René-Louis des Forêts, Œuvres complètes - Culture

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Lectures pour l'été 2015 - Poches - Littérature française

                   René-Louis des Forêts, Œuvres complètes
L'œuvre de Louis-René des Forêts (1916-200) est brève : deux romans, Les Mendiants et Le Bavard, des
nouvelles, dont La Chambre des enfants, des poèmes, des chroniques et textes autobiographiques, tels
Ostinato ou Pas à pas jusqu'au dernier. Elle est entièrement réunie dans ce volume qui s'ouvre sur une
nouvelle inédite de 1938, Les Coupables, et comprend également une longue biographie illustrée, des
lettres à Charles Du Bos ou à André Frénaud, des portraits de Bataille, Leiris ou Antelme, un entretien
ainsi que de nombreux dossiers illustrés éclairant certains textes. L'occasion de (re)découvrir une œuvre
placée sous le sceau du silence. Pendant quelques années, celui qui a lutté contre la Guerre d'Algérie, a
fait vœu de silence, se consacrant à la peinture, avec le «sentiment de pouvoir [s']exprimer autrement que
par des mots.» Il revient pourtant à l'écriture, convaincu, comme il l'écrit dans Face à l'immémorable, que
la langue est «l'unique voie d'accès au silence». Selon lui, «perpétuer, du moins pour un temps, ce que
la mort s'apprête à réduire en poussière, tel est parmi d'autres, le rôle du langage.» Cette édition reprend
également des chroniques musicales, importantes pour celui qui regrettait de ne pas avoir fait des études de
musique, considérant la littérature comme un «pis-aller» (Quarto).

                   Claudie Gallay, L'Amour est une île et Une part de ciel
L'été 2003, le Festival d'Avignon est bloqué par la grève des intermittents du spectacle. C'est cet événement
que Claudie Gallay a pris comme décor de ce roman paru il y a cinq ans, mais seulement édité en poche
aujourd'hui. Si de nombreuses pièces sont annulées, Odon, directeur de Chien Fou, entend bien jouer car,

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rappelle-t-il, «c'est en laissant les théâtres ouverts que les peuples se font entendre». Il monte Nuit rouge,
la pièce d'un jeune auteur mort cinq ans auparavant dont la soeur a fait le déplacement jusqu'à la Cité des
Papes pour lui rendre justice. Il tente aussi de retrouver Mathilde, cette actrice qu'il a tant aimée devenue
célèbre sous d'autres cieux. Différents personnages croisés au fil de courts chapitres tissent cette fresque
magistrale comme portée par la grâce, aux dialogues rares mais riches de sens, à l'écriture forte d'une belle
densité émotionnelle.

                    Au début d'Une part de ciel, Philippe, Gaby et Carole se retrouvent dans leur village natal
de montagne peu avant Noël. Le premier, responsable du domaine, recherche la route jadis empruntée
par Hannibal. La deuxième est femme de ménage dans un hôtel en élevant une fille qui n'est pas la
sienne. Quant à la troisième, elle est revenue pour son père. Tous trois ont en effet reçu une boule à neige
annonçant le retour de cet homme qu'ils ont toujours connu ailleurs. Carole, la narratrice, reprend ses
marques dans ce monde immuable, figé dans la neige. Elle reconnaît « le bar à Francky », l'épicerie, le pont
au-dessus de la rivière. Retrouve l'homme de la scierie qu'elle aurait pu aimer à l'époque. Et passe le temps
en traduisant un ouvrage sur Christo ou en rendant visite à la Baronne et ses chiens. Tout en posant des
questions sur l'incendie qui a détruit la maison familiale lorsqu'ils étaient enfants : laquelle des deux sœurs
leur mère a-t-elle prise dans ses bras? Ce beau roman d'ambiance possède un style lapidaire multipliant les
courtes phrases et bribes de dialogues. (Babel)

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                   Maylis de Kerangal, Réparer les vivants
Parler du roman de Maylis de Kerangal, Prix Médicis 2010 pour Naissance d'un pont, relève d'une sorte
de gageure. Car le réduire à sa trame, ce n'est rien en dire tant sa richesse et sa profonde singularité
tiennent à son écriture. L'histoire est celle-ci : suite à un accident de voiture, un jeune homme est en état
de mort cérébrale. Mais pas de mort totale car son coeur et plusieurs de ses organes - le foie, les reins, les
poumons - ne le sont pas et peuvent donc être transplantés. Les parents acceptent et la transplantation
cardiaque a lieu. La romancière s'immisce dans les pensées et les ressentis de ses personnages. Les
parents de Simon, qui ne savent pas s'ils doivent ou non accepter que leur fils soit dépecé. L'infirmière
de l'hôpital du Havre qui accueille le jeune garçon, un premier médecin de garde qui annonce sa mort, un
second qui parle de transplantation sont les courroies de transmission entre l'avant et l'après. Suivent le
chirurgien qui pratiquera l'intervention, son assistant chargé de ramené le coeur à Paris et pour qui c'est
une première. Et enfin la femme qui, depuis si longtemps, attend de pouvoir reprendre le chemin de la
vie avec un coeur neuf. Tous sont riches d'une profonde humanité que leur octroie la romancière en les
replaçant dans leur propre histoire individuelle. Ils deviennent chacun les héros de cette tragédie antique
où se côtoient la vie et la mort, entrant et sortant successivement du champ d'une caméra imaginaire qui
effectuerait un lent travelling temporel. L'auteure donne ainsi à son roman un rythme très particulier, tantôt
rapide, tantôt lent, comme la palpitation d'un cœur. (Folio)

Voir aussi

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                   Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule
Le premier roman d'Edouard Louis, 21 ans, étudiant à Normale Sup, coordinateur d'un essai sur Bourdieu
aux PUF, a été l'objet d'une polémique journalistique à sa sortie en janvier 2014, l'auteur ne supportant pas
qu'un journaliste du Nouvel Obs se rende sur les lieux qui y sont décrits. L'enfance d'Eddy dans un village
picard où il vaut mieux être un dur, savoir se bagarrer, lancer des injures racistes et homophobes, draguer
en mobylette, se saouler, battre sa femme ou sa copine, plutôt que de «parler comme une fille» ou de
«courir comme une pédale», fut en effet celle d'Edouard. Asthmatique, Eddy est l'aîné d'un père abandonné
à cinq ans par son propre père et le troisième garçon d'une mère qui en avait déjà eu deux autres d'un
premier mari alcoolique mort d'une cirrhose du foie. Dans sa famille, on admire son cousin Sylvain,
délinquant et trafiquant de drogue mort d'un cancer en prison. Au collège, le narrateur est régulièrement
tabassé, chez lui, il est raillé, au village, il est regardé de biais. Son père est violent («Pour un homme, la
violence était quelque chose de naturel, d'évident») mais, contrairement à bien d'autres, il ne tape ni sa
femme, ni ses gosses, mais bien le mur, qui a fini couvert de trous cachés par des dessins rapportés par
les plus petits de l'école maternelle. Cette enfance, ce monde, Eddy finira par les fuir, en voulant faire du
théâtre et s'inscrivant au lycée d'Amiens, découvrant un monde neuf. (Points)

Voir aussi Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule

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                   Sorj Chalandon, Le quatrième mur
Le quatrième mur est, au théâtre, l'écran imaginaire érigé au bord de la scène isolant le plateau de la
salle. Ici, c'est celui qui, en plein conflit libanais, séparera les acteurs issus des multiples communautés
présentes au Liban - palestiniens sunnites, druzes (musulmans vivant dans le Chouf), chrétiens maronites
du Mont-Liban, chiites - des spectateurs originaires de ces mêmes communautés engagées dans une
guerre civile sans fin. La pièce représentée est Antigone d'Anouilh, œuvre de résistance à la tyrannie,
quelle qu'elle soit, créée en janvier 1944 dans Paris occupée. Elle ne pourra être jouée qu'une seule
fois, en octobre 1982, dans l'ancien cinéma Beaufort situé à un carrefour cerné par les deux fronts et
étroitement surveillé par des snipers retranches dans les immeubles détruits. Le metteur en scène est un
jeune Français, un ancien militant d'extrême-gauche qui a accepté d'abandonner sa femme et sa fillette
pour tenir la promesse faite à l'homme qui est à la base de ce projet insensé, un juif grec ayant fui le régime
des colonels et aujourd'hui mourant. Sorj Chalandon, qui a vécu cette guerre comme grand-reporter à
Libération, entraîne son narrateur dans un monde halluciné et hallucinant où la vie ne tient qu'à un fil. À
un doigt posé sur la gâchette d'un fusil. Le lecteur navigue entre le somptueux et l'atroce. Entre la force de
l'espoir et l'acceptation de sa ruine. (Le Livre de Poche)

                   Yanick Lahens, Dans la maison du père
Après un peu plus de dix ans d'existence, l'éditrice Sabine Wespieser a lancé sa collection poche. Parmi
les premiers titres, figure le premier roman de l'auteure haïtienne Yanick Lahens (Prix Femina 2014 pour
Bain de Lune) paru en 2000 au Serpent à Plumes. En ce jour de 1942, la narratrice, 13 ans, se fait gifler

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par son père pour avoir dansé dans l'herbe au son d'une musique entraînante. «Je suis née de cette image.
Elle m'a mise au monde une seconde fois et je l'ai enfantée à mon tour», écrit-elle. Elle raconte son enfance
entre un père strict et une mère aimante, l'occupation américaine, sa découverte de la danse, son besoin de
liberté pendant la période révolutionnaire des années 1945-46, jusqu'à son arrivée à New York en 1950 où
elle attrape son «virus de civilisée». Un très subtil roman d'apprentissage porté par une écriture fluide. (SW
Poche)

                   Monica Sabolo, Tout cela n'a rien à voir avec moi
Le titre de ce «roman» est ironique puisque ce qu'il contient ne concerne que son auteure. Ce «tout»
renferme un texte éclaté en extraits de journal, SMS, courriels, lettres (à un mort), conversations, propos
divers, réflexions, souvenirs, histoires familiales, compte-rendu, etc., accompagnés d'une multitude de
petites photos noir et blanc (paires de gants, parapluie, briquets, livres, notes, scooter rouge, vacances,
enfance…), de schémas ou de tableaux. Ce livre foutraque, totalement revigorant, ne ressemble donc à
rien de connu. Que raconte-t-il? Une histoire d'amour brève, sans suite, assez vaine et finalement peut-
être à sens unique entre la narratrice, double de l'auteur (même nom, même histoire), et le «jeune et brillant
garçon» engagé pour tenir la rubrique cinéma dans le magazine dont elle dirige les pages culturelles. De
l'approche lente et prudente à la séparation finalement «pénible», se sont écoulés quelques mois pimentés
de rendez-vous rapportés avec un humour interrogateur et férocement autocritique où la passion de la jeune
femme se dissimule sous un ton évasif et lapidaire. (Pocket)

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                   Lionel Duroy, Vertiges
Ce roman largement autobiographique s'ouvre sur deux ruptures vécues par le narrateur à vingt ans
d'intervalle. La première a eu lieu lors de la parution de son premier livre autobiographique, Priez pour
nous, la seconde, peu après la sortie du Chagrin. Au moment où il se sépare d'Esther, Augustin se souvient
de son progressif éloignement de Cécile tombée amoureuse de l'architecte de la maison où le couple
venait de s'installer avec leurs deux enfants. Il passe en revue la vie qui a suivi, la naissance de deux
nouveaux enfants, l'achat d'une maison de campagne, quelques aventures amoureuses, l'écriture de livres
pour d'autres. Et surtout la progression d'une douleur intérieure qui l'envoie dans les Balkans en guerre et
l'éloigne progressivement de son bonheur quotidien. Jusqu'à le plonger dans une solitude existentielle dont
il ne survit que par l'écriture. (J'ai Lu)

                   Kéthévane Davrichewy, Les séparées
Amies d'enfance, Alice et Cécile auraient dû le rester leur vie entière. Que de moments forts n'ont-elles pas
partagés, depuis le soir de l'élection de Mitterrand en 1981! Et pourtant, mariées et mères de famille, elles
ont fini par s'éloigner l'une de l'autre, sans trop comprendre pourquoi. Trente ans plus tard, alors qu'Alice
traîne à une terrasse de café en retissant le fil de ses souvenirs, Cécile est dans le coma. Et de sa brume
ouatée, c'est son ancienne amie qu'elle appelle…Alternativement, nous remontons derrière elles ce temps
vécu cœur à cœur. L'adolescence où elles entonnent les mêmes airs populaires, dansent sur les mêmes

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chansons à la mode. L'année où Alice étudie à New York, d'où elle ramènera son mari, tandis que Cécile
est inscrite aux Beaux-Arts à Paris. Jusqu'à ce projet professionnel commun, avorté. Une amitié pourtant
fragilisée par Philippe, demi-frère de Cécile, amoureux caché d'Alice, qui paiera le prix fort ses excès de
vie. Qu'est-ce qui fait qu'un roman est un grand roman? C'est le fruit d'une alchimie mystérieuse. Car en
réalité, l'histoire contée ici, la littérature en regorge. Il y a donc autre chose. Cette capacité à mettre les mots
justes sur des émotions qui deviennent ainsi les nôtres. Et c'est le regard lavé de tout que l'on a pu lire ou
connaître jusqu'ici que nous parcourons ce chemin d'où l'on revient chaviré. (10/18)

                    Metin Arditi, La confrérie des moines volants
Le point de départ est une histoire présentée comme vraie (et en réalité fictive); dans l'URSS de la fin des
années 1930, horrifié par les massacres de religieux et le saccage des églises perpétrés par les milices du
NKVD (Commissariat du Peuple aux affaires intérieures), un ermite, Nikodime Kirilenko, décide de réagir.
Avec onze compagnons, cet homme hanté par un douloureux secret fonde la Confrérie des moines volants
chargée de dérober des icônes et de les cacher. Dans la deuxième partie, ce récit d'une résistance contre
un régime qui veut éradiquer tout sentiment religieux trouve un écho de nos jours avec les recherches
menées en Russie par un photographe qui, à la mort de son père, découvre les liens qui le lient à Nikodime.
(Points)

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              Romain Puertolas, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté
coincé dans une armoire IKEA
Pour sa réédition en poche, la couverture du premier roman de Romain Puértolas a perdu le logo de
l'enseigne suédoise qui lui avait fait un procès, mais en a gardé les couleurs jaune et rouge. Ajatashatru
Lavasch Patel (prononcez comme vous voulez) débarque à Paris de son Inde natale, où il fait profession
de fakir et de faux magicien, pour se procurer, dans un magasin IKEA, le dernier modèle de lit à clous
Kisifrötsipik (15000 clous à planter soi-même). Contraint de passer la nuit dans le magasin en attendant
sa commande, il se cache dans une armoire métallique expédiée en Angleterre. C'est le début d'un périple
qui va successivement le mener en Espagne, en Italie et en Lybie, pisté par le chauffeur de taxi gitan (et
quelque peu belliqueux) qu'il a arnaqué. Mais au cours duquel il va faire quelques belles rencontres. Avec
une obsession: retrouver à Paris celle avec qui il a partagé un repas à la cafétéria du magasin suédois. (Le
Livre de Poche)

                   Alice Ferney, Cherchez la femme
Dans ses romans (L'élégance des veuves, Conversation amoureuse, Dans la guerre, Les Autres), Alice
Ferney parvient avec subtilité et précision à décortiquer les ressorts de l'âme humaine, principalement dans
la relation amoureuse. Ici, elle met une fois encore à nu les mécanismes d'un couple, Serge et Marianne,
en remontant à la génération supérieure, se souvenant que tout individu est d'abord le fruit d'une famille,
d'un milieu, d'une éducation. Nina est une lycéenne de 16 ans qui rêve d'être danseuse lorsqu'elle accepte
d'épouser Vladimir, un ingénieur des mines. Après bien des déboires professionnels, le couple s'installe

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dans une petite ville de la province française, Nina sombrant dans l'amertume et l'alcoolisme sous le regard
meurtri car toujours amoureux de son mari. De cette union souvent tumultueuse naissent deux fils, dont
Serge qui épouse Marianne, une Parisienne issue d'un milieu nettement plus bourgeois que le sien. C'est
donc leur histoire que nous sommes invités à suivre. De leur mariage, rendu difficile par la rencontre de
deux mondes qui n'ont nulle envie de se connaître, à leur séparation, également compliquée. Cette cassure
était-elle inévitable? Serge, paré de toutes les qualités par les autres, et principalement par sa femme qui se
sent inférieure à lui, alors qu'il apparaît au contraire lâche, égoïste, fuyant et finalement peu fiable, fut-il un
bon mari? C'est un peu la question qui sous-tend tout le roman. Doublée de celle-ci: que faut-il pour qu'un
couple fonctionne? (Babel)

                    Simon Leys, La Mort de Napoléon
Excellente idée d'Espace Nord de rééditer le seul et fort cocasse roman écrit par Simon Leys en 1986.
Son point de départ raisonne comme une farce: sous le nom d'Eugène Lenormand, à bord d'«un phoquier
portugais soudoyé pour la circonstance» et dont l'équipage est composé de Norvégiens «taciturnes»,
Napoléon s'est évadé de Sainte-Hélène, remplacé sur l'île par un maréchal-des-logis fort ressemblant. Sur
le brick qui le ramène en France, où il fait office de garçon de cabine, il est surnommé Napoléon pour sa
ressemblance avec l'empereur. Accostant à Anvers, il se rend à Waterloo en compagnie de douze Anglais
et Anglaises, visitant notamment la chambre qu'il occupa à la veille de la fatidique bataille. Mais il s'aperçoit
avec horreur qu'il découvre les lieux pour la première fois. Ainsi débute un périple qui ne sera pas des plus
tranquilles. Françoise Châtelain signe la postface. (Espace Nord)

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                   Jean Hatzfeld, Robert Mitchum ne revient pas
Au printemps 1992, Marija et Vahidin, deux champions yougoslaves de tir au pistolet, s'entraînent dans la
banlieue proche de Sarajevo pour les Jeux Olympiques de Barcelone où ils ont de sérieuses chances de
médailles. Dès les premiers bombardements, le jeune homme, musulman bosniaque, aide sa mère et ses
sœurs, qui redoutent les milices tchetniks, à se réfugier en ville, avec l'intention de rejoindre ensuite son
amie, serbe bosniaque. Mais il ne parvient pas à franchir la frontière militaire rapidement installée entre eux.
Marija, de son côté, retrouve Robert Mitchum, le chien de la famille de Vahidin, qui ne la quitte plus. Elle
refuse d'envisager l'inéluctable et, espérant toujours le retour de son amoureux, refuse de suivre son équipe
en Serbie. Cette histoire s'étend sur huit ans, jusqu'aux JO de Sidney. Jean Hatzfeld fait admirablement
revivre cette tragédie historique honteuse pour l'Europe, s'installant de part et d'autre de la ligne de front,
à travers le destin de ses magnifiques héros engagés l'un et l'autre comme snipers par leurs camps
respectifs. C'est un livre indispensable pour comprendre non seulement ce qui s'est réellement passé mais
comment les gens ont vécu ces années-là, dans leur vie et dans leur chair. Et, au-delà, c'est un prodigieux
document humain. (Folio)

                   Bernard Quiriny, Le village évanoui
Bernard Quiriny aime les univers décalés, tant dans ses nouvelles (Contes carnivores, Chroniques
assassines) que dans son premier roman, Les Assoiffées, portrait d'une Belgique devenue une dictature
dirigée par une femme. Le Village évanoui s'inscrit dans la même veine. Ne pouvant plus quitter leur bourg,

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les habitants de Châtillon-sur-Bierre passent de la stupeur au désarroi. Tant bien que mal, ils tentent de
s'organiser, notamment pour faire face au progressif épuisement des stocks alimentaires. Mais bientôt, sous
la bannière d'un agriculteur, une partie de la population se retranche dans un ranch de plusieurs hectares
qui vit en autosuffisance. La discipline y est sévère, transformant ce qui aurait pu être une forme d'utopie
communautaire en un mini-Etat autoritaire. (J'ai Lu)

                  Christophe Carlier, L'Euphorie des places de marché
Après L'Assassin à la Pomme verte, auréolé de plusieurs prix (dont celui du Premier roman), et un livre sur
Sempé, Christophe Carlier signe un revigorant Euphorie des places financières. Norbert Langlois dirige une
société de livraison de bureaux. Il se délecte à l'écoute des chroniques économiques alarmistes - retraites,
dettes, chômage -, se shoote aux impitoyables sentences des agences de notation. Agathe, sa secrétaire,
passe ses journées à faire des mots fléchés et à commenter les faits divers avec ses collègues. La
considérant comme un obstacle au développement de son entreprise, son patron aimerait la licencier. Mais
sous quel prétexte? Il a un plan: l'impliquer dans un dossier dans lequel elle ne pourra que lamentablement
se vautrer. Au même moment, est engagée une stagiaire qui, elle, est assidue et compétente. Rythmé par
les jours de la semaine, ce roman est écrit avec recherche, l'auteur accordant autant d'importance à son
histoire - sortie de suspens de bureau - qu'à la manière de la mener. Toujours avec un humour en demi-
teinte, moins lié aux situations elles-mêmes qu'à la manière dont se comportent les différents personnages
face à elles. (Pocket)

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                   Jean-Daniel Baltassat, Le divan de Staline
Ce roman est glaçant. Il raconte un bref séjour fin 1950 de Iossif Vissarionovitch à Borjomi, une ville
d'eau géorgienne. Le Petit Père des Peuples va avoir 72 ans et il lui reste moins de trente mois à vivre.
Il a réuni autour de lui sa maîtresse, Lidia Semionova, la seule à user avec lui d'une relative franchise,
et le jeune peintre Danilov qui ambitionne de réaliser une fresque géante dont son hôte serait le centre -
deux personnages fictifs. C'est un homme comme beaucoup d'autres, amateur de westerns et d'opéras,
que dépeint Baltassat. L'humain sous le monstre. Le dictateur s'étend sur un divan semblable à celui de
Freud, demandant à sa maîtresse de lui lire un extrait de L'interprétation des rêves de celui qu'il appelle le
«Charlatan» et dont il condamne le «charabia» et les «cochonneries juives», à la fois par puritanisme - il
refuse de parler de sexualité ou de désir, tout en ayant eu beaucoup de maîtresses - et parce que Trotski
pensait qu'il était intéressant d'étudier le freudisme pour comprendre comment les masses et la bourgeoisie
fonctionnaient. Ainsi installé, celui qui reste douloureusement marqué par le suicide de sa deuxième femme,
Nadia, en vient, presqu'à son corps défendant, à raconter ses rêves et ses souvenirs. Il évoque notamment
sa déportation sous le cercle arctique où il s'est senti abandonné par celui dont il avait fait son père de
substitution, Lénine. (Points)

                   Raphaël Jerusalmy, La Confrérie des chasseurs de livres
Raphaël Jerusalmy a successivement été membre des services de renseignements militaires israéliens,
engagé dans l'humanitaire puis marchand de livres anciens à Tel-Aviv. Dans son second roman après
Sauver Mozart (Babel), passionnant et érudit polar historique, il entraîne le lecteur en Palestine au milieu

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du XVe siècle. En 1463, quelques années après la création d'une imprimerie à Mayence. Louis XI charge
François Villon, poète, mais aussi brigand qui vient d'échapper au gibet, de contacter Johann Fust, le
riche orfèvre qui a financé les travaux de Gutenberg. Le but du monarque est purement économique:
en menaçant de publier des ouvrages qui, révélant que la terre n'est pas au centre de l'univers, vont à
l'encontre du dogme épiscopal, il entend faire pression sur le pape d'Avignon qui touche à sa place des
droits de passage dans la vallée du Rhône. Après pas mal de désagréments, l'auteur de la Ballade des
Dames du temps jadis, flanqué de son fidèle Colin, découvre dans la ville trois fois sainte une Confrérie
secrète elle aussi chargée d'affaiblir la papauté en diffusant des ouvrages proscrits. Et notamment le
testament du Christ recueilli par le prêtre qui l'a livré à Ponce Pilate. (Babel)

Voir aussi : Raphaël Jerusalmy, La confrérie des chasseurs de livres

                   Jean-Christophe Rufin, Le Collier rouge
En cet été 1919, devant la prison de Bourges écrasée de chaleur, un chien aboie jour et nuit. Son maître y
est enfermé. Comment ce caporal décoré de la Légion d'honneur est-il arrivé là, c'est ce que va tenter de
comprendre un juge militaire envoyé sur place. La guerre que lui raconte le jeune homme est aussi celle de
l'animal, dénommé Guillaume, qui semble être au cœur du drame. L'enquêteur cherche également à savoir
pourquoi l'ancien soldat refuse de revoir la femme qui vit dans une ferme des environs et avec qui il a eu un
enfant. Après l'ample Jacques Cœur et le récit de son pèlerinage à Compostelle, Jean-Christophe Rufin, qui
vient de publier un roman magnifique sur fond de guerre en Bosnie (Check Point), signe un dense et bref
roman, remarquablement tendu, qui offre plusieurs entrées: la Première Guerre mondiale vue des Balkans,
l'apparition de velléités universalistes et de fraternisation suite à la Révolution russe, l'indéfectible fidélité
d'un chien pour celui qu'il s'est choisi comme maître. L'ensemble est coiffé d'un mystère dont la résolution
est fidèle à l'esprit de l'ensemble, plutôt iconoclaste. (Folio)

Voir aussi : Jean-Christophe Rufin, Le collier rouge

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                   Leonora Miano, La saison de l'ombre
Un jour, «un grand malheur» s'est abattu sur un village africain vivant pacifiquement replié sur lui-même:
pendant un grand incendie qui a détruit de nombreuses cases, les fils aînés de dix familles du clan mulongo
ont soudainement disparu. Soupçonnées de «manquements à l'égard des ancêtres», leurs mères ont
été écartées du groupe, mises en quarantaine «comme des malfaisantes», le temps, pour les anciens,
«de mieux cerner la situation». Mais comment pourraient-ils savoir que les dieux ou les ancêtres ne sont
pour rien dans ce qui leur arrive? Que les hommes ont été enlevés, comme le révèle un chasseur d'un
clan voisin, par des étrangers «couverts de la tête aux pieds», venus par les eaux à bord d'«une immense
pirogue bardée d'étoffes destinées à emprisonner le vent», pour en faire des esclaves? C'est ce que vont
découvrir quelques émissaires du clan. (Pocket)

                   Julia Deck, Viviane Élisabeth Fauville
En 1957, dans La Modification, Michel Butor racontait le voyage d'un homme dans le train Paris-Rome
en utilisant le «vous». Cinquante-cinq ans plus tard, chez le même éditeur, Julia Deck, née en 1974, use
du même procédé dans son premier roman, Viviane Elisabeth Fauville. Enfin, en partie, car elle recourt
également aux trois personnes du singulier et à la première du pluriel, et il arrive que le «vous» concerne
deux personnages différents. Cette alternance d'angles de vue permet de rendre compte des faits et
gestes de l'héroïne ou de ses pensées. On est tantôt dans le descriptif strict, tantôt dans l'introspectif.

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Abandonnée par son mari avec un bébé de douze semaines, Viviane abat son psychanalyste qui la
bourre de tranquillisants depuis trois ans et souhaite multiplier les séances hebdomadaires sans pour
autant donner l'impression de vouloir la sortir de son mal-être. Soupçonnée par la police, elle rencontre la
maîtresse du défunt puis sa femme. Ainsi qu'un homme suspecté du meurtre. Sans très bien savoir où ça va
la mener. Le lecteur non plus, d'ailleurs, mais peu importe: il se laisse conduire avec gourmandise dans ce
savant jeu de piste parisien. (Minuit Double)

                   Lola Lafon, La petite communiste qui ne souriait jamais
Aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, après avoir évolué sur la poutre, une Roumaine de 14 ans
attend son résultat. La note s'affiche: 1,0. Personne ne comprend, l'exercice a été parfait. Le public siffle,
tout le monde s'affaire. En fait, c'est 10 qu'il faut lire, mais le tableau ne permet pas un score à deux
chiffres. Du jamais vu. Six autres notes maximales suivront. Nadia Comaneci entre dans l'histoire. C'est
son destin que raconte Lola Lafon avec une remarquable exigence stylistique et morale. Au déroulé de la
courte carrière de son héroïne, au face à face tendu entre les systèmes en vigueur de part et d'autre du
Rideau de fer, l'auteure ajoute une strate supplémentaire: les échanges téléphoniques totalement fictifs
entre la narratrice et celle qui vit depuis novembre 1989 aux Etats-Unis. C'est par la voix de celle-ci que
sont rectifiés les clichés liés à la Roumanie - où Lola Lafon a vécu de 3 à 12 ans - et que, d'une certaine
manière, sont renvoyés dos-à-dos les conditionnements communistes d'hier et le capitaliste d'aujourd'hui.
Lola Lafon suit «Nadia C.» de ses premiers agrès à sa fuite du pays quelques jours avant la chute puis
l'exécution des époux Ceausescu. Soit plusieurs compétitions internationales où l'imbrication entre le sport
et la géopolitique se reflète dans la haine opposant, par athlètes interposés, les sœurs ennemies roumaines
et soviétiques. Tout au long des années 1980, Nadia Comaneci doit faire face à deux types d'attaques: sa
proximité avec le régime, d'une part, d'avoir grandi, d'être devenue une femme et donc d'avoir perdu sa
«fraîcheur», d'autre part. (Babel)

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                   Scholastique Mukasonga, Ce que murmurent les collines
Voici un recueil de six nouvelles à travers lesquelles l'écrivaine rwandaise fait revivre la culture de son pays
natal (et qui possèdent chacune en guise de postface des "notes à l'attention du lecteur curieux"). Dans
l'une, l'auteure de Notre-Dame du Nil (Prix Renaudot 2012, Folio), raconte la nostalgie de sa mère pour une
rivière, la Rukara, qui est la sienne mais qu'elle n'a pourtant jamais connue. Dans une autre, à travers une
cordelette à laquelle est accroché un bout de bois et dont une étudiante en sociologie, même nue, ne se
sépare pas, elle évoque la cohabitation entre croyances et légendes vernaculaires et rites religieux importés
par les pères chrétiens. Dans une troisième, il est question d'une rivalité entre le roi Musinga, qui affirme
que le Rwanda lui appartient, et les autorités belges qui, vantant leur apport civilisationnel, veulent le faire
venir à Kigali, «leur» capitale. Dans le dernier texte, enfin, à travers l'année scolaire d'un pygmée (Cyprien
le Mutwa) envoyé par un missionnaire, qui s'avère être meilleur élève que ses condisciples, on découvre le
rejet dont sont victimes ces «parias» chez les Rwandais. (Folio)

                   Isabelle Stibbe, Bérénice 34-44
On aimerait que tous les premiers romans soient de la qualité de celui-ci ! C'est dans un monde qu'elle
connaît bien, celui du théâtre parisien, que l'ancienne responsable des publications de la Comédie
française, aujourd'hui secrétaire générale de l'Athénée Théâtre, plonge son héroïne, Bérénice, jeune
juive née en 1919 dont le prénom est emprunté à Racine. Un prénom prédestiné puisque, contre l'avis
de ses parents, elle veut être comédienne. Elle vise la voie royale: le conservatoire, dans la classe de
Louis Jouvet, puis la Comédie française pour jouer les grands textes du répertoire, Lorenzaccio, Le Cid

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et même, qui sait, Le Soulier de Satin que s'apprête à monter Jean-Louis Barrault. Mais la guerre va en
décider autrement. Interdite de jouer, elle se cache chez un ami avocat-poète tandis que son mari fuit la
France pour l'Espagne avec l'intention de gagner les États-Unis. Cette histoire, belle, émouvante, puissante,
raconte magnifiquement une page d'histoire peu connue en s'appuyant sur des faits et documents réels.
Notamment le psychodrame qui conduit Jacques Copeau, directeur de la Comédie française, à accepter
son épuration s'il veut la voir rouvrir. (Le Livre de Poche)

                   Caroline De Mulder, Ego Tango
Le premier roman de cette auteure belge enseignant aux facultés namuroises est extrêmement littéraire et
assez sensuel, à l'image de la danse dont il est question. Tout y est mystérieux. D'abord les rapports entre
la narratrice et Ezéquiel, l'homme qui partage sa chambre-appartement, vaguement sa vie aussi, qui occupe
un peu son esprit, et même son cœur, mais jusqu'à quel point? Elle en parle étrangement, sans passion
mais sans indifférence non plus. Et puis il y a le tango. Cette danse que la jeune femme pratique dans
plusieurs salles-cafés. Tout, dans ses paroles, dans l'écriture donc, est à fleur des mots. Jamais un mot plus
haut que l'autre, jamais plus bas non plus. Le climat est harmonieux, apaisé, même si on devine qu'il ne l'est
pas toujours. Transparaît néanmoins une vague intrigue, la disparition de Lou et Alexis de Saint-Ours sur
laquelle la danseuse enquête - plus précisément s'interroge. (Babel)

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                   Diane Ducret, Corpus Equi
Allusion à Corpus Christi, ce récit est un vibrant message d'amour. D'abord aux chevaux légendaires et
historiques qui le sillonnent: Pégase, Bucéphale, Morzillo, Incitatus, jusqu'au Cabaret équestre de Zingaro.
Mais surtout au petit poney qui a profondément et douloureusement imprégné la propre histoire de l'auteure,
Zascandyl. Cette «mouche du coche», dont elle s'est «entichée» à 11 ans, est devenue son confident, un
prolongement d'elle-même. «Nous étions deux enfants et notre bonheur était incommensurable», écrit-elle
avec émotion. Mais quatre ans plus tard, alors qu'un avenir radieux lui est promis en compétition équestre,
la cavalière se blesse lors d'un concours de sauts d'obstacles. Les opérations s'enchaînent et le verdict
est sans appel: elle ne remontera plus. Zascandyl le sent-il? Peu après, alors que, sous le sapin de Noël,
une couverture «particulièrement douillette et colorée» ainsi que des friandises lui sont réservées, l'animal
meurt victime d'un problème intestinal. Ce n'est qu'au terme de nombreuses années de souffrances et de
lutte qu'à 31 ans, Diane Ducret retrouve le chemin de l'écurie. Si l'instinct ancien se réveille en elle, elle doit
cependant tout réapprendre. Et vaincre «l'effarement» de ses proches. (Pocket)

                   Laurent Gaudé, Pour seul cortège
Alexandre le Grand meurt à 33 ans lors d'un banquet à Babylone. On rappelle Dryptéis, fille de Darius III,
l'empereur perse qu'il a vaincu, mariée à Héphaistion, son plus proche compagnon mort l'année précédente.
Dans le palais, la jeune femme retrouve l'épouse du défunt, sa sœur Stateira qui est enceinte. Au même
moment, venu du royaume indien de Pâtalipoutra, un certain Ericléops tente d'approcher le mourant. Après
avoir défilé auprès du corps, les anciens généraux de l'armée se partagent l'empire, le glaive entre les

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dents. Et l'immense cortège funèbre formé de sept groupes de trente pleureuses issus d'empires différents
et de 64 mules, prend la route de Tyr, en Macédoine. Où il n'arrivera jamais. On ne sait toujours pas,
aujourd'hui, où est la tombe d'Alexandre. Gaudé se soucie moins des faits que de leurs effets sur ses
personnages dont, comme souvent, il alterne les points de vue. Par son écriture à la fois épique et intimiste,
l'auteur d'Ouragan révèle la profondeur des êtres, leurs pensées et émotions les plus intimes. (Babel)

                   Yasmina Khadra, Les anges meurent de nos blessures
Le romancier algérien raconte l'histoire fictive d'un boxeur au cours des années 20-30 dont le surnom,
Turambo, vient de son village natal, Arthur-Rimbaud, rayé de la carte suite à un glissement de terrain. Son
père a disparu et il est élevé dans un bidonville par sa mère et un oncle. Au fil de ses errances, il rencontre
un garçon juif de son âge, Gino, qui sera son ami pour la vie. Il croise aussi Nora, une prostituée dont il
tombe amoureux. Mais, surtout, à la faveur d'un bon gauche qui, lors d'une bagarre, a mis au tapis un
boxeur réputé, il découvre les rings. Engagé dans l'écurie d'un certain DeStefano, il est rapidement pris
en main par le Duc, l'homme qui fait la pluie et le beau temps dans ce milieu aux mœurs douteuses. Sans
cesse, dans cette Algérie coloniale, il est renvoyé à ses origines pauvres et arabes. Surtout lorsqu'il tombe
follement amoureux d'Irène, la fille libre et indépendante d'une ancienne gloire du noble art désormais
clouée dans un fauteuil. Qui va faire de lui une star à Oran puis dans tout le pays. (Pocket)

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                   Marc Dugain, L'Emprise
Une poignée de personnages constitue les socles du roman de l'auteur La Malédiction d'Edgar et d'Une
exécution ordinaire. Chef du principal parti d'opposition, Philippe Launay est donné vainqueur à l'élection
présidentielle. Son principal adversaire est un membre de son camp qui veut le faire chuter. En révélant,
par exemple, un scandale sanitaire lié à des cas de leucémie chez des sportifs du temps où il était ministre
de la santé. Le patron d'Arlena, un puissant groupe militaro-industriel alliant électricité et nucléaire, est
engagé dans un partenariat secret avec la Chine. Le directeur du renseignement intérieur connaît tout ce
beau monde qu'il peut faire chanter à sa guise. Et c'est l'une de ses agents, Loraine, chargée d'enquêter
sur la disparition d'un employé d'Arlena un peu trop curieux, qui va relier faits et personnages en une
toile aussi diabolique qu'inquiétante. Pendant que les politiciens «s'amusent entre eux», des consortiums
énergétiques et nucléaires déploient leurs tentacules sur la planète en faisant fi des frontières. Tout cela est
assez effrayant. Vient de paraître chez Gallimard la deuxième partie de ce triptyque, Quinquennat. (Folio)

                   Patrick Delperdange, Chants des gorges
Un garçon, enfant unique qui ne connaît ni son âge, ni son prénom - il se définit simplement comme «le fils
de Marie» -, fuit son village «noir et pourri» suite au meurtre du curé dont il est accusé. Il s'en défend, se
souvenant seulement que le saint homme, à qui il était venu demander du travail, voulait faire «des saletés»
avec lui. Dans son parcours à la fois violent et spirituel, cet enfant silencieux, innocent, va croiser des

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personnes qui tenteront de le comprendre et sur lesquelles il exercera à chaque fois une fascination aussi
forte qu'inexplicable. Il est avant tout question d'écriture dans ce récit dont les personnages, qui prennent
alternativement la parole, existent davantage par ce qu'ils disent que par ce qu'ils font. La magie du livre
(Prix Rossel 2005) est de créer un univers impalpable, indéfinissable. Où sommes-nous? Dans le réel ou
dans l'imaginaire? Dans notre monde ou dans un autre fantasmé? Son écriture, très forte, emprisonne
le lecteur dans les mêmes filets que ceux qui retiennent ses ombres, ne cessant de le déstabiliser, de
provoquer chez lui ce sentiment de dépaysement. (Espace Nord)

                   Céline Minard, Faillir être flingué
Couronné par plusieurs prix (Livre inter, Virilo, Style), ce roman a été l'une des grandes révélations de
la rentrée 2013. Au début du XIXe siècle, un charriot brinquebalant tiré par des bœufs traverse l'Ouest
américain. A son bord, deux frères, Joffrey et Brad, le fils de celui-ci, Josh, et leur vieille mère agonisante et
hurlante. D'autres égarés, tel Bird, qui a volé son cheval à Elie, convergent avec eux vers une improbable
ville en train de se construire de part et d'autre d'une rue boueuse, où le premier bâtiment en dur est un
saloon. Suite de portraits très réalistes, ce western recrée un monde presque d'un autre temps tant ce genre
est passé de mode, le peuplant d'un faune particulièrement bigarrée, composée des pionniers et de voleurs
de chevaux, de commerçants et d'entrepreneurs, d'Indiens et de Chinois, et même d'un tueur à gages.
Vaille que vaille, une nouvelle société s'organise. (Rivages Poche)

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                   François-Henri Désérable, Tu montreras ma tête au peuple
En reprenant, comme titre de son premier livre la première partie de la célèbre phrase lancée par Danton
au pied de l'échafaud à l'adresse du bourreau Sanson, complétée d'un bravache et désespéré «elle en
vaut la peine», François-Henri Désérable dévoile son projet: parler des têtes tranchées par la guillotine
durant la Révolution française. Celles de Charlotte Corday, pour avoir assassiné Marat dans sa baignoire,
de Marie-Antoinette, rebaptisée «la grue» ou «véto femelle» par le Père Duchesne, celles des Girondins,
de Lavoisier, «le plus grand esprit français du siècle», du poète André Chénier, du philosophe allemand
naturalisé français Adam Lux, et finalement de Robespierre dont les dernières vingt-quatre heures sont
retracées par le gendarme Merda qui, d'un coup de pistolet, lui a transpercé la mâchoire. Apparaît même
un personnage de fiction, le marquis de Lantenac, contre-révolutionnaire vendéen héros de Quatre-Vingt-
Treize d'Hugo, ainsi que le petit-fils de Sanson. L'auteur se montre fidèle à la réalité, même lorsqu'il fait
parler ou penser ses personnages, et mêle avec brio différents types d'écritures. (Folio)

                   Jean-Louis Fournier, La Servante du Seigneur
C'est un père amer, dépité, autant dire fort malheureux qui signe ce récit adressé à sa fille Marie, jadis
«charmante et drôle», désormais «dame grise», «sérieuse comme un pape». Bref tout ce que déteste
l'auteur pessimiste à l'humour glacial d'Où on va papa? ou de Poète et paysan. Il y a dix ans, la jeune
femme a quitté la ville, et donc Jean-Louis et Sylvie, sa seconde femme (décédée depuis, comme il l'a
raconté dans Veuf), et s'est installée sur la côte «pour créer». Elle a rencontré «Monseigneur», un homme
sérieux, pontifiant qui aurait enseigné la théologie, est devenue «bigote» puis a abandonné son métier de

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graphiste - mais réclame pour Noël un 4X4 - et ne téléphone plus guère. Hier fraîche et légère, aujourd'hui
«dogmatique» et «autoritaire», elle fait la morale aux autres et ne doute plus de rien. Hier, elle écrivait des
lettres aimantes, aujourd'hui, elle traite son père de «vieil égoïste» qui a «fait du tort aux autres» et de «vieil
avare» en pronostiquant sa mort prochaine. Cette lettre ouverte, qui se termine par un désespéré «Reviens,
avant que je m'en aille», est probablement le livre le plus noir de son auteur. Même si l'humour court en
filigrane. Dans sa seconde édition, l'éditeur a ajouté la réponse de l'intéressée: bête et affligeante. Bref,
fidèle au portrait dressé dans les pages précédentes. (Le Livre de Poche)

                    François Garde, Pour trois couronnes
Tout part d'une rumeur qui court dans tous les ports du monde selon laquelle des marins seraient
rémunérés par des maris stériles pour faire anonymement un enfant à leur femme. Karen Blixen en a fait
une nouvelle, Une histoire immortelle, transposée au cinéma par Orson Welles. Le héros du deuxième
roman de François Garde, après l'étonnant Ce qu'il advint de l'homme blanc, un «curateur aux documents
privés» d'origine libanaise dont le père est mort dans des circonstances restées mystérieuses, lit cette
légende dans les papiers du patron français d'une grande société new-yorkaise qui vient de mourir. Est-
elle autobiographique? Enquêtant à la demande de la veuve, il découvre que cet homme a bien été marin
autour de sa vingtième année et qu'à la fin des années 1940, il a quitté son bateau à New York pour créer
une entreprise de transport maritime. Avec les trois couronnes en or que, d'après son récit, il aurait reçues
en échange du «service» rendu? La réponse pourrait se trouver à Bourg-Tapage, une ancienne colonie
insulaire française imaginaire où le défunt aurait, lors d'une escale, mis enceinte l'épouse d'un notable local.
Il aurait donc un héritier lui qui, officiellement, n'en a pas. Ce jeu de piste intrigant, remarquablement mené,
possède de nombreuses et passionnantes ramifications qui en accroissent encore la valeur. (Folio)

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