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ombres blanches www.ombres-blanches.fr librairie en ligne programme février/mars 2022 à toulouse – librairie en ville 163 Photographie Jean-Paul Espaignet. Exposition Jean-Paul Espaignet voir p. 34.
mercredi 16 février entre 9 h et 16 h mardi 8 mars à 18 h Haud Gueguen, Laurent samedi 26 mars à 11 h Dima Abdallah, Bleu nuit p. 7 japon 1 : une disparition 3 Rencontre FLE Jeanpierre, La perspective samedi 26 mars à 13 h Tokyo revisitée p. 28-29 du possible p. 25 Jacques Danton, Sylvie Debs, vendredi 18 février à 18 h mercredi 9 mars à 18 h Marion Gautreau, Cinéma Hugues Pagan Geneviève Brisac d’Amérique latine p. 14 Le carré des indigents p. 6-7 Les enchenteurs p. 6 samedi 26 mars à 15 h DAVID PEACE mardi 5 avril à 18 h Mensuel de la Librairie Ombres Blanches 50, rue Gambetta, 31000 Toulouse – Tél. : 05 34 45 53 33. E-mail : info@ombres-blanches.fr Internet : http://www.ombres-blanches.fr samedi 19 février à 17 h jeudi 10 mars à 18 h Association Toulouse Greeters Michele Descolonges Sylvie Durastanti, Catherine Réunion d’information p. 3 Rencontre avec David Peace à l’occasion de la parution de Tokyo revisitée aux éditions Rivages. Un camp d’internement Angé, Sans plus attendre p. 23 lundi 28 mars à 18 h en Lozère p. 20 vendredi 11 mars à 18 h Carmen Castillo, Un jour DAVID PEACE est né à Ossett se retrouve chargé d’enquêter, la CIA devenu un brillant traduc- mardi 22 février à 18 h H. Nisic, J. Grothendieck, d’octobre à Santiago p. 15 dans l’ouest du Yorkshire.Après ses sans conclusion définitive. L’af- teur, semble rattrapé par son passé S. Brouquet, V. Czerniak, Récoltes et Semailles mardi 29 mars à 18 h études, il part pour Istanbul afin faire rebondit en 1964 lorsqu’un sous la forme d’une jeune femme Ch. Riou, Toulouse et l’art p. 21 d’A. Grothendieck p. 16 Yves Marry, Florent Souillot d’y enseigner l’anglais, mais c’est auteur qui devait écrire sur l’af- qui vient lui poser des questions mercredi 23 février à 18 h vendredi 11 mars à 20 h 30 La guerre de l’attention au Japon qu’il finira par poser ses faire Shimoyama disparaît. Cette embarrassantes… Laurent Bricault, Philippe Roy, Florent Poupart, Le cadre p. 31 valises. Remarqué dès son premier fois, c’est un privé, Murota Hideki, De 1949 à 1989 David Peace Les cultes de Mithra clinique et institutionnel mercredi 30 mars à 18 h roman, 1974, qui débute la Tétra- qui tente de remonter la piste. balaie quarante ans de l’histoire dans l’Empire romain p. 22 du psychologue p. 30-31 Luc Boltanski, Arnaud Esquerre logie du Yorkshire, il figure sur la L’affaire rebondira une dernière du Japon moderne dans un roman jeudi 24 février à 18 h lundi 14 mars à 17 h 30 Qu’est-ce que l’actualité célèbre liste des jeunes écrivains à fois en 1989, alors que l’empe- criminel envoûtant aux multiples José Martinez Cobo, On Yves le pestipon, politique ? p. 24 suivre de la revue Granta. La publi- reur Hirohito est mourant. Donald facettes. n l’appelle Roosevelt p. 18-19 Classiques au détail/Lasphrise jeudi 31 mars à 18 h cation de son opus sur la grève Reichenbach, un ancien agent de vendredi 25 février à 18 h p. 12-13 Philippe Collin, Le fantôme de des mineurs GB 84 achève de le Vincent Lemire, Au pied du Mur mardi 15 mars à 18 h Philippe Pétain p. 29 consacrer comme l’un des écri- p. 18 Ludovic Slimak vendredi 1er avril à 18 h vains britanniques majeurs de sa samedi 26 février Néandertal nu p. 28 Malika Rahal génération. Le succès populaire est entre 12 h et 14 h mercredi 16 mars à 18 h Algérie 1962 p. 19 au rendez-vous avec ses deux livres Scènes ouvertes de Slam p. 4-5 Luba Jurgenson lundi 4 avril à 17 h 30 sur le football 44 jours (adapté au mardi 1er mars à 18 h Le semeur d’yeux p. 17 Yves le Pestipon cinéma par Tom Hooper) et Rouge Jean-Baptiste Rivoire jeudi 17 mars à 17 h 30 Classiques au détail/Voltaire ou mort. Il est aussi l’auteur d’une L’Élysée (et les oligarques) Jean-Philippe Toussaint p. 17 trilogie criminelle se déroulant contre l’info p. 27 La disparition du paysage mardi 5 avril à 18 h dans le Japon de l’après-guerre, Mise en pages : Petits Papiers,Toulouse Impression : Groupe reprint – Parchemins du midi mercredi 2 mars à 18 h p. 8 David peace dont Tokyo revisitée est le dernier Nicolas Mathieu vendredi 18 mars à 17 h Tokyo revisitée p. 3 volet. L’œuvre de David Peace est Connemara p. 5 Laurent Bayle, Une vie musicale traduite dans de nombreux pays. jeudi 3 mars à 17 h 30 p. 10 du 1er février au 12 mars Lecture Serge Pey samedi 19 mars à 17 h café côté cour Rattrapé L’incendie de l’Église de Sao Stéphane Audeguy Silence et profusion • dessins par son passé Domingos de Lisbonne. Entre- Dejima p. 4 Adrien Neveu p. 40 949. Shimoyama, le président tien avec Christian Jaccard lundi 21 mars à 18 h des chemins de fer japonais a p. 11 François Dubet, Tous inégaux, du 16 mars au 16 avril disparu. Son corps ne tarde pas Photographie Jean-Paul Espaignet. vendredi 4 mars à 17 h 30 tous singuliers p. 26 librairie vo à être découvert, démembré, sur P. Manuel, D. Dezeuse mardi 22 mars à 18 h vernissage le samedi 19 mars à 11 h les voies. Meurtre ou accident ? Présentation des éditions Diglee, Je serai le feu p. 9 Architecture • exposition Shimoyama venait de procéder Méridianes et lecture des Écrits mercredi 23 mars à 18 h Madeleine Metivet p. 33 au licenciement de 30 000 travail- hérétiques p. 11 Maxime Rovere leurs du rail, il était donc devenu samedi 5 mars à 15 h Spinoza. L’Éthique p. 13 Dans le cadre de Traverse Vidéo une cible potentielle. Harry Swee- Azize Mokhtari, La sincérité jeudi 24 mars à 18 h XXVe éditions ney, flic désabusé du Montana, sans détour p. 10-11 Barbara Stiegler du 16 mars au 16 avril samedi 5 mars à 17 h Nietzsche et la vie p. 12 galerie rue mirepoix Les économistes atterrés, jeudi 24 mars à 20 h Photographies •Céramiques samedi 26 mars à 15 h Mireille Bruyère Valérie Gitton-Ripoll Jean-Paul Espaignet p. 34 Association Toulouse Greeters : réunion d’information. De quoi avons-nous vraiment Les équidés dans l’économie du 16 mars au 16 avril besoin ? p. 26-27 et l’hippiatrie antiques café côté cour L’Association Toulouse Greeters regroupe des passionnés de laVille Rose qui la font découvrir béné- lundi 7 mars à 18 h p. 22-23 Asymétrie • Photographies Autour de Daniel Fabre vendredi 25 mars à 18 h Pauline Le Pichon p. 35 volement à des visiteurs du monde entier,hors des sentiers touristiques battus,en proposant des ren- Passer à l’âge d’homme Thibault Le Texier, La main contres-promenades à dimension humaine.Pour en savoir plus,et peut-être rejoindre l’Association, p. 32 visible des marchés p. 30 JEUNESSE p. 36-39 rendez-vous le samedi 26 mars !
4 japon 2 : après hiroshima quitter sa jeunesse 5 Dejima Connemara STÉPHANE AUDEGUY NICOLAS MATHIEU samedi 19 mars à 17 h mercredi 2 mars à 18 h Rencontre avec Stéphane Audeguy autour de Dejima paru aux éditions du Seuil. Rencontre avec Nicolas Mathieu pour la parution de son roman Connemara aux éditions Actes Sud. STÉPHANE AUDEGUY est né Kyoto, en 1902, son voyage de sur les décharges et la pollution NICOLAS MATHIEU est né vie peinarde et indécise. On pour- les lendemains de cuite à glander. en 1964, il a publié en 2005 un pre- noce. Il y a l’hallucinante et san- suffocantes qui rongent l’archipel en 1978 dans les Vosges. En 2014, rait croire qu’il a tout raté. Cette période engloutie qui avait mier roman, La Théorie des nuages glante Kumiko. Il y a enfin Alice, nippon. il publie son premier roman Aux Et pourtant il croit dur comme fer tellement duré et semblait rétros- (Gallimard), qui a été suivi de Fils institutrice française délurée en Celui-ci, passé de l’ouverture for- animaux la guerre, adapté pour que tout est encore possible. pectivement si brève. Sa mère unique (Gallimard, 2006), Petit vadrouille au pays du Soleil levant. cée sous la menace des canons la télévision avec Alain Tasma. En Connemara c’est cette histoire l’enguirlandait alors parce qu’elle éloge de la douceur (Gallimard, Trois chapitres, qui constituent yankees au xixe siècle aux deux 2018, son deuxième livre, Leurs des comptes qu’on règle avec le passait des heures à s’étirer dans 2007), Les monstres (Gallimard, un étrange triptyque archipé- bombardements atomiques – enfants après eux, remporte le passé et du travail aujourd’hui, son lit au lieu de profiter du soleil 2008), Nous autres (Gallimard, lique. Conçu tel un kaléidoscope, yankees toujours – d’août 1945, prix Goncourt. entre PowerPoint et open space. dehors. À présent, le réveil son- 2009) et Rom@ (Gallimard, 2011), le roman de Stéphane Audeguy mène sa barque avec l’admirable C’est surtout le récit de ce trem- nait à six heures tous les jours de Histoire du lion Personne (Seuil, agence les éclats énigmatiques, constance propre à l’héroïsme Des comptes blement au mitan de la vie, quand la semaine et le week-end, tel un 2016,), Une mère (seuil, 2017). Il enchanteurs, ou cauchemar- pavlovien qui ne mène à rien. À qu’on règle le décor est bien planté et que automate, elle se réveillait à six enseigne l’histoire du cinéma et desques d’un Japon révolu, avant l’image des vivantes qui passent Hélène a bientôt quarante ans. l’envie de tout refaire gronde en heures quand même. des arts dans les Hauts-de-Seine. que de virer ultra-contemporain et transmigrent : « Chacun de Elle est née dans une petite ville nous. Le récit d’un amour qui se Elle avait parfois le sentiment que au fil des pages. Les glissements ses meurtres peuple l’esprit de de l’Est de la France. Elle a fait de cherche par-delà les distances quelque chose lui avait été volé, Pays complexe temporels suivent le rythme des Kumiko d’une nouvelle vie de sou- belles études, une carrière, deux dans un pays qui chante Sardou et qu’elle ne s’appartenait plus tout Il y a l’Américaine Mabel, qui réincarnations de personnages venirs, de sensations, de pensées, filles et vit dans une maison d’ar- va voter contre soi. à fait. Désormais, son sommeil se retrouve veuve à Tokyo en féminins, qui surviennent au gré d’émotions ; assez rapidement, la chitecte sur les hauteurs de Nancy. obéissait à des exigences supé- 1946, alors qu’elle avait passé à d’une narration marquée par un jeune femme se sent aussi vieille, Elle a réalisé le programme des [Extrait] rieures, son rythme était devenu crescendo du genre fantastique. aussi complexe qu’un dragon magazines et le rêve de son adoles- Hélène en était pleine de ce temps familial, professionnel, sa cadence, La métempsychose semble une antique. » cence : se tirer, changer de milieu, compté, de ces bouts de quotidien en somme, poursuivait des fins valeur refuge pour les écrivains Dans une société fourbue et réussir. qui composaient le casse-tête de collectives. Sa mère pouvait être français, en ce premier quart comme au stade terminal, où la Et pourtant le sentiment de gâchis sa vie. Par moments, elle repensait contente. Hélène voyait toute la déboussolé du xxie siècle – cf. mangeaille et l’accouplement est là, les années ont passé, tout a à son adolescence, les flemmes course du soleil à présent, fina- Le Banquet annuel de la rythment les jours caverneux, des déçu. autorisées d’à quinze ans, les indo- lement utile, mère à son tour, confrérie des fossoyeurs goupils itératifs accompagnent la Christophe, lui, vient de dépasser lences du dimanche, et plus tard embringuée pareil. n de Mathias Énard. Sté- perte d’humanité tout en ressou- la quarantaine. Il n’a jamais quitté phane Audeguy, cepen- dant les êtres, comme en écho à ce bled où ils ont grandi avec dant, poursuit l’idée cet autre roman d’anticipation Hélène. Il n’est plus si beau. Il a glissée dans son récit crépusculaire : Les Renards pâles fait sa vie à petits pas, privilégiant précédent, Une mère : de Yannick Haenel. Stéphane les copains, la teuf, remettant au « Qu’est-ce qu’une Audeguy fait partie des auteurs lendemain les grands efforts, les vie ? Un appétit, une qui nous embecquent, en évidant grandes décisions, l’âge des choix. affaire de désir. » l’époque avec une grâce tortu- Aujourd’hui, il vend de la bouffe On mange, on dévore, rante. n pour chien, rêve de rejouer au on consomme l’œuvre Antoine Perraud, hockey comme à seize ans, vit de chair dans Dejima, in La Croix (janvier 2022) avec son père et son fils, une petite tandis que le Japon s’enfonce dans la consommation galo- pante, la corruption effré- Scènes ouvertes de Slam née, la modernité fréné- tique, au point de dégorger samedi 26 février entre 12 h et 14 h – les pages en italiques, qui Entrée libre, sur présentation du passe sanitaire. Le Slam du midi fait son viennent s’intercaler dans le retour à Ombres Blanches ! Scène ouverte à toutes et tous pour 3 minutes destin des humains pour résumer de parole maximum. Poésie, Conte, Impro, Rap, Chanson… Venez dire par petites touches documentées venez écouter ! le sort d’une nation, s’achèvent
6 plume et plomb asphalte et béton 7 Les enchenteurs Bleu nuit GENEVIÈVE BRISAC DIMA ABDALLAH mercredi 9 mars à 18 h samedi 26 mars à 11 h Rencontre avec Geneviève Brisac autour de Les enchenteurs paru aux éditions de l’Olivier. Rencontre avec Dima Abdallah autour de son nouveau roman Bleu nuit paru aux éditions Wespieser. GENEVIÈVE BRISAC, norma- elle : « Tes bébés t’occupent autant conjugal s’étend jusqu’au Japon. DIMA ABDALLAH, née au l’idée d’affronter le monde exté- parue. À son insu, comme si ces lienne et agrégée de lettres, a ensei- que mes maîtresses » lui dit un Est-ce cela, la normalité ? Est-ce Liban en 1977, vit à Paris depuis rieur, celui qui était devenu jour- figures le révélaient à lui-même, gné en Seine-Saint-Denis, avant de jour Werther, dont l’empire extra- ainsi que marche le monde ? « La 1989. Mauvaises Herbes, son pre- naliste vit cloîtré dans son apparte- des images refoulées de vergers en publier trois livres aux éditions vie de Nouk à sa grande surprise mier roman, paru chez Sabine Wes- ment, tout en parvenant à donner fleurs, des odeurs d’iode, d’anis ou Gallimard. Elle a rejoint les éditions est désormais une vie d’employée pieser éditeur en 2020, a été très le change à sa rédaction. Un appel de jasmin le submergent… de l’Olivier en 1994, avec Petite. de maison d’édition comme les remarqué et a révélé le talent d’une téléphonique fait basculer son Renonçant à lutter contre l’insou- Son roman Week-end de chasse à autres, routinière et prévisible. auteure dont Bleu nuit confirme la existence : Alma, la seule femme tenable déferlante du passé, que la mère a obtenu le prix Femina en Employée avec enfants. Elle vigueur et la singularité. qu’il ait aimée, vient de mourir. ni les rituels, ni la drogue, ni l’al- 1996. Geneviève Brisac est l’auteur n’avait pas imaginé cela, mais elle Le lendemain de son enterrement cool n’ont pu contenir, il baisse la de plus de dix autres romans et s’y est habituée très vite. » Par En proie – auquel il s’avère incapable de garde… Ses nuits tourmentées, sur essais, dont Une année avec mon chance, il reste les livres et les à ses fantômes se rendre –, il sort enfin de chez lesquelles veille la fidèle Minuit, père (l’Olivier, 2010), qui a reçu mots de Marguerite Duras, qu’elle « Je marche sur un fil. Je suis le lui, décidant de vivre dans la rue une chienne rencontrée sur une le prix des Éditeurs, et Dans les se récite à la cantine, devant sa funambule sur le fil tendu au- après avoir jeté ses clefs dans une tombe, il va les consacrer au récit yeux des autres (l’Olivier, 2014). salade d’endives : « On part avec dessus des abysses de la mémoire. bouche d’égout. du cauchemar éveillé dans lequel Elle est également éditrice pour une méfiance de soi, avec une Il ne faut pas que je tombe. Je suis Dans un périmètre bien délimité il se débat depuis si longtemps, la jeunesse à l’École des Loisirs, et culpabilité, on part avec de petits sur le fil qui menace de rompre autour du cimetière du Père- et qu’il avait pourtant essayé de l’auteur de pièces de théâtre et de bagages de quatre sous, on ne part au moindre faux pas. » Pendant Lachaise, il change d’emplacement fuir en venant s’installer de l’autre scénarios de film. pas dans la liberté. Il faut se faire des années, l’auteur de cet intense tous les soirs, cherchant à conjurer côté de la Méditerranée. confiance. » […] » n monologue est parvenu à tenir les violentes réminiscences qui Bouleversant portrait d’un Nouk a grandi Laëtitia Favro, Livre Hebdo en laisse ses souvenirs. Tétanisé à malgré tout le hantent : ce bleu homme en proie à ses fantômes, « Sous la plume de Geneviève Bri- profond de la mer qui l’obsède, Bleu nuit est un livre d’une puis- sac, des voix de femmes surgissent, ce soleil écrasant… Réfugié dans sante humanité, celle de ces lais- les voix d’inconnues auxquelles Le carré des indigents sa nouvelle errance, il ponctue sés-pour-compte rencontrés dans elle prête son nom, sa renommée ses semaines par des échanges la rue, et celle d’un magnifique et un mantra : dire la vérité, toute HUGUES PAGAN fugaces, mais quotidiens, avec des personnage, sombre et lumineux à la vérité, coûte que coûte. En 1994, vendredi 18 février à 18 h RAPPEL femmes ou des jeunes filles, tou- la fois, luttant de toutes ses forces ses lecteurs rencontraient Nouk Rencontre avec Hugues Pagan à l’occasion de la parution de son roman jours les mêmes, dont le prénom pour échapper au pire. n dans Petite, jeune fille anorexique, Le carré des indigents aux éditions Rivages. rime avec celui de son Alma dis- internée dans une clinique dont le personnel s’employait à la briser. HUGUES PAGAN est un écrivain et l’accession de Giscard au pou- Nouk a grandi. […] français né en 1947 à Orléansville, voir. Schneider est un jeune offi- Nouk travaille dans l’édition, Algérie. Ancien fonctionnaire de cier de police judiciaire, il a tra- recrutée par Olaf dont elle rejoint police, il est auteur de romans vaillé à Paris et vient d’être muté Armoire de Barbe Bleue. Reliquaire de toile cartonnée (détail). le « harem », rivale d’un bataillon policiers et scénariste de film et de dans une ville moyenne de l’est de de secrétaires « amoureuses de série de télévision. Il a publié entre la France, une ville qu’il connaît leur coq unique ». Puis viendra autres chez Rivages : Mauvaises bien. Dès sa prise de fonctions, Werther, qui la toise « du fond de nouvelles du front (2018), Profil un père éploré vient signaler la son fauteuil-terrarium de saurien » perdu (2017), Dernière station disparition de sa fille Betty, une Jean Dubuffet, Fiston, La Filoche (détail). et méprise ouvertement la mater- avant l’autoroute (1997), Tarif de adolescente sérieuse et sans his- nité devant Nouk, qui attend son groupe (1993). toires. Elle revenait de la biblio- deuxième enfant. « La grossesse DANS LE CARRÉ DES INDI- thèque sur son Solex, elle n’est est une faute professionnelle, tout GENTS, nous retrouvons l’ins- jamais rentrée. Schneider a déjà le monde le sait. » Hypnotisée pecteur principal Claude Schnei- l’intuition qu’elle est morte. De par l’assurance de ces hommes, der, protagoniste récurrent des fait le cadavre de la jeune fille est Nouk s’abandonne comme tant romans d’Hugues Pagan. Nous retrouvé peu après, atrocement d’autres dans leurs bras, piquée sommes dans les années 1970, mutilé au niveau de la gorge. n par le regard qu’ils portent sur peu avant la mort de Pompidou
8 en lisière de la mort au-dedans du rêve 9 La disparition du paysage Je serai le feu JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT DIGLEE jeudi 17 mars à 17 h 30 mardi 22 mars à 18 h Rencontre avec Jean-Philippe Toussaint autour de ses parutions récentes aux éditions de Minuit : Rencontre avec Diglee autour de Je serai le feu paru aux éditions La ville brûle. La disparition du paysage, et Les émotions. En dialogue avec Aurélien Bory – metteur en scène, et en présence de Denis Podalydès – comédien (sous réserves). DIGLEE (Maureen Wingrove) est âme allait éperdument/Vers tes Il faisait nuit et je fis un faux mou- une illustratrice, autrice de bande chères lèvres lointaines ? » vement au-dedans du rêve : je tour- JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT cune de ses œuvres avec émotion. Comment donner à entendre (à dessinée et romancière française. nai trop brusquement à un carre- est né à Bruxelles en 1957. Il est J’aime son style, son humour, sa voir ?) ce flux de pensées, de sen- Elle est également passionnée Anaïs Nin four et vins me heurter contre ma écrivain, cinéaste et photographe. clarté même dans la mélancolie. sations, de réminiscence ? Et com- de poésie et de littérature. Elle a « Je marchais à l’intérieur de mon folie. » n Son premier roman, La Salle de Il me fit don de ce texte il y a un ment faire avec la mort, toujours récemment publié Libres et Baiser propre livre, en quête de la paix. / bain, est paru en 1985 aux Éditions peu plus d’un an dans un café à présente, déjà là, ombre et instant ? après #MeToo (avec Ovidie), ainsi de Minuit. Il est l’auteur de quinze Paris, où il voulait me le remettre Il fallait un espace particulier, iné- qu’un premier récit littéraire sen- livres, tous publiés chez Minuit, en mains propres. J’étais étonné dit.Aurélien Bory s’est intéressé au sible et puissant intitulé Ressac. dont, , Made in China et M.M.M.M. de cette discrétion, comme si projet. Dans le café où nous nous (2017), ainsi que La clé USB (2019). nous étions dans un film d’espion- sommes aussi rencontrés, il s’est Cinquante poétesses nage. Il ne l’avait pas publié (chez mis à griffonner de petits croquis « Oui, les femmes écrivent de la La disparition Minuit, comme tous ses livres), autour du thème de la fenêtre qui poésie (et non, leur poésie n’est ni du paysage et ne le publierait pas encore : s’obture peu à peu. Quantité d’es- uniforme ni mièvre). J’avais envie « Je passe ma convalescence à seulement, sans doute, quand je paces différents ont affleuré dans dans ce livre de partager avec vous Ostende. Une aide-soignante, le jouerais. Bon, très bien, je le l’imaginaire commun qui s’édifiait ces mots qui m’ont tant émue. Et qui ne parle pas français (peut- reçus comme le début d’une mis- doucement. » n de faire la peau au vieux cliché être ne parle-t-elle que néerlan- sion : faire passer ce texte dans la Denis Podalydès qui voudrait que la poésie soit un dais), vient tous les jours, qui chambre d’écho d’un théâtre. genre littéraire réservé aux bancs me couche le soir et m’assiste de l’école ou, pire encore, à une pour mon lever. J’ai le sentiment élite. » Diglee qu’il n’y a pas de discontinuité Je serai le feu est une anthologie dans ma vie, que cela fait des sensible et subjective,dans laquelle mois maintenant que je suis Théâtre de la Cité • La disparition du Paysage Diglee réunit cinquante poétesses immobilisé ici dans un fauteuil du mercredi 15 mars au vendredi 18 mars à 20 h 30 des xixe, xxe et xxie siècles. Certaines roulant et que les journées se d’entre elles sont très connues, succèdent, identiques, devant Texte Jean-Philippe Toussaint • Scénographie et mise en scène d’autres sont tombées dans l’oubli. la fenêtre de cet appartement. Aurélien Bory • Avec Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie- Toutes ont en commun d’avoir Combien de temps va durer Française • Lumières Arno Veyrat • Musique Joan Cambon. marqué leur époque, et d’avoir ma convalescence, je l’ignore. Je écrit de sublimes poèmes. Pour n’ai pas froid, je ne manque de chacune d’entre elles, Diglee a réa- rien. Je n’ai aucun souvenir de lisé un portrait ou une illustration l’accident. Ai-je été renversé par originale, rédigé une biographie, et une voiture ? Ou était-ce une sélectionné ses poèmes préférés. chute ? Ai-je fait une chute dans Les poèmes anglophones inédits les escaliers ? Ou un attentat ? Se en français ont été traduits de l’an- peut-il que j’aie été victime d’un glais par Clémentine Beauvais. attentat ? Je ne sais pas. Je n’ai pas mal, pas de souffrance phy- Maya Angelou sique, mais un étonnement – un « Fusillez-moi de mots, /Laissez vos étonnement inébranlable. » regards me trancher, /Vos haines me tuer. /Comme le vent, toujours Un espace je me soulèverai » particulier Renée Vivien © Aglaé Bory « Je connais Jean-Philippe Tous- saint depuis quelques années, je « N’as-tu pas senti qu’un moment, le lis depuis 1984, accueillant cha- /Ivre de ses angoisses vaines, /Mon
10 philharmoniques r e n c o n t r e a Hommage r t i s t ià qJacques u e Girard, galeriste Méridianes éditions et ses artistes Une vie musicale du 29 janvier au 12 mars 2022 LAURENT BAYLE vendredi 18 mars à 17 h Rencontre avec Laurent Bayle autour de Une vie musicale aux éditions Odile Jacob. Rencontres dans le cadre de l’exposition LAURENT BAYLE est directeur de premier plan. Il présente notam- les artistes, les porteurs de projet, général de la Cité de la musique, ment la naissance de l’Ircam, de la l’administration et les entreprises, président de la Philharmonique de Cité de la musique, la réouverture et bien sûr les personnalités poli- Paris. de la salle Pleyel à la fin des années tiques – un défilé de présidents et JEUDI 3 MARS À 17 H 30 2000, la genèse mouvementée de ministres. On y découvre des Lecture par Serge PEY du texte de L’incendie de l’Église de Sao Grands projets de la Philharmonie de Paris, et de ténacités contrariées,des caractères Domingos de Lisbonne. Suivie d’un entretien avec Christian JACCARD musicaux divers autres projets qu’il a menés affrontés, des intérêts divergents et de la projection d’un film tableau de l’artiste. En faisant le récit de son parcours ou auxquels il a été associé. En et des batailles médiatiques… Ce professionnel remarquablement mêlant le témoignage personnel livre est aussi, de manière discrète, Un livre dans la longue durée amicale avec Serge Pey, depuis nos riche, Laurent Bayle retrace une et l’expérience vécue avec la chro- un manifeste pour une politique échanges et collaborations au CPC de l’Université du Mirail. Le texte bonne partie de la politique cultu- nique de la vie culturelle et de culturelle ouverte et généreuse. qu’il m’envoie sur l’incendie de l’église de Sao Domingos à Lisbonne relle et des grands projets musi- la genèse de grandes institutions li est également porteur d’une précède de plusieurs mois l’incendie de Notre-Dame de Paris. Christian caux en France depuis la fin des artistiques, il présente, vus de l’inté- critique implicite – le rappel des Jaccard avec lequel il avait travaillé à la Coopérative de Montolieu et années 1980, où il a joué un rôle rieur, les arcanes des rapports entre faits est impitoyable – des incohé- que j’ai rencontré à l’occasion d’une combustion à l’abbaye de Lagrasse rences des politiques publiques en a accepté de l’accompagner de 4 ignitions (trois sur papier et une sur la matière, changeantes, au gré des Rhodoïd). gouvernements et des orientations politiques. n VENDREDI 4 MARS À 17 H 30 La sincérité sans détour Rencontre avec Pierre MANUEL. Présentation des Éditions AZIZE MOKHTARI Méridianes, en présence de samedi 5 mars à 15 h certains des artistes du catalogue. Rencontre avec Azize Mokhtari autour Suivie d’une lecture des Écrits de son livre La sincérité sans détour hérétiques de et par Daniel paru aux éditions du Sud Ouest. DEZEUZE. AZIZE MOKHTARI a créé Les Au point de rencontre des arts visuels P’tits Fayots, l’un des restaurants et de l’écriture, Daniel Dezeuze a emblématiques que la gastro- écrit et publié plusieurs textes, ici nomie toulousaine, en 2011. Le rassemblés, au sujet de religions anciennes, non abouties ou succès maintenant bien établi de souvent tragiquement rejetées comme hérétiques par l’Église son restaurant, c’est tout simple- naissante ou déjà constituée (croisade dite des Albigeois au ment à sa cuisine qu’il le doit. Et XIIIe siècle). Ces textes, pour la plupart, concernent la gnose sa cuisine est à son image, sincère, et certains liens – même lointains – avec le catharisme. généreuse et authentique. Daniel Dezeuze en retient moins l’enseignement que le AZIZE MOKHTARI vous fond philosophique : la déréliction de l’existence humaine raconte l’exercice difficile qu’est – l’abandon par Dieu de ses créatures et la question du Mal. d’aller à l’essentiel, de se déta- Il revisite avec sincérité et humour ces diverses hérésies, en cher du regard des autres pour suggère la grande qualité morale et intellectuelle ainsi que forger sa propre cuisine, de jouer feu, le riz au lait, la brandade de leur diversité. avec la matière, de la ressentir, morue, les seiches en persillade, "Étranges religions ! Je suis impie pour les juifs, idolâtre pour de la mettre en valeur avec une la ganache au chocolat selon Aziz les musulmans, insensé pour les chrétiens. Comment faire pour cuisson et un assaisonnement qui Mokhtari : une cuisine sincère et être moins hérétique ?" Daniel Dezeuze amplifient sa qualité. Le pot-au- sans détour ! n
12 solitaire et fulgurante le génie de la haye 13 n. endze s Ar nne Nietzsche et la vie Spinoza. L’Éthique a oh sJ tru Pe a, BARBARA STIEGLER MAXIME ROVERE oz in Sp de jeudi 24 mars à 18 h mercredi 23 mars à 18 h ait Portr Rencontre avec Barbara Stiegler autour de Nietzsche et la vie paru aux éditions Gallimard. Rencontre Rencontre avec Maxime Rovere autour de Spinoza. L’Éthique initialement prévue en janvier. parus aux éditions Flammarion. BARBARA STIEGLER enseigne de « vérité » en même temps que lui permet de penser la notion la philosophie à l’université Bor- la valeur des énoncés produits par de métabolisme, c’est-à-dire l’en- MAXIME ROVERE est cher- fait naître des bibliothèques deaux-Montaigne. Elle a publié en la science. semble des échanges entre un cheur indépendant en philoso- de commentaires. En principe 2019 Il faut s’adapter. Sur un nou- organisme et son milieu, ainsi phie, associé à l’IRHIM-ENS de destinée à tous, l’œuvre a de vel impératif politique, aux éditions Flux permanent que la mémoire, conçue comme Lyon. Ancien élève de l’ENS et de quoi déconcerter, voire décou- Gallimard. Barbara Stiegler s’intéresse au faculté d’ingérer quelque chose l’École du Louvre, il enseigne l’his- rager. La forme, empruntée aux tournant pris par Nietzsche avant d’autre en soi et d’en garder une toire de la philosophie à l’ENS de traités de géométrie, les subtilités L’affaire de tous la folie et à son étude tardive d’ou- trace. D’après lui, le vivant se Lyon et à l’Université PUC de Rio d’un vocabulaire singulier, la visée Avec Nietzsche s’inaugure une vrages de biologie et de sciences trouve pris dans un flux perma- de Janeiro (Brésil). En parallèle à à la fois théorique et existentielle philosophie nouvelle, centrée de la vie. Selon elle, le philosophe nent, accéléré par la révolution ses travaux consacrés à Spinoza du projet rendent l’approche déli- dorénavant sur le corps et la vie, entendait faire du corps vivant le industrielle – « Tout est flux », et aux échanges intellectuels au cate. Voilà pourquoi on n’a cessé qui appelle une nouvelle histoire socle de sa pensée. La vie repose remarque Nietzsche. Barbara Stie- xviie siècle, il a publié Le Clan Spi- d’expliquer et de traduire ce texte de la philosophie. En parcourant sur deux activités essentielles : gler oppose ce flux nietzschéen noza (Flammarion, 2017) ainsi que sans pareil. Rovère dans cette entreprise, pour les grandes étapes de cette his- l’évolution et la nutrition, soit à l’adaptation. Pour elle, s’adap- les Correspondances de ce dernier […] Du strict point de vue du pas- apporter un grand nombre de pré- toire, Barbara Stiegler introduit l’acte de se nourrir, qu’il rebaptise ter revient à se conformer à des aux éditions GF,Que faire des cons ? sage du latin au français, la version cisions sur les liens du texte avec le lecteur aux philosophies de « incorporation ». L’incorporation contraintes extérieures, à « refuser (Flammarion, 2019) et L’école de la de Maxime Rovere se signale par plusieurs domaines cruciaux : la Descartes, Kant, Schopenhauer, de se transformer réellement soi- vie (Flammarion, 2020). Ses livres des innovations infimes, qui modi- philosophie antique, la méthode Hegel et Marx, ainsi qu’à quelques même et de transformer le monde sont traduits en plusieurs langues. fient peu l’approche de l’œuvre. de Descartes et l’histoire des grandes figures de la philosophie autour de soi ». La philosophe fait C’est plutôt dans sa concep- sciences de son temps, les philo- contemporaine, proches ou héri- donc de Nietzsche le penseur Pratique collective tion même que cette édition de sophies juives et la kabbale, l’exé- tières de cette nouvelle philoso- critique d’un certain type d’adap- C’est le traité philosophique l’Éthique se montre originale. gèse chrétienne, les rationalistes phie de la vie :William James, John tation ou de flexibilité, ces dispo- le plus important des temps Car elle entend rompre avec la néerlandais. Rien d’étonnant, dès Dewey, Bergson, Canguilhem et sitions que réclame justement le modernes, mais aussi le plus représentation habituelle : Spi- lors, que le volume atteigne un Foucault, sans oublier le contre- néolibéralisme naissant à la fin du déroutant. Publiée en latin en noza navigateur solitaire, et ses millier de pages, alors que le texte point critique de la phénoménolo- xixe siècle. […] n 1677, sans nom d’auteur, à la mort lecteurs explorateurs sans bous- de Spinoza demeure peu étendu. gie, de Husserl à Heidegger. Parce Victorine de Oliveira, de Spinoza (1632-1677), l’Éthique, sole. Contrairement à ce qu’on Cette série de mises en perspec- que le fil conducteur de cette Philosophie Magazine depuis trois siècles et demi, a croit trop souvent, le philosophe tive transforme évidemment la nouvelle histoire suit la réalité exercé une influence immense, et ne réfléchissait pas coupé du lecture. Permet-elle à chacun de concrète du corps et de la vie, son monde, seul dans le d ésert. Au mieux s’imprégner intimement livre est aussi une introduction à contraire, son travail s’inscrivait de la démarche de Spinoza ? C’est l’histoire de la biologie, de la phy- Classiques au détail/Lasphrise dans une pratique collective, une moins sûr. Faudrait-il, pour y par- siologie à la théorie de l’évolution, série d’échanges continus, une vie venir, rendre collégiale la lecture et jusqu’aux débats les plus brû- YVES LE PESTIPON intellectuelle et spirituelle collé- de l’Éthique ? Devrait-on imaginer lants de la biologie et des sciences lundi 14 mars à 17 h 30 giale.Tel est le point de départ de des clubs informels où se réuni- médicales contemporaines. À la Rencontres proposées par Yves Le Pestipon. Papillon de Lasphrise, Maxime Rovère. raient, par petits groupes, lecteurs lumière de ce parcours, la philo- « Sonnet en langue inconnue ». Dès lors, il n’y a aucune raison échangistes et « spinozistes ano- sophie de Nietzsche ne peut plus pour que la découverte, par cha- nymes » ? Ce n’est ni loufoque apparaître comme une météorite LASPHRISE n’est pas très réputé, expérimentale, entre carnages et cun, de cette œuvre sans équiva- ni impossible dès lors que l’on solitaire et fulgurante. Elle se situe mais « son sonnet » étonne encore. caresses. Quand on rencontre son lent doive être une aventure en admet l’hypothèse de départ : la bien plutôt au beau milieu d’un On le dirait écrit, après Bernard sonnet, et son œuvre, on com- solo, la rencontre d’un texte nu conversion profonde que cette tournant : celui à partir duquel, Heidsieck ou Ghérasim Luca, prend qu’il faut multiplier, en tous et d’un lecteur démuni. Cette édi- œuvre est censée produire n’est Nietzsche par Frédéric Pajak. sur fond de fin de la métaphysique pour des festivals contemporains sens, les histoires de la littérature tion fait donc le pari de multiplier pas un processus solitaire. Mais ce et de crise des savoirs, le gouver- de poésie sonore. Marc Papillon française. Le passé est un présent éclairages, explications et indi- n’est, quand même, qu’une hypo- nement de la vie et des vivants cependant fut un capitaine com- toujours à réécrire. n cations contextuelles. Leur mul- thèse. n doit devenir l’affaire de tous, nous battif et un amoureux vif pendant Très petite bibliographie titude figure en page de gauche, roger pol-droit obligeant à repenser de fond en les Guerres de religion. Il écrivit Anthologie de la poésie française le texte de Spinoza à droite. Cinq in le monde (nov. 2021) comble les notions de « réalité » et beaucoup, de manière souvent du xviie siècle, Poésie/Gallimard. chercheurs ont rejoint Maxime
14 mémoire et temps présent chili : octobre 1974 15 Cinémas d’Amérique latine AVEC CINÉ LATINO Un jour d’octobre à Santiago AVEC CINÉ LATINO JACQUES DANTON, SYLVIE DEBS, MARION GAUTREAU CARMEN CASTILLO samedi 26 mars à 13 h lundi 28 mars à 18 h Rencontre avec Jacques Danton, Sylvie Debs et Marion Gautreau autour du trentière numéro Rencontre-débat avec Carmen Castillo autour de Un jour d’octobre à Santiago aux éditions Verdier. de la revue Cinémas d’Amérique Latine. CARMEN CASTILLO Carmen vaillé auprès de Salvador Allende redistribution des terres, la natio- 30 ans tache que soulignent dans ces Un long entretien avec Patricio Castillo est née à Santiago en 1945. avant le coup d’État et s’implique, nalisation de grandes industries, Après deux années difficiles pour articles et entretiens, les diffé- Guzmán, présent au mois de mars depuis, au sein des réseaux de l’augmentation des salaires, l’ex- cause de pandémie, nous prépa- rentes démarches exercées sur ce prochain à Toulouse, évoque l’ex- Traverser ces années lutte contre la dictature militaire. tension de la sécurité sociale. Bref, rons la 34e édition qui aura lieu du matériau sensible, toujours vivant, périence documentaire extraordi- Chili, octobre 1974. L’affrontement tourne au drame. les humbles enfin comptés. 25 mars au 3 avril pendant laquelle toujours actuel. naire de ce cinéaste qui termine Les forces armées du gouverne- Treize ans plus tard, au terme En deux récits, ici rassemblés, la nous fêterons le 20e anniversaire La seconde évocation célèbre les son dernier film Mi país imagina- ment de Pinochet encerclent la d’un exil éprouvé de l’autre côté cinéaste Carmen Castillo nous fait de Cinéma en Construction, le 20 ans de Cinéma en Construc- rio, en cours de montage. maison d’un jeune couple. Ils se de l’océan, en France, la mili- traverser ces années de combat, 30e numéro de notre revue Ciné- tion, un des dispositifs d’accom- Les recensions de livres sur ces nomment Miguel Enriquez et Car- tante est autorisée à séjourner d’élans et de fracas. La politique et mas d’Amérique latine et nous pagnement qui permet à des cinémas, parus en Amérique latine men Castillo ; tous deux vivent dans son pays natal. C’est, dit-on, l’intimité se fondent en une même consacrerons une rétrospective cinéastes de rechercher des parte- ou en France et présentes dans cha- dans la clandestinité. Il est l’un « l’ouverture ». Mais ce pays, elle langue, délicate et habitée. Ces au documentariste chilien Patricio naires européens pour leurs films cun des numéros, rendent compte des responsables de la résistance ne le reconnaît plus : partout, elle pages, signées contre l’oubli, se Guzmán. Notre programme sera en chantier, qui propose cette de l’actualité éditoriale sur les deux et le dirigeant du Mouvement de ne voit que le sourire satisfait des font désormais appel à refuser, en riche de nouveautés car malgré la année une rétrospective prise rives de l’Atlantique. n la gauche révolutionnaire (MIR) ; vainqueurs. Tout avait pourtant tout lieu, le cours des choses. L’His- Covid qui a durement frappé les sous l’angle de la décolonisation. elle, professeure d’histoire, a tra- débuté dans la joie populaire : la toire n’est qu’affaire de présent. n pays d’Amérique latine, la produc- tion et le tournage de nouvelles œuvres ont persisté. Comme ici en Europe, c’est la distribution des films et les projections en salles qui ont grandement souffert, eu égard aux longues mesures de confinement. Comme chaque année depuis 1992, la revue Cinémas d’Amé- rique latine, accompagne le fes- tival Cinélatino. Elle rassemble des articles d’universitaires, de cri- tiques, de professionnel.les, latino- Cinélatino, 34es américain.es et de spécialistes du rencontres de Toulouse cinéma de ce continent. La revue est trilingue. 25 mars au 3 avril 2022 Ce numéro « anniversaire », 30 ans cette année, rappelle le rôle qu’a Cinélatino porte son regard curieux et perspicace sur le cinéma joué la revue, fondée par Paulo d’aujourd’hui en Amérique latine et les films les plus récents nour- Antonio Paranagua, depuis l’ori- rissent ses compétitions. En 2022, au tout-neuf répondent deux gine pour l’ensemble des cinémas regards : un sur la solide aventure de Cinéma en Construction, du continent. qui, depuis 20 ans, soutient des projets et des cinéastes pour que Un dossier, important par son naissent des films et l’autre sur l’œuvre cinquantenaire de Patri- objet, revient sur la mémoire de cio Guzmán. Une dizaine de films du documentariste parcourent ces cinémas par le traitement l’Histoire du peuple chilien dont l’Unité populaire a été brisée par des archives, de leur histoire, de le coup d’État en 1973 et celle, intime, du cinéaste dans sa quête leur conservation par les ciné- de la mémoire. Autre figure originale du cinéma latino-américain, mathèques, de leur exploitation l’argentin Matias Piñeiro rencontre Shakespeare à chaque coin de et usage contemporains. Ainsi, film. Une expérience. On danse le tango, on amène ses enfants, on conserver, établir la chronologie, se retrouve au « barrio latino », au gré des apéros concerts. Partager remployer ces archives, voilà la le cinéma est une fête, de lieux en lieux, pendant dix jours. Images d’archives : la voix de Salvador Allende, 11 septembre 1973.
16 p o u r a l e x a n d re g r o t h e n d i e c k avant et après la kolyma 17 Le semeur d’yeux Récoltes et Semailles d’A. Grothendieck LUBA JURGENSON HERVÉ NISIC, JOHANNA GROTHENDIECK mercredi 16 mars à 18 h vendredi 11 mars à 18 h Rencontre avec Luba Jurgenson à l’occasion de la parution de son ouvrage Le semeur d’yeux, éditions Rencontre avec Hervé Nisic (documentariste) à l’occasion de la publication de Récoltes et Semailles. Verdier. Débat animé par Natacha Laurent (département d’Histoire Université Toulouse Jean-Jaurès). Réflexions et témoignage d’un passé de mathématicien d’Alexandre Grothendieck aux éditions Gallimard. Projection du film d’Hervé Nisic L’espace d’un homme, suivie d’un débat avec le réalisateur. LUBA JURGENSON est écri- les va-et-vient d’une pensée à la qu’il fallait semer des yeux En présence de Johanna Grothendieck, fille du mathématicien. vain, traductrice et enseignante. chronologie bouleversée, au gré que le semeur d’yeux devait Elle codirige, avec Anne Coldefy- d’une mémoire fragmentée, cen- venir ! ALEXANDRE GROTHEN- tion dans Récoltes et Semailles – connaissance de soi ; « Mes confes- Faucard, la collection de littérature surée – celle des camps. n Vélimir Khlebnikov DIECK, mort le 13 novembre te le dire de façon plus circonstan- sions » ; un journal intime ; une psy- russe « Poustiaki ». Et avec horreur 2014 en Ariège, a fondé les mathé- ciée que ne le dit le seul sous-titre : chologie de la découverte et de j’ai compris que j’étais invisible matiques modernes, permettant « Réflexions et témoignage sur un la création ; un réquisitoire (impi- Chronologie à quiconque le développement des téléphones passé de mathématicien » (le mien toyable, comme il se doit…), voire bouleversée portables et d’Internet. Il a laissé de passé, tu l’auras deviné…). Il y a un règlement de comptes dans « le Ce livre est le fruit d’une longue des milliers de pages de notes, beaucoup de choses dans Récoltes beau monde mathématique » (et expérience : celle de la lecture de contenant peut-être l’une des clés et Semailles et les uns et les autres sans faire de cadeaux…). Ce qui Varlam Chalamov, écrivain majeur de l’humanité. Mais Grothendieck y verront sans doute beaucoup est sûr, c’est qu’à aucun moment du xxe siècle qui fut aussi témoin est fondamentalement un misan- de choses différentes : un voyage je ne me suis ennuyé en l’écrivant, d’une de ses réalités les plus thrope qui n’a cessé de fuir ses à la découverte d’un passé ; une alors que j’en ai appris et vu de sombres : le Goulag. contemporains. Reclus pendant méditation sur l’existence ; un toutes les couleurs. Si tes impor- Témoignage ? Œuvre d’art ? Chala- 23 ans dans un petit village de tableau de mœurs d’un milieu et tantes tâches te laissent le loisir mov semble répondre par une for- l’Ariège, il ferma sa porte à tous d’une époque (ou le tableau du de le lire, ça m’étonnerait que tu mule fulgurante : « Ce qui devient ceux qui voulurent entrer en glissement insidieux et implacable t’ennuies en me lisant.A moins de grand dans l’art c’est ce qui, au contact avec lui : ses ex-collègues, d’une époque à une autre…) ; une te forcer, qui sait. » n fond, pourrait se passer d’art. » ses ex-femmes, ses anciens étu- enquête ; une vaste divagation Alexandre Grothendieck Saisir un tel acte de création dans diants, et même ses enfants. mathématique (qui sèmera plus son émergence est l’ambition de d’un…) ; un traité pratique de cet ouvrage qui n’élude pas la Témoignage psychanalyse appliquée (ou, au dimension subjective des inter- « Je voudrais maintenant te dire en choix, un livre de « psychanalyse- prétations proposées. Les « clefs » quelques pages de quoi il est ques- fiction ») ; un panégytique de la offertes par Chalamov n’ouvrent pas tout, pas tout de suite. Aussi cette lecture suit-elle les sentiers L’espace d’un homme. Le projet Grothendieck tortueux par lesquels l’œuvre s’est construite. Elle épouse les détours, d’Hervé Nisic Ce film voyage à la recherche d’un homme littéralement extraordinaire, un des plus grands génies mathématiques de tous les temps, radical, admiré, rejeté et finalement retiré d’un monde trop éloigné de l’intransigeance de ses idéaux. Précurseur génial Classiques au détail/Voltaire en mathématiques, Alexander Grothendieck a anticipé les désastres écologiques où YVES LE PESTIPON une science aveuglément asservie aux intérêts matérialistes pouvait mener l’humanité tout entière. De tout le poids que lui conférait son statut prestigieux de médaillé Fields lundi 4 avril à 17 h 30 dans le domaine des mathématiques et son entrée fracassante dans l’élite mondiale, il Rencontres proposées par Yves Le Pestipon. Voltaire, Dictionnaire philosophique, article a lancé un cri d’alarme sans compromis. Quelle est la force profonde, incontrôlable qui « Carême ». pousse un esprit hors norme à l’engagement total ? À l’heure où les recherches scientifiques se font complices de la commercialisation des gènes, où les déchets nucléaires s’accumulent en un formidable poison pour les générations LE DICTIONNAIRE PHILO- contre les fanatismes, les tra- Très petite bibliographie futures, et où la survie des espèces est en jeu, des scientifiques se dressent aujourd’hui et alertent l’opinion. Ils suivent SOPHIQUE de Voltaire est por- ditions religieuses, la sottise. le chemin d’Alexandre Grothendieck. Même si son nom est peu connu du grand public, il parcourt certains réseaux tatif. Contrairement à l’Ency- Voltaire y osa presque tout. Il Voltaire, Dictionnaire philoso- de la recherche et encourage ceux qui s’opposent à rester debout. L’homme n’est pas un agneau. Il a sa part d’ombre, clopédie, on peut l’emporter et fit scandale. Il se moqua même phique, collection Folio ses terreurs, ses fantasmes. Mais la leçon de sa vie porte encore : les scientifiques ne peuvent s’abstraire d’une pensée le lire, ou le faire lire, partout. du Carême. Pourquoi pas ? Il est citoyenne, d’une prise de conscience de leur responsabilité sociale. Ce film toujours en devenir, qui évolue au gré des C’est une arme d’attaque, qui sans doute temps de lire ce texte Jean Goldzink, Voltaire, Décou- rencontres que ses projections suscitent, espère contribuer à maintenir cette exigence. HERVÉ NISIC reste utile, voire indispensable, pour rire et débattre. n vertes Gallimard.
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