Alimentation, Nutrition et Prévention des Cancers, une Perspective Mondiale : Application au Contexte Français

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Alimentation, Nutrition et Prévention des Cancers, une Perspective Mondiale : Application au Contexte Français
Alimentation, Nutrition et Prévention
des Cancers, une Perspective Mondiale :
Application au Contexte Français
02

Préface                                                                               Sommaire

Les données scientifiques consensuelles actuellement                                  Préface                                                    02
disponibles sur le rôle des facteurs alimentaires dans
le développement de la plupart des cancers montrent qu’il existe                      Introduction                                               03
de réelles possibilités de prévention1 via l’alimentation. Ainsi,
un changement des habitudes alimentaires (alimentation diversi-                       Présentation du Rapport d’Experts du                       04
fiée et équilibrée, privilégiant l’apport de facteurs protecteurs                     WCRF UK et de l’AICR
et limitant la consommation de boissons alcoolisées), associé
à la pratique d’une activité physique et visant à éviter                              Les cancers : incidence et mortalité                       06
la surcharge pondérale, peut contribuer à réduire le risque
de cancers de façon importante. Si ces données méritent d’être                        ■    Dans le monde
étayées grâce à des recherches approfondies, elles doivent être                       ■    En France
prises en compte dès maintenant car les gains en termes
de santé, d’espérance et de qualité de vie sont indubitables.                         Alimentation et cancérogenèse                              09
Ainsi, le Programme National « Nutrition-Santé » (PNNS)2                              Aliments, nutrition et risque de cancers :
mis en place par le Ministère de la Santé depuis 2001, par                            présentation synthétique des résultats                      13
les objectifs qu’il vise et par les actions qu’il développe, va dans
le sens de la protection globale de la santé par une alimentation                     Les possibilités de prévention par
et une nutrition satisfaisantes.
                                                                                      type de cancer                                             16
Je tiens à souligner l’utilité des actions d’information auprès                       Les recommandations nutritionnelles du WCRF
du grand public menées par les organisations non gouvernemen-
tales, ainsi que l’intérêt du réseau National Alimentation Cancer                     International et le contexte français                      20
Recherche (NACRe) pour le développement des recherches
épidémiologiques, expérimentales et cliniques dans le domaine                         Santé publique et prévention du cancer                     26
alimentation et cancer. Ce sont ces actions de terrain                                ■    Une priorité mondiale
et de recherche qui permettent à la santé publique d’avancer.
                                                                                      ■    Un axe prioritaire pour la France
Cette brochure3, issue du partenariat entre le WCRF International
et le réseau NACRe, présente les connaissances actuelles sur                          Références bibliographiques                                29
la relation entre alimentation et cancer et les situe par rapport                     Le réseau NACRe                                            30
au contexte français. Destinée à un public large et averti,
elle contribuera à mieux informer et mobiliser les différents                         L’action du réseau mondial du WCRF                         33
acteurs du domaine, qui sont appelés à relever le défi de la lutte
contre le cancer et à agir pour la protection de la santé
de la population française.

La lutte contre le cancer est l’un des trois grands chantiers priori-
taires définis récemment par le président de la République
française pour les prochaines années. Le Ministère de la Santé
s’est attelé à cette tâche. Les enjeux de santé publique en termes
humains, sociaux et économiques sont tels que l’on voit l’impor-
tance et la nécessité de développer des actions coordonnées
dans ce domaine. Cette brochure est une contribution importante
dans cet effort qui doit tous nous mobiliser.

professeur lucien abenhaim
Directeur Général de la Santé

Ce document reçoit également l’approbation de la Ligue Nationale
Contre le Cancer2

professeur henri pujol
Président de la Ligue Nationale Contre le Cancer

1 : Le terme « prévention » doit être compris sous         3 : Cette brochure est complémentaire                dans la collection des synthèses du PNNS
le sens de « réduction du risque de cancer »               et cohérente avec celle conçue, par ailleurs, pour   (www.sante.gouv.fr ; Dossiers : N comme Nutrition).
et non d’abolition du cancer.                              les professionnels de santé « ALIMENTATION,          Cette seconde brochure a été élaborée au sein
2 : Voir page 35.                                          NUTRITION ET CANCER. Des vérités, des hypothèses,    de l’Unité de Surveillance et d’Epidémiologie
                                                           des idées fausses. De la recherche scientifique      Nutritionnelle (USEN) de l’Institut National
                                                           aux recommandations de Santé Publique », publiée     de Veille Sanitaire (InVS-CNAM), à la demande
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                       03

Introduction

La relation entre alimentation et cancer fait l’objet d’un intérêt   La présente brochure résulte du travail conjoint du WCRF
ancien qui remonte notamment à la tradition de la médecine           International et du réseau NACRe. Elle reprend de nombreux
grecque. Les médecins du début du XXème siècle conseillaient         éléments du Rapport d’Experts du WCRF UK et de l’AICR,
déjà à leurs patients d’éviter toute surcharge pondérale             qui ont été réactualisés autant que possible. De plus,
et de manger plus d’aliments à base de produits végétaux afin        elle intègre des informations récentes et spécifiques
de réduire le risque de cancer. En revanche, la démonstration        à la France en matière d’évolution des cancers, de typologie
scientifique est plus récente. Dans leur étude parue en 1981,        alimentaire et de politique de santé publique. Ainsi, d’une
The Causes of Cancer, Doll et Peto ont été les premiers              part, elle permet de situer la problématique dans le contexte
à analyser les connaissances épidémiologiques mondiales              mondial et, d’autre part, elle met en valeur la pertinence
de l’époque sur le cancer et à estimer qu’une proportion             de ce rapport pour la France, en soulignant le potentiel de
importante des cancers pourrait être liée à l’alimentation.          prévention des recommandations nutritionnelles préconisées.

Plus récemment, à la demande du World Cancer Research                Cette brochure a été conçue à l’intention des différents
Fund (WCRF UK) et de l’American Institute for Cancer Research        acteurs du domaine alimentation et cancer : chercheurs,
(AICR), un comité d’experts indépendants a effectué l’analyse        étudiants, professionnels de santé, consommateurs,
critique et la synthèse du nombre considérable d’études              industriels, professionnels de la grande distribution
portant sur la relation alimentation et cancer, réalisées            et de la restauration, consultants, journalistes spécialisés,
au cours des vingt années précédentes. Le travail du comité          responsables politiques français.
a donné lieu à la publication de son Rapport d’Experts de
670 pages intitulé Food, Nutrition and the Prevention of             Nous espérons donc qu’elle trouvera un large public,
Cancer : a global perspective (WCRF UK/AICR, 1997).                  désireux de mieux comprendre les possibilités de prévention
Les conclusions, concordantes avec celles des ouvrages               nutritionnelle des cancers et disposé à œuvrer à l’échelle
du Centre National d’Etudes et de Recommandations                    individuelle et collective pour son développement en France.
sur la Nutrition et l’Alimentation (CNERNA, 1996) et du
Committee On Medical Aspects of food and nutrition policy            Bien cordialement,
(COMA, 1998), explicitent le rôle des facteurs nutritionnels
dans le déterminisme des cancers. Leur rigueur scientifique
en fait les références en la matière, reconnues notamment par
le Haut Comité de la Santé Publique dans son rapport Pour
une politique nutritionnelle de santé publique (HCSP, 2000).
                                                                     marilyn gentry

Plus qu’une liste exhaustive de résultats de recherches              Présidente du réseau mondial du WCRF
épidémiologiques ou biomédicales, le Rapport d’Experts
du WCRF UK et l’AICR constitue le fondement d’une politique
de prévention mondiale du cancer.

De nombreuses études ont vu le jour depuis la parution               docteur paule martel
de ce rapport, soulignant le besoin de confirmer et/ou
                                                                     Coordinatrice du réseau NACRe
de reformuler les hypothèses précédemment posées.
L’identification précise des déterminants nutritionnels
des cancers étant plus que jamais un enjeu majeur de santé
publique, le WCRF International s’est récemment engagé
dans la réactualisation du Rapport d’Experts (avec la création
d’un groupe de travail en méthodologie pour faciliter
l’intégration des données récentes).

de la Direction Générale de la Santé, et a également
été validée par le réseau NACRe.
04

Présentation du Rapport d’Experts du WCRF UK et de l’AICR
Food, Nutrition and the Prevention of Cancer : a global perspective

              Le Rapport d’Experts Food, Nutrition and the                                     conséquences sur le plan politique de la mise en
              Prevention of Cancer : a global perspective a été                                œuvre mondiale de ces recommandations.
              commandé par les directeurs généraux du WCRF
              UK et de l’AICR à la demande du conseil d’adminis-                               En sciences de la vie, comme dans d’autres disci-
              tration de ces deux institutions. De nombreuses                                  plines pertinentes pour les politiques publiques,
              organisations et de nombreuses personnes ont                                     il n’existe pas de preuve absolue. Aucune étude
              soutenu le travail du comité d’experts,                                          n’est suffisante en soi. En revanche, des résultats
              que ce soit en tant que collaborateurs, observa-                                 concordants provenant de diverses sources
              teurs, conseillers, consultants ou examinateurs.                                 peuvent former une base solide à des recomman-
              Le conseil d’administration et le personnel du WCRF                              dations destinées à améliorer la santé publique.
              UK et de l’AICR ont apporté leur soutien financier,                              La preuve la plus solide indiquant que les aliments
              technique, scientifique, éditorial et administratif.                             et la nutrition modifient le risque de cancers
                                                                                               est issue de l’association de différents types d’en-
                                                                                               quêtes épidémiologiques, elles-mêmes soutenues
                                                                                               par des résultats expérimentaux, ainsi que par
                                                                                               l’identification de voies biologiques plausibles.

                                                                                               Ainsi, dans ce rapport, sont pris en compte :

                                                                                               ■ Les différents types d’études épidémiologiques
                                                                                               et autres (études descriptives et écologiques,
                                                                                               études de populations dans le temps, études
                                                                                               de cohortes, études analytiques cas-témoins
                                                                                               menées à un niveau individuel, essais contrôlés
                                                                                               de différents agents et régimes alimentaires
                                                                                               dans des groupes sélectionnés) ;

                                                                                               ■ L’évaluation de l’apport énergétique, la masse
              Le comité d’experts s’était fixé le cahier                                       corporelle, l’activité physique, les constituants
              des charges suivant :                                                            alimentaires, les aliments et les boissons ainsi
                                                                                               que les méthodes de traitement des aliments ;
              ■  Effectuer une série d’études bibliographiques
              mettant en relation l’alimentation, la nutrition,                                ■ Les études expérimentales et les études à court
              le traitement des aliments, les habitudes alimen-                                terme menées chez l’être humain et conçues pour
              taires et autres facteurs associés au cancer                                     identifier les mécanismes par lesquels certains
              humain, et ce dans le monde entier ;                                             aspects de l’alimentation peuvent affecter le risque
                                                                                               de cancers.
              ■ Mettre au point une série de recommandations
              nutritionnelles et autres adaptées à toutes
                                                                                               Une des contributions originales de ce rapport,
              les sociétés et conçues pour limiter le risque
                                                                                               faisant l’unanimité dans la communauté
              de cancers chez l’être humain;
                                                                                               scientifique, est le mode de présentation
              ■ Evaluer le degré de cohérence de ces recomman-                                 de l’évaluation des résultats dans leur globalité.
              dations avec celles proposées pour la prévention                                 Il qualifie précisément le lien observé entre chaque
              des maladies cardio-vasculaires et d’autres                                      facteur alimentaire (aliment ou constituant)
              maladies ;                                                                       et le risque d’un cancer donné par les termes
                                                                                               « convaincant », « probable », « possible »
              ■   Tenir compte aussi bien de la faisabilité que des
                                                                                               et « insuffisant » (voir les tableaux pages 13 à 15).

World Cancer Research Fund and American               Pour recevoir un exemplaire, contactez
Institute for Cancer Research (WCRF UK/AICR), 1997.   le Département Français du WCRF International :
Food, Nutrition and the Prevention of cancer :        First Floor, 19 Harley Street, London W1G 9QJ,
a global perspective. 670 pages.                      Royaume-Uni, émail : info-fr@wcrf.org
ISBN N° 1899533052, 178-FN/F26.
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                                           05

 Comité d’experts
                                                            Walter C. WILLETT MD DrPH
                                                            Boston, MA, Etats-Unis                      W. P. T. JAMES CBE MD
              Conseiller scientifique du                                                                FRCP FRSE
                  WCRF UK et de l’AICR                      Sushma PALMER DSc                           Aberdeen, Royaume-Uni
                 T.Colin CAMPBELL PhD                       Washington DC, Etats-Unis
                  Ithaca, NY, Etats-Unis                                                                A. J. McMICHAEL MBBS
                                                            Fred F. KADLUBAR PhD                        PhD FFPHM
                                                            Jefferson, AR, Etats-Unis                   Londres, Royaume-Uni
           Président                                        Lionel A. POIRIER PhD
           John D. POTTER MBBS PhD                          Jefferson, AR, Etats-Unis                                           Kamala KRISHNASWAMY MD
           Seattle, WA, Etats-Unis                                                                                              Hyderabad, Inde

           Laurence N. KOLONEL MD PhD
           Honolulu, Hl, Etats-Unis

                                                                                                              Festo P. KAVISHE MD
                                                                                                           Phnom Penh, Cambodge
                Adolfo CHAVEZ MD MPH                       Anna FERRO-LUZZI MD
                       Mexico, Mexique                              Rome, Italie                                    Junshi CHEN MD
                                                                                                                      Beijing, Chine

                                                                                                        Tomio HIROHATA MD DrSHyg
                                                                                                                   Fukuoka, Japon

                                                                                                            Suminori KONO MD MSc
                                                                                                                    Fukuoka, Japon

 Observateurs                                      Centre International de Recherche sur le Cancer          Organisation Mondiale de la Santé
 Les représentants suivants des Nations Unies      Lyon, France                                             Genève, Suisse
 et d’autres agences ont joué le rôle d’observa-   Elio RIBOLI MD                                           Elisabet HELSING PhD
 teurs. Ils ont assisté aux réunions du comité     Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation       Mark TSECHKOVSKI MD
 d’experts pour apporter leurs commentaires        et l’Agriculture, Rome, Italie                           National Cancer Institute
 sur les versions du Rapport d’Experts alors       John R. LUPIEN PhD                                       National Institutes of Health
 en cours.                                         William D. CLAY                                          Bethesda, MD, Etats-Unis
                                                   Valeria MENZA                                            Peter GREENWALD MD DrPH
06

Les cancers : incidence et mortalité

             L’incidence concerne les nouveaux cas de cancers
             apparaissant chaque année dans la population,
             alors que la prévalence (non présentée ici)
             se réfère à l’ensemble des cas de cancers simul-
             tanés dans une population. La mortalité reflète le
             nombre de décès dus au cancer. C’est sur l’inci-
             dence que les actions de prévention primaire
             ont un impact direct.

             Les cancers dans le monde sont présentés unique-
             ment en termes d’incidence, alors que les cancers
             en France le sont à la fois en termes d’incidence
             et de mortalité.

             Dans le monde                                            les régimes alimentaires, et que le risque de cancers
             A certaines exceptions nationales et locales             pourrait, dans une large mesure, être diminué.
             près, les pays en voie de développement d’Afrique,
             d’Amérique latine et d’Asie présentent des taux          A l’échelle mondiale, le cancer du poumon,
             élevés de cancers de l’estomac, du foie (cancer          principalement lié au tabagisme, est désormais
             primitif) et du col de l’utérus. Ils présentent égale-   le cancer le plus courant. Le cancer de l’estomac
             ment des taux relativement élevés de cancers             arrive en deuxième position. L’association la plus
             des voies aérodigestives supérieures (bouche,            forte avec le régime alimentaire a été attribuée au
             pharynx, larynx et œsophage). De leur côté,              cancer colo-rectal, l’un des principaux cancers des
             les pays développés d’Europe, d’Amérique                 voies digestives. Le cancer du sein est le cancer le
             du Nord, d’Australie et d’Asie présentent des            plus courant chez la femme, à la fois dans les pays
             taux relativement élevés de cancers du côlon             développés et dans les zones urbanisées des pays
             et du rectum, de cancers du sein, de l’endomètre         en voie de développement (voir tableau page 17).
             et de la prostate. Ces cancers deviennent de plus
             en plus nombreux dans les zones urbaines                 En France
             des pays en voie de développement.                       Chaque année, environ 240 000 nouveaux
                                                                      cas de cancer et 143 000 décès par cancers sont
             Les taux de cancer peuvent changer de manière            enregistrés en France, représentant ainsi 27 %
             spectaculaire au cours du temps. Par exemple, pour       de la totalité des décès (Francim, 1995). Le cancer
             la plupart des populations du monde développé,           constitue donc un réel problème de santé publique
             le cancer de l’estomac a rapidement décliné ces          pour la population française, qui ne peut que
             dernières décennies, alors que les taux de cancers       s’amplifier dans les années à venir du fait de
             du côlon, du sein et de la prostate ont augmenté.        son vieillissement4. Cette maladie, située au
             De même, les incidences de cancers changent              deuxième rang des causes de mortalité après
             rapidement dans les pays en voie de développe-           les maladies cardio-vasculaires, est aussi la plus
             ment à mesure que la population vieillit et que          redoutée par 56 % des Français (CFES, 2000).
             ces pays deviennent de plus en plus industrialisés
             et urbanisés. Ces variations liées au temps,             Sont présentées dans cette section les données
             aux migrations et à l’urbanisation indiquent que         d’incidence et de mortalité, en insistant plus
             les taux de cancers sont fortement influencés            particulièrement sur les localisations de cancers
             par des facteurs environnementaux, notamment             les plus fréquentes. Elles sont exprimées

4 : La fréquence des cancers augmente avec l’âge.
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                         07

                   en données brutes ou en taux standardisés                   dépasse l’incidence du cancer du poumon chez
                   sur la population mondiale ou européenne5 pour              l’homme (17 000 cas, soit 86 % de la totalité des
                   gommer l’effet de l’âge et permettre les comparai-          cancers pulmonaires chez l’homme et la femme).
                   sons avec les autres pays du monde ou d’Europe.             Globalement, en France, la probabilité pour
                                                                               un homme ou une femme d’avoir un cancer
                   ■ incidence. L’importance relative des cancers              au cours de la vie est estimée respectivement
                   (données brutes) au sein de la population                   à environ un sur deux et un sur trois (HCSP, 2000).
                   française évolue avec le temps. Alors qu’il y a
                   cinquante ans le cancer de l’estomac était le               La figure ci-dessous donne une estimation
                   plus répandu, les cancers liés au métabolisme               du nombre de nouveaux cas de cancers en France
                   hormonal sont actuellement parmi les plus                   en 1996 et 2000, standardisés sur la population
                   nombreux. D’après les estimations du Réseau                 mondiale (CIRC, 2002). On peut y voir une tendance
                   français des registres de cancer (Francim) pour             à l’augmentation sur cette période pour certains
                   l’année 1995, le cancer du sein reste le cancer             cancers (prostate, sein et côlon-rectum). Ils doivent
                   le plus fréquent chez la femme (34 000 nouveaux             par conséquent faire l’objet de mesures particu-
                   cas par an) et arrive en première position ;                lières en termes de prévention (afin de limiter
                   le cancer colo-rectal (33 000 cas), un peu plus             l’exposition aux facteurs de risques) et de surveil-
                   fréquent chez l’homme que chez la femme, arrive             lance (l’accroissement du nombre de dépistages
                   en deuxième position ; l’incidence du cancer                et l’amélioration de la sensibilité des méthodes
                   de la prostate (26 000 nouveaux cas par an)                 employées permettant un diagnostic plus précoce).

Taux d’incidence des cancers /100 000 ajustés sur la population mondiale
Larynx                                                                                                                              Larynx
10,2                                                                                                                                    1,2
10,2                                                                                                                                    0,9
Poumon                                                                                                                            Poumon
53,4                                                                                                                                    7,3
53,5                                                                                                                                    7,4
Bouche et pharynx                                                                                                       Bouche et pharynx
34,5                                                                                                                                    3,9
34,1                                                                                                                                    3,9
Œsophage                                                                                                                        Œsophage
11,9                                                                                                                                    1,3
11,9                                                                                                                                    1,4
Estomac                                                                                                                           Estomac
10,6                                                                                                                                    3,8
11,1                                                                                                                                    4,5
Côlon-rectum                                                                                                                  Côlon-rectum
38,9                                                                                                                                   24,8
39,8                                                                                                                                   26,8
Foie                                                                                                                                  Foie
9                                                                                                                                       1,5
9                                                                                                                                       1,8
Pancréas                                                                                                                         Pancréas
5,5                                                                                                                                     2,8
5,6                                                                                                                                       3
Prostate                                                                                                                              Sein
52,5                                                                                                                                   80,4
56,5                                                                                                                                   83,2
                                                                                                                                Utérus-col
                                                                                                                                        9,5
                                                                                                                                       10,1
                                                                                                                              Utérus-corps
                                                                                                                                        9,7
            1996                                                                                                                        9,6

            2000                                                                                                                    Ovaire
                                                                                                                                        8,8
                                                                                                                                        9,2
       60                 40               20             0   0         20            40                60               80
Toutes localisations confondues 1996=226,5 2000=231,7                                 Toutes localisations confondues 1996=155 2000=161,8

5 : La standardisation par rapport à la population
européenne donne des valeurs plus élevées que la
standardisation par rapport à la population
mondiale.
08

Les cancers : incidence et mortalité

                                                                  est principalement due aux cancers du poumon
                                                                  (24 000 décès par an), du côlon-rectum (16 000),
                                                                  des voies aérodigestives supérieures (12 000)
                                                                  et du sein (11 000).

                                                                  D’après les Observatoires Régionaux de la Santé,
                                                                  la mortalité par cancers présente une disparité
                                                                  inter-régionale : les régions du Nord de la France
                                                                  ont une surmortalité par rapport à la moyenne
                                                                  nationale, alors qu’à l’inverse le Sud enregistre
                                                                  une sous-mortalité.

                                                                  L’évolution, jusqu’en 1996, des taux de mortalité
                                                                  standardisés sur la population européenne
             Si l’on compare les taux standardisés sur la popu-   (exprimés en nombre de décès pour 100 000
             lation européenne5, la France se situe au 5ème       habitants) montre que la mortalité par cancer
             rang pour le cancer de la prostate, alors que        du poumon reste très élevée pour les hommes
             les pays méditerranéens (notamment l’Italie          (70 pour 100 000) et a augmenté pour les femmes
             et l’Espagne) ont les taux les plus bas. La France   (10 pour 100 000), en raison de la forte incidence
             se situe au 3ème rang pour le cancer du sein,        et du mauvais pronostic de ce type de cancer.
             tandis que les pays méditerranéens ont de            En revanche, la mortalité par cancer des voies
             nouveau les taux les plus faibles. On ne peut        aérodigestives supérieures, ainsi que par cancer
             qu’être frappé par la similarité de la répartition   de l’estomac, continue à décroître. L’augmentation
             géographique de ces deux cancers, qui suggère        du cancer du foie, forte entre 1985 et 1990,
             l’existence de facteurs étiologiques communs.        semble ralentir, tandis que l’incidence du cancer
                                                                  du pancréas reste stable (12 et 7 pour 100 000,
             Pour le cancer du poumon, la France se caractérise   pour les hommes et les femmes respectivement).
             par un taux global égal à la moyenne européenne.     Enfin, la mortalité par cancer du sein augmente
             L’incidence chez la femme reste nettement            légèrement (29 pour 100 000), malgré les
             inférieure au taux masculin, malgré une progres-     dépistages précoces et les progrès thérapeu-
             sion considérable6. Le taux d’incidence du cancer    tiques (la survie à 5 ans atteint 75 %).
             colo-rectal, pour les hommes et les femmes,
             est un peu plus élevé que celui de la moyenne
             européenne. La France se distingue également
             avec un taux élevé de cancers de la bouche
             et du pharynx, notamment en relation avec
             le tabagisme et la consommation d’alcool.

             ■    mortalité. L’évolution de la mortalité par
             cancers en France (données brutes) montre
             une tendance à la décroissance, amorcée en 1985.
             Cependant, les cancers restent responsables de
             près d’un tiers des décès (tous âges confondus)
             et la première cause de mortalité prématurée (35 %
             des décès avant 65 ans). La mortalité par cancers

6 : Entre 1985 et 1995, pour les femmes de moins de
65 ans, l’incidence des cancers pulmonaires a
augmenté de 56 %, en liaison avec l’augmentation
du tabagisme (Zélicourt et al, Bull Cancer 2001).
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                    09

Alimentation et cancérogenèse

              Les cancers sont des maladies multifactorielles                  ■ la promotion tumorale est une phase assez
              Dans le déterminisme des cancers interviennent                   longue, au cours de laquelle des événements
              à la fois des facteurs biologiques individuels                   non génotoxiques vont favoriser la prolifération
              (par ex. prédispositions génétiques à certains                   de la cellule initiée, qui va alors être à l’origine
              cancers, polymorphisme génétique...) et des                      d’un clone (lésion précancéreuse), puis d’une
              facteurs liés aux comportements individuels et                   tumeur bénigne. De nombreux mécanismes
              à l’environnement au sens large (par ex. tabagisme ;             « épigénétiques » contrôlant la multiplication
              consommation d’alcool ; habitudes alimentaires                   cellulaire, la mort cellulaire programmée
              et nature des aliments/constituants ingérés ;                    (apoptose) et les communications intercellulaires
              sédentarité ; prise de médicaments ; exposition                  sont impliqués et modulables par des facteurs
              à des produits chimiques, au soleil, à des virus...).            endogènes (par ex. hormones et facteurs
                                                                               de croissance) et exogènes (par ex. nutriments,
              Dans le cas des cancers familiaux, qui sont                      médicaments et xénobiotiques). En fait, à partir
              minoritaires (moins de 10 % de l’ensemble                        de la cellule initiale « anormale », un nombre
              des cancers), une anomalie génétique est                         limité de divisions cellulaires successives,
              transmise de manière héréditaire. Elle joue alors                doublant à chaque fois le nombre de cellules,
              un rôle déterminant dans la survenue d’un certain                peut suffire à engendrer un nombre considérable
              type de cancer en créant une prédisposition.                     de cellules tumorales, par exemple :
              Cela se traduit par un risque élevé, une courte
                                                                               3 20 divisions successives donnent 1 million
              période de développement de la maladie
                                                                                 de cellules (soit 1 mg de tissu) ;
              et une survenue précoce (avant 40 ou 50 ans).
                                                                               3 30 divisions en donneraient 1 milliard
                                                                                 (1 g de tissu).
              Pour les autres cancers dits « sporadiques »,
              qui sont de loin les plus nombreux, les facteurs                 ■  la progression tumorale, transition de la
              environnementaux et comportementaux évoqués                      tumeur bénigne (peu agressive et qui reste locali-
              plus haut jouent un rôle majeur. Certains facteurs               sée) à la tumeur maligne (cancéreuse), consiste en
              individuels liés au polymorphisme génétique                      l’accumulation de nouvelles altérations génétiques
              peuvent influencer la susceptibilité des individus               dans les cellules tumorales et l’acquisition par ces
              aux facteurs environnementaux (par ex. capacité                  cellules de la capacité à quitter l’organe d’origine
              plus ou moins grande à détoxifier les composés                   et à envahir d’autres organes (vascularisation de la
              toxiques absorbés). La fréquence de ces cancers                  tumeur, invasion des tissus environnants et forma-
              augmente fortement avec l’âge.                                   tion de métastases, puis de tumeurs secondaires).

              La cancérogenèse est un processus multiphasique                  La cancérogenèse met en jeu des événements
              Grâce aux expériences pratiquées sur les animaux,                génétiques et épigénétiques
              on sait depuis longtemps que le développement                    En fait, chez l’être humain, la cancérogenèse
              d’un cancer à partir d’un tissu sain peut nécessiter             ne se déroule pas toujours selon un schéma
              plusieurs décennies et met en jeu plusieurs phases.              aussi tranché. Deux ensembles d’événements
                                                                               se superposent :
              ■ l’initiation correspond à la première
              altération du patrimoine génétique d’une cellule                 ■ une accumulation d’altérations génétiques
              normale (génotoxicité). Si la cellule reste viable               irréversibles, transmises de manière héréditaire
              et que son ADN7 modifié n’est pas (ou est mal)                   ou induites par des facteurs environnementaux
              réparé, elle donnera naissance, après division                   génotoxiques ou dues à l’instabilité génétique
              cellulaire, à une cellule dite « mutée » (l’altération           des cellules tumorales au fur et à mesure
              génétique est alors irréversible).                               de leur transformation ;

7 : L’ADN, abréviation d’acide désoxyribonucléique,
se trouve dans le noyau de la plupart des cellules.
Il contient les instructions propres à l’individu qui
seront transmises d’une génération à l’autre.
10

Alimentation et cancérogenèse

                               ■  un ensemble de modulations épigénétiques                                             Les facteurs alimentaires modulent
                               en partie réversibles, favorables ou défavorables                                       la cancérogenèse de multiples manières
                               à la cancérogenèse, induites par des facteurs                                           On pense souvent que l’alimentation a un effet
                               endogènes (hormones, facteurs de croissance...)                                         sur le risque de cancers uniquement dans
                               ou exogènes (nutriments, xénobiotiques...), qui                                         la mesure où elle peut contenir des substances
                               interviennent de multiples manières (modification                                       cancérogènes contaminantes. Si des substances
                               de l’expression de gènes, activation ou inhibition                                      cancérogènes ont pu être identifiées, celles-ci
                               de protéines régulatrices et d’enzymes…),                                               ne semblent contribuer que pour une faible part
                               en particulier sur les voies de régulation                                              à l’impact global de l’alimentation sur le risque
                               de la prolifération et/ou de la mort cellulaire.                                        de cancers. En fait, le rôle des aliments et de la
                                                                                                                       nutrition dans la modification de la cancérogenèse
                               La cancérogenèse implique l’activation                                                  est beaucoup plus complexe : la présence
                               de processus favorables au développement                                                ou l’absence dans l’alimentation de facteurs
                               tumoral et l’affaiblissement de mécanismes                                              protecteurs est, semble-t-il, tout aussi importante.
                               protecteurs
                               Au total, la cancérogenèse est la résultante                                            L’alimentation intervient effectivement
                               d’un ensemble de mécanismes coopératifs                                                 à plus d’un titre :
                               ou antagonistes qui se déroulent à l’échelle
                                                                                                                       ■ Par la nature même et la quantité des aliments
                               de la cellule, du tissu ou de l’organisme entier.
                                                                                                                       et constituants qu’elle procure, dont certains
                                                                                                                       sont modifiés par les traitements culinaires
                                                                                                                       ou technologiques (voir le tableau page 12) ;
Les mécanismes activateurs et protecteurs
impliqués dans le processus de la cancérogenèse                                                                        ■  Plus globalement par les habitudes alimentaires,
                                                                                                                       qui favorisent l’expression des propriétés
                                                                                                                       biologiques des composés ingérés, et qui induisent
                                                                                                                       des effets d’autant plus nets que le régime
                                                                                                                       alimentaire est déséquilibré et monotone ;

                                                                                                                       ■ Par les facteurs associés, comme le poids
                                                                                                                       corporel et l’activité physique, qui ont des
                                                                                                                       répercussions sur le devenir de l’organisme.
mécanismes protecteurs

                                                                                              mécanismes activateurs

                         Détoxication                                     Activation
                         des substances                                   métabolique
                         cancérogènes                                     de substances
                                                                                                                       On sait que la consommation alimentaire
                         Frein exercé par les                             pro-cancérogènes                             d’un individu évolue au cours des différentes
                         gènes suppresseurs                               Activation des                               périodes de la vie, notamment en fonction
                         de tumeurs                                       gènes oncogènes                              des besoins nutritionnels, de l’état physiologique
                         Effets                                           Effets promoteurs                            et de nombreux paramètres socioculturels. Au-delà
                         antipromoteurs                                   de tumeurs
                                                                                                                       du rôle strictement nutritionnel qu’on lui reconnaît,
                         Immunité                                         Angiogenèse
                                                                                                                       l’alimentation apporte tout au long de la vie
                                                                                                                       de l’individu une multitude de composants
                                                                                                                       qui, selon leurs activités biologiques potentielles,
                                                                                                                       peuvent intervenir à différentes étapes de la
                                                                                                                       cancérogenèse. Selon les cas, les effets peuvent
                                                                                                                       être défavorables (effets génotoxiques ou effets
                                                                                                                       promoteurs de tumeurs) ou, à l’inverse, favorables
                                                                                                                       (effets détoxifiants ou antipromoteurs de tumeurs).
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                                  11

           L’effet d’un composant dépend :                                     cellulaire) qui, dans les phases avancées
                                                                               de la cancérogenèse, peuvent au contraire
           ■ De la quantité ingérée (doses nutritionnelles
                                                                               se révéler favorables à la croissance tumorale.
           ou pharmacologiques) ;

           ■ De sa biodisponibilité (dans l’aliment                             Glossaire
           et dans l’organisme) ;
                                                                                Détoxication
           ■ De sa métabolisation par les tissus et la flore                    Transformation enzymatique (principalement dans le foie
                                                                                et l’intestin) et élimination des produits toxiques (par voie
           intestinale (spécifique à chaque individu) ;                         urinaire, fécale, pulmonaire et cutanée).

           ■ Et de ses interactions possibles avec d’autres                     Gène oncogène
           composants (dans l’aliment et dans l’organisme).                     Gène impliqué dans la régulation du fonctionnement normal
                                                                                des cellules, dont la modification qualitative (mutation)
                                                                                ou quantitative (amplification) contribue au caractère
           A l’âge adulte, le régime alimentaire peut rester                    cancéreux de la cellule.
           relativement typé et monotone pendant de longues
           périodes, condition qui permet aux substances                        Gène suppresseur de tumeur
                                                                                Gène qui freine le développement cancéreux lorsqu’il
           consommées régulièrement d’exercer pleinement                        est présent et actif.
           leur effet. C’est ainsi qu’un régime déséquilibré
           ou trop riche par rapport aux besoins nutritionnels                  Génotoxique
                                                                                Substance ou mécanisme qui altère l’ADN des cellules.
           peut à la longue augmenter le risque de cancers.
           Inversement, un régime riche en fruits et légumes                    Modulation épigénétique
           est non seulement favorable à l’expression                           Modification de l’expression de gènes ne résultant pas
                                                                                d’une altération génétique et pouvant toucher en particulier
           des propriétés protectrices de leurs composants,                     des gènes intervenant dans le contrôle de la prolifération
           mais il évite l’exposition aux effets délétères                      ou de la mort cellulaire.
           d’autres types de régimes.
                                                                                Mutation
                                                                                Modification de la séquence de l’ADN, issue d’une altération
           L’impact à long terme de l’alimentation sur                          génotoxique ou d’une instabilité génétique et pouvant résulter
           l’individu sera également fonction de son état                       en l’activation de gènes oncogènes ou l’inactivation
                                                                                de gènes suppresseurs de tumeur.
           physiologique et de son état de santé. Ainsi,
           l’influence de l’alimentation sur le risque de                       Polymorphisme génétique
           cancers diffère selon que l’on s’adresse à des                       Présence d’au moins deux variantes d’un gène à une fréquence
                                                                                d’au moins 1 % dans une population donnée.
           sujets à risque (sujets aux cancers familiaux,
           pour lesquels les facteurs génétiques individuels                    Pro-cancérogène
           sont prépondérants) ou à la population générale.                     Substance inactive par elle-même qui peut être métabolisée
                                                                                par des enzymes de l’organisme en un composé
                                                                                cancérogène.
           De plus, diverses études suggèrent qu’un
           composant alimentaire donné peut avoir des effets                    Xénobiotique
                                                                                Substance étrangère
           différents suivant que l’individu est en bonne santé                 à l’organisme, donc issue
           ou qu’il est atteint d’un cancer. Par exemple,                       de l’environnement au sens
           certains micronutriments et microconstituants                        large (produit chimique,
                                                                                médicament, contaminant
           sont dotés d’activités antioxydantes, qui peuvent                    ou constituant des aliments),
           jouer un rôle protecteur dans les phases précoces                    qui peut altérer les processus
           de la cancérogenèse (effet anti-initiateur).                         biologiques.

           Cependant, ils possèdent d’autres propriétés
           biologiques potentielles (inhibition de la mort
           cellulaire et stimulation de la prolifération
12

Alimentation et cancérogenèse

 Composition et transformation des aliments
 A prendre en compte dans les études portant sur le lien entre
 alimentation et cancer et dans l’interprétation des résultats

 Aliments et boissons                               Constituants alimentaires                              Transformation des aliments
 Au sein des aliments d’origine végétale,           Les macronutriments correspondent aux glucides,        La transformation des aliments peut modifier
 il faut distinguer les céréales, les légumes       lipides et protéines. Parmi les glucides, il faut      leurs effets biologiques et leur impact sur
 secs (légumineuses), les légumes-racines,          distinguer les amidons, les sucres et les fibres.      la cancérogenèse.
 les tubercules, les fruits et légumes, les noix    Sur la base de leurs propriétés physicochimiques,      Les pratiques traditionnelles de stockage,
 et les graines. Les herbes et épices, certaines    les fibres sont généralement classées en fibres        comme le salage, le saumurage, la fumaison
 boissons (boissons alcoolisées, café et thé),      solubles (pectines, gommes, mucilages…) et fibres      ou autres traitements sont encore utilisées dans
 l’importance éventuelle des céréales complètes     insolubles (cellulose et lignine). Il faut également   de nombreuses parties du monde pour conserver
 et l’alimentation des végétariens sont également   faire la distinction entre les nombreux types          les aliments de base. Dans les pays industrialisés,
 à prendre en considération.                        de lipides (saturés, mono- ou poly-insaturés).         où la réfrigération et les technologies récentes
 Les aliments d’origine animale comprennent         Les micronutriments (minéraux et vitamines)            sont largement répandues, les modes
 la viande, la volaille, le poisson (coquillages    apportés en petite quantité ont des effets             de conservation traditionnels sont liés
 et crustacés), les œufs, le lait et les produits   biologiques importants, ainsi que les micro-           à des préoccupations gustatives.
 laitiers.                                          constituants bioactifs (comme les polyphénols,         Les modes de cuisson, quant à eux, varient
                                                    présents dans les aliments d’origine végétale)         selon les régions : la viande et le poisson peuvent
                                                    qui ne sont généralement pas classés dans              être, entre autres, cuits à l’eau ou à l’huile,
                                                    la catégorie des micronutriments.                      à une chaleur variable ou directement exposés
                                                    Par ailleurs, il faut prendre en compte l’apport       à la flamme. Une cuisson excessive à haute
                                                    calorique, les paramètres qui dépendent en partie      température ou au barbecue (contact direct
                                                    de l’équilibre énergétique (croissance, âge            avec la flamme) expose l’individu à la présence
                                                    des premières menstruations, taille et masse           d’hydrocarbures aromatiques polycycliques
                                                    corporelle) et les paramètres associés, tels que       et d’amines hétérocycliques. Aussi doit-elle
                                                    l’activité physique, qui ont des répercussions sur     être prise en considération.
                                                    le métabolisme et la corpulence.
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                        13

Aliments, nutrition et risque de cancers : présentation synthétique des résultats

           Cette section résume, à l’aide des tableaux pages                         Signification des qualificatifs
           14 et 15, les conclusions que le comité d’experts                         ■ « convaincant » : Les études épidémiologiques
           du WCRF UK et de l’AICR a publiées en 1997.                               montrent des associations cohérentes et avec peu
           Les auteurs de la présente brochure ont voulu                             de contradictions. Les études sont nombreuses
           prendre en compte les résultats récents                                   (au moins 20) et incluent des études prospectives,
           (NACRe, 2002) (CIRC, 1998) susceptibles d’influer                         ainsi que des études conduites dans différents
           sur la qualification des conclusions énoncées                             groupes de populations et contrôlant les
           à l’époque. Les cases dans lesquelles figurent                            facteurs de confusion possibles. Les données
           un cercle en pointillé indiquent une requalification                      de consommation concernent la période précédant
           des preuves, telle que suggérée par le réseau                             l’apparition du cancer. Les associations sont
           NACRe (qu’il s’agisse d’une révision à la hausse                          assorties d’hypothèses biologiques (plausibilité
           ou à la baisse). Sont également mentionnés                                biologique) et confirmées par les études
           en italique, que ce soit dans le tableau ou dans                          expérimentales.
           les annotations, les précisions et ajouts d’infor-
           mations apportés par les auteurs.                                         ■ « probable » : Les études épidémiologiques
                                                                                     sont moins cohérentes ou en nombre insuffisant
           Les tableaux résument les évaluations relatives aux                       pour conclure définitivement. Les études
           constituants alimentaires, aux aliments et boissons                       mécanistiques sont globalement en accord.
           et au traitement des aliments en regard du risque
           de cancers. Les colonnes indiquent les différences                        ■ « possible » : Les études sont en général
           topographiques du cancer. La page 14 concerne les                         en faveur de l’hypothèse, mais limitées en nombre
           éléments du régime alimentaire qui sont liés à une                        ou en qualité. Elles ne sont pas toujours
           diminution du risque de cancers, tandis que la                            confortées par les études expérimentales.
           page 15 illustre ceux qui sont associés à une
           augmentation du risque. La solidité des preuves est                       ■ « insuffisant » : Très peu d’études
           représentée par différentes nuances de couleurs.                          suggèrent une relation possible. Des études
                                                                                     conçues spécialement pour tester l’hypothèse
           Légende :                                                                 sont nécessaires.
           Décroît le risque
                                                                                     Les données considérées comme « insuffisantes »
                                                                                     par le comité d’experts, ainsi que celles montrant
                                         Convaincant     Probable        Possible
                                                                                     une absence de relation avec le risque de cancers,
           Accroît le risque                                                         ne figurent pas dans les tableaux.

                                         Convaincant     Probable        Possible
           Le tabac accroît le risque

                                           iii             ii               i
                                        Très fortement   Fortement     Modérément

           Requalification des preuves (hausse ou baisse) par le réseau NACRe

                                                                          7
           Informations apportées par le réseau NACRe
                                             En italique (tableaux et annotations)
14

Diminution du risque de cancers pour des aliments et constituants
alimentaires à doses nutritionnelles* et pour d’autres facteurs associés

              Légumes
                                              7                                      77                                                                                       7
                   Fruits
                                              7                                      7                   77                                                                   7
         Caroténoïdes
         alimentaires a                           777                                                    7                                  77     lycopène

            Vitamine C
            alimentaire

             Vitamine E                                                                                                                              vit. E

                                                                                                                                                    7
            alimentaire
                                                                                                                                                       +
             Minéraux
          alimentaires                                        sélénium
                                                                                                         7
                                                                                                         calcium
                                                                                                                                                              7
                                                                                                                                                   sélénium iode b

               Céréales                               c                     non
             (complètes)                                                 raffinées

                 Fibres d

                 Thé vert
                                                                         7
      Activité physique                                                                                     e

         Réfrigération f
                                                                                                       m
                                     x

                                                                             as

                                                                             ire

                                                                                                                                          s
                          x

                                                 nx

                                                                            on

                                                                             ac

                                                                                            e

                                                                                                                   in

                                                                                                                                         re

                                                                                                                                         re

                                                                                                                                         te

                                                                                                                                         de

                                                                                                                                                                     n

                                                                                                                                                                             ie
                                                  e
                                   yn
                        yn

                                                                                                                                        ru
                                                                                             i

                                                                                                                                                                    i
                                                                                                    tu

                                                                                                                                                                           ss
                                                                                          Fo
                                              ag

                                                                                                                Se

                                                                                                                                                                 Re
                                                                                                                                      ta
                                                                                                                          ai

                                                                                                                                      èt
                                                                          ré
                                                                           m
                                               ry

                                                                                                                                      oï
                                                                         lia
                                                          m

                                                                                                                                     té
                                  r
                       ar

                                                                                                                        Ov
                                                                                                    ec

                                                                                                                                   os
                                                                                                                                   m

                                                                                                                                                                         Ve
                               ha

                                         La

                                                                        to

                                                                       nc
                                            ph

                                                                                                                                   yr
                                                         u

                                                                       bi

                                                                                                                                 l'u
                     ph

                                                      Po

                                                                                                                                do
                                                                                                  ,r
                                                                     Es

                                                                                                                                Th
                                                                                                                                Pr
                                                                     Pa
                              -p

                                          so

                                                                    le

                                                                                             on

                                                                                                                               e
                                                                                                                             En
                   et

                          so

                                                                  cu
                                              Œ

                                                                                                                            ld
                                                                                              l
                he

                        Na

                                                                                           Cô
                                                               si

                                                                                                                          Co
                                                             Vé
              uc
            Bo

* Il s’agit d’apports à doses nutritionnelles                  b : Dans le cas de la thyroïde, une augmentation du             12). Certaines d’entre elles peuvent être fermentées
prévenant les déficiences : les supplémentations               risque de cancers est probable pour une carence en              par la flore intestinale. Le devenir des fibres dans
à fortes doses sont susceptibles d’induire                     iode et possible pour un apport excessif en iode.               le côlon humain conditionne leurs effets physio-
une augmentation du risque (cf. a-).                                                                                           logiques, notamment vis-à-vis du cancer.
                                                               c : L’augmentation possible du risque de cancers
a : La révision à la baisse des données concernant             de l’œsophage, liée à une alimentation riche                    e : S’appliquait seulement au côlon en 1997.
les caroténoïdes tient compte des études                       en céréales complètes, est vraisemblablement indi-              f : Bien évidemment, l’effet de la réfrigération est
d’intervention récentes, dont la majorité montrent             recte (absence de microconstituants protecteurs                 indirect mais important à signaler dans le contexte
une absence d’effet protecteur des caroténoïdes                et/ou contamination par des mycotoxines).                       mondial : il existe une corrélation inverse entre
et certaines une augmentation du risque dans                                                                                   l’usage de la réfrigération (qui permet un apport
                                                               d : Le terme « fibres » recouvre un ensemble
des conditions particulières (par ex. administration                                                                           de produits frais toute l’année) et le recours à la
                                                               hétérogène de glucides complexes non digestibles
à des doses élevées ou population de fumeurs                                                                                   conservation des aliments par salaison et fumaison.
                                                               par le système digestif humain (voir tableau page
présentant un risque élevé de cancer pulmonaire).
alimentation, nutrition et prévention des cancers, une perspective mondiale : application au contexte français                                                                              15

Augmentation du risque de cancers pour des aliments et constituants
consommés en excès et pour d’autres facteurs associés

                    Alcool

                                          poisson
        Sel et salaisons                   salé a

          Charcuteries b

                      Œufs

     Cuisson à température
    excessive au barbecue,
    au grill ou à la flamme c
     Graisses animales                                                                                   saturées
     totales et saturées

             Cholesterol

                 Lait et
       produits laitiers

           Farine de blé
     raffinée et dérivés d                                                                              7
                     Sucre

                       Café

      Excès calorique par
     rapport aux besoins
             nutritionnels

                  Obésité                                                                                               e

     Autres paramètres                                                                                                  f
    anthropométriques

           Maté chaud g

            Aflatoxines h

             Tabagisme i        iii ii iii iii iii                      7
                                                                        i 7
                                                                          ii                    7
                                                                                                i            i                                    7
                                                                                                                                                  i                     ii 7
                                                                                                                                                                        7  ii
                                                                                                        um
                                         x

                                                                                as

                                                                                ire

                                                                                                                                                 s
                                                                                                                                               re
                              x

                                                 nx

                                                         ge

                                                                               on

                                                                                               ie

                                                                                                                   in

                                                                                                                                re

                                                                                                                                                te

                                                                                                                                               de

                                                                                                                                                                       in

                                                                                                                                                                                ie
                                                                                ac
                                       yn
                            yn

                                                                                                                                              ru

                                                                                                                                                                              ss
                                                                                             Fo

                                                                                                                 Se

                                                                                                                                                                     Re
                                                                                                                                             èt

                                                                                                                                             ta
                                                                                                                              ai
                                                                             ré
                                                                             m
                                               ry

                                                       ha

                                                                                                                                            oï
                                                                            lia
                                                                           um

                                                                                                      ct

                                                                                                                                           té
                                      r
                          ar

                                                                                                                            Ov

                                                                                                                                          os
                                                                                                                                     m

                                                                                                                                                                            Ve
                                   ha

                                             La

                                                                          to

                                                                         nc

                                                                                                                                          yr
                                                                                                    re
                                                        p

                                                                         bi

                                                                                                                                        l'u
                        ph

                                                                        Po

                                                                                                                                  do
                                                                       Es

                                                                                                                                       Th
                                                      so

                                                                                                                                       Pr
                                                                       Pa
                                  -p

                                                                                                  n,
                                                                      le

                                                                                                                                           e
                                                                                                                                En
                     et

                                                    Oe
                              so

                                                                    cu

                                                                                                                                         ld
                                                                                                lo
                 he

                            Na

                                                                                              Cô
                                                                 si

                                                                                                                                       Co
                                                              Vé
               uc
             Bo

a : Nitrosamines néoformées au cours de la conser-                 d : Aliments à base de farine raffinée (par opposition                qui se développent sur des aliments (céréales,
vation du poisson.                                                 aux céréales complètes) et à fort index glycémique,                   oléagineux et fruits secs) stockés dans des condi-
b : Initialement dans cette colonne figurait                       pouvant agir via une résistance à l’insuline.                         tions d’humidité et de température non contrôlées.
la mention « viandes ». Récemment, des études                      e : En post-ménopause.                                                Les toxines produites contaminent l’aliment
plus fines ont fait apparaître une absence d’effet                                                                                       et sont cancérogènes chez l’être humain (voir
                                                                   f : Croissance rapide pendant l’enfance                               les possibilités de prévention des cancers du foie
des viandes prises globalement et suggèrent                        et/ou grande taille à l’âge adulte.
davantage un effet des viandes faisant l’objet de                                                                                        et la recommandation 10, page 24).
procédés technologiques, comme les charcuteries.                   g : Maté : infusion de feuilles de maté, consommée                    i : Bien que n’étant pas un facteur alimentaire,
                                                                   très chaude comme du thé en Amérique du Sud                           le tabagisme est mentionné dans le tableau
c : Voir le tableau page 12 « Composition et trans-                (important à signaler dans le contexte mondial).
formation des aliments » et le commentaire                                                                                               car il augmente fortement le risque de nombreux
de la recommandation 13, page 25.                                  h : Les aflatoxines sont des mycotoxines produites                    cancers. Les données ont été réévaluées en 2002
                                                                   par des moisissures de l’espèce Aspergillus,                          (CIRC, 2002).
16

Les possibilités de prévention par type de cancer

                                                                                  ■ poumon. La cause majeure du cancer
                                                                                  du poumon est le tabagisme.

                                                                                  Toutefois, les experts estiment que des régimes
                                                                                  riches en fruits et légumes, instaurés très
                                                                                  précocement dans la vie, pourraient prévenir
                                                                                  environ 20 à 30 % des cas de cancer du poumon
                                                                                  chez les fumeurs comme chez les non-fumeurs.

                                                                                  ■  estomac. L’infection à l’Helicobacter Pylori
                                                                                  est une cause non alimentaire possible de cancer
                                                                                  de l’estomac, mais la persistance de cette infection
                                                                                  et son rôle dans la cancérogenèse pourraient
                                                                                  être modifiés par des facteurs alimentaires.
                                                                                  Une alimentation riche en fruits et légumes protège
       Il est admis de manière consensuelle qu’il est                             de ce cancer. En revanche, une consommation
       possible de réduire fortement les risques                                  importante de sel et d’aliments conservés
       de cancer. Les moyens de prévention les plus                               par salaison ou fumaison augmente probablement
       efficaces consistent à ne pas fumer, à pratiquer                           le risque.
       une activité physique régulière, à adopter                                 Ainsi, un régime alimentaire riche en fruits
       une alimentation respectant les recommandations                            et légumes, l’utilisation de la congélation
       nutritionnelles du WCRF International et à limiter
       l’exposition à des agents cancérogènes présents
       sur le lieu de travail ou dans l’environnement.
                                                                                    Projection mondiale
       Les éléments de preuve actuels (synthèse                                     Le comité d’experts a évalué dans quelle mesure des cancers
       du comité d’experts du WCRF UK et de l’AICR,                                 spécifiques peuvent être prévenus par des facteurs alimen-
                                                                                    taires et autres facteurs associés, comme le poids corporel et
       réactualisée par le réseau NACRe), montrant                                  l’activité physique. Les chiffres proposés correspondent aux
       que les régimes alimentaires riches en fruits                                connaissances scientifiques disponibles en 1997 et sont
       et/ou en légumes protègent des cancers de                                    estimés selon une hypothèse basse et une hypothèse élevée.
                                                                                    Ils prennent en compte les facteurs de risque non alimentaires
       la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage,                             reconnus, plus particulièrement le tabagisme, ainsi que
       du poumon, de l’estomac, du pancréas, du côlon                               certaines infections et expositions professionnelles à des
       et du rectum et de la vessie, sont particulièrement                          agents cancérogènes. Les cinq types de cancers les plus
                                                                                    fréquents dans le monde sont les cancers du poumon, de
       convaincants. A long terme, la mise en œuvre de                              l’estomac, du sein, du côlon-rectum, de la bouche et du
       la recommandation correspondante, c’est-à-dire la                            pharynx. On peut identifier trois niveaux possibles de préven-
       consommation d’au moins 400 g par jour de fruits                             tion alimentaire selon les cancers :

       et légumes variés, pourrait, à elle seule, diminuer                          ■   faible
       jusqu’à 20 % l’incidence globale du cancer.                                      par exemple : ovaire, col de l’utérus, thyroïde
                                                                                    ■   moyen
       Le tableau ci-contre donne une estimation                                        par exemple : bouche et pharynx, sein, pancréas
                                                                                    ■
       de la réduction du risque de cancers qui pourrait                                important
                                                                                        par exemple : côlon-rectum, estomac, œsophage
       être obtenue grâce à une alimentation appropriée.
       A titre d’exemple, les cancers les plus courants                             Tous sites confondus, la réduction globale de l’in-
       dans le monde sont commentés ci-après.                                       cidence de cancers, escomptée par une préven-
                                                                                    tion alimentaire, se situe entre 30 et 40 %.

                                        a : Noix de bétel (poivrier grimpant) mastiquée par      c : Bactérie.
                                        les hommes et les femmes en Inde.                        d : Récemment, des études plus fines ont fait appa-
                                        b : Modification anatomopathologique de                  raître une absence d’effet des viandes prises globa-
                                        l’œsophage, observée chez certaines personnes            lement. Elles suggèrent davantage un effet des
                                        présentant des reflux gastriques.                        viandes faisant l’objet de procédés technologiques,
                                                                                                 comme les charcuteries.
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