Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin

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Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Parasitisme :
agir vite pour
éviter l’impasse
     Recueil des Assises Ovines
     du 12 octobre 2021
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
PRÉAMBULE
               Par Philippe Jacquiet, Professeur de Parasitologie
               à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse

               Le thème de ces assises ovines est le parasitisme, mais de quel parasitisme
               parle-t-on ? Si celui de la brebis laitière est multiple, ces assises sont
               consacrées exclusivement à un groupe de parasites internes qu’on appelle
               « strongles digestifs », vers de la caillette et des intestins de nos brebis.

Pourquoi accorder tant d’importance aux strongles digestifs ?
Acquis uniquement au pâturage avec           insidieuse pendant laquelle l’éleveur          Parallèlement au phénomène de résis-
l’ingestion d’herbe, dotés de grandes        ne se doute de rien. Plus grave encore,        tance, de plus en plus d’attention est
capacités d’adaptation, ces vers para-       nous rencontrons aujourd’hui des popu-         prêtée maintenant à l’écotoxicité de
sites sont de redoutables adversaires        lations parasitaires multirésistantes,         certains de nos antiparasitaires. Les
car ils entraînent de la mortalité et des    c’est-à-dire résistantes à plusieurs           effets néfastes sur la faune non-cible,
pertes de production laitière évaluées       familles différentes d’antiparasi-             insectes coprophages des prairies en
en moyenne à un quart de la production       taires. Ce phénomène, qui présente de          particulier, sont attestés. Ils consti-
totale de lait d’une brebis.                 nombreuses analogies avec la résis-            tuent aujourd’hui une des contraintes
                                             tance des bactéries aux antibiotiques, ne      du contrôle des strongles digestifs et
Tous les systèmes d’élevage, toutes les
                                             concerne pas seulement le département          leur prise en compte dans les dossiers
exploitations ne sont pas soumis au
                                             des Pyrénées Atlantiques mais bien             d’enregistrement augmente le coût du
même risque de strongyloses diges-
                                             l’ensemble des zones d’élevage ovin de         développement de nouveaux médica-
tives. Ici, en Pyrénées Atlantiques, les
                                             la planète. Pour autant, la situation est      ments antiparasitaires.
températures douces tout au long de
                                             plus compliquée en brebis laitière qu’en
l’année, la pluviométrie abondante,
                                             brebis allaitante car l’éprinomectine, la
des chargements importants sur des
                                             seule molécule avec délai d’attente nul
parcelles parfois utilisées toute l’année
                                             pour le lait, est très largement utilisée
se conjuguent pour accroître ce risque.
                                             par les éleveurs.
Le contrôle de ces parasites doit être
effectif sous peine de mettre en péril
la rentabilité et la durabilité de nos
élevages. Les antiparasitaires, bon
marché, faciles d’emploi, ont rendu bien
des services en neutralisant nos adver-
saires, sans toutefois les éradiquer. Mais
la donne a peu à peu changé…
Les grandes capacités d’adaptation
des strongles digestifs ont joué à plein
pour leur permettre de développer des
résistances aux antiparasitaires. Des
mutations spontanées surviennent
continuellement dans les populations              PHILIPPE JACQUIET
de parasites et celles qui confèrent la           École Nationale Vétérinaire de Toulouse
résistance à un antiparasitaire seront
sélectionnées avec le temps car elles             « Il faut absolument préserver l’ef-
offrent un avantage sélectif aux vers qui         ficacité des molécules actuelles en
les portent. Le basculement vers des              rationalisant leur emploi et en leur
populations de parasites entièrement              adjoignant des méthodes de lutte
résistantes ne se fait pas « d’un seul            complémentaires ».
coup », il est au contraire progressif,
parfois très lent, passant par une phase
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Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Alors, que faire ?
Aucune nouvelle molécule antiparasi-         Depuis bientôt quinze ans, l’École Natio-
taire ne va être mise sur le marché dans     nale Vétérinaire de Toulouse, l’INRAe,
les prochaines années. Si l’une d’elles      l’Institut de l’Élevage et le Centre Dépar-
voit le jour, elle sera probablement chère   temental pour l’élevage Ovin d’Ordiarp
compte tenu des coûts de développe-          sont engagés dans un programme de
ment actuels et rien n’indique qu’elle       sélection génétique d’animaux résis-
sera utilisable chez la brebis laitière.     tants à ces parasites. L’intégration de
En d’autres termes, il faut absolument       la résistance aux strongles digestifs
préserver l’efficacité des molécules         dans les schémas de sélection ROLP
actuelles en rationalisant leur emploi       est maintenant possible et envisageable.
et en leur adjoignant des méthodes de
lutte complémentaires. C’est l’objet de
ces assises ovines 64.
                                             Des études en cours dans les Pyrénées Atlantiques
La gestion du pâturage a pour priorité
                                             Plusieurs programmes de recherche-               Enfin, il faut prévenir l’apparition des
l’exploitation de la ressource fourragère
                                             développement ont été mis en place               résistances ou tout au moins, les
dans l’alimentation de nos animaux.
                                             récemment. Devant la multiplication des          retarder le plus possible, en revisitant
Mais l’herbe est également le vecteur de
                                             cas de suspicion de résistance à l’épri-         complètement notre façon d’utiliser
la transmission des strongles digestifs
                                             nomectine, le programme de recherche             les anthelminthiques en élevage. La
par l’ingestion des larves infestantes
                                             ANTHERIN, financé par l’INRAe en 2020,           stratégie de traitement systématique
qui s’y trouvent. Dès lors, on recherche
                                             a pour objectif d’explorer ces suspicions        des animaux (on traite toutes les brebis
les pratiques qui permettraient de
                                             en lien avec les vétérinaires praticiens         en lactation au même moment) favorise
concilier nutrition et minimisation du
                                             du département. Il permet également              les vers résistants. Il faut donc laisser
risque parasitaire.
                                             de réfléchir ensemble, éleveurs, vété-           un refuge aux parasites sensibles pour
Face aux parasites, toutes les brebis        rinaires, techniciens et chercheurs aux          « diluer » les parasites résistants en
ne sont pas à égalité. Certaines d’entre     solutions à apporter aux éleveurs en             élevage. C’est l’objet du traitement
elles sont résistantes car elles limitent    difficulté et d’évaluer leur efficacité. Sur     ciblé sélectif avec de premiers résul-
l’installation, le développement et          ce dernier volet, ANTHERIN sera épaulé           tats d’essais réalisés dans le rayon de
la survie des parasites ; d’autres au        par le programme du Groupement d’in-             Roquefort.
contraire sont sensibles et assurent         térêt économique et environnemental
                                                                                              La région Nouvelle Aquitaine finance
une contamination massive des pâtures.       (GIEE), accepté en 2021.
                                                                                              actuellement le projet Placenett qui
                                                                                              étudie l’impact des antiparasitaires
                                                                                              utilisés en Pyrénées Atlantiques sur la
                                                                                              faune coprophage des prairies. L’uni-
                                                                                              versité de Montpellier III, le laboratoire
                                                                       Face aux parasites,    des Pyrénées et des Landes, le Centre
                                                                       toutes les brebis ne
                                                                                              Ovin et l’École Nationale Vétérinaire de
                                                                       sont pas à égalité
                                                                                              Toulouse sont associés dans ce projet et
                                                                                              témoignent d’une volonté commune de
                                                                                              s’emparer de cette question majeure.

                                                                                              Vers une lutte intégrée
                                                                                              contre les strongles digestifs
                                                                                              chez la brebis laitière
                                                                                              Ces projets, ces initiatives, cette mise
                                                                                              en commun de toutes les compétences
                                                                                              constituent une chance et une oppor-
                                                                                              tunité unique pour l’élevage ovin des
                                                                                              Pyrénées Atlantiques. À ma connais-
                                                                                              sance, cette conjonction de moyens et
                                                                                              de compétences est unique en France,
                                                                                              peut-être même en Europe. Le défi
                                                                                              est immense. Les solutions que nous
                                                                                              imaginerons et que nous évaluerons
                                                                                              ensemble seront utiles pour tous les
                                                                                              éleveurs du département mais aussi
                                                                                              pour tous les éleveurs de notre pays.
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Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Par Angélique Somera, Centre Départemental de l’Élevage Ovin (64)

                 STRONGLES : 
                 LES ÉLEVEURS DES PYRÉNÉES ATLANTIQUES
                 ADAPTENT LEURS PRATIQUES
                 Les résultats d’une enquête¹ réalisée auprès d’éleveurs ovins lait des
                 Pyrénées Atlantiques témoignent d’une inquiétude face aux résistances.
                 Des changements de pratiques sont en cours ou envisagés à court terme.

Une résistance des strongles                                                          « Cette enquête, réalisée en 2019, a concerné
                                                                                      536 élevages adhérents au Centre Ovin des
intestinaux préoccupante                                                              Pyrénées Atlantiques. La grande majorité des
La résistance des strongles gastro                                                    éleveurs enquêtés est consciente des pertes
intestinaux à une des familles d’an-                                                  d’efficacité des traitements chimiques. »
thelminthiques, les benzimidazoles,
est maintenant courante chez les ovins
laitiers des Pyrénées Atlantiques selon
                                                                                      ANGÉLIQUE SOMERA
les résultats des études réalisées
                                                                                      Centre Départemental de l’Élevage Ovin (64)
ces dernières années. Les éleveurs
enquêtés en 2019 sont conscients des
risques de pertes d’efficacité des trai-
tements chimiques et sont pessimistes             De 1 à 6 traitements par an
en pensant à l’avenir. D’ailleurs, 5 %            En moyenne, les éleveurs réalisent 2 à 3               préparation de la nouvelle campagne
des éleveurs se disent insatisfaits des           périodes de traitements antiparasitaires               laitière et des mises bas) et décembre/
traitements réalisés et 14 % ont observé          par an. Ils sont souvent administrés                   janvier (pic de lactation). Parmi les
une perte d’efficacité des produits               de façon systématique afin d’assurer                   produits utilisés, les deux tiers ciblent
antiparasitaires dans leur exploitation.          les périodes clés de la conduite d’éle-                les strongles gastro-intestinaux et 83 %
De plus, 29 % des enquêtés affirment              vage (notamment la lutte) ; ou selon                   des traitements réalisés font appel à
avoir déjà rencontré des difficultés de           le principe de la fuite en avant par la                une seule famille de molécules : les
maîtrise du parasitisme entre 2014                réalisation de traitement au change-                   lactones macrocycliques.
et 2019. Parallèlement, bien qu’en                ment de parcelle ou redescente de la                   Les principaux indicateurs de décision
alerte face aux enjeux directs sur leur           montagne. Les 3 grandes périodes de                    de traitement utilisés par les éleveurs
troupeau, 44 % des éleveurs semblent              traitement sont les suivantes : avril/mai              sont les suivants : l’état général « à
ignorer l’impact négatif de plusieurs de          (période de mise à la lutte), septembre/               l’œil » (30 %), l’aspect des fèces (21 %),
ces produits sur la faune coprophage.             octobre (redescente de la montagne,                    la souillure de l’arrière-train (17 %) et
                                                                                                         les résultats des coproscopies (14 %).
¹ Enquête réalisée en 2019 dans le cadre du projet Paralut porté par le Centre Départemental de         Seuls 12 % affirmaient en 2019 avoir
   l’Élevage ovin et financé par la région Nouvelle Aquitaine                                            toujours recours aux prélèvements de
                                                                                                         crottes avant de traiter, contre 50 %
                                                                                                         qui disaient ne jamais en faire. Depuis
                                                                                                         l’enquête et la visite sanitaire réalisées
                                                                                                         par les vétérinaires autour de la gestion
                                                                                                         du parasitisme, les éleveurs semblent
                                                                                                         y avoir recours de plus en plus.
                                                                                                         Enfin, dans 23 % des cas, la dose de
                                                                                                         traitement antiparasitaire administrée
                                                                                                         est déterminée sur la base du poids
                                                                                                         moyen du lot, sous-dosant les animaux
                                                                                                         les plus lourds. Ce dernier point est un
                                                                                                         facteur favorisant le développement de
                                                                                                         la résistance des parasites.

                                                                                                     La résistance aux benzimidazoles est aujourd’hui
                                                                                                     courante dans les Pyrénées Atlantiques.
                                                                        4
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
LA MAJORITÉ DES ÉLEVAGES RÉALISE
                       ENTRE 1 ET 3 TRAITEMENTS PAR AN :
                      Nombre de                                                                                                                                                 Le pâturage tournant
                     traitements
                       par brebis      % des élevages                                                                                                                           et rationné est mis
                        et par an      enquêtés                                                                                                                                 en œuvre sur les
                                                                                                                                                                                exploitations pour
                                  0>          4%                                                                                                                                les brebis.
                                  1>                  13%
                                  2>                                       35%
                                  3>                                  30%                                                                     Les éleveurs se disent prêts à utiliser des
                                  4>                 12%                                                                                      béliers génétiquement résistants aux strongles
                                                                                                                                              intestinaux contre une progression plus lente
                                  5>          4%                                                                                              sur la production laitière.
      Source : CDEO 2020

                                  6>    1%
                                  7 > 0%
                                                                                                                                                 Des agnelles mélangées
                                                                                                                                                 aux adultes plus ou moins
                                                                                                                                                 précocement
                                                                                                                                                 Avant 9 mois, les agnelles de renou-
                                                                                                                                                 vellement ont un système immunitaire
                                                                                                                                                 encore peu adapté au contrôle des para-
                     Des pratiques pour diminuer                                                                                                 sites. Dans 87 % des élevages enquêtés,
                     la pression parasitaire                                                                                                     les agnelles sortent au pâturage avant
                     En 2017, 52 % des élevages ont pratiqué                                                                                     la mise bas. L’enquête a montré que les
                     le pâturage hivernal, contre 31 % en                                                                                        agnelles et les antenaises rejoignaient
                     2018 à cause des conditions climatiques
                                                                                        Les éleveurs prêts à utiliser                            les adultes entre 4 et 36 mois d’âge,
                     défavorables (froid et pluie). De plus,                            les alternatives au chimique                             avec 4 périodes d’âge notables : 6-10
                     75 % de ceux qui pratiquent le pâturage                            75 % des éleveurs enquêtés sont                          mois ; 12 mois ; 18 mois ; 24 mois. Dans
                     hivernal déclarent sortir les brebis                               conscients que les antiparasitaires                      la grande majorité des cas, que ce soit
                     régulièrement (3 à 4 jours par semaine),                           risquent de ne plus être efficaces à                     chez les éleveurs transhumants ou non,
                     voire tous les jours. Le pâturage hivernal                         l’avenir. C’est donc naturellement qu’ils                au moins une des parcelles est utilisée
                     présente un risque du point de vue de                              cherchent à se tourner vers des alter-                   pour le pâturage conjoint des agnelles
                     l’infestation parasitaire, notamment en                            natives avec 3 grands axes :                             et des adultes.
                     période d’agnelage où l’excrétion d’œufs                           • Les plantes à tannins : 42 % en ont déjà
                     de strongles est augmentée.                                           entendu parler, et 56 % des éleveurs
                     Dans cette enquête, 63 % des élevages                                 seraient prêts à utiliser le sainfoin, la
                     ont au moins une parcelle pâturée par                                 chicorée ou le plantain,
                     des ovins et des bovins. Les bovins                                • Les huiles essentielles et la phytothé-
                     n’étant pas des hôtes pour les strongles                              rapie : 77 % des éleveurs en ont déjà
                     gastro-intestinaux des ovins, le pâturage                             entendu parler, et 61 % sont prêts à                  En résumé
                     successif des deux espèces entraîne                                   les utiliser,
                     une rupture du cycle.                                              • Les béliers génétiquement résistants                  • 83 % des traitements réalisés
                     Enfin, le pâturage continu qui reste                                  aux parasites internes : 55 % en ont                     font appel à une seule famille de
                     majoritairement utilisé pour les agnelles                             déjà entendu parler, et 74 % sont prêts                  molécule,
                     et en estive, constitue un facteur de                                 à utiliser cette piste pour améliorer                 • 75 % des éleveurs sont conscients
                     risque pour ces jeunes animaux dont                                   la résistance de leur renouvellement                     que les antiparasitaires risquent de
                     le système immunitaire est encore                                     quitte à ralentir la progression de leur                 ne plus être efficaces à l’avenir,
                     immature.                                                             production laitière.
                                                                                                                                                 • 14 % des éleveurs ont constaté une
                                                                                                                                                    résistance ou une perte d’effica-
                      DU PÂTURAGE CONTINU POUR LES AGNELLES ET EN ESTIVE                                                                            cité des antiparasitaires dans leur
                                                                                                                                                    exploitation,
                           Mode de pâturage        Brebis sur l’exploitation     Agnelles sur l’exploitation   Brebis et agnelles en estive
                                                                                                                                                 • 74 % des éleveurs sont prêts à
                           Pâturage tournant                46 %                           24 %                             -                       progresser moins vite sur le
Source : CDEO 2020

                           Pâturage rationné                30 %                           14 %                             -                       lait pour inclure la résistance au
                                                                                                                                                    parasitisme dans les critères de
                           Pâturage continu                 20 %                           62 %                           97 %                      sélection.
                                                                                                                 5
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Par Corinne VIAL-NOVELLA, Centre Départemental de l’Élevage Ovin (64)

                     LES BONNES PRATIQUES
                     POUR GÉRER LE PARASITISME
                     Au pâturage, le contact des ovins avec des parasites est inévitable, mais
                     les infestations non maîtrisées peuvent entraîner des conséquences plus
                     ou moins graves. Bien gérer les parasites, c’est donc pouvoir développer
                     des systèmes où leur présence en petit nombre n’affecte ni la santé ni les
                     performances des animaux.

Les ovins sont capables de développer       Le même cycle parasitaire pour tous les strongles
une certaine immunité vis-à-vis des
                                            Les différentes espèces d’herbivores                        développement au sein de la muqueuse
strongles digestifs, permettant d’abou-
                                            n’hébergent pas les mêmes strongles                         du tube digestif. Elles échappent aux
tir à un équilibre entre l’animal et les
                                            gastro-intestinaux mais les cycles                          réactions immunitaires de l’animal et
parasites. La gestion raisonnée des
                                            parasitaires correspondant répondent à                      réactivent leur développement quand
strongles digestifs repose donc sur un
                                            un même type de développement avec :                        les températures et l’hygrométrie
compromis à trouver entre contamina-
                                            - une phase libre environnementale,                         extérieures redeviennent favorables
tion, pour aboutir à l’immunisation des
                                            - une phase parasitaire chez l’hôte,                        au développement des larves de stade
animaux, et protection des animaux,
                                            - parfois une phase d’inhibition (appelée                  L3 (schéma ci-dessous). Le recyclage
pour préserver leurs performances et
                                               hypobiose) lorsque le climat n’est pas                   des strongles digestifs et donc le risque
leur santé.
                                               propice à la survie des larves dans le                   parasitaire seront dépendants du pâtu-
                                               milieu extérieur.                                        rage, des conditions météorologiques
  L’élimination des infestations            Lors d’hivers froids, une partie des                        et de la conduite du troupeau.
  par des traitements antipa-               larves arrête momentanément son

  rasitaires trop fréquents ou a
                                            LE CYCLE DES STRONGLES DIGESTIFS EN 6 ÉTAPES
  rémanence longue peut retar-
  der l’installation de l’immunité                              Les larves L3 sont                                Les strongles adultes pondent
  chez les jeunes, voire dégrader                       ingérées et se développent
                                                                        en adultes
                                                                                                                  des œufs qui se retrouvent dans
                                                                                                                  les matières fécales
  l’immunité des adultes.
                                                                                            Ingestion L3,
                                                                                      développement au stade
                                                                                     adulte et ponte des œufs :
                                                                                          2 à 3 semaines

                                                 Les larves L3 migrent                    Phase libre de                       Les matières fécales
                                               vers les herbes qui vont                  1 à 3 semaines                        (avec les œufs) se retrouvent
                                                          être ingérées                 pour que les œufs                      dans les prairies
                                                                                     deviennent des larves L3
                                                                                           infestantes

                                                                                        Les œufs éclosent
                                                                                           et les larves
                                                                                         se développent
 CORINNE VIAL-NOVELLA                                                                   (stades L1-L2-L3)
 Centre Départemental de l’Élevage Ovin

  « Le risque parasitaire est lié à         La température et la pluviométrie sont déterminantes
 la conduite du pâturage et des             Sur la phase libre, dans les pâtures,                       température et de l’humidité. Cette
 animaux ainsi qu’aux conditions            l’éclosion des œufs de strongles (entre                     dernière permet aussi d’assurer la
 météorologiques. »                         5 jours et 1 mois, voire plus en hiver ou                   migration des larves depuis les crottes
                                            en été) et le développement des larves                      vers l’herbe pâturée ainsi que leur
                                            de stades L1 en L3 (de 1 à 2 semaines                       survie. En cas de sécheresse estivale,
                                            en été à plusieurs semaines quand les                       les larves présentes dans l’herbe
                                            températures sont faibles en début                          meurent et leur migration est stoppée.
                                            de printemps) sont dépendants de la
                                                                     6
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Les ovins et les bovins
                                                                                         n’hébergent pas les mêmes
                                                                                         espèces de strongles.

                                                                                            Comment gérer le pâturage pour
                                                                                            réduire la pression parasitaire ?
                                                                                            La première étape pour évaluer ses pratiques
                                                                                            de pâturage vis-à-vis du risque parasitaire,
                                                                                            c’est de repérer sur son parcellaire les
                                                                                            parcelles les plus saines (prairies nouvelle-
                                                                                            ment implantées, fauchées ou non pâturées
                                                                                            depuis plus de 60 jours), et les parcelles « à
                                                                                            risque » (prairies pâturées depuis moins
                                                                                            de 60 jours par des agnelles ou des brebis
                                                                                            autour de l’agnelage…).
                                                                                            À partir de là, il est possible de combiner
                                                                                            trois stratégies :
UN TEMPS CHAUD ET HUMIDE EST IDÉAL POUR LES PARASITES
                                                                                            1 • La prévention :
                                                                                            Les brebis/agnelles ont accès à un pâturage
        Charge parasitaire                                  PAR TEMPS CHAUD ET HUMIDE
                                                            (idéal pour les parasites)      faiblement contaminé (sortie tardive, utili-
                                                            PIC D'INFESTATION EN JUIN       sation des prairies de fauche…).
                                                            PAR TEMPS FROID ET/OU SEC       2 • la fuite :
                                                            PIC D'INFESTATION               Les animaux quittent les pâturages qu’ils
                                                            EN JUILLET/AOÛT                 ont contaminés et n’y retournent pas avant
                                                                                            un temps suffisamment long ou une fauche
                                                                                            (utilisation de pâtures différentes selon les
                                                                                            mois, pâturage tournant…) ; En fonction
                                                                                            de la période, de la surface, de la densité
                              Mai   Juin Juillet Août   Sept.                               animale, du statut parasitaire des animaux
                                                                                            (historique des traitements antérieurs) et
                                                                                            du temps de repos des parcelles, la durée
                                                                                            de pâturage sur une même parcelle pourra
Une hauteur de pâturage                                                                     aller de 3-4 jours à 2-3 semaines, ce qui
supérieure à 6 cm                                                                           reste compatible avec une bonne valorisa-
En moyenne, 80 % des larves de para-                                                        tion de la ressource fourragère et évitera le
sites se tiennent dans les 5 premiers
                                                 Pour décontaminer une                      surpâturage. La difficulté sera de trouver un
centimètres de la végétation, au plus            parcelle, il faut un repos                 compromis entre la valorisation de l’herbe
                                                                                            et la gestion de la pression parasitaire (et
près du sol et migrent en fonction des           minimum de 18 mois voire                   les contraintes de son exploitation).
conditions climatiques et de la lumi-
nosité. Plus l’herbe est sèche et la             3 ans sans animaux ; en                    3 • La dilution :
luminosité importante, plus les larves           dessous de cette durée on a                Le pâturage est utilisé en partie par des
se retrouvent à la base des plantes.                                                        hôtes qui sont moins (les adultes) ou pas
Inversement, dans une herbe mouillée
                                                 seulement une diminution                   sensibles (pâturage mixte ou alterné avec
et/ou avec une luminosité faible, les            de la pression parasitaire.                une autre espèce), complémentation.
larves ont tendance à se diriger vers
le haut des plantes. Afin de limiter les
risques d’infestation, il est conseillé de
ne pas laisser les animaux pâturer en            En résumé
dessous de 6-7 cm, et il peut s’avérer
intéressant d’éviter ou de retarder le           À éviter                                      À favoriser
pâturage des zones humides.                      • Le pâturage en dessous de                  • Alterner le pâturage avec d’autres
Le niveau de contamination des                      6-7 cm d’herbe,                               espèces (bovins, équins),
parcelles par les larves infestantes             • Laisser les animaux sur des                • Mélanger des animaux immuns avec
de strongles digestifs sera également               parcelles où ils ont été affour-              des animaux sensibles (limite le
dépendant de la conduite au pâturage.               ragés l’été,                                  « recyclage » des strongles),
À conditions climatiques équivalentes,           • Prolonger la saison de pâturage            • Limiter le chargement,
un niveau de contamination important                des jeunes,                                • Faire des coupes intermédiaires,
sera plus rapidement atteint en cas de           • Réserver toujours la même                  • Viser un retour tous les 2 mois avec
pâturage sur une seule parcelle qu’en               parcelle pour la mise à l’herbe               une durée de pâturage maximale de 2
cas de rotation sur plusieurs parcelles.            des jeunes.                                   semaines sur chaque parcelle.

                                                                     7
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Par Léa BORDES, École Nationale Vétérinaire de Toulouse
                  et Laurence SAGOT, Institut de l’Élevage/CIIRPO

                  LES CONCENTRÉS DE TANINS
                  POUR DIMINUER LE PARASITISME :
                  DES PREMIERS RÉSULTATS PEU CONVAINCANTS
                  Au terme des 5 premiers essais réalisés, distribuer un concentré contenant
                  des tanins n’apparaît pas comme une solution pour limiter le recours aux
                  anthelminthiques chimiques dans les doses et durées de distribution testées.
                  D’autres essais sont en cours.

                                                                           « Nous n’avons pas observé de différence significative
                                                                           d’excrétion d’œufs de strongles digestifs entre les bre-
AVERTISSEMENTS :                                                           bis qui consomment ou non des bouchons contenant
                                                                           des tanins condensés. Par contre, les brebis maigres
• Cette fiche décrit les résultats des                                    excrètent significativement plus d’œufs de strongles
   essais avec leurs conditions de réali-                                  digestifs que celles qui sont en bon état. »
   sation : dose, durée de consommation…
   Ils ne préjugent en aucun cas de                                        LÉA BORDES
   résultats d’études réalisées dans des                                   En thèse à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse
   conditions différentes,
• La combinaison avec d’autres facteurs
   (génétique…) n’a pas été testée dans      Les plantes à propriétés antiparasitaires : qu’est-ce que c’est ?
   le cadre de cette étude,                  Les plantes à propriétés anthelmin-                  riches en tanins condensés aurait un
• L’analyse coprologique mesure le          thiques produisent naturellement                     impact sur l’infestation des strongles
   nombre d’œufs présents dans les fèces     des métabolites secondaires dont les                 digestifs dans le tractus digestif de
   pour chaque parasite. C’est une analyse   « tanins condensés ». Les plantes                    l’animal. Les animaux consommateurs
   dont le résultat n’est valable qu’à       fourragères riches en tanins sont, pour              seraient donc moins parasités et leur
                                             les plus courantes, le sainfoin, le lotier           intensité d’excrétion d’œufs de strongles
   l’instant du prélèvement, l’excrétion
                                             pédonculé et corniculé. On retrouve                  serait diminuée. L’utilisation d’aliments
   d’œufs varie dans le temps.               aussi quelques plantes ligneuses qui                 concentrés contenant des tanins
                                             en sont riches, notamment le noise-                  condensés a été récemment testée en
                                             tier. De précédentes études tendent à                site expérimental et en élevages avec
                                             montrer que l’utilisation des plantes                des brebis et des agneaux.

                                             En cure pour des brebis en bergerie
                                             En 2020 et 2021, trois essais ont testé              le granulé riche en tanins à hauteur
                                             un mélange commercial qui se présente                de 70 g par brebis et par jour (recom-
                                             sous la forme de granulés déshydratés.               mandations du fabricant) pendant 21
                                             Il est composé de sainfoin associé à                 jours en complément de sa ration. Des
                                             d’autres extraits de plantes à propriété             analyses coprologiques individuelles de
                                             anthelminthique. La teneur en tanins                 chaque brebis au début de l’essai et à
                                             condensés dans ce granulé est de 20 %.               son terme ont été réalisées. Au final, il
                                             Cette étude a été réalisée au CIIRPO                 n’y a pas de différence significative d’in-
  Dans ces essais, l’excrétion en            (Centre Interrégional d’Information et de            tensité d’excrétion d’œufs de strongles
  strongles digestifs n’a pas été            Recherche en Production Ovine) sur le                digestifs entre les brebis ayant reçu
  diminuée par l’incorporation de            site expérimental du Mourier et chez 2               la cure avec le complément riche en
  0,9 % de tanins condensés dans             éleveurs sélectionneurs en race Rouge                tanins condensés et celles qui ne l’ont
  la ration des agneaux
                                             de l’Ouest. L’essai a comparé deux lots              pas consommé (tableau 1).
                                             de brebis alimentées exclusivement
                                             en bergerie. Un des deux lots a reçu

                                                                 8
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
TABLEAU 1. DES TAUX D’EXCRÉTION D’ŒUFS DE STRONGLES DIGESTIFS INCHANGÉS POUR LES BREBIS¹
                                                                                        CIIRPO, site                 Sélectionneur                      Sélectionneur
                                                      SITE                        expérimental du Mourier          Rouge de l’Ouest 1                 Rouge de l’Ouest 2
                                     Type de lot : avec ou sans concentré
                                                                                      Sans        Avec              Sans             Avec             Sans               Avec
                                     contenant des tanins condensés
                                     Taux de tanins dans la ration                     0%         0,8 %             0%              0,8 %        0%           0,8 %
                                     Durée de distribution                              -        21 jours             -            21 jours        -         21 jours
                                     Nombre de brebis                                  29           29               23               27          26            29
                                                                 En début           166 opg      166 opg          372 opg          495 opg    1 680 opg     1 679 opg
                                                                                                                                                                                         1
                                                                                                                                                                                           S tatistiques : pas de différence significative
Source : ENVT/CIIRPO/GEODE 2020/21

                                     Taux d’excrétion             d’essai           [0-850]2    [0-1 050]2       [0-1 350]2       [0-2 750]2 [200-3 950]2 [600-4 900]2                      observée entre les lots avec et sans concentré
                                     en strongles                                                                                                                                           contenant des tanins
                                     gastro intestinaux            En fin          1 142 opg     754 opg          979 opg          845 opg    4 051 opg     3 818 opg                    2
                                                                                                                                                                                            [minimum – maximum]
                                                                  d’essai          [0-7 950]2   [0-4 450]2       [0-3 200]2       [0-3 300]2 [50-15 400]2 [150-14 300]2                  3
                                                                                                                                                                                            Notation de 0 à 5, de très maigre à très grasse
                                     Âge moyen                                       3,5 ans     3,5 ans           2 ans            2 ans        1 an          1 an
                                                                                                                                                                                         Résultats obtenus dans le cadre du projet
                                     Note d’état corporel3 en début d’essai            2,5         2,5                3                3         2,5            2,5                      Paralut financé par la région Nouvelle Aquitaine

                                     En continu pour
                                     des agneaux à l’herbe
                                     Au cours de deux années consécutives,                      TABLEAU 2. LES RÉSULTATS DES COPROSCOPIES NE MONTRENT PAS DE DIFFÉRENCE
                                     deux lots d’agneaux conduits sur une                                  POUR LES AGNEAUX À L’HERBE
                                     même parcelle séparée en deux ont
                                     été comparés au CIIRPO, sur le site                                           ANNÉE                                           2018                                         2019
                                     expérimental du Mourier. L’un d’entre                       Type de lot : avec ou sans concentré
                                     eux recevait 400 g de granulés de sain-                                                                            Sans                  Avec                   Sans                   Avec
                                                                                                 contenant des tanins condensés
                                     foin pur tous les jours. Et le second lot                   Taux de tanins dans la ration                          0%                   0,9 %                   0%                    0,9 %
                                     était un lot témoin, avec un apport de                      Durée de distribution                                   -                  42 jours                  -                   71 jours
                                     concentré sans tanin.
                                                                                                 Nombre d’agneaux                                       25                     25                    25                      25
                                     Au final, les niveaux d’excrétion d’œufs
                                                                                                                            En début
                                     en strongles gastro-intestinaux ne sont                     Taux d’excrétion                                     190 opg               111 opg                974 opg                660 opg

                                                                                                                                                                                                                                              Source : ENVT/CIIRPO 2019
                                                                                                                             d’essai
                                     pas différents entre les deux lots tout au                  en strongles
                                                                                                 gastro intestinaux           En fin
                                     long de la phase de pâturage (tableau 2).                                                                        620 opg               615 opg                992 opg                763 opg
                                                                                                                             d’essai
                                     À la rentrée en bergerie, la complémen-
                                     tation en sainfoin a continué jusqu’à                       Croissance à l’herbe                             226 g par jour         206 g par jour        203 g par jour         113 g par jour
                                     la commercialisation des agneaux et                        Résultats obtenus dans le cadre du projet Paralut financé par la région Nouvelle Aquitaine
                                     aucune différence d’excrétion n’a été
                                     enregistrée non plus.
                                     Par ailleurs, l’apport de sainfoin n’a pas
                                     amélioré les croissances des agneaux
                                     à l’herbe.                                                 Une alimentation plus riche
                                                                                                en sainfoin ou chicorée :                                                Sur l’excrétion en strongles gastro intestinaux, on
                                                                                                des essais conduits dans                                                 n’observe aucun bénéfice notable de l’intégration
                                                                                                                                                                         de sainfoin dans la ration, en granulés comme en
                                                                                                les Pyrénées Atlantiques
                                                                                                                                                                         foin. Ce résultat est peut-être lié à la trop faible

                                                                                                «      Trois modalités d’apport de tanins condensés
                                                                                                ont été testées dans deux élevages des Pyrénées
                                                                                                                                                                         concentration en tanins de la ration. Par contre,
                                                                                                                                                                         une évolution positive de l’excrétion parasitaire
                                                                                                                                                                         a été mesurée en 2020 avec le pâturage de la
                                                                                                Atlantiques en 2019 et 2020* :                                           chicorée. Elle reste toutefois à confirmer avec les
                                                                                                - l’intégration quotidienne dans la ration de sain-                     nombreuses expérimentations sur le sujet. Un point
                                                                                                   foin en granulés à raison de 350 g par brebis en                      de vigilance en matière de qualité des fromages a
                                                                                                   remplacement du foin de luzerne ;                                     toutefois été soulevé. Le jury d’experts de dégus-
                                                                                                - l’intégration de foin de sainfoin à 900 g brut par                    tation des fromages produits lors du pâturage de
                                                                                                   brebis et par jour en remplacement de la luzerne ;                    la chicorée les ont jugés sensiblement dégradés,
                                                                                                - le pâturage de prairies riches en chicorée à hauteur                  avec le développement marqué d’un goût animal,
                                                                                                   de 700 g MS par brebis et par jour en remplacement                    même s’ils restaient conformes aux standards de
                                                                                                   de prairies raygrass-trèfles classiques.                              l’AOP Ossau-Iraty. »
                                             JEAN BEUDOU
                                             Chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantiques                                               * Résultats obtenus dans le cadre du projet Bionachol financé par la région Nouvelle Aquitaine

                                                                                                                              9
Parasitisme : agir vite pour éviter l'impasse - Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 - Inn'ovin
Par Léa BORDES, Sophie JOUFFROY et Philippe JACQUIET,
               École Nationale Vétérinaire de Toulouse

               LA COPROLOGIE AU SERVICE
               DES ÉLEVEURS DE BREBIS LAITIÈRES :
               INTÉRÊTS ET MODE D’EMPLOI
               La coprologie est un outil puissant quand elle s’insère dans le suivi
               personnalisé d’un troupeau. Elle permet un pilotage précis de l’élevage,
               à condition d’avoir une bonne connaissance du système de pâturage et
               des pratiques de traitement.

Qu’est-ce que la coprologie ?
La coprologie est l’analyse des selles      et certains animaux sont à privilégier
pour visualiser et parfois dénombrer        pour les prélèvements : cela peut être
les œufs de parasites présents. Quand       discuté avec le vétérinaire traitant.
ils sont comptés, le nombre d’œufs          Parmi les analyses coprologiques,
est rapporté aux grammes de fèces,          le comptage des œufs de strongles
donc le résultat est exprimé en œufs        gastro-intestinaux est particulièrement
par gramme (OPG) de matière fécale.         intéressant pour les élevages ovins. En
Pour certains parasites (petite et grande   effet, il existe une bonne corrélation
douves, paramphistomes, ténia), les         entre le nombre d’œufs comptés et
œufs ne sont pas comptés : seule la         l’infestation réelle chez l’animal. La
présence ou l’absence est intéressante.     coprologie est un outil fiable et valable             SOPHIE JOUFFROY
Pour ces parasites, certaines périodes      tout au long de la vie de l’animal.                   En thèse à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse

                                                                                                  « Il n’existe pas de seuils définis
                                                                                                  de faible ou forte infestation
                                                                                                  car ils sont variables selon les
                                                                                                  objectifs et les protocoles
                                                                                                  utilisés. Il faut se les constituer
                                                                                                  soi-même en fonction du
                                                                                                  contexte clinique et historique »

                                                                                        Les matières
                                                                                        fécales doivent être
                                                                                        directement issues
                                                                                        du rectum

                                                               10
Pour une coproscopie de
                                                                                                        mélange, les prélèvements
                                                                                                        doivent être individuels

Du prélèvement à l’acheminement
Pour une analyse coprologique, l’échan-        • Pour une analyse de mélange, les          En dessous de cet effectif, la variabilité
tillon de matières fécales doit être              prélèvements doivent être individuels :   est trop importante et le risque de
directement issu du rectum des animaux            le vétérinaire ou le laboratoire se       se tromper dans l’interprétation non
et conditionné de manière individuelle            chargera de faire le mélange. Les         négligeable.
dans un contenant propre.                         lots doivent être identifiés de façon     Les prélèvements doivent parvenir
• P our une analyse individuelle, le             claire. Les contenants peuvent être       rapidement au laboratoire : l’analyse
   numéro de chaque animal doit figurer           un gant de fouille où un nœud sépare      peut être réalisée au plus tard 5 jours
   sur le contenant, qui peut être un gant        les prélèvements, ou bien des gants       après prélèvement. En attendant
   ou un pot propre. Le mieux est une             individuels regroupés ensuite par lot.    d’être amenés au laboratoire, les fèces
   identification avec un feutre indélébile.   Il existe une bonne corrélation entre        doivent être conservées au frigo, mais
   Attention aux numéros agrafés qui           une coprologie de mélange d’un lot et la     ne doivent surtout pas être congelées.
   peuvent se détacher pendant le trans-       moyenne des coprologies individuelles        Tout résultat d’analyse coprologique
   port des échantillons et aux papiers        faites sur ce même lot. Pour approcher       doit être noté dans un compte rendu
   qui peuvent se mouiller rendant les         une estimation correcte du lot, au mini-     et conservé avec les autres résultats
   numéros illisibles !                        mum 10 animaux doivent être prélevés.        d’analyses de l’élevage.

Pistes d’interprétation du résultat d’une coprologie
Les infestations parasitaires évoluent           proportion des différentes espèces         cient plus que d’autres d’un traitement.
dans le temps. Une coprologie est une            va influencer l’excrétion des œufs car     Des protocoles de traitement ciblé
photographie à un instant donné d’un             les femelles des différentes espèces       sélectif sont à l’étude dans le cadre du
processus évoluant naturellement dans            pondent des quantités d’œufs diffé-        projet ANTHERIN.
le temps.                                        rentes. Une femelle d’Haemonchus
Différents facteurs influencent ce               contortus peut pondre 10 000 œufs par
phénomène :                                      jour, contre une centaine pour les 2
                                                 autres espèces.
• L es animaux répondent de façon
   différente au parasitisme. Dans un          • Selon la pression d’infestation du
   lot de béliers de même âge et race,           milieu : les animaux s’infestent
   infestés expérimentalement avec les           exclusivement au pâturage, mais les
   mêmes doses de strongles et prélevés          pressions d’infestation sont variables
   au même moment, on observe une                d’une pâture à l’autre. Le chargement
   grande variabilité individuelle des           et le temps de retour des animaux
   comptages d’œufs. Il y a des individus        sur les parcelles modifient aussi la
   dits « résistants » qui vont excréter         pression parasitaire dans le milieu.         En résumé
   peu d’œufs et des individus dits            Ces facteurs sont donc à prendre
   « sensibles » qui excrètent beaucoup        en compte pour l’interprétation des            La coprologie est :
   d’œufs (voir graphe page 15).               résultats d’une analyse coprologique :         • Un outil simple et peu coûteux,
• L’âge et le statut physiologique de         il n’existe pas de seuils définis de
                                               faible ou forte infestation car ils sont       • Un outil de suivi du parasitisme
   l’animal : les jeunes animaux, les                                                            pertinent dans un élevage ovin,
   animaux plus âgés et les brebis autour      variables selon les objectifs et les
   de la mise bas sont plus sensibles aux      protocoles utilisés. Il est intéressant de     • Utilisable tout au long de la vie
   strongles et excrètent plus d’œufs de       les constituer en fonction du contexte            de l’animal,
   strongles.                                  clinique et historique, en discussion
                                               avec le vétérinaire dans le cadre d’un         • Représentatif de l’infestation par
• S elon les espèces de strongles                                                               les strongles à un instant donné,
                                               suivi coprologique de l’exploitation (voir
   présentes : chez les ovins, 3 espèces
                                               la fiche « La coprologie : un outil de         • À discuter avec le vétérinaire
   de strongles digestifs sont patho-
                                               pilotage du parasitisme d’un cheptel »).          traitant de l’exploitation, pour
   gènes pour l’animal : Haemonchus
                                               Ces facteurs de variation sont aussi à            adapter au mieux les prélève-
   contortus, Teladorsagia circumcincta
                                               prendre en compte lors du traitement              ments à la conduite d’élevage et
   et Trichostrongylus colubriformis. La
                                               d’un troupeau : certains animaux bénéfi-          pour interpréter les résultats.
                                                                  11
Par Léa BORDES, Sophie JOUFFROY et Philippe JACQUIET,
                     École Nationale Vétérinaire de Toulouse

                     LA COPROLOGIE :
                     UN OUTIL DE PILOTAGE
                     DU PARASITISME D’UN CHEPTEL
                     Quand et qui prélever est une question fondamentale à se poser avant
                     prélèvement. Elle peut être abordée avec le vétérinaire traitant de
                     l’exploitation, qui peut aider à estimer le risque parasitaire.

Chaque exploitation a une situation                Quand faire une coprologie ?                          Pour évaluer si un traitement
parasitaire différente, dépendante
de nombreux facteurs (conduite des
                                                   Une coprologie peut être utilisée pour                est efficace
                                                   évaluer le besoin de traiter un individu              Une coprologie peut aussi servir à
animaux et du pâturage, exposition,
                                                   ou un lot.                                            évaluer si le traitement a été efficace.
humidité…) et il est intéressant d’avoir
un suivi personnalisé.                             Elle peut être réalisée :                             Pour cela, une coprologie (individuelle
                                                   • En individuelle :                                   ou de mélange selon les cas) peut être
                                                     - Si un ou plusieurs animaux                        réalisée sur l’animal ou le lot traité,
                                                     présentent des symptômes pouvant                    dans les délais indiqués dans le tableau
                                                     être liés au parasitisme (anémie,                   ci-dessous.
                                                     diarrhée, perte d’état corporel…),                  Pour pouvoir interpréter le résultat, il
                                                     - Lors d’introduction d’un animal dans              faut une valeur d’excrétion non nulle
                                                     l’élevage.                                          pour le lot avant traitement : après
                                                   • De mélange :                                        traitement, un lot peut être à 0 œuf
                                                     - En fonction des périodes clés de                  par gramme parce que peu infesté
                                                     production : mise à la lutte, prépara-              avant traitement ou bien parce que le
                                                     tion des agnelages,                                 traitement a été efficace. Il est conseillé
                                                     - Au pâturage, en fonction du mode                  d’intégrer cette pratique à chaque trai-
                                                     de vie des parasites : 1 mois minimum               tement réalisé.
 PHILIPPE JACQUIET                                   après la mise à l’herbe, en montée ou
 École Nationale Vétérinaire de Toulouse             descente d’estive et régulièrement (au
                                                     moins 3 semaines entre 2 coprologies)
 « Une coprologie ciblée permet                      en cas de pâturage,
 d’estimer le risque parasitaire :                   - Lors d’introduction de plusieurs
 c’est essentiel pour raisonner                      animaux dans un élevage : la résis-
 les traitements et donc limiter la                  tance à un anthelminthique peut
 sélection de strongles résistants ».                s’acheter.

                                 DÉLAI INDICATIF       Famille de molécule             Molécule active         Contrôle après traitement
                              ENTRE TRAITEMENT
                      ET COPROLOGIE DE CONTRÔLE          Imidazothiazoles                Lévamisole                  7 – 10 jours
                            SELON LE TRAITEMENT                                          Albendazole
                        ANTHELMINTHIQUE UTILISÉ                                         Fenbendazole
                                                         Benzimidazoles                                              10 - 14 jours
                                                                                          Nétobimin
                                                                                         Oxfendazole
                                                                                         Ivermectine
                                                          Avermectines                  Eprinomectine                14 - 17 jours
                                                                                         Doramectine
                                                           Moxidectine                   Moxidectine                 17 - 21 jours
                                                    Plus de 2 molécules testées en même temps dans l’élevage           14 jours

                                                                            12
La résistance à un produit
                                                                                                                                          antiparasitaire « s’achète ».
                                                                                                                                          Une coprologie lors de l’achat
                                                                                                                                          d’animaux est intéressante.

Quels lots constituer lors d’une coprologie de mélange ?
Selon les âges :                                   Les résultats d’une coprologie sont à
- Premières lactations en un lot,                 interpréter avec l’aide du vétérinaire
- Deuxièmes lactations en un lot,                 traitant, pour discuter du besoin de
- Autres brebis en production en un lot,          traiter, des molécules utilisables et des
- Agnelles,
De plus, il peut être intéressant de
                                                   animaux à traiter. Pour les animaux
                                                   nouvellement introduits dans un
                                                                                                                      En résumé
prélever les béliers en un lot.                    cheptel, selon les cas et les élevages,                            La coproscopie peut également
Pour composer ces lots, il faut prélever           différentes mesures peuvent être                                   être utilisée afin de :
des animaux représentatifs du lot. Ne              envisagées : coprologie de contrôle des
                                                                                                                      • Déterminer les périodes et les
pas prélever uniquement les individus              animaux, traitement avec une molécule
                                                                                                                         lots à risque dans un élevage,
qui manquent d’état par exemple.                   pour laquelle il n’y a pas encore de
                                                   cas de résistance confirmée dans la                                • Évaluer l’efficacité d’un
Selon les états corporels, afin de                                                                                       traitement,
                                                   clientèle ou le bassin de production…
déterminer si on peut attribuer les
                                                   votre vétérinaire traitant est à même                              • Évaluer le risque d’introduction
symptômes observés à la présence de
                                                   de conseiller les mesures les plus                                    d’animaux porteurs de strongles
parasites :
                                                   pertinentes à mettre en œuvre.                                        résistants dans un élevage.
- Un lot de brebis maigres,
- Un lot de brebis en état.

                     DEUX EXEMPLES D’UTILISATION DE COPROLOGIES

                        Calendrier      Janvier Février      Mars       Avril        Mai          Juin   Juillet      Août     Sept.        Oct.      Nov.       Déc

                       Reproduction
                                                                                     Lutte / IA                                               Mise bas
          ÉLEVEUR
    TRANSHUMANT,         Production
                                                             Collecte du lait                                        Tarissement             Allaitement
     PAS DE TRAITE
         EN ESTIVE           Brebis
                                                                  Pâturage                                  Estive                    Pâturage +/- bâtiment
                        Agnelles et
                          tardives                     Pâturage                   Estive                     Pâturage                                 Bâtiment

                        Calendrier      Janvier Février      Mars       Avril        Mai          Juin   Juillet      Août     Sept.        Oct.      Nov.       Déc

         ÉLEVEUR       Reproduction
                                                                                           Lutte / IA                                               Mise bas
    TRANSHUMANT,
           TRAITE        Production
        EN ESTIVE                                         Transformation du lait                                        Tarissement                Allaitement

                             Brebis
                                            Bâtiment              Pâturage                               Estive                           Pâturage +/- bâtiment

                        Coprologie pour contrôle           Coprologie avant période clé
                        en période de pâturage             de production
                                                                             13
Par Francis FIDELLE, Centre Départemental de l’Élevage Ovin (64)
               et Jean Michel ASTRUC, Institut de l’Élevage

               LA RÉSISTANCE GÉNÉTIQUE :
               UNE STRATÉGIE D’AVENIR
               La génétique s’oriente vers la mise en place d’un nouveau critère de sélection
               permettant de valoriser les animaux les plus résistants au parasitisme.

Dans un contexte d’attentes sociétales                                          « Il est aujourd’hui possible
envers une agriculture respectueuse de                                          d’intégrer la résistance au
son environnement et de réchauffement                                           parasitisme dans le critère de
climatique avec toutes ses consé-                                               sélection global ».
quences (émergences de nouvelles
maladies, alternance de périodes très
chaudes et très froides, vers une dimi-
nution des ressources en eau ou des                                             FRANCIS FIDELLE
disponibilités fourragères), la génétique                                       Centre Départemental de l’Élevage Ovin (64)
s’oriente vers la recherche de nouveaux
critères de sélection permettant de
valoriser les animaux les plus adaptés
à ces nouvelles contraintes.                                                                          Des résultats très encourageants
Des animaux de races locales, plus
                                                                                                      Au terme de la seconde infestation expé-
résilients et plus résistants, aptes
                                                                                                      rimentale, les béliers se différencient
à valoriser l’ensemble du territoire
                                                                                                      très nettement selon leur intensité d’ex-
en permettant aux éleveurs de vivre
                                                                                                      crétion d’œufs. Certains individus dits
de leurs produits : c’est l’enjeu de la
                                                                                                      « résistants » vont excréter peu d’œufs
génétique.
                                                                                                      de strongles, d’autres dits « sensibles »
La résistance aux strongles digestifs
                                                                                                      excrètent beaucoup d’œufs (graphe
est mesurée sur des béliers du Centre
                                                                                                      page de droite).
d’Élevage, futurs béliers d’insémination
animale, n’ayant jamais rencontré le                                                                  De plus, la résistance génétique d’un
parasite en maîtrisant les effets du                                                                  bélier en Centre d’Élevage se transmet
milieu : les mâles sont du même âge,                                                                  à ses filles élevées à l’herbe.
ils sont conduits ensemble en bergerie                                                                En race Manech Tête Rousse :
exclusivement. Après une infestation                                                                  - Les filles issues de pères résistants
                                                                                                         excrètent en moyenne moins d’œufs
expérimentale de larves d’haemon-                  JEAN-MICHEL ASTRUC
chus contortus, des coproscopies pour                                                                    que les filles de béliers sensibles,
                                                   Institut de l’Élevage
mesurer le nombre d’œufs de strongles                                                                 - L a proportion de filles avec des
intestinaux et prises de sang pour                 « La résistance au parasitisme                        intensités d’excrétion faibles est plus
évaluer le taux d’hématocrite sont                 est un jalon majeur vers la                           importante chez les filles issues de
réalisées (tableau ci-dessous).                    génétique de demain ».                                béliers résistants que chez les filles
                                                                                                         issues de béliers sensibles.
                                                                                                      Pour une meilleure efficacité, la
                                                                                                      sélection est à considérer en synergie
            MESURES RÉALISÉES SUR LES BÉLIERS DU CENTRE D’ÉLEVAGE                                     avec les autres leviers de gestion du
                                                                                                      parasitisme :
                                                Nombre                                                - Le contrôle régulier des niveaux d’in-
                                               d’œufs de           Taux                                  festation des animaux les plus fragiles
                  Jour          Infestation
                                               strongles        Hématocrite                              (jeunes, agnelage…)
                                               digestifs                                              - L’alternance du pâturage entre les
                   J0            3 500 L3                                                                bovins et les ovins
                                                  oui                 oui                             - La rotation du pâturage…
              infestation 1   d'H. contortus

                 J + 30              -            oui                 oui
                  J + 45         5 000 L3         oui                 oui
              infestation 2   d'H. contortus

                 J + 75              -            oui                 oui

                                                                           14
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