Quoi de neuf dans la prise en charge de la dermatite atopique de l'enfant et de l'adolescent? - Edimark

La page est créée Aurelie Allard
 
CONTINUER À LIRE
Quoi de neuf dans la prise en charge de la dermatite atopique de l'enfant et de l'adolescent? - Edimark
Médecine
                                                                    & enfance

                                                     Quoi de neuf dans la prise en
J. Czernielewski, E. Comte Krieger,                  charge de la dermatite atopique
S. Christen-Zaech, unité de dermatologie
pédiatrique, services de dermatologie et
vénérologie et de pédiatrie, CHUV,
                                                     de l’enfant et de l’adolescent?
Hôpital de l’enfance, Lausanne
Article initialement publié par la Revue médicale
suisse (mars 2018, p. 692-7) et reproduit avec son
aimable autorisation
 DERMATOLOGIE
                           La meilleure compréhension de la pathogenèse combinée au besoin d’amé-
                           liorer la prise en charge a créé un environnement favorisant le développement
                           de nouveaux traitements pour la dermatite atopique (DA). Plusieurs molécules
                           sont étudiées, chez l’adulte principalement. La DA a cependant une prédomi-
                           nance pédiatrique, avec une prévalence d’environ 20 % d’enfants et 5 %
                           d’adultes. Aux Etats-Unis, le crisaborole (inhibiteur de la phosphodiestérase 4)
                           topique a déjà sa place pour traiter la dermatite atopique chez l’adolescent et
                           l’enfant, tandis que des études prometteuses sont en cours pour le dupilumab
                           (inhibiteur des IL-4 et IL-13) systémique. Afin de renforcer la prise en charge
                           médicale, l’éducation thérapeutique du patient joue un rôle essentiel dans l’op-
                           timisation thérapeutique et l’encadrement des patients. Le modèle lausannois
                           au sein de l’unité de dermatologie pédiatrique est détaillé dans cet article.

                                                     INTRODUCTION                                 de médicaments plus ciblés, avec moins
                                                                                                  d’effets secondaires à long terme pour
                                                     La dermatite atopique (DA) est une der-      la prise en charge de cas sévères, a créé
                                                     matose à prédominance infantile              un environnement favorisant le déve-
                                                     (figures 1 et 2) nécessitant un accompa-     loppement de nouveaux traitements.
                                                     gnement personnalisé et une prise en         Ainsi, parmi de multiples molécules en
                                                     charge spécifique, car les retentisse-       cours d’investigation, deux nouveaux
                                                     ments sur la qualité de vie et le dévelop-   agents, l’inhibiteur topique de la phos-
                                                     pement psychosocial peuvent être             phodiestérase 4 (PDE-4) (crisaborole
                                                     majeurs et les comorbidités non négli-       onguent) et l’inhibiteur des IL-4 et IL-13
                                                     geables. La meilleure compréhension          par voie générale (dupilumab) ont
                                                     de la pathogenèse combinée au besoin         récemment émergé sur le marché.
                                                                                                  En outre, l’éducation thérapeutique du
                                                      Figure 1                                    patient (ETP) a une place centrale pour
                                                      Eczéma atopique disséminé                   aider les sujets avec DA et leur famille à

                                                                                                   Figure 2
                                                                                                   Eczéma atopique des zones convexes
                                                                                                   du visage

                                                                 septembre 2018
                                                                    page 181
Quoi de neuf dans la prise en charge de la dermatite atopique de l'enfant et de l'adolescent? - Edimark
Médecine
                                                            & enfance

développer une autogestion optimale et       tement de référence des poussées de           pimécrolimus a une pénétration 70 à
à améliorer leur qualité de vie. Grâce à     DA. Comme autres anti-inflammatoires          100 fois moins importante que les CT
une approche humaniste, les besoins          locaux pour cette indication, nous dis-       mais aussi 9 à 10 fois inférieure au
éducatifs de chaque patient sont définis     posons des inhibiteurs de la calcineurine     tacrolimus. Une étude a mesuré la
et les nouveaux apprentissages réalisés.     (ICT), du tacrolimus (onguent à 0,03 %        concentration plasmatique après appli-
Il s’agit, entre autres, de tenter d’ac-     ou 0,1 %), approuvé en décembre 2000,         cation de pimécrolimus à 0,03 % chez
croître l’adhésion thérapeutique en sou-     et du pimécrolimus (crème à 1 %), mis         54 enfants âgés de trois à vingt-quatre
tenant le patient et sa famille dans leur    sur le marché une année après. Leur uti-      mois et a retrouvé que 97 % des échan-
parcours de santé.                           lisation est particulièrement indiquée        tillons sanguins avaient une concentra-
                                             sur des zones de peau fine et délicate        tion médicamenteuse inférieure à
TRAITEMENTS TOPIQUES                         (visage, plis, région génitale…) pour         1 ng/ml, 20 % de ceux-ci ayant une
                                             une application continue à long terme,        concentration au-dessous de la valeur
Les émollients sont le premier et le plus    du fait de l’absence d’atrophie cutanée       détectable (0,025 ng/ml) [5].
élémentaire soin de peau dans la DA.         et en tant qu’agent d’épargne des corti-      Concernant les infections cutanées,
Plusieurs études démontrent qu’ils           coïdes. Dans ces indications, ils repré-      dans de larges cohortes, l’incidence
représentent une méthode simple, sûre        sentent une thérapie de choix malgré          était similaire pour les groupes traités et
et efficace dans la prévention de la         leur prix plus élevé. Leur utilisation peut   placebo, et était en lien avec la prédis-
maladie, tant en retardant son appari-       cependant être limitée par des effets         position atopique chez ces patients
tion qu’en diminuant son intensité. La       secondaires locaux à type de brûlures et      (impétigo, molluscum contagiosum,
comparaison de deux groupes de nou-          picotements. A noter que cette classe         etc.) [6, 7]. Par ailleurs, une étude pédia-
veau-nés à risque (anamnèse familiale        médicamenteuse a longtemps préoc-             trique sur l’utilisation exclusive de
d’atopie) de développer une DA, un           cupé les praticiens et suscite encore         tacrolimus rapporte un risque d’infec-
groupe avec application quotidienne          beaucoup de questions du côté des             tion herpétique localisé de 2,6 % versus
d’un émollient pendant les 32 pre-           patients et des parents quant à sa sécu-      0,9 % pour le groupe contrôle, soit
mières semaines de vie versus un             rité vis-à-vis du développement de lym-       6 cas, dont 2 ont présenté une dissémi-
groupe exempt d’émollients, a montré         phomes systémiques et de cancers cuta-        nation en un eczéma herpétique, en
une diminution de 32 % du développe-         nés et d’une potentielle augmentation         comparaison de seulement 1 cas
ment de la DA pour le groupe où l’appli-     d’infections cutanées.                        (0,75 % de dissémination) dans le
cation fut quotidienne [1]. Une étude        Concernant les cancers, en 2006, l’ad-        groupe contrôle. Un cas additionnel de
similaire, randomisée, incluant              jonction d’une mise en garde supplé-          dissémination dans le groupe contrôle a
124 nouveau-nés à risque de DA (anam-        mentaire dans la notice vis-à-vis du          aussi été rapporté trois jours après l’ar-
nèse familiale d’atopie) a retrouvé un       risque théorique de survenue de lym-          rêt du médicament [8]. A ce jour, la litté-
effet protecteur significatif sur l’inci-    phome a favorisé la baisse de la pres-        rature ne permet pas d’établir un lien
dence cumulée lors de l’application          cription des ICT. Depuis lors, plus d’une     clair entre l’application d’ICT et la dissé-
d’émollients, avec une réduction de          décennie plus tard, aucun lien clair          mination herpétique, qui reste tout de
50 % du risque relatif (RR : 0,50 ; IC à     entre le risque de survenue de lym-           même faible.
95 % : 0,28-0,9 ; p = 0,017) [2] . De        phome et leur utilisation n’a pu être         Deux décennies plus tard, plusieurs
larges études cliniques sont en cours        démontré formellement malgré les              nouvelles thérapies locales alternatives
afin de confirmer ces données.               études épidémiologiques massives, la          font l’objet d’études cliniques afin de
L’application d’émollients est essentielle   pharmacovigilance et le monitoring des        concurrencer ces pionniers. Le crisa -
dans la prise en charge de la DA.            effets secondaires du Food and Drug           borole onguent, un inhibiteur de la
D’après une large revue de la littérature    Administration Adverse Event Repor-           PDE-4, a été autorisé aux Etats-Unis, en
regroupant 77 études randomisées             ting System. Les cancers cutanés ont          décembre 2016, pour traiter les
(pour un total de 6 603 patients), l’ap-     aussi été surveillés dans la population       patients âgés de deux ans et plus souf-
plication d’émollients améliorerait          pédiatrique sur près de 8 000 patients        frant d’une DA légère à modérée [9, 10].
significativement le SCORAD (scoring         utilisant le pimécrolimus sur dix ans, et     Deux études multicentriques randomi-
atopic dermatitis). De plus, la fréquence    aucun lien n’a pu être retrouvé [4].          sées en double aveugle versus placebo
des poussées de DA (RR : 0,40 ; IC à         De plus, l’utilisation topique d’ICT n’a      (AD-301 : NCT02118766 ; AD-302 :
95 % : 0,23-0,70), de même que la            jamais induit d’immunosuppression sys-        NCT02118792) ont été menées chez
quantité de corticostéroïdes topiques        témique au long cours démontrée ni            1 522 individus souffrant de DA légère
(CT) utilisée sur 6 à 8 semaines (diffé-     d’altération de la réponse vaccinale          à modérée ; la population pédiatrique
rence moyenne : 9,30 g ; IC à 95 % :         chez les enfants. L’absorption transcuta-     (deux-onze ans) de ces études repré-
15,3-3,27), a diminué [3].                   née a été étudiée pour les ICT et reste       sentait 60 % des participants [11]. Envi-
Les CT restent toujours et encore le trai-   largement inférieure à celle des CT. Le       ron 50 % des patients inclus ont atteint
                                                          septembre 2018
                                                             page 182
Médecine
                                                            & enfance

l’objectif principal, c’est-à-dire être
libres ou quasiment libres d’eczéma ou        Figure 3                                     Figure 4
présenter une amélioration d’au moins         Eczéma atopique érosif et craquelé           Eczéma atopique érosif et craquelé
deux points du score ISGA (investiga-         du dos du pied                               du dos de la main
tor’s static global assessment). L’effet
secondaire dû au traitement actif le
plus souvent rapporté (45 % des cas)
était la sensation de brûlure et de pico-
tement après application. Pour le
moment, il n’existe aucune donnée
comparative entre le crisaborole et les
CT ou les ICT. Des études de phase 4
sont encore en cours chez les enfants
de trois à vingt-quatre mois.

TRAITEMENTS
SYSTÉMIQUES                                                                               jeune et de 3 ou 4 (DA modérée à
                                                                                          sévère) chez les adolescents. Ces pre-
Si, malgré un traitement topique adé-                                                     miers résultats mettent en évidence une
quat et bien conduit, la réponse théra-                                                   pharmacocinétique du médicament chez
peutique s’avère insuffisante, un traite-                                                 l’enfant qui est comparable à celle
ment systémique doit être discuté                                                         retrouvée chez l’adulte. Les résultats,
(figures 3 et 4). Il n’existe cependant pas                                               très prometteurs, sont superposables
de consensus sur l’algorithme thérapeu-                                                   dans les deux groupes d’âge (enfant et
tique de ces traitements. Une enquête                                                     adolescents) et de dosage (2 et
en Amérique du Nord, la PeDRA TREAT                                                       4 mg/kg/semaine) avec un score EASI
survey, interrogeant 133 membres de la                                                    (Eczema Area Severity Index) qui est
Société de dermatologie pédiatrique, a                                                    réduit de 30 à 50 % après la première
montré que les traitements systémiques                                                    injection et d’environ 70 % après
de première ligne le plus fréquemment                                                     12 semaines d’utilisation. A noter que le
utilisés chez l’enfant étaient la ciclospo-                                               groupe traité avec 2 mg/kg/semaine
rine (45,2 %) et le méthotrexate                                                          présentait moins d’effets secondaires que
(29,6 %) ; en seconde ligne, on trouve                                                    celui ayant reçu 4 mg/kg/semaine. Chez
le méthotrexate (31,3 %) et le myco-          de la même année comme traitement           l’adulte, la conjonctivite est l’effet secon-
phénolate mofétil (30,4 %) et, en troi-       biologique de premier choix chez            daire le plus souvent rapporté. Dans ce
sième ligne, l’azathioprine (33 %) et le      l’adulte dans les formes modérées à         premier échantillonnage de population
mycophénolate mofétil (24 %) [12]. Ces        sévères de DA ne répondant pas à un         pédiatrique, il n’y a eu aucune conjoncti-
traitements systémiques sont générale-        traitement topique bien mené. Chez          vite dans le groupe d’adolescents ni dans
ment utilisés à court terme, avec une         l’enfant, cette molécule a terminé une      le groupe d’enfants traités avec
surveillance rapprochée en plus d’un          étude de phase 2A (NCT02407756). La         2 mg/kg/semaine. Seuls 2 des 19
traitement topique adéquat. A noter           pharmacocinétique, l’efficacité et la       enfants traités avec 4 mg/kg/semaine
que leur toxicité organique et leurs          sécurité ont été évaluées chez              ont présenté une conjonctivite [13]. En
potentiels effets indésirables sont des       78 patients divisés en deux groupes         général, le dupilumab semble bien
facteurs limitant leur utilisation. Il        d’âge, six à onze ans et douze à dix-sept   toléré, cependant la taille de cette
existe en effet, dans la prise en charge      ans, et en deux dosages différents, 2 et    cohorte ne permet pas de tirer des
de la DA sévère, une forte demande            4 mg/kg/semaine (dose totale maxi-          conclusions fermes. Le lien direct entre
pour des traitements systémiques plus         male de 300 mg). Le médicament a été        de possibles effets secondaires et ce trai-
spécifiques avec moins d’effets secon-        administré aux semaines 0, 8, 9, 10 et      tement ainsi que son immunogénicité
daires permettant une administration          11, avec un examen clinique final à         (anticorps anti-médicament) sont en
au long cours.                                20 semaines. Les critères d’inclusion       cours d’évaluation. En effet, deux études
Le dupilumab, inhibiteur des IL-4 et          étaient un score IGA (investigator’s glo-   de phase 3 (randomisées, en double
IL-13, a été autorisé aux Etats-Unis en       bal assessment) de plus de 4 (DA            aveugle, avec deux dosages différents de
mars 2017 et en Europe en septembre           sévère) dans la tranche d’âge la plus       dupilumab versus placebo) ont débuté
                                                          septembre 2018
                                                             page 183
Médecine
                                                                & enfance

en avril (NCT03054428) et en décembre            par dupilumab. Les dates prévues de          car ils auront probablement un effet
2017 (NCT03345915) pour évaluer l’ef-            l’autorisation de ce biologique pour trai-   significatif pour améliorer la qualité de
ficacité et la sécurité d’emploi du dupilu-      ter la DA modérée à sévère sont 2019         vie du patient atteint d’une DA sévère et
mab, administré une fois toutes les deux         chez l’adolescent, 2020 chez l’enfant âgé    possiblement sur leurs comorbidités. Ce
semaines chez des sujets âgés de six à           de six et onze ans et au plus tôt 2023       développement accentue l’importance
onze ans souffrant d’une DA modérée à            chez l’enfant entre six mois et cinq ans.    de l’éducation thérapeutique du patient
sévère (IGA 3 ou 4) et de douze à dix-           De nombreux autres immunosuppres-            (ETP) dans la prise en charge de cette
sept ans avec une atteinte sévère                seurs sélectifs, comme les médicaments       pathologie chronique. Effectivement,
(IGA 4). Le nombre d’inclusions a été            biologiques et les petites molécules         afin de poser la bonne indication pour
fixé à un minimum de 240 adolescents et          (inhibiteurs de la PDE-4 et de Janus         ces nouvelles thérapies, il est important
240 enfants chez qui le dupilumab sera           kinase) sont en cours d’évaluation dans      de différencier les rares cas véritable-
administré en monothérapie, respective-          la DA de l’adulte. Des études cliniques      ment résistants aux traitements locaux
ment en association avec des CT. L’objec-        incluant des adolescents et enfants          de ceux où l’adhésion aux traitements
tif principal de ces études est une dimi-        commenceront prochainement.                  topiques est sous-optimale. L’anamnèse
nution du score IGA à 0 ou 1 et du score                                                      et l’examen clinique médical seuls ne
EASI à 75 %. Les premiers résultats sont                                                      permettent pas toujours de déterminer
attendus pour juillet 2018 et avril 2019.
                                                 ALTÉRATION DE LA QUALITÉ                     la cause de l’échec de la prise en charge.
Un autre essai clinique de phases 2 et 3         DE VIE DES ENFANTS ET                        L’ETP est pour cela une approche pré-
combinées (NTC03346434) a débuté en                                                           cieuse et indispensable, permettant le
décembre 2017 afin d’évaluer la sécurité
                                                 ADOLESCENTS ATOPIQUES                        renforcement des connaissances et des
d’emploi, la pharmacocinétique et l’effi-        ET COÛTS DE SANTÉ                            compétences des patients, ainsi que le
cacité du dupilumab chez 280 enfants                                                          développement des capacités d’ajuste-
âgés de six mois à cinq ans souffrant            La qualité de vie des enfants et adoles-     ment permanent afin de faire face à
d’une DA sévère. Une partie A ouverte            cents atteints d’une DA est considéra-       d’éventuels obstacles rencontrés dans la
(open-label) vise à déterminer la dose           blement réduite, tout comme celle de         vie quotidienne. L’ETP contribue égale-
(phase 2), une partie B (randomisée et           leurs proches. La DA peut également          ment à prévenir les complications évi-
contrôlée par placebo) à définir l’effica-       avoir des répercussions importantes sur      tables, et ainsi à réduire les coûts de la
cité (phase 3) du médicament dans cette          leur développement psychosocial. De          santé tout en améliorant la qualité de
catégorie d’âge. La fin de cet essai cli-        nombreux enfants atteints de DA pré-         vie du malade. L’ETP doit donc désor-
nique est planifiée pour 2022. Une               sentent des troubles du sommeil lors         mais faire partie intégrante de la prise
étude d’extension (NCT02612454) a                des poussées. Des études ont aussi mon-      en charge de la DA et permettre la mise
débuté en octobre 2015, incluant environ         tré une forte association entre la DA et     en œuvre d’un réel partenariat soi-
765 patients de six à dix-sept ans atteints      des troubles de l’attention et l’hyperac-    gnant-enfant malade-famille. Elle est
de DA modérée à sévère, afin d’évaluer la        tivité. De plus, la famille supporte sou-    d’ailleurs fortement recommandée par
sécurité et l’efficacité du médicament au        vent un lourd fardeau financier, expli-      l’Organisation mondiale de la santé et
long cours. Il s’agit de patients pédia-         qué par les jours de travail manqués         l’ETFAD (European Task Force For Ato-
triques inclus dans les études précédem-         pour les visites médicales, les traite-      pic Dermatitis) [16].
ment mentionnées qui poursuivent le              ments en partie coûteux, non rembour-
traitement. Ce modèle est conçu de               sés ou seulement partiellement, et le        MAUVAISE ADHÉSION
manière à ce que les patients aient la pos-      temps investi dans les soins cutanés.
sibilité d’être traités jusqu’à la mise sur le   Aux Etats-Unis, l’impact économique de       AU TRAITEMENT
marché du médicament. Des premiers               la DA a été estimé entre 364 millions et     ET CORTICOPHOBIE
résultats sont attendus pour 2018.               3,8 milliards de dollars par an [14, 15].
Plus largement, le dupilumab a égale-                                                         En général, l’adhésion aux traitements
ment démontré son efficacité dans la             ÉDUCATION                                    est faible dans les maladies chro-
prise en charge d’autres problèmes du                                                         niques [17]. Concernant la DA, ce manque
spectre atopique comme l’asthme aller-           THÉRAPEUTIQUE                                d’adhésion est complexe et multifacto-
gique persistant et difficilement contrô-        DU PATIENT : ESSENTIELLE                     riel. Il peut être expliqué entre autres par
lable chez les adultes et adolescents                                                         le défaut de connaissances, la com-
(douze ans et plus), plusieurs études            DANS LA PRISE EN CHARGE                      plexité du traitement, les compétences
étant en cours pour les enfants de six à         DE LA DERMATITE ATOPIQUE                     spécifiques nécessaires incomplètes et la
onze ans. En Suisse, il y a actuellement                                                      fréquence insuffisante des visites médi-
18 adultes et 1 enfant souffrant d’une DA        La mise sur le marché de nouveaux trai-      cales. De plus, nombre de croyances au
sévère qui bénéficient d’un traitement           tements systémiques est très attendue,       sujet de la maladie et différentes peurs
                                                             septembre 2018
                                                                page 184
Médecine
                                                                    & enfance

en lien avec le traitement participent à
cette mauvaise adhésion [18]. Une des             Figure 5                                      IMPLICATIONS PRATIQUES
peurs les plus répandues parmi les                Education thérapeutique du patient : un
                                                  processus en quatre étapes (d’après [21])     첸 La dermatite atopique nécessite une
patients, les parents et certains profes-                                                       prise en charge spécifique chez l’enfant et
sionnels de la santé est la corticophobie.         Bilan éducatif                               l’adolescent en association avec une éduca-
La crainte principale, en grande partie                                                         tion thérapeutique afin de permettre un
irraisonnée, concerne les effets secon-               Objectifs éducatifs                       meilleur contrôle de la maladie.
daires locaux et systémiques associés à                                                         첸 Grâce aux récents progrès dans la
l’application régulière de cortisone. Une                Acquisition des compétences
                                                                                                recherche et le développement de thérapies
non-adhésion aux soins liée à ces théra-                                                        ciblées, nous entrons dans une nouvelle ère
                                                            Evaluation
pies a été rapportée chez 36 % des                                                              de traitement.
patients [19]. Bien que certains parents ne
soient pas contre les CT et qu’ils soient        changement de comportement qui fait
convaincus de leur efficacité, ils en limi-      sens pour lui et qui s’adapte à son           à l’écoute et l’encadrement multidisci-
tent souvent l’utilisation. Dans ce              rythme intrinsèque. Pour ce faire, il est     plinaire pendant tout un après-midi.
contexte, le médecin et les spécialistes         possible de s’appuyer sur un référentiel      Bien souvent, le soutien du groupe aide
en ETP peuvent jouer un rôle clé dans            d’éducation du malade [20] qui propose        à dédramatiser la maladie.
l’identification des croyances autour du         des moyens d’apprentissage et des outils      L’école est ouverte à tous et l’inscription
traitement. Ils vont également pouvoir           (matériel spécifique, démonstration sur       se fait directement sur le site internet de
accompagner les patients dans l’enrichis-        l’enfant, jeux éducatifs, plan d’action       la Fondation Centre d’Allergie Suisse.
sement de leurs connaissances et de              personnalisé, mise en situation, jeux de
leurs compétences en lien avec les CT.           rôle…) adaptés à l’âge des patients et        CONCLUSION
                                                 spécifiques de leurs champs de compé-
ÉDUCATION                                        tence. Différents ateliers pour les enfants   La dermatite atopique est une patholo-
                                                 dès trois ans (trois-cinq ans, six-huit ans   gie chronique nécessitant une prise en
THÉRAPEUTIQUE :                                  et huit-dix ans) et pour les adolescents      charge adaptée et spécifique chez l’en-
EN PRATIQUE                                      ont été mis en place afin de viser, entre     fant et l’adolescent. Grâce aux récents
                                                 autres, une autonomisation maximale.          progrès dans la recherche et le dévelop-
Dans l’unité de dermatologie pédiatrique         Ainsi, tous les patients adressés directe-    pement de thérapies ciblées, nous
de l’Hôpital de l’enfance à Lausanne, les        ment par leur médecin de ville, quel que      entrons dans une nouvelle ère de cette
séances d’ETP sont régulièrement propo-          soit leur âge, peuvent bénéficier de cette    prise en charge. Une sélection optimale
sées aux patients et à leurs proches (30 à       prise en charge unique en Suisse              des combinaisons thérapeutiques en
90 minutes, renouvelables). Elles sont           romande. Depuis 2012, pour répondre           association avec l’ETP permet un
menées en partenariat entre un derma-            aux besoins sans cesse croissants, l’ETP      meilleur contrôle de la maladie en mini-
tologue et une psychologue spécifique-           s’est développée, entre autres grâce au       misant les effets secondaires. L’ETP per-
ment formée. La communication est cen-           soutien de nos sponsors*, et atteint          met encore de renforcer l’autonomie du
trée sur le patient afin d’accéder à sa réa-     aujourd’hui 300 consultations par an.         patient et de sa famille, contribue à
lité dans sa globalité psychosociale. Pour       En 2009, l’école de l’atopie de Lausanne      optimiser l’adhésion au traitement et à
chaque famille, un bilan éducatif est réa-       a été également développée en collabo-        améliorer la qualité de vie. Elle se réa-
lisé, dont les buts sont multiples : il s’agit   ration avec la Fondation Centre d’Aller-      lise au travers d’un regard centré sur le
de définir les attentes et de mettre au          gie Suisse. Elle est destinée à l’instruc-    patient dans sa complexité et sa globa-
jour non seulement les croyances indivi-         tion et au soutien des parents d’enfants      lité psychosociale en fonction du projet
duelles, les ressources et les compé-            de zéro à sept ans. Celle-ci est complé-      de soins de chacun.                    첸
tences déjà acquises, mais également les         mentaire des consultations indivi-            * Nous remercions la Fondation CK-Care, la Fondation
contraintes qui pourraient faire obstacle        duelles et est supportée par une équipe       Centre d’Allergie Suisse, la Fondation Suisse de Derma-
                                                                                               tologie Pédiatrique, la Fondation de la Dermatite Ato-
au changement. Un des bienfaits                  composée d’une dermatologue                   pique, Pierre Fabre et La Roche Posay pour leurs soutiens
majeurs est que cela permet un accord            pédiatre, d’une allergologue pédiatre et      financiers qui ont permis de mettre en place la consulta-
patient-soignant sur les besoins éducatifs       d’une psychologue. Elle présente l’avan-      tion d’éducation thérapeutique de l’Unité de dermatolo-
individuels. Au final, il sera possible de       tage de permettre aux parents de sortir       gie pédiatrique à l’Hôpital de l’enfance à Lausanne.

déterminer quels sont les connaissances,         de leur isolement et de se rencontrer         Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation
                                                                                               avec cet article.
le savoir-faire et le savoir-être sur les-       afin d’échanger sur leur quotidien en
quels travailler ensemble (figure 5). Tout       transférant des compétences souvent           Références
au long du suivi, il s’agira d’encourager        très concrètes. Elle les encourage            [1] HORIMUKAI K., MORITA K., NARITA M. et al. : « Application
et de motiver le patient afin d’induire un       encore à surmonter leurs craintes grâce       of moisturizer to neonates prevents development of atopic

                                                                septembre 2018
                                                                   page 185
Médecine
                                                                                              & enfance

dermatitis », J. Allergy Clin. Immunol., 2014 ; 134 : 824-30.         dermatitis in pediatric patients », J. Am. Acad. Dermatol., 2001 ;   of atopic dermatitis and eczema in the United States », J. Am.
[2] SIMPSON E.L., CHALMERS J.R., HANIFIN J.M. et al. : « Emol-        44 (suppl. 1) : S47-S57.                                             Acad. Dermatol., 2002 ; 46 : 361-70.
lient enhancement of the skin barrier from birth offers effective     [9] PALLER A.S., TOM W.L., LEBWOHL M.G. et al. : « Efficacy and      [16]* WOLLENBERG A., ORANJE A., DELEURAN M. et al. ;
atopic dermatitis prevention », J. Allergy Clin. Immunol., 2014 ;     safety of crisaborole ointment, a novel, nonsteroidal phospho-       EUROPEAN TASK FORCE ON ATOPIC DERMATITIS/EADV
134 : 818-23.                                                         diesterase 4 (PDE4) inhibitor for the topical treatment of atopic    ECZEMA TASK FORCE : « ETFAD/EADV Eczema task force 2015
[3]* VAN ZUUREN E.J., FEDOROWICZ Z., ARENTS B.W.M. :                  dermatitis (AD) in children and adults », J. Am. Acad. Dermatol.,    position paper on diagnosis and treatment of atopic dermatitis
« Emollients and moisturizers for eczema : a bridged Cochrane         2016 ; 75 : 494-503.                                                 in adult and paediatric patients », J. Eur. Acad. Dermatol. Vene-
systematic review including GRADE assessments », Br. J. Derma-        [10] STEIN GOLD L.F., SPELMAN L., SPELLMAN M.C. et al. : « A         reol., 2016 ; 30 : 729-47.
tol., 2017 ; 177 : 1256-71.                                           phase 2, randomized, controlled, dose ranging study evaluating       [17] KREJCI-MANWARING J., TUSA M.G., CARROLL C. et al. :
[4] MARGOLIS D.J., ABUABARA K., HOFFSTAD O. et al. : « No             crisaborole topical ointment, 0.5% and 2% in adolescents with        « Stealth monitoring of adherence to topical medication : adhe-
significant association between malignancy and topical use of         mild to moderate atopic dermatitis », J. Drugs Dermatol., 2015 ;     rence is very poor in children with atopic dermatitis », J. Am.
pimecrolimus », JAMA Dermatol., 2015 ; 151 : 594 9.                   14 : 1394-9.                                                         Acad. Dermatol., 2007 ; 56 : 211-6.
[5] BILLICH A., ASCHAUER H., ASZÓDI A., STUETZ A. : « Percu-          [11]* PALLER A.S. : « Clarification of methodology and further re-   [18] SOKOLOVA A., SMITH S.D. : « Factors contributing to poor
taneous absorption of drugs used in atopic eczema : pimecroli-        sults from the pivotal phase 3 study of crisaborole for mild mo-     treatment outcomes in childhood atopic dermatitis », Australas.
mus permeates less through skin than corticosteroids and tacro-       derate atopic dermatitis », Br. J. Dermatol., 2017, 178 : 663-4.     J. Dermatol., 2015 ; 56 : 252-7.
limus », Int. J. Pharm., 2004 ; 269 : 29-35.                          [12] TOTRI C.R., EICHENFIELD L.F., LOGAN K. et al. : « Prescri-      [19] AUBERT-WASTIAUX H., MORET L., LE RHUN A. et al. :
[6]* SIEGFRIED E.C., JAWORSKI J.C., KAISER J.D., HEBERT A.A. :        bing practices for systemic agents in the treatment of severe pe-    « Topical corticosteroid phobia in atopic dermatitis : a study of
« Systematic review of published trials : long term safety of topi-   diatric atopic dermatitis in the US and Canada : The PeDRA           its nature, origins and frequency », Br. J. Dermatol., 2011 ; 165 :
cal corticosteroids and topical calcineurin inhibitors in pediatric   TREAT survey », J. Am. Acad. Dermatol., 2017 ; 76 : 281-5.           808-14.
patients with atopic dermatitis », BMC Pediatr., 2016 ; 16 : 75.      [13] Poster presented at the 97th Annual Meeting of the British      [20]* BARBAROT S., GAGNAYRE R., BERNIER C. et al. : « Derma-
[7] HAYASHIDA S., FURUSHO N., UCHI H. et al. : « Are lifetime         Association of Dermatologists 2017 (BAD 2017), Liverpool, UK,        tite atopique : un référentiel d’éducation du malade », Ann. Der-
prevalence of impetigo, molluscum and herpes infection really         4th-6th July, 2017.                                                  matol. Vénéréol., 2007 ; 134 : 121-7.
increased in children having atopic dermatitis ? », J. Dermatol.      [14] MANCINI A.J., KAULBACK K., CHAMLIN S.L. : « The socio-          [21] GAGNAYRE R. : « L’éducation thérapeutique et les compé-
Sci., 2010 ; 60 : 173-8.                                              economic impact of atopic dermatitis in the United States : a sys-   tences du patient », Ann. Dermatol. Vénéréol., 2002 ; 129 : 985-9.
[8] PALLER A., EICHENFIELD L., LEUNG D., STEWARD D. : « A             tematic review », Pediatr. Dermatol., 2008 ; 25 : 1-6.
12-week study of tacrolimus ointment for the treatment of atopic      [15] ELLIS C.N., DRAKE L.A., PRENDERGAST M.M. et al. : « Cost        * A lire.

                                                                                          septembre 2018
                                                                                             page 186
Vous pouvez aussi lire