Référentiel à destination des professionnels de santé - Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ?
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Violences au sein du couple : les enfants en souffrance Référentiel à destination des professionnels de santé Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ? FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)
Ce référentiel à destination des professionnels de santé a été rédigé en 2 tomes. Ces 2 tomes sont compilés dans ce pdf. Leur accès est possible via cette page d’acceuil et via les tables des matières interactives
Violences au sein du couple : les enfants en souffrance TOME 1 Repères Repères théoriques et cliniques TOME 1 théoriques Comment détecter ? et cliniques Comment accompagner ? Comment orienter ? FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB) > Vers table des matières TOME 1 Violences au sein du couple : les enfants en souffrance TOME 2 Outils Outils d’aide d’aide à la pratique TOME 2 à la pratique Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ? FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB) > Vers liste des outils TOME 2 > Vers liste des fiches TOME 2
Violences au sein du couple : les enfants en souffrance Repères TOME 1 théoriques et cliniques Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ? FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)
« Violences au sein du couple : les enfants en souffrance. Référentiel à destination des professionnels de santé. Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ? » Tome 1 : Repères théoriques et cliniques Tome 2 : Outils d’aide à la pratique Réalisé avec le soutien du Fonds Houtman (ONE) Auteur Anne-Marie Offermans, Sociologue, Formatrice en milieu hospitalier et en médecine générale Equipe de recherche Anne-Marie Offermans (Sociologue, Maître d’enseignement), Michel Roland (Médecin généraliste, DMG ULB Professeur émérite), Nadine Kacenelenbogen (Médecin généraliste, Chargée de cours) Appui rédactionnel Question Santé Asbl Processus de validation Stéphanie Deblaer (Sage-femme, CHU Brugmann), Gillian Douglas (Travailleuse médico-sociale, ONE-CHU Saint-Pierre), Charlotte Graindorge (Médecin généraliste, Maison Médicale Cité Santé), Isabelle Jeanjot (Gynécologue, CHU Saint-Pierre), Solange Kouo Epa (Pédiatre, Consultations ONE), Sophie Leclercq (Travailleuse médico-sociale, ONE-CHU Brugmann), Estelle Oiry (Sage-femme, CHU Brugmann), Catherine Preux (Pédiatre, CHU Saint-Pierre), Marie Vandenput (Travailleuse médico-sociale, Consultations ONE), Martine Vanderkam (Sage-femme, CHU Saint-Pierre) Relecture Luc Schreiden (Psychologue-psychothérapeute), Martine Content-Dupont (Psychothérapeute) Graphisme Marie-Noëlle Jacmin - www.ligne33.be Impression Imprimerie Graphius Bruxelles, septembre 2017 © Fonds Houtman (ONE) • Dépôt légal : D/2017/7730/2 Document disponible à la demande et téléchargeable sur les sites http://fondshoutman.be/cahiers/ (Cahiers 23) et www.dmgulb.be Pour de plus amples informations sur les projets soutenus par le Fonds Houtman : 0032 2 543 11 71 ou info@fondshoutman.be —2—
La construction du référentiel Ce référentiel a été élaboré par le Département de Mé- Il répond à un objectif principal : soutenir les profes- decine Générale de l’ULB à l’initiative du Fonds Houtman sionnels de santé dans la détection précoce et l’accom- (ONE), soucieux de créer des synergies avec tous ceux, pagnement des familles concernées, qu’ils soient méde- scientifiques et professionnels de terrain, qui sont préoc- cins généralistes, gynécologues, obstétriciens, pédiatres, cupés par le bien-être et le devenir du jeune enfant et de pédopsychiatres, sages-femmes, travailleurs médico- sa famille. sociaux (TMS) de l’ONE, psychologues, kinésithérapeutes, assistants sociaux ou encore tout acteur impliqué dans Il se base sur la méthodologie suivante : la problématique. •U ne revue systématique de la littérature relative aux impacts des violences conjugales sur la santé des Il a comme porte d’entrée les parents, en gardant à personnes concernées et sur les interventions efficaces l’esprit que ce sont les enfants in utero et âgés de moins en la matière. de 4 ans qui sont visés in fine. L’enfant exposé se définit • L ’analyse de « focus-groups multidisciplinaires » de comme celui qui est témoin oculaire ou auditif des épi- praticiens impliqués dans l’étude clinique réalisée dans sodes de violence entre ses parents ou encore s’inquiète le cadre de ce projet de recherche (CHU Brugmann et des conséquences de la violence sans l’avoir vue ni enten- CHU Saint-Pierre) ou accompagnant ces familles sur le due (constat de blessures, récit du parent, intervention long cours. policière ...) et vit dans la peur (NICE 2014). • L ’appui d’une équipe externe chargée de communica- tion en promotion de la santé. Comment l'utiliser ? Le professionnel de santé aura à sa disposition : Violences Des repères théoriques et cliniques auxquels il peut faire au sein du couples: référence dans sa pratique et y trouver des pistes pour : les enfant nce en souffra Repères TOME 1 - Baliser ce que sont les violences au sein du couple. ques théoriques et clini Comment déte Comment acco cter ? mpagner ? ter ? - F avoriser la détection précoce en consultation sur base Comment orien de signaux et symptômes avertisseurs. - Offrir un accompagnement approprié. FONDS HOUTMA N (ONE) • DÉPAR TEMENT DE MÉD ECINE G ÉNÉRAL E (ULB) - Gérer ces situations dans une optique multidisciplinaire. Des outils d’aide à la pratique qui peuvent être utilisés Violences au sein lors d’un entretien avec le(s) parent(s) d’enfants du couples: les enfant nce en souffra in utéro ou âgés de moins de 4 ans. Outils d’aide à la prat ique TOME 2 - L es outils constituent, pour le professionnel de santé, un soutien dans Comment déte Comment acco cter ? mpagner ? ter ? le processus de détection et d’accompagnement des familles concernées. Comment orien - L es fiches permettent d’ouvrir un espace d’échanges autour de la dynamique des violences et de leur impact sur l’avenir des enfants, quelle que soit l’énergie HOUTMA N (ONE) • DÉPAR TEMENT DE MÉD ECINE G ÉNÉRAL E (ULB) mise en œuvre par le(s) parent(s) pour les tenir à distance de celles-ci. Elles FONDS sont également un levier pour la mise en place d’un changement. —3—
Table des matières La construction du référentiel.................................................................................................................. 3 Comment l’utiliser ?..................................................................................................................................................................... 3 1. Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?..................................... 5 Les violences au sein du couple, c’est différent des conflits . ...................................................................................... 5 Le cycle et l’escalade des violences . .............................................................................................................................. 5 Les formes de violences . ................................................................................................................................................. 7 Quelques chiffres . ............................................................................................................................................................ 8 Les impacts sur la santé des enfants . ............................................................................................................................ 8 2. Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?. ............................................................................................... 11 Trois prérequis à la démarche diagnostique.................................................................................................................. 11 La démarche diagnostique .............................................................................................................................................. 11 Des conditions à respecter............................................................................................................................................... 13 Les éléments d’attention pour le diagnostic.................................................................................................................. 13 Les attitudes à développer en cas de révélation des violences . ................................................................................. 15 Les attitudes à développer en cas de déni/minimisation des violences..................................................................... 16 La démarche est-elle bien acceptée et efficiente ?....................................................................................................... 17 3. Quel accompagnement puis-je proposer ?.................................................................... 18 Informer.............................................................................................................................................................................. 18 Evaluer la situation de violences en termes de risque/protection . ............................................................................ 19 Elaborer des mesures de protection............................................................................................................................... 20 Ouvrir le dialogue avec le parent auteur de violences . ............................................................................................... 20 Soutenir la parentalité ..................................................................................................................................................... 21 Assurer la continuité des soins........................................................................................................................................ 21 Documenter la situation................................................................................................................................................... 22 4. Sur quelles ressources puis-je m’appuyer ?.................................................................. 23 Le réseau d’intervenants en santé . ................................................................................................................................ 23 Les outils informatiques................................................................................................................................................... 23 La formation . .................................................................................................................................................................... 24 Bibliographie. ............................................................................................................................................................... 25 Annexe.................................................................................................................................................................................. 27 —4—
Les violences au sein du couple : de quoi 1 Ce n’est pas toujours là où on croit qu’il y a des violences. parle-t-on ? Parfois, on nous dit que tout va bien et puis en fait, on se retrouve face à des choses comme ça. (Gynécologue) Les violences au sein Sans contester le fait que les conflits conju- du couple, c’est différent gaux peuvent avoir un impact sur l’enfant, des conflits distinguer ces deux notions est essentiel car elles n’induisent pas le même type de réponse Le conflit consiste en un désaccord avec di- à apporter aux familles. vergence de points de vue sur des besoins, des choix de vie, des valeurs entre les deux parte- naires du couple. Chacun va tenter de persua- der, de convaincre l’autre qu’il a raison, parfois Le cycle et l’escalade même avec insistance. Il va défendre sa position des violences en l’argumentant, sans que la peur détermine Les violences au sein du couple surviennent qui sera le gagnant. Le conflit est générale- rarement seules, elles ont tendance à se répé- ment ponctuel avec, à la clé, une recherche de ter et à devenir chroniques. Un cycle a été mis solutions. Il peut néanmoins évoluer en mé- en évidence dans la littérature et apporte une sententes temporaires, voire récurrentes. clé de lecture face aux inconstances et ambiva- lences dans la demande d’aide. Ce cycle décrit Les violences au sein du couple sont un en- une dynamique relationnelle dans laquelle les semble de comportements, d’attitudes et de pa- deux partenaires sont impliqués et qui com- roles de l’un des partenaires ou ex-partenaires porte quatre moments-clés (>> Voir Support qui vise à contrôler et à prendre le pouvoir au dialogue - Fiche 1) : sur l’autre. Il n’y a pas des interlocuteurs mais un seul en position haute (« il n’y a que moi et moi »). L’autre est traité comme un objet. Il n’y a pas de place pour la négociation, la prise de Les 4 moments-clés : décision en commun et les conflits sont un pré- 1. Les tensions dans le couple texte pour mettre l’autre en échec. Ces violences 2. L’épisode de violences s’expriment souvent de façon cyclique avec un 3. La « justification » moment-pivot, celui des justifications de l’au- 4. La « lune de miel » teur, qui se déresponsabilise et participe à la légi- timité et la banalisation des actes violents. Avec le temps, les violences s’intensifient et ont ten- dance à devenir chroniques (voir point suivant). —5—
Le cycle des violences : les 4 moments-clés 1. Une période caractérisée par des tensions Les partenaires deviennent comme dépen- dans le couple (hyper-contrôle, lourds silences, dants de ce cercle vicieux, les moments d’ac- bouderie...) qui s’accentuent progressivement, calmie et de réconciliation étant de plus en plus créant un climat de peur et d’insécurité au sein rares. de la cellule familiale. La personne victime tente 1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ? C’est dans ce climat marqué par l’insécuri- de satisfaire au mieux les désidératas de son/sa té, les liens malmenés, la menace et les pas- partenaire. sages à l’acte que l’enfant est amené à grandir. 2. L’épisode de violences psychologiques, Il ne s’agit donc pas de la simple dispute dans physiques et/ou sexuelles qui place la personne un couple, comme pourraient nous le faire croire victime et ses enfants en état de choc assorti d’un certaines personnes concernées, mais d’un pro- sentiment de colère ou de tristesse. C’est souvent cessus relationnel fonctionnant à la manière lors d’une de ces « crises » que ces violences sont d’un engrenage qui, une fois mis en place, révélées au monde extérieur et notamment aux produit les conditions de son maintien. professionnels de santé. C’est en effet à cette Nous sommes donc en présence d’une spirale occasion que l’aide de tiers est le plus souvent où la fin de chaque boucle accomplie génère sollicitée. un risque d’intensification de la violence. Au 3. La « justification » de l’auteur qui tente début de l’histoire du couple, ce ne seront sans d’expliquer ses actes en reportant la responsa- doute que certaines conduites exagérées de l’un bilité sur son/sa partenaire. Il tente de rendre qui seront mal vécues par l’autre, avec une ten- « acceptable » la portée de ses comportements dance à les excuser et sans pour autant qu’un et d’éviter ainsi d’en assumer les conséquences. changement soit réclamé. Ainsi s’amorce une Cette stratégie de justification peut prendre des relation où l’un va progressivement prendre le colorations différentes : « C’est de ta faute », « Tu pouvoir, et l’autre s’en accommodera avec sou- m’as provoqué », « J’ai eu une enfance malheu- vent comme espoir de conserver le lien. Avec reuse »… A terme, elle vise à banaliser ou norma- le temps, le rapport de force aura tendance à liser les violences auxquelles l’auteur a recours. se cristalliser, avec un partenaire en position de De son côté, la personne victime développe « dominant » manifestant des comportements souvent des sentiments complémentaires de qui laissent à penser que l’autre est devenu culpabilité. Chez l’enfant, les arguments justifica- son « objet ». Dans ce schéma, les actes de tifs avancés par les parents génèrent des doutes violence seront de plus en plus agressifs avec et de la confusion. des conséquences de plus en plus lourdes pour la personne victime (perte d’estime de soi et 4. La « lune de miel » ou la phase d’amour d’autonomie, isolement, stress chronique, sé- et de pardon pendant laquelle l’auteur de vio- quelles physiques…), raison pour laquelle on lences se montre particulièrement attentionné. parle à juste titre d’« escalade de la violence ». C’est une période d’espoir, de retour au mythe (>> Voir Support au dialogue - Fiche 3) fondateur du couple ou de la famille qui permet au système familial de se maintenir. —6—
Verbale et Psychologique Economique et Administrative Insultes, obscénités, injures à caractère sexuel Contrôle des ressources financières et 1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ? ou encore sarcasmes sur la personne matérielles allant jusqu’à la privation, elle-même ou sur les enfants. au détournement de salaires, de biens, d’allocations familiales, contrainte au travail Attitudes ou propos méprisants, au-delà de son endurance, opposition réflexions insidieuses sur son physique, à la recherche d’emploi ou au retour ses vêtements, ses fréquentations…, chantages à l’emploi après un congé parental, affectifs, humiliations, culpabilisations, refus d’accès au système de santé, intimidations, réactions d’indifférence, interdiction des dépenses liées à l’enfant menaces de lui enlever les enfants, de la tuer…, harcèlements autour du droit de visite, Confiscation de documents (carte d’identité, dévalorisations dans son rôle de parent. permis de conduire, permis de séjour…). Les formes de Violences Isolement, limitation de Bousculades, gifles, coups de pieds ou sa participation aux activités, de poings dans le ventre, brûlures, morsures, surveillance de ses allées/venues, jets d’objets au visage, utilisation d’arme contrôle de ses contacts téléphoniques blanche, à feu, strangulation, séquestration. ou sur les réseaux sociaux, Obligation de rapport sexuel en utilisant humiliation en public, des pressions, du chantage, viol, blessures interdiction de fréquenter les soins périnatals. sur les parties sexuelles ou génitales, pratiques Sociale et Familiale imposées (photos ou vidéos, lors de rapport sexuel, avec plusieurs partenaires). Physique et Sexuelle —7—
Quelques chiffres… Les impacts sur la santé des enfants • L es violences au sein du couple sont largement L’exposition aux violences au sein répandues et souvent dissimulées. La dernière en- du couple affecte la santé des enfants quête nationale belge révèle que 1 femme sur 20 à tout âge, même in utéro. (de 18 à 75 ans) a vécu des situations de violences conjugales « très graves » au cours des 12 derniers mois ; près de 2 hommes sur 100 se retrouvent dans ces mêmes situations (Pieters 2010). 1. Enfant in utéro (>> Voir Support au dialogue - Fiche 4) • E lles surviennent dans tous les milieux et Les recherches actuelles sur les trauma- classes sociales indépendamment du niveau tismes infantiles pendant la période périna- de formation, de l’appartenance ethnique et tale démontrent un impact au niveau cérébral. religieuse, des revenus, de l’âge et de l’orientation Le stress précoce - associé à des taux élevés de sexuelle. Toutefois, le jeune âge, les addictions, cortisol - peut influer l’organisation structurelle les problèmes économiques constituent du cerveau. Ces modifications entraînent une des facteurs de vulnérabilité. altération du développement des fonctions intellectuelles et du développement physique, • L a grossesse est considérée comme une période des troubles du système de l’affectivité, des à risque. En Belgique, les études réalisées émotions et de la mémoire (Moureau 2016). en maternité évaluent entre 3,4% et 11% la prévalence des violences autour de la grossesse En connexion physiologique permanente avec (Roelens 2009, Jeanjot 2008). sa mère, le fœtus, comme elle, est en état de stress chronique : une perturbation de ses mou- • L e seul fait acquis, et qui semble le plus solide vements (agitation ou manque de réaction) est prédicteur, c’est la préexistence d’une histoire de dès lors observée. violences dans le couple. Celle-ci risque fort de se Les études sur les violences subies pendant la poursuivre tout au long de la période périnatale grossesse attestent que la prématurité et le petit tout en sachant que la forme, la fréquence et poids à la naissance en sont les conséquences la sévérité peuvent évoluer avec le temps. les plus significativement associées (Sha 2010, Wathen 2012). • T oujours, selon l’enquête nationale, les enfants furent témoins dans plus de 40% des cas On relève également, pour le fœtus, les risques de violences conjugales déclarées au cours encourus suivants : avortement spontané, hé- des 12 derniers mois (Pieters 2010). morragie, voire rupture utérine, décollement prématuré du placenta, suivis de souffrance et • C ’est aussi lors des situations de violences parfois de mort fœtale (Severac 2012). graves (48,8%) ou très graves (43%) que les enfants sont les plus présents (Pieters 2010). •D ’autres études signalent que 10% d’entre 2. Enfant de moins de 2 ans eux deviennent des victimes directes (>> Voir Support au dialogue - Fiche 5) (Offermans 2010). Après l’accouchement, le mal-être de la mère peut se traduire par une carence ou une absence • L e tout jeune âge de l’enfant apparaît comme de soins à l’égard de son enfant et ce d’autant un facteur de risque supplémentaire étant plus que, selon la dernière revue systématique sur donné la grande dépendance physique, les troubles mentaux périnataux (Howard 2013), psychique et émotionnelle du nouveau-né à l’égard de ses parents. —8—
la violence autour de la grossesse multiplie par les deux premières années de vie : un risque trois le risque de dépression du post-partum. de retard de croissance à deux ans ainsi qu’une petite taille à sept ans et à l’âge adulte. L’exposition aux violences perturbe les pro- cessus d’attachement, entraînant des dysfonc- A ce tableau clinique, s’ajoute toute une liste 1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ? tionnements comportementaux (Severac 2012). de troubles psychosomatiques au niveau ORL, Le bébé risque de se trouver face à des parents dermatologique, gastro-intestinal et respiratoire « trop pris » dans l’engrenage de la violence, (Ovaere 2007). peu disponibles à décrypter ses rythmes et ses Des problèmes d’apprentissage apparaissent besoins et également avec peu d’énergie pour y également car la peur et l’insécurité inhibent la répondre. Il peut alors perdre intérêt pour son découverte de l’environnement – tâche majeure environnement, anesthésier ses besoins et si- de développement entre 6 et 18 mois - d’autant gnaux de manque, ne plus faire de bruit, devenir que l’exploration et le jeu seront peu encoura- triste et apathique. gés par les parents et que l’enfant sera souvent A l’inverse, ses pleurs peuvent devenir de instrumentalisé et utilisé comme objet de justi- plus en plus fréquents, de plus en plus durables. fication du recours à la violence (Severac 2012). Dans le chaos de la violence, les parents n’ar- D’autres études rapportent un suivi médical rivent pas à le sécuriser, se sentent disqualifiés aléatoire, un taux de vaccination moins élevé et peuvent devenir maltraitants (voir syndrome et davantage de consultations aux urgences du bébé secoué). (Bair-Merritt 2006). Une autre répercussion relevée dans la re- vue de littérature (Evans 2008) est l’apparition de symptômes post-traumatiques tels un état 3. Enfant de 2 à 4 ans d’hypervigilance, des cauchemars, des sursauts (>> Voir Support au dialogue - Fiche 6) à répétition. En effet, le jeune enfant perçoit des éléments menaçants de manière récurrente Les conséquences de la violence au sein du (portage ou gestes brusques, bruits soudains, couple sur l’enfant qui grandit se modulent dif- cris) et ressent très probablement une angoisse féremment selon l’âge. intense face à des actes de destruction et à la Dans sa relation à l’autre, l’enfant d’âge dégradation de ses deux figures parentales. Il a préscolaire peut être en retrait, avoir l’air triste, peut-être même assisté à des épisodes de vio- voire dépressif pensant qu’il est pour quelque lences durant lesquels un de ses parents a pu chose dans les épisodes de violence, qu’il les a être gravement blessé, voire perdre la vie. Plus causés par ses actes ou sa présence. A contrario, souvent à domicile que ses aînés, le tout-petit il peut se montrer rejetant, agressif notamment court aussi plus de risques de blessures et de à l’égard de ses condisciples en milieu d’accueil, décès. reproduisant les comportements observés au En lien direct avec les troubles de l’atta- sein de la cellule familiale. En effet, selon la chement et le traumatisme de l’exposition méta-analyse d’Evans (2008), l’exposition aux aux violences, les troubles du sommeil et de violences augmente de manière significative l’alimentation sont largement documentés. le processus d’intériorisation et d’extériorisa- D’après la revue systématique de Yount (2011), tion de la problématique - près de quatre fois la croissance des enfants en est affectée dans d’après l’étude longitudinale de Martinez-Torteya —9—
(2009). Par ricochet, ce processus a un impact à ce système familial dysfonctionnel (Stanley sur la socialisation de l’enfant ; celui-ci intègre 2011). C’est le cas de 31% à 56% parmi ces en- des modèles violents de résolution de conflit et fants en âge préscolaire qui ont bénéficié de d’interactions sociales accompagnées de repré- facteurs protecteurs comme un tempérament sentations biaisées du rapport homme/femme. facile, une mère non dépressive, un parent 1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ? gardien, une amitié solide… (Martinez-Torteya Au niveau physique, on note différents 2009). signes comme des troubles du sommeil, de l’alimentation, des symptômes psychosoma- tiques (eczéma, asthme, infections à répéti- tion…) et des douleurs en tout genre (maux de ventre, de tête…). Messages-clés Du point de vue de son développement psycho-émotionnel, le fait que l’enfant soit La forte prévalence des violences au confronté à la violence entre ses parents au sein du couple, les conséquences moment où il apprend à réguler ses émotions, importantes sur la santé des personnes peut l’amener à adopter des modalités d’ex- concernées ainsi que la dynamique pression inadaptées desdites émotions et no- d’aggravation et la loi du silence tamment de la colère (Severac 2012). caractéristiques de ces situations confirment la nécessité d’une Sur le plan des apprentissages, le stress im- détection précoce. Cette détection portant généré par le contexte de tensions et de précoce permettrait d’éviter bon violences au sein de la famille peut compromettre nombre de situations de violences les compétences verbales conduisant à des déjà enkystées dans un haut degré troubles du développement du langage - surtout de gravité avec un rapport dominant/ en cas de dépression maternelle - associé à un dominé. Cette prévention laisserait la déficit de stimulation intellectuelle et sensorielle place à une intervention autre que la (Hungeford 2012). Il peut aussi manifester sa dif- mise à l’abri de la famille et l’exclusion ficulté à se séparer en restant « collé » contre sa d’emblée de l’auteur de violences. mère, en s’agrippant, en refusant d’aller à l’école, Ce serait aussi le moyen privilégié ce qui traduit son insécurité. d’identifier la maltraitance à l’égard Les impacts décrits in utéro et jusqu’à l’âge des enfants et ainsi de les protéger. de 4 ans seront d’autant plus graves que l’ex- position aux violences s’inscrit dans la durée et qu’existeront concomitamment d’autres fac- teurs, à savoir des maltraitances directes, de la négligence, un isolement social ou familial ainsi qu’une absence de soutien et de prise en charge. Si des effets négatifs tels la dépression peuvent effectivement perdurer à l’âge adulte, souli- gnons que les enfants exposés à ces violences, dans un pourcentage significatif, feront preuve de résilience et donc vont se reconstruire face — 10 —
Comment puis-je détecter précocement les situations 2 Au départ, c’est quelque chose qui commence par de la violence de violences au sein psychologique et qui va parfois déboucher sur des choses du couple ? beaucoup plus graves. Je pense que le diagnostic, il faut le faire dès que possible. (Gynécologue) Trois prérequis à la démarche La démarche diagnostique diagnostique On ne trouve Le premier : s’autoriser à penser à la vio- que ce lence comme diagnostic est indispensable. Au début, on était très scolaires parce qu’on que l’on La peur, le silence et l’ambivalence caracté- n’avait pas l’habitude. Donc on était très cherche ristiques chez les personnes victimes rendent attachées à notre questionnaire, on posait ce réflexe d’autant plus capital. En effet, elles vraiment les questions les unes après les autres. n’identifient pas toujours la violence ou la mi- Parfois donc, les patientes nous regardaient nimisent, elles ont honte et se culpabilisent un peu bizarrement, l’air de dire : « Qu’est-ce qu’elle est en train d’écrire ? ». Maintenant, on très souvent. Elles sont encore dans l’espoir a plus l’habitude. On pose les questions, mais que les choses changent ou que la présence pas forcément dans l’ordre du questionnaire, d’un enfant arrangera tout. Souvent, elles ne pour que ça passe dans une discussion sans souhaitent pas être la cause de l’éclatement qu’elles se sentent pistées. (Sage-femme) familial et peuvent avoir peur des représailles ou des conséquences d’une révélation comme le fait que leur enfant leur soit retiré. La démarche consiste à interroger à par- Le second : disposer dans la salle d’attente, tir de questions ouvertes sur la vie à la maison dans le bureau et les salles (accouchement, mo- jusqu’à nommer des actes concrets de vio- nitoring) ou mieux encore, dans les toilettes, des lences, en passant par des questions plus spé- affiches ou du matériel pédagogique informant cifiques (plus fermées) sur la relation au sein du sur les violences au sein du couple constitue couple et de la famille. Les portes d’entrée à ce un signal de l’attention portée au problème par questionnement en entonnoir sont diverses et les professionnels de santé ; cela aidera les per- varient en fonction du contexte. sonnes concernées à se confier. Le troisième : construire un réseau de col- laboration est fondamental. Une intervention multidisciplinaire permet d’apporter aux fa- milles un éventail de solutions ainsi que de sou- tenir le professionnel pratiquant en solo. — 11 —
QUESTIONS OUVERTES SUR… 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ? CONTRACEPTION PERCEPTION MAL-ÊTRE RETOUR SYMPTÔMES/ ET DE LA GROSSESSE OU ORIGINE À COMPORTEMENT GROSSESSE PAR DES PLAINTES LA MAISON DE L’ENFANT L’ENTOURAGE EN TOUT GENRE À LA CRÈCHE « Comment avez- « Comment « Comment vous « Et le papa, « Tiens, ça se passe vous appris votre la grossesse est-elle sentez-vous ? », il vous comme ça grossesse ? » accueillie par votre « Qu’est-ce qui vous soutient ? » à la crèche ? » entourage ? » stresse, vous préoccupe ? » « Comment cela se passe à la maison ?... » « Y a-t-il des tensions particulières en ce moment dans votre entourage ?… » SI DES DIFFICULTÉS RELATIONNELLES SE CONFIRMENT « Quand il y a des désaccords, des disputes, comment cela se règle-t-il ? Pouvez-vous me donner des exemples ? » QUESTIONS FACTUELLES FERMÉES « Est-ce que vous avez déjà été humilié(e), … bousculé(e), ... frappé(e), … (>> Voir Support menacé(e), … contraint(e), … avez-vous peur de votre partenaire ?… » au dialogue - Fiche 2) Est-ce la première fois que vous en parlez ? Si non, à qui en avez-vous parlé ? et que vous a-t-on répondu ? — 12 —
« Comment avez-vous appris votre grossesse ? ». Avec le contexte dans lequel la grossesse est survenue, on apprend déjà beaucoup de choses. « Et Monsieur, comment a-t-il réagi ? ». Elles me répondent. Ensuite, je leur dis que la grossesse est une période qui n’est pas évidente, que je le sais. Parfois, quand il y a eu 1. Facteurs de risque prédisposant des grossesses rapprochées, je dis en plus : « Vous avez un petit à l’émergence des violences ou en bas âge, comment ça se passe à la maison avec Monsieur ? Est-ce que Monsieur est content aussi de la grossesse ? ». Souvent, à l’aggravation de celles-ci elles répondent : « Tout va bien ». Ou alors, elles disent : « Non, Les facteurs ci-dessus décrivent une corréla- c’est difficile ». A ce moment, je demande : « Est-ce qu’il y a des tensions entre vous ? Vous diriez souvent, parfois, rarement ? ». tion statistique sans preuve de causalité. Il n’y Si c’est rarement, on arrête là l’entretien. Si c’est souvent, alors a donc pas lieu de stigmatiser certains groupes je leur dis : « Les tensions, c’est des disputes … sur quoi est-ce que sociaux ou culturels tant cette problématique vous vous disputez ? Est-ce que c’est sur le « T’as pas rangé tes est largement répandue. chaussettes ? », « T’as pas sorti les poubelles ? » ou « Est-ce que • Jeune âge (moins de 25 ans) ça va plus loin ? » Et voilà, on progresse comme ça. (Sage-femme) • Faible niveau socio-économique • Faible niveau d’instruction Des conditions à respecter • Chômage Le questionnement progressif à propos des • Isolement violences subies est réalisé pendant l’anamnèse. Il importe de poser ces questions en privé, sans • Grossesse non désirée ou imprévue personne d’autre (donc sans le/la conjoint(e)), • Dépression même un enfant (à l’exception du nourrisson). Il peut aussi être nécessaire de prendre des dis- • Dépression post-partum positions particulières s’il s’agit de personnes • Addictions issues de l’immigration (par exemple, être du même sexe que la personne victime, s’assurer • Maladies de longue durée ou handicaps de la présence d’un interprète autre qu’un • Problèmes de santé mentale membre ou ami de la famille). • A ntécédents de violences durant l’enfance ou durant la vie Les éléments d’attention • Difficultés de couple pour le diagnostic • Période de séparation/divorce L’important est, comme le recommande l’OMS (2013), d’identifier un faisceau de pré- somptions des violences au sein du couple Un signe qu’il conviendra de confirmer ou d’exclure sur isolé ne base des facteurs, signes/symptômes et indices constitue décrits ci-dessous. Notons que ces différents pas une éléments ont été identifiés au départ d’études preuve réalisées auprès de la population féminine, celle-ci étant plus à risque d’être victime de violences de la part de leur partenaire. — 13 —
Je pense aux tout-petits, aux nourrissons qui peuvent couper le contact visuel, des enfants qui ne fixent pas. On n’arrive pas à capter le regard. Ça, c’est toujours très inquiétant. Ce peut être un signe de dépression chez le nourrisson… 2. Signes et symptômes Des enfants qui crient tout le temps, des nourrissons qui potentiellement révélateurs pleurent sans arrêt. On voit les mamans qui prennent les nourrissons et elles n’arrivent pas à les apaiser… Je pense de la présence de violences encore à une mauvaise prise de poids, une cassure de la courbe de croissance, ça, c’est un signe grave. N’importe quel 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ? au sein du couple signe somatique, de la diarrhée qui apparaît, des infections à répétition : je trouve qu’il faut être vraiment très, très attentif chez les tout-petits à des choses comme ça. (Pédiatre) Chez la femme enceinte Chez la mère • Grossesse non désirée, interruption volontaire • Dépression du post-partum de grossesse, fausse couche • Troubles gynécologiques (douleurs pelviennes, • Suivi aléatoire ou tardif de grossesse dysfonction sexuelle, infection urinaire • Chutes inexpliquées à répétition,…) • Hospitalisation plus fréquente • Pathologies liées au stress (troubles du sommeil, de l’alimentation) • Dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique (PTSD) • Addictions • Lésions traumatiques (coups à l’étage abdominal sans trace visible à l’examen clinique) • Troubles gastro-intestinaux chroniques et inexpliqués • Douleurs chroniques d’origine inexpliquée In utéro Chez l’enfant âgé de moins de 2 ans Chez l’enfant de 2 à 4 ans • Stress chronique • Attitude de retrait, d’immobilisme • Lésions traumatiques • Prématurité • Hypervigilance • Repli sur soi, perte d’intérêt • Complications • Pleurs incessants ou inexpliqués pour l’entourage fœtales • Comportements « collants » • Comportements violents à l’égard • Petit poids • Troubles du sommeil, de l’alimentation de la mère et des condisciples à la naissance • Perte de poids ou cassure • Crise de colère, agitation constante de la courbe de croissance • Hypervigilance, troubles du sommeil • Pathologies psychosomatiques et de l’alimentation, symptômes (diarrhée, infections à répétition) psychosomatiques • Difficultés d’apprentissage 3. Autres indices importants évocateurs de violences Quand on est face à ce genre de situations, très vite on se sent un peu plus tendu. Ou bien, j’ai mal au ventre ou bien, au sein du couple dès le départ, je me sens stressée. Je me dis : « Qu’est-ce qui nous arrive ? ». Alors, d’emblée, je tends des perches aux parents. Et souvent, ça confirme ce que je ressens. (Pédiatre) — 14 —
Chez la personne victime Chez l’auteur de violences • Prise de parole difficile • Envahit tout l’espace de parole (répond à la place • Expressions reflétant un sentiment d’insécurité de la personne victime aux questions posées) (regard fuyant, difficulté à s’installer dans le fauteuil) • Impose sa présence systématiquement 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ? • Auto-dévalorisation lors des consultations • Recherche constante de l’approbation du(e)/de la • Minimise les plaintes de la personne victime, en conjoint(e) la critiquant, en la dévalorisant en tant que parent • Interruptions de la consultation par des appels • Remet en doute les compétences du praticien, de l’auteur de violences lui indique les conduites à suivre • Est hyper-prévenant Dans la relation mère-enfant Chez le praticien • Déficit de lien avec l’enfant in utéro • Malaise éprouvé par le praticien dans • Baisse de la disponibilité psychique par rapport la communication (avec la personne victime à l’enfant ou entre les soignants) • Discontinuité et incohérence dans les soins • Ressenti du praticien que « quelque chose • Portage inadéquat ne va pas » • Négligences plus ou moins graves • Surinvestissement Les attitudes à développer - Accueillir la révélation des violences : exprimer en cas de révélation dans son discours que la personne victime n’est des violences pas seule à vivre une situation de violences (d’autres sont dans le cas), qu’elle n’est pas à - Ecouter avec respect l’histoire de la personne critiquer et que ses réactions sont une réponse et reconnaître le courage qui lui a été néces- normale à ce type de situation. saire pour dévoiler la situation. - Etre soutenant et dans le non-jugement : - Adopter un langage clair en reflet de ce qui est la reconnaissance par le praticien du sérieux exprimé : veiller à utiliser des termes objectifs des faits et de leur impact traumatique peut (il vous a bousculé, menacé…) en vue d’aider la être le point de départ d’un changement de la personne à faire une description la plus com- situation. plète possible de sa situation. A ce stade, il vaut mieux éviter les termes ‘battu(e)’, ‘maltraité(e)’, - Faire part de ses inquiétudes (votre état de ’victime’/’agresseur’ qui risquent de susciter des santé me préoccupe) et exprimer l’inaccepta- résistances. bilité de tout comportement violent (en dis- tinguant les actes de la personne elle-même). — 15 —
- Tenir compte des différences liées à la culture. Les attitudes à développer en cas de déni/minimisation Je reçois beaucoup de mamans maghrébines, des violences par exemple, ou des femmes qui ne parlent pas - Laisser la porte ouverte à une prochaine 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ? très bien le français. Et on va adapter chaque fois entrevue si les violences devaient la concerner, notre discours à la personne qui est en face de l’informer de sa disponibilité à l’écoute si la situa- soi. (Travailleuse médico-sociale, Consultations tion venait à changer. prénatales ONE) - Lui fournir les moyens de contacter les res- sources locales appropriées. - Informer à propos des ressources existantes - L’encourager à reprendre rendez-vous pour dans le domaine (>> Voir Outil 7). un suivi médical. - Si la personne victime choisit de ne pas révéler Informer. Parce que je vois qu’il y a plein de femmes qui sa situation, l’intervention du praticien pourra ont l’impression de n’avoir recours à rien, alors qu’en fait, faire la différence. Plusieurs entrevues peuvent on peut les soutenir. (Pédopsychiatre) être nécessaires avant qu’elle ait conscience de sa situation et qu’elle se sente à l’aise pour aborder le sujet. - Assurer la confidentialité pour autant que cela - Documenter dans le dossier médical la réponse n’entraîne pas d’effets négatifs pour la personne de la personne victime quant à son déni de la ou ses proches : ne pas intervenir auprès de situation de violences. l’auteur sans l’accord de la personne victime. - Envisager le retour à domicile : s’enquérir du risque qu’elle encourt du fait d’en avoir parlé et Cette mère avait tendance à minimiser. C’était très prévoir les mesures de protection nécessaires étrange, elle racontait des choses horribles et graves qui (>> Voir à ce propos Chapitre 3, p. 19-20). se passaient avec son mari qui était excessivement violent, mais toujours en riant. Alors, je l’ai reprise en disant : « Mais vous riez alors que vous racontez des choses atroces, que votre vie est en danger. Je suis étonnée de la discordance entre votre discours et votre attitude physique ». Elle était terriblement mal à l’aise. Et elle me disait : « Madame, c’est pas possible, je peux pas le quitter, il y a la maison ». Il y avait toute la vie qu’elle avait construite autour qui allait s’effondrer. Et donc, elle ne pouvait pas imaginer quitter la maison ou vendre la maison, imaginer la garde alternée pour les enfants... (Pédiatre) — 16 —
La démarche est-elle bien acceptée et efficiente ? L’approche des violences par questionne- ment en entonnoir est d’autant mieux acceptée par les personnes interrogées qu’elle est in- 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ? cluse dans l’anamnèse au même titre que les En tout cas, j’ai eu des mamans qui m’ont dit : informations recueillies sur le poids, l’usage de « Ce sont de drôles de questions ». Mais, ce tabac ou d’alcool. sont souvent des femmes un peu plus intellec- tuelles, entre guillemets, qui s’étonnent. Sinon, Même si certaines personnes peuvent s’éton- je trouve que les gens prennent ça assez bien. ner de la particularité des questions, c’est l’ex- Et si on me pose la question, j’explique : « Mais plication du bien-fondé de la démarche qui nous, vous savez, on est sensibles au fait que permet de lever les réticences. la violence peut survenir et que la grossesse est un moment qui déclenche parfois des Les femmes concernées apprécient que le choses comme ça ». D’ailleurs, elles disent praticien aborde ces questions et les trois quarts souvent : « Mais, c’est bien ». Donc oui, je suis d’entre elles (97% chez les femmes enceintes) assez convaincue de l’utilité de le faire souhaitent qu’il s’enquière de ces situations systématiquement. (Travailleuse médico- (Feder 2009). sociale, Consultations prénatales ONE) Lorsque ces questions d’exploration des vio- lences subies sont posées de façon systéma- tique, les patientes savent aussi qu’elles peuvent y revenir lors d’une prochaine consultation si elles n’étaient pas encore prêtes à y répondre la première fois. Chaque question qui lève une Les femmes méconnaissance est une graine semée. concernées A l’inverse, les effets négatifs d’un dépistage apprécient que le praticien sont minimes ; une impression d’intrusion dans aborde ces la vie privée, un stress émotionnel, une crainte questions et de non-respect de la confidentialité ou d’être les trois quarts stigmatisées, une peur de représailles du conjoint d’entre elles sont rapportés par un petit nombre de femmes (97% chez les femmes (Nelson 2012, 0’Doherty 2015). enceintes) souhaitent qu’il s’enquière de ces situations (Feder 2009). — 17 —
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