gaz à effet de serre (GES)        mois après le début de la crise des Gilets jaunes.
d’ici 2030 et devenir neutres en carbone d’ici 2050.    Quelques mois après que la perspective d’une
Le transport est le premier secteur émetteur en         augmentation des carburants sous l’effet de la
France (31 % des émissions). Le seul trafic de          fiscalité carbone ait mis le feu aux poudres d’une
voitures particulières pèse pour 16 % des émis-         colère sociale, celles des personnes précaires et/
sions. C’est aussi un des seuls secteurs dont les       ou dépendantes à la voiture individuelle. Il est re-
émissions ne baissent pas. Pourtant les solutions       connu que les mesures fiscales ne peuvent être
sont connues : développement des solutions plus         acceptées si elles sont injustes socialement. Mais
sobres, vélo, transports collectifs, partage de vé-     surtout, il est devenu essentiel d’alléger les bud-
hicules, réduction des déplacements contraints,         gets transports des ménages et de redonner une
conversion à l’électrique… Le virage est engagé,        capacité de choix aux citoyens quant à leur mode
et malgré tout la transformation tant attendue          de déplacement, afin de réduire la dépendance à
patine. Et pour cause : la dépendance à la voiture      la voiture. Or, actuellement, les solutions de trans-
est plus forte que jamais, les alternatives ne se dé-   ports collectifs, ou les modes actifs, ne sont pas
ploient que de manière sporadique, incomplète.          suffisamment développés ou adaptés, pour pou-
Pire, certaines pratiques, tels que le covoiturage      voir répondre aux besoins du quotidien de tous.
ou le partage de véhicule, ont reculé depuis le dé-     Le plan vélo ne couvre pas tous les territoires, les
but de la crise sanitaire. Le changement semble         services ferroviaires ne sont pas équivalents dans
parfois impossible tant les résistances sont dures      les différentes régions, les services de transport
et les contraintes économiques semblent insur-          collectif peu connectés entre les différentes ré-
montables.                                              gions. Depuis quelques années, le gap entre ceux
                                                        qui y ont accès, dans nos grandes métropoles, et
PAGE 12        RAPPORT MOBILITÉ

      ceux qui ne bénéficient d’aucun service, dans les        si, nous avons voulu aller plus loin : comprendre
      territoires moins denses, grandes couronnes, ou          les besoins de chacun, habitant.e.s des territoires
      zones rurales, est devenu de plus en plus criant.        dans leur diversité, au regard de leur situation fa-
      Quant aux véhicules électriques, ils sont encore         miliale, de leur âge, de leur catégorie sociale, de
      pour quelques années, plus chers, et donc inac-          leur activité. Le changement vers les mobilité du-
      cessibles pour une large part de la population.          rables doit être compris dans sa réalité sociale.
                                                               C’est la condition pour que les politiques pu-
      Le contexte social, marqué de manière croissante         bliques puissent accompagner chacun dans une
      par la précarité et les inégalités, ne favorise pas la   transition réussie, et que la société relève le défi
      transition vers les mobilités durables. Pire, la tran-   climatique.
      sition écologique constituerait, sans changement
      de politique majeur, un risque social accru. Aus-

      2020-2022 : DEUX ANNÉES QUI SECOUENT LES PRATIQUES

      En janvier 2020, nous appuyant sur le premier Ba-        En deux ans, la Loi d’orientation des mobilités
      romètre des mobilité du quotidien, nous alertions        – promulguée en 2019 – est entrée en application,
      sur les risques sociaux -précarité et renoncement        renforçant les compétences des collectivités terri-
      à l’emploi notamment- liés à la dépendance à la          toriales en termes de mobilité notamment celle de
      voiture individuelle. 55 % des Français.e.s di-          mettre en place des solutions durables pour tous.
      saient alors n’avoir pas le choix de leur mode
      de déplacement au quotidien, jusqu’à 87 % dans
      les zones rurales. Un actif sur 4 disait avoir déjà
      renoncé à un emploi faute de pouvoir s’y rendre.
      En parallèle, nos organisations mettaient en avant
      les aspirations fortes d’une part des Français.e.s,
      à mieux vivre les déplacements, à passer à l’élec-
      trique, voire à abandonner leur voiture. Le po-
      tentiel du vélo était très clair : il ressortait qu’1
      Français.e.s sur 2 pourrait être en mesure de se
      déplacer à vélo au quotidien si les conditions (in-
      frastructures et services) étaient réunies.

      Deux ans plus tard paraît cette seconde édition
      du Baromètre. En deux ans, la pandémie a secoué
      les habitudes de mobilité. Télétravail et réduction
      des déplacements professionnels, stratégies d’évi-
      tement des transports collectifs, déploiement des
      coronapistes pour accompagner la pratique du
      vélo, recours accru aux modes individuels… Les
      études ne manquent pas pour analyser les bou-
      leversements en cours dans ce secteur. En té-
      moignent les analyses de l’Observatoire des mobi-
      lités émergentes, portées par Chronos et Obsoco.
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NOTRE AMBITION : LIER POLITIQUES SOCIALES ET POLITIQUES
DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Mais surtout, en 2022, alors que paraît ce second      viaire transeuropéen. Il ré-ouvre aussi la difficile
Baromètre, la crise énergétique met les pays eu-       question de la fiscalité carbone, appliquée aux
ropéens face à la réalité : il est plus que jamais     carburants. La Commission propose en effet d’ins-
essentiel de sortir des énergies fossiles. C’est de-   crire à partir de 2026 les transports routiers dans
venue une question de souveraineté, mais aussi,        le système d’échange de quotas carbone (ETS-
avec l’augmentation des prix des carburants et de      Emissions trading system). Cela signifie la mise en
l’électricité, un enjeu social. La convergence des     place d’une taxe sur les carburants pour les parti-
défis sociaux, économiques et climatiques n’aura       culiers. En l’état, si l’on considère la dépendance
jamais été aussi criante.                              de notre société à la voiture individuelle et le faible
                                                       niveau de développement des alternatives, l’ETS2
Car le compte à rebours climatique s’accélère :        représente plus un risque social majeur qu’un
en Europe, la négociation sur le Green Deal, et        atout pour le climat.
le paquet de mesures Fit for 55 annonce une ac-
célération des politiques de décarbonation des         De son côté, la France, condamnée pour inaction
transports. Le Green Deal va notamment pousser         climatique par le tribunal administratif en 2021,
l’industrie automobile vers l’électrification mas-     devra avant la fin 2022 renforcer ses actions. Ce
sive, accélérer le développement des énergies re-      sera un défi majeur pour le futur gouvernement.
nouvelables, ou encore renforcer le réseau ferro-
                                                       Dans ce contexte, Wimoov et la FNH souhaitent
                                                       apporter un éclairage sur la réalité sociale des mo-
                                                       bilités, mais aussi identifier les moyens de trans-
                                                       former nos politiques publiques pour faire enfin
                                                       rimer lutte contre le changement climatique et
                                                       progrès social.

                                                           Alors que s’ouvre un nouveau mandat
                                                           présidentiel, il est temps de prendre acte
                                                           des défis sociaux et environnementaux
                                                           pour transformer les politiques publiques
                                                           et leur donner les moyens de leurs
                                                           ambitions. Déployer les solutions de
                                                           mobilité durable ne peut se réduire
                                                           à une politique d’infrastructures.
PAGE 14        RAPPORT MOBILITÉ

                                          NOTRE MÉTHODE
      Le Baromètre des mobilités du quotidien est une enquête, menée auprès d’un large panel de
      Français.e.s, répartis au sein des 13 régions métropolitaines et représentatifs de la diversité
      de la population. Le Baromètre propose une photographie de la mobilité des Français.es, les
      besoins et contraintes rencontrées, leur capacité à évoluer vers une solution répondant au
      défi environnemental, et les conditions à ce changement de pratique. Le questionnaire nous
      permet d'identifier les freins à l’accès à la mobilité durable en fonction de la situation indivi-
      duelle des personnes et les renoncements du fait d’une entrave à la mobilité.

      PLUS DE 13 000 RÉPONDANTS                           les enquêtes sont ici correctement représentées :
                                                          les personnes les plus âgées, les non-diplômées,
      À L’ENQUÊTE NATIONALE                               une partie des publics précaires et probablement
                                                          le monde rural notamment parce que les per-
      Pour l’édition 2022 du Baromètre des mobilités du   sonnes âgées y sont nettement plus nombreuses
      quotidien, ce sont 13 105 personnes qui ont par-    que la moyenne nationale. De la même façon, l’en-
      ticipé à l’enquête : 2 000 enquêtes réalisées par   quête a été soucieuse de bien prendre en compte
      téléphone et 11 000 en auto-administration sur      les territoires moins denses et en particulier le
      Internet. L’auto-administration peut générer cer-   monde rural, qui ont été volontairement surrepré-
      tains biais de réponse évidents en comparaison      sentés avant pondération.
      avec un échange téléphonique. Grâce à cette pro-
      fondeur d’échantillon, et au complément télépho-
      nique, certaines catégories de population tradi-
      tionnellement peu représentées en volume dans
                                                          UN INDICATEUR ORIGINAL
                                                          DE PRÉCARITÉ MOBILITÉ

  Les axes du questionnaire                               La précarité liée à la mobilité est un sujet de pré-
                                                          occupation croissant, complexe à cerner. Qu’est
  Ϣ Comment se déplacent les Français.e.s :
                                                          ce qui caractérise la précarité mobilité ? À partir
  équipements et services disponibles, modes
                                                          de quand peut-on dire que l’on est précaire de la
  utilisés, fréquence, capacité de choix…
                                                          mobilité ? Le prix des carburants est l’indice le plus
  Ϣ Comment et pourquoi leur mobilité                     observé d’un point de vue sociétal, pourtant il ne
  a-t-elle évolué depuis 2 ans ?                          peut pas être le seul indicateur. La FNH et Wimoov
                                                          ont souhaité aller plus loin pour définir la préca-
  Ϣ Quels sont les freins au report modal : vers
                                                          rité.
  le vélo, les transports collectifs, le covoiturage ?
  Quels sont les freins au passage à l’électrique ?
                                                          Tout d’abord, en nous appuyant sur l’expertise
  Ϣ Quelle est la sensibilité aux enjeux                  d’Auxilia et TMO, nous prenons en compte un pre-
  environnementaux, aux politiques publiques en           mier indicateur, composite, reflétant la multipli-
  matière de mobilité et à l’évolution du contexte ?      cité des facteurs qui mettent les individus et les
                                                          ménages, et en particulier les automobilistes, en
  Sur la base des résultats de cette enquête
                                                          difficulté, ou dans des situations à risque. Cette
  et de leur analyse croisée, la FNH et
                                                          première étape nous a permis de mesurer l’insé-
  Wimoov formulent leurs recommandations
                                                          curité qui pèse sur la mobilité.
  à l’attention des politiques publiques.
                                                          Outre ces situations, nous avons également consi-
                                                          déré comme précaires les personnes qui déclarent
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    ne disposer d’aucun équipement de mobilité :                                         les données de l’Enquête Nationale Transports
    permis voiture, voiture, vélo, abonnement aux                                        Déplacements 2008 de l’INSEE. Pour ce faire, nous
    transports en commun, abonnement aux vélos en                                        avons calculé à partir des données du Baromètre
    libre-service ou trottinette.                                                        des mobilités du quotidien 2021, 6 facteurs, qui
                                                                                         reflètent différentes causes (ressources finan-
    L’indicateur composite est construit à partir d’une                                  cières, dépense en énergie, condition de mobilité),
    méthode inspirée des travaux d’Audrey Berry, en                                      et dimensions (économique, technique, géogra-
    collaboration avec Céline Guivarch, Yves Jouffe et                                   phique). En les croisant, nous pouvons identifier
    Nicolas Coulombel, publiés en 2016 dans un ar-                                       trois situations distinctes et complémentaires : la
    ticle intitulé Comment mesurer la précarité éner-                                    précarité carburant, la vulnérabilité en matière de
    gétique en matière de transport et reposant sur                                      mobilité et la dépendance à la voiture.

                                                                                                          PRÉCARITÉ            VULNÉRABILITÉ          DÉPENDANCE
     DIMENSIONS                                       FACTEURS
                                                                                                         CARBURANT              DE MOBILITÉ           À LA VOITURE
     Ressources financières                           Bas revenu
                                                      Restriction de l’usage de la voiture
     Pratiques de mobilité
                                                      Dépenses élevées en carburant
                                                      Mauvais ajustement spatial ou distances
                                                      parcourues élevées
     Condition de mobilité
                                                      Absence d’alternatives à la voiture
                                                      Véhicule à faible rendement
     Volume de personnes concer-
                                                                                                               7%                   8,50%                 10,50%
     nées, base échantillon BMQ 2021
                                                    Part de la population à risque
                                                                                                                                    18%
                                 (précarité et/ou vulnérabilité et/ou dépendance)
    Il est important de noter la notion de « cumul au moins », par exemple sont en situation de précarité carburant les personnes
    à bas revenus et devant restreindre leur usage de la voiture ou devant assumer des dépenses élevées en carburant.

CAUSES ET DIMENSIONS                      FACTEURS CONSIDÉRÉS                                                             DÉFINITION

                                                                                  En retenant un seuil (dur) de pauvreté à 5 % du revenu par Unité de consommation
Ressources financières                            Bas revenus                     (UC) médian national (1 837 €), on définit un seuil de pauvreté à 900 € par UC.
                                                                                  17% des personnes interrogées.
                                                                                  Auto-solistes ayant indiqué avoir renoncé plusieurs fois à
                                      Restriction de l’usage de la voiture        des déplacements lors des 5 dernières années.
Pratiques de mobilité                                                             9 % des personnes interrogées
                                    Dépenses individuelles de carburant           Le carburant représente 5 % et plus du budget du ménage.
                                   élevées par rapport au revenu ménage       18 % des personnes interrogées
                                         Mauvais ajustement spatial           Calculé en fonction de l’intensité de la mobilité à l’échelle
                                  (distance à l’emploi et aux services essen- de la semaine et de la portée des déplacements.
                                           tiels de la vie courante)          7,5 % des personnes interrogées
                                       Absence d’alternative à la voiture     Auto-solistes ayant déclaré une absence d’alternative.
Conditions de mobilité                           (autosolistes)               35 % des personnes interrogées.
                                                                                  Véhicules diesel de 10 ans et plus et les véhicules de plus de 15 ans,
                                              Voiture personnelle                 reprenant la logique Crit’air et en focalisant sur les niveaux 3 et plus.
                                       à faible rendement énergétique             22 % des personnes interrogées, 31 % des automobilistes
                                                                                  et personnes ayant accès à une voiture.
PAGE 16         RAPPORT MOBILITÉ

     2020 – 2022 : que
     s’est-il passé depuis 2 ans ?
     … dans les modes de déplacement des Français.es

                     Stabilité du mode de                                                      Des équipements en voiture
                    déplacement principal                                                       individuelle qui évoluent

                              Pour    71 % des Français.es                                                        - 5 points pour les
                              vs 72 % en 2020                                                                     ménages habitants dans les
                                                                                                                  petits et moyens pôles urbains
                              Pour 16 % des Français.es qui
                              utilisent les transports collectifs                                                 + 2,8 points pour les
                              vs 17 % en 2020                                                                     voitures hybrides ou électriques

                                                    L’accès aux services de proximité

                 Le libre-service marque une
                       percée significative.                                                                     15 %
                                                                                                    des Français.es disent n’avoir
                     20 %                             11 %                                       aucun service de mobilité.
               disent avoir accès             à des trottinettes                                               contre 10 % en 2020
                  à des vélos                     vs 6 % en 2020
                 vs 17 % en 2020

          12 %                 des Français.es pratiquent
                               la multimodalité*.                                          6 % l’intermodalité*.
                                                                                                               des Français.es pratiquent

                               + 4 points vs 2020                                                              - 4 points vs 2020

          *Usage de différents modes en fonction du trajet
                                                                                            *Usage de différents modes sur un même trajet

                                      55 %                    des Français.es disent avoir le choix
                                                              de leur mode de déplacement.

                                                              + 10 points vs 2020

                                   Le Baromètre N°1, publié en janvier 2020, repose sur une enquête menée au dernier trimestre 2019.
                                   Le Baromètrre N°2, publié en mars 2022, repose sur une enquête menée au dernier trimestre 2021.
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… dans leurs habitudes de mobilité

                         1 Français.e sur 4 a changé ses habitudes de mobilité.

                                            La marche    Le co-voiturage         Les transports
                                                                                  en commun

                                                        Pour 3 raisons*

                                     Le confort             Faire des          Réduire son impact
                                                           économies            environnemental

           Les Français.es qui n’ont pas changé leurs habitudes de mobilité

                                  • des ouvriers, dont les emplois sont souvent situés en périphérie des zones urbaines

       80 %                       • des employés ne pratiquant pas le télétravail
                                  • des habitants des couronnes périurbaines, des petits et moyens pôles urbains

                                                   Prêts pour le changement ?

                                   16 %
          des Français.es utilisant un véhicule thermique
                                                                                Vélo éléctrique   Voiture éléctrique
              seraient prêts à essayer un mode
                     alternatif au profit de :                                     18 %               21 %

                                                 Quels leviers au changement ?

           20 %                      des personnes prêtes à la transition disent
                                     avoir besoin de conseils ou d’informations.

* Hors problématiques sanitaires directes
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                             enquête
                   13,3 MILLIONS DE PERSONNES EN
                  SITUATION DE PRÉCARITÉ MOBILITÉ
La précarité carburant, la vulnérabilité économique, la dépendance à la voiture et même le
non-équipement sont autant de facteurs de précarité qui pour un certain nombre de per-
sonnes se cumulent, et qui pèsent sur le quotidien de 13,3 millions de Français.e.s.

9 MILLIONS DE PERSONNES
EN SITUATION D'INSÉCURITÉ MOBILITÉ

Comme évoqué plus haut, il s’agit d’un indicateur                                      La dépendance à la voiture
composite permettant de prendre en compte les                                    L’indice de “dépendance à la voiture” concerne
différentes facettes de la précarité. Trois indices                              les ménages qui cumulent des dépenses élevées
distincts le composent : la “précarité carburant,”                               de carburant et des conditions de mobilité contrai-
la “vulnérabilité mobilité” et la “dépendance à la                               gnantes, longues distances ou absence d’alterna-
voiture”.                                                                        tive à la voiture. Cette dépendance est une réali-
                                                                                 té pour 10,5 % de la population, soit 5,3 millions
    La précarité carburant                                                       de personnes en France. Si cette catégorie de
L’indice de “précarité carburant” concerne les                                   population n’est pas classiquement considérée
ménages modestes, qui ont des dépenses en                                        comme “précaire”, la dépendance à la voiture
carburant élevées et /ou qui doivent déjà res-                                   fait peser un risque réel de basculer dans la pré-
treindre leurs déplacements. Elles sont dès lors                                 carité.
particulièrement sensibles à la fluctuation du prix
à la pompe. Les résultats du Baromètre nous per-                                 Ces 3 facteurs - précarité carburant, vulnérabilité
mettent d’estimer qu’elle touche 7 % de la popula-                               mobilité et dépendance à la voiture - se cumulent :
tion1 , soit 3,6 millions de personnes.                                          5 % des répondants au Baromètre cumulent au
                                                                                 moins deux de ces facteurs, soit une estimation au
    La vulnérabilité mobilité                                                    total pour la France de 2,5 millions de personnes.

L’indice de “vulnérabilité mobilité” concerne                                    En considérant les cas de cumul, 18 % de l’échan-
les ménages qui cumulent un bas revenu avec                                      tillon du Baromètre est dans une situation d'insé-
des conditions de mobilité contraignantes, telles                                curité mobilité. Ainsi au niveau national, on estime
qu’une longue distance à parcourir au quotidien                                  que 9 millions de personnes sont concernées.
pour aller travailler, l’absence d’alternative à la voi-
ture ou des véhicules au faible rendement énergé-
tique. Les résultats du Baromètre nous permettent
d’estimer qu’elle touche 8,5 % de la population,
soit 4,3 millions de personnes.

1        La population française de 18 ans et plus représente 50,8 millions de personnes.
PAGE 20        RAPPORT MOBILITÉ

                                                           4,3 MILLIONS DE PERSONNES NE
                                                           DISPOSENT D’AUCUN ÉQUIPEMENT
                                                           DE MOBILITÉ
                                                           Le Baromètre révèle ensuite qu’une part significa-
                                                           tive de la population ne dispose, en propre, d’au-
                                                           cun équipement de mobilité : sans voiture, sans
                                                           permis, sans vélo, sans abonnement aux trans-
                                                           ports en commun ou à un service partagé. C’est
                                                           le cas de 8,5 % des personnes interrogées; aussi
                                                           l’on peut estimer que le sous-équipement touche
                                                           4,3 millions de Français.e.s2. On observe qu’au
                                                           sein de cette population, les foyers gagnant moins
                                                           de 1 500 euros nets mensuels sont particulière-
                                                           ment représentés (16 % d’entre eux), ainsi que
                                                           les demandeur.se.s d’emplois (18 % d’entre eux),
                                                           les non diplômés (20 % d’entre eux), et les adultes
                                                           sans enfants (21 % d’entre eux). Le coût ressort
                                                           ainsi comme un obstacle à la mobilité.

                                                           Le cas des demandeur.se.s d’emploi mérite
                                                           d’être regardé de plus près. 18 % d’entre eux ne
                                                           disposent d’aucun équipement. Et ce phéno-
                                                           mène se renforce quand le chômage se prolonge.
                                                           32 % d’entre eux ne possèdent pas le permis de
                                                           conduire, quand c’est le cas de 12 % seulement si
                                                           l’ensemble des plus de 18 ans. Ce chiffre passe à
                                                           36 % pour les chômeurs de plus de 2 ans.

                                                           2              10 % des personnes interrogées dans le cadre du Baromètre disent
                                                           ne posséder aucun équipement de mobilité. (On observe bien 10 % de l’échan-
                                                           tillon total sans équipement à titre individuel, soit une estimation de 5,1 mil-
                                                           lions de personnes de 18 ans et plus. Notons toutefois que parmi ces personnes
                                                           sans équipement à titre individuel, 15 % sont dans un foyer « équipé », 85 %
                                                           dans un foyer non équipé. Les personnes ni équipées à titre individuel, ni au
                                                           titre du foyer représentent 8,5 % de l’échantillon, soit 4,3 millions de personnes.

          Au total : 13,3 millions de      Cela peut aller jusqu’à                           bliques se sont enfermées,
          personnes, en situation de       une non mobilité, subie,                          en privilégiant la route au
          précarité ou qui risquent        socialement excluante.                            détriment des transports
          d’y basculer, notamment                                                            collectifs et du vélo pendant
          avec l’augmentation des          Ces chiffres illustrent une                       de nombreuses années. Ils
          prix des carburants. Ces         dimension concrète des                            illustrent des politiques pu-
          chiffres donnent le vertige.     inégalités actuelles qui                          bliques qui ont faux sur toute
          Ils traduisent des difficultés   traversent la vie quoti-                          la ligne parce qu’elles entre-
          concrètes pour se déplacer       dienne des Français.e.s.                          tiennent voire accroissent les
          au quotidien. Ce sont des                                                          inégalités et parce qu’elles
                                           Ces chiffres sont également
          emplois, des rendez-vous                                                           favorisent des niveaux
                                           le reflet d’une impasse dans
          médicaux, auxquels les                                                             élevés d’émission de CO2.
                                           laquelle les politiques pu-
          personnes renoncent.
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                                 LES FACTEURS DE PRÉCARITÉ
À travers les réponses au questionnaire du Baromètre, nous avons approfondi l'analyse
de trois facteurs majeurs de précarité : la hausse du prix des carburants fossiles, l’absence
d’alternatives à la voiture individuelle et le vieillissement des véhicules.

LA HAUSSE
DES PRIX DES CARBURANTS

Le Baromètre teste à travers son questionnaire                                        Le Baromètre révèle que pour plus de 70 % des
différents scénarios de hausse des prix des car-                                      automobilistes, une hausse des prix à la pompe
burants (+15 %, +30 %, +50 % et doublement) afin                                      jusqu’à 30 % n’aurait pas ou peu d’incidence sur
d’évaluer l’impact sur l’usage de la voiture. Il est                                  leur usage. Y compris si le prix doublait, seul un
à noter que l’enquête a été réalisée à l’automne                                      tiers des automobilistes réduirait fortement ou
2021, alors que la hausse des prix en France était                                    n’utiliserait plus du tout la voiture. La comparaison
déjà engagée et constatée par les automobilistes.                                     des résultats des enquêtes 2019 et 2021 révèle ici
A l'heure où nous publions, la crise énergétique                                      un renforcement de la dépendance à la voiture
en Europe rend particulièrement prégnante cette                                       individuelle3. Certaines catégories de populations
problématique.                                                                        se révèlent particulièrement dépendantes à la voi-
                                                                                      ture et contraintes de se déplacer quel que soit
Le premier enseignement à retenir est que la                                          le niveau de hausse des prix. C’est le cas des ou-
fluctuation des prix des carburants fossiles et                                       vrier.e.s, qui disent n’avoir pas le choix par ailleurs
l’incertitude a des effets profondément inéga-                                        à 56 %, en lien avec des emplois souvent situés en
litaires. En cas de hausse des prix, les premiers                                     périphérie des zones urbaines. De manière géné-
touchés sont les plus précaires. En effet, une                                        rale, les personnes ne pratiquant pas le télétravail
hausse de 15 % affecterait d’abord les demandeur.                                     se déclarent à 52 % dépendants de la voiture. On
se.s d’emplois, et les employés : 23 % des em-                                        observe ici un phénomène de “double peine”.
ployé.e.s et 22 % des demandeur.se.s d’emplois
diminueraient beaucoup ou abandonneraient leur                                        Dernier élément d’analyse à prendre en compte :
usage de la voiture personnelle. Ce sont ensuite                                      les automobilistes les moins sensibles sont les
les foyers gagnant moins de 2 000 euros, les pro-                                     propriétaires de voitures électriques ou hybrides.
priétaires de véhicules anciens et les personnes                                      La part croissante de ces véhicules dans le parc
âgées qui changeront leurs pratiques de manière                                       sera un moyen d’accroître la résilience de la po-
contrainte, et sans nécessairement pouvoir choi-                                      pulation à condition de favoriser un accès large
sir une autre alternative.                                                            à ces véhicules, y compris aux personnes les plus
                                                                                      dépendantes à la voiture, et aux plus précaires ;
Second enseignement : le seul prix n’est pas un                                       ce qui n’est pas le cas pour l’instant. L’inégalité
moteur de changement de pratiques pour aller                                          perçue aujourd’hui pourrait s’aggraver dans les
vers d’autres modes, celui-ci étant indissociable-                                    années à venir si rien n’est fait pour faciliter l’accès
ment lié au fait d’avoir le choix.                                                    à ces véhicules ou aux alternatives.

3             Les automobilistes interrogés en 2021 maintiendraient bien plus leur usage de la voiture qu’en 2019, et
ce notamment lorsque l’augmentation est supérieure à 30 %, avec une progression de +14 à +17 points. 1 automobi-
liste sur 3 maintiendrait ainsi son usage en cas de hausse de 50 % ou de 100 %, contre 1 sur 4 en 2019.
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                                                                 mobilité face à la crise sanitaire, c’est aussi lié à
        L’ABSENCE D’ALTERNATIVE
                                                                 la dépendance à la voiture. Deux profils de Fran-
        À LA VOITURE DANS LES                                    çais.e.s n’ont particulièrement pas modifié leurs
        TERRITOIRES PEU DENSES                                   habitudes de mobilité : celles vivant dans des ter-
                                                                 ritoires moins pourvus en offres de mobilité, et
                                                                 les personnes dont les emplois présentent des
        45 % des répondant.e.s à notre enquête déclarent
                                                                 contraintes particulièrement fortes en matière
        en 2021 ne pas avoir la possibilité de choisir entre
                                                                 de mobilité (longues distances notamment et ab-
        différents modes de transport pour leurs déplace-
                                                                 sence d’alternative à la voiture individuelle).
        ments du quotidien.
                                                                 De même, on constate que les Français.e.s qui
        Première remarque, cette absence de choix est
                                                                 n’ont pas le choix restent prisonniers de la voiture
        moins marquée qu’il y a deux ans, où elle s’élevait
                                                                 en cas de hausse des prix du carburant (+4 à 5
        à 55 %. Ce changement significatif (10 points), alors
                                                                 points par rapport à la moyenne nationale sur l’en-
        que les pratiques, elles, sont relativement stables,
                                                                 semble des niveaux d’augmentation). L’absence
        peut s’expliquer par le déploiement de services de
                                                                 de choix a un coût : plus on s’éloigne des grands
        mobilité (vélos, trottinettes, voitures partagées,
                                                                 centres, plus les dépenses de carburant sont éle-
        transports à la demande) dans de nombreux ter-
                                                                 vées.
        ritoires, mais aussi, plus largement par une plus
        grande conscience des services disponibles dans
        les territoires. La crise sanitaire, en recentrant les
        populations sur la proximité a pu jouer un rôle en       LE VIEILLISSEMENT DU PARC
        ce sens.

        L’absence de choix est ensuite très liée à l’usage       L’ancienneté des véhicules est un facteur de pré-
        de la voiture individuelle comme mode principal          carité croissant pour les personnes qui en dé-
        de déplacement. Parce qu’elle est corrélée au ni-        pendent pour leurs déplacements du quotidien.
        veau d’urbanisation du territoire et à la présence       38 % des automobilistes ont une voiture de plus
        de transports collectifs et autres services de mo-       de 10 ans. Ce sont notamment les foyers aux plus
        bilité. Dans les communes isolées, la part des per-      faibles revenus, les jeunes, les demandeur.se.s
        sonnes déclarant avoir le choix dans le mode de          d’emplois (56 %) et les ouvrier.e.s.
        transport n’est que de 26 % quand elle atteint 80 %
        dans les villes centres des grandes métropoles. En       D’une part, leur coût d’usage, lié au prix des car-
        2019, 89 % des habitant.e.s des communes isolées         burant et à leur forte consommation, pourrait de-
        déclaraient déjà ne pas avoir le choix.                  venir rédhibitoire, mais en plus il ne sera plus pos-
                                                                 sible à terme de les utiliser dans les zones à faibles
        On peut enfin mettre en lien la dépendance à la          émissions, qui couvriront les agglomérations de
        voiture individuelle avec l’évolution des pratiques      plus de 150 000 habitants en 2025.
        sur les deux dernières années. Si trois Français.e.s
        sur quatre n’ont pas modifié leurs habitudes de

 DATE DE MISE EN CIRCULATION DE LA VOITURE                 ANCIENNETÉ DE MISE EN CIRCULATION DU VÉHICULE
 Base : répondant.e.s possédants une voiture , n = 8 826   EN FONCTION DU REVENU NET MENSUEL DU FOYER      Base : répondant.e.s
                                                                                                           possédants une
                                                                                                           voiture , n = 8 826
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           DU RENONCEMENT À LA NON-MOBILITÉ
Quels sont les impacts sociaux de cette précarité mobilité ? Le Baromètre prend en compte
deux phénomènes pour les mesurer : les renoncements et la non-mobilité.

LES RENONCEMENTS                                          2. Pour 22 % d’entre eux, un renoncement est ap-
                                                             paru pour la première fois en raison de la crise
                                                             sanitaire. Il s’agit de ménages préalablement
En 2021 plus d’1/4 des Français.e.s déclarent                vulnérables (classe moyenne basse) : artisans
avoir renoncé, en raison de problèmes de trans-              et commerçants, foyers dont le revenu se si-
port, au moins une fois lors des cinq dernières              tue entre 1 500 et 2 000 € par mois, personnes
années à un emploi, à un rendez-vous médical                 de plus de 85 ans.
ou administratif, à des loisirs, ou à visiter leurs       3. 28 % d’entre elles sont, enfin, des personnes
proches. 17 % ont même renoncé plusieurs fois.               qui ont réorganisé leur mobilité du fait de
On observe une distribution très homogène des                la crise. Il s’agit ici de catégories nettement
motifs de renoncement. Depuis deux ans, cette                moins vulnérables : cadres, personnes au ni-
tendance est en légère augmentation (+2 points),             veau de mobilité fort, usagers des transports
il n’y a donc eu ni amélioration ni explosion de ce          en commun, qui ont adapté leurs pratiques
chiffre malgré la crise sanitaire.                           sans enjeu social particulier.

Ainsi, l’édition 2021 du BMQ confirme bien le lien
entre fragilité sociale et/ou économique et renon-
cement aux déplacements clés de la vie quoti-             LA NON-MOBILITÉ
dienne.
                                                          Autre impact de la précarité mobilité, la réduction
ཝ Renoncement à l’emploi : 28 % des deman-
                                                          de la fréquence des déplacements. L’intensité de
  deur.se.s d'emploi ont renoncé au moins 1
                                                          la mobilité est calculée à partir de la récurrence
  fois à un emploi. Les personnes n'ayant pas le
                                                          déclarée des déplacements effectués à différentes
  permis de conduire, les foyers aux revenus les
                                                          échelles spatiales (quartier, commune, départe-
  plus faibles et les jeunes sont également les
                                                          ment, etc.).
  plus touchés.
ཝ Renoncement aux loisirs : 23 % y ont renoncé            On observe une forte corrélation entre l'intensi-
  au cours des 5 dernières années.                        té de la mobilité d'une part, et l'âge ou le revenu
ཝ Renoncement à la santé : si les seniors ont             d'autre part.
  moins renoncé que le reste de la population,
  lorsqu’ils l’ont fait, dans 42 % des cas c'était        ཝ 32 % des foyers gagnant moins de 1 000 euros
  pour un rendez-vous médical.                              net par mois, ont une faible mobilité quoti-
                                                            dienne.
Le Baromètre permet de distinguer trois catégo-
                                                          ཝ Une personne sur deux, parmi les plus de
ries parmi les personnes qui renoncent à des dé-
                                                            85 ans, a une faible mobilité quotidienne.
placements :

1. La moitié d'entre elles était déjà contrainte
   avant la crise, celle-ci n'a pas eu d'effet sur leur      Cette non mobilité accentue les inégalités
   mobilité. Sont particulièrement représentées :            sociales, entre les personnes qui se déplacent
   les demandeur.se.s d’emploi (en particulier de            peu et le subissent, et qui ont une empreinte
   longue durée), ouvrier.e.s, foyers aux revenus            environnementale de fait limitée, et de l’autre côté
   inférieurs à 1 000 €, personnes n’ayant pas de            les personnes qui peuvent se déplacer davantage,
   services de mobilité à proximité de chez elles.           mais qui pèsent plus lourd sur le budget carbone.
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