Au coeur de l'hôpital - Conseil National de l'Ordre des Médecins
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médecins n° 61 | mai – juin 2019 Le bulletin de l’Ordre national des médecins Sur le terrain À la fac de médecine, des stages pour apprendre à écouter Entretiens croisés Dispositifs médicaux : comment améliorer leur sécurité ? Dossier www.conseil-national.medecin.fr Remettre le soin au cœur de l’hôpital
sommaire Retrouvez le bulletin, le webzine et la newsletter de l’Ordre en ligne sur www.conseil-national.medecin.fr 04. focus Installation en libéral : cadre de vie, conditions d’exercice et travail en équipe… des facteurs déterminants 06. en bref - Projet de loi et Grand débat national : ce que veulent les médecins - CNG Élections professionnelles du 25 juin au 2 juillet 2019 - Besoin d’aide ? 0800 288 038 09. e-santé Un « Health Data Hub » pour mettre les données au service de la santé 10. sur le terrain À la fac de médecine, des stages pour apprendre à écouter 12. entretiens croisés Dispositifs médicaux : comment améliorer leur sécurité ? le guide juridique 24. en bref - Les directeurs d’établissement peuvent-ils assister aux réunions médicales ? - Échographie fœtale à visée non médicale 16 Remettre le soin au cœur de l’hôpital Lourdeurs administratives, contraintes - Accès au dossier médical : un droit trop budgétaires de plus en plus prégnantes, relations souvent bafoué ville-hôpital compliquées, éloignement des - Résultats des élections départementales médecins de la gouvernance des établissements… Au fil de ces dernières décennies, sous la contrainte 26. décryptage économique, les médecins hospitaliers sont - Quelle prise en charge pour les patients à la peine. Alors comment remettre le soin et atteints du VIH ? les soignants au cœur des priorités de l’univers hospitalier ? Éléments de réflexion. 28. pratique - Les tests osseux déclarés conformes à la Constitution - Information et publicité : vers une clarification de la législation 30. vos questions, nos réponses Comment s’y retrouver dans les prestataires restons connectés! de téléconsultation ? Sur le Web : www.conseil-national.medecin.fr 31. culture médicale Sur Twitter : suivez-nous sur @ordre_medecins Par mail : conseil-national@cn.medecin.fr 32. rencontre Nous écrire : Conseil national de l’Ordre des médecins, Dr Didier Gallinet, radiologue à Pontarlier, président-fondateur de l’Orchestre 4, rue Léon Jost, 75855 Paris cedex 17 symphonique des médecins de France médecins n° 61 mai-juin 2019
édito 3 DR L’hôpital en urgence vitale Refonte de la carte hospitalière, insécurité grandissante, manque de moyens et de personnel, course au financement… les établissements hospitaliers sont au bord de l’asphyxie. Ils ne tiennent que grâce à la pugnacité et à la volonté des personnels soignants d’accueillir et de prendre en charge au mieux les patients. Malgré de nombreuses prises de parole et alertes, malgré des grèves dans les services d’urgence et dans le secteur psychiatrie, aucune évolution n’est visible. Le projet de loi « Ma santé 2022 » pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses face à l’urgence de la situation. Malgré son orientation globalement positive, le texte n’accorde pas une pleine confiance aux acteurs de terrain. Il se tourne certes vers les territoires. Mais tout en conservant les outils qui produisent des normes, asphyxient les professionnels de santé et privent les initiatives locales de l’oxygène dont elles ont besoin. Alors que le rôle et les missions des futurs hôpitaux de proximité ne sont pas encore connus, le projet de loi prévoit déjà de transférer les commissions médicales aux hôpitaux pivots des GHT, les éloignant ainsi des territoires. Par ailleurs, le rôle des directeurs d’établissement et des directeurs de GHT est encore renforcé… Le texte semble aller à l’encontre de la philosophie affichée. Il est urgent de rendre conformes les décisions administratives à la stratégie médicale des groupements hospitaliers définie avec les commissions médicales et non pas seulement par les directions administratives. Il est urgent d’impliquer de nouveau les médecins dans la gestion des établissements. Cela fait partie des principales revendications émergeant de la concertation organisée par l’Ordre en février dans le cadre du Grand débat national. Nous avons déjà réussi à convaincre les parlementaires de laisser l’initiative des CPTS aux acteurs de la santé sur le terrain, et d’adapter la formation aux besoins des territoires. Nous continuerons à nous mobiliser dans les semaines qui viennent pour réinsérer le corps médical hospitalier au cœur de la gestion des hôpitaux. Dr Patrick Bouet Président du Conseil national de l’Ordre des médecins Directeur de la publication : D r Walter Vorhauer - Ordre des Médecins, 4, rue Léon Jost, 75855 Paris Cedex 17. Tél. : 01 53 89 32 00. E-mail : conseil-national@cn.medecin.fr – Rédacteur en chef : D r Jacques Lucas – Coordination : Isabelle Marinier Conception et réalisation : – 49, rue du Faubourg-Poissonnière, 75009 Paris – Responsable d’édition : Sarah Berrier Direction artistique : David Corvaisier – Maquette : Nathalie Wegener – Secrétariat de rédaction : Christine Ferreri Fabrication : Sylvie Esquer – Couverture : iStock – Impression : Imprimerie Vincent – Dépôt légal : à parution – n° 16758 ISSN : 1967-2845. Ce document a été réalisé selon des procédés Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. respectueux de l’environnement. médecins n° 61 mai-juin 2019
4 focus Texte : Jean-Baptiste Gauvin, Sarah Berrier Installation en libéral Cadre de vie, conditions d’exercice et travail en équipe… des facteurs déterminants Plus de 15 300 médecins installés, internes et remplaçants exclusifs ont répondu à la vaste enquête lancée début janvier par la commission Jeunes médecins du Cnom sur les déterminants à l’installation en libéral. L’essentiel… Pour la première fois, la commission (services administratifs, transports, internes et 87 % des remplaçants, il Jeunes médecins du Conseil national infrastructures, établissements sco- s’agit d’un point fondamental. L’exer- de l’Ordre des médecins (Cnom), com- laires, équipements socioculturels et cice groupé, dans le cadre d’une acti- posée des structures représentatives sportifs) est primordiale. Lorsque les vité mixte, libérale en groupe ou en des étudiants, internes et jeunes méde- jeunes praticiens s’installent, ils sont maison de santé pluridisciplinaire, cins, a mené une vaste enquête sur les souvent déjà en couple, parfois avec est enfin largement plébiscité par les déterminants à l’installation. L’objectif : des enfants. L’installation en libéral internes (72 %). Ces structures offrent tenter de comprendre pourquoi, alors ne dépend donc pas uniquement de en effet l’opportunité pour les jeunes que 72 % des internes envisagent de facteurs professionnels. Elle s’inscrit médecins d’être accompagnés dans les s’installer en libéral à court terme (en dans un projet de vie qui peut engager différentes démarches et de se fami- activité mixte, en groupe ou en MSP), un conjoint, voire une cellule familiale liariser avec l’exercice libéral dans un ils ne sont que 13 % à avoir opté pour cet et demande une réflexion approfondie. cadre rassurant. exercice lors de leur première inscrip- tion à l’Ordre, et 35 % cinq ans après. Un bon réseau de professionnels de santé Un exercice anxiogène Les jeunes médecins plébiscitent les + d’infos www.conseil-national.medecin.fr/node/3184 Ce décalage entre les aspirations et territoires dotés d’un réseau de pro- la réalité s’explique notamment par fessionnels de santé. Pour 81 % des les craintes suscitées par l’exercice libéral. 59 % des internes et 43 % des remplaçants exclusifs admettent que la peur d’un échec économique est un Point de vue de l’Ordre frein à l’installation. Une aide finan- Dr Bruno Boyer président de la commission Jeunes médecins du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) cière pourrait apparaître comme une solution à ces difficultés. Mais l’en- quête révèle que moins de la moitié des « Écouter et considérer à La Passerelle, dans la région répondants estiment que ce soutien les attentes des jeunes » Grand Est. Une initiative visait budgétaire est déterminant. Ce frein à mettre en lien la demande économique nécessiterait d’être levé Pour trouver des solutions favorisant des territoires et les internes en par le biais de solutions systémiques l’installation des jeunes médecins, médecine générale. Le tout est visant à rassurer les jeunes médecins il faut avant tout les écouter et de trouver la clé pour transformer sur ce mode d’exercice. considérer leurs attentes. l’intention d’installation en action. Aujourd’hui, les jeunes sont prêts Cela passe aussi par une à s’engager dans les territoires dès professionnalisation des études Le projet de vie avant tout lors qu’ils sont accompagnés, qu’on dès le deuxième cycle. À travers cette enquête, le cadre de les aide à avancer sur leur projet, Il faut effacer les inquiétudes liées vie est nettement apparu comme le qu’ils sont réellement intégrés dans à la méconnaissance par défaut principal déterminant à l’installation. un réseau et qu’ils ne se sentent pas de formation. Enfin, les territoires La majorité des jeunes médecins consi- isolés. Des projets dans ce sens ont ont une vraie responsabilité en dère que la qualité des services publics été menés avec succès, par exemple termes d’attractivité. médecins n° 61 mai-juin 2019
focus 5 CE QUE VEULENT LES JEUNES MÉDECINS 15 319 répondants à l’enquête dont : 16 % 9 répondants sur 10 internes sont issus de spécialités médicales (60 % de médecine générale) 13,5 % remplaçants 40 % 60 % 70,5 % médecins installés Une installation en libéral plébiscitée … mais peu concrétisée dans les projets professionnels des internes… Modes d’exercice envisagés Modes d’exercice des nouveaux inscrits Mixte Autre Autre 1% Libéral Salarié 8% Mixte 25 % 12 % 19 % 6027 % Salarié 62 % 45 % Libéral Ce qui rend un territoire attractif… Ce qui détermine le mode d’exercice… 62 % 61 % 87 % 60 % internes internes 57 % remplaçants 82 % 81 % 53 % remplaçants 52 % médecins installés médecins installés 37 % 37 % 59 % 59 % 36 % 38 % 46 % 35 % 36 % 33 % 46 % 30 % 43 % 22 % Services Proximité Transports Attachement Équipements Les horaires L’appréhension Réseau de publics familiale au territoire culturels ou le rythme du risque professionnels et sportifs de travail économique ou hôpital Installation et remplacement… étroitement liés 81 % des médecins installés ont été remplaçants exclusifs. 41 % d’entre eux se sont installés dans un territoire où ils ont remplacé. Source : Cnom médecins n° 61 mai-juin 2019
6 en bref Texte : Sarah Berrier Projet de loi et Grand débat national Ce que veulent les médecins Dans un courrier envoyé mi-février, le Cnom invitait chaque médecin à prendre part au Grand débat initié par le gouvernement, notamment via un espace d’expression en ligne créé spécifiquement pour l’occasion. Près de 3 500 contributions ont ainsi été reçues. Synthèse… « Vos contributions viendront enri- proximité (cf. Une organisation des territoires ou encore améliorer l’at- chir le travail du Conseil national de soins mieux coordonnée). Parmi les tractivité des régions en difficulté… l’Ordre auprès du gouvernement et propositions soumises : réaffecter des de nos parlementaires dans les mois moyens alloués à l’administratif au Une débauche de charges, à venir. Nous porterons haut et fort la profit des postes de soignants, inclure de contrôles et de contraintes voix de la profession devant les pou- les médecins dans la gestion (cf. administratives voirs publics… » Telle était l’ambition Replacer les professionnels au cœur À l’hôpital comme dans le secteur affichée par le Dr Patrick Bouet, pré- des décisions), ou encore supprimer libéral, le poids des contrôles et des sident du Conseil national de l’Ordre la tarification à l’activité. contraintes administratives fait éga- des médecins (Cnom) lors de l’appel à lement partie des principales préoccu- contributions lancé à tous les méde- … l’accès aux soins également pations des répondants qui pointent cins, dans le contexte du Grand débat Les répondants estiment que la « le nombre exponentiel des direc- national et du projet de loi Ma santé situation est « scandaleuse et dés- teurs et administrateurs nommés 2022. Sur la plateforme créée à cet honorante ». Le fait que les patients dans les hôpitaux » et « les charges effet, les médecins pouvaient répondre mettent parfois plusieurs semaines, sous lesquelles croulent les médecins à six questions. Les deux premières, voire mois, avant d’avoir un ren- libéraux ». Un facteur qui contribue générales, proposaient aux médecins dez-vous n’est pas acceptable. Parmi au manque d’attractivité de la profes- de poster librement leurs messages les solutions identifiées : favoriser sion à l’hôpital comme en libéral. Ils destinés au Grand débat pour l’une, et l’exercice mixte, soutenir les initia- dénoncent enfin des tutelles éloignées leurs réactions vis-à-vis du projet de tives locales tentant de répondre aux des réalités du terrain. Les répondants loi santé pour la deuxième. Les quatre besoins d’un territoire, développer ont ainsi proposé que soient simplifiées autres questions portaient sur la for- des mesures incitatives à l’instal- les démarches administratives grâce mation, l’organisation territoriale lation, proposer des stages dans les à la création d’un guichet unique, et des soins, le numérique en santé et la démocratie sanitaire. MESURES PRIORITAIRES SUR LA FORMATION (EN %) L’hôpital, au cœur des préoccupations… Mieux lier la formation 50 au type d’exercice 30 Dans les réponses aux deux premières questions, les médecins ont largement exprimé leurs préoccupations vis-à- vis de l’hôpital : manque de moyens Une révision du numerus matériels et humains, dégradations de 16 20 clausus plébiscitée l’environnement de travail, difficultés à exercer, souffrance des soignants… À l’origine de ces maux : l’obstination à Humaniser faire des hôpitaux des établissements 9 14 les études médicales rentables et ce, au détriment du soin. Les médecins souhaitent ainsi que soient redonnés à l’hôpital les moyens Cité en premier Autres citations 14 Total des citations d’assurer un service public de qua- Source : Cnom/Elabe lité, y compris dans les hôpitaux de médecins n° 61 mai-juin 2019
en bref 7 que soient supprimés tous les certifi- MESURES PRIORITAIRES SUR LE NUMÉRIQUE (EN %) cats inutiles. Ils souhaitent également que la couverture sociale des médecins libéraux soit améliorée afin de rendre La télémédecine cet exercice plus attractif. 50 58 Lier la formation au type d’exercice L’appropriation et Un médecin sur deux a choisi comme l’utilisation du dossier 24 30 mesure prioritaire de mieux lier la médical partagé formation au type d’exercice (cf. gra- phique). Nombreux sont ceux qui déplorent en effet une formation trop L’harmonisation des logiciels hospitalo-centrée. La diversité des entre la médecine hospitalière 13 20 pratiques médicales n’est pas suffi- et la médecine de ville samment enseignée, en particulier l’exercice libéral. Parmi les proposi- Cité en premier Autres citations 58 Total des citations tions avancées : favoriser davantage les stages en ambulatoire ou dans les structures de proximité. MESURES PRIORITAIRES SUR LA DÉMOCRATIE SANITAIRE (EN %) Une organisation des soins mieux coordonnée Replacer le médecin 39 59 La majorité des répondants estime au cœur des décisions qu’une meilleure coordination des acteurs est prioritaire pour améliorer l’organisation territoriale des soins. À Mieux associer les commencer par les liens entre ville et patients 9 16 hôpital. Il est nécessaire qu’ils soient plus fluides, plus simples et plus directs. Il n’est plus envisageable de travailler en silo. Des solutions doivent L’harmonisation des logiciels également être trouvées pour prendre entre la médecine hospitalière 9 10 en charge les soins non programmés et la médecine de ville non urgents ailleurs que dans les ser- Cité en premier Autres citations 59 Total des citations vices d’urgence. Pourquoi pas grâce aux hôpitaux de proximité ou en valori- sant les médecins de ville qui prennent en charge les demandes urgentes ? par… fax ! » Il est donc indispensable instances ». De manière générale, le que tous les hôpitaux bénéficient d’un pilotage de notre système de santé mais La télémédecine plébiscitée, accès à Internet sécurisé avec à disposi- aussi la gouvernance des hôpitaux sont mais… tion des logiciels de partage de données perçus comme étant strictement des- La télémédecine est mentionnée par et des messageries sécurisées. cendants, ne laissant que peu de place un répondant sur deux comme étant à la concertation et à la codécision. Les la mesure prioritaire à déployer en Replacer les professionnels médecins souhaitent être davantage matière de santé numérique (cf. gra- au cœur des décisions écoutés et impliqués. Ils aspirent phique). Néanmoins, elle cristallise Concernant la question sur la démo- ainsi à des modes de concertation et encore des inquiétudes liées notam- cratie sanitaire, une large majorité de décision paritaires entre l’adminis- ment aux craintes d’erreurs de diagnos- de médecin estime prioritaire de tration, les professionnels de santé et tic. Un certain nombre de freins doivent replacer le médecin au cœur des déci- les patients dans toutes les instances également être levés, en particulier en sions (cf. graphique). Les répondants décisionnaires (hôpitaux, ARS…). termes d’équipements : « La plupart des appellent à « une plus grande écoute secrétariats des services hospitaliers des acteurs de terrain face au “tout + d’infos : www.conseil-national.medecin. envoient encore les résultats urgents administratif” dans les différentes fr/node/3196 médecins n° 61 mai-juin 2019
8 en bref CNG les Élections professionnelles tweets du 25 juin au 2 juillet 2019 @ordre_medecins – 5 avril Réuni en Session, le Cnom a décidé de saisir la juridiction ordinale contre De manière coordonnée au niveau national, le Centre national 3 responsables du #Syngof pour avoir de gestion (CNG) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) annoncé, dans une newsletter du organisent trois élections professionnelles. Le CNG pilote plus Syndicat, qu’il pourrait ordonner à ses particulièrement les élections des représentants des praticiens adhérents de cesser la pratique d’#IVG. hospitaliers (PH) à la Commission statutaire nationale (CSN) et au Conseil de discipline (CD) et la DGOS, celles des représentants @ordre_medecins – 5 avril au Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes #Sidaction2019 | MERCI à tous les et pharmaceutiques (CSPM). professionnels de santé et chercheurs Ces trois scrutins, auxquels sont électeurs tous les praticiens des qui se mobilisent pour lutter contre établissements de santé, sociaux et médico-sociaux publics, auront le #sida et accompagner les malades pour particularité d’être totalement dématérialisés. Les électeurs au quotidien. recevront leurs codes par voie électronique et voteront uniquement via internet, conformément au décret du 28 décembre 2017. @ordre_medecins – 4 avril Dès le 25 juin 2019, vous pourrez participer aux élections, munis de [Communiqué] Observatoire de vos codes de vote (distincts pour les élections à la CSN/CD et au la #sécurité des médecins : un nombre CSPM) et de votre numéro ordinal. Alors, n’hésitez pas… VOTEZ ! toujours plus important d’incidents déclarés. L’Ordre appelle une nouvelle fois les autorités à se saisir de cet enjeu + d’infos majeur https://www.conseil-national. https://www.cng.sante.fr/praticiens-hospitaliers/elections-professionnelles-2019 medecin.fr/node/3178 Élections Besoin d’aide ? 0800 288 038 Le numéro unique d’écoute ordinale ou d’une et d’assistance aux association régionale médecins et internes d’entraide), avec un change et devient psychologue clinicien ou le 0800 288 038. avec un interlocuteur Accessible gratuitement spécifique pour évoquer 24 heures sur 24 et 7 jours toute difficulté financière, sur 7, ce service, lancé administrative, juridique… Le Dr Frédéric Prudhomme a été début 2018 par le Conseil En 2018, plus de élu le 18 avril 2019 à l’occasion national des médecins, 4 000 appels ont été de l’élection complémentaire permet d’être écouté et, traités. au Conseil national de l’Ordre si besoin, d’être mis en des médecins, représentant relation avec un confrère + d’infos la région Île-de-France, (de la commission https://www.conseil-national. département des Yvelines. départementale d’entraide medecin.fr/node/3172 médecins n° 61 mai-juin 2019
e-santé 9 Propos recueillis par Sarah Berrier Un « Health Data Hub » pour mettre les données au service de la santé Le projet de loi santé devant le Parlement prévoit la création d’un Health Data Hub, plateforme des données de santé. Son objectif est de faire de la France un pays leader en termes d’utilisation des données de santé au service du bien commun, en préservant un haut niveau de protection de la vie privée. Le Dr Jacques Lucas, vice-président du Cnom, délégué général au numérique, fait le point sur cette plateforme. Qu’est-ce que le Health Data Hub? encore pour développer des intelli- Quelle est la position de l’Ordre ? Il s’agit d’une plateforme publique, gences artificielles qui ont besoin de Nous essayons d’être très clairs, même aux accès strictement contrôlés grandes masses de données pour être si les aspects techniques ne sont pas et sécurisés, qui associera le Sys- pertinentes. Le débat au Parlement a simples à exposer. Les données ne tème national des données de santé permis de renforcer les garanties et doivent pas rester une « mer morte ». (SNDS) créé par la loi de santé de les sécurités pour le citoyen. Elles sont fondamentales pour la 2016, en le complétant avec d’autres recherche, l’organisation des soins, sources de données. L’une des évolu- Comment garantir la sécurité voire l’élaboration des politiques tions majeures réside dans l’origine de ces données ? publiques. Ce n’est pas nouveau des données. Aujourd’hui, le SNDS C’est une question majeure pour les puisque c’était ainsi que s’élaboraient contient des données médico-admi- libertés et la protection de la vie pri- déjà des travaux scientifiques et des nistratives issues essentiellement du vée. La gouvernance de ce Health Data thèses, mais nous changeons d’échelle. Sniiram et du PMSI. Les données du Hub sera déterminante pour apporter C’est cette évolution qui pose l’exi- Health Data Hub pourront provenir, ces garanties et établir la confiance. gence des garanties et sécurités après leur anonymisation, des dos- Elle doit reposer sur des principes de relatives à la liberté individuelle siers patients des établissements démocratie sanitaire avec des repré- des personnes, à commencer par leur de santé, publics ou privés, ou des sentants des professionnels, des usa- information et leur consentement au médecins de ville. La loi indique « des gers, des organismes de recherche, « don de leurs données ». Il est aussi données collectées lors des actes pris de la Cnam, du ministère, de la Cnil, indispensable de s’assurer, dans le en charge par l’Assurance mala- du monde scientifique et institution- système lui-même, que la « ré-iden- die », mais également, avec l’accord nel, des fédérations hospitalières, du tification » sera impossible. Enfin, du citoyen et sous son contrôle, les CCNE… Jusqu’à maintenant, à l’Insti- selon le Cnom, le comité éthique et informations contenues dans son tut des données de santé (INDS) – que le scientifique du Health Data Hub devra espace numérique de santé. Il est Health Data Hub va remplacer –, deux purger tout conflit de compétences fondamental de comprendre que comités distincts donnaient leurs avis entre ce qui est scientifique et ce qui toutes ces données seront « dé-iden- pour l’accès au SNDS. L’un sur l’intérêt est éthique. Sa composition sera à cet tifiées » afin de respecter le secret scientifique de la recherche envisagée égard déterminante. Évidemment, médical. Il s’agit là d’une exigence et l’autre sur son intérêt général et non tout ne sera pas opérationnel sitôt la fondamentale que le Cnom a rappe- pas purement privé, avec un regard loi votée et promulguée, mais pour ce lée. L’autre évolution majeure réside éthique. Le projet de loi prévoit qu’un qui le concerne, l’Ordre sera attentif dans la simplification des autorisa- seul comité éthique et scientifique, à tous les développements à venir, à la tions d’accès à des fins identifiées dont la composition sera précisée par fois sur les décrets et sur la convention et connues de recherche clinique, décret, étudiera les demandes d’accès constitutive du GIP, puisque ce sera la économique, en santé publique ou aux données. forme juridique du Health Data Hub. médecins n° 61 mai-juin 2019
10 sur le terrain Texte : Éric Allermoz | Photos : Julian Renard À la fac de médecine, des stages pour apprendre à écouter À Paris, des étudiants en médecine s’immergent quelques heures dans le quotidien des écoutantes du Collectif féministe contre le viol ou des maraudeurs du Samu social. L’objectif ? Les sensibiliser à l’écoute de l’autre. Casque vissé sur la tête, Vlad écoute attentivement le récit de Jade1, vic- time d’un viol, qui appelle pour la première fois le numéro vert natio- nal « Viols femmes informations » du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Dans ses locaux parisiens, le collectif reçoit 7 000 appels par an. En France, une femme sur six a subi ou subira des violences sexuelles au cours de sa vie. Insupportable réalité. Une fois le téléphone raccroché, Séverine1, écoutante de l’associa- tion, débriefe avec le jeune étudiant, sonné par ce qu’il vient d’entendre. « Les médecins prennent régulière- ment en charge des femmes victimes de violences. Des phrases simples les rassurent, libèrent la parole : “Je vous crois”, “Vous avez raison de parler”, “Je vais vous aider” », explique-t-elle. Depuis 2012, la faculté de médecine Sorbonne Université envoie ses étu- diants de 4e année à la rencontre de personnes victimes de violences ou Chaque année, 400 étudiants en médecine de Sorbonne Université participent en détresse. Un mini-stage obligatoire à des stages d’écoute avec les écoutantes du Collectif féministe contre le viol. qui permet aux apprentis médecins de travailler leurs compétences relation- nelles avec les patients. « L’empathie la façon dont les écoutantes créent mais c’est un début. Le collectif milite du médecin, sa capacité à écouter un climat de confiance. Cette expé- pour que tous les médecins, généra- et à comprendre les maux de son rience me permettra aussi, à l’avenir, listes comme spécialistes, interrogent patient sont essentielles, mais insuf- d’orienter mes patients vers le CFCV. » chaque patient pour savoir s’il a été vic- fisamment développées au cours de sa Les étudiants sont peu sensibilisés time de violence, comme il demande formation », détaille le Pr Alexandre à dépister et prendre en charge les s’il a des allergies à des médicaments Duguet, vice-doyen chargé de la for- violences sexuelles, la précarité, le ou des antécédents de maladie car- mation à la faculté de médecine Sor- handicap, les maladies mentales, diaque », précise Véronique Wolf, bonne Université. C’est lui qui est à qui ont pourtant un réel impact sur coordinatrice d’équipe au CFCV. l’origine de ce module atypique. la santé, même des années plus tard. Plus on connaît son patient, son vécu, Un enseignement protéiforme Créer un climat de confiance mieux on le soigne. À Sorbonne Université, plusieurs Pour Vlad, l’expérience est positive : Ces quelques heures d’écoute et d’em- initiatives tendent vers cette méde- « Je retiens l’importance des mots, pathie sont-elles suffisantes ? « Non, cine plus empathique. Formation médecins n° 61 mai-juin 2019
sur le terrain 11 Une mauvaise écoute des médecins réduit l’efficacité d’une consultation. Selon une thèse de médecine sur le sujet (violences sexuelles et formation médicales initiales – Gaëlle Auber, 2014), 83% des participants s’estiment Certains participants affichent leur stupeur face aux témoignages des personnes insuffisamment formés à l’écoute. victimes de violences sexuelles. à la communication non violente (CNV), saynètes avec des étudiants Témoignage en théâtre pour travailler la relation Pr Alexandre Duguet, pneumologue, avec les familles, rencontres avec vice-doyen chargé des formations, Sorbonne Université des associations de patients pour comprendre leurs attentes, etc. Les étudiants effectuent aussi des stages « Former des médecins patient s’il a été victime de violence, quel que soit le motif d’écoute avec le Samu social et SOS plus empathiques » de sa visite. C’est une question Amitiés. L’actuelle réforme des études simple, facile à poser, qui ne doit pas de médecine prévoit également de Nos patients attendent de nous être taboue. Lorsque les stages valoriser les compétences relation- de la compétence, du savoir-faire, d’écoute ont débuté, en 2012, nelles des futurs médecins. mais aussi de l’écoute. Les études certains collègues ont d’abord de médecine doivent former de été réticents. Ils considéraient que meilleurs médecins, plus cette immersion n’avait pas sa place 1. Les prénoms ont été changés. empathiques – alors qu’eux-mêmes dans un cursus de médecine. ne reçoivent pas souvent Ces stages constituent une + d’infos : Collectif féministe contre d’empathie au cours de leur cursus. expérience émotionnelle forte, le viol. Numéro vert national « Viols Il est tout à fait possible, comme éclairante sur un sujet difficile dont femmes informations » au 0 800 05 95 95, le souhaite le Collectif féministe les étudiants ne soupçonnent pas www.cfcv.asso.fr contre le viol, de demander à notre toujours l’impact sur la santé. médecins n° 61 mai-juin 2019
12 rubrique entretiens croisés Texte : Émilie Tran-Phong | Photos : DR Dispositifs médicaux Comment améliorer leur sécurité ? Fin 2018, une enquête journalistique internationale soulignait les failles du système actuel de régulation des dispositifs médicaux en Europe. Certaines sont déjà en voie d’amélioration, dans le cadre d’une réglementation adoptée en 2017, mais il reste une marge de progression. Le terme « dispositif médical » désigne fait de conflits d’intérêts, les organismes 18208 aussi bien des pansements et des lunettes que des implants mammaires, des pro- thèses de hanche ou des pacemakers. Pourtant, aujourd’hui, « tous ces produits chargés d’attribuer le précieux sésame ne sont pas tous très regardants. » À cela s’ajoutent des problèmes de transparence, de traçabilité et de matériovigilance. effets indésirables sont trop souvent considérés comme de Les autorités sanitaires des États membres liés à des dispositifs simples objets de consommation : il leur en sont conscientes. Elles ont déjà poussé médicaux ont été suffit d’obtenir le marquage CE, attestant la Commission européenne à réécrire la déclarés à l’ANSM en de leur conformité avec la législation, pour réglementation sur les dispositifs médi- 2017, soit 31 % de plus bénéficier du droit à la libre circulation caux. Adopté en avril 20171, le nouveau qu’en 2014 (13 855). des marchandises en Europe, souligne le texte s’appliquera en mai 2020. Pour les Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la experts interrogés ci-après, les amélio- section Santé publique du Conseil national rations apportées seront notables mais de l’Ordre des médecins (Cnom). L’enquête perfectibles. Implant Files, publiée en novembre 2018 par le Consortium international des jour- + d’infos Pour signaler tout événement sanitaire indésirable : nalistes d’investigation (ICIJ), l’a montré : signalement-sante.gouv.fr ce système n’est pas à la hauteur. Il n’y a aucune obligation d’essais cliniques et, du 1. Règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017. médecins n° 61 mai-juin 2019
13 Dr Jean-Marcel Jean-Claude Isabelle Alain-Michel Mourgues, Ghislain, Adenot, Ceretti, président de la section directeur des affaires présidente de la président de France Santé publique du Cnom scientifiques à l’ANSM CNEDiMTS, à la HAS Assos Santé Dr Jean-Marcel Mourgues Alain-Michel Ceretti Contrairement aux médicaments, les Même s’ils font des essais cliniques avant mise dispositifs médicaux ne passent pas par sur le marché, les fabricants butent sur un une procédure d’autorisation de mise autre problème : celui de la matériovigilance. sur le marché (AMM). Ils ne font pas Les études préalables n’ont pas la puissance systématiquement l’objet d’essais cliniques nécessaire pour déceler des effets indésirables et ne sont pas évalués par une agence rares ou liés à une utilisation en vie réelle. publique dédiée. Pourtant, certains qui Seules les données remontées du terrain peuvent sont implantables présentent des risques le faire. Or, celles-ci sont trop parsemées pour potentiels élevés et, une fois posés, sont mettre en lumière les signaux qui permettraient difficiles à retirer. Ce ne sont pas de simples d’éviter une crise. En cause : le nombre limité de marchandises, mais ils sont traités comme personnes recevant un même implant, une faible telles. Et le système est d’autant moins implication de ces patients dans la démocratie contraignant que ce sont les fabricants qui en santé (au sein d’associations notamment) et choisissent et paient les organismes notifiés le fait que trop peu de médecins signalent les chargés d’évaluer leurs produits. incidents. Il y a par ailleurs un problème de traçabilité : en cas d’alerte sur une prothèse, il est très difficile aujourd’hui de retrouver et de contacter les patients qui l’ont reçue. Quelle est la situation en France ? Jean-Claude Ghislain L’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) peut interdire un dispositif si celui-ci présente un risque important, Isabelle Adenot ou le suspendre en cas de forte À la Haute Autorité de santé (HAS), nous évaluons suspicion. Si nous ne délivrons pas le le service médical rendu de dispositifs médicaux en marquage CE, nous avons en effet pour vue de leur prise en charge par l’Assurance maladie. mission de surveiller les produits de Ce travail, complémentaire au marquage CE, porte santé sur le marché et de retirer ceux sur une très petite minorité de dispositifs. Dans qui posent problème. Cela passe par le les établissements de santé notamment, nous ne traitement des incidents qui nous sont voyons que les dispositifs dont la liste est fixée par remontés, par des contrôles proactifs arrêté (les défibrillateurs cardiaques, par exemple) sur les produits qui nous paraissent et ceux inscrits sur une liste dite « en sus ». En sensibles et, si besoin, par des dehors de ces deux situations, nous n’évaluons pas inspections chez les fabricants. Nous les dispositifs utilisés à l’hôpital, soit une bonne désignons et contrôlons par ailleurs les partie d’entre eux. Cela explique en partie que nous organismes notifiés français (à ce jour, n’ayons pas eu à évaluer les prothèses mammaires, il n’y en a qu’un : le LNE/G-MED). En jusqu’au récent arrêté paru en mars 2018. Nous en revanche, nous ne supervisons pas ceux serons chargés à partir du 31 mars 2023. des autres pays. C’est l’un des points qui va être amélioré par la nouvelle réglementation. médecins n° 61 mai-juin 2019
14 entretiens croisés Dr Jean-Marcel Mourgues La réglementation de 2017 va dans le bon sens, elle devrait mieux encadrer l’activité Dr Jean-Marcel Mourgues des organismes notifiés. Il faudra cependant attendre quelques années avant de pouvoir « Les dispositifs médicaux sont traités évaluer son impact réel. La création d’une base comme de simples marchandises. » de données européenne sur les dispositifs médicaux devrait faciliter le partage d’informations entre les autorités des différents Alain-Michel Ceretti pays, qui disposeront ainsi de plus de données Avec une supervision plus étroite des organismes pour réaliser leurs études. Mais le problème notifiés, la nouvelle réglementation devrait conduire de sous-déclaration des incidents relève des à en réduire le nombre, ainsi que la compétition médecins. Au Cnom, nous avons à mener un qu’ils se livrent pour être choisis par les fabricants. travail d’acculturation des professionnels à Il sera aussi plus difficile pour un dispositif l’importance de remonter les effets indésirables médical d’obtenir le marquage CE. On regrettera des médicaments ou dispositifs médicaux. néanmoins que l’Europe n’ait pas décidé de se doter C’est d’autant plus nécessaire, dans le cas d’une haute autorité de santé indépendante pour des dispositifs médicaux, que la nouvelle l’attribuer. Le texte va dans le bon sens mais il ne réglementation ne prévoit toujours pas de réelle va pas assez loin puisqu’il ne supprime pas le lien procédure d’AMM. commercial direct, qui a déjà montré ses failles, entre les fabricants et les entreprises chargées d’évaluer leurs produits. Même si les audits devraient être plus poussés, les risques liés aux Que va changer conflits d’intérêts persistent. la nouvelle réglementation ? Isabelle Adenot La nouvelle réglementation vise à améliorer le marquage CE, donc la qualité des dispositifs médicaux mis sur le marché. La mission de la HAS ne va pas changer. Mais nous aurons peut-être moins d’avis négatifs à donner pour « service médical insuffisant ». Au quatrième trimestre 2018, cela concernait 36 % des dossiers ! Or, il faut rappeler qu’un tel avis, s’il empêche le remboursement d’un produit, n’interdit pas sa commercialisation. Cela limite néanmoins son usage. C’est pourquoi, en complément de la révision des règles Jean-Claude Ghislain européennes, le ministère de la Santé a décidé en mars 2019 d’allonger la liste des dispositifs qui, même s’ils entrent dans « Les choses évoluent, le cadre du forfait hospitalier et ne demandent pas à être même s’il y a encore remboursés en sus, doivent passer par notre commission des points à améliorer. » d’évaluation. Cela inclut, par exemple, des dispositifs utilisés dans le traitement de l’incontinence urinaire. Jean-Claude Ghislain La réglementation européenne a été révisée en 2017, à la suite d’un bilan que nous avions réalisé avec les autres autorités nationales compétentes. Cette réécriture visait à corriger les anomalies identifiées. Ainsi, les organismes notifiés ne seront plus contrôlés par la seule autorité compétente de leur pays, mais par plusieurs agences. Cela devrait harmoniser les pratiques, d’autant qu’ils ne seront plus seuls à décider : avant d’attribuer un marquage CE, ils devront désormais consulter un panel d’experts européens. Autre avancée : les essais cliniques deviennent obligatoires pour les implants les plus à risque. Une base de données européenne sur les dispositifs médicaux et leurs événements indésirables (Eudamed) va être créée et, pour améliorer la traçabilité, un identifiant unique sera attribué à chaque dispositif. médecins n° 61 mai-juin 2019
entretiens croisés 15 Dr Jean-Marcel Mourgues Jean-Claude Ghislain La mission d’information sur la sécurité des La nouvelle réglementation continue de dispositifs médicaux, lancée par l’Assemblée nationale s’appuyer sur les organismes notifiés. Mais consécutivement aux Implants Files, a rendu son ces derniers sont contraints de s’appuyer rapport le 6 mars 2019. Elle y donne quelques pistes sur des études cliniques et peuvent pertinentes. Par exemple la nécessité de soutenir difficilement prendre une décision qui au niveau européen la mise en place d’une véritable va à l’encontre de l’avis, public, du panel AMM pour les implants les plus invasifs. Ou encore la d’experts consulté. Les choses évoluent, modification du code de la Santé publique, en France, même s’il y a encore des points à améliorer. pour élargir les types d’incidents devant faire l’objet On regrette notamment que la proposition, d’une déclaration obligatoire. Cela permettrait de soutenue par la France, de transformer repérer plus vite des effets indésirables susceptibles l’Agence européenne du médicament (EMA) de devenir des crises sanitaires. La traçabilité des en Agence européenne du médicament dispositifs pourrait aussi être améliorée, pourquoi et des produits de santé, ait été rejetée. pas via le dossier médical partagé (DMP) : l’identifiant Le renouvellement prochain des députés unique de l’implant reçu par le patient pourrait y être européens sera peut-être l’occasion d’en indiqué, de manière à ce que celui-ci puisse être alerté discuter. De même, nous aimerions que les en cas de problème ou pour informer directement les dispositifs médicaux ne dépendent plus de autorités en cas d’effet indésirable inhabituel. la direction générale des Entreprises mais de la direction générale de la Santé à la Commission européenne. Que faire pour améliorer Isabelle Adenot encore la sécurité des « La nouvelle réglementation dispositifs médicaux ? vise à améliorer le marquage CE, donc la qualité des dispositifs Alain-Michel Ceretti médicaux mis sur le Une fois leurs produits sur le marché, les fabricants n’ont que marché. » très peu d’informations sur la façon dont les patients les vivent, ils ne savent pas s’ils ressentent une gêne en les utilisant ou si des effets indésirables apparaissent à long terme. N’ayant aucun lien direct avec eux, ils peuvent avoir recours à des associations Isabelle Adenot de malades pour la réalisation d’études anonymisées sur un Les deux listes de dispositifs utilisés en implant ou une machine. Mais, pour certaines pathologies, la établissements de santé et que la HAS fracture du col du fémur par exemple, ce n’est pas possible, il peut évaluer sont trop figées. Il faudrait n’y a pas de représentants. Il faudrait encourager les patients qu’elles soient revues de façon plus à se mobiliser davantage, en remontant par exemple d’eux- dynamique, en fonction des risques et mêmes les effets indésirables inhabituels sur le portail dédié au des innovations. De même, ne faudrait- signalement des incidents. C’est le seul moyen, parfois, d’éclairer il pas que nous puissions aussi évaluer, les industriels. En échange, il faudrait plus de transparence de facultativement, les logiciels d’aide aux la part de ces derniers. diagnostics et choix thérapeutiques des médecins, notamment ceux qui engagent la vie (classe III ou IIb) ? Pour exemple, des logiciels qui dépistent les mélanomes sur photo peuvent être marqués CE puis mis sur le marché. Les professionnels ne souhaiteraient-ils pas un « label » pour diriger leurs choix ? Il est probable que les industriels soient Alain-Michel Ceretti aussi intéressés par une telle option, pour une discrimination positive. « Les risques liés aux conflits d’intérêts persistent. » médecins n° 61 mai-juin 2019
16 66 596 MÉDECINS SALARIÉS HOSPITALIERS soit 30 % des médecins en activité, et 24 134 médecins en exercice mixte. Sources : DREES
17 dossier Textes : Éric Allermoz, Dominique Fidel | Photos : iStock, DR Remettre le soin au cœur de l’hôpital Lourdeurs administratives, contraintes budgétaires de plus en plus prégnantes, relations ville-hôpital compliquées, éloignement des médecins de la gouvernance des établissements… Au fil des dernières décennies, sous la contrainte économique, les médecins hospitaliers sont à la peine. Alors comment remettre le soin et les soignants au cœur des priorités de l’univers hospitalier ? Éléments de réflexion. Fin 2015, l’Ordre des médecins lan- çait une grande consultation auprès Point de vue de l’Ordre des médecins, toutes spécialités Dr François Simon, président médicales et tous modes d’exercice de la section Exercice professionnel du Cnom confondus. Parmi les 30 000 parti- cipants figuraient 5 000 médecins hospitaliers. Le tableau dressé par « Pour que la réforme annoncée soit à la hauteur leurs témoignages était sans appel : des enjeux » on y découvrait des médecins fiers et Depuis quelques années, gouvernance trop peu de la loi. Cette dernière globalement satisfaits de leur situa- nous avons mis en place partagée au sein ayant été rédigée dans tion professionnelle, mais aussi décri- un groupe de réflexion des établissements l’urgence pour assurer vant un métier dévalorisé, soumis à la réunissant des médecins comme dans le cadre une entrée en vigueur pression de la rentabilité et à des rela- hospitaliers, issus pour des groupements, rapide de la réforme tions conflictuelles avec le régulateur. une bonne part de confidentialité des des études médicales, Pour remettre sur pied un système de centres hospitaliers données remise en de nombreux points qui santé perçu comme à bout de souffle, non universitaires. Nos question… Sur tous ces figuraient dans le plan plusieurs pistes d’action avaient été échanges ont confirmé points le Cnom a été gouvernemental ont les nombreuses failles force de proposition, en été renvoyés à des évoquées. Quatre d’entre elles furent que nous pressentions : amont du plan Ma Santé ordonnances, ce qui nous jugées prioritaires : l’augmentation diminution du temps 2022 et dans les projets semble regrettable. Lors du temps médical, une gouvernance disponible sous le poids d’amendements de leur rédaction, l’Ordre partagée avec les directions adminis- de l’administration, qui ont été déposés sera particulièrement tratives, la lutte contre les inégalités informatique en en convergence avec vigilant pour que la territoriales d’accès aux soins et décalage total avec les d’autres acteurs pendant réforme annoncée soit enfin, une meilleure structura- usages contemporains, l’examen des articles à la hauteur des enjeux. médecins n° 61 mai-juin 2019
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