PRENDRE LE CONTRÔLE: SUR LA VOIE DE POLITIQUES EFFICACES EN MATIÈRE DE DROGUES - SEPTEMBRE 2014
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PRENDRE LE CONTRÔLE: SUR LA VOIE DE POLITIQUES EFFICACES EN MATIÈRE DE DROGUES Septembre 2014
Apu Comes/Folhapress
MEMBRES DE LA COMMISSION GLOBALE DE POLITIQUE EN MATIÈRE DE DROGUES Kofi Annan Aleksander Kwasniewski Président de la Fondation Kofi Annan et ancien Ancien président de la Pologne SOMMAIRE Secrétaire général des Nations Unies, Ghana Ricardo Lagos Louise Arbour Ancien président du Chili Ancienne Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Canada George Papandreou Ancien premier ministre de la Grèce AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT 04 Pavel Bém Ancien maire de Prague, République tchèque Jorge Sampaio RÉSUMÉ 06 Ancien président du Portugal Richard Branson LA “GUERRE AUX DROGUES” EST PERDUE: Entrepreneur, philanthrope, fondateur du groupe Virgin, George Shultz PLACE À DE NOUVELLES APPROCHES 10 cofondateur de The Elders, Royaume‑Uni Ancien secrétaire d’État, États‑Unis (président honoraire) Principales voies vers des politiques efficaces Fernando Henrique Cardoso en matière de drogues 16 Ancien président du Brésil (président de Javier Solana 2.1 Accorder la priorité à la santé et à la sécurité 18 la Commission) Ancien haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et la politique de sécurité 2.2 Garantir un accès aux médicaments essentiels et au soulagement de la douleur 20 Maria Cattaui commune, Espagne 2.3 Mettre fin à la criminalisation et à l’incarcération des usagers de drogues 21 Ancienne secrétaire générale de la Chambre 2.4 Recentrer les réponses répressives au trafic de drogues et au crime organisé 23 de commerce internationale, Suisse Thorvald Stoltenberg 2.5 Réglementer les marchés de la drogue pour donner le contrôle aux gouvernements 26 Ancien ministre des Affaires étrangères Ruth Dreifuss et Haut-commissaire des Nations Unies pour les Ancienne présidente de la Confédération Suisse réfugiés, Norvège UN ÉLAN MONDIAL VERS DES POLITIQUES EFFICACES ET HUMAINES 32 et ancienne conseillère fédérale cheffe du Département fédéral de l’intérieur, Suisse Mario Vargas Llosa Références et notes 37 Écrivain et intellectuel, Pérou Cesar Gaviria Annexe : Classification des drogues 42 Ancien président de la Colombie Paul Volcker Ancien président de la Réserve fédérale américaine Glossaire 43 Asma Jahangir et du Conseil pour la reconstruction économique, Militante des droits de l’homme, ancienne Rapporteuse États-Unis Ressources 44 spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Pakistan Remerciements 45 John Whitehead Ancien Secrétaire d’État adjoint, États-Unis, ancien Michel Kazatchkine Coprésident, Goldman Sachs & Co., Président Fondateur, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies Mémorial et musée nationaux du 11-Septembre, pour le VIH/sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, États-Unis ancien directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, France Ernesto Zedillo Ancien président du Mexique 2 3
AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT Le régime international de contrôle des retombées politiques, sociales et économiques l’engagement honnête et critique à obtenir remplacement applicables et de lier le débat drogues ne fonctionne pas. Dans notre rapport permises par cette réforme. Ils reconnaissent des résultats. Mais nous sommes encouragés à ceux en cours sur les droits de l’homme de 2011, nous invitions les dirigeants de la qu’une masse critique de personnes élèvent par les nombreuses indications qui émergent et le programme de développement pour planète à entamer un dialogue ouvert sur une leurs voix pour demander une nouvelle avenue. et peuvent aider gouvernements et citoyens à l’après-2015. La Commission globale invite réforme des politiques concernant les drogues. Admettant que le changement est inévitable prendre les bonnes mesures. Le moment est tous les pays membres des Nations Unies et Nous recommandions en effet qu’ils envisagent et faisant preuve d’ouverture d’esprit, ils opportun, et il est possible de s’inspirer de toutes les agences onusiennes à poursuivre sans délai d’autres options que la guerre – déjà commencent à mettre à l’essai une palette de toutes les avancées couronnées de succès leur nouvelle réflexion sur la réforme des perdue – contre les drogues. Dans les rapports solutions fondées sur des données solides. réalisées dans le monde depuis 2011. politiques de la drogue. Nous encourageons qui ont suivi, nous avons attiré leur attention Des approches informées dament le pion à L’action des institutions multilatérales, en en effet les dirigeants à se mobiliser pour sur le besoin urgent d’une réforme visant à l’application d’idéologies, et les résultats sont premier lieu celle des Nations Unies, est faire face à des défis inédits, telle l’apparition endiguer les épidémies dévastatrices de sida encourageants. désormais requise. Nous nous réjouissons de presque quotidienne de drogues de synthèse et d’hépatite C. Nous avons demandé aux la qualité du débat de haut niveau entre chefs sur le marché, qui requiert des réactions décideurs politiques de briser le tabou vieux Dans le présent rapport, nous fournissons un d’État et personnalités des Nations Unies. toujours plus créatives. de 50 ans qui couvre les moyens efficaces et vaste plan d’action pour prendre le contrôle Une déclaration politique « réchauffée » humains de gérer les drogues. des drogues. Nous constatons que les La contribution d’organisations régionales promettant de résoudre le problème de la anciennes approches, basées sur le paradigme importantes à une réforme fructueuse est drogue et de créer un « monde sans drogues » Aujourd’hui, trois ans plus tard, nous sommes de l’application de lois punitives, ont échoué, également encourageante. Les rapports en 2016 ne répondra pas aux besoins des heureux de constater qu’un véritable débat et ce, absolument. Elles ont engendré de en faveur du changement produits par habitants de la planète. Nous répétons que sur les nouvelles approches des politiques la violence, rempli les prisons et érodé la l’Organisation des États américains, la la communauté internationale doit admettre de la drogue est en cours dans de nombreux gouvernance partout dans le monde. Loin de Commission ouest-africaine sur les drogues que les réponses simplistes au problème des forums nationaux et régionaux. Fait essentiel, diminuer, les dégâts sanitaires associés à et la Commission mondiale sur le VIH et le drogues n’existent pas. la discussion se fonde sur des données l’usage des drogues ont empiré. La Commission droit sont des pierres d’assise pour bâtir des probantes, et des innovations captivantes globale de politique en matière de drogues politiques de la drogue qui fonctionnent. Ils Notre rapport n’apporte pas de réponse sont mises en œuvre dans les Amériques, plaide donc pour une approche des politiques contestent ouvertement le régime international définitive, mais il fournit une « carte » des en Afrique, en Europe, en Asie du Sud et du de la drogue axée sur la santé publique, la de contrôle des drogues et créent un espace changements de politiques pragmatiques Sud-Est, en Australie et dans le Pacifique Sud. sécurité des collectivités, les droits de l’homme politique pour que de nouveaux acteurs qui, selon nous, rendront les problèmes liés Cette discussion est réellement mondiale; et le développement. explorent des approches similaires. à la drogue plus gérables à l’avenir. Nous gouvernements et sociétés civiles apprennent demandons que les pays profitent de la session les uns des autres et font l’essai de nouvelles Nous devons être audacieux, mais Nous sommes mus par un sentiment d’urgence. extraordinaire de l’Assemblée générale des approches de terrain. pragmatiques. Il n’existe pas de voie unique, L’inefficacité du système actuel est largement Nations Unies de 2016 pour commencer enfin convenant à toutes les situations, pour mettre établie, et le changement est non seulement à prendre le contrôle des drogues. En 2014, non seulement les gouvernements et en œuvre une réforme des politiques de la nécessaire, mais aussi réalisable. La session la société civile dialoguent, mais ils agissent drogue. Nous admettons que le changement extraordinaire de l’Assemblée générale des Fernando Henrique Cardoso aussi. La réforme de la politique des drogues exigera des modifications des politiques Nations Unies de 2016 sur les drogues nous Ancien président du Brésil (1994 – 2002) a entamé son virage de la théorie vers la et des façons de procéder nationalement apparaît comme une chance historique de pratique. Des chefs de file courageux issus et internationalement. Ce changement discuter des lacunes du régime de contrôle de tous les horizons voient les nombreuses s’accompagnera d’essais et d’erreurs et de des drogues, de déterminer des solutions de 4 5
RÉSUMÉ La session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (SEAGNU) de 2016 sur les drogues financiers du crime organisé, elle recommande que les gouvernements réglementent les marchés de la NOS RECOMMANDATIONS PEUVENT ÊTRE offre une occasion inédite de revoir et de réorienter les politiques nationales en la matière, ainsi que l’avenir du drogue et adaptent leurs mesures répressives pour combattre les groupes criminels les plus violents et RÉSUMÉES COMME SUIT : régime mondial de contrôle des drogues. Ainsi, quand les plus perturbateurs, plutôt que de punir les petits les diplomates s’assoient pour repenser les politiques trafiquants. Les propositions de la Commission sont nationales et internationales de la drogue, ils devraient complémentaires et complètes. Elles invitent les se rappeler le mandat des Nations Unies (ONU), gouvernements à repenser le problème, à faire ce qui comprend la sécurité, les droits de l’homme et qui peut et devrait être fait dans l’immédiat et à ne le développement parmi ses priorités. La santé est pas tourner le dos au pouvoir transformateur de la l’élément commun aux trois priorités. De plus, le réglementation. régime mondial de contrôle des drogues de l’ONU a pour objectif ultime « la santé physique et morale de Les obstacles à la réforme des politiques sont aussi l’humanité ». Malheureusement, les faits indiquent non divers qu’intimidants. Les puissantes administrations seulement l’échec de ce régime à atteindre ses propres nationales et internationales de contrôle des drogues Assurer avant tout la santé et la sécurité incarcérées en vertu des lois antidrogue, objectifs, mais aussi les horribles conséquences non défendent fermement le statu quo, remettant rarement des collectivités requiert une réorientation n’ont pas atteint les résultats positifs escomptés. intentionnelles de l’application de lois et de politiques en question leurs positions pour vérifier que leurs efforts fondamentale des priorités et des Les buts et mesures qui visent la réduction des punitives et prohibitionnistes. et leurs tactiques d’application des lois antidrogue ressources en matière de politiques, risques attribuables à la drogue, telles les surdoses ne font pas plus de mal que de bien. La tendance au qui permettrait d’abandonner les mortelles et la propagation du VIH/sida et des Un nouveau régime de contrôle des drogues, protégeant sensationnalisme est présente à chaque « alerte à la mesures punitives inefficaces au profit hépatites, entre autres maladies, et les dommages mieux la santé et la sécurité des personnes et des drogue » dans les médias, et la classe politique utilise d’interventions sanitaires et sociales liés à la prohibition, tels le crime, la violence, la collectivités à l’échelle mondiale que le régime actuel, régulièrement la rhétorique séduisante de la « tolérance éprouvées corruption, les violations des droits de l’homme, la est requis. Les mesures cruelles dérivant d’idéologies zéro » et de sociétés « sans drogues », au lieu de dégradation de l’environnement, le déplacement punitives doivent être remplacées par des politiques suivre une démarche informée par des faits probants. Les objectifs déclarés des politiques de contrôle de collectivités et la puissance des organisations humaines et efficaces basées sur les preuves L’association des drogues illicites aux minorités des drogues, ainsi que les critères d’évaluation de criminelles, sont beaucoup plus importants. scientifiques, les principes de santé publique et les ethniques et raciales connaît une certaine popularité ces politiques, méritent d’être revus et corrigés. Les dépenses consacrées aux mesures punitives droits de l’homme. Il s’agit là de la seule manière et suscite des peurs qui inspirent une ligne législative de réduire à la fois la mortalité, la morbidité et les dure. Enfin, les tenants d’une réforme éclairée risquent Les buts et mesures traditionnels, tels que le contreproductives devraient cesser, alors que celles souffrances liées à la drogue et la violence, ainsi que la d’être taxés de « laxistes envers la criminalité », voire de nombre d’hectares de cultures interdites détruits, consacrées aux mesures éprouvées de prévention, criminalité, la corruption et les profits illicites favorisés « partisans de la drogue ». la quantité de drogue saisie et le nombre de de réduction des risques et de traitement devraient par les politiques prohibitionnistes inopérantes. Le personnes arrêtées, poursuivies, condamnées et augmenter pour couvrir les besoins. coût public des politiques que nous défendons, il faut La bonne nouvelle est que le changement est dans le souligner, est faible comparé aux coûts directs et l’air. La Commission se félicite qu’un nombre croissant indirects du régime actuel. de recommandations du présent rapport soient déjà Assurer un accès équitable aux les obstacles nationaux et internationaux à la à l’étude, en cours d’application ou mises en œuvre La Commission globale de politique en matière de dans le monde. Nous commençons un voyage, et les médicaments essentiels, en particulier les présente recommandation. Ils devraient également drogues (ci‑après « la Commission ») propose cinq gouvernements peuvent tirer profit de l’expérience analgésiques à base d’opiacés. débloquer les fonds nécessaires pour mettre sur voies d’amélioration du régime des politiques de la qui s’accumule là où les réformes progressent. pied un programme international – supervisé par drogue. En plus de placer la santé et la sécurité au Heureusement, les objectifs rhétoriques et irréalistes Plus de 80 % de la population mondiale endure l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et centre de leurs préoccupations, les gouvernements périmés de la SEAGNU sur les drogues de 1998 des douleurs et souffrances évitables, l’accès élaboré en partenariat avec l’Office des Nations doivent garantir un accès aux médicaments essentiels risquent peu d’être maintenus en 2016. L’appui à à ces médicaments étant nul ou très restreint. Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et et au soulagement de la douleur. Les membres de la des interprétations souples et à une révision des L’état de fait perdure, bien que la prévention de l’Organe international de contrôle des stupéfiants Commission en appellent à la fin de la criminalisation conventions internationales de contrôle des drogues la mauvaise santé constitue une obligation et un (OICS) – afin de garantir un accès équitable et et de l’incarcération des usagers de drogue, couplée à grandit, tenant compte des droits de l’homme et des objectif primordiaux du régime mondial de contrôle abordable à ces médicaments aux endroits où ils la prévention et à des stratégies de traitement ciblant principes de réduction des risques. Tout cela est de bon des drogues. Les gouvernements doivent établir sont indisponibles. les usagers dépendants. Afin de réduire les dommages augure pour les réformes que nous proposons dans ce des plans clairs et des échéanciers pour éliminer liés à la drogue, ainsi que le pouvoir et les moyens qui suit. 6 7
RÉSUMÉ Cesser de criminaliser l’usage et la criminalité grave, entame les fonds personnels produit fréquemment davantage de dégâts que à la coopération internationale, pour sévir possession de drogues – et cesser de et gouvernementaux qui pourraient autrement de bienfaits. Les objectifs de la répression du contre la corruption et le blanchiment d’argent. « traiter » de force des personnes dont être consacrés à des investissements fructueux côté de l’offre devraient être revus pour passer Militariser les efforts antidrogue est rarement la seule infraction est l’usage ou la dans la vie des personnes et coûte des millions de l’élimination irréaliste du marché à des efficace, souvent contreproductif. Enfin, il est possession de drogues. en conséquences néfastes à long terme des réductions tout à fait possibles de la violence et essentiel que l’obligation de rendre des comptes condamnations pénales. Le recours au système de des perturbations liées au trafic. Les ressources en cas d’atteinte aux droits de l’homme commise La criminalisation de l’usage et de la possession justice pénale pour obliger des personnes arrêtées répressives devraient être orientées vers les en appliquant les lois antidrogue soit plus de drogues a peu d’effet, voire aucun effet, sur pour possession de drogue à suivre un traitement éléments les plus perturbateurs, problématiques systématique. les quantités de drogue consommées dans fait souvent plus de mal que de bien. Garantir la et violents du commerce clandestin, parallèlement une société ouverte. Elle encourage par contre disponibilité de divers services de soutien dans les comportements à haut risque telles les les collectivités est beaucoup plus constructif. Fait pratiques dangereuses d’injection, dissuade les à souligner, la présente recommandation n’exige personnes qui ont besoin d’une prise en charge aucune révision des traités internationaux de Permettre et appuyer les essais dans sont requises pour autoriser un accès légal de leur toxicomanie de chercher un traitement, contrôle des drogues. des marchés légalement réglementés mais restreint à des drogues qui, à ce jour, ne détourne les ressources de répression de la de drogues actuellement interdites, en sont disponibles que dans la clandestinité. Ces commençant, sans s’y limiter, par le expériences devraient englober l’extension de la cannabis, la feuille de coca et certaines prescription médicale d’héroïne pour certains nouvelles substances psychoactives. usagers dépendants de longue date, qui a Appliquer d’autres options que sanctions communautaires, s’avèrent en général connu un franc succès en Europe et au Canada. l’incarcération pour les acteurs non immensément moins onéreuses et plus efficaces Les succès et les échecs de la réglementation Ultimement, la manière la plus efficace de réduire violents du bas de l’échelle du trafic de que la criminalisation et les séjours derrière de l’alcool, du tabac et des médicaments les dommages à grande échelle du régime mondial drogue, tels les fermiers et les passeurs, les barreaux. Les agriculteurs de subsistance pharmaceutiques, entre autres produits et activités de prohibition des drogues, et de se rapprocher des entre autres personnes engagées dans et les journaliers participant à la récolte, à la comportant des risques, notamment sanitaires, objectifs de santé publique et de sécurité, consiste la production, le transport et la vente de transformation, au transport ou au commerce de pour les personnes et les sociétés, sont riches à contrôler les drogues dans le cadre d’une substances illégales. substances illicites, qui ont trouvé une bouffée en enseignements. De nouvelles expériences réglementation légale responsable. d’oxygène dans l’économie clandestine uniquement Les gouvernements allouent des ressources pour des raisons de survie, ne devraient pas toujours croissantes à la traque, l’arrestation et la faire l’objet de sanctions criminelles. Seuls des détention de personnes impliquées dans le trafic efforts de développement socioéconomique à Profiter de l’occasion offerte par la des recommandations basées sur des preuves de drogue, avec peu de preuves – ou en l’absence long terme, qui facilitent l’accès à la terre et à SEAGNU de 2016, qui approche à grands scientifiques, des principes de santé publique, de preuves – que leurs efforts atténuent les l’emploi, réduisent les inégalités économiques et la pas, pour réformer le régime mondial des les droits de l’homme et le développement. Les problèmes causés par la drogue ou découragent marginalisation sociale et accroissent la sécurité, politiques en matière de drogues. changements des politiques vers la réduction des des tiers de participer à des activités similaires. peuvent leur offrir une stratégie de sortie légitime. risques, la fin de la criminalisation des usagers, Les peines non criminelles, notamment les Le dynamisme du Secrétaire général de l’ONU en la proportionnalité des peines et les alternatives la matière est essentiel pour faire en sorte que à l’incarcération ont été adéquatement justifiés toutes les agences onusiennes concernées – pas au cours des dernières décennies par un nombre seulement celles qui se consacrent à l’application croissant de pays, grâce à la latitude légale Viser en priorité une réduction du pouvoir initiatives d’application de la loi, en particulier les des lois; celles de la santé, de la sécurité, des autorisée par les traités de l’ONU. La poursuite de des organisations criminelles et de la « descentes » militarisées, vont souvent exacerber droits de l’homme et du développement également l’exploration des possibilités d’interprétation souple violence et l’insécurité engendrées par la la violence criminelle et l’insécurité publique, – participent pleinement à une évaluation des des traités couvrant la drogue constitue un objectif concurrence entre elles ainsi qu’avec l’État. sans pour autant décourager la production, le stratégies mondiales de contrôle des drogues sur important, mais ultimement, le régime mondial trafic ou la consommation de drogues. Déplacer le mode « Unis dans l’action ». Le Secrétariat de de contrôle des drogues doit être modifié pour Les gouvernements devraient adopter une la production de substances interdites d’un l’ONU devrait animer d’urgence une discussion autoriser la réglementation légale responsable. attitude beaucoup plus stratégique; ils devraient endroit à un autre, ou le contrôle d’un itinéraire ouverte faisant place à de nouvelles idées et prévoir les rouages par lesquels certaines de trafic d’une organisation criminelle à une autre, 8 9
1. La prohibition mondiale de la drogue n’a pas seulement échoué LA “GUERRE AUX à atteindre ses objectifs d’origine, elle a également engendré des problèmes sociaux et sanitaires alarmants. Des politiques de remplacement émergent, visant à préserver la santé et l’intégrité DROGUES” EST PERDUE: des collectivités et à contribuer à la sécurité, aux droits de l’homme et au développement. PLACE À DE NOUVELLES APPROCHES Le régime international de contrôle des drogues a deux objectifs fondamentaux.1 Le premier est d’assurer l’accès aux drogues à des fins scientifiques et médicales; le second, d’interdire l’accès à certaines drogues à d’autres fins. Malgré l’objectif supérieur de En réalité, la consommation de drogue couvre une large palette de comportements, qui peuvent ne poser aucun problème ou devenir compulsifs, voire profondément nocifs. D’après l’ONUDC, à l’échelle mondiale, 10 % des utilisateurs sont considérés comme protéger la santé physique et morale de l’humanité, le régime, des « usagers problématiques.3 Ce chiffre suggère que la majeure ainsi que les politiques adoptées pour le mettre en œuvre depuis partie – sans conteste – de la consommation de stupéfiants n’est les années 1960, repose sur la criminalisation des personnes qui pas problématique. Pourtant, les politiques mondiales de la drogue produisent, vendent ou consomment de la drogue. traitent toujours de l’ensemble des usages des stupéfiants comme d’une grave menace pour la société. Elles restent focalisées sur la Après plus d’un siècle d’approche punitive, les faits sont vision bornée d’un combat contre le « mal » que constituerait la accablants: loin d’avoir atteint ses propres objectifs, ce régime toxicomanie.4,5 a engendré de graves problèmes sociaux et sanitaires. Si les gouvernements sont véritablement dévoués à la protection de la C’est à partir de cette généralisation initiale erronée, soit que sécurité, de la santé et des droits humains de leurs citoyens, ils tous les usages de la drogue sont un fléau à combattre avec des doivent adopter de nouvelles approches de toute urgence. Un mesures de justice pénale répressives, que tant de réponses certain nombre de gouvernements nationaux et locaux prennent irrationnelles et inefficaces en matière de politiques et tant d’ores et déjà de courageuses mesures en ce sens. d’institutions dysfonctionnelles ont vu le jour. Les simplifications faciles concourent à des décisions politiques déconnectées des La conception de politiques efficaces en matière de drogues normes élémentaires de la science, de la santé publique et des suppose une lecture claire du problème. Des distinctions fines droits de l’homme. Par conséquent, la demande de reconnecter les doivent être faites entre les dommages découlant de l’usage de politiques mondiales de la drogue à ces normes élémentaires est stupéfiants, telles la dépendance et les surdoses, et ceux créés au cœur des recommandations de la Commission. par les politiques antidrogue répressives, telles la criminalité et la violence associées au commerce clandestin. Pourtant, il existe une Jusqu’à récemment, les décideurs ont trouvé difficile de tendance peu constructive de la part de certains gouvernements à bousculer le statu quo. La promotion de politiques autres est confondre les deux types de dommages. souvent dépeinte comme une capitulation ou un comportement permissif envers la drogue, voire « pro drogue ». Heureusement, Ainsi, de nombreux responsables des politiques s’expriment avec le débat sur les politiques de la drogue commence à dépasser des termes génériques tels que le « problème mondial de la les généralisations erronées et les fausses idées. L’appel de la drogue »2 ou le « fléau de la drogue ». La rhétorique de la peur Commission à une réforme souligne l’importance des principes qui est communément utilisée par les tenants de la prohibition pour protègent activement, au lieu de les miner, la santé et le bien-être justifier le maintien, voire l’intensification, des mesures de justice des personnes et des sociétés, à travers les politiques de la drogue. pénale qui ont envenimé une grande partie des méfaits liés à Le fait d’être à la fois « contre la drogue » et « pour la réforme » la drogue. Et dans certaines régions du monde, cette approche n’est nullement contradictoire. brutale redore leur blason d’« ennemis du crime ». Lalo Almeida 10 11
COÛT DE PLUS D’UN DEMI SIÈCLE DE “GUERRE AUX DROGUES”: L’ADDITION UNE DÉFAITE, SELON LES PROPRES TERMES DU RÉGIME UN STIMULANT POUR LE CRIME ET L’ENRICHISSEMENT DES CRIMINELS La communauté internationale est plus que jamais aux • La production illégale d’opium dans le monde a crû de plus Au lieu d’apaiser la criminalité, les politiques basées sur pour les céréales, le vin, la bière, le café et le tabac combinés.28 antipodes d’un « monde sans drogues ». La production, l’offre et de 380 % depuis 1980, passant de 1 000 tonnes à plus de 4 l’application des lois antidrogue la stimulent activement. La • Les marchés de la drogue clandestins, non réglementés, sont vio- la consommation de stupéfiants continuent d’augmenter, malgré 000 tonnes aujourd’hui.8 Simultanément, le prix de l’héroïne s’est cherté des drogues illégales donne un motif de profit aux lents de nature. Paradoxalement, les efforts d’interdiction couron- l’accroissement des ressources consacrées à la répression. effondré de 75 % en Europe depuis 1990, et de 80 % aux États groupes criminels pour entamer le commerce de ces drogues et nés de succès et les arrestations de chefs de cartels de la drogue Unis depuis 1980, malgré une augmentation du degré de pureté.9 pousse certains usagers dépendants à commettre des crimes et de trafiquants ont tendance à créer une vacance du pouvoir, qui • La « meilleure estimation » de l’ONUDC du nombre de • Le système international de contrôle des drogues « patauge », afin de financer leur consommation. entraîne à son tour un regain de violence, les acteurs restants se consommateurs dans le monde (usage pendant l’année précédant du propre aveu de ses représentants, face à la prolifération de disputant les parts de marché libérées.29 l’estimation) est passée de 203 millions en 2008 à 243 millions en nouvelles substances psychoactives (NSP).10 En 2013, le nombre de ces substances dépassait celui des drogues interdites en vertu • La prohibition des drogues a alimenté un marché mondial illégal • Le trafic de drogues illégales peut renforcer des groupes armés 2012, ce qui représente une hausse de 18 % ou une hausse de la de l’ordre de plusieurs centaines de milliards, selon l’estimation de opérant dans des zones étrangères à l’État de droit. Le commerce prévalence de l’usage de drogue de 4,6 % à 5,2 % en quatre ans.6,7 du cadre international de contrôle des drogues. L’ONUDC. D’après les données de 2005, la production aurait atteint de l’opium, par exemple, rapporte jusqu’à 500 millions de dollars une valeur de 13 milliards de dollars, le commerce de gros, 94 par an à des groupes paramilitaires qui sévissent le long de la milliards, et la vente au détail, 322 milliards.27 La taille du marché frontière du Pakistan et de l’Afghanistan.30 UNE MENACE POUR LA SANTÉ PUBLIQUE ET LA SÉCURITÉ mondial de gros des drogues dépasserait l’estimation équivalente L’application de lois punitives pour lutter contre la drogue attise à des services vitaux de réduction des risques, tels les programmes la criminalité et accroît les risques sanitaires liés à l’usage de drogue, en particulier chez les personnes les plus vulnérables. d’échange d’aiguilles et de seringues (PÉAS), est très restreint voire, dans le cas des traitements de substitution opiacés (TSO), totale- UNE ENTRAVE AU DÉVELOPPEMENT ET À LA SÉCURITÉ En effet, la production, l’expédition et la vente au détail des ment interdit.13 ET UNE SOURCE DE CONFLITS drogues sont laissées entre les mains du crime organisé, et les • Le régime actuel de contrôle des drogues a créé des empêche- usagers de stupéfiants sont criminalisés, au lieu d’être aidés. ments légaux et politiques à la distribution d’opiacés aux fins Les producteurs de drogue clandestins et les trafiquants • Les profits tirés des drogues illégales alimentent les instabilités d’atténuation de la douleur et de soins palliatifs. Plus de 5,5 mil- prospèrent dans des régions du monde fragiles, affectées par régionales en contribuant à armer des groupes rebelles, para- • La production et la vente au détail clandestines aboutissent sou- liards de personnes ont un accès gravement limité – ou n’ont aucun des conflits et sous-développées, où l’exploitation de popula- militaires et terroristes.32 Le détournement des investissements vent à la mise en marché de drogues frelatées, dont la puissance accès – aux médicaments dont ils ont besoin.14 tions vulnérables est facile. Il est largement admis que la cor- intérieurs et étrangers des priorités sociales et économiques vers et la pureté sont inconnues et qui s’accompagnent de risques • Les politiques restrictives augmentent le risque de mort prématu- ruption, la violence et l’instabilité engendrées par les marchés les secteurs militaires et policiers a un effet néfaste sur le dével- nettement supérieurs. Des exemples du problème comprennent rée par surdose ou réaction aiguë à la prise de drogues. En 2010, non réglementés de la drogue constituent une menace pour la oppement. l’héroïne contaminée par de l’anthrax11 ou la cocaïne coupée avec par exemple, plus de 20 000 morts par surdose de drogue illégale sécurité et le développement. • En Colombie, des produits chimiques toxiques ont été appliqués du lévamisole,12 un vermifuge. ont été dénombrées aux États-Unis.15 Or le naloxone, médicament par pulvérisation aérienne sur une superficie d’un million d’hectares • Plus du tiers (37 %) des 1,8 millions de personnes qui en mesure de contrer les effets des surdoses d’opiacés, n’est • Les estimations du nombre de morts violentes liées au com- environ entre 2000 et 2007 dans le cadre d’efforts d’éradication s’injectent des drogues en Russie sont infectées par le VIH. En rai- toujours pas disponible partout. merce illégal de la drogue au Mexique depuis la guerre contre le de cultures illicites. Malgré leur effet destructeur sur les moyens de son d’une préférence pour la criminalisation des utilisateurs, l’accès trafic déclarée en 2006 ont changé d’échelle, passant de 60 000 à subsistance et les terres, le nombre de lieux de culture illégaux de plus de 100 000.31 coca s’est accru pendant la période.33 DISCRIMINATION ET ATTEINTES AUX DROITS DE L’HOMME DES MILLIARDS GASPILLÉS ET DES ÉCONOMIES MINÉES Les approches politiques punitives en matière de drogues • Dans le monde, davantage de femmes sont emprisonnées portent atteinte aux droits de l’homme dans toutes les régions pour des infractions liées à la drogue que pour tout autre crime.19 Des dizaines de milliards sont dépensés chaque année pour • Le commerce de drogues illégales affaiblit également la gouvern- du monde. Elles conduisent à l’érosion des libertés civiles et des Une femme sur quatre derrière les barreaux en Europe et en Asie appliquer les lois antidrogue.34 Bien que ces milliards profitent ance. Une étude mexicaine de 199836 révélait que les trafiquants normes d’équité des procès, à la stigmatisation de personnes centrale a été incarcérée pour une telle infraction,20 et dans de à l’industrie de la défense, ils représentent un coût secondaire de cocaïne dépensaient une somme de l’ordre de 500 millions de et de groupes – particulièrement les femmes, les jeunes et les nombreux pays d’Amérique latine, tels que l’Argentine (68,2 %),21 désastreux, tant sur le plan financier que sur le plan social. dollars par an en pots-de-vin, soit davantage que le budget annuel minorités ethniques – et à l’imposition de peines abusives et le Costa Rica (70 %)22 et le Pérou (66,38 %),23 les proportions sont • L’accent mis sur des stratégies contreproductives d’application du Bureau du Procureur général du Mexique. En 2011, les groupes inhumaines. encore plus élevées. des lois pour s’attaquer aux stupéfiants entraîne un « déplace- de trafiquants de drogue mexicains et colombiens auraient blanchi • L’application des lois antidrogue affecte les minorités de manière ment » des politiques. Autrement dit, il détourne l’attention et les jusqu’à 39 milliards de dollars en produits de distribution de gros.37 • Bien que la peine de mort pour des infractions liées à la drogue disproportionnée. Aux États-Unis, les Afro-américains constituent 13 ressources d’interventions sanitaires éprouvées, d’autres priorités soit illégale en vertu d’un pacte international,16 elle est encore ap- % de la population, pourtant ils comptent pour 33,6 % des arresta- policières et d’autres services sociaux.35 pliquée dans 33 pays. Ainsi, au motif de telles infractions, plus de 1 tions liées à la drogue et 37 % des personnes incarcérées pour des • Le commerce de drogues illégales crée un environnement 000 personnes sont exécutées chaque année.17 condamnations liées à la drogue. Des disparités raciales similaires hostile pour les affaires légales. Il décourage l’investissement et le • L’application des lois contre la drogue a fait exploser le nombre ont été observées ailleurs, y compris au Royaume-Uni,24 au Canada tourisme, crée des conditions de volatilité sectorielle et de concur- de détenus (en prison, détention avant procès ou internement ad- 25 et en Australie.26 rence déloyale (associées au blanchiment d’argent) et perturbe la ministratif). De nombreuses personnes sont en outre internées dans stabilité macroéconomique de pays au complet. des centres de détention obligatoire pour toxicomanes, y compris quelque 235 000 personnes en Chine et en Asie du Sud Est.18 12 13
VOIES VERS UNE RÉFORME DES POLITIQUES DE LA DROGUE DANS LE MONDE États de Washington et du Colorado aux États-Unis En 2012, à l’issue d’initiatives populaires approuvées par les électeurs, les États de Washington et du Colorado sont devenus les premières autorités législatives du monde à établir des marchés légalement réglementés pour le cannabis à usage non médical. Espagne et Belgique De nombreux pays sont déjà en train de modifier Depuis 2005, des clubs sociaux de cannabis dirigés par leurs politiques en matière de drogues. Les voies vers des militants ont utilisé les lois qui autorisent la culture de plants de cannabis à petite échelle à des fins de Bolivie des stratégies efficaces et humaines sont multiples. Portugal En 2001, le Portugal a dépénalisé la possession consommation personnelle pour instaurer un système légal de facto de production et d’approvisionnement des En 2012, la Bolivie est devenue le premier pays à se retirer de la Convention unique de l’ONU sur les stupéfiants de 1961 après un différend au sujet de de toute drogue réservée à un usage personnel et membres des clubs. la culture et l’utilisation traditionnelles de la feuille de coca. Elle a réintégré mis en œuvre une approche sanitaire en matière de la Convention depuis, avec une réserve concernant la coca. drogues, qui comprend des mesures éprouvées de réduction des risques. États-Unis Aux États-Unis, 23 États disposent de marchés légaux pour le cannabis à usage Équateur médical et 17 États ont décriminalisé la possession pour usage personnel de L’Équateur a décriminalisé la Uruguay cannabis à des fins non médicales depuis que l’Oregon a été le premier à le faire en Australie 1973. Des réformes sont également en cours pour mettre fin à l’application de peines possession de drogues pour un usage En 2013, l’Uruguay est devenu Le Centre d’injection sous surveillance médicale de personnel en 1990 et en 2008, l’État minimales obligatoires pour les petits délinquants du trafic de drogue. le premier pays du monde à Sydney a ouvert en 2001. a gracié les passeurs in corpore qui adopter une législation établis- Afrique de l’Ouest purgeaient des peines de prison. sant un marché légalement Dans un rapport de 2014, la réglementé du cannabis pour Commission ouest-africaine Pays-Bas un usage non médical. sur les drogues émet la mise Une loi de 1976 a entraîné l’évolution d’un système de ventes de cannabis légal en garde suivante : « L’Afrique Canada de facto par des « coffee shops ». La pression s’accroît désormais de la part des de l’Ouest ne doit pas devenir Depuis 2003, le Canada accueille deux Amérique latine gouvernements municipaux et de l’opinion publique pour réglementer non seulement la nouvelle ligne de front de lieux sûrs d’injection sous surveillance En 2009, la Commission latino-américaine sur les Nouvelle-Zélande la vente au détail, mais aussi la production. la guerre contre la drogue, médicale, où les consommateurs de drogues et la démocratie, créée par trois anciens En 2013, la Nouvelle-Zélande drogues par voie intraveineuse peuvent laquelle n’a d’ailleurs permis présidents, a publié Drugs and Democracy: Towards a adopté une législation ré- ni de réduire la consommation s’injecter des drogues obtenues à a Paradigm Shif’,39 donnant le coup d’envoi à un volutionnaire qui autorise la l’avance sous supervision infirmière. Le de drogues ni d’évincer les débat continental de haut niveau sur la réforme vente légalement réglementée trafiquants » et estime que « la pays a également entamé deux essais des lois sur les drogues. de certaines NSP peu dangere- de traitement à l’aide d’héroïne. consommation et la détention Suisse, Allemagne, Danemark et Pays-Bas uses, pour lesquelles les lois de drogues pour un usage Depuis les années 1980, ces pays sont des pionniers internationales ou les prohibi- personnel ne devraient pas de l’élaboration d’approches pragmatiques de réduction tions intérieures ne prévoient constituer un crime ».41 des risques encourus par usagers de drogues injectables; République tchèque aucun contrôle. ils ont mis sur pied des PÉAS, des TSO, des programmes En 2009, la République tchèque a aboli les peines de prescription médicalisée d’héroïne et des locaux criminelles pour possession de drogue à usage d’injection supervisés. personnel après qu’une étude d’impact a mis en Caraïbes Ukraine évidence les défaillances des approches punitives. Tanzanie Une réforme des lois concernant Depuis 2004, l’Ukraine, appuyée En 2013, la Tanzanie est dev- le cannabis fait actuellement par le Fonds mondial, déploie la enue le premier pays subsa- l’objet de discussions dans plus vaste campagne de réduction harien à lancer un programme la région et en Jamaïque. Un des risques d’Europe de l’Est. En national de traitement à la groupe de travail gouvernemental Moldavie 2012, cette campagne avait profité méthadone. examine la possibilité de Depuis 1999, la Moldavie est considérée comme à plus de 171 000 personnes un chef de file mondial de la prestation de consommant des drogues, le réglementer légalement la services de réduction des risques en prison, y nombre de nouveaux cas de VIH Monde drogue; en 2014, il a annoncé compris les PÉAS et TSO. décroissant en 2011 pour la En 2011, la Commission a une nouvelle approche première fois depuis 1999.38 lancé son rapport La guerre aux de décriminalisation de la Continent américain drogues, qui a transformé le possession de cannabis. En 2013, les 27 États mem- débat mondial sur la politique en bres de l’Organisation des matière de drogues. Ce lancement États américains ont publié Chine et Vietnam a inspiré des changements de Iran Report on the Drug Problem in Longtemps opposés aux mesures lois nationales et encouragé les Depuis 2000, une approche de réduction des the America,40 premier rapport SEAGNU 2016 de réduction des risques, la Chine sociétés civiles à demander une risques intégrant des TSO et des PÉAS s’est d’une organisation multilatéra- Session extraordinaire comme le Vietnam ont, depuis réforme partout sur la planète. développée en Iran et comprend l’accès des le visant à aborder de manière de l’Assemblée générale 2004, mis en œuvre les PÉAS et prisonniers aux TSO. significative les questions de l’ONU sur les TSO à grande échelle. générales relatives à la réforme drogues. Le mouvement des lois sur les stupéfiants. réformateur grandit. 1970 1980 1990 2000 2010 2016 14 15
2. Le système international de contrôle des drogues a été créé autour de deux objectifs essentiels. Premièrement, il visait PRINCIPALES VOIES à atténuer les conséquences néfastes pour la santé de la consommation de drogues. Deuxièmement, il devait garantir VERS DES POLITIQUES l’accès à des médicaments essentiels. Aucun de ces objectifs n’a été atteint; au contraire, les politiques mettant l’accent sur la justice pénale en matière de drogues ont engendré de nouveaux EFFICACES EN MATIÈRE problèmes sociaux et sanitaires. La Commission recommande une approche globale des DE DROGUES politiques de la drogue. Si les gouvernements veulent tenir l’engagement d’origine du système international de contrôle des drogues, les approches inefficaces et nocives basées sur la répression doivent être remplacées par des réponses qui accordent la priorité à la santé publique et la sécurité des collectivités. Cinq changements de politiques fondamentaux au moins sont requis, et ce, d’urgence. Les cinq avenues de changement avancées par la Commission sont complémentaires : elles forment un ensemble complet de propositions. Certaines de ces propositions peuvent et devraient être appliquées en même temps. Placer la santé au premier plan est essentiel. Assurer l’accès aux médicaments susceptibles de sauver des vies, mettre fin à la criminalisation et recentrer les mesures d’application des lois sont des actions immédiates, qui peuvent et devraient être mises en œuvre sans délai. La réglementation est la voie la plus transformatrice vers le contrôle des drogues, la réduction de la violence et de la criminalité et l’amélioration de la sécurité et du bien-être des personnes. Reuters Lalo Almeida 16 17
2.1 ACCORDER LA PRIORITÉ À LA SANTÉ ET À LA SÉCURITÉ ou les relations sexuelles non protégées. La prévention devrait aussi nettes améliorations en matière de santé publique.50 Cependant, il concerner des populations historiquement négligées, notamment existe des obstacles politiques considérables à la mise en œuvre des Au lieu d’une prohibition punitive et source de dommages, les politiques devraient viser avant tout la mesures de réduction des risques. Beaucoup d’élus, ainsi que leur les consommateurs de drogues non dépendants dans des con- préservation de la santé et de la sécurité des personnes. Cela revient à investir dans la protection des textes extrascolaires telles la rue et les boîtes de nuit.47 électorat, ont des réticences à accepter l’impossibilité d’éradiquer collectivités, la prévention, la réduction des risques et les traitements, en tant que pierres angulaires les stupéfiants. Ils ont souvent l’impression que soutenir les mesures de la politique en matière de drogues. de réduction des risques revient à fermer les yeux sur la consomma- tion de drogues. Ainsi, le financement de ces mesures est souvent L’idée que la bonne santé de la population devrait être la priorité RECOMMANDATION 1 inférieur de plusieurs ordres de grandeur à celui qui est alloué à l’application des lois.51,52 La Commission réitère son appel à un ren- des politiques en matière de drogues fait presque l’unanimité. forcement des services de réduction des risques pour répondre à la Pourtant, pour que cette aspiration se réalise, un changement “Si l’on cherche à atténuer les dommages liés Assurer avant tout la santé et la sécurité des à la drogue, sans jugement et dans le respect demande, conformément aux orientations émises conjointement par d’approche urgent est requis. En plus d’accorder une attention collectivités requiert une réorientation fon- l’OMS, l’ONUSIDA et l’ONUDC,53 et à la levée des obstacles législatifs de la dignité inhérente à chaque être humain, accrue à la réduction des dégâts de santé liés à la drogue (sur- quel que soit son mode de vie, la réduction damentale des priorités et des ressources et politiques à la prestation de ces services, le cas échéant. tout la dépendance, les surdoses et la transmission de maladies en matière de politiques, qui permettrait infectieuses par le sang), il est nécessaire de clarifier les principes des risques devient un exemple limpide de mise en pratique des droits de l’homme.”43 d’abandonner les mesures punitives inefficaces qui sous-tendent toute approche visant authentiquement la santé publique. au profit d’interventions sanitaires et sociales Professeur Paul Hunt, ancien Rapporteur éprouvées. Les objectifs déclarés des poli- “La notion de “réduction des risques” prête Une telle approche doit s’affranchir des barrières politiques et doit spécial des Nations Unies sur le droit à la tiques de contrôle des drogues, ainsi que les souvent – et inutilement – à controverse, comme santé (2010) s’il existait une contradiction entre prévention et être étayée par un investissement adéquat dans des politiques ba- critères d’évaluation de ces politiques, méritent traitement, d’une part, et réduction des risques sées sur les données probantes et la pratique. Elle devrait permettre d’être revus et corrigés. Les buts et mesures aux sociétés de prévenir et de retarder la prise de drogues par les sanitaires et sociaux liés à l’usage de drogues, de traditionnels, tels que le nombre d’hectares l’autre. Cette dichotomie n’a pas lieu d’être, car jeunes, de réduire les risques encourus par les personnes qui dé- cident d’essayer les drogues et d’offrir des options de traitement Dans de nombreux pays, les stratégies de prévention se réduisent de cultures interdites détruits, la quantité de ces politiques sont complémentaires.”54 appropriées aux personnes dépendantes ou aux prises avec des encore à des mesures simplistes d’éducation sur les drogues. Les drogue saisie et le nombre de personnes arrê- problèmes liés à l’usage de drogues. programmes font la promotion du message « dites non à la drogue tées, poursuivies, condamnées et incarcérées Office des Nations Unies contre la drogue et le », utilisent des tactiques « choc » et fournissent de l’information crime, “Rapport mondial sur les drogues 2008” en vertu des lois antidrogue, n’ont pas atteint Les stratégies de prévention, de réduction des risques et de traite- partielle, voire erronée. Bien que ces stratégies soient conformes les résultats positifs escomptés. Les buts et ment devraient en outre respecter les droits fondamentaux de aux priorités des politiques de tolérance zéro, les données pro- bantes disponibles indiquent au mieux leur inefficacité – au pire, mesures qui visent la réduction des risques l’homme, répondre avec compassion aux besoins des bénéficiaires attribuables à la drogue, telles les surdoses ciblés et avoir un bon rapport coût-efficacité. Malheureusement, la leur caractère néfaste –, surtout lorsqu’elles reposent sur des mortelles et la propagation du VIH/sida et des TRAITEMENT nature émotive et idéologique des politiques relatives à la drogue campagnes dans les médias de masse et sur le dépistage des fait que cela est rarement le cas. En effet, les pratiques exemplaires drogues dans les écoles.44,45,46 Souvent, les jeunes ne croient tout hépatites, entre autres maladies, et les dom- Le traitement des usagers de drogues dépendants ou probléma- sont fréquemment sabotées par le désir irréaliste et peu constructif simplement pas les messages de prévention émis par les autorités mages liés à la prohibition, tels le crime, la tiques est une responsabilité fondamentale des gouvernements. Il de créer un « monde sans drogues » et par l’accent excessivement gouvernementales, particulièrement si ces autorités administrent en violence, la corruption, les violations des droits ne s’agit pas seulement d’une obligation morale, mais bien d’une marqué sur les approches prônant l’abstinence. Les politiques repo- même temps des sanctions punitives aux personnes qui possèdent obligation clairement énoncée dans la législation internationale du et utilisent des drogues. de l’homme, la dégradation de l’environnement, contrôle des drogues et des droits de l’homme. Un large éventail sent trop souvent sur des mesures onéreuses de « tolérance zéro », qui font généralement plus de mal que de bien. Enfin, un véritable le déplacement de collectivités et la puissance d’options thérapeutiques existe; il comprend divers traitements psy- engagement, avec une surveillance et une évaluation fiables per- Un éventail élargi d’interventions factuelles est requis pour répondre des organisations criminelles, sont beaucoup chosociaux, comportementaux, substitutifs ou basés sur l’abstinence, aux nombreux besoins de différents groupes; une dotation suf- plus importants. Les dépenses consacrées qui se sont avérés efficaces pour améliorer la santé et réduire les mettant de mesurer les effets obtenus, est chose rare. coûts sociaux de la consommation problématique de drogues. fisante en ressources est essentielle pour les services comme pour aux mesures punitives contreproductives l’évaluation. Une approche de type « je veux savoir » peut produire devraient cesser, alors que celles consacrées Le modèle thérapeutique le plus susceptible de produire les meil- PRÉVENTION un effet bénéfique chez ceux qui ne répondent pas tel que souhaité aux mesures éprouvées de prévention, de ré- leurs résultats individuels comprend dans un premier temps une aux campagnes de type « dites non à la drogue ». Avec les jeunes décision de l’usager et de son médecin, ou d’un autre prestataire de La prévention comprend les interventions qui évitent et retardent la plus âgés, placer la sécurité et la responsabilité au premier plan duction des risques et de traitement devraient service, indépendamment de toute contrainte ou interférence poli- première consommation de drogue, influent sur les comportements est une priorité. Miser sur l’abstinence seule produit rarement des augmenter pour couvrir les besoins. tique. Le concept de « soins holistiques » est également important et à haut risque et limitent la progression vers la dépendance ou un résultats durables. Mieux vaut insister sur le soutien permettant aux peut améliorer l’issue des traitements. Il consiste à s’intéresser aux usage problématique. Ces interventions sont des éléments vitaux jeunes de prendre des décisions éclairées à partir de renseigne- problèmes de drogue de la personne autant qu’à d’autres sphères en première ligne de toute approche axée sur la santé. Les don- ments scientifiques crédibles. de sa vie, telles sa santé mentale, ses conditions de logement ou sa nées probantes sur l’efficacité de différentes interventions préven- RÉDUIRE LES DOMMAGES ASSOCIÉS formation professionnelle. tives s’accumulent. Malgré cela, des lacunes de connaissances demeurent, car la plupart des recherches sont menées dans des Les formes de prévention les plus efficaces sont globales. En effet, au lieu de mettre en œuvre des interventions isolées, les stratégies À L’USAGE DE DROGUES Dans la plupart des pays, cependant, l’éventail des traitements dis- Parmi les interventions qui parviennent à atténuer les dommages liés ponibles est limité. Il est souvent restreint à un modèle unique basé environnements où les revenus sont élevés,42 particulièrement en de prévention contre les drogues devraient s’intégrer à un cadre de exclusivement sur l’abstinence, avec une offre de services mal ciblée Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest. Ainsi, la plupart des politiques sociales et sanitaires plus large que ces seules straté- à la consommation de drogue, nombreuses sont celles qui reposent ou ne suffisant qu’à une fraction minime de la demande et qui ne évaluations scientifiques sont faussées dans le sens d’approches gies, tenant compte des influences environnementales et des pos- sur une preuve scientifique solide.48 Ces interventions comprennent concentre pas les ressources aux endroits où le besoin est le plus basées sur l’abstinence, de programmes scolaires et d’interventions sibilités de développement social. Un tel cadre implique d’informer les PÉAS, les TSO, l’ouverture de lieux de consommation supervisée criant. Simultanément, les pratiques abusives infligées au motif d’un visant les jeunes enfants. Le besoin est pressant d’évaluations plus les personnes et d’encourager la prise de décisions responsables et les mesures de prévention et de traitement des surdoses (y com- traitement, telles que la détention arbitraire, le travail forcé et les rigoureuses d’une palette plus large d’interventions, notamment en matière de drogues – et de comportements à risque en général, pris l’approvisionnement en naloxone).49 Leur rapport coût-efficacité sévices physiques ou psychologiques, demeurent largement répan- dans des milieux à moyens et faibles revenus. tels que la consommation d’alcool, de tabac ou de « malbouffe » est élevé; avec des ressources adéquates, elles contribuent à de dus.55 18 19
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