Recommandations à l'IUCN pour améliorer la classification et la production de rapports sur les aires marines protégées
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Recommandations à l'IUCN pour améliorer la classification et la production de rapports sur les aires marines protégées 6 février 2018 Transmis par : Le projet Héritage des océans de Pew et Bertarelli Auteurs : Johnny Briggs, Stacy K. Baez, Terry Dawson, Bronwen Golder, Bethan C. O'Leary, Jérôme Petit, Callum M. Roberts, Alex Rogers et Angelo Villagomez Résumé Le terme Aire marine protégée (AMP) désigne une série d'objectifs de gestion, allant de l'exploitation durable à la protection de la biodiversité ou des sites présentant un intérêt scientifique et/ou culturel. Les AMP sont souvent classées selon les catégories d'aires protégées définies par l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Cependant, en raison de la multiplicité des définitions utilisées pour décrire ce qu'est une AMP et du manque de précision des rapports de situation, il est difficile de déterminer les niveaux exacts de protection ainsi que les bénéfices biologiques qu'ils génèrent. Les aires marines entièrement protégées sont celles qui engendrent les bénéfices écologiques les plus importants. Néanmoins, les décideurs privilégient souvent les zones à usages multiples. Ce rapport étudie les objectifs internationaux de conservation et la façon dont les différents organismes définissent les AMP. Il analyse en outre les progrès réalisés et fournit des recommandations visant à améliorer l'application des catégories d'AMP déterminées par l'UICN et à renforcer le cadre existant de l'UICN. Nous soutenons que ces recommandations et l'amélioration des processus de déclaration sont essentiels pour comprendre, évaluer et communiquer efficacement les bénéfices écologiques des AMP. Introduction Les activités humaines ont un effet délétère sur les océans du monde entier, et contribuent notamment à l'amenuisement de la biodiversité et des stocks de poissons. Pour stopper le déclin de l'écosystème océanique, il est nécessaire d'adopter une approche globale, incluant notamment la gestion durable des pêcheries, la prévention de la pollution marine et la conservation des espèces et des habitats. Les aires marines protégées (AMP) constituent l'une des formes les plus anciennes de gestion de la pêche (Johannes 1978) et se sont révélées efficaces pour la protection de l'habitat, des espèces et des zones essentielles à la vie marine (par ex., les frayères) dans une grande variété de contextes (Hamilton et coll. 2011 ; Edgar et coll. 2014 ; Giakoumi et coll. 2017). Les AMP peuvent protéger les espaces océaniques contre les activités destructives et/ou extractives, telles que la pêche et l'exploitation minière non durables, et avoir des répercussions bénéfiques sur les écosystèmes marins (Edgar et coll. 2014 ; Lester et coll. 2009) et les populations qui en dépendent (Di Franco et coll. 2016 ; Terraube et coll. 2017). Les AMP peuvent également 1
contribuer à atténuer les effets du changement climatique par le biais de la séquestration et du stockage du carbone et de la promotion de processus biologiques qui renforcent l'adaptation aux changements environnementaux (Roberts et coll. 2017 ; Soler et coll. 2015). Le terme Aire marine protégée est devenu un terme passe-partout utilisé pour désigner de nombreuses formes de gestion spatiale (Mora et Sale 2011 ; Lubchenco et Grorud-Colvert 2015), et des institutions comme la Convention sur la diversité biologique (CDB), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) utilisent toutes une définition (Tableau 1) et une catégorisation (Tableau 2) différentes des aires marines protégées. Par conséquent, les niveaux de protection de la biodiversité dans ces aires varient considérablement, allant d'aires entièrement protégées (aucune extraction de ressource autorisée) à des zones à usages multiples (avec notamment des activités de pêche commerciale et d'exploitation minière). En raison de la multitude de définitions qui existent pour décrire ce qu'est une AMP, il est difficile d'évaluer les bénéfices de conservation que les AMP génèrent en se basant uniquement sur leur pourcentage de couverture. La situation est la même pour les zones terrestres protégées. L'efficacité des AMP en matière de protection de la biodiversité varie énormément et un effort de recherche important est mené pour déterminer quelles caractéristiques une AMP doit posséder pour garantir une amélioration par rapport à la situation de référence (par ex., Lester et coll. 2009 ; Edgar et coll. 2014 ; Sciberras et coll. 2015 ; Di Franco et coll. 2016 ; Ban et coll. 2017 ; Giakoumi et coll. 2017 ; Sala et Giakoumi 2017). Les AMP qui génèrent le plus de bénéfices en matière de conservation marine ont comme caractéristiques communes d'être des aires de grande superficie, avec un niveau élevé de protection, des mesures de protection à long terme, des limites clairement définies, un fort engagement de la part des parties prenantes, ainsi que l'implication des communautés et des capacités en ressources (personnel et budget). Bien que les caractéristiques requises pour qu'une AMP soit efficace dépendent du contexte, le niveau de bénéfices écologiques observé est directement lié au niveau de protection. En effet, les AMP entièrement protégées et bien gérées génèrent toujours plus de bénéfices que les AMP à usages multiples (par ex., Edgar et coll. 2014 ; Sciberras et coll. 2015 ; Giakoumi et coll. 2017 ; Sala et Giakoumi 2017). Des objectifs de mise en place d'AMP ont été définis au niveau mondial (Tableau 3) et il existe une véritable volonté politique d'atteindre ces objectifs tout en minimisant l'impact économique et social (De Santo 2013). Pour progresser vers ces objectifs mondiaux, les décideurs politiques s'intéressent de plus en plus aux vastes aires marines protégées ainsi qu'aux aires protégées de plus petite taille. Définies comme des aires d'une superficie égale ou supérieure à 100 000 km2, les grandes aires marines protégées représentent désormais les deux tiers de la couverture mondiale des AMP (O'Leary et coll. non publié). Dans la mesure où elles contribuent grandement à la réalisation des objectifs mondiaux de conservation, il est impératif de garantir leur efficacité. Celle-ci dépend très certainement du niveau de protection qu'offrent ces vastes aires aux limites clairement définies à la vie marine, et de la façon dont elles sont gérées et appliquées. 2
La plupart des zones terrestres et marines protégées sont classées selon les catégories d'aires protégées définies par l'UICN en fonction d'objectifs de gestion. Cependant, la communauté scientifique, les ONG et les décideurs politiques craignent de plus en plus que le manque de précision de ces catégories (et leur mauvaise application) ne se traduise par une mauvaise interprétation des niveaux nationaux et internationaux de protection biologique (Spalding et coll. 2016 ; Horta e Costa et coll. 2016, 2017 ; Déclaration de Malte 2017). Si nous sommes d'accord avec Dudley et coll. (2017) sur le fait qu'il est impératif d'avoir un système international de catégorisation des zones protégées qui unifie les efforts de conservation des environnements marin et terrestre et que la classification établie par l'UICN ne doit pas être abandonnée, nous mettons toutefois en lumière des recommandations clés pour améliorer l'application des catégories de l'UICN et renforcer le cadre existant. Objectifs internationaux en matière de protection marine Au cours des deux dernières décennies, des objectifs de protection de l'environnement marin ont été fixés au niveau mondial par des institutions internationales (Wood et coll. 2008). Le plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de 2002 prévoit la création d'un réseau mondial d'aires marines protégées représentatif d'ici 2012. Le cinquième Congrès mondial sur les parcs de l'UICN qui s'est tenu en 2003 recommandait de « considérablement augmenter la surface marine et côtière gérée au sein des aires marines protégées d'ici 2012 ; ces réseaux doivent inclure des aires hautement protégées (sans capture) représentant au moins 20 à 30 % de ces zones gérées (habitat). » Lors de la huitième réunion ordinaire de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique de 2006, l'objectif visant à ce que d'ici 2010, « au moins 10 % de chacune des régions écologiques de la planète [y compris les zones marines et côtières soient] effectivement conservées » a été adopté. Mais ces objectifs ne sont plus d'actualité ou ont été révisés. Les objectifs internationaux actuels sont l'objectif de développement durable n° 14 des Nations unies (ODD 14) et l'objectif 11 de la Convention sur la diversité biologique, tous deux prévoyant de protéger effectivement au moins 10 % de la surface des océans d'ici 2020 (Tableau 3). La recommandation mondiale la plus récente, qui vise à étendre la protection marine et qui exhorte les chefs d'état à protéger 30 % des océans d'ici 2030 (Tableau 3), a été approuvée en 2016 lors du Congrès mondial de la nature de l'UICN. L'objectif de développement durable n° 14 des Nations unies et la Convention sur la diversité biologique utilisent tous deux le pourcentage de couverture de protection spatiale comme référence pour déterminer les progrès réalisés en termes de respect des objectifs d'aires marines protégées par rapport aux désignations des aires protégées signalées au Centre mondial de surveillance de la conservation de la nature du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE-CMSC) et à la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l'UICN. Cependant, aucun de ces objectifs ne recommande de niveau minimum de protection pour les AMP. Les pays peuvent donc atteindre ces objectifs en appliquant des mesures qui garantissent une faible protection contre les activités extractives ou nuisibles. Par ailleurs, il est à craindre que certaines AMP offrent peu de protection et soient créées dans des zones de moindre 3
valeur commerciale plutôt que dans les zones qui ont le plus besoin d'être protégées ou qui représentent une grande valeur pour la biodiversité (Costello et Ballantine 2015). L'UICN définit une aire protégée comme « un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés' » (Day et coll. 2012). Elle utilise un système de classification selon lequel les objectifs de gestion des AMP sont organisés en six catégories décrivant les diverses valeurs de conservation des AMP (l'une des catégories comporte deux sous-divisions ; voir le Tableau 2). Seule la catégorie Ia n'autorise aucune extraction de ressources (équivalent des aires marines entièrement protégées). Les catégories Ib et II autorisent « l'exploitation durable des ressources par les populations autochtones afin de préserver leurs valeurs culturelles et spirituelles, à condition que cela soit fait conformément à leur tradition culturelle » (équivalent des aires hautement protégées). Les catégories de IV à VI autorisent la pêche commerciale. Les catégories V et VI peuvent autoriser la pêche commerciale et l'exploration minière, pétrolière et gazière en haute mer dans une zone protégée désignée (Day et coll. 2012). Ces catégories ne sont pas faciles à appliquer et rendent difficile la détermination des bénéfices de conservation de la protection. Par exemple, il semblerait qu'aucun bénéfice de conservation n'ait été démontré au-delà des catégories I et II (Lester et Halpern 2008). Les directives pour l'application des catégories de gestion des aires protégées de l'UICN aux aires marines protégées (Day et coll. 2012) stipulent que les pratiques de la pêche récréative et commerciale sont susceptibles d'être non durables et incompatibles avec les objectifs de l'aire protégée. « Les pêcheries qui sont gérées de façon à permettre l'exploitation durable d'une espèce cible à long terme ne sont pas nécessairement conformes aux normes écologiques pour la conservation de la nature, dans la mesure où elles peuvent, par exemple, avoir des impacts trophiques indirects ». Les directives stipulent également que pour être considérée comme aire marine protégée, une zone qui autorise la pêche doit être conforme à la définition d'une aire protégée et doit par conséquent être principalement gérée à des fins de conservation de la nature et non de gestion de la pêche. Progrès La base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA) est l'autorité mondiale en matière de couverture des aires marines protégées déclarées. Cette base de données est un projet commun du Centre mondial de surveillance de la conservation de la nature du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE-CMSC) et de la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l'UICN, mené en collaboration avec des gouvernements et des ONG. En novembre 2017, on comptait 15 271 aires marines protégées réparties dans le monde, représentant une couverture de l'espace océanique de 6,35 %. Les 10 sites les plus vastes représentent plus de 50 % de la couverture totale des aires marines protégées (UNEP-WCMC et UICN 2017). 4
La base de données Atlas of Marine Protection (MPAtlas), un projet du Marine Conservation Institute, a été créée en 2012 pour fournir un tableau plus contrasté de la protection marine au niveau mondial. MPAtlas utilise les données de la base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA) comme point de référence et examine en détail certaines régions, puis remplace les enregistrements de la WDPA par des enregistrements de bases de données nationales ou régionales, plus récents ou plus détaillés. L'objectif du projet est de fournir une image plus précise des niveaux de protection. En novembre 2017, MPAtlas déclare un pourcentage d'espace océanique protégé au sein d'AMP bien moins élevé (3,08 %) que le pourcentage annoncé par la base de données WDPA, et estime seuls 1,47 % des océans appartiennent à des AMP entièrement protégées. Il est important de noter que la WDPA stocke les catégories de gestion des aires protégées de l'UICN déclarées par les entités qui fournissent ces données (les gouvernements), mais que l'utilisation du système de catégories de gestion des aires protégées de l'UICN n'est pas obligatoire. Le PNUE-CMSC encourage l'adoption des normes établies par l'UICN, mais ne cherche pas à évaluer comment ces catégories sont appliquées par les différents pays. Ces informations permettraient d'obtenir une meilleure estimation des progrès réalisés par rapport aux objectifs mondiaux. En raison du lien évident qui existe entre le niveau de protection et les bénéfices écologiques, le pourcentage de couverture des aires marines entièrement et hautement protégées constitue un meilleur indicateur pour mesurer les contributions à la protection de la vie marine que la couverture totale des AMP. Cependant, pour obtenir une estimation précise et garantir l'efficacité des AMP entièrement protégées, ces données devraient être rapprochées des données relatives à la gestion, à l'application et à la conformité des AMP. Discussion Il y a un risque que certaines des données fournies par les gouvernements nationaux à la base de données WDPA et utilisées pour déclarer à la Convention sur la diversité biologique les progrès réalisés par rapport à l'objectif 11 d'Aichi et à l'ODD 14 ne spécifient pas ou ne définissent pas assez précisément la valeur de conservation des AMP désignées. Cela peut être dû aux facteurs suivants : A) l'utilisation du système des catégories de gestion des aires protégées de l'UICN n'est pas obligatoire, mais volontaire (en 2014, seuls 65 % des MPA enregistrées dans la WDPA étaient classées dans une catégorie UICN – WDPA 2015) ; B) les catégorisations UICN fournies par les pays ne sont pas vérifiées par le Centre mondial de surveillance continue de la conservation de la nature du Programme des Nations Unies pour l'environnement ; ou C) les données disponibles pour une zone spécifique ne sont pas suffisantes pour déterminer son appartenance à une catégorie. De telles inexactitudes dans la catégorisation peuvent être dues à la façon dont les juridictions décident d'utiliser le système de l'UICN plutôt qu'à l'inefficacité du système (Dudley et coll. 2017). Les écarts entre les données de la base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA) et celles de MPAtlas peuvent être dus au fait que toutes les organisations n'utilisent pas la même définition pour qualifier une AMP ou que les directives de l'UICN ne sont pas correctement suivies par ceux qui soumettent des données à la WDPA. L'AMP de Marae Moana (Îles Cook) que le CMSC répertorie avec une superficie de 1 976 000 km², mais qui selon MPAtlas mesure 5
324 000 km2, est un exemple probant de ces écarts. De même, selon le WCMC, la Réserve Naturelle Nationale des Terres australes françaises a une superficie de 1 655 001 km², tandis que cette AMP est répertoriée comme mesurant 673 000 km2 dans la base de données MPAtlas. Il existe plusieurs exemples d'utilisations inexactes des catégories d'AMP de l'UICN et de dépôts de désignations d'AMP nationales à la WDPA qui génèrent des bénéfices de conservation contestables. Par exemple, au Canada, une certaine forme de pêche commerciale est autorisée dans 160 des 161 aires marines protégées classées dans les catégories UICN Ia, Ib et II (Robb 2011). En Nouvelle-Zélande, l'Examen des performances environnementales de l'OCDE indique que 30 % de l'environnement marin du pays est protégé par des AMP nationales (OCDE 2017). En réalité, ces 30 % sont principalement constitués d'aires benthiques protégées, définies dans le cadre d'une réglementation de la pêche afin d'interdire le chalutage de fond et présentées comme zones appartenant à la catégorie UICN VI. La désignation d'aire benthique protégée autorise toutes les autres formes de pêche commerciale ainsi que l'exploration minière, pétrolière et gazière en haute mer, et n'offre aucune protection aux habitats pélagiques (Ministère des industries primaires 2015). Aux États-Unis, le monument national marin de la fosse des Mariannes n'inclut pas la colonne d'eau située au-dessus du substrat du fond marin et est identifié comme aire marine protégée de catégorie V (PNUE-CMSC et l'UICN 2017). En ce qui concerne les territoires français, en mars 2017, le gouvernement a déclaré que 32,5 % de son espace maritime était protégé par environ 450 aires marines protégées (Ministère de l'écologie et de la solidarité 2017). Cependant, le code de l'environnement français (Article L334-1) définit huit catégories d'aire marines protégées, et seulement 1,3 % de la ZÉE française sont hautement protégés et interdisent toute extraction industrielle ou commerciale (The Pew Charitable Trusts 2017). Le CMSC affirme que 30,69 % des eaux françaises sont couvertes par des AMP (PNUE-CMSC et UICN 2017). Il a également été avancé que les lacunes du système de l'UICN ont engendré certaines incertitudes lors de l'évaluation de l'efficacité des AMP pour la conservation de l'environnement marin (Horta et Costa et coll. 2016). Il s'agit notamment des points suivants : Les catégories UICN sont basées sur des objectifs de gestion détaillés dans des plans de gestion des AMP qui peuvent être en conflit avec les réglementations limitant les activités autorisées. Par ailleurs, de nombreuses aires protégées sont des aires à usages multiples ou combinant des zones hautement protégées et des zones à usages multiples, qui ne sont pas correctement différenciées par le système UICN actuel. Ainsi, tous les progrès mentionnés ci-dessus par rapport aux objectifs mondiaux pour les AMP donnent une impression erronée d'avancées en matière de conservation marine, dans la mesure où la surface totale protégée inclut des zones peu protégées contre les activités extractives ou nuisibles. Il apparaît de plus en plus évident que les gouvernements doivent adopter des normes plus crédibles pour la classification des objectifs de protection marine, afin que les informations qu'ils fournissent au PNUE-CMSC soient fiables et cohérentes. Les gouvernements et le PNUE-CMSC 6
doivent clairement distinguer les aires entièrement/hautement protégées des aires partiellement protégées qui sont établies pour réglementer la pêche (et qui n'ont pas pour objectif premier la protection de la biodiversité marine). La création de jeux de données séparés (un pour les aires marines entièrement/hautement protégées et l'autre pour les aires partiellement protégées) doit devenir une priorité, notamment si les objectifs internationaux de l'UICN, de la CDB et du développement durable doivent être évalués en termes de protection de la biodiversité marine. En présentant des rapports plus nuancés, ce système permettrait de mettre en lumière le lien qui existe entre les objectifs des politiques et les outils permettant de les atteindre. En fonction des ambitions déclarées de protéger la biodiversité marine dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique et de l'objectif de développement durable n° 14, un tel lien peut favoriser la désignation d'aires marines entièrement et hautement protégées, là où c'est approprié, comme le moyen le plus efficace d'atteindre les cibles de conservation mondiales et de générer les bénéfices écologiques les plus ambitieux. Recommandations 1. Application fidèle et garantie de la conformité du système de classification des aires marines protégées de l'UICN Les gouvernements et les États désignant des aires protégées devraient considérer qu'une mesure de gestion spatiale constitue une aire marine protégée uniquement si elle est conforme à la définition de l'UICN. Les gouvernements et les États devraient s'assurer que la catégorie UICN appropriée est attribuée à une aire marine et que cette information est transmise au PNUE-CMSC. En cas de zonage vertical, l'aire protégée devrait être classée dans la catégorie de gestion dotée du niveau de protection le plus faible pour la production de rapports. Un système permettant aux experts de l'UICN et aux associations membres d'évaluer les désignations d'aires marines protégées soumises au PNUE-CMSC devrait être mis en place afin de garantir la conformité à la définition de l'UICN. De plus, en cas de désignation non conforme ou d'insuffisance des informations communiquées, le gouvernement désignant l'AMP devrait avoir l'obligation de fournir davantage d'informations. 2. Clarification et renforcement du système de classification actuel de l'UICN Les États et les organismes gouvernementaux membres de l'UICN devraient s'efforcer de rationaliser le système actuel de classification des aires marines protégées de l'UICN afin de garantir la crédibilité des rapports et permettre une évaluation exacte de l'efficacité écologique des AMP. Les recommandations suivantes devraient être mises en œuvre afin de progresser vers cet objectif : Le concept d'« aire marine entièrement protégée » devrait être clairement défini. Par exemple, cette désignation ne devrait être utilisée que pour les aires protégées sans capture (catégorie UICN Ia). La définition d'« AMP hautement protégée » devrait être appliquée aux catégories Ib et II. 7
Le système de classification devrait évaluer les objectifs des décideurs politiques lors de la désignation et de la mise en œuvre de mesures de protection marine ainsi que l'impact biologique des activités autorisées au sein des aires protégées, par rapport aux réglementations existantes et à la mise en œuvre de nouvelles réglementations pour ces activités. Le système de classification devrait faire la distinction entre les aires marines protégées à usages multiples, les protections minimales/à un seule facteur, et les autres types de zones spatialement protégées qui ne satisfont pas les critères de la définition d'une aire marine protégée selon l'UICN. Le cas échéant, ces zones devraient être classées comme autres mesures de conservation efficaces. Le PNUE-CMSC devrait créer deux jeux de données distincts, l'un pour les aires marines entièrement/hautement protégées et l'autre pour les aires marines partiellement protégées. Lorsqu'une aire protégée comporte des zones à usages multiples, seule la partie de l'aire entièrement protégée doit être répertoriée comme AMP tombant sous la catégorie Ia de l'UICN. L'UICN doit étudier la relation entre les catégories de l'UICN et la conservation marine et être en mesure de prodiguer des conseils sur ce sujet. Le concept d'« utilisation modérée et non industrielle des ressources naturelles » doit être précisé par l'UICN ; ce texte est vague et laisse la place à de nombreuses interprétations. Le concept de « pêche industrielle » doit impérativement être clairement défini. Pourrait ainsi être interprétée comme pêche industrielle toute pêche commerciale qui n'est pas considérée comme « pêche artisanale ». La pêche artisanale (ou pêche traditionnelle/de subsistance) doit être considérée comme une pêche à petite échelle, à faible technologie, à faible investissement et à faible intensité pratiquée par des familles individuelles (Cochrane et Garcia 2009). Une définition détaillée est indispensable, dans la mesure où la pêche artisanale peut être très destructrice lorsqu'elle est pratiquée de manière intensive ou lorsque des technologies modernes sont utilisées (par ex., les palangres en monofilament contre la pêche à la ligne) (Hawkins et Roberts 2004 ; Mangi et Roberts 2006). La clarification des concepts de pêche industrielle et de pêche artisanale permettrait de déterminer ce qui peut ou ne peut pas tomber sous l'appellation d'aire marine protégée et à quelle catégorie appartiennent ces zones, en fonction de la définition de l'UICN. Le concept de « pêche autochtone » doit être clairement défini. La « pêche autochtone » est une définition qui prend en compte l'aspect culturel de la pêche, plutôt que le volume et les technologies de pêche. Bien que certaines pêches autochtones fassent très peu appel à la technologie et aient un faible impact, il existe plusieurs exemples de propriétaires ou de copropriétaires autochtones de sociétés de pêche industrielle. Les plans de gestion, de surveillance et de mise en application des règles doivent être communiqués par les gouvernements au moment de la désignation des AMP et être rendus publics par l'UICN afin de favoriser leur efficacité. Conclusions Pour générer les bénéfices biologiques les plus importants, lorsque cela est socialement et économiquement faisable, les décideurs politiques doivent privilégier les AMP hautement 8
protégées, étant donné qu'elles constituent le moyen le plus efficace d'atteindre les objectifs de conservation fixés par la communauté internationale. Bien que les AMP jouent un rôle indéniable dans la protection des ressources marines (tout comme la gestion durable de la pêche), l'augmentation du pourcentage de couverture des AMP ne génèrera pas nécessairement tous les bénéfices écologiques attendus si le niveau de protection n'est pas approprié. Cela pourrait conduire à des attentes irréalistes quant aux bénéfices qu'une telle protection peut offrir à la biodiversité marine et créer le sentiment erroné que les ressources marines sont protégées, tout en masquant les menaces qui pèsent sur nos océans (Plumeridge et Roberts 2017). Il est donc primordial de mettre en place des structures de gestion efficaces pour atteindre des objectifs de conservation spécifiques, qui seront étayés par des ressources appropriées de surveillance et d'application des protocoles de réglementation. La biodiversité est à l'origine d'une multitude de services et fonctions de l'écosystème (Gamfeldt et coll. 2015) essentiels à la santé et au bien-être de l'homme (Diaz et coll. 2006). Si des AMP bien gérées et entièrement ou hautement protégées contribuent à la protection de la biodiversité, à la survie des communautés côtières et à l'adaptation de la vie marine au changement climatique, il ne faut cependant pas oublier que les océans constituent un système dynamique et interconnecté. Les activités qui ont lieu en dehors des AMP, c'est-à-dire dans la grande majorité de l'espace océanique, auront les conséquences les plus néfastes pour la vie marine et les populations qui en dépendent. Pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de conservation et d'utilisation durable des océans, des AMP bien gérées doivent être combinées à la gestion efficace de toutes les zones et utilisations de l'espace océanique. Le renforcement des catégories d'aires protégées de l'UICN et l'amélioration des processus de déclaration sont des étapes essentielles qui permettront d'évaluer correctement les progrès réalisés par rapport aux objectifs de conservation et de garantir une communication efficace sur les bénéfices attendus des AMP. 9
Tableau 1 : Définitions d'une aire marine protégée Définitions d'une aire marine protégée NOAA États-Unis « Une aire marine protégée est toute zone de l'environnement marin qui a été mise en réserve par des lois ou réglementations fédérales, d'État, territoriales, tribales ou locales pour protéger de manière durable en tout ou en partie ses ressources naturelles et culturelles. » (NOAA 2000) Convention sur la diversité « On entend par "aire marine et côtière protégée" toute zone biologique 7 (Décision VII/5) située à l'intérieur ou à proximité du milieu marin, avec ses eaux sous-jacentes, la faune et la flore associées et les éléments historiques et culturels qui s'y trouvent, qui a été mise en réserve par une loi ou d'autres dispositions utiles, y compris la coutume, dans le but d'accorder à la diversité biologique marine ou côtière un degré de protection plus élevé que celui dont bénéficie le milieu environnant. Les zones marines comprennent les hauts-fonds permanents, les baies, les détroits, les lagunes, les estuaires, les lits subtidaux (lits de varech, herbiers, prairies marines tropicales), les récifs coralliens, les vasières intertidales, les bancs de sable et marais salés, les récifs coralliens de grands fonds, les cheminées sous-marines et les habitats de haute mer. » (CBD 2004) Commission pour la conservation « La CCAMLR reconnaît qu'il n'existe pas de définition unique de la faune et la flore marines de pour le terme d'Aire marine protégée (AMP), mais qu'en termes l'Antarctique (CCAMLR) généraux, une AMP est une zone marine dans laquelle les ressources naturelles font l'objet d'une protection totale ou partielle. À l'intérieur d'une AMP, certaines activités sont limitées, voire interdites, pour répondre à des objectifs spécifiques de conservation, de protection de l'habitat, de suivi de l'écosystème ou de gestion des pêcheries. Les AMP n'excluent pas forcément la pêche, la recherche ou d'autres activités anthropiques ; en fait, nombre d'entre elles sont des zones à usages multiples. Les AMP dans lesquelles aucune pêche n'est autorisée sont souvent dénommées "zones sans capture", mais d'autres activités peuvent y être permises. » (CCAMLR 2016) Commission européenne « Les zones marines protégées sont une mesure appliquée sur l'ensemble du territoire maritime européen pour protéger les espèces et habitats vulnérables. Plus précisément, il s'agit : - de zones marines géographiquement délimitées ; - dont l'objectif premier clairement déclaré est la conservation de la nature ; - et qui sont réglementées et gérées au moyen d'instruments juridiques ou d'autres moyens efficaces pour atteindre cet objectif. » (EU 2015) Organisation des Nations unies « Il existe plusieurs définitions des aires marines protégées. En 10
pour l'alimentation et l'agriculture matière de gestion des pêches, une AMP est généralement (FAO) considérée comme une zone spatio-temporelle qui offre aux ressources naturelles une protection supérieure à celle des eaux environnantes en termes de gestion de la pêche (par ex., pêcherie, écosystème ou zone constituant l'unité de gestion), c'est-à-dire une zone sans capture destinée à préserver la reproduction d'une certaine espèce de poisson ciblée par une pêcherie ou une zone où l'utilisation de certains équipements de pêche est interdite. » (FAO 2009) Commission OSPAR « Une aire marine protégée désigne une zone dans laquelle des mesures de protection, de conservation, de restauration ou de précaution ont été prises dans le but de protéger et de conserver les espèces, les habitats, les écosystèmes ou les processus écologiques du milieu marin. » (OSPAR 2003) Tableau 2 : Catégories d'aires protégées de la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l'UICN Catégories de gestion des aires protégées de la CMAP de l'UICN Catégories Définitions Exemples d'activités marines acceptées (Day et coll. 2012) Ia. Réserve naturelle Aires protégées qui sont mises en réserve pour Activités de recherche intégrale protéger la biodiversité ainsi non extractives, qu'éventuellement, des caractéristiques utilisation traditionnelle géologiques/géomorphologiques, où les non extractive, visites, l'utilisation et les impacts humains sont restauration ou strictement contrôlés et limités pour garantir la amélioration à des fins protection des valeurs de conservation de conservation Ib. Zone de nature Vastes aires intactes ou légèrement modifiées, Exploitation durable sauvage qui ont conservé leur caractère et leur des ressources par les influence naturels, sans habitations humaines populations permanentes ou significatives, qui sont autochtones afin de protégées et gérées aux fins de préserver leur préserver leurs valeurs état naturel culturelles et spirituelles traditionnelles II. Parc national Vastes espaces naturels ou quasi naturels mis Pêche traditionnelle en réserve pour protéger des processus conforme aux pratiques écologiques de grande échelle, ainsi que les culturelles, tourisme à espèces et les caractéristiques des écosystèmes grande échelle de faible de la région, qui fournissent aussi une base intensité, transport pour des opportunités de visites de nature maritime et gestion des spirituelle, scientifique, éducative et récréative, problèmes engendrés 11
dans le respect de l'environnement et de la par la faune sauvage culture des communautés locales III. Monument ou Mise en réserve d'un monument naturel Pêche traditionnelle élément naturel spécifique, qui peut être un relief, un mont conforme aux pratiques sous-marin, une cavité sous-marine, un culturelles, tourisme à élément géologique comme une grotte, ou grande échelle de faible encore une formation vivante comme un récif intensité, transport corallien spécifique maritime et gestion des problèmes engendrés par la faune sauvage IV. Aire de gestion des Ces aires visent à protéger des espèces ou des Pêche récréative et habitats ou des espèces habitats particuliers, et leur gestion reflète pêche locale durable, cette priorité. De nombreuses aires protégées aquaculture, travaux de la catégorie IV ont besoin d'interventions tels que le dragage régulières et actives pour répondre aux (toutes les activités exigences d'espèces particulières ou pour mentionnées ci-dessus maintenir des habitats, mais cela n'est pas une si elles sont compatibles exigence de la catégorie. avec les objectifs de l'AMP) V. Paysage terrestre ou Aires protégées où l'interaction des hommes et Décharge de déchets marin protégé de la nature a produit, au fil du temps, une non traités, extraction zone qui possède un caractère distinct, avec minière sous-marine, des valeurs écologiques, biologiques, pratiques de pêche à culturelles et paysagères considérables, et où long terme et durables, la sauvegarde de l'intégrité de cette interaction aquaculture est vitale pour protéger et maintenir l'aire, la conservation de la nature associée ainsi que d'autres valeurs VI. Aire protégée avec Les aires protégées de la catégorie VI Exploitation minière utilisation durable des préservent des écosystèmes et des habitats, des fonds marin, pêche ressources naturelles ainsi que les valeurs culturelles et les systèmes commerciale (par ex., le de gestion des ressources naturelles dragage et le chalutage) traditionnelles qui y sont associés. Elles sont généralement vastes, et la plus grande partie de leur superficie présente des conditions naturelles ; une certaine proportion est soumise à une gestion durable des ressources naturelles où une utilisation modérée des ressources naturelles, non industrielle et compatible avec la conservation de la nature, est considérée comme l'un des objectifs principaux de l'aire. Tableau 3 : Objectifs mondiaux des aires marines protégées 12
Objectifs mondiaux des aires marines protégées Objectif Échéance Protection applicable Convention sur la diversité > 10 % 2020 « Réseaux écologiquement biologique - Objectif 11 d'AICHI représentatifs et bien reliés d'aires protégées gérées Lors de la dixième Conférence des efficacement et équitablement et parties à la Convention sur la d'autres mesures de diversité biologique qui s'est tenue conservation efficaces par zone, au Japon en 2010, les 193 pays et intégrées dans l'ensemble du signataires ont adopté un Plan paysage terrestre et marin » stratégique pour la biodiversité révisé et mis à jour, incluant notamment les objectifs d'Aichi. Objectif de développement > 10 % 2020 Objectif 14.5 : « D'ici à 2020, durable 14 préserver au moins 10 % des zones marines et côtières, En 2015, les États membres des conformément au droit Nations unies ont adopté une série national et international et de 17 objectifs de développement compte tenu des meilleures durable qui sont entrés en vigueur informations scientifiques en 2016. L'objectif de disponibles » développement durable 14 est de « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ». Congrès mondial de la nature de > 30 % 2030 « Un espace géographique l'UICN 2016 clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d'assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés » 13
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