Physiothérapie et douleur chronique: trouver le point d'équilibre - JEAN-PHILIPPE BASSIN PHYSIOTHÉRAPEUTE, MSC, OMT - Clinique le Noirmont
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Physiothérapie et douleur chronique: trouver le point d'équilibre JEAN-PHILIPPE BASSIN PHYSIOTHÉRAPEUTE, MSC, OMT
Plan Introduction Place de la physiothérapie dans le suivi de personnes en situation de douleur chronique Enjeux cliniques et objectifs de la physiothérapie Eléments de physiologie de la douleur Evaluation clinique physiothérapeutique Détermination des objectifs et stratégies thérapeutiques Approches physiothérapeutiques Gestion et suivi de la démarche thérapeutique Trouver le point d’équilibre Eléments à retenir
Introduction Un défi La conduite d’une approche thérapeutique en situation de douleurs chroniques suggère quelques mots-clés: Patience Humilité Sérénité
Introduction Changement de paradigme Les physiothérapeutes sont plutôt formés à trouver le lien de cause à effet entre une lésion structurelle et des symptômes. En situation chronique, analyser l’impact de la douleur sur les fonctions, les émotions et les comportements du patient.
Introduction Admettre la complexité Une personne souffrant de douleurs chroniques est toujours une situation complexe … la réponse est donc forcément complexe
Introduction Espoir personnel Changer la perception de certains soignants: «C’est «psy» donc on ne peut rien faire» «C’est «un chronique» donc je ne m’attends pas à une amélioration»
Introduction La question que les soignants doivent se poser Veut-on guérir la patiente ? Ou améliorer sa qualité de vie malgré la symptomatologie et la/les pathologies ?
Introduction IASP L’International Association for the Study of Pain fait référence dans le domaine de la douleur. Edicte des recommandations, publie de nombreux documents et articles Source élémentaire d’information Editrice du journal « Pain ». www.iasp-pain.org
Place de la physiothérapie L’IASP préconise une approche interdisciplinaire des patients en situation de douleur chronique. La physiothérapie est partie intégrante de cette approche.
Interdisciplinarité Infirmière clinicienne Physiothérapeute Ergothérapeute Psychiatre ou/et psychologue Médecin Assistant-e sociale Autres professionnels selon situation L’une de ces personnes doit être coordinatrice
Interdisciplinarité 1. En milieu hospitalier ou en clinique de réadaptation 2. En cabinet privé
Enjeux cliniques et objectifs de la physiothérapie Culture du « c’est chronique, on ne peut donc rien faire » Crainte face à des diagnostics souvent peu rationnels, peu « palpables » et complexes Les physiothérapeutes sont plutôt formés pour l’action, pour le « faire »
Enjeux cliniques et objectifs de la physiothérapie Difficulté à prendre du temps pour écouter et dialoguer avec le patient Impression de temps perdu, alors que les patients attendent une écoute pour pouvoir exprimer leur souffrance Les physiothérapeutes « non-initiés » prennent moins en considération les aspects psychologiques, cognitifs et sociaux de la douleur
Représentations et croyances Des patients et …. des soignants Les soignants doivent se questionner sur leur propres représentations et croyances Envisager que le patient peut avoir un angle de vision différent du nôtre quant à sa situation Réfléchir à sa propre définition de la relation thérapeutique
Compréhension des mécanismes Une bonne compréhension des composantes de la douleur permet : une meilleure analyse de la situation des explications pertinentes à la patiente une meilleure adaptation et un meilleur suivi du traitement
Transmission du signal nociceptif Niveau périphérique ◦ Afférences nociceptives transmises par les fibres Aδ (myélinisées) et C (non-myélinisées) Niveau spinal ◦ Transit vers la corne postérieure de la moelle épinière. Interneurones à la jonction des niveaux périphériques et spinaux
Voies de la douleur 3ème neurone : thalamo-cortical 2ème neurone : spino-thalamique 1er neurone : protoneurone moelle épinière
Transmission du signal nociceptif Niveau supra-spinal (cérébral) Plusieurs structures cérébrales impliquées: Thalamus latéral et médial Substance grise périaqueducale Formation réticulaire bulbaire, pontique et mésencéphalique Cortex sensitivo-moteur A cela s’ajoutent des aspects sensoriels, émotionnels et cognitifs
Transmission du signal nociceptif Toute stimulation intense entraîne l’activation des fibres Aδ et C. Transmission au niveau médullaire libération de substances nociceptives, notamment substance P et glutamate activation des neurones de la corne postérieure médullaire Par l’intermédiaire d’un réflexe axonal, la substance P est également libérée au niveau périphérique
Transmission du signal nociceptif
Phénomènes de sensibilisation Se produisent à tous les niveaux: périphérique, spinal et supra-spinal (cérébral) A chaque «jonction» (interneurones), les récepteurs peuvent être sensibilisés Réaction précoce à un signal qui ne déclencherait normalement pas de douleur Le seuil de déclenchement nociceptif est alors abaissé Certains récepteurs considérés comme « dormants » en situation normale sont activés en situation de douleur chronique
Deux phénomènes courants Hyperesthésie Lors de sensibilisation anormale, un phénomène d’hyperesthésie apparaît. Le patient perçoit le signal douloureux de manière amplifiée. Allodynie Si l’hyperesthésie a pour origine un stimulus douloureux, l’allodynie est une réponse à un stimulus normalement non-douloureux. Exemple: contact léger sur la peau, mains du physiothérapeute
Structures centrales
Modulation et influence sur la perception Etude de Volz et al, 2017
Modulation du signal douloureux Aspects émotionnels et cognitifs = rôle de modulation Emotions négatives: colère, anxiété, tristesse atténuation des phénomènes inhibiteurs augmentation de la perception et de l’interprétation du signal douloureux La production opioïde endogène a un effet au niveau périphérique et central diminution de la perception de la douleur
Maintien de la douleur
La peur Peur d’avoir mal Peur d’être handicapé, d’être limité fonctionnellement Peur de ne servir à rien ni à personne Peur de vieillir, peur d’être malade, peur de mourir Peur de, peur de, peur de, ….
La peur et les physiothérapeutes Atténuation de la peur en physiothérapie 1. Mettre en évidence et développer les capacités fonctionnelles 2. Redonner confiance dans les mouvements, dans les activités physiques 3. Rassurer, beaucoup, souvent, avec délicatesse et de manière ciblée 4. Accompagner dans la progression
Evaluation clinique physiothérapeutique Quelques éléments importants Considérer l’aspect multidimensionnel de la douleur Partir de la situation actuelle débuter par le présent et revenir dans le passé ensuite ; gestion du temps
Evaluation clinique Explorer les capacités fonctionnelles besoins fonctionnels et limitations fonctionnelles actuelles Exemple : « j’ai une hernie discale, une sclérose en plaques, une fibromyalgie S’enquérir du contexte socio-familial et de l’activité professionnelle conséquences concrètes de la douleur, restriction de capacités
Evaluation clinique Diagnostic ◦ Souvent global, complexe, parfois mal défini = déstabilisant pour le patient ◦ Compréhension et interprétation du diagnostic par le patient implications et conséquences dans la vie quotidienne pronostic réel et pronostic perçu par le patient
Anamnèse Chaque question doit avoir un objectif sous-jacent …
Anamnèse Identification des facteurs concomitants Emotionnels et psychologiques (anxiété, peur, colère, tristesse,…) Croyances et représentations Identification des comportements spontanés face à la douleur Participation passive vs active Catastrophisme Kinésiophobie Evitement de la douleur
Anamnèse Identification des phénomènes de sensibilisation centrale Persistance des symptômes au-delà du temps de guérison «normal» d’une lésion Comportement imprévisible et irrationnel des symptômes
Evaluation physique Rechercher des limitations fonctionnelles plutôt que des lésions structurelles Postures Capacité à se mouvoir, globalement Déconditionnement global, cardio-respiratoire
Evaluation physique Mouvements actifs de la région symptomatique et globalement Aspect quantitatif Aspect qualitatif Système nerveux central et périphérique
Questionnaires Préférer les questionnaires multidimensionnels Questionnaires pour les capacités fonctionnelles, la qualité de vie ou d’autres aspects ciblés Questionnaires spécifiques Région anatomique : p.ex. Neck Disability Index Composante : p.ex. kinésiophobie, dépression, … Fremantle Back Awareness Questionnaire
Questionnaires Objectifs Evaluation de paramètres spécifiques Transmission Suivi Limites Réticence de certains patients Risque de surcharge
Echelle visuelle analogique (EVA) Attention ! N’évalue que l’intensité de la douleur perçue. Insuffisante en situation chronique
Détermination des objectifs et stratégies thérapeutiques Phase cruciale de mise en lien et d’organisation des éléments à gérer Identifier les paramètres impliqués ◦ Paramètres comportementaux ◦ Paramètres physiques ◦ Paramètres émotionnels ◦ Croyances et représentations Identifier les interactions entre ces paramètres
Détermination des objectifs et stratégies thérapeutiques Enoncer une approche ou technique pour chaque paramètre Déterminer les priorités et les interventions simultanées Déterminer les paramètres de suivi Enoncer une temporalité pour chaque intervention et globalement Partager et discuter ces objectifs avec le patient Expliquer/argumenter la temporalité (en semaines ou mois)
Approches physiothérapeutiques Elaboration d’un programme à domicile ◦ Exercices actifs ◦ Amélioration posturale ◦ Changements d’habitudes dans les AVQ ◦ ↗ progressive des sollicitations Encourager le mouvement, l’activité physique Détourner l’attention d’un patient focalisé sur la douleur pour l’orienter sur ses capacités plutôt que ses incapacités
Approches physiothérapeutiques Favoriser une participation active et une implication du patient dans la démarche thérapeutique Exercices de contrôle moteur et d’activation de la musculature profonde en posture statique et en mouvements dynamiques
Approches physiothérapeutiques Enseignement au patient Notions simplifiées des mécanismes de la douleur et douleur chronique Distinction entre douleur «néfaste» et douleur « acceptable » Exposition progressive Education thérapeutique
Enseignement au patient Mécanismes de la douleur Modification Anatomie du Physiologie comportement Aspects émotionnels
Enseignement au patient Comportement Encourager un retour aux activités habituelles, progressivement Encourager le mouvement en général Favoriser l’alternance activité-repos Atténuer les comportements d’évitement
Enseignement au patient Gestion de l’environnement Gestion du temps Gestion du sommeil • Durée • Qualité (sources de perturbation) • Matériel • Environnement
Approches physiothérapeutiques Adaptations de l’environnement Adaptations simples à mettre en œuvre, trucs Adaptations plus conséquentes par les ergothérapeutes et ergonomes, en collaboration
Correction posturale 1. Prise de conscience 2. Modification progressive (endurance) 3. Adaptation et ↗ de la durée Photos ou vidéo Prise de conscience Stimulation Suivi Résultat récompense
Approches physiothérapeutiques Travail sur les représentations des patients Action sur la kinésiophobie et les stratégies d’évitement - en séance de physiothérapie et dans le quotidien Désensibilisation: favoriser le mouvement en acceptant un certain niveau de douleur Conversion des stratégies de participation passives en participation active
Modification de la perception corporelle Douleurs chroniques modification de la perception corporelle (body image brain) Processus au niveau du cortex sensitivo-moteur altérations Plasticité cérébrale corticale en constant remaniement, défavorable vs favorable Réaction en cascade : Perception spatiale altérée Troubles de la coordination Perte de précision dans les mouvements et gestes fonctionnels ralentis Apparition de schémas de compensation
Neuroplasticité corticale Une révolution en physiothérapie ! Ce mécanisme permet de restaurer des fonctions ou de développer des suppléances par «reprogrammation» cérébrale
Gestion et suivi de la démarche thérapeutique Ecoute = élément-clé de la relation écoute interactive Valider les paroles du patient, faire des propositions, apporter des compléments, réinterpréter la situation de manière plus positive si nécessaire Etre présent dans la relation thérapeutique Capacités : « Chacun fait ce qu’il peut avec les capacités qu’il a »
Gestion et suivi de la démarche thérapeutique Approche positive, jamais moralisatrice ou culpabilisatrice. Encourager le patient, valider et valoriser. Complexité : admettre que la situation est complexe, que de nombreux facteurs interagissent Rassurer: rassurer beaucoup et souvent, de manière ciblée
Gestion et suivi de la démarche thérapeutique Avoir des paramètres de suivi Les utiliser régulièrement pour : ◦ Mesurer l’évolution ◦ Faire prendre conscience au patient de ses progrès ◦ Montrer au patient qu’il n’est pas seul et que vous maîtrisez la situation
Trouver le point d’équilibre Compassion sans culpabilisation Relation thérapeutique individualisée Bagage théorique et technique Maîtrise des paramètres de suivi Patience et sérénité Garder l’enthousiasme en réajustant les objectifs
Trouver le point d’équilibre Admettre l’imperfection Admettre l’éventualité de l’échec Chaque patient a ses propres ressources, plus ou moins développées Le soignant doit analyser ses propres croyances et représentations Admettre la lenteur du processus d’amélioration
Message à retenir A situation complexe, réponse complexe Approche progressive, pas spectaculaire Garder la maîtrise de la démarche thérapeutique Le temps consacré au dialogue avec le patient n’est pas du temps perdu La physiothérapeute doit être plus dans « l’être » que dans le « faire »
Contact Jean-Philippe Bassin Physiothérapeute Centre therapia Rue de la Byronne 20 1800 Vevey Courriel: j.bassin@therapia.ch
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