Prospectives 2020, modélisation, et investissements en infrastructures de transport aux Pays-Bas par - e-ajd.net

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Prospectives 2020, modélisation, et investissements
                    en infrastructures de transport aux Pays-Bas
                                         par
                                   Marc Gaudry1
                                     Jan Jetten2

                            1
                                Agora Jules Dupuit (AJD), www.ajd.umontreal.ca
                                    Département de sciences économiques
                                  Université de Montréal, Montréal, Canada
                        2
                            NEA Transport Research and Training, www.nea.nl
                                          Rijswijk, Pays-Bas

Remerciements. Cette communication a été sollicitée par l’association Transport, Développement,
Intermodalité, Environnement (TDIE) pour le Colloque CEMT/ECMT-DATAR-DEXIA-TDIE
« Perspectives des transports et investissements en infrastructures : Comparaisons européennes et
enseignements pour la France » qui a eu lieu à Paris le 14 avril 2003. Les auteurs ont bénéficié de l’appui
de Philippe Tardieu et d’Adrian Vilcan de NEA Transport Research and Training, Rijswijk, Pays-Bas, où
ils collaborent dans le cadre du projet TEN-STAC (www.nea.nl/ten-stac/), dont Marc Gaudry est
conseiller scientifique, visant à élaborer pour la Direction Générale Transports et Énergie (DGTREN) de
la Commission européenne des scénarios de trafic, des analyses de corridors et de projets par pays,
marché, réseau, mode et marché à l’horizon 2020. Les lecteurs sont priés de communiquer leurs
commentaires, dont il sera tenu compte dans la prochaine version du texte, au premier auteur. Leurs
adresses électroniques sont, respectivement, marc.gaudry@micromeans.net et jje@nea.nl. Les données
récentes sur les investissements en infrastructures aux Pays-Bas ont été fournies par Alain Rathery de la
CEMT/ECMT auquel les auteurs expriment aussi leur gratitude.
______________________________________________________________________________
Mots-clés : Pays-Bas, Palier de gouvernement, Plan national de transport, NVVP (Nationaal Verkeers- en
Vervoersplan), Modélisation, Prévision, Couplage économie-transports, Demande de transport, Offre de
transport, Performance des réseaux de transport, Recouvrement des coûts, Valeur ajoutée d’une
infrastructure de transport.

                                                  Version 6

                                   Publication Agora Jules Dupuit—AJD 62

                                               Le 2 juin 2003
Table des matières

1. Introduction: quelques éléments pertinents à la planification des transports .................... 1
   1.1. Les données géographiques élémentaires et l’importance des transports .......................... 1
   1.2. Les gouvernements: 5 types, dont 4 sont élus, et 4 niveaux administratifs ......................... 1
   1.3. Une structuration emboîtée des plans de transport par palier gouvernemental ................. 1
   1.4. Les chiffres-clés de l’évolution de la demande de transport 1995-2020 ............................. 2

2. Comment est établie la « prospective nationale néerlandaise 2020»?.................................. 3
   2.1. Types de gouvernements et pouvoirs institutionnels sur les infrastructures ....................... 3
   2.2. Application de cette structure à la planification routière.................................................... 4
   2.3. Les trois genres de modèles attendus : les outils et leurs usages ........................................ 5
      A. L’économie et les transports .............................................................................................. 5
      B. Le plan de transport, résultat d’une modélisation classique............................................... 8
      C. Recouvrement des coûts et valeur ajoutée du système de transport ................................ 12

3. Références ................................................................................................................................ 16

4. Annexe. Projets principaux du NVVP par réseau à l’horizon 2020 ................................... 17

                                                          Liste des tableaux

Tableau 1. Politiques, outils nécessaires, et modèles utilisés pour le NVVP aux Pays-Bas ........... 7
Tableau 2. Le NVVP : scénarios socio-économiques..................................................................... 9
Tableau 3. Les politiques de transport analysées............................................................................ 9
Tableau 4. Usage du modèle voyageurs LMS .............................................................................. 10
Tableau 5. Prévisions voyageurs 1995-2020 du Plan national (NVVP)........................................ 11
Tableau 6. Prévisions marchandises 1995-2020 du Plan national (NVVP) .................................. 11
Tableau 7. Les trois étages d’un système de transport.................................................................. 12
Tableau 8. Comptes imaginaires directs du mode routier M, région R, aux Pays-Bas, 2000 ...... 13
Tableau 9. Reclassement des coûts analytiques d’une infrastructure ........................................... 15
Tableau 10. Répartition modale des investissements aux Pays-Bas, 1980-1998 ......................... 15

                                                           Liste des figures

Figure 1. Prévisions de dépenses du fonds d’infrastructure des Pays-Bas, 2000-2020................ 14
Figure 2. Routes principales (sans changement); routes à modifier et nouvelles routes .............. 17
Figure 3. Voies fluviales principales (sans changement), voies à modifier et nouvelles voies.... 17
Figure 4. Voies ferroviaires principales (sans changement), voies à modifier, nouvelles voies .. 18
Figure 5. Oléoducs existants (aucun changement) ....................................................................... 18

                                                                       ii
1. Introduction: quelques éléments pertinents à la planification des transports

1.1. Les données géographiques élémentaires et l’importance des transports

La population des Pays-Bas atteindra les 16 millions en 2003. Cette population habite un
territoire de 33 883 kilomètres carrés, soit 472 habitants au km2. . À l’horizon 2020, on anticipe
que la population augmentera un peu, vraisemblablement jusqu’à 17 millions d’habitants.

Le taux de croissance du PIB des Pays-Bas dépend beaucoup de celui de ses partenaires
commerciaux, car le taux d’ouverture (mesuré par le ratio des importations ou exportations sur le
PIB) est un des plus hauts du monde, atteignant 56% en 2000.

Irrigués par trois fleuves principaux (Escaut, Meuse, Rhin) qui y ont leur embouchure, les Pays-
Bas sont une porte d’entrée européenne maritime importante : en particulier, Rotterdam est le
plus grand port européen.

Mais le pays n’investit annuellement que 0,7% de son PIB en infrastructures de transport, tous
modes confondus, un pourcentage qui varie très peu depuis 20 ans. Ces investissements sont
relativement très cadrés et orientés par un plan national de transport qui a des effets en cascade et
affecte le comportement des quatre niveaux administratifs.

1.2. Les gouvernements: 5 types, dont 4 sont élus, et 4 niveaux administratifs

Monarchie constitutionnelle, les Pays-Bas sont en effet organisés en cinq types de
gouvernements: l’État, les 12 provinces et les 60 Conseils de gestion des eaux, les 7 « espaces
régionaux » ou regroupements de municipalités (Kaderwetgebieden), englobant les plus grandes
conurbations urbaines situées dans la partie centrale du pays, et les 500 municipalités.

Seuls les 7 regroupements municipaux sont dirigés par des responsables qui ne sont pas élus aux
4 ans. Aux fins de la planification des transports, les Conseils de gestion des eaux sont
assimilables à des provinces, ce qui réduit à 4 les niveaux administratifs pertinents pour nous.

1.3. Une structuration emboîtée des plans de transport par palier gouvernemental

Une loi-cadre. La planification des infrastructures est gouvernée par la Loi-cadre de juillet 1998
(Planwet Verkeer en Vervoer). Ce cadre définit les relations entre les 4 niveaux d’administration
et leur collaboration à la préparation et à l’exécution d’une politique cohérente de gestion des
trafics et des transports.

Cette loi-cadre oblige à formuler au niveau national un Plan de transport, ou NVVP (Nationaal
Verkeers- en Vervoersplan). Le plan présenté en octobre 2000 par le ministre des transports a été
rejeté par le parlement et sera sans doute amendé sous peu (en 2003).

Le NVVP, dont l’élaboration suit la méthode dite PKB afin d’en assurer la compatibilité avec la
planification physique, doit préciser au moins:

•     les éléments les plus importants de la politique nationale de trafic et des transports;
•     une description des activité prévues au niveau national, provincial et municipal;
•     les liens avec les politiques complémentaires (sur l’économie et l’environnement);
•     la priorisation, les phases et les débours des activités de construction;
•     l’horizon temporel présidant à l’élaboration des plans provinciaux.
Mais cette même loi-cadre oblige aussi chaque province à élaborer un plan provincial propre
(PVVP) qui doit tenir compte du plan national. Chaque PVVP précise au moins:

•     les éléments les plus importants de la politique nationale de trafic et des transports;
•     les liens avec les politiques complémentaires (sur l’économie et l’environnement);
•     la priorisation, les phases et les débours prévus des activités selon les budgets disponibles
      aux municipalités ;
•     l’horizon temporel à l’intérieur duquel les politiques municipales de trafic et de transport
      doivent s’ajuster à leur PVVP, ou plan provincial propre.

Les municipalités n’ont pas d’obligation légale de produire un plan municipal de transport mais
peuvent à l’occasion y être obligées par les provinces. Les municipalités sont toutefois obligées
de prendre des décisions municipales compatibles avec les orientations principales du NVVP et
du PVVP pertinent.

Ajustements du NVVP. L’horizon du NVVP est bien 2020. La souplesse y est introduite par les
mises à jour régulières des orientations et la mise en œuvre des programmes, en particulier le
programme annuel intitulé Programme Pluriannuel de Transport et d’Infrastructure.

Traitement parallèle des aéroports et des ports maritimes. Toutefois, certains aspects de la
politique de transport et de la planification des infrastructures ne sont pas traités à l’intérieur du
NVVP. L’aéroport du Schipol relève d’un projet spécifique de Développement de l’aéroport
national et il existe un « Plan PKB directeur pour les aéroports régionaux et les petits
aéroports ». La politique nationale concernant les ports maritimes est énoncée dans le second
Rapport d’étape sur la politique des ports maritimes de décembre 1999.

1.4. Les chiffres-clés de l’évolution de la demande de transport 1995-2020

Les méthodes de prévision et de prospective dont il s’agit ici sont bien celles du NVVP. On y
anticipe sur 25 ans (1995-2020) une hausse des passagers-kilomètres de 100 à 122 milliards et
une hausse plus importante des tonnes-kilomètres de 83 à 150 milliards.

Ces hausses respectives de 22% et 80% sur 25 ans poseront des problèmes importants de
planification des infrastructures, problèmes qui, depuis 1998, sont discutés dans la coulée de la
Loi-cadre mentionnée plus haut, loi qui oblige bien à élaborer des plans de transport nationaux et
provinciaux emboîtés ainsi que des projets municipaux compatibles avec les orientation des
plans supérieurs.

Les outils dont nous avons pu documenter partiellement l’existence ne constituent pas un
répertoire de l’ensemble des modèles de transport développés ou utilisés aux Pays-Bas. Nous
cherchons plutôt à situer les modèles identifiés dans une typologie d’outils pertinents.

Nous intégrerons volontiers dans une version subséquente de notre analyse les « modèles
manquants », publics et complètement documentés, dont les lecteurs pourraient nous faire part.
Nous ne sommes guère intéressés aux « boîtes noires » dont on cacherait les équations,
paramètres, et méthodes.

                                                  2
2. Comment est établie la « prospective nationale néerlandaise 2020»?

Après quelques précisions supplémentaires sur le contexte institutionnel spécifique qui encadre
la planification des infrastructures de transport aux Pays-Bas, nous examinons successivement
les données et procédures qui y appuient les engagements en matière d’infrastructures (et à degré
moindre de services), tous modes considérés, en discutant les méthodes et outils de prévision et
de planification ou de programmation des transports utilisés pour élaborer le plan national de
transport NVVP dont l’horizon actuel est 2020.

Pour ce faire, nous commenterons le Tableau 1 qui fournit une présentation intégrée des outils et
prévisions récurrentes principales susceptibles d’appuyer les politiques de transport. Ce cadre
assez général autorise une analyse historique, critique, et prospective des activités de
modélisation pertinentes et permet des références au contexte et aux influences étrangères : nous
nous servons en fait de travaux antérieurs sur la perspective d’un développement nécessaire de la
modélisation d’appui à l’élaboration des politiques de transport, au sens précisé pour la DG
TREN de la Commission européenne dans Gaudry (1999).

Nous traitons en particulier des dimensions économiques (au sens de l’usage des ressources
réelles) et financières nécessairement impliquées dans l’élaboration des politiques de transport,
même si notre discussion anticipe un peu sur les divers travaux en cours dans plusieurs projets
européens sur l’élaboration d’une comptabilité des réseaux de transport.

Notre source d’information principale est Jetten (2003) mais nous prenons aussi appui sur
d’autres sources que nous citerons à l’occasion, sans nous soucier toutefois d’un traitement
exhaustif qui serait içi superfétatoire.

2.1. Types de gouvernements et pouvoirs institutionnels sur les infrastructures

Les Pays-Bas, monarchie constitutionnelle, ont leur capitale à Amsterdam mais la reine et le
gouvernement sont sis à La Haye. Du point de vue la planification des infrastructures, il y a
bien lieu de distinguer les cinq types de gouvernements mentionnés plus haut, mais ces
gouvernements sont articulés d’une manière particulière. Aux trois niveaux classiques (central,
provincial, municipal) se greffent des Conseils des eaux, assimilables aux provinces, et des
regroupements de municipalités, méta-structures associées à quelques connurbations urbaines.

Le gouvernement central. Le gouvernement central est formé de la reine et de son cabinet qui,
jusqu’à la période de transition courante, comprenait, outre le premier ministre, quatorze
ministres dont un ministre des transports, des travaux publics et de la gestion des eaux. Le
cabinet rend des comptes à un parlement bicaméral dont la Première Chambre de 75 membres est
élue par les députés provinciaux et la Seconde Chambre, de 150 membres, est élue dans le cadre
d’élections nationales tous les quatre ans. Les douze provinces sont, dans l’ordre alphabétique :
(i) Drenthe, (ii) Flevoland, (iii) Friesland, (iv) Gelderland, (v) Groningen, (vi) Limburg, (vii)
Noord Brabant, (viii) Noord Holland, (ix) Overijssel, (x) Utrecht, (xi) Zeeland, (xii) Zuid
Holland.

Les 12 gouvernements provinciaux. Le gouvernement d’une province est confié à un
Commissaire, nommé par le gouvernement central, et à des conseillers provinciaux dont le
nombre total varie selon la taille de la province et qui sont eux-mêmes choisis par les parlements
provinciaux élus aux quatre ans, parlements dont les députés élisent par ailleurs les membres de
la Première Chambre du parlement, tel que souligné plus haut.
                                                  3
La Loi sur les provinces en fixe les responsabilités, en particulier : (i) le contrôle des Conseils
des eaux ; (ii) le contrôle des municipalités ; (iii) l’aménagement (spatial) du territoire ; (iv) les
plans de circulation et de transport.

Les 7 Espaces régionaux (Kaderwetgebieden). La Loi sur les espaces régionaux définit les
activités d’autorités régionales (dont les responsables ne sont pas élus) chargées surtout du
transport, en particulier du transport en commun local. Les sept régions ainsi définies,
constituées de regroupements de municipalités, sont centrées sur les grandes villes situées au
milieu du pays: Amsterdam, La Haye, Rotterdam, Utrecht, Arnhem-Nimègue, Eindhoven et
Enschede. Les villes du nord ou du sud, comme Maastricht, ne font pas partie de tels
regroupements régionaux. Du point de vue des transports, ces 7 regroupements régionaux ont des
pouvoirs comparables à ceux des provinces et leur sont aussi (comme les Conseils des eaux)
assimilables à toutes fins utiles.

Les 500 municipalités. Il y avait, fin 2002, 496 municipalités, régies par la Loi sur les
municipalités, dont le maire est nommé par le ministre de l’intérieur et les conseillers sont élus
aux quatre ans dans des élections municipales. Les municipalités sont notamment responsables
du plan de transport local et de la mise en oeuvre sur place des politiques nationales.

Les 60 Conseils des eaux. Une des plus vieilles structures administratives des Pays-Bas, les
Conseils des eaux (au nombre approximatif de 60), sont gérés par des responsables élus aux
quatre ans. Dans certaines provinces, ces Conseils s’occupent aussi de l’entretien des routes
rurales. Les conseils implantent les projets d’infrastructure nationaux, provinciaux et municipaux
pertinents aux types d’infrastructures dont la responsabilité leur incombe.

2.2. Application de cette structure à la planification routière

Objectifs centraux obligatoires. L’objectif du système de transport, tel qu’exprimé dans le
NVVP, est d’offrir à tous un système de transport “sûr, efficient, durable, et dont la qualité pour
les usagers individuels est dans un équilibre significatif avec la qualité pour tous”. Cet objectif
défini par le gouvernement central est obligatoire pour les autres niveaux et types de
gouvernements.

Affectation des réseaux routiers. Chaque niveau de gouvernement planifie, construit, contrôle
et entretient son réseau propre : le gouvernement central s’occupe essentientiellement du réseau
supérieur interurbain des autoroutes et des grandes routes; les gouvernements régionaux
s’occupent du réseau intermunicipal principal reliant entre elles les plus importantes
municipalités; les gouvernements locaux s’occupent des autres routes (ou les confient parfois aux
Conseil des eaux du district).

Emboîtement des plans de transport routier. Les municipalités et les provinces peuvent
planifier de nouvelles routes. Mais les plans locaux douvent être compatibles avec le plan
d’aménagement local et ce dernier doit être compatible avec le plan provincial d’aménagement
de l’espace (PSP). Les projects régionaux de nouvelles routes doivent, eux, être compatibles et
avec le plan provincial de transport (PVVP) et avec le plan provincial d’aménagement spatial
(PSP). Ces deux derniers doivent être compatibles avec leurs correspondants nationaux (NVVP
et NSP). Le plan national d’aménagement de l’espace donne lieu à une « réservation spatiale»
des tracés qui est illustrée à l’Annexe 1.

                                                  4
Financement partagé du capital. Au moins 50% du financement de la route en question doit
provenir du niveau de gouvernement concerné (local ou provincial). L’autre 50% provient du
Fonds des infrastructures qui rend disponibles des enveloppes par province (GDU).

Ces enveloppes sont affectées entre les projets concurrents de moins de 25 millions de florins1
présentés par les autorités provinciales ou locales. Pour les projets plus importants que 25
millions de florins, on peut avoir recours au Fonds des infrastructures, ce qui signifie toutefois
que le gouvernement national aura alors son mot à dire. Il est question de porter à 500 millions
de florins cette limite actuelle de 25 millions.

Il peut arriver que le Ministère des affaires économiques décide de financer des projets nationaux
ou régionaux qui auraient un impact important sur le développement de l’endroit concerné.

Coûts de gestion, de contrôle du trafic et d’entretien. En tout état de cause, les dépenses
occasionnées par le contrôle de la circulation et l’entretien courant des infrastructures émargent
toujours au niveau pertinent, provincial ou municipal.

2.3. Les trois genres de modèles attendus : les outils et leurs usages

Quels outils sont utilisés pour élaborer les prospectives nationales? Nous distinguerons trois
grandes classes de modèles susceptibles d’autoriser des calculs qui cadreraient les grandes
questions récurrentes de la politique nationale des transports: les modèles d’équilibre général
macroéconomiques ou mesoéconomiques, les modèles classiques de planification des transports
et les modèles de recouvrement des coûts financiers, économiques et écologiques. Ces trois
classes sont des candidats sérieux à un usage « national » puisqu’on les retrouve, à des degrés
divers de développement et de fonctionnement courant, dans de nombreux pays. Ils constituent
donc une liste « maximale », une norme d’excellence.

Nous ne dirons rien de la myriade d’études de réseaux et services locaux qui sont d’un intérêt
moindre pour l’élaboration d’une politique nationale, même s’ils sont d’une grande utilité aux
autorités locales et régionales responsables, par exemple, des transports publics urbains ou
régionaux.

A. L’économie et les transports

L’équilibre général usuel, sans transports et sans spatialisation des activités. Au risque de
caricaturer, on pourrait dire que le secteur des transports est généralement représenté de manière
superficielle dans les modèles d’équilibre général (qui s’expriment en argent et/ou en indices-
transports très partiels) qui sont rarement spatialisés et qui ne permettent pas de tenir compte du
rôle véritable du transport comme secteur propre et objet de substitution ou de complémentarité
avec d’autres intrants—et aussi objet d’une demande propre (par exemple, de fréquence et de
taille des lots pour les marchandises).

Nous n’avons pas trouvé aux Pays-Bas de modèle d’équilibre général spatialisé avec transports,
que ce soit à coefficients fixes (input-output) ou à coefficients variables (modèles calculables
d’équilibre général proprement dits), même si des équipes néerlandaises participent au
consortium de recherche IASON (www.wt.tno.nl/iason/) du 6ème Programme Cadre de

1
    1 florin = 0,45 euro.
                                                5
Recherche-Développement de la Commission Européenne, consortium qui utilise notamment un
premier modèle à 6 secteurs, deux coûts de transport, et approximativement 1350 zones.

Réconciliation des comptes nationaux et des flux observés sur les réseaux. Un modèle
multirégional et multisectoriel qui serait compatible avec les flux de transport sur un réseau
multimodal (national ou plus vaste) est toujours très difficile à caler à cause de la mesure très
insuffisante des transports pour compte propre dans les comptes nationaux—il est fréquent, par
exemple, que 50-60 % du transport par poids-lourds, interne aux entreprises (donc pour compte
propre), soit compris sous leurs étiquettes industrielles: « pharmacie », «nourriture », etc.

Il faut alors développer un compte satellite transports compatible avec les données des flux
physiques sur les réseaux, une tâche qui exige des ressources très importantes parce qu’il faut
obtenir l’accès à la comptabilité analytique des entreprises possédant une « branche transports »,
qu’il s’agisse de voitures, de camions, de navires ou d’avions (« d’aviation générale »).

Nous n’avons pas trouvé aux Pays-Bas de compte satellite transports qui faciliterait cette tâche.
C’est donc dire que les mesures du transport dans les comptes nationaux des Pays-Bas semblent
conventionnelles : ni les usages finaux ni les usages totaux (prenant en compte les usages
intermédiaires) des transports ne semblent adéquatement isolés comme on a pu le faire ailleurs,
en Italie par exemple (Ministero dei Trasporti, 1992).

Couplage de la croissance économique et de la demande de transport. En l’absence d’une
fonction de production et de fonctions de demande endogènes à la structure de l’économie, on
étudie d’abord globalement la relation entre l’activité économique totale supposée et l’activité
totale de transport « dérivée » des zones considérées. Généralement, on étale (on spatialise par
destination, mode et itinéraire) ensuite cette demande selon les conditions de transport (tarifs,
temps, etc.) sans que ces conditions influencent analytiquement l’activité économique totale et sa
distribution par zone supposées en début de processus.

Dans ces conditions, la question du découplage entre l’activité économique et la demande de
transports est donc d’abord celle d’une prévision de ces coefficients nationaux (et régionaux),
suivie d’un exercice explicatif de la distribution des longueurs des mouvements de passagers et
de marchandises, distribution où jouent les conditions de transport.

En conséquence, les prévisions de demande de transport (et de la demande dérivée d’énergie
comme intrant) souffrent typiquement de schizophrénie : on fait une prévision globale des
« déplacements » par personne et des « tonnes » par unité de PNB, prévisions reliées
principalement au PIB ainsi qu’à d’autres indicateurs socio-économiques (où les conditions de
transport jouent peu ou prou), et on fait ensuite une prévision spatialisée par mode et par marché
où, dans les meilleur des cas, les ajustements aux modifications des conditions de transport sont
calculés sur les kilomètres par mode (les voyageurs-km ou sur les tonnes-km) sans que le
nombre total de déplacements ou de tonnes demandées soient affectés par ces conditions de
transport.

Par exemple, le plus grand projet actuel (2003-2004) de la DG TREN visant à planifier les
réseaux trans-européens de transport (RTE-T) à l’horizon 2020 pour la Communauté européenne
élargie à 25 membres, le projet TEN-STAC (www.nea.nl/ten-stac/), est bien structuré selon cette
dichotomie (pour les 3 catégories de déplacements de voyageurs et les 11 catégories de biens
considérés) entre demande totale (non spatialisée) et demande par marché origine-destination et

                                                6
Tableau 1. Politiques, outils nécessaires, et modèles utilisés pour le NVVP aux Pays-Bas
 POLITIQUES               OUTILS                        MODÈLES UTILISÉS POUR
   VISÉES               NÉCESSAIRES                 LE PLAN NATIONAL DE TRANSPORT

                                                       Il n’y a pas de modèle d’équilibre
                                                     général spatialisé, à coefficients fixes
Développement
                           Couplage                 ou variables, et pas de compte-satellite
     durable,
                            articulé                                transports
  substitution
                        de l’économie et                          -----------------
intersectorielle
                         des transports                LE NIVEAU ET LA DISTRIBUTION
 et intermodale
                           ------------               SPATIALE DES ACTIVITÉS ET DES
                            Activités                 VARIABLES SOCIO-ÉCONOMIQUES
-------------------
                          spatialisées                       SONT « DONNÉS »
                          -------------                          -----------------
 Productivité
                         Le transport,               LES INFRASTRUCTURES ET SERVICES
    propre
                             secteur                          DE TRANSPORT
 du secteur des
                            et marge                    ET LEURS CARACTÉRISTIQUES
  transports
                                                             SONT « DONNÉS »

                       ↑ (simultané) ↓                       ↓ (conditionnel) ↓

   Demande,                                                  VOYAGEURS :
 Performance                Modèles de                LES MODÈLES FACTS ET LMS
       et                        flux                        -----------------
      Offre                  par mode                       MARCHANDISES :
     par lien               et itinéraire            LES MODÈLES TEMS ET SMILE
  et paire O-D
                        ↑                   ↓                ↑                       ↑
                              Modèles
   Tarification
   équitable et
                           d’allocation              IL NE SEMBLE PAS Y AVOIR DE
                              des coûts              COMPTABILITÉ DES RÉSEAUX
   efficiente ;
                         (infrastructure,                ET DE RECOUVREMENT
 recouvrement
                        contrôle, service)             SYSTÉMATIQUE DES COÛTS
des coûts directs
                          et des revenus                D’INFRASTRUCTURE PAR
 marginaux ou
                             par mode,
 totaux (ou des                                          CATÉGORIE D’USAGERS
                             itinéraire,
  subventions)
                         et type d’usager
        ↑                         ↑                                     ↑
  ...y compris              Modèles de
     coûts en                nuisances                    POUR LA POLLUTION
 ressources des           par mode, type                    DES VOITURES :
   nuisances              d’usager et de                  LE MODÈLE FACTS
   valorisées                 riverain

                                                7
par mode. Ce projet est tout à fait représentatif de l’état de l’art de la prévision par scénarios dans
les pays les plus avancés.

Combien de marchés sur la tête d’une épingle? Comme il y a beaucoup à faire pour formuler
une économie dont les marchés existent dans l’espace, plutôt que sur la tête d’une épingle, il est
compréhensible que les Pays-Bas attendent que ces modèles, ou d’autres tentatives centrées sur
l’analyse dynamique des systèmes, aient fait leurs preuves avant de les utiliser. Un
gouvernement qui encourage le développement de la modélisation (du second type décrit plus
bas) depuis des années sait attendre et choisir. Il est vrai que le souci des marchés spatialisés est
traditionnellement davantage un souci culturel allemand (von Thünen, 1826 ; Lösch, 1940) que
néerlandais ou français.

Un couplage articulé est nécessaire. C’est dire que le couplage actuel est simpliste : obtenu ex
post par régression entre les quantités (déplacements et tonnes émis ou reçus) et le PIB ou
d’autres déterminants socio-économiques régionalisés. Il n’est pas le résultat d’un mécanisme
économique générant une demande d’intrants transports―parmi d’autres―et permettant de
discuter analytiquement et de manière articulée de la substitution/complémentarité entre
transports et communications ou stocks d’inventaires, pour ne citer que ceux-là.

B. Le plan de transport, résultat d’une modélisation classique

Modèles utilisés pour le Plan National de Circulation et de Transport (NVVP). Les modèles
utilisés pour produire en 2000 le NVVP suivent la structure classique des plans de transport : on
suppose que le niveau et la distribution spatiale des activités sont donnés (par scénario) et on
dérive ensuite la demande de transport qui est étudiée en détail pour chaque politique de
transport (scénario de réseau) croisée avec un scénario socio-économique. Les modèles de
demande et de choix modal utilisés alors pour évaluer les investissements (modèles qui
s’expriment en voyageurs-km et en tonnes-km spatialisés) sont relativement développés. Nous
décrivons les principaux points pris en compte.

Scénarios socio-économiques croisés avec les scénarios de réseaux (politiques de transport).
Le Bureau Central de la planification “Centraal Plan Bureau” (CPB) a formulé trois scénarios, à
partir de l’année de référence 1995, pour les horizons 2010 et 2020. Ces scénarios, résumés au
Tableau 2, ont été combinés à des scénarios de modifications des politiques de transport
indiquées au Tableau 3. Les modèles ont été utilisés pour obtenir les prévisions désirées.

Voyageurs : FACTS et LMS. Un premier modèle, FACTS (Forecasting Air Pollution by Car
Traffic Simulation), a été utilisé pour prévoir, pour 18 catégories (3 groupes d’âge, 3 classes de
revenu et 2 types de ménage) d’individus, la motorisation et l’usage de la voiture par type de
carburant (3 types), poids du véhicule (2 catégories) et âge du véhicule (2 classes d’âge).
Certaines de ces variables (dont les taux de motorisation et les coûts des véhicules) sont ensuite
utilisées comme intrants dans le modèle national officiel LMS (Landelijk Model Systeem). Ce
modèle national voyageurs a été utilisé pour prévoir, pour chacun des 3 scénarios, l’impact de
toutes les politiques considérées. Le Tableau 4 résume l’information importante ainsi obtenue.

Ce modèle voyageurs LMS est le résultat de développements de la modélisation faits dans la
même direction depuis 1985 par des entreprises comme The Hague Consulting Group (achetée
par Rand Europe en octobre 2000) et financés par le ministère des transports. Il s’agit de
modèles de choix discret (logit emboîtés) à structure de fonctions d’utilité linéaires, modèles
appliqués à un grand nombre de segments de marché.
                                              8
Tableau 2. Le NVVP : scénarios socio-économiques
             TROIS SCÉNARIOS SOCIO-ÉCONOMIQUES EN 2010 ET 2020
        (Scénario :)       (DE)             (EC)             (GC)
                       Europe divisée   Coordination     Concurrence
                                         européenne        mondiale
                    -Coordination peu effective ; -Formation de blocs       -Concurrence entre les
         1.
                                                    mondiaux ;                politiques des États ;
  Développements
                    -Marché libre ralenti ;       -Coordination             -Perspective de
  économiques et
                                                    européenne                libre échange ;
     politiques
                    -Union Européenne divisée       croissante              -Europe à la carte
         2.         -Croissance lente des         -Contrôle de la           -Technologie dirigée
  Technologie et      connaissances ;               technologie ;             par le marché ;
  connaissances     -Diffusion lente              -Diffusion modérée        -Diffusion rapide
                    -Conflits d’intérêts          -Cohésion-solidarité ;    -Individualisme ;
         3.
                    -Intolérance                  -Style de vie à faible    -Style de vie à forte
Facteurs sociaux et
                                                    consommation              consommation
     culturels
                                                    d’objets matériels        d’objets matériels
                    -Immigration lente ;          -Immigration forte ;      -Immigration moyenne ;
         4.
                    -Population de 16,2           -Population de 17,7       -Population de 16,9
  Démographie
                      millions en 2020              millions en 2020          millions en 2020
                    -Croissance rapide en Asie    -Croissance nord-         -Croissance mondiale
                      et en Amérique du Nord ;      américaine ralentie ;     rapide ;
                                                                            -Forte spécialisation ;
        5.             -PIB 1,5% par an;              -PIB : 2,75% par an ; -PIB : 3,25% par an ;
     Économie          -Structure de la               -Plus de politiques
                        consommation et                internationales sur
                        de la production               l’environnement ;    -Pétrole à $25
                        inchangées                    -Prix du pétrole bas

                       Tableau 3. Les politiques de transport analysées
       PAQUETS ET MESURES DE POLITIQUES DE TRANSPORT ANALYSÉS
                Voyageurs                      Marchandises
Construction : prolongement du réseau routier             Efficience des modes
Usage des routes : meilleur usage                         Aménagement spatial et rééquilibrage des
                                                          modes (RO&M/S)
Voies à péage                                             Paquet tarifaire
Transformer les coûts fixes de l’auto en péage par km
Péage de congestion variable selon le lieu et le moment
Amélioration du transport en commun
Mélange NVVP de tous ces éléments                         Mélange NVVP de tous ces éléments
     Études spécifiques sur l’incertitude des effets de certaines mesures marchandises
                                                       Tarification kilométrique des poids-lourds
                           « Éléments de variabilité » Internalisation des coûts externes
                                                       Libéralisation du marché du rail européen

                                                  9
Tableau 4. Usage du modèle voyageurs LMS
Intrants pour l’année de référence et l’année de prévision :
    • Réseaux routier, de transport en commun, et coûts de stationnement;
    • Données démographiques et socio-économiques;
    • Mobilité des personnes (année de référence);
    • Trafic marchandises.
Modes:                                                    Motifs:
    • VP conducteur                                            • Domicile-travail
    • VP passager                                              • Domicile affaires
    • Train                                                    • Autres motifs affaires
    • Bus/tram/metro                                           • Achats
    • Modes lents                                              • Éducation
    • Temps de rabattement bus/tram/metro pour le train.       • Social, divertissement, etc.
Extrants:
    • Prévisions de mobilité des voyageurs
    • Prévisions d’usage du réseau routier

Marchandises : TEM et SMILE. Les modèles TEM (Kiel, 1992) et SMILE (Tavasszy, 2000)
ont été utilisés pour faire les prévisions marchandises en tonnes, par paire Origine-Destination,
pour 52 catégories de biens (NSTR) et 3 modes : la route, le rail et les voies fluviales.

Dans le cas du scénario EC (voir Tableau 2), les politiques courantes ont été incorporées et les
prévisions refaites à l’aide du modèle SMILE. Dans le cas routier, les tonnes sont transformées
en camions et ce nombre est utilisé dans le module de choix d’itinéraires (d’affectation) de LMS.
L’ensemble considéré est bien résumé au Tableau 3.

Données importantes du Plan national 1995-2020. On trouvera aux Tableaux 5 et 6 les valeurs
de référence (1995) et les prévisions obtenues pour les scénarios et politiques (2020) considérés
aux Tableaux 3 et 4.

Au Tableau 5, les effets des scénarios et des politiques sur les voyageurs se retrouvent d’abord
sur le mode VP-conducteur (qui varie de 60 à 71 entre les lignes « tarification de la congestion »
et « péages routiers ») et, à un degré moindre, sur le mode train. Les autres modes de transport
public et les modes lents ne bougent guère.

Dans le cas des marchandises présenté au Tableau 6, les effets des scénarios sont importants : ils
varient de 106 à 174 entre les lignes DE et GC. Par ailleurs, tous les modes sont influencés par
les formes de tarification.

On remarquera par ailleurs au Tableau 1 qu’il n’y a pas, au sens propre, de rétroaction ou
détermination simultanée des flux et de l’état de l’économie, comme cela a été dit plus haut.

                                               10
Tableau 5. Prévisions voyageurs 1995-2020 du Plan national (NVVP)

                              Voyageurs, en milliards de passager-km
                                                                             Autre
                                       VP              VP        Train                 Modes
                                                                           transport           Total
                                     conduct.        passager   passager               lents
                                                                             public
1995 (année de base)                     47            20            10          7       16    100
2020 DE                                  65            20            12          7       16    120
2020 EC                                  71            21            13          7       17    129
2020 GC                                  69            21            11          6       17    124
2020 (Référence)                         69            22            13          7       17    128
Réf + construction routes                70            22            13          7       17    129
Réf + meilleur usage routes              70            22            13          7       17    129
Réf + voies à péage                      71            22            13          7       17    130
Réf + variabilité                        61            20            13          7       18    119
Réf + variabilité+ péage congest.        60            20            13          7       18    118
Réf + amélior. transport public          68            21            15          7       17    128

Réf + (mélange NVVP)                     61            20            16          8       17    122

             Tableau 6. Prévisions marchandises 1995-2020 du Plan national (NVVP)

                            Marchandises: en milliards de tonnes-km
                                                            Navigation
                                              Oléoducs                      Rail       Route   Total
                                                             fluviale
1995 (année de base)                             7              35           3          38      83
2020 DE                                          9              42           5          50     106
2020 EC                                         10              58           7          76     151
2020 GC                                         10              69           8          87     174
2020 EC Référence                               10              58           7          76     151
Efficience                                      10              57           7          73     147
RO&M/S                                          10              62           8          73     153
Prix                                            10              55           9          76     150

NVVP (Plan national)                            10              60           8          72     150
Tarification kilométrique poids-lourds          10              58           8          68     144
Tarification des coûts externes                 10              59           6          67     142
UE libéralisation du rail                       10               57          12         72     151

                                                  11
C. Recouvrement des coûts et valeur ajoutée du système de transport

Les étages du système. Tel que représenté au Tableau 7, le système de transport est étagé,
comme beaucoup d’industries en réseau où il est utile de distinguer trois étages : les
infrastructures, le contrôle du trafic et les « objets » mobiles qui transitent (courant électrique,
eau, gaz, information, véhicules, etc.).

Les questions économiques de régulation et de recouvrement des coûts se posent alors
naturellement pour chaque étage—et même pour chaque case de cette matrice. Certains
problèmes associés aux intersections entre réseaux posent même des problèmes d’attribution de
coûts communs d’un niveau métaphysique méconnu!

                       Tableau 7. Les trois étages d’un système de transport
                                                               MODE
    ÉTAGES                     Routier                Aérien          Ferroviaire               Maritime
                      Voitures, camions,                          Trains, métros,
Véhicules                                          Aéronefs                              Navires et traversiers
                      autocars, autobus                           tramways
                      Police, signalisation,       Contrôle       Répartition et         Contrôle de la
Contrôle du trafic
                      lois et règlements           aérien         signalisation          circulation maritime
                                                   Systèmes de                           Voies navigables et
              Liens Routes et ponts                navigation Voies ferrées              canaux (y compris
                                                   aérienne                              aides à la navigation)
Infrastructures
                  Stationnements, garages Aéroports, Gares ferroviaires                  Terminaux portuaires
        Terminaux et gares.               aérogares et et quais de                       (y compris quais et
                  Quais de chargement     espaces fret chargement                        embarcadères)
     et intersections Gares, hangars et terminaux intermodaux, intersections, viaducs et passages à niveau…
         entre modes
Adapté de Directions, le rapport final de la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada, 1992.

Deux questions sur le recouvrement des coûts. Une fois le système de transport défini, on peut
penser à diverses mesures de recouvrement des coûts directs, y compris des coûts
environnementaux, impliqués. Ces mesures visent à répondre à la question : « Qui paie ? Les
usagers, les gouvernements, la population ? ». Mais on peut aussi poser une question plus
radicale encore : « L’infrastructure considérée (indépendamment de savoir qui paie) génère-t-elle
une valeur ajoutée positive ? ». La première question est centrée sur la redistribution ; la seconde
y ajoute une dimension qui affecte le PIB disponible (en plus de le redistribuer).

Qui paie ? Quelle comptabilité souhaiterait-on avoir ? Pour chaque mode et infrastructure, on
souhaiterait avoir une structure comptable comme celle qui est indiquée au Tableau 8 si on veut
répondre à la première question. On y trouve que:

•     la ligne « infrastructure et contrôle » regroupe tous les coûts d’usage et la juste part des
      coûts de capital et de gestion (contrôle du trafic, justice, etc.) des infrastructures ;
•     la ligne « environnement » désigne une valorisation des nuisances ;
•     on suppose par simplicité que les coûts (y compris une valorisation de la vie humaine) des
      accidents sont affectés aux usagers du mode ;
                                                 12
•       depuis Prest (1963) les taxes spécifiques excluent les taxes générales uniformes (par ex. la
        TVA) des recettes implicites du réseau (les péages sont des recettes spécifiques). Les taxes
        spécifiques sont la façon de déterminer qui paie : elles ne constituent pas des coûts en
        ressources et ont donc une valeur totale de 0 sur la ligne du tableau des coûts en ressources.

Ces concepts sont discutés, et des exemples fournis pour divers réseaux canadiens, dans Gaudry
(2001) et Gaudry et al. (2002).

Quand on pose la question du recouvrement de l’ensemble des coûts du système de transport, on
se rend compte, par exemple, que l’ajout des coûts externes n’affecte que relativement peu le
coût total du système même dans les régions densément peuplées.

Recouvrement des coûts directs d’infrastructure répartis. Pour les gouvernements, le
recouvrement des coûts d’infrastructure est une question importante qu’examine actuellement le
consortium européen UNITE (www.its.leeds.ac.uk/research/index.html). On ne peut par ailleurs
développer une politique de transport neutre entre les modes si on ne peut mesurer ces coûts et
poser la question de leur traitement cohérent, voire efficient.

Aux Pays-Bas, nous n’avons pas trouvé de comptabilité comparable à celle qui est en élaboration
dans UNITE. Malgré des efforts importants, nous n’avons en fait pas trouvé d’études publiques
et documentées sur le recouvrement des coûts par mode (une simple comptabilité de caisse, fût-
elle construite à partir des compte publics, ne suffit pas).

Nous en serons réduits à des conjectures que des lecteurs mieux renseignés nous permettront de
corriger dans l’avenir, nous espérons !

Tableau 8. Comptes imaginaires directs du mode routier M, région R, aux Pays-Bas, 2000
                                           Coûts assumés par catégorie d’acteur                         Coût en
        Type de coût                                          Réseaux gouvernementaux                  ressources
                             Usagers         Autres         Municipal Provincial Central                  Total
Infrastructure et contrôle                                   1,689,404,100 1,232,620,902 146,863,905 3,068,888,907
Environnement                               2,209,422,464                                              2,209,422,464
Accidents                  2,874,351,053                                                               2,874,351,053
Taxes spécifiques          3,550,409,219                    -390,808,537 -2,231,344,022 -928,256,660                0
Total                      6,424,760,272    2,209,422,464 1,298,595,563    -998,723,120 -781,392,755 8,152,662,424

Ce que nous savons des pratiques reliées au Fonds d’infrastructure nous porte toutefois à croire
que les infrastructures des Pays-Bas sont très subventionnées.

Le fonds dédié aux infrastructures de transport. En effet, comme nous en avons fait la
mention plus haut, le fonds intervient directement à tous les paliers de gouvernement. On
trouvera à la Figure 1 les prévisions 2000-2020 pour ce fonds (la construction est en jaune et la
réfection en bleu ; la ligne rouge indique la disponibilité budgétaire totale).

                                                       13
Figure 1. Prévisions de dépenses du fonds d’infrastructure des Pays-Bas, 2000-2020

Nous faisons donc les conjectures suivantes :

-Il y a une crise du financement des réseaux provinciaux et municipaux. Comme les
     provinces et les municipalités ne reçoivent que des recettes d’immatriculation (les taxes
     spécifiques sur le carburant allant au gouvernement central), leurs ressources ne suffisent
     sans doute pas à couvrir leurs obligations de construction, contrôle et entretien de leurs
     réseaux propres.

    Par exemple, les comptes des municipalités ressemblent peut-être à ceux qu’on trouve au
    Tableau 8 qui postule un déficit annuel des municipalités de 1,298,595,56 florins parce que
    leurs coûts annuels présumés en 2000 (1,689,404,100 florins) dépassent leurs recettes
    spécifiques (-390,808,537 florins).

-Le recouvrement du capital n’est pas prioritaire. Dans beaucoup de cas connus, le capital
    n’est pas recouvré. Par exemple on trouve en 1991 dans comptes publics la mention « Ligne
    ferroviaire grande vitesse : Prêt à fonds perdus (en français dans le texte) : 3 milliards de
    florins » . Dans le cas de la ligne ferroviaire Betuwe, dont la construction serait imminente,
    on ne s’attend à recouvrer que les coûts variables !

Nous enjoignons les lecteurs à nous corriger si nous avons tort.

Question radicale sur la destruction de la valeur ? S’il y a absence de comptes réseaux, il y a
aussi absence de comptes économiques analytiques qui permettraient de savoir si certaines
infrastructures sont profitables, déficitaires, ou déficitaires et destructrices de valeur économique,
comme cela est illustré au Tableau 9. Ce tableau présente dans la colonne de droite le cas
hypothétique d’une route dont les recettes spécifiques n’arrivent même pas a couvrir le coût des
intrants (matériaux divers tels : goudron, cailloux, carburants, sel, sable, air pur, etc.).

                                                 14
Tableau 9. Reclassement des coûts analytiques d’une infrastructure

       Coûts                                      Recettes et redevances spécifiques

                                                           ↕               Profit

                                                                      ↕ Perte                    ↕
      Coût du                      Valeur
      Capital                      ajoutée
                                                                                                 ↕
                                                                              Valeur                 Perte
      Coût du                                                                 ajoutée            ↕
      travail

                                                                                                 ↕      Valeur
      Coût des                                                                                         soustraite
      intrants

       Coûts en                      Route                                    Route                      Route à
      ressources                   profitable                               déficitaire              valeur soustraite

Les engagements en termes de part de PNB. On trouvera enfin au Tableau 10 les parts de
l’investissement en infrastructures de transport définies par rapport au PNB : le total représente
seulement 0,7 % du PIB depuis 1980.
           Tableau 10. Répartition modale des investissements aux Pays-Bas, 1980-1998

      90

      80
                                                                                                     routes
      70

      60                                                                                             chemins de fer
      50
                                                                                                     ports maritimes
  %

      40

      30
                                                                                                     aéroports

      20                                                                                             tendance générale
      10                                                                                             (chemin de fer)
       0
            1980

                     1982

                            1984

                                    1986

                                           1988

                                                    1990

                                                               1992

                                                                           1994

                                                                                  1996

                                                                                          1998

                                             Année

 Source : Alain Rathery, CEMT/ECMT.
                                                                      15
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                                              16
4. Annexe. Projets principaux du NVVP par réseau à l’horizon 2020
  Figure 2. Routes principales (sans changement); routes à modifier et nouvelles routes

Figure 3. Voies fluviales principales (sans changement), voies à modifier et nouvelles voies

                                            17
Figure 4. Voies ferroviaires principales (sans changement), voies à modifier, nouvelles voies

                     Figure 5. Oléoducs existants (aucun changement)

                                             18
Vous pouvez aussi lire