PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE D'ITINÉRANCE À MONTRÉAL - SEPTEMBRE 2017 - Montréal

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PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE D'ITINÉRANCE À MONTRÉAL - SEPTEMBRE 2017 - Montréal
PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX
   PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE
       D’ITINÉRANCE À MONTRÉAL

                    SEPTEMBRE 2017

            Réalisé par Benoit Décary-Secours, PhD
            Pour le compte de la Ville de Montréal
PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE D'ITINÉRANCE À MONTRÉAL - SEPTEMBRE 2017 - Montréal
Comité de suivi :
Ville de Montréal
Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux
du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal
Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes
Protecteur des personnes en situation d’itinérance à Montréal

Remerciements :
Nous tenons à souligner l’apport de toutes les personnes
ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de
ce portait des centres de jour.

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PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE D'ITINÉRANCE À MONTRÉAL - SEPTEMBRE 2017 - Montréal
Table des matières

Synthèse ............................................................................................................................. 5

Introduction ....................................................................................................................... 7

1. Portrait descriptif des centres de jour à Montréal .................................................... 9
   1.1 Définir le centre de jour ......................................................................................................... 9
   1.2 Une approche multiservice et d’accompagnement social .................................................... 10
   1.3 Une porte d’entrée sur certains services de soins de santé institutionnels ........................... 12
   1.4 Répartition des services sur le territoire et heures d’ouverture............................................ 13
   1.5 Données globales sur les centres de jour à Montréal ........................................................... 16
       i.      Évolution de la situation des centres de jour ................................................................. 16
       ii. Profils des usagers et usagères ....................................................................................... 17
       iii. Identification des centres de jour, emplacements et reconnaissance ............................. 20
   1.6 Difficultés particulières des femmes en situation de marginalité au sein des centres de jour
   .................................................................................................................................................... 22

2. Typologie des espaces du centre de jour à Montréal ............................................... 24
   2.1 Sanctuaire : espaces d’inclusion et d’acceptation ................................................................ 24
   2.2 Espaces de réhabilitation et de changements ....................................................................... 25
   2.3 Espaces d’autonomisation communautaire .......................................................................... 26
   2.4 Limites de la typologie et émergence d’un réseau des centres de jour ................................ 26

3. Paroles d’usagers et d’usagères des centres de jour ................................................ 28
   3.1 Démarche et objectifs des entretiens.................................................................................... 28
   3.2 Profils des personnes interviewées et lieux des entretiens................................................... 29
   3.3 Sentiment d’appartenance et trajectoires dans le réseau des centres de jour ....................... 29
   3.4 Véhicule de changement social : un espace collectif d’entraide.......................................... 31

4. Le centre de jour comme lieu de prévention de l’itinérance et de lutte à la
désinsertion sociale.......................................................................................................... 33
   4.1 Le rôle des centres de jour dans l’accompagnement d’individus en logement.................... 33
   4.2 Quel type de prévention ? .................................................................................................... 34
   4.3 Former communauté et prendre place : première étape à une réinsertion sociale durable .. 35

Conclusion ....................................................................................................................... 36

Bibliographie ................................................................................................................... 39

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Liste des figures
Figure 1: Multiplicité des services offerts dans les centres de jour de Montréal ........... 10

Figure 2: Répartition géographique des centres de jour en itinérance à Montréal ........ 14

Figure 3: Distribution des heures d’ouverture des centres de jour et de soir à Montréal
          ........................................................................................................................ 15

Figure 4: Croyez-vous que la fréquentation des centres de jour a augmenté durant les
          dix dernières années ? .................................................................................... 16

Figure 5: Comment les différentes problématiques ont-elles évolué durant les dix
          dernières années ? .......................................................................................... 17

Figure 6: Quelle est la proportion des usagers et usagères qui utilisent le centre de jour
          et sont en logement ?...................................................................................... 17

Figure 7: Quelle est la proportion des femmes utilisant les services de l’organisme ? . 18

Figure 8: Quelle est la proportion des usagers et usagères de l’organisme qui utilisent
          également le centre de jour ?.......................................................................... 18

Figure 9: Croyez-vous que les catégories d’individus suivantes bénificient du même
          accès aux centres de jour ? ............................................................................. 19

Figure 10: Reconnaissance officielle des organismes recensés comme centres de jour
           auprès des autorités administratives (municipales, provinciales ou fédérales)
           ........................................................................................................................ 20

Figure 11: Selon les besoins des usagers et usagères, la localisation du centre de jour est-
           elle adéquate ? ................................................................................................ 20

Figure 12: Selon les besoins des usagers et usagères, les locaux du centre de jour sont-ils
           adéquats ? ....................................................................................................... 20

Figure 13: Le travail effectué par les centres de jour bénéficie-t-il généralement d’une
           bonne reconnaissance des groupes suivants ? ................................................ 21

Figure 14: Progression des présences au centre de jour Olga – La rue des Femmes ...... 22

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Synthèse
Le présent portrait des centres de jour destinés aux personnes en situation ou à risque
d’itinérance à Montréal expose la particularité et la valeur d’une ressource qui passe
souvent inaperçue, mais se révèle toutefois centrale à la lutte contre l’itinérance. En effet,
parfois dissimulés au sein de sous-sol d’églises ou encore derrière de grands bâtiments du
centre-ville, le centre de jour est peu visible de la population générale qui, tout au plus, peu
y voir un attroupement plus ou moins régulier de personnes itinérantes et marginalisées.

Ce portrait a été mené à l’initiative de la Ville de Montréal, conjointement avec le Centre
intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSS) Centre-Sud-de-l’Île-de-
Montréal et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).
Il nous amène derrière les portes du centre de jour, nous fait entendre la parole d’individus
qui fréquentent régulièrement les services, analyse les représentations de ces espaces et
leur importance dans le parcours des gens qui sortent de la rue ou évitent de s’y retrouver.
Le centre de jour joue un rôle de stabilisation, de sécurité et de socialisation qui se définit
non pas par une offre de service précise (l’on constate une multiplication des services),
mais plutôt comme espace où s’enracine une démarche d’accompagnement social où la
question de la « réinsertion sociale » est posée non pas uniquement dans le cadre d’une
réforme de « l’individu », mais du lien social qu’il faut rebâtir.

Ce portrait est également l’occasion de dresser un « état de la situation » à travers la
présentation d’un ensemble de données primaires recueillies lors de la recherche : services
offerts, répartition géographique des centres de jour, heures d’ouverture, évolution de la
fréquentation, usagers en logement, services pour les femmes, etc. L’objectif est d’illustrer
des informations générales d’actualité sur le centre de jour. À ce portrait descriptif s’ajoute
l’étude qualitative de trois grandes formes de représentations des espaces qui constituent
les centres de jour : le « sanctuaire », l’espace de « réhabilitation » et celui de
« l’autonomisation communautaire ». Cette typologie ne se veut pas normative ni
évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et les incidences d’une
diversification des espaces du centre du jour à Montréal. Cette complémentarité évoque
l’idée d’un réseau informel entre ces espaces d’accueil et de soutien.

En effet, ce réseau peut prendre forme entre autres à travers la circulation des usagers qui
tissent des liens et forment des voies de communication. L’analyse de la parole d’usagers
et d’usagères des centres de jour révèle des trajectoires à travers les organismes qui
reposent sur le développement d’un fort sentiment d’appartenance à certains centres de jour
plutôt qu’à d’autres. Ce sentiment d’appartenance met en scène une volonté d’entraide
collective. Il se révèle au fondement d’une communauté qui travaille à retisser les liens
sociaux nécessaires à une réinsertion sociale où l’individu marginalisé est valorisé comme
un citoyen à part entière.

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PORTRAIT DES CENTRES DE JOUR DESTINÉS AUX PERSONNES EN SITUATION OU À RISQUE D'ITINÉRANCE À MONTRÉAL - SEPTEMBRE 2017 - Montréal
En formant communauté, le centre de jour représente une occasion de tisser des liens de
solidarité, une reconnaissance et une identité collective au fondement d’une réinsertion
sociale durable et démocratique pour les populations marginalisées. Comme espace de
socialisation, le centre de jour représente l’occasion de bâtir une « place », c’est-à-dire un
statut, une reconnaissance, une identité sociale autre que celle d’« itinérant ».

Les principales pistes de réflexion qui traversent ce portrait des centres de jour à
Montréal sont les suivantes :

   •   En accueillant différentes catégories d’individus qui sont en logement, le centre de
       jour se révèle être un acteur important de la prévention à l’itinérance en offrant
       des contextes de socialisation qui brisent l’isolement et incitent l’individu à ne pas
       tracer sa voie dans l’itinérance. Toutefois, à Montréal il demeure difficile de bien
       cerner la place, les besoins et les services reçus par les individus en logement qui
       fréquentent les centres de jour alors que peu d’organismes détiennent des données
       officielles sur la situation résidentielle des usagers et usagères.

   •   Les centres de jour se concentrent dans la portion du centre-ville de Montréal où
       l’on retrouve majoritairement un type d’itinérance plus visible (chronique). Ce
       constat soulève la question de la rareté de centres de jour dans les quartiers plus
       excentrés (voir l’exemple de Multicaf) où se vivent des formes d’itinérance moins
       visibles, mais tout aussi systémiques.

   •   Malgré une tentative de regroupement dans les années 1990, nous notons l’absence
       d’un réseau formel des centres de jour à Montréal. À la lumière de l’expérience
       du Royaume-Uni, nous demandons si un tel réseau ne permettrait pas de favoriser
       la constitution de fronts communs sur certains dossiers, un partage d’expertise et
       d’information et une meilleure promotion de la valeur spécifique des centres de jour
       auprès de la population générale.

   •   Le portrait révèle un déficit en matière de centres de jour permettant d’offrir un
       espace sécuritaire pour les femmes à Montréal. Des 27 centres de jour recensés,
       23 sont mixtes et 2 sont réservés aux femmes alors qu’elles représentent de 20 à
       25% de la population itinérante montréalaise.

   •   Les centres de jour représentent des espaces privilégiés de socialisation qui varient
       dans leurs formes et dispositions. L’élaboration d’une typologie de ces espaces
       (sanctuaire, réhabilitation, autonomisation communautaire) ne se veut pas
       normative ni évaluative, mais permet de comprendre la complémentarité et
       l’importance de la diversification des espaces du centre du jour à Montréal.

   •   Il existe une mise en réseau informelle des centres de jour par la complémentarité
       des approches qui structurent ces espaces (sanctuaire, réhabilitation, autonomie
       communautaire) ainsi que par la circulation d’individus qui développent un fort
       sentiment d’appartenance et d’entraide communautaire envers un organisme plutôt
       qu’un autre.

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Introduction
Le centre de jour est une ressource souvent méconnue de la population générale. Il s’agit
pourtant d’un espace de socialisation essentiel à la prévention de l’itinérance. Les centres
de jour à Montréal ont développé une expertise qui leur est propre et constituent une
première avenue importante vers la réinsertion sociale. En dressant un portrait des centres
de jour à Montréal, notre objectif est de mettre en évidence cette expertise ainsi que son
impact majeur sur le cheminement des personnes isolées et marginalisées.

Mené à l’initiative de la Ville de Montréal et conjointement avec le Centre intégré
universitaire de santé et de services sociaux (CIUSS) Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et
le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), ce travail vise
à promouvoir la particularité des services offerts par les centres de jour et à recenser
l’évolution des besoins, défis et obstacles exprimés tant par les usagers que les organismes
eux-mêmes. Au-delà de l’intérêt particulier que peuvent y accorder les décideurs publics
et le réseau communautaire, ce portrait s’adresse également au grand public dans un
objectif général de partage des connaissances au sujet de l’itinérance à Montréal.

Conjuguant une réflexion théorique sur les centres de jour et un travail de terrain auprès de
gestionnaires et d’usagers de ces ressources, ce travail démontre que les centres de jour
constituent des espaces d’accompagnement qui vont au-delà d’une aide matérielle
ponctuelle. En effet, ne constituant ni un espace de désoeuvrement ni une simple stratégie
pour retirer les personnes itinérantes des espaces publics, les centres de jour se sont révélés
comme espaces de socialisation qui contribuent de manière originale et essentielle à la lutte
contre la désinsertion sociale, en plus de constituer une porte d’entrée vers les services de
santé institutionnels pour des populations qui s’en trouvent souvent éloignées.

                                          *   *    *

Cet exercice s’inscrit dans le cadre du deuxième plan d’action en itinérance (2014-2017)
de la Ville de Montréal qui met de l’avant quatre principes directeurs, à savoir le partage
des connaissances, le renforcement de l'exercice de la citoyenneté, l'offre d'alternatives à
l'itinérance et la réduction des problèmes de partage de l'espace urbain. Plus
particulièrement, le présent portrait s’appuie sur l’action 8 de ce plan qui vise à apporter
une aide aux centres de jour. Dans ce cadre, il est un outil pouvant conduire sur la piste de
possibilités d’amélioration des centres de jour et d’occasions pour la Ville et ses partenaires
d’appuyer leur développement.

Consciente de l’importance des centres de jour à Montréal, tant par la diversité de leur offre
de services et que par le nombre de personnes rejointes, la Ville accorde une attention
particulière à ces ressources. D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’entre 2013 et 2016,
la valeur des contributions octroyées par la Ville pour des projets portés par des centres de
jour a doublé. En 2016, ces contributions représentaient près du tiers du budget que la
Ville-centre accorde en matière de lutte à l’itinérance.

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Démarche de recherche

Notre démarche de recherche a privilégié l’analyse qualitative comme moyen d’étudier le
sens que peuvent avoir les services offerts par les centres de jour et d’aller au-delà de la
simple description statistique de ces derniers. Il s’agit d’une analyse qui s’est effectuée à
partir de trois activités de collecte de données distinctes et complémentaires.

La première étape de la collecte de données est la distribution de questionnaires fermés à
l’ensemble des 27 centres de jour recensés. Il s’agit d’une étape essentielle afin d’obtenir
une description de l’état actuel des services et de dresser un portrait descriptif des centres
de jour à Montréal. Cette première étape est complétée par dix entrevues individuelles
semi-dirigées auprès des gestionnaires d’organismes ciblés afin de connaître le point de
vue de ceux-ci sur les enjeux d’aujourd’hui, notamment sur leur perception du rôle joué
par les centres de jour dans la lutte à l’itinérance, la nature et l’efficacité des collaborations
avec leurs partenaires, l’évolution de la clientèle et des besoins.

Ces deux premières étapes permettent de recueillir un point de vue institutionnel sur le
centre de jour. La parole des usagers et usagères des centres de jour fait l’objet de la
troisième étape de la collecte de données. Douze entretiens semi-dirigés ont été réalisés
auprès d’individus fréquentant les centres de jour. L’objectif est non seulement de faire
valoir la parole des personnes en situation ou à risque d’itinérance, mais d’obtenir un
matériel d’analyse inédit permettant de cerner la signification du centre de jour dans leurs
parcours individuels. De plus, cette démarche est conforme à la mission du Protecteur des
personnes en situation d’itinérance qui vise, entre autres, à mieux connaître les réalités et
les besoins des personnes itinérantes à travers la création de mécanismes de communication
et de dialogue.

Le portrait se divise en quatre parties. La première, intitulée « Portrait descriptif des centres
de jour à Montréal », pose la question de la définition du centre de jour et dresse un état de
la situation à partir des données recueillies par le questionnaire. La seconde partie,
« Typologie des espaces du centre de jour à Montréal », s’appuie sur une littérature
théorique qui nous autorise à retracer et comprendre les différentes tendances qui guident
l’utilisation et les représentations des espaces du centre de jour. Par la suite, le point intitulé
« Paroles d’usagers et d’usagères du centre de jour » présente les résultats d’analyse des
entretiens semi-dirigés auprès des individus qui fréquentent les services. La dernière partie,
« Le centre de jour comme lieu de prévention de l’itinérance et de lutte à la désinsertion
sociale », présente une analyse globale des résultats de recherche obtenus des trois activités
de collecte de données en soulignant la manière particulière par laquelle le centre de jour
se révèle être un acteur clé de la prévention de l’itinérance.

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1. Portrait descriptif des centres de jour à Montréal

1.1 Définir le centre de jour

Loin d’être en marge de la lutte à l’itinérance, les centres de jour représentent des
ressources importantes dans le cheminement des personnes en situation ou à risque
d’itinérance (voir graphique 3). Les données de l’étude complémentaire réalisée à l’été
2015 dans le cadre du dénombrement des personnes itinérantes démontraient que les
centres de jour représentent le type de ressource le plus utilisé, ayant été mentionné par
60% des répondants (Latimer et al., 2016, 24). Si notre étude a permis de dénombrer 27
centres de jour et de soir œuvrant directement dans le domaine de l’itinérance à Montréal,
ces derniers sont loin d’être uniformes.

La difficulté d’une définition commune relève de la multiplicité des services qui sont
offerts dans ces organismes. Si l’on adopte une définition minimaliste, il est possible de
définir les centres de jour comme espaces d’accueil et de socialisation, souvent situés au
centre de la ville, où les personnes en situation ou à risque d’itinérance peuvent aller se
reposer et trouver une réponse aux besoins de base. Or, dans la majorité des cas, ces
services de base (abri, nourriture, vêtement, socialisation, douches, etc.) ne représentent
pas une fin en soi, mais deviennent des manières de mettre des individus souvent
lourdement stigmatisés (Johsen et al., 2005) en contact avec un nombre croissant de
services visant une amélioration de leur situation à long terme. Bien qu’il n’existe pas de
définition commune des centres de jour, la littérature fait fréquemment référence à la
définition offerte au Royaume-Uni par le National Day Centres Project :

      Day centres provide an open access building based facility ; offer a variety of services
      usually involving a mix of support, advice, information, food and practical help ; are
      commited to equal opportunities, maintaining a safe and welcoming environment and
      empowering service users ; and have a primary focus on working with homeless,
      vulnerable and insecurely housed people (Cooper, 2001, p. 97).

En effet, au Royaume-Uni nous notons la mise sur pied du Day Centres Project1 qui vise à
mettre en réseau plus de 200 centres de jour afin d’offrir un appui aux organismes, de
favoriser le partage d’information et d’encourager la reconnaissance de la valeur de ces
services auprès de la population générale ainsi que des différentes institutions. À Montréal
et au Québec, à cette difficulté d’une définition commune s’ajoute l’absence de réseau
formel des centres de jour.

Au début des années 1990 a été mis sur pied le Regroupement des centres de jour, de soir
et unité mobile afin de mieux faire valoir la particularité de leurs services. Cette initiative
est née « […] de la nécessité, pour les ressources, de mieux faire connaître la philosophie
des centres, d'assurer la visibilité de leurs actions et des besoins de la clientèle en insistant
sur la question de leur diversité, de leur spécificité, voire de leur complémentarité »
(Rozier, 1996, 10). Se voulant promoteur de la concertation, de la solidarité, de la cohésion

1
    Voir http://www.homeless.org.uk/our-work/national-projects/day-centres-project

                                                                                               9
et à la recherche d’une alternative à l’existence d’une certaine compétition entre les
organismes, ce regroupement n’a jamais obtenu de statut officiel et a finalement été
abandonné pour des raisons qui demeurent à éclaircir vers la fin des années 1990.

1.2 Une approche multiservice et d’accompagnement social

Il est possible d’insister sur les multiples rôles joués par les centres de jour à Montréal se
traduisant dans la multiplicité des services offerts (graphique 2). Cette variété de services
relève toutefois d’un élément commun aux centres de jour : leur capacité à développer des
réponses aux manques exprimés par des usagers (Cooper, 2001). À la lumière du
questionnaire distribué à l’ensemble des centres de jour et de soir à Montréal, nous pouvons
observer que le seul service offert par l’ensemble des centres de jour à Montréal se trouve
à être l’espace d’accueil et de socialisation. Ce service se trouve au centre même de
l’identité du centre de jour. Cet espace représente l’occasion de bâtir des liens de confiance
avec les intervenants et intervenantes, de répondre à des besoins de base, d’offrir des
opportunités de réseautage et d’accompagnement ou encore des conseils pratiques sur un
ensemble d’enjeux auxquels fait face la population en situation ou à risque d’itinérance.
De plus, 65% des centres de jour et de soir soulignent offrir des services « autres » n’étant
pas représenté par les dix catégories de service proposé : aide aux démarches scolaires,
clinique d’impôts, distribution de matériel de consommation, hébergement de longue
durée, santé animale, soutien à la famille, etc.

Figure 1: Multiplicité des services offerts dans les centres de jour de Montréal

*Les principaux services que les organismes ont inclus dans la catégorie « autre » : aide aux démarches scolaires, clinique
d’impôts, distribution de matériel de consommation, hébergement de longue durée, santé animale, soutien à la famille.

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La particularité des centres de jour ne réside pas tant dans l’offre d’une catégorie précise
de services, mais davantage dans leur capacité à répondre et à s’adapter aux multiples
problèmes que rencontrent les individus en situation ou à risque d’itinérance. Comme le
souligne Roy et al. par leur étude sur le modèle d’intervention dans les centres de jour, « la
diversité, l'hétérogénéité et la multiplicité des trajectoires, des problèmes et des processus
caractérisant les personnes itinérantes circulant dans les centres de jour rendent impossible
tout cheminement standard dans lequel doit s'inscrire l'individu ou auquel il doit se
conformer » (Roy et al., 1998, 104). À travers la diversification des services, Roy et al.
soulignent que le centre de jour joue un rôle de stabilisation (horaire fixe, personnes
connues, insertion dans un quartier et une communauté), de sécurité (nourriture, vêtement,
refuge, accueil quasi inconditionnel) et de socialisation (briser l’isolement, recréer un
réseau social primaire, établissement d’une continuité des liens interpersonnels).

L’approche multiservice correspond à un mode d’intervention tourné vers la diversité des
usagers des centres de jour. Ce mode d’intervention se rapproche du modèle
d’accompagnement social (Feltesse, 1995), « entendu comme un "accompagnement"
d'individus dans un parcours non linéaire et itératif, en adaptant les moyens, les formes
et les rythmes de l'intervention à la réalité de chacun » (Roy et al., 1998, 100).

Apparu à la fin du XXe siècle, l'accompagnement social est un modèle d’intervention qui
tente de cerner la place de la subjectivité (histoires personnelles, expérience vécue, création
de soi…) dans le fonctionnement social. Il émerge comme alternative à la prise en charge
institutionnelle « par le haut » d’individus désaffiliés dans le cadre duquel s’impose un
cheminement plus standardisé. Comme nous le verrons plus loin, « ce modèle
d’accompagnement privilégie les notions d'itinéraire (et non pas d'objectif), de réseau (et
non pas de prestation), de solidarité (et non plus de norme) » (Feltesse, 1995, 4). La
question de la « réinsertion sociale » est posée non pas uniquement dans le cadre d’une
réforme de « l’individu », mais du lien social : on y accorde une place importante à la
responsabilité de chacun et à l'engagement réciproque que suppose, entre personnes en
insertion et travailleurs sociaux ou bénévoles, une relation librement acceptée.

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Naissance d’un centre de jour pour femmes : Chez Doris
À Montréal comme ailleurs, l’approche d’accompagnement social qui caractérise les centres de
jour s’insère dans une histoire reliant leur émergence aux manques exprimés par des populations
locales désaffiliées, marginalisées et près de la rue. L’histoire du centre de jour Chez Doris illustre
cet ancrage des services dans les besoins et conditions des femmes de la rue.

« Au cours de la matinée du 3 novembre1974, le corps d’une jeune femme fut découvert dans un
hangar près de l’intersection des rues de la Gauchetière et Saint-Urbain. La victime avait été
violée et battue à mort avec une roue d’automobile. Elle se prénommait Doris et faisait partie du
groupe sans cesse croissant de femmes sans ressources essayant de survivre dans les rues de
Montréal » (Oddie, 1992, 2). Sheila Baxter, une travailleuse communautaire, avait commencé à
interroger des femmes dans les rues de Montréal afin de déterminer leurs besoins essentiels.

Cet événement tragique la poussa à approfondir ses recherches : elles révélèrent un manque
flagrant de refuges pour les femmes sans-abris en général, de même qu’une absence de services
destinés aux femmes itinérantes aux prises avec divers autres problèmes, comme l’alcoolisme,
la consommation de drogue, ou des troubles psychiatriques. Ses recherches démontrent
également que des femmes itinérantes sont refusées par les institutions pour personnes
itinérantes de l’époque par manque de ressources, mais aussi « parce qu’elles éprouvaient de
graves problèmes ».

Grâce aux résultats de ses recherches, le projet-pilote et ancêtre de Chez Doris « la Maison
Bertha » voit jour à l’été 1975. L’histoire du centre de jour est marquée par un déficit de
reconnaissance du rôle clé joué par ce dernier dans la lutte à l’itinérance : « En novembre 1981
[…] Centraide cessa de financer le projet en raison du type de femmes que le centre accueillait :
des femmes ayant des problèmes psychiatriques qui n’étaient pas sans-abris et qui ne venaient
au centre que pour prendre un café et socialiser » (Oddie, 1992, 6-7). Aujourd’hui, Chez Doris
représente un environnement d’accueil, de socialisation, de sécurité et de solidarité fréquenté par
plus de 1000 femmes différentes chaque année.

« Lors d’une entrevue menée auprès de Doris avant son décès, on avait demandé à celle-ci quel
type d’aide, selon elle, bénéficierait le plus aux femmes comme elle. Elle avait répondu "un endroit
où aller, sans regards indiscrets, ni trop de questions". Pour les femmes qui le fréquentent, le
centre […] c’est plus qu’un endroit où aller […]. C’est un symbole de ce qu’elles peuvent accomplir
dans leur propre vie avec un petit coup de main de la part des personnes qui se préoccupent de
leur sort » (Oddie, 1992, 10).

1.3 Une porte d’entrée sur certains services de soins de santé institutionnels

Les centres de jour développent une forme de référence peu directive, centrée sur la
démarche volontaire des usagers dans un environnement de contraintes minimales
permettant d’amorcer des interventions. La littérature les décrit souvent comme forme de
« sanctuaire » (Bowpitt et al., 2014) pour une population dont l’espace public est devenu
synonyme de préjugés, de violences ou de criminalisation (Campbell et Eid, 2009).
L’approche d’accompagnement social représente pour certains individus marginalisés une
alternative à des services de soins plus directifs et institutionnels – tels les hôpitaux ou les
CLSC (centre local de services communautaires).

                                                                                                    12
Toutefois, certains centres de jour offrent les services de spécialistes du réseau de la santé
(infirmières et psychologues travaillant avec Médecins du monde, etc.) de manière a
permettre une porte d’entrée vers des services institutionnels pour des individus
marginalisés qui ont l’habitude de s’en méfier, sont vulnérables ou dont les comportements
les amènent à en être exclus. En ce sens, Cooper souligne que

   […] users of day centres tend to be: people suspicious of mainstream services, people
   with drug or alcohol problems and who don’t want to be defined by their substance
   misuse, and people with multiple needs whose behaviour is challenging to other services
   providers. Day centres work as a last safety net to those who have fallen through every
   other service (Cooper, 2001, 97).

Les centres de jour sont ainsi des lieux qui permettent de rapprocher les services de
catégories d’individus plus éloignés. En effet, la littérature internationale et locale
reconnaît que les personnes en situation ou à risque d’itinérance ont des conditions de vie
qui se traduisent par une utilisation inadéquate des services de soins de santé (Kushel et
al., 2001; Thibaudeau, 2000; Wenzel et al., 2001). Comme le remarque Thibaudeau,
« selon plusieurs auteurs, les personnes itinérantes font une utilisation inadéquate des
services de santé pour de multiples raisons qui se rapportent à l’organisation des services
de santé, aux dispensateurs de soins, aux personnes itinérantes et au contexte dans lequel
elles vivent » (Thibaudeau, 2000, 316). Selon Caroline Grimard, dans un mémoire sur
l’accès aux services institutionnels et communautaires par les personnes itinérantes, il peut
s’agir de difficultés externes qui relèvent de la procédure et des règlements qui permettent
d’utiliser les services (Hatton et al., 2001), mais aussi de difficultés sociales telles que « [la]
perte d’habiletés sociales et relationnelles, [le] manque de moyen de transport, [l’]attitude
négative du personnel médical envers les personnes itinérantes, etc. » (Grimard, 2006, 25).
Les problèmes de santé des personnes en situation d’itinérance sont parfois plus nombreux
que ceux de la population générale et demandent un accompagnement particulier (Macnee
et Forrest, 1997) et la méconnaissance des services offerts peut mener à l’utilisation
inadéquate d’un service (Sachs-Ericsson et al., 1999).

1.4 Répartition des services sur le territoire et heures d’ouverture

À Montréal, nous avons répertorié 27 organismes offrant les services d’un centre de jour
ou de soir auprès des personnes itinérantes ou à risque d’itinérance (graphique 1). De ces
derniers, 19 sont situés dans l’arrondissement Ville-Marie, 3 dans Mercier-Hochelaga-
Maisonneuve, 2 dans Le-Plateau-Mont-Royal, 1 dans Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-
Grâce, 1 dans le Sud-Ouest et 1 dans la Ville de Westmount.

La concentration de ces ressources dans Ville-Marie pourrait s’explique d’une part par la
concentration de l’itinérance chronique au le centre-ville (Latimer et al., 2015).
L’itinérance chronique fait référence à la situation de ceux et celles qui ont connu des
épisodes répétés d’itinérance et qui ont passé de longues périodes à la rue. Toutefois, s’il
s’agit de l’aspect le plus visible de l’itinérance, la proportion des personnes itinérantes qui
se trouvent en situation d’itinérance chronique au Canada se situe entre 2 à 4 % (Aubry et
al., 2013). En effet, il a été démontré qu’il existe d’autres formes d’itinérance systémique

                                                                                                13
en marge du centre-ville, dans les quartiers et arrondissements excentrés (RAPSIM, 2016).
Les 6 centres de jour qui se situent à l’extérieur du centre-ville de Montréal reçoivent
plusieurs milliers d’individus par année et jouent un rôle essentiel auprès des personnes en
situation de marginalité et faisant l’expérience de l’itinérance cachée.

Près de 1 Canadien sur 10 a vécu un épisode d’itinérance cachée (Rodrigue, 2016) et ces
derniers « sont beaucoup plus portés à utiliser les centres de jour […] et moins à utiliser les
refuges » (Latimer et al., 2016, vi). En Angleterre, les études ont révélé l’importante
présence des individus qui vivent des formes d’itinérance cachée au sein des centres de
jour (Reeve et Coward, 2004 ; Robinson et Coward, 2003). L’itinérance cachée nous
rappelle que la majorité des personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir
trouvent des alternatives précaires afin d’éviter de passer la nuit à la rue.

L’itinérance cachée correspond à une forme d’itinérance épisodique et moins visible :
certaines personnes n’ayant nulle part où aller dorment dans des squats, sur le divan d’un
ami, cohabitent dans des logements surpeuplés et insalubres, louent une chambre de motel,
dorment dans leur voiture ou ne s’identifient tout simplement pas comme « itinérantes ».

Figure 2: Répartition géographique des centres de jour en itinérance à Montréal

Près de la moitié des centres de jour de Montréal contactés dans le cadre de notre étude
(N=27) estiment que plus de 50% des usagers du centre de jour habitent en logement. À
Toronto, l’étude The Role of Drop-ins from the Perspective of Those Who Use Them (Ville
de Toronto, 2000) souligne que 59% des usagers des centres de jour résidaient en logement.

                                                                                            14
En ce sens, plusieurs études ont souligné l’importance des centres de jour dans le maintien
en logement et la prévention de l’itinérance (Jones et Pleace, 2005 ; Crane et al., 2005 ;
Pollio et al., 2000). La présence de centres de jour à l’extérieur du territoire du centre-ville
est essentielle dans le cadre d’une stratégie visant à prévenir et réduire l’itinérance sous
toutes ses formes.

Figure 3: Distribution des heures d’ouverture des centres de jour et de soir à Montréal

La distribution des heures d’ouverture indique un débalancement entre l’offre de service
en semaine et en fin de semaine. En effet, plus de 65% des centres de jour et de soir sont
fermés durant les fins de semaine alors que ceux qui sont ouverts ont des horaires de
fonctionnement réduits. Les entrevues menées auprès des gestionnaires nous indiquent que
dans un contexte où les ressources sont limitées, les organismes font généralement le choix
de limiter les heures d’ouverture pour y concentrer les ressources nécessaires au travail
d’accompagnement et de suivi.

                                      L’accueil de soir

À Montréal, « le Centre de soir Denise-Massé se démarque sans contredit par ses heures
d’ouverture en soirée tant en semaine que lors des fins de semaine. Il va sans dire que la clientèle
apprécie grandement cette particularité, leur permettant ainsi d’avoir accès, du mercredi au
dimanche de 17h à 22h, à un lieu d’appartenance offrant un espace de socialisation rassurant à
des moments où la solitude et l’isolement se font plus présents » (Centre de soir Denise-Massé,
2016, 9). La provenance territoriale variée des individus qui fréquentent le Centre de soir Denise-
Massé traduit sans doute pour une catégorie d’individus le besoin d’espaces d’accueil et de
soutien accessibles durant cette plage horaire.

Si l’offre de service le soir est très réduite en comparaison avec ce qui est offert le jour, nous
remarquons qu’elle est toutefois sensiblement la même la semaine et la fin de semaine. Bien que
la mission des centres de jour et de soir soit la même (accueil inconditionnel, espace de
socialisation, accompagnement social, lieu d’appartenance et d’entraide), ces derniers peuvent
être fréquentés par des groupes d’usagers différents.

                                                                                                  15
Certaines des démarches d’aide qui peuvent être menées le jour (suivi auprès des institutions
gouvernementales ou municipales, aide au logement, recherche d’emplois, etc.) peuvent
difficilement avoir lieu le soir ou la nuit. Les centres de soir ou de nuit peuvent se révéler plus
facilement accessibles pour certaines populations itinérantes ou à risque d’itinérance, tels les
individus qui vivent du travail du sexe.

1.5 Données globales sur les centres de jour à Montréal
La première phase de la recherche a permis qu’un questionnaire électronique soit complété
par l’ensemble des 27 centres de jour recensés à Montréal afin d’obtenir des informations
générales d’actualité sur ces derniers. Ces données primaires, que nous reprenons ici, nous
ont ainsi permis de dresser un certain état de la situation. Il s’agit de réponses aux questions
posées aux gestionnaires des organismes.

i. Évolution de la situation des centres de jour

Figure 4: Croyez-vous que la fréquentation des centres de jour a augmenté durant les dix
dernières années ?

                                                                                                 16
Figure 5: Comment les différentes problématiques ont-elles évolué durant les dix
dernières années ?

Parmi les gestionnaires des organismes recensés, 22 sur 27 soulignent que la fréquentation
des centres de jour a augmenté au courant des dix dernières années. Cette affirmation sur
l’augmentation de la fréquentation s’accompagne d’une perception selon laquelle la nature
des besoins des individus a généralement changé. Selon les répondants, les changements
les plus marqués se situent au niveau du changement du profil des usagers et usagères, ainsi
qu’au niveau de la nature des besoins des femmes en centres de jour.

ii. Profils des usagers et usagères
Figure 6: Quelle est la proportion des usagers et usagères qui utilisent le centre de jour
et sont en logement ?

                                                                                         17
Figure 7: Quelle est la proportion des femmes utilisant les services de l’organisme ?

Figure 8: Quelle est la proportion des usagers et usagères de l’organisme qui utilisent
également le centre de jour ?

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Figure 9: Croyez-vous que les catégories d’individus suivantes bénéficient du même
accès aux centres de jour ?

Au sujet du profil des individus qui fréquentent les centres de jour, nous notons que près
de la moitié des organismes (12 sur 27) estiment que plus de 50% des usagers et usagères
seraient en logement (figure 6). On apprend également que près de la totalité des individus
qui fréquentent un organisme au sein duquel se trouve un centre de jour utilisent les
services de ce dernier (figure 8). On estime également que les femmes sont très présentes
au sein des centres de jour mixtes où 9 organismes évaluent que les femmes représentent
de 25 à 50% des individus qui utilisent le centre de jour et 11 organismes situent cette
proportion entre 10 à 25% (figure 7). Toutefois, cette importante fréquentation de
ressources mixtes par les femmes peut s’expliquer par la faible présence de ressources
réservées aux femmes (2 centres de jour sur les 27 recensés à Montréal, voir plus
particulièrement le point 1.6 de ce portrait). Les femmes, les Authochtones et les personnes
vieillissantes représentent les catégories d’individus qui, selon les gestionnaires, subissent
une plus grande difficulté d’accès aux centres de jour (figure 9), alors que les jeunes et les
personnes issues de l’immigration sont fortement identifiées comme catégories d’individus
qui subissent moins de difficultés d’accès.

                                                                                           19
iii. Identification des centres de jour, emplacements et reconnaissance
Figure 10: Reconnaissance officielle des organismes recensés comme centres de jour
auprès des autorités administratives (municipales, provinciales ou fédérales)

Figure 11: Selon les besoins des usagers et usagères, la localisation du centre de jour
est-elle adéquate ?

Figure 12: Selon les besoins des usagers et usagères, les locaux du centre de jour sont-ils
adéquats ?

                                                                                          20
Figure 13: Le travail effectué par les centres de jour bénéficie-t-il généralement d’une
bonne reconnaissance des groupes suivants ?

Si la majorité des organismes contactés bénéficie d’une reconnaissance officielle à titre de
centre de jour par les autorités administratives, trois de ces derniers ont répondu qu’ils ne
bénéficiaient pas de cette reconnaissance, mais considèrent offrir les services d’un centre
de jour (figure 10). Ce constat permet de souligner la difficulté d’identifier les centres de
jour sans définition commune. Il pose la question de la compréhension de son identité au
sein des ressources montréalaises pour personnes en situation ou à risque d’itinérance. Au
sujet de l’emplacement des locaux, uniquement 2 des 27 centres de jours considèrent qu’il
est inadéquat (figure 11). Les locaux sont considérés comme étant adéquats par 22 des 27
organismes, mais 5 indiquent que leurs locaux sont inadéquats dont trois soulignent qu’ils
sont fortement inappropriés (figure 12). Au niveau de la reconnaissance générale des
services offerts par les centres de jour en matière de lutte à l’itinérance, ce sont
l’administration municipale et le secteur de la santé qui offrent le plus de polarisation
(figure 13). En effet, si la majorité des organismes estiment recevoir une très bonne
reconnaissance de la part des instances municipales et du réseau de la santé, ce sont
également ces groupes qui génèrent les plus grands désaccords.

                                                                                           21
1.6 Difficultés particulières des femmes en situation de marginalité au sein
des centres de jour

Les femmes sont particulièrement touchées par l’itinérance cachée (Conseil des
Montréalaises, 2017) et représentent de 20 à 25% de la population itinérante montréalaise
et canadienne (Gaetz et al., 2010; Fournier et al., 1998). Toutefois, seulement 2 des 27
centres de jour et de soir recensés sont réservés aux femmes, deux aux hommes et 23 sont
mixtes. Si les femmes développent de nombreuses stratégies pour éviter de se retrouver à
la rue, « ces stratégies de survie, comme la prostitution et le vol à l’étalage, les rendent
moins visibles, mais posent des risques pour leur santé, leur sécurité et leur intégrité et les
enfoncent davantage dans l’itinérance » (Gouvernement du Québec, Politique de lutte à
l’itinérance, 2014, p.13). Cette situation doit être soulignée du fait des difficultés
particulières pouvant être vécues par les femmes en situation de marginalité au sein des
centres de jour et de soir mixtes2.

Les centres de jour mixtes (qui accueillent les femmes et les hommes) sont en majorité
fréquentés par des hommes et sont caractérisés par une promiscuité qui souvent limite
l’accès des femmes à ces espaces. En effet, plusieurs femmes peuvent percevoir les centres
de jour mixtes comme des endroits peu sécuritaires, voire même à éviter : une forte
proportion de femmes itinérantes ont été victimes de violences physiques, sexuelles,
psychologiques, conjugales ou familiales (Echenberg et Jensen, 2012). En effet, les études
démontrent que les femmes en situation d’itinérance témoignent de la présence
significative d’un vécu de violence (73% à 81%) (Gélineau, 2008 ; Plante, 2007 ; Laberge
et al., 2000).

Figure 14: Progression des présences au centre de jour Olga – La rue des Femmes3

2
  Cette situation de double discrimination doit également être étudiée chez d’autres sous-populations telles
que les jeunes, les Autochtones, les personnes vieillissantes, les personnes issues de l’immigration et les
individus issus de la communauté LGBTQ. Si les limites imposées à la présente recherche ne permettent pas
d’étudier les défis particuliers vécus par ces groupes, nous avons décidé d’accorder une attention aux
difficultés des femmes en centre de jour du fait de leur présence dans chacune de ces sous-populations.
3
  Le centre de jour a été fermé trois semaines en 2012-2013.

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