Nouveautés - La rentrée littéraire - Entre les lignes Le plaisir de lire au Québec - Érudit
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Document generated on 03/18/2020 8:22 p.m. Entre les lignes Le plaisir de lire au Québec Nouveautés — La rentrée littéraire La littérature canadienne-anglaise Volume 7, Number 1, Fall 2010 URI: https://id.erudit.org/iderudit/62197ac See table of contents Publisher(s) Les éditions Entre les lignes ISSN 1710-8004 (print) 1923-211X (digital) Explore this journal Cite this review (2010). Review of [Nouveautés — La rentrée littéraire]. Entre les lignes, 7 (1), 30–43. Tous droits réservés © Les éditions Entre les lignes, 2010 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Nouveautés - La rentrée littéraire Le temPs qui m’est donné Jean-François beauchemin « [l]e souvenir fait-il toujours bien son travail, qui est de répa- rer ce que le réel avait abîmé? » ainsi s’interroge Jean-François ractères, dans leurs faiblesses beauchemin à travers un roman autobiographique, impression- et leurs contradictions, avec hu- niste, photographique. mour ou tendre sévérité, et les « l’essentiel de mon enfance tient dans ces détails minuscules : porte par une écriture savou- le rosbif raté du dimanche, bach qui met le feu à la maison, mes reuse, qui nous invite à relire frères et ma sœur à table qui pissent de rire, ma mère contente des passages dès la première malgré tout, et surtout mon père enfin heureux, momentané- lec ture. rompu à la beauté, à la ment en paix avec lui-même. » dans un bungalow de banlieue, profondeur, à une autre sensibi- six gamins à lunettes turbulents et questionneurs. « [a]ffalés lité, beauchemin nous réapprend dans l’enfance » (!), forcés par leur myopie à « se tourner ré- à voir. solument vers l’intérieur », ils sont toutefois si unis les uns aux ce qui ne se fera pas sans quel- autres que leur acuité sur le monde s’en trouve renforcée. Face que résistance. car une question tarabustera le lecteur : est-il à eux, une mère aimante et affairée (préalablement magnifiée possible que des enfants (ou même des adultes), à l’instant par beauchemin dans son très émouvant Cette année s’envole même où ils traversent un événement, puissent avoir une telle ma jeunesse, 2009), mais surtout un père antihéros qui, jusqu’à distance envers celui-ci, qui plus est de façon concertée? « rien la fin de sa vie, restera une énigme : projectionniste de cinéma, ne nous était révélé spontanément, répond-il finalement sur patenteux insatiable qui larde la maison d’interrupteurs, de l’autre versant du livre. [l]’intuition, la conscience, le savoir, leur clignotants et de sirènes, c’est un « homme à la pensée flot- intégration à nos cerveaux pourtant malléables n’étaient jamais tante comme un vêtement […] peu ajusté à lui-même », qui ne détachés de l’espèce de montée lente, patiente et changeante s’apaise vraiment qu’en écoutant « le vieux bach ». Fascinés, associée à l’apprentissage. » une métamorphose, donc, dont les enfants décident « d’enquêter sur son âme », ce qui donne seule l’écriture peut démonter la lenteur. et l’on serait même lieu à une reconstitution mythique incroyablement dense. tenté de dire : seule l’écriture de Jean-François beauchemin. mais si la famille beauchemin est idéalisée par le souvenir, elle Québec Amérique, 160 p. n’en demeure pas moins crédible : l’auteur cerne bien ses ca- marie-ève sévigny Anne Hébert, entre Paris et Montréal Photo : Martine Doyon En librairie le 30 septembre Michel GOSSELIN : DoMMaGE : Mais EnCoRE? : sYMpa : VaLEuR sûRE : biJou 30 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
romans, rÉcits, nouvelles en cuisine monica ali le grand restaurant de l’hôtel impérial, à londres, est un peu comme le Titanic. en haut, le beau monde, les belles manières, le luxe, l’aisance. en bas, dans les sous- sols, les rats, la misère humaine, l’exploi- tation, les illégaux qui lavent la vaisselle et pèlent les pommes de terre pour une bouchée de pain. gabriel, le chef des cui- sines, un homme droit, méticuleux, routi- nier, essaie de garder son paquebot à flot. mais la compétition est rude et les relations de travail, hyper- tendues. et quand on retrouve, dans la cave, le cadavre d’un de ses plongeurs, l’ambiance, déjà chargée, s’alourdit de suspi- cions. voilà le point de départ d’un roman étonnant, une fres- que imposante où les personnages, nombreux, sont dépeints dans toute leur humanité souffrante avec une précision chirur- gicale. monica ali, une écrivaine anglaise d’origine bangladaise, est l’auteure d’un roman, Sept mers et treize rivières, qui a connu un grand succès. tout en faisant le portrait d’une angleterre xé- nophobe et réfractaire aux changements, elle réussit ici, avec beaucoup de talent, à décrire la lente et assourdissante dé- gringolade d’un homme que rien ne semblait pouvoir ébranler. chapeau! Belfond, 627 p. marie-claude Fortin ma vie avec ces animaux qui guérissent victor-lévY beaulieu dans le monde de vlb, will shakespeare est un bouc aussi fidèle à son maître qu’un chien, qui aura pour fils victor hugo. avec le talent de conteur que nous lui connais- sons, l’auteur de James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots, livre de touchantes pages autobiographiques, où les bêtes suscitent intimité, simples moments de bonheur. « nous étions du même bord des choses », écrit-il : par les soins qu’elle exige et la constance qu’elle manifeste, la mé- nagerie de victor-lévy est un outil quotidien de compréhension du monde. « ce qui me passionne chez les bêtes, c’est qu’elles vous forcent à rester curieux. » curieux, patient, à l’écoute – autant de vertus par lesquelles les animaux iront jusqu’à le gué- rir, tant spirituellement que physiquement. un agréable bes- tiaire, porté par le lyrisme unique à vlb, où la saveur des vieilles expressions populaires donne au lecteur « un grand plaisir de commencement du monde ». seule ombre au tableau : la persis- tance avec laquelle l’auteur se met en vedette – parfois jusqu’à ˘ vlb_pub cliche 2010_entreleslignes_2.indd 1 8/16/10 2:11:20 PM automne 2010 —entre les lignes | 31
nouveautés La consteLLation du Lynx louis hamelin il y a 40 ans, le 17 octobre 1970, le corps de pierre laporte, ministre du travail et de l’immigration du gouvernement libéral du Québec, était retrouvé dans le coffre d’une chevrolet aban- dit, comme celle des étoiles donnée sur un terrain vague, à saint-hubert. la découverte de mortes. et que nous nageons son cadavre a profondément marqué notre mémoire collective. en plein arbitraire quand nous et certainement celle d’hamelin, âgé de 11 ans à l’époque, qui essayons de relier les points a dû entendre gaétan montreuil lire le manifeste du Front de pour obtenir une figure plausi- libération du Québec (FlQ) sur les ondes de radio-canada, et ble… […] nous dessinons des voir l’armée débarquer, avec ses gros sabots, dans les rues de chiens et des chaudrons, là où montréal. ça marque son écrivain en devenir. règne la glace éternelle des so- l’auteur du Joueur de flûte songeait à écrire un roman sur les leils éteints. » événements d’octobre depuis au moins 10 ans. c’est qu’il en avec ce roman à clés multiples, fallait du temps, pour transformer une matière première aussi hamelin jette la chronologie par terre, reprend toutes les piè- riche. d’autant plus que les cordes sur lesquelles il voulait jouer ces de l’histoire et refait le puzzle. entrevues avec les acteurs étaient fort sensibles. il lui fallait faire des circonstances de et les témoins des événements, fouilles dans les archives des cette mort – jamais complètement élucidées – une œuvre per- journaux, recoupements de faits, c’est à un travail de journaliste sonnelle qui, sans être un roman à thèse, prendrait position et d’enquête que nihilo se livre. mais il le fait en écrivain. en « dé- qui, sans se soumettre aux dictats du genre, se lirait comme un chiffrant » les textes. en enluminant ses descriptions. en élargis- véritable thriller. sant le cadre de son récit pour y inclure tout un monde, toute À la mort de son ancien prof de littérature, convaincu que le une société. le résultat est une réussite. séduira-t-il les lecteurs FlQ avait été le jouet d’une conspiration politique, nihilo, alter plus jeunes, qui n’ont qu’une vague idée de cette page noire de ego d’hamelin, entreprend de poursuivre les recherches là où l’histoire du Québec? on le souhaite ardemment. Boréal, 594 p. ce dernier les avait laissées. « des fois, sam, j’ai l’impression marie-claude Fortin que la lumière des faits nous parvient de très loin, lui avait-il 32 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés lience des gens ordinaires, ainsi que des Rentrée littéraire six photos en une seule page. adieu, veau, vache, cochon : le sujet du livre se nombreux personnages qui osent être Automne 2010 déplace, ne devenant que prétexte à ex- eux-mêmes, s’affirmant hors des sentiers position. bref, on goûtera ce livre en fai- battus. VLB, 464 p. Jean-François Beauchemin sant abstraction du narcissisme – un maria vieira Le temps qui m’est donné exercice que l’auteur lui-même n’est pas arrivé à faire. Trois-Pistoles, 246 p. La montagne d’or marie-ève sévigny waYson choY jours de tourmente la montagne d’or, montréal au temps de c’est le joli surnom la variole que les immigrants marie-claude boilY chinois, pleins d’es- poir, avaient cou- À 20 ans ou pres- tume de donner à Pierre-Marc Drouin que, amélia lavoie vancouver. Kiam- Si la tendance se maintient rêve de réinventer Kim n’a que trois sa vie et de se dis- ans quand il y dé- Sonia Marmen tinguer de sa fa- barque, en 1926, La Fille du Pasteur Cullen mille et de son en- avec son père veuf et sa grand-mère, sa Tome 3 — Le Prix de la vérité tourage. elle de- poh-poh. on le verra grandir au fil des vient amoureuse ans, entre l’arrivée d’une belle-mère – d’alexis thériault, une « gai-mou » qui possède un statut un jeune milicien inférieur à celui d’une épouse officielle –, plutôt réservé. enthousiaste, amélia la naissance de frères et d’une sœur, son n’entend pas les mises en garde de sa amitié avec Jack, le petit voisin irlandais, mère ni les conseils de sa famille. lors- l’éveil de ses sentiments amoureux pour qu’elle apprendra ce que révèle le mys- une compatriote. cette chronique fami- tère d’alexis, elle sera transformée à ja- liale dépeint aussi les conditions de vie Maryse Rouy mais. seule, retranchée dans son silence, difficiles du chinatown, la discrimination Une jeune femme en guerre elle n’aura de correspondance qu’avec – on refusera par exemple aux ressortis- Tome 4 — automne 1945 — été 1949 victor desmarais, milicien combattant les sants chinois de s’enrôler lors de la Karine Glorieux métis menés par louis riel. au retour de deuxième guerre mondiale. victor, l’amitié aura pris un tournant im- malgré quelques longueurs, ce roman Mademoiselle Tic Tac Tome 2 — Les Montagnes russes portant dans la vie d’amélia. mais s’agit- récipiendaire du trillium book award en il vraiment d’amitié au moment où l’épi- 2004 nous introduit de façon captivante démie de variole fait rage? dans la dynamique singulière de cette ce roman se situe dans les années 1884- famille déracinée. surtout, le récit évo- 1885, dans une société où la vaccination que l’écartèlement du narrateur, entre aurait pu sauver plusieurs vies, n’eût été la culture traditionnelle de la chine an- des divergences sociales, culturelles et cienne, forte de superstitions et d’histoi- religieuses de l’époque. marie-claude res légendaires, transmise par l’aïeule, et boi ly fait preuve d’un certain talent de l’adaptation à ce nouveau monde « mo- conteuse. les références historiques et derne et scientifique ». une réalité à la- Dominique Demers sociales qui émaillent son récit démon- quelle plusieurs néo-canadiens peuvent La Grande Quête de Jacob Jobin trent bien sa connaissance approfondie sûrement s’identifier. traduit de l’anglais Tome 3 — La Pierre bleue du sujet. par hélène rioux, XYZ, 443 p. si les rebondissements sont prévisibles, marie labrecque ˘ QUÉBEC AMÉRIQUE l’intérêt réside dans le portrait que nous www.quebec-amerique.com dresse l’auteure du courage et de la rési- automne 2010 —entre les lignes | 33
nouveautés Le joLi mois de mai émilie de turcKheim monsieur louis nous a quittés. dans son sillage, il lègue une succession, à scinder en cinq parts. et le gâteau est plutôt allé- chant : un vaste domaine de chasse, mai- son et animaux inclus. ni une ni deux, les héritiers débarquent, la bave aux lèvres, afin de régler les détails du legs. mais aimé, valet de pied de son état, ne voit pas d’un bon œil l’apparition de ces oi- seaux de mauvais augure. il devra cependant leur offrir le gîte et le couvert, à même la propriété de feu monsieur louis. les invités, dans l’attente de l’arrivée du notaire, y vont alors cha- cun de leurs confidences : peu à peu, le passé se recoud, les liens honteux ressurgissent. dès les premières lignes, aimé, narrateur de ce récit particulier, passe aux aveux : « vous allez voir, je sais pas raconter les his- toires. » l’ironie est remarquable, puisque la jeune auteure (30 ans) s’y prend d’une main de maître pour tirer les fils. derrière le lan- gage d’aimé, succulent de naïveté, se lève paresseusement une brume mystérieuse. serti d’une belle louche de suspense, ce récit se boit comme du petit-lait. et surtout, d’une seule traite. Héloïse d’Ormesson, 128 p. sylvain sarrazin suite(s) imPériaLe(s) brett easton ellis avec Suite(s) im pé riale(s), brett ea ston ellis redonne vie (et mort) aux personna- ges de son tout premier ro man, Moins que zéro, un quart de siècle plus tard. et la clique ne s’est pas forcément assagie : on retrouve la même atmosphère glau- que, le même tableau décadent farci de sexe, de drogue et d’orgies. clay, scénariste, se retrouve subitement mêlé à un imbroglio digne de ses propres films. dans l’œil du cyclone se tient rain turner, une jeune ac- trice prête à tout pour obtenir un petit rôle dans sa prochaine production. clay, tombé dans ses filets, découvre à ses dé- pens qu’un véritable (et obscur) réseau s’est tissé autour de lui. Qui en tire les ficelles? À qui faire confiance entre Julian, son ami de jeunesse, son ex, blair ou rip le maquereau? en dépit de la violence latente de ce roman, le suspens est bien au rendez-vous, soutenu à grand renfort de filatures et de mys- térieux sms. résultat : on tourne les pages de façon mécani- que, toujours curieux d’en savoir davantage sur l’engrenage. 34 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés la lecture de Moins que zéro n’est pas nouveau roman rappelle surtout Faulkner, mes aLLiances : Histoires obligatoire, mais conseillée si l’on désire par l’emploi de différents narrateurs dont d’amour et de mariages obtenir la juste mesure de cette suite. les histoires, qui sont autant de romans elizabeth gilbert Robert Laffont, 250 p. dans le roman, éclairent peu à peu la saga sylvain sarrazin de pluto, ville maudite condamnée au dé- après l’immense clin. par la force des images aussi : le livre succès de Mange, La maLédiction débute par un fusil pointé sur un berceau prie, aime, ravivé des coLomBes et se poursuit par l’évocation saisissante par le battage pu- louise erdrich d’une invasion de colombes. l’oiseau de bli citaire entourant paix devenu fléau symbolise l’innocence le film qu’en a tiré grande prêtresse qui sera bafouée à plusieurs reprises dans ryan murphy, on du « renouveau la ville, par le massacre de toute une fa- avait bien hâte de amérindien », mille, puis par le lynchage de quatre mal- voir où nous amè- l’auteure a elle- heureux indiens, sans que les habitants, nerait elizabeth gil- même des origines plutôt taiseux, déterrent le secret qui les bert avec son prochain opus. si son titre, ojibwées et campe empoisonne. sauf mooshum, le grand-père Mes alliances, laisse craindre le pire – va- ses romans dans le indien de la jeune evelina, formidable t-elle nous parler en long et en large de dakota du nord, où conteur qui transmet aux plus jeunes ce son union avec Felipe? –, le sous-titre elle a grandi. cou- qu’il sait de l’affaire. l’ensemble constitue remet les pendules à l’heure. il s’agit ronnée par des prix prestigieux, elle bâtit une remarquable tapisserie, une vaste ga- d’Histoires d’amour et de mariages, avec une œuvre hantée par la violence et l’injus- lerie de personnages colorés. on s’y perd des « s ». et non juste de la sienne. tice dont amérindiens et métis ont été les un peu parfois, mais le récit conserve sa Felipe, son amant rencontré à bali, l’ap- premières victimes. les liens foisonnants cohérence et le talent de conteuse de prendra brutalement : il n’est pas le bien- qui dans ses livres unissent vivants et l’auteure compense le dédale des chemins venu aux états-unis. pas question de morts, visible et invisible évoquent le réa- de traverse. Albin Michel, 482 p. venir vivre avec son amoureuse à moins lisme magique sud-américain. mais son annick duchatel de devenir son époux légitime, ce qui est ˘ En septembre chez Groupe Librex automne 2010 —entre les lignes | 35
nouveautés loin d’être aussi simple qu’on pourrait le etc. (phénomène normal du vieillisse- ridicules d’une époque minée par la re- croire. pour eux, qui s’étaient juré de ne ment). cherche du fric. pour les amateurs de se- pas s’encombrer des liens du mariage, Journaliste et critique littéraire au journal cond degré, c’est un festin. et surtout, il c’est tout un revirement. Libération, harang mène une plume alerte, contient une réflexion bouleversante de pendant un an, le temps de passer à tra- souvent drôle. dommage que son propos, lucidité sur la noblesse du travail, sur la vers les innombrables exigences de l’im- qui aurait pu tracer le portrait de la gé- vie, l’amitié et l’amour qui passent si vite. migration, le couple va voler de pays en nération d’avant mai 68, de meure centré il serait difficile d’accoler à houellebecq pays, incapable de se poser nulle part sur sa propre personne qui, avouons-le, le mot compassion, mais on sent néan- pour faire son nid. elizabeth gilbert ne n’a que peu d’intérêt. un livre sur un moi moins poindre dans son livre un début chômera pas pour autant. elle entamera adolescent, diffus à cause de la multiplica- d’indulgence (sinon de tendresse) vis-à- une recherche en profondeur sur cette tion des anecdotes qui dessinent à peine vis des humains aux prises avec le rou- drôle de coutume qu’est le mariage, et le passage de l’enfance à l’adolescence. leau compresseur d’une époque impi- sur l’amour sous toutes ses formes, sur Grasset, 192 p. toyable. et aussi (et malgré tout), il y a sa conception, à travers l’histoire et la hans-Jürgen greif une ébauche de sourire. la possibilité géographie. Journaliste consciencieuse, d’un rire. Flammarion, 450 p. elle enquête, questionne, compare, met La carte et Le territoire annick duchatel en perspective. michel houellebecQ avec le même bonheur d’écriture, l’au- une Princesse sur teure réussit à faire de sa petite histoire dans notre époque L’autoroute personnelle une histoire universelle. et le déroutante, on est Fannie langlois voyage est… passionnant! Calmann-Lévy, à l’affût de tout 331 p. texte (roman ou es- tout l’art de l’au- marie-claude Fortin sai) qui témoigne teu re Fannie lan- d’une vision d’en- glois réside dans nos cœurs vaiLLants semble porteuse de l’entrelacement du Jean-baptiste harang quelques repères. rêve et la réalité. sur ce plan, La pos- Une princesse sur « nos cœurs sont sibilité d’une île et l’autoroute, le se- vaillants, c’est la Plateforme étaient décevants, mais cette cond ouvrage de mémoire qui flan- fois, michel houellebecq retrouve sa pâte cet te trifluvienne, che. [...] J’écris des magistrales Parti cules élémentaires. ne se conten te pas pour me souvenir. » pourtant, il est difficile de résumer son de manipuler le réel, mais il croise égale- sur recommanda- nouveau roman (très astucieusement ment les époques. ainsi, le lecteur voyage tion médicale, l’au- construit), tant il comporte de mises en entre le temps présent et le moyen Âge. teur, né en 1949, abyme. en gros, l’histoire tourne autour d’abord, une fille apparaît, pieds nus dans fait travailler « le de Jed martin, un artiste qui fera fortune, la neige, enveloppée dans un drap dé- muscle de la mé- sans le vouloir, en représentant le monde chiré. elle avance au bord de l’autoroute, moire » dans sa fiction autobiographique. matériel à travers des photographies de cherchant à s’enfuir d’un sinistre labora- il réussit au-delà de ses espérances en cartes michelin, puis dans une série de toire où elle a été séquestrée depuis sa retraçant les années des cœurs vaillants, portraits d’hommes au travail dont l’hy- tendre enfance. une vieille Ford s’arrête sorte de scouts français, en moins bien, perréalisme frôle celui des tableaux et lui porte secours. À bord de la voiture, cependant. chaque été, de la fin des an- chinois de l’époque mao. il peint son la fugueuse file vers montréal, où elle nées 1950 jusqu’à son entrée à la Fa- père, architecte célèbre avec qui il a une tente de colmater les brèches d’un passé culté, sa troupe s’établit dans un endroit relation distante, et un certain écrivain nébuleux qui, lentement, lui apparaît. son reculé du Jura, assez proche de genève nommé michel houelle becq. lequel sera enfance volée. la mère schizophrène qui pour s’y rendre à pied. tout y passe, de assassiné de manière particulièrement l’abandonne. la gueule béante de la clini- l’abbé t. (regard lubrique) à la description sordide… et l’auteur de désamorcer à que où elle a subi des charges électriques des précaires installations sanitaires et l’avance les accusations de nombrilisme expérimentales. alors qu’elle tente de ras- des dortoirs. souvenirs dont la précision par de savoureux exercices d’ironie et sembler ses souvenirs fragmentés, elle s’explique par le fait que l’au teur s’ap- d’autodérision. car le roman est drôle, continue d’être habitée par d’é tran ges puie sur la « mémoire longue », alors qu’il très drôle, tout désenchanté que soit son rêves. une femme lui apparaît. en occi- oublie, aujourd’hui, ses clés, ses lunettes, propos par son étalage des vices et des tanie médiévale, ce personnage est me- 36 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés nacé par la chasse aux hérétiques. bien un peu trop du lsd) de sauver son histoire Pages que le temps les sépare, les deux femmes se retrouveront grâce au pouvoir de l’in- en la racontant. l’ennui, c’est qu’on per- çoit un peu trop, et dès le début, les fils d’automne conscient. il en résulte un récit délicate- du récit. et comme on ne peut qu’être du ment tissé de poésie et d’éléments his- côté de philomène et de sa belle folie, on 53;.?8:@,553@)?8; toriques au dénouement surprenant. est déçu quand la normalité l’emporte. 4(;5A8B Triptyque, 123 p. Leméac, 167 p. 5/60# anne genest annick duchatel 732,5)8 Le grand Le grand Livre des Fous L’éternité en accéLéré roman sur mathYas leFebure catherine mavriKaKis Octobre. Fresque Festif, incisif, com- ces 53 essais (un historique ? batif, ce sont les ad- « e-carnet ») Polar ? Thriller jectifs qu’inspirait le contiennent une politique ? premier livre, auto- énorme variété de Tout ça et biographique, de sujets : des souve- plus encore. roman mathyas le fe bure, nirs personnels (à 600 pages · 32,95 $ D’où viens-tu ber- bay city) au divan ger? il y racontait du psychanalyste, 9355 avec autodérision en passant par l’in- ./%01 son passage de la dignation devant le mythe construit 2$3432 vie de cadre en publicité au Québec à autour du néonazi Jörg haider, l’enthou- celle de berger en provence, écorchant au siasme des étudiants, les amitiés de fem- L’apprentissage passage le vide de nos sociétés et la sur- mes remarquables (comme angela cozea douloureux consommation. tout un saut… de mou- et sa magnifique autofiction Interruptions de la condition ton! il vient d’en accomplir un autre, pas- définitives), l’éloge du snobisme maîtrisé, humaine. sant cette fois de la réalité à la fiction. il la terrifiante ulrike meinhof à l’esprit dé- ne perd en route ni sa verve ni sa poésie capant, de petits incidents comme il nous (« elle lui parlait de l’endroit où l’on en- en arrive chaque jour – une phrase enten- tend de la musique quand les gramopho- due, le souvenir d’un parfum, la couleur roman nes sont fermés »), et fidèle à son carac- d’un foulard. 440 pages · 29,95 $ tère anarchique, c’est cette fois dans les publiés dans la série « K » (pour kaléi- notions de normalité et de folie qu’il fonce doscope) de l’éditeur, n’importe lequel !3+,:;5,- droit devant. l’histoire, c’est celle de phi- des essais vous surprend : brillante de lomène, délicieuse grand-mère indigne qui couleurs, une image apparaît devant vos !"#$"%& décide à la fin de sa vie de faire un pied yeux, composée par un esprit intelligent, '()*)+,- de nez aux conventions étouffantes de sa provocateur, sensible, érudit sans pesan- petite ville, d’héberger des fous désinstitu- teur, rieur, moqueur, ironique, mélanco- Un thriller tionnalisés et de trouver l’amour. et quand lique jusqu’à la noire tristesse. chaque poétique l’aventure tourne mal, elle charge le plus texte pourrait servir à de courts ou de au charme jeune de ses deux petits-fils (l’aîné abuse longs métrages, sur les parents, certains ˘ envoûtant. roman 264 pages · 25,95 $ !"#$%& www.editionsboreal.qc.ca Retrouvez-nous sur twitter et facebook automne 2010 —entre les lignes | 37
nouveautés collègues, les imbécillités produites dans peu à peu sombré dans une folie décon- l’homme, connu comme le loup blanc, et par notre monde. ce n’est pas un livre certante, sans que personne puisse faire est équarrisseur de métier. c’est-à-dire de chevet. gardez-le simplement à portée face à la musique. qu’il gagne son pain en ramassant les ca- de la main pour retrouver des phrases incontestablement aussi bien écrit que davres d’animaux laissés sur l’asphalte comme celle-ci : « l’art et le beau ne sau- Train de nuit pour Lisbonne, ce roman des routes et au creux des fossés. après vent pas de la mort ni de l’ignoble, mais joue avec toute la gamme de nos émo- une visite au centre d’emploi de bedford, ils permettent d’y échapper par moments, tions. notre seul bémol, les trop nom- le narrateur, étienne, accepte de devenir de se donner une liberté face à l’atrocité breuses allusions annonçant la triste fin son bras droit. son été comme assistant- qu’est la vie. ». Héliotrope, 283 p. de léa. en forçant ainsi la note, le récit équarrisseur pigiste sera, pour le moins, hans-Jürgen greif de van vliet finit par sonner faux… et mouvementé. car c’est cet été-là qu’a puis qui, de nos jours, songe encore à lieu le grand déluge qui marquera brome- Léa em ployer le passé simple pour traduire missisquoi. pascal mercier sa peine? Libella – Maren Sell, 243 p. avec ce deuxième titre, william s. mes- Karine vilder sier en impose encore. dans la lignée des en plus d’être tous éric dupont et des sébastien chabot, il deux originaires de éPique avance bien loin des sentiers battus pour berne, adrian her- william s. messier baliser cet univers joyeusement dépay- zog et martijn van sant qui est le sien. Marchand de feuilles, vliet ont le moral un peu plus d’un an 273 p. en berne. aussi, après la parution de marie-claude Fortin lorsque leurs routes Townships, un re- se croisent dans un cueil de nouvelles Bisous café du sud de la décalées, plantées Jean o’neil France, décident-ils sans détour de rega- dans le décor buco- gner ensemble la suisse. lique des cantons- réussir un livre pa- mais plus ils roulent, plus ils s’engagent de-l’est, william s. reil. d’abord, ac- dans une voix à sens unique : van vliet messier revient cet- quérir un bagage ayant entrepris de raconter à son com- te fois avec un ro - de connaissances pagnon de voyage dans quelles circons- man. une histoire un peu folle, un peu sur l’ornithologie, tances tragiques il a perdu sa fille, jamais surréaliste, très drôle, racontée avec l’astronomie, la poé- il ne s’arrêtera en chemin. au fil des ki- beaucoup de style, dans une langue colo- sie, le jazz, la géo- lomètres, on apprend donc comment sa rée mêlant les accents de la génération graphie, la petite et petite léa a pu surmonter la mort préma- nintendo au folklore et à la légende. dans grande histoire, les turée de sa mère grâce au violon et com- le comté de brome-missisquoi, Jacques beaux-arts, la musi- ment, après avoir été concertiste, elle a prud’homme est un vrai héros populaire. que classique, la mycologie, la flore, la 38 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés faune, la météo, et quoi encore! subdiviser l’œuvre en mois et y disséminer savoirs et souvenirs au moyen d’une langue belle, empreinte d’ima ges fortes, sans l’expurger pour autant de ses Merci de partager votre savoureux québécismes. incorporer, avec une égale passion, quelques mots sur marie-victorin, louis arm strong, la barge plaisir de lire avec nous, hudsonienne ou le mont saint-hilaire. au ras du sol, intégrer au depuis cinq ans! discours fleurs et champignons avant de se lancer vers les étoi- les pour parler d’uranus ou des Quadrantides. exhumer le sou- venir de grands oubliés comme Jean dallaire, henry teuscher et nikola tesla, ou comme la chute pas-de-Fond, le jour des rois ou celui des morts. profiter du moment pour rendre hommage aux disparus qui nous ont laissé les bases sur lesquelles pour- suivre l’ouvrage de cette vie. émailler le tout d’anecdotes per- sonnelles d’hier et d’aujourd’hui puisque la vie s’y trouve, tou- jours. séparer habilement les récits par des transcriptions de messages d’accueil sur son répondeur, ces derniers variant selon les mois, les saisons, l’humeur, et rappelant l’importance de garder contact. réunir entre deux couvertures et servir. un délice. Libre Expression, 280 p. louis émond Le convoi des nuages Jean perron www.sodec.gouv.qc.ca un bien malheureux événement contraint les la flam me à organiser une réunion fu- néraire impromptue : à la surprise géné- rale, david, l’un des fils de la famille, vient de s’enlever la vie. dans sa tête se dessi- naient pourtant de grands projets pour la ferme et les champs dont il aurait hérité. l’auteur nous invite à démêler les ficelles de l’énigme en adoptant, tour à tour, le regard des divers membres de la famille. la situation et son évolution sont ainsi perçues à travers le prisme de chaque personnage, de reggie, le délinquant repenti, à gaspard, le « rasta blanc ». le récit se construit, petit à petit, autour du passé et des relations des membres de la famille laflamme, qu’elles soient chaotiques ou complices. au-delà de ce choix narratif original, l’au tre attraction de ce texte réside dans son habillage poétique savamment dosé. l’éclectisme de Jean perron, également présenté comme poète, artiste visuel et musicien, ressort subtilement au fil des lignes – et parvient à nous surprendre, au détour d’un paragraphe, au moyen d’une belle image ou d’une formule élégante. une intrigue simple servie par une approche très personnelle. un agréable moment de lecture. L’interligne,160 p. sylvain sarrazin ˘ automne 2010 —entre les lignes | 39
nouveautés La Pureté férences ciblées, de dessins rapides des davantage encore qu’une histoire de mai- suivi de Le Promeneur lieux, des personnages, du sujet. réussir son hantée – et il n’est pas sûr qu’avec vincent thibault une nouvelle est aussi difficile que de son lent début et son dénouement sub- réaliser une aquarelle. pas de retouches til, il satisfasse les stricts amateurs du avec La pureté, qui possibles. ici, « le navet », « pour cent genre –, L’indésirable est un roman sur relate un attentat jours de neige » et « l’avenir » exigeaient une classe sociale, la gentry, qui s’éteint au gaz sarin à to- un autre pinceau. Septentrion, 152 p. dans un monde en mutation. d’une écri- kyo, ces nouvelles hans-Jürgen greif ture élégante, l’auteure traque finement entre le Japon et le les relations complexes nouées entre le Québec débutent L’indésiraBLe narrateur issu du milieu ouvrier et ces par un coup de sarah waters aristocrates désargentés. le suspense est poing. le lecteur un bonus. traduit de l’anglais par alain est soufflé par les dans sa forme defossé. Alto, 572 p. raisons de l’attaque, la violence du pro- même, ce gros bou- marie labrecque pos, la forme réinventée du genre, les quin rigide semble phrases étincelantes comme des lames. tout droit sorti du cette ouverture crée l’espoir d’une série vieux manoir an- Polars, thrillers de perles. en effet, certains textes, même glais qu’il met en Les étranges taLents de s’ils sont moins percutants, demeurent scène. brillant flash FLavia de Luce bien ficelés : un professeur de gymnasti- d’éditeur. il y a en alan bradleY que chinoise disparaît mystérieusement, effet quelque chose une plante maléfique envahit un apparte- de délicieusement l’été n’est pas de ment en sortant des profondeurs d’un vieillot dans le cinquième roman de la tout repos au paisi- évier de cuisine – une des meilleures britannique sarah waters. ble manoir de buck- nouvelles du recueil. la seconde partie le docteur Faraday a toujours été fasciné shaw. Flavia de luce (dans laquelle on rencontre un moine par hundreds hall, où sa mère a autrefois vient de trouver un bouddhiste et les parents d’un jeune sui- été gouvernante. À la fin des années 40, cadavre au beau cidé québécois) est nettement plus faible la somptueuse demeure tombe toutefois milieu d’un plant de et aurait eu besoin d’un travail beaucoup en ruines, et les châtelains se voient for- concombres, et son plus approfondi, à tout le moins d’un sé- cés de vendre des parcelles de terrain père, le colonel de rieux coup de lime. qu’envahissent des lotissements moder- luce, a été arrêté Qu’une nouvelle plaise ou non demeure nes. vivant avec les fantômes d’un passé par la police. c’est à Flavia qu’il revient une question de goût. bien que les règles doré, la famille ayres – la mère, le fils de découvrir la vérité et l’identité du cou- du genre aient été abolies depuis long- handicapé par la guerre et la fille céliba- pable. cette héroïne atypique est une ga- temps, la dynamique d’un texte bref doit taire – est de plus confrontée à une suc- mine de 11 ans, une adorable petite être maintenue à l’aide d’ellipses, de ré- cession de manifestations étranges... peste fouineuse, passionnée de chimie 40 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés (sa spécialité : les poisons!), qui cite shakespeare et les poètes romantiques. et le prix arthur-ellis. En plein cœur est très agréable à lire, mais n’a rien d’origi- Copibec aussi douée et débrouil larde que sher- nal et l’on se demande pourquoi il a rem- verse régulièrement lock holmes, elle va fouiller dans le passé porté quatre prestigieux trophées. de son père et mettre à jour une étrange Flammarion Québec, 334 p. des redevances affaire de timbres rares aux conséquen- ces fatales. premier polar d’alan bradley, norbert spehner aux auteurs écrivain canadien âgé de 70 ans, Les étran ges talents de Flavia de Luce ra- essais, tÉmoignages conte une histoire plutôt invraisemblable, en route et Pas certes, mais absolument charmante, ex- de sentiment centrique, originale, irrésistible, pleine michel gosselin d’humour, avec des dialogues savoureux et des situations cocasses. un vrai bon- empruntant à la fic- heur de lecture! le roman est disponible tion, au témoignage en deux éditions (J.c. lattès et le mas- et à l’essai, ce sin- que), dont la dernière, pour la jeunesse, gulier ouvrage est qui reprend l’intégrale du texte original. dédié aux lecteurs ! Dramaturges, essayistes, Le Masque, 372 p. d’anne hébert. co- poètes, norbert spehner fondateur du cen- traducteurs… tre d’études anne- en PLein cœur hébert de l’univer- ! Collaborateurs louise pennY sité de sherbrooke, michel gosselin y re- pigistes des journaux et trace les dernières années de l’auteure des revues À three pines, un regrettée de Kamouraska, avec laquelle il village des cantons- s’était lié d’une amitié admirative. c’est ! Créateurs de-l’est, on a décou- un livre à la construction complexe, où d’œuvres vert le cadavre de deux récits de « cérémonie des adieux » artistiques Jane neal, une vieil- se font écho. alors même qu’il lutte le dame que tout le contre le cancer et se prépare à la mort, monde ai mait bien, le narrateur, michel, s’empresse de ra- Vous êtes auteur ? tuée d’une flèche conter ses ultimes rencontres avec une Contactez-nous ! en plein cœur. anne hébert diminuée physiquement, Vous pourriez recevoir meurtre ou accident de chasse? il revient qui, en 1998, met fin à contrecœur à son des redevances à l’inspecteur-chef armand gama che, de séjour parisien. un départ qui l’incite à pour l’utilisation de la sûreté du Québec, de tirer cette affaire replonger dans ses souvenirs. vos œuvres. au clair. tel est l’argument de ce premier les fans de l’écrivaine trouveront dans d’une série de polars de louise penny, En route et pas de sentiment (le motto née à toronto en 1958, et qui réside dans d’anne hébert, dans une scène frappante un petit village au sud de montréal. En où elle fait ses adieux à son voisinage) une plein cœur est un roman policier très ample matière : commentaires sur son classique du style whodunit à l’anglaise : œuvre, lettres de saint-denys garneau, un meurtre commis de manière inhabi- abondantes citations – parfois inutiles. le Société québécoise de tuelle, un village bucolique, de nombreux livre aurait supporté des coupures : les gestion collective suspects, quelques fausses pistes, et à la préparatifs concrets du déménagement des droits de reproduction fin, la révélation de l’identité du coupa- sont longuement décrits... mais il a le mé- ble. depuis 2005, louise penny (surnom- rite de faire entendre la voix d’une femme 514 288-1664 ou 1 800 717-2022 mée l’agatha christie du nord) a fait sa secrète, qui restera néanmoins un mys- comm@copibec.qc.ca marque dans le polar canadien, en rem- tère (la révélation promise par l’auteur est Inscrivez-vous ! portant de nombreux prix prestigieux, sibylline). Hurtubise, 386 p. www.copibec.qc.ca dont le agatha award (trois ans de suite) marie labrecque ˘ automne 2010 —entre les lignes | 41
nouveautés PsYchologie, nisationnel et coach en gestion. autant de son postulat de base est simple, mais croissance Personnelle spécialités qui n’existaient pas il n’y a pas fait mouche : nous avons, en chacun emPower si longtemps, et qui aujourd’hui – signe de nous, un bon et un mauvais loup. isabelle Fontaine des temps? – font bien des petits. le livre nourrissons le bon, soignons-le, choyons- qu’elle vient de faire paraître aux éditions le, et laissons le mauvais mourir de faim chargée de cours un monde différent s’intitule Empower. un et d’ennui! au département de terme english, contraction de « emotion » Empower ne renouvelle pas le genre de la communication so- et de « power ». et c’est précisément du psycho pop, tant s’en faut. mais il plaira à ciale et publique à pouvoir des émotions dont traite cet essai tous ceux, nombreux, qui cherchent des l’uQam, « conféren- qui trouvera son public parmi les lecteurs clés pour mieux vivre. et des clés, il y en cière de motiva- des daniel goleman (L’intelligence émo- a tout un trousseau. Éditions Un monde tion », isabelle Fon- tionnelle), david servan-schreiber (Guérir) différent, 240 p. taine est aussi et mihaly csikszentmihalyi (Vivre : La psy- marie-claude Fortin consul tante en dé- chologie du bonheur), auteurs qu’elle cite veloppement orga- d’ailleurs d’abondance. PoÉsie tomBeaux paul chanel malenFant audiolivres cHoisir sa voix malheureusement, deux livres audio produits par la collection coffragants illustrent l’alliage réussi qui n’a pas déjà eu entre le texte bien écrit et solidement documenté, et une lecture aussi intelligente un ami qui s’éteint qu’agréable à l’oreille. narrés par l’auteur lui-même ou par un narrateur profession- dans ces mouroirs nel, La philosophie du bien-être et Vaincre la dépression proposent une modification ou pavillons de can- de nos habitudes de vie et une remise en question de nos valeurs céreux ou d’alzhei- afin de trouver ou de retrouver la sérénité. mer? Qui n’a pas La philosophie du bien-être prouve qu’il peut être avantageux de eu envie, par la sui- confier à l’auteur la narration de son ouvrage. Fort d’une connais- te, de serrer fort sance approfondie de son livre, celui-ci choisira d’accentuer tel cette « chemise de passage en haussant le ton ou de ralentir son débit pour les phra- coton qui s’ouvr[ait] ses plus complexes. en revanche, Vaincre la dépression démontre dans [son] dos » et de vivre encore le qu’une narration assurée par un lecteur professionnel présente « désordre des cellophanes, des choco- l’avantage de donner à l’auditeur l’impression qu’on lui parle. lats, des masques de plastique, des Le choix de vivre, publié dans la même col- oiseaux du paradis »? « les objets quoti- lection, est un autre cas de figure éloquent. diens pèsent lourd dans le regard. » la préface, l’introduction et les études de paul chanel malenfant recrée les décors cas, lues par l’auteure elle-même, souffrent d’une intonation des chambres d’hôpital comme de très un rien trop emphatique. mais lorsque la narratrice profession- belles natures mortes porteuses de ce nelle prend la relève, l’exposé sur la manière de transformer qu’il ou de ce qu’elle a été. il esquisse une épreuve terrible en une expérience ramenant à l’essentiel « le blason des corps mourants » et des- de l’existence devient efficace et convaincant. sine joliment des souvenirs sépia d’en- enfin, Le Why Café également chez coffragants nous entraîne fance et des paysages de voyage, tout en dans un conte initiatique, finement narré par Jean leclerc et laissant les mots fredonner des musiques sophie stanké, au cours duquel un homme perdu au milieu de de bach ou de satie ou des airs de jazz. il nulle part s’arrêtera à un café où différents personnages l’aide- dévoile des « corps virils, les nuques fran- ront à retrouver le sens profond de sa vie et à déterminer de quelle manière il est chement nues, la poigne solide des mains possible de la voir s’épanouir. Louis Émond sur des sexes vifs ». vie-désir-mort, c’est ce que l’on tente de partager entre les la philosophie vaincre la le choiX de vivre le whY caFé murs d’une chambre d’hôpital. les poè- du bien-être dépression marie lise labonté John p. strelecky mes en prose de paul chanel malenfant dr gérard gervais michael e. addis y parviennent. et christopher même si « [l]e jour des morts est le jour le r. martell plus lent de la terre », il demeure aussi le 42 | entr e l es l ig n es — a u to m n e 2 0 1 0
nouveautés plus universel et, heureusement, certains des entités féminines se réincarnent avec lui. tout va bien jusqu’au jour où apparaît « objets, bouées de souvenirs, nous re- brio dans sa voix altruiste. dans son ly- dans sa vie ramona, et surtout ses ex-pe- tiennent à la surface du réel. À l’orée de risme particulier et ses images modernes. tits copains… l’origine. » ce recueil se lit en mémoire le contenu de ce recueil est original, nour- un album résolument moderne, à l’hu- aux disparu-e-s. L’Hexagone, 108 p. rissant et enrichissant. on entre dans son mour omniprésent, qui tient tout à la fois anne peyrouse propre héritage, celui de voix féminines de la bd d’auteur et du manga, dont il a et quelques-unes masculines, et on désire hérité du format poche. Milady, 150 p. manueL de Poétique à pousser la connivence avec telle ou telle François mayeux L’intention des jeunes femme, pour « déposer [sa] langue sur un FiLLes crochet,/crier enfin : “Je suis rentrée à la Lydie carole david mai son!” ». ainsi, on n’« ouvrir[a] pas le zidrou et laFebre gaz de la cuisinière », on boira des martinis en général, les créa- avec les poètes. Les Herbes rouges, 84 p. dans les années 30, teurs n’emploient anne peyrouse au fin fond d‘une pas le mot « ma- impasse d’un fort nuel » dans le titre bd sympathique quar- de leurs œuvres. « scott PiLgrim’s » tier, vit camille, serait-ce un terme tome 1 Precious LittLe une jeune orphe- effrayant, rappelant LiFe line, simple d’es- un ouvrage soumis brian lee o’malleY prit. un jour, celle- à la gérance d’une ci se retrouve en- institution ou à un apprentissage scolaire le phénomène de ceinte d’un bébé qui ne survivra pas. fade? pour carole david, le manuel de- l’heure en matière après quelques semaines de déni, la jeu- vient un partage d’« icônes qui crient der- de bd nous vient de ne femme retrouve le sourire et annonce rière [la] gorge » et sous les mains des toronto, avec la pa- à tous que son bébé est revenu. la sur- jeunes filles. rution en français prise des habitants fait place à une cer- ce recueil apparaît comme une filière du premier album taine compassion et petit à petit, tout le de femmes à rencontrer et à décou- de « scott pil- quartier embarque dans le jeu. vrir ou à redécouvrir. par exemple, la grim’s ». la noto- cette fable au sujet délicat se veut une Jeanne d’arc, fille du feu et d’hochelaga. riété de ce person- lecture délicieuse de cette communauté certaines semblent plus connues que nage tient au fait que c’est à la fois une aux liens tissés serrés, touchante par sa d’autres, mais pour toutes on ressent le bd, un jeu vidéo et depuis peu, un film solidarité et son humanisme. désir de les côtoyer. carole david nous prometteur. avec l’insouciance de ses 23 les deux auteurs ont su créer une œuvre les dévoile là, presque à côté de nous, ans, scott pilgrim est un jeune adulte forte tant graphiquement que dans la dans leur maîtrise de l’art et du quoti- comme il y en a plein, musicien brillant, justesse du récit. Dargaud, coll. Long dien. de la tendresse à la violence aci- travailleur dilettante, amoureux sans Courrier, 56 p. dulée, du silence aux chants de travail, grande passion d’une fille plus jeune que François mayeux automne 2010 —entre les lignes | 43
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