Rencontre avec Blood Safety Information System - BSIS (Lesotho) - Compte rendu d'enquête terrain pour l'Observatoire de la e-santé dans les pays ...
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Compte rendu d’enquête terrain pour l’Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud de la Rencontre avec Blood Safety Information System - BSIS (Lesotho)
Samir Abdelkrim (avril 2018) Génèse du projet Les poches de sang collectées et « tracées » en toute sécurité grâce à l’application BSIS. Elles seront bientôt transférées aux hôpitaux et cliniques du Lesotho qui en auront besoin J'atterris à Maseru, la capitale rurale et pittoresque du Lesotho, petit pays pauvre et enclavé d’Afrique Australe. 40% de la population Basotho y est considérée comme très précarisée selon l’Organisation des Nations Unies et le pays, très montagneux et peu étendu est entièrement enclavé dans le territoire de l’Afrique du Sud. Ici, non seulement le taux d’espérance de vie de la population ne dépasse pas 50 ans, mais il ne progresse plus depuis 30 ans : il serait resté au même niveau que celui de 1974 selon l’ONU. Pire, le taux de mortalité a sensiblement augmenté entre 1990 et 2010 selon la Banque Mondiale, faisant de ce pays celui où l’espérance de vie dans le monde serait la moins élevée. Une mortalité en grande partie accélérée par le taux de prévalence du virus du VIH qui explose tous les records et fait des ravages dans la population adulte Lesotho. En 2014, près de 23% des adultes ont été infecté par le virus du VIH. Il s’agit là encore d’un triste un record international. Travaillant en grande majorité dans les mines sud- africaines, la plupart des Basothos contaminés, ont, en l’absence de campagne de
sensibilisation à la contraception, contracté la maladie en Afrique du Sud. Ce qui a entraîné une multiplication des contaminations involontaires par transfert de sang contaminé, ou TTI en anglais (Transfusion Transmitted Infection). C’est pour endiguer ce phénomène que 5 ans, le Lesotho a décidé d’agir pour réduire et lutter efficacement contre la propagation galopante du VIH, avec un objectif : contrôler totalement la progression de l’épidémie de VIH en 2020. Pour accélérer la mise en place de cette stratégie, le gouvernement a décidé de transformer en profondeur la gestion de la collecte de sang (reposant jusqu’alors sur le traitement papier) à travers l’application BSIS (Blood Safety Information System), une solution technologique respectant tous les standards internationaux et qui est destinée aux services de collecte de sang qui rationalise l’ensemble de la chaîne de valeur, du de la donation dans les centres de collectes à travers les tests et les contrôles à la livraison au point final en passant par la gestion des stocks. La salle de collecte de don de sang dans le centre Lesotho Blood Transfusion Service, à Maseru Cette application permet de “tracer” et de sécuriser toute la chaîne du don de sang à l’échelle du pays en la rendant totalement transparente et numérisée. Je suis accueilli dès mon arrivée à Maseru par Rhonwyn Cornell, la directrice de programme de l’application BSIS (Blood Safety Information System) au sein de Jembi, une startup sociale sud-africaine - basée à Cape Town et spécialisée
dans la e-santé. Jembi a conçu la solution BSIS pour aider les services de santé africain dont celui du Lesotho à collecter du sang sain et mener la bataille contre l’épidémie du VIH. Et c’est naturellement que nous nous rendons immédiatement au Lesotho Blood Transfusion Service (LBTS) pour démarrer notre visite terrain. Il s’agit du principal centre de don de sang de Maseru et le premier endroit dit Beta où fut testée l’application BSIS au Lesotho. Les équipes de Jembi et du Lesotho Blood Transfusion Service au premier jour de la visite terrain Qu’est-ce que Blood Safety Information System ? Comment fonctionne le système ? La visite démarre par une rencontre organisée par Rhonwyn Cornell et la direction du Lesotho Blood Transfusion Service. Le Lesotho est le premier pays africain à avoir expérimenté le système BSIS auprès de donneurs de sang, à partir de 2016. On commence par me détailler la mission de l’application BSIS : “une solution e- santé qui enregistre, trace et produit de l’information sécurisée fiable et à jour sur les dons de sang au Lesotho. Du prélèvement au point de collecte à l’utilisation finale des poches de sang dans les services médicaux bénéficiaires, ce qui renforce l’hémovigilance. Pour cela, chaque poche de sang et / ou tube de sang se voit appliquer un “bar code” flashable. Le
système connecte en permanence les numéros tout en garantissant l’anonymat des donateurs ainsi que la confidentialité des données collectées, en limitant au maximum l’accès aux résultats. La transparence est totale et l’information détaillée sur chaque donateur est accessible en temps réel, sans remettre en cause la sécurité et la confidentialité de ces informations” m’explique Rhonwyn Cornell. L’équipe du Lesotho Blood Transfusion Service qui utilise l’application BSIS depuis avril 2016 La notion de labellisation est primordiale dans la valeur ajoutée de l’application BSIS soulignent Maleqhoa Nyopa, la responsable du Lesotho Blood Transfusion Service et son collègue Khotso Kalake qui est le directeur du centre sanguin. “La labellisation signifie que les donateurs malades et les dons contaminés sont systématiquement et automatiquement bloqués. Cela permet de constituer une base de données à jour et fiable de donateurs sains réguliers, et d’identifier très rapidement les donateurs malades et séropositifs. Les résultats sanguins positifs marquent le donateur et le bloque dans le système. Nous les aidons à se faire prendre en charge immédiatement par les services médicaux adéquats pour suivi et traitement de leur maladie”.
L’équipe m’entraîne dans le laboratoire où sont accueillis les donateurs suivis à travers le BSIS. Si le lancement officiel de l’application de gestion des donateurs s’est déroulé officiellement en avril 2016, le premier module Beta de gestion en ligne des donateurs a été développé et testé tout au long de l’année 2015 par Jembi et LBTS de manière itérative. L’application BSIS est entièrement développée sur des logiciels Open Source (BSIS en est à sa seconde mise à jour, la Version 1.3). Une période de plusieurs mois a été nécessaire pour former le staff médical et technique du Lesotho Blood Transfusion Service à la compréhension totale et à l’utilisation du BSIS et LBTS m’explique le directeur du laboratoire Khotso Kalake. “La formation a consisté en 3 ateliers d’une semaine chacun”. Après la formation, les équipes de Jembi apportent des conseils pour permettre au personnel LBTS de continuer de se perfectionner. Concrètement, comment cela se passe ? Nous retraçons le parcours du donateur à travers le système BSIS. Une laborantine du Lesotho Blood Transfusion Service analyse des échantillons de sang prélevés, stockés et tracés via le programme BSIS
1/ Lorsqu’un donateur arrive pour la première fois au Lesotho Blood Transfusion Service pour donner son sang, on lui attribue un “Donor Number”, il s’agit d’un numéro unique d’identifiant BSIS généré par le système. Ce numéro unique d’identifiant BSIS est donc attribué pour toute la durée de sa vie. Il est alors officiellement enregistré dans l’application BSIS qui recueille nom, prénom, date de naissance, sexe et adresse du donateur et génère automatiquement un profil utilisateur unique. Chaque nouveau donateur de sang se voit attribué un “Donor Number” à vie, qui ne peut plus être changé 2/ Une fois son “Donor Number” attribué, le donateur se fait prélever son sang dans le centre de transfusion. Chaque poche de sang est pesée et répertoriée en se voyant attribuer un “Donation Identification Number” (DIN) différent qui sont collés directement sur les poches de sang. Chaque poche de sang obtient un “bar code” unique, le DIN, lisible par scanner et qui ne peut plus être changé. Les code-barres sont uniques, anonymisés et permettent de tracer l’historique du prélèvement et de mener au donateur directement.
Après chaque prélèvement de sang, un numéro d’identification unique est collé directement sur la poche de sang. Ce numéro permet de remonter directement au donateur Le code-barre élimine les erreurs sur l’identité du donateur et garantie la non-falsification des informations recueillies au moment du prélèvement
L’étiquette collée sur chaque poche de sang labellisée avec son “Donation Identification Number” qui permet une traçabilité parfaite du prélèvement sanguin à la transfusion finale 3/ Les prélèvements de sang sont ensuite testés pour la recherche de : les dons de sang sains sont labellisés dans le système, ce qui signifie que le donateur est validé et son sang ne contient aucun risque de transmission infectieuse et les poches de sang peuvent être transféré dans les hôpitaux qui en font la demande. Les dons de sang contaminés sont immédiatement bloqués, le donateur identifié est signalé aux services médicaux puis conseillé et orienté vers les unités de soins adéquats pour une prise en charge. Les donateurs non sains sont bloqués dans la base de données BSIS. Ils seront empêchés de donner leur sang dans un aucun centre de collecte du Lesotho.
Le système signale et enregistre toutes les anomalies. Ici l’application BSIS signale que la quantité de sang effectuée auprès d’un donateur n’est pas suffisante (115 g au lieu de 316 g) et est considérée comme “non sûre”. Le résultat direct de ce système de labellisation est une éradication drastique du risque de transmission du VIH par la transfusion de sang contaminée, et la détection plus rapide et précoce des malades atteints du VIH qui s’ignorent jusqu’au jour où ils sont détectés au moment de leur don de sang.
L’étiquette accolée sur un prélèvement non sécurisé et bloqué dans le système pour cause de contamination L’accès à l’information des donateurs en temps réel est crucial pour maintenir la disponibilité des datas médicales stockées sur le BSIS, 24 heures sur 24 heures, 7 jour sur 7. Pour éliminer les risques de coupure de réseau internet lors des prélèvements de sang, le système fonctionne essentiellement sur un réseau local (Local Area Network) indépendant et fonctionnant en permanence. Les informations collectées sont sauvegardées une fois par jour sur les serveurs dématérialisés. Une fois par semaine, les informations sont sauvegardés une nouvelle fois sur un serveur physique qui se trouve dans un lieu sécurisé, capable de résister à un désastre naturel. L’information recueillie permet donc également d’inventorier et de gérer les flux de stocks de sang labellisés vers les cliniques et hôpitaux, et par la même d’émettre des prédictions pour anticiper les risques de pénuries et appeler à renouveller les stocks de sang en organisant notamment des campagnes itinérantes de collectes de sang avec un camion de prélèvement sanguin. Quels impacts et bénéfices en matière de santé ?
Une unité de collecte de sang mobile sur le parking du Lesotho Blood Transfusion Service. Les donateurs peuvent donner leur sang directement du laboratoire mobile équipé du système BSIS. Les bénéficiaires sont clairement les personnels médicaux comme le Lesotho Blood Transfusion Service. Leurs services sont rationalisés. Ils voient leur performance dans l’analyse accrue et leur flux de travail en laboratoire amélioré. “Puis viennent ensuite les infirmières et les médecins qui travaillent dans les hôpitaux partenaires. Grâce au “bar code”, ils savent précisément d’où provient le sang qu’ils manipulent et quand il a été prélevé” ajoute Khotso Kalake, le directeur du laboratoire au cours de notre visite. Les bénéficiaires finaux sont les personnes malades qui attendent des transfusions sanguines et qui sont sûrs de recevoir du sang sain, labellisée par BSIS. Aujourd’hui, un peu moins de 6,749 poches de sang ont pu être collectés, labellisées et transférés en toute transparence aux hôpitaux et cliniques du Lesotho à travers l’application BSIS. L’application joue un rôle crucial dans la non- propagation de sang contaminé (TTI). De manière générale le ministère de la santé du Lesotho reste le bénéficiaire majeur dans le cadre de la politique gouvernementale de lutte contre la propagation du VIH.
Les autorités du Lesotho soutiennent le projet BSIS et LBTS depuis le tout début et accompagnent son déploiement sur l’ensemble du pays. Quid du financement et du modèle économique ? Le projet est financé par le programme américain President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR) à travers un partenariat entre Jembi et le Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Cependant les fonds accordés par le PEPFAR ne permettent pas de réaliser certaines dépenses, comme l’achat d’appareils d’analyse pour le compte des centres sanguins, ainsi que des évaluations d’impact ce qui limite la possibilité de trouver de bailleurs complémentaires. Le projet BSIS s’est mis à la recherche active de nouvelles subventions pour diversifier ses sources de financement. L’objectif immédiat est de trouver le financement nécessaire au financement de plusieurs études d’impact en 2018. Le résultat de ces études permettra ensuite de trouver de nouveaux donateurs et de diversifier ainsi le portefeuille de clients de l’application BSIS. Rhonwyn Cornell m’explique durant ma visite : “comme pour tous les produits Open Source, il faut perfectionner et entretenir le logiciel en continu. Rhonwyn Cornell met également en avant les coûts de formation qui ne cessent d’augmenter. Et pointent des difficultés spécifiques au centre sanguin comme l’important “turn over” des équipes médicales qu’il faut sans cesse à nouveau recruter et former. Quels partenariats pertinents pour Blood Safety Information System ? Le BSIS bénéficie aujourd’hui de soutiens médicaux et institutionnels locaux et internationaux. Tout d’abord le ministère de la santé du Lesotho comme souligné plus haut, qui apporte un soutien politique et technique au projet (mise à disposition de serveurs, intégration dans les politiques publiques de santé, lutte nationale contre le VIH). L’American Association of Blood Banks apporte également une assistance technique dans le cadre du PEPFAR. En Afrique du Sud, le projet bénéficie des conseils techniques de la Western Province Blood Transfusion Service et de la South African National Blood Service. Durant la phase de mise en oeuvre, des conseils ont également été apporté par la Safe Blood for Africa (SBFA) ainsi que par Africa Society for Blood Transfusion (AfSBT).
Pour améliorer et rationaliser le flux de travail des laborantins (collecte de sang, analyse, résultats) dans les centre de prélèvement sanguin Jembi souhaite explorer la possibilité d’utiliser des machines d’analyses sanguines automatiques. Une analyse de prélèvements sanguins en cours au Lesotho Blood Transfusion Service Conclusion Le BSIS est une solution à très fort impact, simple et performante qui fluidifie, rationalise et renforce la sécurité de l’écosystème complet de la transfusion sanguine au Lesotho. La solution est également déployée avec succès au Ghana (en partenariat avec le National Blood Service du Ghana), en Ethiopie (en partenariat avec le National Blood Bank Service d’Ethiopie), en Zambie (en partenariat avec la Zambia National Blood Transfusion Service). Une version francophone de Jembi sera disponible à partir du mois d’août 2018 au Cameroun. A ce jour, la solution BSIS - à l’échelle de toute l’Afrique (Lesotho, Zambie, Ghana, Ethiopie) - a permis de tracer, stocker et sécuriser 63,670 unités, ce qui est considérable. Un succès qui prouve aussi que la solution peut être adapté et déployée avec succès sur d’autres continents. Rhonwyn Cornell citera durant la visite l’Asie du Sud-Est et l’Amérique Latine comme des territoires où le BSIS pourrait également passer à l’échelle
dans les prochaines années. Des manifestations d’intérêts provenant de ces pays ont déjà été exprimé auprès de Jembi. Aux côtés des membres de l’équipe du Lesotho Blood Transfusion Service de Maseru
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