Référentiel à destination des professionnels de santé - Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ?

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Violences
                au sein
                du couple :
                les enfants
                en souffrance

     Référentiel
     à destination des professionnels de santé

                               Comment détecter ?
                            Comment accompagner ?
                                Comment orienter ?

FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)
Ce référentiel à destination
des professionnels de santé
a été rédigé en 2 tomes.

Ces 2 tomes sont compilés dans ce pdf.
Leur accès est possible via cette page d’acceuil
et via les tables des matières interactives
Violences
                                                     au sein
                                                     du couple :
                                                     les enfants
                                                     en souffrance
   TOME 1
  Repères                                 Repères
                                          théoriques et cliniques
                                                                                            TOME 1

théoriques                                                          Comment détecter ?

et cliniques                                                     Comment accompagner ?
                                                                     Comment orienter ?

                                     FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)

                > Vers table des matières TOME 1

                                                     Violences
                                                     au sein
                                                     du couple :
                                                     les enfants
                                                     en souffrance
  TOME 2
                                          Outils
Outils d’aide                             d’aide à la pratique
                                                                                            TOME 2

à la pratique                                                       Comment détecter ?
                                                                 Comment accompagner ?
                                                                     Comment orienter ?

                                     FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)

            > Vers liste des outils TOME 2                                    > Vers liste des fiches TOME 2
Violences
                au sein
                du couple :
                les enfants
                en souffrance

     Repères                                           TOME 1
     théoriques et cliniques

                               Comment détecter ?
                            Comment accompagner ?
                                Comment orienter ?

FONDS HOUTMAN (ONE) • DÉPARTEMENT DE MÉDECINE GÉNÉRALE (ULB)
« Violences au sein du couple : les enfants en souffrance.
Référentiel à destination des professionnels de santé.
Comment détecter ? Comment accompagner ? Comment orienter ? »
Tome 1 : Repères théoriques et cliniques
Tome 2 : Outils d’aide à la pratique
Réalisé avec le soutien du Fonds Houtman (ONE)

Auteur	Anne-Marie Offermans, Sociologue, Formatrice en milieu hospitalier et en médecine générale
Equipe de recherche            Anne-Marie Offermans (Sociologue, Maître d’enseignement), Michel Roland (Médecin généraliste,
DMG ULB                        Professeur émérite), Nadine Kacenelenbogen (Médecin généraliste, Chargée de cours)
Appui rédactionnel	Question Santé Asbl
Processus de validation	Stéphanie Deblaer (Sage-femme, CHU Brugmann), Gillian Douglas (Travailleuse médico-sociale,
                         ONE-CHU Saint-Pierre), Charlotte Graindorge (Médecin généraliste, Maison Médicale Cité Santé),
                         Isabelle Jeanjot (Gynécologue, CHU Saint-Pierre), Solange Kouo Epa (Pédiatre, Consultations ONE),
                         Sophie Leclercq (Travailleuse médico-sociale, ONE-CHU Brugmann), Estelle Oiry (Sage-femme,
                         CHU Brugmann), Catherine Preux (Pédiatre, CHU Saint-Pierre), Marie Vandenput (Travailleuse
                         médico-sociale, Consultations ONE), Martine Vanderkam (Sage-femme, CHU Saint-Pierre)
Relecture	Luc Schreiden (Psychologue-psychothérapeute), Martine Content-Dupont (Psychothérapeute)
Graphisme                      Marie-Noëlle Jacmin - www.ligne33.be
Impression                     Imprimerie Graphius Bruxelles, septembre 2017
                               © Fonds Houtman (ONE) • Dépôt légal : D/2017/7730/2

Document disponible à la demande et téléchargeable sur les sites http://fondshoutman.be/cahiers/ (Cahiers 23) et www.dmgulb.be
Pour de plus amples informations sur les projets soutenus par le Fonds Houtman : 0032 2 543 11 71 ou info@fondshoutman.be

                                                          —2—
La construction
    du référentiel
  Ce référentiel a été élaboré par le Département de Mé-                                               Il répond à un objectif principal : soutenir les profes-
decine Générale de l’ULB à l’initiative du Fonds Houtman                                            sionnels de santé dans la détection précoce et l’accom-
(ONE), soucieux de créer des synergies avec tous ceux,                                              pagnement des familles concernées, qu’ils soient méde-
scientifiques et professionnels de terrain, qui sont préoc-                                         cins généralistes, gynécologues, obstétriciens, pédiatres,
cupés par le bien-être et le devenir du jeune enfant et de                                          pédopsychiatres, sages-femmes, travailleurs médico-
sa famille.                                                                                         sociaux (TMS) de l’ONE, psychologues, kinésithérapeutes,
                                                                                                    assistants sociaux ou encore tout acteur impliqué dans
  Il se base sur la méthodologie suivante :
                                                                                                    la problématique.
  •U
    ne revue systématique de la littérature relative aux
   impacts des violences conjugales sur la santé des                                                   Il a comme porte d’entrée les parents, en gardant à
   personnes concernées et sur les interventions efficaces                                          l’esprit que ce sont les enfants in utero et âgés de moins
   en la matière.                                                                                   de 4 ans qui sont visés in fine. L’enfant exposé se définit
  • L ’analyse de « focus-groups multidisciplinaires » de                                          comme celui qui est témoin oculaire ou auditif des épi-
     praticiens impliqués dans l’étude clinique réalisée dans                                       sodes de violence entre ses parents ou encore s’inquiète
    le cadre de ce projet de recherche (CHU Brugmann et                                             des conséquences de la violence sans l’avoir vue ni enten-
    CHU Saint-Pierre) ou accompagnant ces familles sur le                                           due (constat de blessures, récit du parent, intervention
    long cours.                                                                                     policière ...) et vit dans la peur (NICE 2014).

  • L ’appui d’une équipe externe chargée de communica-
     tion en promotion de la santé.

                                                                                 Comment l'utiliser ?
                                                                                 Le professionnel de santé aura à sa disposition :

                  Violences                                                  Des repères théoriques et cliniques auxquels il peut faire
                  au sein
                  du couples:                                                référence dans sa pratique et y trouver des pistes pour :
                  les enfant nce
                  en souffra

         Repères
                                                               TOME 1           - Baliser ce que sont les violences au sein du couple.
                             ques
         théoriques et clini

                                      Comment déte
                                   Comment acco
                                                   cter ?
                                                mpagner ?
                                                     ter ?
                                                                                - F avoriser la détection précoce en consultation sur base
                                       Comment orien

                                                                                  de signaux et symptômes avertisseurs.
                                                                                - Offrir un accompagnement approprié.
         FONDS
               HOUTMA
                      N (ONE)
                              • DÉPAR
                                      TEMENT
                                             DE MÉD
                                                    ECINE G
                                                            ÉNÉRAL
                                                                   E (ULB)

                                                                                - Gérer ces situations dans une optique multidisciplinaire.

                                                                             Des outils d’aide à la pratique qui peuvent être utilisés
                  Violences
                  au sein                                                    lors d’un entretien avec le(s) parent(s) d’enfants
                  du couples:
                  les enfant nce
                  en souffra
                                                                             in utéro ou âgés de moins de 4 ans.
         Outils
         d’aide à la prat
                              ique
                                                               TOME 2
                                                                                - L es outils constituent, pour le professionnel de santé, un soutien dans
                                      Comment déte
                                   Comment acco
                                                   cter ?
                                                mpagner ?
                                                     ter ?
                                                                                   le processus de détection et d’accompagnement des familles concernées.
                                       Comment orien

                                                                                - L es fiches permettent d’ouvrir un espace d’échanges autour de la dynamique
                                                                                  des violences et de leur impact sur l’avenir des enfants, quelle que soit l’énergie
               HOUTMA
                      N (ONE)
                              • DÉPAR
                                      TEMENT
                                             DE MÉD
                                                    ECINE G
                                                            ÉNÉRAL
                                                                   E (ULB)        mise en œuvre par le(s) parent(s) pour les tenir à distance de celles-ci. Elles
         FONDS

                                                                                  sont également un levier pour la mise en place d’un changement.

                                                                                              —3—
Table
des matières

 La construction du référentiel.................................................................................................................. 3
 Comment l’utiliser ?..................................................................................................................................................................... 3

     1. Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?..................................... 5
          Les violences au sein du couple, c’est différent des conflits . ...................................................................................... 5
          Le cycle et l’escalade des violences . .............................................................................................................................. 5
          Les formes de violences . ................................................................................................................................................. 7
          Quelques chiffres . ............................................................................................................................................................ 8
          Les impacts sur la santé des enfants . ............................................................................................................................ 8

     2. Comment puis-je détecter précocement les situations
       de violences au sein du couple ?. ............................................................................................... 11
          Trois prérequis à la démarche diagnostique.................................................................................................................. 11
          La démarche diagnostique .............................................................................................................................................. 11
          Des conditions à respecter............................................................................................................................................... 13
          Les éléments d’attention pour le diagnostic.................................................................................................................. 13
          Les attitudes à développer en cas de révélation des violences . ................................................................................. 15
          Les attitudes à développer en cas de déni/minimisation des violences..................................................................... 16
          La démarche est-elle bien acceptée et efficiente ?....................................................................................................... 17

     3. Quel accompagnement puis-je proposer ?.................................................................... 18
          Informer.............................................................................................................................................................................. 18
          Evaluer la situation de violences en termes de risque/protection . ............................................................................ 19
          Elaborer des mesures de protection............................................................................................................................... 20
          Ouvrir le dialogue avec le parent auteur de violences . ............................................................................................... 20
          Soutenir la parentalité ..................................................................................................................................................... 21
          Assurer la continuité des soins........................................................................................................................................ 21
          Documenter la situation................................................................................................................................................... 22

     4. Sur quelles ressources puis-je m’appuyer ?.................................................................. 23
          Le réseau d’intervenants en santé . ................................................................................................................................ 23
          Les outils informatiques................................................................................................................................................... 23
          La formation . .................................................................................................................................................................... 24

 Bibliographie. ............................................................................................................................................................... 25

 Annexe.................................................................................................................................................................................. 27

                                                                                       —4—
Les violences
                                            au sein du couple :
                                            de quoi
                                                                                                                           1
Ce n’est pas toujours là où
on croit qu’il y a des violences.           parle-t-on ?
Parfois, on nous dit que tout
va bien et puis en fait, on
se retrouve face à des choses
comme ça. (Gynécologue)

                   Les violences au sein                                      Sans contester le fait que les conflits conju-
                   du couple, c’est différent                              gaux peuvent avoir un impact sur l’enfant,
                   des conflits                                            distinguer ces deux notions est essentiel car
                                                                           elles n’induisent pas le même type de réponse
                     Le conflit consiste en un désaccord avec di-
                                                                           à apporter aux familles.
                   vergence de points de vue sur des besoins, des
                   choix de vie, des valeurs entre les deux parte-
                   naires du couple. Chacun va tenter de persua-
                   der, de convaincre l’autre qu’il a raison, parfois
                                                                           Le cycle et l’escalade
                   même avec insistance. Il va défendre sa position
                                                                           des violences
                   en l’argumentant, sans que la peur détermine               Les violences au sein du couple surviennent
                   qui sera le gagnant. Le conflit est générale-           rarement seules, elles ont tendance à se répé-
                   ment ponctuel avec, à la clé, une recherche de          ter et à devenir chroniques. Un cycle a été mis
                   solutions. Il peut néanmoins évoluer en mé-             en évidence dans la littérature et apporte une
                   sententes temporaires, voire récurrentes.               clé de lecture face aux inconstances et ambiva-
                                                                           lences dans la demande d’aide. Ce cycle décrit
                      Les violences au sein du couple sont un en-
                                                                           une dynamique relationnelle dans laquelle les
                   semble de comportements, d’attitudes et de pa-
                                                                           deux partenaires sont impliqués et qui com-
                   roles de l’un des partenaires ou ex-partenaires
                                                                           porte quatre moments-clés (>> Voir Support
                   qui vise à contrôler et à prendre le pouvoir
                                                                           au dialogue - Fiche 1) :
                   sur l’autre. Il n’y a pas des interlocuteurs mais
                   un seul en position haute (« il n’y a que moi et
                   moi »). L’autre est traité comme un objet. Il n’y
                   a pas de place pour la négociation, la prise de
                                                                              Les 4 moments-clés :
                   décision en commun et les conflits sont un pré-            1. Les tensions dans le couple
                   texte pour mettre l’autre en échec. Ces violences          2. L’épisode de violences
                   s’expriment souvent de façon cyclique avec un              3. La « justification »
                   moment-pivot, celui des justifications de l’au-            4. La « lune de miel »
                   teur, qui se déresponsabilise et participe à la légi-
                   timité et la banalisation des actes violents. Avec
                   le temps, les violences s’intensifient et ont ten-
                   dance à devenir chroniques (voir point suivant).

                                                            —5—
Le cycle des violences :
                                                             les 4 moments-clés

                                                                 1. Une période caractérisée par des tensions                  Les partenaires deviennent comme dépen-
                                                               dans le couple (hyper-contrôle, lourds silences,              dants de ce cercle vicieux, les moments d’ac-
                                                               bouderie...) qui s’accentuent progressivement,                calmie et de réconciliation étant de plus en plus
                                                               créant un climat de peur et d’insécurité au sein              rares.
                                                               de la cellule familiale. La personne victime tente
1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?

                                                                                                                                C’est dans ce climat marqué par l’insécuri-
                                                               de satisfaire au mieux les désidératas de son/sa
                                                                                                                             té, les liens malmenés, la menace et les pas-
                                                               partenaire.
                                                                                                                             sages à l’acte que l’enfant est amené à grandir.
                                                                 2. L’épisode de violences psychologiques,                   Il ne s’agit donc pas de la simple dispute dans
                                                               physiques et/ou sexuelles qui place la personne               un couple, comme pourraient nous le faire croire
                                                               victime et ses enfants en état de choc assorti d’un           certaines personnes concernées, mais d’un pro-
                                                               sentiment de colère ou de tristesse. C’est souvent            cessus relationnel fonctionnant à la manière
                                                               lors d’une de ces « crises » que ces violences sont           d’un engrenage qui, une fois mis en place,
                                                               révélées au monde extérieur et notamment aux                  produit les conditions de son maintien.
                                                               professionnels de santé. C’est en effet à cette
                                                                                                                                Nous sommes donc en présence d’une spirale
                                                               occasion que l’aide de tiers est le plus souvent
                                                                                                                             où la fin de chaque boucle accomplie génère
                                                               sollicitée.
                                                                                                                             un risque d’intensification de la violence. Au
                                                                 3. La « justification » de l’auteur qui tente               début de l’histoire du couple, ce ne seront sans
                                                               d’expliquer ses actes en reportant la responsa-               doute que certaines conduites exagérées de l’un
                                                               bilité sur son/sa partenaire. Il tente de rendre              qui seront mal vécues par l’autre, avec une ten-
                                                               « acceptable » la portée de ses comportements                 dance à les excuser et sans pour autant qu’un
                                                               et d’éviter ainsi d’en assumer les conséquences.              changement soit réclamé. Ainsi s’amorce une
                                                               Cette stratégie de justification peut prendre des             relation où l’un va progressivement prendre le
                                                               colorations différentes : « C’est de ta faute », « Tu         pouvoir, et l’autre s’en accommodera avec sou-
                                                               m’as provoqué », « J’ai eu une enfance malheu-                vent comme espoir de conserver le lien. Avec
                                                               reuse »… A terme, elle vise à banaliser ou norma-             le temps, le rapport de force aura tendance à
                                                               liser les violences auxquelles l’auteur a recours.            se cristalliser, avec un partenaire en position de
                                                               De son côté, la personne victime développe                    « dominant » manifestant des comportements
                                                               souvent des sentiments complémentaires de                     qui laissent à penser que l’autre est devenu
                                                               culpabilité. Chez l’enfant, les arguments justifica-          son « objet ». Dans ce schéma, les actes de
                                                               tifs avancés par les parents génèrent des doutes              violence seront de plus en plus agressifs avec
                                                               et de la confusion.                                           des conséquences de plus en plus lourdes pour
                                                                                                                             la personne victime (perte d’estime de soi et
                                                                 4. La « lune de miel » ou la phase d’amour                  d’autonomie, isolement, stress chronique, sé-
                                                               et de pardon pendant laquelle l’auteur de vio-
                                                                                                                             quelles physiques…), raison pour laquelle on
                                                               lences se montre particulièrement attentionné.
                                                                                                                             parle à juste titre d’« escalade de la violence ».
                                                               C’est une période d’espoir, de retour au mythe
                                                                                                                             (>> Voir Support au dialogue - Fiche 3)
                                                               fondateur du couple ou de la famille qui permet
                                                               au système familial de se maintenir.

                                                                                                                       —6—
Verbale et Psychologique                 Economique et Administrative
 Insultes, obscénités, injures à caractère sexuel      Contrôle des ressources financières et

                                                                                                           1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?
           ou encore sarcasmes sur la personne         matérielles allant jusqu’à la privation,
                  elle-même ou sur les enfants.        au détournement de salaires, de biens,
                                                       d’allocations familiales, contrainte au travail
                Attitudes ou propos méprisants,
                                                       au-delà de son endurance, opposition
        réflexions insidieuses sur son physique,
                                                       à la recherche d’emploi ou au retour
ses vêtements, ses fréquentations…, chantages
                                                       à l’emploi après un congé parental,
         affectifs, humiliations, culpabilisations,
                                                       refus d’accès au système de santé,
         intimidations, réactions d’indifférence,
                                                       interdiction des dépenses liées à l’enfant
menaces de lui enlever les enfants, de la tuer…,
         harcèlements autour du droit de visite,       Confiscation de documents (carte d’identité,
       dévalorisations dans son rôle de parent.        permis de conduire, permis de séjour…).

                                                      Les formes de
                                    Violences
                         Isolement, limitation de      Bousculades, gifles, coups de pieds ou
                   sa participation aux activités,     de poings dans le ventre, brûlures, morsures,
              surveillance de ses allées/venues,       jets d’objets au visage, utilisation d’arme
        contrôle de ses contacts téléphoniques         blanche, à feu, strangulation, séquestration.
                      ou sur les réseaux sociaux,
                                                       Obligation de rapport sexuel en utilisant
                           humiliation en public,
                                                       des pressions, du chantage, viol, blessures
 interdiction de fréquenter les soins périnatals.
                                                       sur les parties sexuelles ou génitales, pratiques
                       Sociale et Familiale            imposées (photos ou vidéos, lors de rapport
                                                       sexuel, avec plusieurs partenaires).

                                                        Physique et Sexuelle

                                                       —7—
Quelques chiffres…                                              Les impacts sur la santé
                                                                des enfants
• L es violences au sein du couple sont largement              L’exposition aux violences au sein
   répandues et souvent dissimulées. La dernière en-            du couple affecte la santé des enfants
   quête nationale belge révèle que 1 femme sur 20              à tout âge, même in utéro.
   (de 18 à 75 ans) a vécu des situations de violences
   conjugales « très graves » au cours des 12 derniers
   mois ; près de 2 hommes sur 100 se retrouvent
   dans ces mêmes situations (Pieters 2010).                     1. Enfant in utéro
                                                                (>> Voir Support au dialogue - Fiche 4)
• E lles surviennent dans tous les milieux et
                                                                   Les recherches actuelles sur les trauma-
   classes sociales indépendamment du niveau
                                                                tismes infantiles pendant la période périna-
  de formation, de l’appartenance ethnique et
                                                                tale démontrent un impact au niveau cérébral.
  religieuse, des revenus, de l’âge et de l’orientation
                                                                Le stress précoce - associé à des taux élevés de
  sexuelle. Toutefois, le jeune âge, les addictions,
                                                                cortisol - peut influer l’organisation structurelle
  les problèmes économiques constituent
                                                                du cerveau. Ces modifications entraînent une
  des facteurs de vulnérabilité.
                                                                altération du développement des fonctions
                                                                intellectuelles et du développement physique,
• L a grossesse est considérée comme une période
                                                                des troubles du système de l’affectivité, des
   à risque. En Belgique, les études réalisées
                                                                émotions et de la mémoire (Moureau 2016).
   en maternité évaluent entre 3,4% et 11% la
   prévalence des violences autour de la grossesse                 En connexion physiologique permanente avec
   (Roelens 2009, Jeanjot 2008).                                sa mère, le fœtus, comme elle, est en état de
                                                                stress chronique : une perturbation de ses mou-
• L e seul fait acquis, et qui semble le plus solide           vements (agitation ou manque de réaction) est
   prédicteur, c’est la préexistence d’une histoire de          dès lors observée.
  violences dans le couple. Celle-ci risque fort de se
                                                                   Les études sur les violences subies pendant la
  poursuivre tout au long de la période périnatale
                                                                grossesse attestent que la prématurité et le petit
  tout en sachant que la forme, la fréquence et
                                                                poids à la naissance en sont les conséquences
   la sévérité peuvent évoluer avec le temps.
                                                                les plus significativement associées (Sha 2010,
                                                                Wathen 2012).
• T oujours, selon l’enquête nationale, les enfants
   furent témoins dans plus de 40% des cas                        On relève également, pour le fœtus, les risques
   de violences conjugales déclarées au cours                   encourus suivants : avortement spontané, hé-
   des 12 derniers mois (Pieters 2010).                         morragie, voire rupture utérine, décollement
                                                                prématuré du placenta, suivis de souffrance et
• C ’est aussi lors des situations de violences                parfois de mort fœtale (Severac 2012).
   graves (48,8%) ou très graves (43%) que les
   enfants sont les plus présents (Pieters 2010).

•D
  ’autres études signalent que 10% d’entre
                                                                 2. Enfant de moins de 2 ans
 eux deviennent des victimes directes                           (>> Voir Support au dialogue - Fiche 5)
 (Offermans 2010).                                                Après l’accouchement, le mal-être de la mère
                                                                peut se traduire par une carence ou une absence
• L e tout jeune âge de l’enfant apparaît comme                de soins à l’égard de son enfant et ce d’autant
   un facteur de risque supplémentaire étant                    plus que, selon la dernière revue systématique sur
  donné la grande dépendance physique,                          les troubles mentaux périnataux (Howard 2013),
  psychique et émotionnelle du nouveau-né
   à l’égard de ses parents.

                                                          —8—
la violence autour de la grossesse multiplie par     les deux premières années de vie : un risque
trois le risque de dépression du post-partum.        de retard de croissance à deux ans ainsi qu’une
                                                     petite taille à sept ans et à l’âge adulte.
   L’exposition aux violences perturbe les pro-
cessus d’attachement, entraînant des dysfonc-          A ce tableau clinique, s’ajoute toute une liste

                                                                                                             1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?
tionnements comportementaux (Severac 2012).          de troubles psychosomatiques au niveau ORL,
Le bébé risque de se trouver face à des parents      dermatologique, gastro-intestinal et respiratoire
« trop pris » dans l’engrenage de la violence,       (Ovaere 2007).
peu disponibles à décrypter ses rythmes et ses
                                                        Des problèmes d’apprentissage apparaissent
besoins et également avec peu d’énergie pour y
                                                     également car la peur et l’insécurité inhibent la
répondre. Il peut alors perdre intérêt pour son
                                                     découverte de l’environnement – tâche majeure
environnement, anesthésier ses besoins et si-
                                                     de développement entre 6 et 18 mois - d’autant
gnaux de manque, ne plus faire de bruit, devenir
                                                     que l’exploration et le jeu seront peu encoura-
triste et apathique.
                                                     gés par les parents et que l’enfant sera souvent
   A l’inverse, ses pleurs peuvent devenir de        instrumentalisé et utilisé comme objet de justi-
plus en plus fréquents, de plus en plus durables.    fication du recours à la violence (Severac 2012).
Dans le chaos de la violence, les parents n’ar-
                                                       D’autres études rapportent un suivi médical
rivent pas à le sécuriser, se sentent disqualifiés
                                                     aléatoire, un taux de vaccination moins élevé
et peuvent devenir maltraitants (voir syndrome
                                                     et davantage de consultations aux urgences
du bébé secoué).
                                                     (Bair-Merritt 2006).
   Une autre répercussion relevée dans la re-
vue de littérature (Evans 2008) est l’apparition
de symptômes post-traumatiques tels un état           3. Enfant de 2 à 4 ans
d’hypervigilance, des cauchemars, des sursauts
                                                     (>> Voir Support au dialogue - Fiche 6)
à répétition. En effet, le jeune enfant perçoit
des éléments menaçants de manière récurrente           Les conséquences de la violence au sein du
(portage ou gestes brusques, bruits soudains,        couple sur l’enfant qui grandit se modulent dif-
cris) et ressent très probablement une angoisse      féremment selon l’âge.
intense face à des actes de destruction et à la
                                                        Dans sa relation à l’autre, l’enfant d’âge
dégradation de ses deux figures parentales. Il a
                                                     préscolaire peut être en retrait, avoir l’air triste,
peut-être même assisté à des épisodes de vio-
                                                     voire dépressif pensant qu’il est pour quelque
lences durant lesquels un de ses parents a pu
                                                     chose dans les épisodes de violence, qu’il les a
être gravement blessé, voire perdre la vie. Plus
                                                     causés par ses actes ou sa présence. A contrario,
souvent à domicile que ses aînés, le tout-petit
                                                     il peut se montrer rejetant, agressif notamment
court aussi plus de risques de blessures et de
                                                     à l’égard de ses condisciples en milieu d’accueil,
décès.
                                                     reproduisant les comportements observés au
   En lien direct avec les troubles de l’atta-       sein de la cellule familiale. En effet, selon la
chement et le traumatisme de l’exposition            méta-analyse d’Evans (2008), l’exposition aux
aux violences, les troubles du sommeil et de         violences augmente de manière significative
l’alimentation sont largement documentés.            le processus d’intériorisation et d’extériorisa-
D’après la revue systématique de Yount (2011),       tion de la problématique - près de quatre fois
la croissance des enfants en est affectée dans       d’après l’étude longitudinale de Martinez-Torteya

                                       —9—
(2009). Par ricochet, ce processus a un impact         à ce système familial dysfonctionnel (Stanley
                                                             sur la socialisation de l’enfant ; celui-ci intègre    2011). C’est le cas de 31% à 56% parmi ces en-
                                                             des modèles violents de résolution de conflit et       fants en âge préscolaire qui ont bénéficié de
                                                             d’interactions sociales accompagnées de repré-         facteurs protecteurs comme un tempérament
                                                             sentations biaisées du rapport homme/femme.            facile, une mère non dépressive, un parent
1 I Les violences au sein du couple : de quoi parle-t-on ?

                                                                                                                    gardien, une amitié solide… (Martinez-Torteya
                                                                Au niveau physique, on note différents
                                                                                                                    2009).
                                                             signes comme des troubles du sommeil, de
                                                             l’alimentation, des symptômes psychosoma-
                                                             tiques (eczéma, asthme, infections à répéti-
                                                             tion…) et des douleurs en tout genre (maux de
                                                             ventre, de tête…).
                                                                                                                       Messages-clés
                                                               Du point de vue de son développement
                                                             psycho-émotionnel, le fait que l’enfant soit              La forte prévalence des violences au
                                                             confronté à la violence entre ses parents au              sein du couple, les conséquences
                                                             moment où il apprend à réguler ses émotions,              importantes sur la santé des personnes
                                                             peut l’amener à adopter des modalités d’ex-               concernées ainsi que la dynamique
                                                             pression inadaptées desdites émotions et no-              d’aggravation et la loi du silence
                                                             tamment de la colère (Severac 2012).                      caractéristiques de ces situations
                                                                                                                       confirment la nécessité d’une
                                                                Sur le plan des apprentissages, le stress im-          détection précoce. Cette détection
                                                             portant généré par le contexte de tensions et de          précoce permettrait d’éviter bon
                                                             violences au sein de la famille peut compromettre
                                                                                                                       nombre de situations de violences
                                                             les compétences verbales conduisant à des
                                                                                                                       déjà enkystées dans un haut degré
                                                             troubles du développement du langage - surtout
                                                                                                                       de gravité avec un rapport dominant/
                                                             en cas de dépression maternelle - associé à un
                                                                                                                       dominé. Cette prévention laisserait la
                                                             déficit de stimulation intellectuelle et sensorielle
                                                                                                                       place à une intervention autre que la
                                                             (Hungeford 2012). Il peut aussi manifester sa dif-
                                                                                                                       mise à l’abri de la famille et l’exclusion
                                                             ficulté à se séparer en restant « collé » contre sa
                                                                                                                       d’emblée de l’auteur de violences.
                                                             mère, en s’agrippant, en refusant d’aller à l’école,
                                                                                                                       Ce serait aussi le moyen privilégié
                                                             ce qui traduit son insécurité.
                                                                                                                       d’identifier la maltraitance à l’égard
                                                                Les impacts décrits in utéro et jusqu’à l’âge          des enfants et ainsi de les protéger.
                                                             de 4 ans seront d’autant plus graves que l’ex-
                                                             position aux violences s’inscrit dans la durée
                                                             et qu’existeront concomitamment d’autres fac-
                                                             teurs, à savoir des maltraitances directes, de la
                                                             négligence, un isolement social ou familial ainsi
                                                             qu’une absence de soutien et de prise en charge.
                                                             Si des effets négatifs tels la dépression peuvent
                                                             effectivement perdurer à l’âge adulte, souli-
                                                             gnons que les enfants exposés à ces violences,
                                                             dans un pourcentage significatif, feront preuve
                                                             de résilience et donc vont se reconstruire face

                                                                                                     — 10 —
Comment puis-je
                                            détecter précocement
                                            les situations
                                                                                                                              2
  Au départ, c’est quelque chose
  qui commence par de la violence           de violences au sein
  psychologique et qui va parfois
  déboucher sur des choses
                                            du couple ?
  beaucoup plus graves.
  Je pense que le diagnostic,
  il faut le faire dès que possible.
  (Gynécologue)

                     Trois prérequis à la démarche                        La démarche diagnostique
                     diagnostique
   On
ne trouve               Le premier : s’autoriser à penser à la vio-
  que ce             lence comme diagnostic est indispensable.            Au début, on était très scolaires parce qu’on
 que l’on            La peur, le silence et l’ambivalence caracté-        n’avait pas l’habitude. Donc on était très
 cherche             ristiques chez les personnes victimes rendent        attachées à notre questionnaire, on posait
                     ce réflexe d’autant plus capital. En effet, elles    vraiment les questions les unes après les autres.
                     n’identifient pas toujours la violence ou la mi-     Parfois donc, les patientes nous regardaient
                     nimisent, elles ont honte et se culpabilisent        un peu bizarrement, l’air de dire : « Qu’est-ce
                                                                          qu’elle est en train d’écrire ? ». Maintenant, on
                     très souvent. Elles sont encore dans l’espoir
                                                                          a plus l’habitude. On pose les questions, mais
                     que les choses changent ou que la présence
                                                                          pas forcément dans l’ordre du questionnaire,
                     d’un enfant arrangera tout. Souvent, elles ne
                                                                          pour que ça passe dans une discussion sans
                     souhaitent pas être la cause de l’éclatement         qu’elles se sentent pistées. (Sage-femme)
                     familial et peuvent avoir peur des représailles
                     ou des conséquences d’une révélation comme
                     le fait que leur enfant leur soit retiré.
                                                                             La démarche consiste à interroger à par-
                        Le second : disposer dans la salle d’attente,
                                                                          tir de questions ouvertes sur la vie à la maison
                     dans le bureau et les salles (accouchement, mo-
                                                                          jusqu’à nommer des actes concrets de vio-
                     nitoring) ou mieux encore, dans les toilettes, des
                                                                          lences, en passant par des questions plus spé-
                     affiches ou du matériel pédagogique informant
                                                                          cifiques (plus fermées) sur la relation au sein du
                     sur les violences au sein du couple constitue
                                                                          couple et de la famille. Les portes d’entrée à ce
                     un signal de l’attention portée au problème par
                                                                          questionnement en entonnoir sont diverses et
                     les professionnels de santé ; cela aidera les per-
                                                                          varient en fonction du contexte.
                     sonnes concernées à se confier.

                       Le troisième : construire un réseau de col-
                     laboration est fondamental. Une intervention
                     multidisciplinaire permet d’apporter aux fa-
                     milles un éventail de solutions ainsi que de sou-
                     tenir le professionnel pratiquant en solo.

                                                            — 11 —
QUESTIONS OUVERTES SUR…
2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?

                                                                                           CONTRACEPTION             PERCEPTION                  MAL-ÊTRE               RETOUR                  SYMPTÔMES/
                                                                                                ET                 DE LA GROSSESSE              OU ORIGINE                 À                   COMPORTEMENT
                                                                                             GROSSESSE                   PAR                   DES PLAINTES            LA MAISON                DE L’ENFANT
                                                                                                                    L’ENTOURAGE               EN TOUT GENRE                                     À LA CRÈCHE
                                                                                           « Comment avez-              « Comment              « Comment vous          « Et le papa,          « Tiens, ça se passe
                                                                                           vous appris votre       la grossesse est-elle       sentez-vous ? »,           il vous                  comme ça
                                                                                             grossesse ? »          accueillie par votre     « Qu’est-ce qui vous      soutient ? »              à la crèche ? »
                                                                                                                       entourage ? »     stresse, vous préoccupe ? »

                                                                                                                                  « Comment cela se passe à la maison ?... »
                                                                                                               « Y a-t-il des tensions particulières en ce moment dans votre entourage ?… »

                                                                                                                      SI DES DIFFICULTÉS RELATIONNELLES SE CONFIRMENT

                                                                                                                          « Quand il y a des désaccords, des disputes, comment
                                                                                                                                  cela se règle-t-il ? Pouvez-vous me
                                                                                                                                         donner des exemples ? »

                                                                                                                  QUESTIONS FACTUELLES
                                                                                                                                         FERMÉES
                                                                                                                « Est-ce que vous avez déjà été humilié(e), … bousculé(e), ... frappé(e), …      (>> Voir Support
                                                                                                                  menacé(e), … contraint(e), … avez-vous peur de votre partenaire ?… »             au dialogue
                                                                                                                                                                                                    - Fiche 2)

                                                                                                                               Est-ce la première fois que vous en parlez ?
                                                                                                                      Si non, à qui en avez-vous parlé ? et que vous a-t-on répondu ?

                                                                                                                                             — 12 —
« Comment avez-vous appris votre grossesse ? ». Avec le contexte
   dans lequel la grossesse est survenue, on apprend déjà beaucoup
   de choses. « Et Monsieur, comment a-t-il réagi ? ». Elles me
   répondent. Ensuite, je leur dis que la grossesse est une période
   qui n’est pas évidente, que je le sais. Parfois, quand il y a eu         1. Facteurs de risque prédisposant
   des grossesses rapprochées, je dis en plus : « Vous avez un petit            à l’émergence des violences ou
   en bas âge, comment ça se passe à la maison avec Monsieur ?
   Est-ce que Monsieur est content aussi de la grossesse ? ». Souvent,          à l’aggravation de celles-ci
   elles répondent : « Tout va bien ». Ou alors, elles disent : « Non,
                                                                               Les facteurs ci-dessus décrivent une corréla-
   c’est difficile ». A ce moment, je demande : « Est-ce qu’il y a des
   tensions entre vous ? Vous diriez souvent, parfois, rarement ? ».        tion statistique sans preuve de causalité. Il n’y
   Si c’est rarement, on arrête là l’entretien. Si c’est souvent, alors     a donc pas lieu de stigmatiser certains groupes
   je leur dis : « Les tensions, c’est des disputes … sur quoi est-ce que   sociaux ou culturels tant cette problématique
   vous vous disputez ? Est-ce que c’est sur le « T’as pas rangé tes        est largement répandue.
   chaussettes ? », « T’as pas sorti les poubelles ? » ou « Est-ce que
                                                                              • Jeune âge (moins de 25 ans)
   ça va plus loin ? » Et voilà, on progresse comme ça. (Sage-femme)
                                                                              • Faible niveau socio-économique

                                                                              • Faible niveau d’instruction
                     Des conditions à respecter                               • Chômage
                         Le questionnement progressif à propos des
                                                                              • Isolement
                     violences subies est réalisé pendant l’anamnèse.
                     Il importe de poser ces questions en privé, sans         • Grossesse non désirée ou imprévue
                     personne d’autre (donc sans le/la conjoint(e)),
                                                                              • Dépression
                     même un enfant (à l’exception du nourrisson).
                     Il peut aussi être nécessaire de prendre des dis-        • Dépression post-partum
                     positions particulières s’il s’agit de personnes
                                                                              • Addictions
                     issues de l’immigration (par exemple, être du
                     même sexe que la personne victime, s’assurer             • Maladies de longue durée ou handicaps
                     de la présence d’un interprète autre qu’un
                                                                              • Problèmes de santé mentale
                     membre ou ami de la famille).
                                                                              • A
                                                                                 ntécédents de violences durant
                                                                                l’enfance ou durant la vie
                     Les éléments d’attention                                 • Difficultés de couple
                     pour le diagnostic
                                                                              • Période de séparation/divorce
                        L’important est, comme le recommande
                     l’OMS (2013), d’identifier un faisceau de pré-
                     somptions des violences au sein du couple
Un signe             qu’il conviendra de confirmer ou d’exclure sur
 isolé ne            base des facteurs, signes/symptômes et indices
constitue            décrits ci-dessous. Notons que ces différents
 pas une             éléments ont été identifiés au départ d’études
  preuve
                     réalisées auprès de la population féminine,
                     celle-ci étant plus à risque d’être victime de
                     violences de la part de leur partenaire.

                                                              — 13 —
Je pense aux tout-petits, aux nourrissons qui peuvent couper
                                                                                                                                                              le contact visuel, des enfants qui ne fixent pas. On n’arrive
                                                                                                                                                              pas à capter le regard. Ça, c’est toujours très inquiétant.
                                                                                                                                                              Ce peut être un signe de dépression chez le nourrisson…
                                                                                                          2. Signes et symptômes                             Des enfants qui crient tout le temps, des nourrissons qui
                                                                                                                potentiellement révélateurs                   pleurent sans arrêt. On voit les mamans qui prennent les
                                                                                                                                                              nourrissons et elles n’arrivent pas à les apaiser… Je pense
                                                                                                                de la présence de violences                   encore à une mauvaise prise de poids, une cassure de la
                                                                                                                                                              courbe de croissance, ça, c’est un signe grave. N’importe quel
2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?

                                                                                                                au sein du couple
                                                                                                                                                              signe somatique, de la diarrhée qui apparaît, des infections à
                                                                                                                                                              répétition : je trouve qu’il faut être vraiment très, très attentif
                                                                                                                                                              chez les tout-petits à des choses comme ça. (Pédiatre)

                                                                                                     Chez la femme enceinte                                                Chez la mère
                                                                                           • Grossesse non désirée, interruption volontaire        • Dépression du post-partum
                                                                                              de grossesse, fausse couche                           • Troubles gynécologiques (douleurs pelviennes,
                                                                                           • Suivi aléatoire ou tardif de grossesse                    dysfonction sexuelle, infection urinaire
                                                                                           • Chutes inexpliquées                                      à répétition,…)
                                                                                           • Hospitalisation plus fréquente

                                                                                                          • Pathologies liées au stress (troubles du sommeil, de l’alimentation)
                                                                                                          • Dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique (PTSD)
                                                                                                          • Addictions
                                                                                                          • Lésions traumatiques (coups à l’étage abdominal sans trace visible à l’examen clinique)
                                                                                                          • Troubles gastro-­intestinaux chroniques et inexpliqués
                                                                                                          • Douleurs chroniques d’origine inexpliquée

                                                                                               In utéro            Chez l’enfant âgé de moins de 2 ans                    Chez l’enfant de 2 à 4 ans
                                                                                           • Stress chronique      • Attitude de retrait, d’immobilisme            • Lésions traumatiques
                                                                                           • Prématurité           • Hypervigilance                                • Repli sur soi, perte d’intérêt
                                                                                           • Complications        • Pleurs incessants ou inexpliqués                pour l’entourage
                                                                                              fœtales              • Comportements « collants »                    • Comportements violents à l’égard
                                                                                           • Petit poids          • Troubles du sommeil, de l’alimentation           de la mère et des condisciples
                                                                                              à la naissance       • Perte de poids ou cassure                    • Crise de colère, agitation constante
                                                                                                                      de la courbe de croissance                   • Hypervigilance, troubles du sommeil
                                                                                                                   • Pathologies psychosomatiques                    et de l’alimentation, symptômes
                                                                                                                      (diarrhée, infections à répétition)            psychosomatiques
                                                                                                                                                                   • Difficultés d’apprentissage

                                                                                                          3. Autres indices importants
                                                                                                                évocateurs de violences                       Quand on est face à ce genre de situations, très vite on se
                                                                                                                                                              sent un peu plus tendu. Ou bien, j’ai mal au ventre ou bien,
                                                                                                                au sein du couple
                                                                                                                                                              dès le départ, je me sens stressée. Je me dis : « Qu’est-ce
                                                                                                                                                              qui nous arrive ? ». Alors, d’emblée, je tends des perches aux
                                                                                                                                                              parents. Et souvent, ça confirme ce que je ressens. (Pédiatre)

                                                                                                                                               — 14 —
Chez la personne victime                                          Chez l’auteur de violences
• Prise de parole difficile                                         • Envahit tout l’espace de parole (répond à la place
• Expressions reflétant un sentiment d’insécurité                     de la personne victime aux questions posées)
   (regard fuyant, difficulté à s’installer dans le fauteuil)       • Impose sa présence systématiquement

                                                                                                                                 2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?
• Auto-dévalorisation                                                 lors des consultations
• Recherche constante de l’approbation du(e)/de la                 • Minimise les plaintes de la personne victime, en
   conjoint(e)                                                        la critiquant, en la dévalorisant en tant que parent
• Interruptions de la consultation par des appels                  • Remet en doute les compétences du praticien,
   de l’auteur de violences                                            lui indique les conduites à suivre
                                                                    • Est hyper-­prévenant

           Dans la relation mère-enfant                                               Chez le praticien
• Déficit de lien avec l’enfant in utéro                            • Malaise éprouvé par le praticien dans
• Baisse de la disponibilité psychique par rapport                    la communication (avec la personne victime
   à l’enfant                                                          ou entre les soignants)
• Discontinuité et incohérence dans les soins                       • Ressenti du praticien que « quelque chose
• Portage inadéquat                                                    ne va pas »
• Négligences plus ou moins graves
• Surinvestissement

                Les attitudes à développer                                 - Accueillir la révélation des violences : exprimer
                en cas de révélation                                       dans son discours que la personne victime n’est
                des violences                                              pas seule à vivre une situation de violences
                                                                           (d’autres sont dans le cas), qu’elle n’est pas à
                - Ecouter avec respect l’histoire de la personne
                                                                           critiquer et que ses réactions sont une réponse
                et reconnaître le courage qui lui a été néces-
                                                                           normale à ce type de situation.
                saire pour dévoiler la situation.
                                                                           - Etre soutenant et dans le non-jugement :
                - Adopter un langage clair en reflet de ce qui est
                                                                           la reconnaissance par le praticien du sérieux
                exprimé : veiller à utiliser des termes objectifs
                                                                           des faits et de leur impact traumatique peut
                (il vous a bousculé, menacé…) en vue d’aider la
                                                                           être le point de départ d’un changement de la
                personne à faire une description la plus com-
                                                                           situation.
                plète possible de sa situation. A ce stade, il vaut
                mieux éviter les termes ‘battu(e)’, ‘maltraité(e)’,        - Faire part de ses inquiétudes (votre état de
                ’victime’/’agresseur’ qui risquent de susciter des         santé me préoccupe) et exprimer l’inaccepta-
                résistances.                                               bilité de tout comportement violent (en dis-
                                                                           tinguant les actes de la personne elle-même).

                                                           — 15 —
- Tenir compte des différences liées à la culture.      Les attitudes à développer
                                                                                                                                                           en cas de déni/minimisation
                                                                                                   Je reçois beaucoup de mamans maghrébines,
                                                                                                                                                           des violences
                                                                                                   par exemple, ou des femmes qui ne parlent pas           - Laisser la porte ouverte à une prochaine
2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?

                                                                                                   très bien le français. Et on va adapter chaque fois     entrevue si les violences devaient la concerner,
                                                                                                   notre discours à la personne qui est en face de         l’informer de sa disponibilité à l’écoute si la situa-
                                                                                                   soi. (Travailleuse médico-sociale, Consultations        tion venait à changer.
                                                                                                   prénatales ONE)
                                                                                                                                                           - Lui fournir les moyens de contacter les res-
                                                                                                                                                           sources locales appropriées.

                                                                                                   - Informer à propos des ressources existantes           - L’encourager à reprendre rendez-vous pour
                                                                                                   dans le domaine (>> Voir Outil 7).                      un suivi médical.
                                                                                                                                                           - Si la personne victime choisit de ne pas révéler
                                                                                           Informer. Parce que je vois qu’il y a plein de femmes qui       sa situation, l’intervention du praticien pourra
                                                                                           ont l’impression de n’avoir recours à rien, alors qu’en fait,   faire la différence. Plusieurs entrevues peuvent
                                                                                           on peut les soutenir. (Pédopsychiatre)                          être nécessaires avant qu’elle ait conscience
                                                                                                                                                           de sa situation et qu’elle se sente à l’aise pour
                                                                                                                                                           aborder le sujet.

                                                                                                   - Assurer la confidentialité pour autant que cela       - Documenter dans le dossier médical la réponse
                                                                                                   n’entraîne pas d’effets négatifs pour la personne       de la personne victime quant à son déni de la
                                                                                                   ou ses proches : ne pas intervenir auprès de            situation de violences.
                                                                                                   l’auteur sans l’accord de la personne victime.

                                                                                                   - Envisager le retour à domicile : s’enquérir du
                                                                                                   risque qu’elle encourt du fait d’en avoir parlé et      Cette mère avait tendance à minimiser. C’était très
                                                                                                   prévoir les mesures de protection nécessaires           étrange, elle racontait des choses horribles et graves qui
                                                                                                   (>> Voir à ce propos Chapitre 3, p. 19-20).             se passaient avec son mari qui était excessivement violent,
                                                                                                                                                           mais toujours en riant. Alors, je l’ai reprise en disant :
                                                                                                                                                           « Mais vous riez alors que vous racontez des choses
                                                                                                                                                           atroces, que votre vie est en danger. Je suis étonnée
                                                                                                                                                           de la discordance entre votre discours et votre attitude
                                                                                                                                                           physique ». Elle était terriblement mal à l’aise. Et elle
                                                                                                                                                           me disait : « Madame, c’est pas possible, je peux pas
                                                                                                                                                           le quitter, il y a la maison ». Il y avait toute la vie
                                                                                                                                                           qu’elle avait construite autour qui allait s’effondrer.
                                                                                                                                                           Et donc, elle ne pouvait pas imaginer quitter la maison
                                                                                                                                                           ou vendre la maison, imaginer la garde alternée
                                                                                                                                                           pour les enfants... (Pédiatre)

                                                                                                                                            — 16 —
La démarche est-elle
bien acceptée et efficiente ?
  L’approche des violences par questionne-
ment en entonnoir est d’autant mieux acceptée
par les personnes interrogées qu’elle est in-

                                                                                                         2 I Comment puis-je détecter précocement les situations de violences au sein du couple ?
cluse dans l’anamnèse au même titre que les          En tout cas, j’ai eu des mamans qui m’ont dit :
informations recueillies sur le poids, l’usage de    « Ce sont de drôles de questions ». Mais, ce
tabac ou d’alcool.                                   sont souvent des femmes un peu plus intellec-
                                                     tuelles, entre guillemets, qui s’étonnent. Sinon,
  Même si certaines personnes peuvent s’éton-        je trouve que les gens prennent ça assez bien.
ner de la particularité des questions, c’est l’ex-   Et si on me pose la question, j’explique : « Mais
plication du bien-fondé de la démarche qui           nous, vous savez, on est sensibles au fait que
permet de lever les réticences.                      la violence peut survenir et que la grossesse
                                                     est un moment qui déclenche parfois des
  Les femmes concernées apprécient que le            choses comme ça ». D’ailleurs, elles disent
praticien aborde ces questions et les trois quarts   souvent : « Mais, c’est bien ». Donc oui, je suis
d’entre elles (97% chez les femmes enceintes)        assez convaincue de l’utilité de le faire
souhaitent qu’il s’enquière de ces situations        systématiquement. (Travailleuse médico-
(Feder 2009).                                        sociale, Consultations prénatales ONE)

   Lorsque ces questions d’exploration des vio-
lences subies sont posées de façon systéma-
tique, les patientes savent aussi qu’elles peuvent
y revenir lors d’une prochaine consultation si
elles n’étaient pas encore prêtes à y répondre
la première fois. Chaque question qui lève une
                                                               Les femmes
méconnaissance est une graine semée.
                                                               concernées
   A l’inverse, les effets négatifs d’un dépistage           apprécient que
                                                               le praticien
sont minimes ; une impression d’intrusion dans
                                                                aborde ces
la vie privée, un stress émotionnel, une crainte               questions et
de non-respect de la confidentialité ou d’être               les trois quarts
stigmatisées, une peur de représailles du conjoint             d’entre elles
sont rapportés par un petit nombre de femmes                    (97% chez
                                                               les femmes
(Nelson 2012, 0’Doherty 2015).
                                                                enceintes)
                                                             souhaitent qu’il
                                                              s’enquière de
                                                              ces situations
                                                              (Feder 2009).

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