Renforcer les finances municipales : l'expérience de l'Autorité du Comté de Kisumu (Kenya) - Le financement du développement urbain durable
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Le financement du développement urbain durable ETUDE DE CAS 1 Renforcer les finances municipales : l’expérience de l’Autorité du Comté de Kisumu (Kenya)
À propos de la présente initiative Le soutien à la dimension urbaine de la coopération du développement: Renforcer la situation financière des villes des pays en développement pour parvenir à un développement urbain durable La présente initiative répond à une demande du Parlement Européen. Elle est mise en œuvre par la Commis- sion Européenne et ONU-Habitat, avec le soutien de l’International Growth Centre. Ces partenaires recensent les mesures propres à mobiliser le financement du développement urbain à tous les échelons des pouvoirs publics. Cela s’est fait à travers des études de cas menées à Dakar (Sénégal), Hargeisa (Somaliland, Somalie), Kampala (Ouganda), Kisumu (Kenya) et Mzuzu (Malawi), des entretiens avec des experts et des praticiens ainsi que la litté- rature empirique. L’initiative s’appuie sur un Groupe Consultatif, présidé par sir Paul Collier, professeur à l’Univer- sité d’Oxford, qui regroupe des représentants de la Banque Européenne d’Investissement, de la Banque Africaine de Développement, du Capital Development Fund de l’ONU, de la Commission Économique pour l’Afrique de l’ONU, ainsi que de Cités et Collectivités Locales Unies.
3 Le financement du développement urbain durable ETUDE DE CAS 1 Renforcer les finances municipales : l’expérience de l’Autorité du Comté de Kisumu (Kenya) Auteur : Lennart Fleck Table des matières Résumé................................................................................................................................................4 Principaux messages :..............................................................................................................4 L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins financiers..........................................................5 Les finances municipales et la structure de la gouvernance urbaine.............................................6 Structures et mission de la gouvernance urbaine...................................................................6 Les finances du KCG : un aperçu..............................................................................................7 Les réformes entreprises pour améliorer les finances de la ville................................................. 12 Renforcement des capacités de gestion financière............................................................. 12 Captage des valeurs foncières et déverrouillage du capital improductif........................... 19 L’amélioration du cadre juridique de la fiscalité................................................................... 24 Mobiliser le potentiel d’investissement dans de meilleures infrastructures ..................... 25 Leçons, facteurs de succès et priorités pour une future réforme................................................ 30 Leçons et facteurs de succès . ............................................................................................. 30 Priorités pour la réforme aujourd’hui et demain................................................................... 33 Bibliographie.................................................................................................................................... 35 Remerciements La présente étude de cas fait partie de la série intitulée ‘‘Comment renforcer les finances municipales’’. La matière provient à la fois d’entretiens et de recherches en ligne effectués entre avril 2019 et juillet 2020. Pour leurs contributions, nous remercions les représentants et les services de l’Autorité du Comté de Kisumu, la Banque mondiale, le Ministère kenyan des Transports, de l’équipement, du logement, de l’aménagement urbain et des travaux publics, l’Université Strathmore (Kenya), Collection Africa Limited et le Capital Development Fund des Nations Unies (UNCDF). Les autres municipalités incluses dans la présente série sont celles de Dakar (Sénégal), Kampala (Ouganda), Hargeisa (Somaliland) et Mzuzu (Malawi).
4 Le financement du développement urbain durable Résumé L’Autorité du Comté de Kisumu (KCG - élevés et sa stratégie fiscale continue sonnel de recouvrement. Ces groupes Kisumu County Government) fournit un à privilégier des flux dont le poten- d’intérêts très bien incrustés mettaient exemple caractéristique des pièges tiel est faible ou régressif. Ce sont à profit les failles dans le recouvre- que rencontre souvent la réforme des pourtant précisément les obstacles ment, la porosité des procédures de finances municipales. Ces dernières qui ont empêché le KCG de récolter le gestion des finances publiques (GFP) années, le KCG s’est lancé dans des fruit de ses réformes qui illustrent par- et la faiblesse, dans l’ensemble, de réformes qui, sur le papier, semblaient faitement pourquoi et comment des l’État de droit. Venir à bout de ces inté- prometteuses. Il a informatisé le interventions prometteuses dans les rêts catégoriels a exigé une autorité et recouvrement de l’impôt, entrepris de mécanismes financiers municipaux une volonté politiques considérables. renforcer ses capacités, mis à jour le échouent souvent à produire les résul- rôle d’évaluation, externalisé le recou- tats désirés. Pour remédier aux problèmes des vrement des arrérages de taxe fon- finances municipales à Kisumu et cière et s’est fait attribuer sa première La mise en œuvre de ces réformes par dans d’autres contextes similaires, il note de crédit. Et pourtant, les béné- le KCG s’est heurtée à de nombreux faut donc mettre davantage l’accent fices de ces initiatives semblait-il écueils, qu’il s’agisse de problèmes sur les réalités politiques et sur les prometteuses tardent à se faire claire- techniques dans leur déploiement ou mécanismes d’incitation lors de ment sentir. Les ressources fiscales de goulets d’étranglement dans les l’élaboration des projets de réforme. propres (RFP) par tête, comme l’accès capacités, ou encore de contraintes Plus un système financier municipal au crédit et à l’investissement privé budgétaires. Tout particulièrement apparaît défectueux, plus il est source dans les infrastructures, sont restés complexe aura été l’attachement au involontaire de rentes de situation et faibles. L’assiette fiscale du KCG n’a maintien en l’état du système régis- plus il risque de résister au change- pas changé, l’efficacité de ses procé- sant le produit fiscal propre qu’ont ment. Pour venir à bout de cet équilibre dures de recouvrement et de discipline manifesté divers intérêts catégoriels, malsain mais stable, on a besoin fiscale laissent encore à désirer, ses notamment les élites dominant la d’autre chose que de petits serrages arrérages de taxe foncière restent propriété foncière ainsi que le per- de vis ici ou là. Principaux messages : Renforcer les capacités des fonctionnaires locaux et leur apporter le soutien technique voulu peut s’avérer futile lorsque manque le capital politique propre à appuyer les réformes. Une plus grande transparence s’impose dans les systèmes comptables et budgétaires si l’on veut détecter les ir- régularités et en aggraver les risques pour qui s’en rend responsable. Il appartient à la communauté internationale comme aux autorités nationales de considérer de plus près la façon dont leurs rapports avec les collectivités locales mais aussi la réglementation en vigueur sont propres à encour- ager la réforme des finances municipales. Il s’agit notamment de : ➔ Conditionner une plus large part des transferts nationaux au bon respect des règles nationales en matière de finances publiques, dans les cas où l’autorité à percevoir l’impôt ne s’exerce pas de manière optimale. ➔ Conditionner l’accès aux marchés des capitaux, aux subventions des donateurs et aux Partenariats Public-Privé (PPP) au bon respect des principaux indicateurs du produit fiscal propre et aux progrès accomplis à cet égard.
5 Le financement du développement urbain durable L’urbanisation : tendances, problèmes et besoins financiers Ces dix dernières années, le Kenya ci sont à la tête de territoires dont la cent du comté, et 46 pour cent pour a été présenté comme l’un des pays superficie moyenne est plus de six l’électricité.5 Avec seulement 15 pour d’Afrique le mieux en passe de réussir. fois supérieure à celle des collectivités cent de routes goudronnées, Kisumu D’importantes réformes politiques et locales ailleurs en Afrique.3 L’un des a aussi besoin d’investissements économiques ont débouché sur une comtés le plus importants du point de importants dans ses infrastructures croissance économique régulière de vue économique est celui de Kisumu, afin d’abaisser le coût du transport l’ordre de 5,6 pour cent par an depuis la à l’extrémité occidentale du pays sur de la production agricole et d’attirer récession mondiale de 2008. Un envi- les rives du lac Victoria, qui compte l’investissement privé dans les zones ronnement politique et macroéconom- 1,2 million d’habitants et porte le nom rurales sous-utilisées de son territoire. ique relativement stable s’est conjugué de son chef-lieu, la troisième grande L’investissement s’impose aussi dans à un climat favorable aux investisseurs ville du Kenya. Le comté de Kisumu l’instruction, l’enseignement technique pour faire du pays l’un des principaux est aussi l’un des plus urbanisés du et la création d’emplois pour une main bénéficiaires de l’investissement direct pays, la moitié environ de la popula- d’œuvre jeune et en croissance rapide étranger en Afrique, tout en favorisant tion vivant en ville. Les conditions (quelque 40 pour cent de la popula- l’émergence de Nairobi comme l’un naturelles et le climat sont favorables tion est âgée de 15 à 35 ans). Parmi des grands centres africains de la à la culture du coton, de la canne à cette population jeune, 60 pour cent jeune entreprise innovatrice (start- sucre, du riz ainsi qu’à l’horticulture. Sa sont officiellement sans emploi, survi- up). Le Kenya a par ailleurs progressé situation au bord du lac Victoria et son vant de petits travaux dans le secteur en matière d’indicateurs de dével- aéroport international sont en mesure informel qui, lui, emploie désormais 60 oppement humain (IDH), s’agissant de faire de Kisumu un grand centre pour cent du total de la main d’œuvre.6 notamment de l’espérance de vie, des touristique et commercial. annuités scolaires et de l’accès aux Résoudre ces problèmes exige soins de santé.1 En dépit de ces avan- En dépit de ces conditions générales d’importants investissements, tant cées, avec un PIB par tête de l’ordre favorables, Kisumu fait face à plus- publics que privés. Or, à ce jour, les de US$2 000, le pays se caractérise ieurs obstacles majeurs sur la voie recettes fiscales du KCG ne sont toujours par ses bas revenus et la pré- d’un meilleur développement socio- pas en mesure de répondre à ses dominance de l’agriculture, 73 pour économique. Le taux de croissance de importants besoins de développe- cent de la population vivant dans les son économie s’est ralenti ces dern- ment. Son budget total équivalent campagnes.2 Si le Kenya veut mettre ières années autour de 3,4 pour cent, à US$72 millions lors de l’exercice en œuvre l’intégralité de son potentiel, soit très en-dessous de la moyenne financier 2018-2019 (EF18-19) ne lui il va devoir s’attaquer à la pauvreté, à nationale qui frôle les 6 pour cent.4 La permettait de dépenser que US$60 la montée des inégalités, à la faible croissance démographique rapide et par habitant, dont moins de US$20 productivité du secteur privé comme l’urbanisation ont suscité l’apparition allait aux dépenses de développe- à l’inefficacité du secteur public, entre de larges zones d’habitat informel, ment.7 Combler le manque de recettes autres. Tout cela va devoir passer par qui abritent près de 40 pour cent de d’ensemble va exiger du KCG qu’il aug- l’optimisation de la structure décen- la population urbaine. Elles se carac- mente les siennes propres tout en se tralisée de l’autorité publique. térisent par de mauvaises conditions dotant des capacités de gestion finan- de logement et le manque d’accès aux cière qui attireraient les prêts et les Depuis l’entrée en vigueur de la nou- services élémentaires – minimum subventions et qui rendraient possible velle Constitution de 2010, le Kenya d’assainissement, gestion des déchets l’investissement privé. est régi par un système décentralisé et sécurité. L’accès aux services de qui comprend 47 autorités de comté. base est aussi un problème dans les Avec une population moyenne de zones plus rurales du comté. L’accès plus d’un million d’habitants, celles- à l’eau ne bénéficie qu’à 58 pour
6 Le financement du développement urbain durable Les finances municipales et la structure de la gouvernance urbaine Structures et mission de la de Kisumu s’est vu doter de responsa- Le nouveau cadre de la décentralisa- gouvernance urbaine bilités dans 14 domaines généraux de tion a posé un problème imprévu : l’action publique, les principaux étant la comment faire avec la concurrence Suite aux violences qui ont suivi les santé, l’agriculture et l’élevage.10 Hormis intense entre élus,12 susceptible qu’elle élections en 2007-2008, le Kenya s’est le domaine de l’instruction, où seule la est de détourner les autorités d’un engagé dans un processus de récon- petite enfance relève du pouvoir local, comté de la bonne exécution de leur ciliation qui a culminé dans la formation le Kenya s’est conformé aux meilleures mandat. Celles de Kisumu, comme les d’un gouvernement d’union nationale pratiques internationales pour ce qui 46 autres, ont à leur tête un Gouverneur puis dans un vote massif en faveur est de la répartition des compétences de Comté qui désigne pour l’assister d’une nouvelle Constitution le 4 août entre pouvoirs central et décentralisé. un Comité Directeur, ou conseil de 2010. Celle-ci prévoyait de profonds Les politiques publiques, la définition gouvernement. Les gouverneurs sont changements ainsi qu’un mode de gou- des normes et la fourniture de biens élus démocratiquement à la majorité vernement équitable, efficace et redev- publics (par exemple, la sécurité du simple au moment du scrutin prési- able devant le citoyen. Cela passait avant pays) reviennent au pouvoir central, la dentiel national et sont prépondérants tout par la création de 47 comtés dotés fourniture de services étant déléguée en matière budgétaire et de projets chacun de sa propre instance de gou- aux comtés. Les débats sont allés bon d’aménagement-développement. Les vernement, en remplacement des 175 train autour du chevauchement de cer- décisions de l’instance exécutive ont autorités locales et des 280 instances tains ressorts de compétence et des beau être soumises à l’examen et au de district qui prévalaient jusqu’alors.8 fonctions non attribuées précédem- vote de l’instance législative locale, La réforme visait ainsi à rationaliser la ment ; or le vrai problème est celui de l’Assemblée du Comté, l’exécutif joue un fourniture de services à l’échelle locale la mise en œuvre des responsabilités rôle prioritaire dans la distribution des et à rendre ses responsables plus direct- à l’échelon du comté, non celui de la ressources publiques, ce qui lui donne ement comptables devant les adminis- répartition théorique des rôles respec- la haute main sur les réseaux clien- trés, avec des responsabilités fonc- tifs. Le passage au gouvernement par télistes.13 Cette position de force peut tionnelles simplifiées et bien définies. comté a été entaché par des incohé- se heurter au Sénateur du comté qui, Outre la fusion des structures locales rences, des problèmes de gestion et siégeant à la chambre haute du Parle- existantes, il s’agissait aussi d’élargir les un manque de coordination entre les ment national, examine et approuve les compétences des nouvelles autorités deux échelons de l’autorité publique. projets de loi concernant les comtés, de comté tout en réformant les institu- C’est ainsi que la santé publique a fait mais dont les ressources propres sont tions nationales pour les aligner sur le de plus en plus figure de candidate à la faibles en matière de clientélisme. Au nouveau cadre de fourniture des ser- recentralisation.11 lieu d’appuyer, à l’échelon national, les vices publics. Le processus de décen- tralisation du Kenya a été considéré comme l’un des plus ambitieux au monde.9 Non sans une certaine logique, sept ans après le coup d’envoi officiel de la décentralisation en mars 2013, les promesses de ce processus ne se sont pas encore toutes matérialisées. L’un des aspects de la décentralisa- tion qui demande encore à être précisé n’est autre que la mission fonctionnelle des comtés. Comme les autres, celui Kisumu, Kenya © UN-Habitat/Lennart Fleck
7 Le financement du développement urbain durable instances de comté, ce cadre institu- La Ville de Kisumu englobe 14 des 35 pour cent pour totaliser US$96 mil- tionnel s’est prêté aux jeux des rivalités circonscriptions du comté ; elle est en lions lors de l’EF18-19.15 Cela a beau et des dissensions internes, avec pour partie habilitée à percevoir des recettes paraître relativement important, en effet de miner les fondements de la fiscales et autres financements propres fait on le doit presque entièrement à gouvernance et de détourner les éner- sur la base de ‘‘critères objectifs’’ (par l’augmentation des transferts octroyés gies des problèmes de développement. exemple, la population, la pauvreté, le par le pouvoir central (voir Figure périmètre géographique) définis par 1). C’est ainsi que lors de ce même Troisième dimension majeure du le KCG. En un sens, la Ville de Kisumu exercice, le comté dépendait de ces cadre de la décentralisation et qui fonctionne comme un autre service transferts à hauteur de 78 pour cent. demande encore des ajustements : du KCG, avec cette différence qu’elle Ses ressources fiscales propres (RFP) l’administration des zones urbaines. est placée sous l’autorité d’un conseil ont légèrement augmenté la première Vu l’importance des agglomérations qui doit approuver les demandes de année de la décentralisation, mais ont, urbaines pour le développement crédits budgétaires avant qu’elles depuis, stagné. La Direction nationale économique, le risque est que, dans un soient présentées à l’Administration du Trésor avait au début estimé que pays dont la population est largement des finances du comté. La création de les comtés, Kisumu compris, seraient rurale, les zones urbaines ne se voient pareille entité distincte a beau se com- en mesure de financer la moitié de leur pas doter des ressources dont elles prendre s’agissant de la gestion urbaine, budget sur RFP.16 Comme il n’en a rien auraient besoin. À cet égard, la Con- dans bien des cas il en est résulté la été (pour les raisons exposées dans la stitution de 2010 a, dans une certaine fragmentation des procédures adminis- présente étude), le budget de Kisumu mesure, recentralisé la gestion des tratives entre ville et comté. s’est trouvé soumis à une pression villes, la faisant passer des instances croissante. En conséquence de quoi, locales de bas échelon à celui des il ne consacre que quelque US$20 par instances du comté, qui sont dotés Les finances du KCG : un tête aux dépenses de développement, de la pleine maîtrise des fonctions et aperçu ce qui lui rend extrêmement difficile la ressources urbaines. La Constitution bonne exécution du programme ambi- a beau prévoir que ‘‘chaque autorité Depuis les débuts de la décentralisa- tieux que comportait en la matière son de comté décentralisera ses fonctions tion, les ressources d’origine fiscale Plan intégré pour 2018-2022. et la fourniture de ses services dans du KCG ont augmenté de quelque 77 la mesure où cela s’avérera efficace et praticable’’14, il n’y a eu, pendant un temps, aucune procédure ni aucun Figure 1: Ressources du KCG de 2013 à 2019i cadre clairement définis pour pareille délégation. La loi rectificative de 2019 $100 sur les zones urbaines et les villes $80 [2019 Urban Areas and Cities (Amend- ment) Act] est venue combler en partie $60 Millions ce vide en définissant la manière dont mettre en place des conseils $40 urbains [urban boards] désignés par $20 les instances de comté et que celles-ci doteraient de compétences déléguées $0 EF 13/14 EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 en matière de gestion urbaine. Exercice fiscal (EF) C’est ainsi que la Ville de Kisumu Ressources fiscales propres (RFP) Aide officielle au développement [Kisumu City] a été instituée au Subventions nationales conditionnelles Part de péréquation sein du KCG, sous la direction de l’Administrateur de la Ville, responsable i Les données budgétaires chiffrées en shillings kenyans (KSh), tirées des documents budgétaires annuels, ont été converties en dollars des États-Unis au taux de change en vigueur au mois de juillet de chaque année. Comme le devant le Conseil de Ville qui, lui, rend Document d’analyse et de perspectives budgétaires du Comté (CBROP) n’est pas disponible pour toutes les années, pour certaines on aura recouru à des versions antérieures du budget qui peuvent donc ne pas comprendre les directement compte au gouverneur. modifications ultérieures.
8 Le financement du développement urbain durable Une grande partie des transferts que national se trouve de plus en plus pressé la décentralisation, réussi à atteindre Kisumu reçoit du pouvoir central d’adopter des politiques d’austérité. La les objectifs ni à répondre aux attentes provient du ‘‘Fonds de Péréquation’’, dette du Kenya a plus que triplé depuis du gouvernement, et ce, contraire- qui est abondé tous les ans d’une 2013 pour atteindre 59,9 pour cent du ment à la plupart des autres comtés. part minimum de 15 pour cent des PIB en 2019, le ratio du service de la Après n’avoir collecté qu’une fraction recettes fiscales nationales. Ce fonds dette par rapport aux recettes fiscales du montant visé lors de la première alloue à chaque comté une ‘‘part de se montant, lui, à 50 pour cent.18 année de la décentralisation (telle péréquation’’ en fonction d’une clef L’incidence de la récente pandémie qu’initialement fixée par le Ministère de répartition qui prend en compte la de COVID-19 n’apparaît pas encore national des Finances), le Comté a démographie, la pauvreté, la super- clairement, mais elle va probablement ajusté sa méthode d’estimation des ficie, l’évolution des recettes fiscales et rétrécir encore la marge de manœuvre objectifs en la matière, en réduisant des ressources propres, et le degré de fiscale. La Direction du Trésor a d’ores l’écart entre montants visés et montants développement.ii Les recettes fiscales et déjà ‘‘gelé’’ les allocations dues aux réels (voir Figure 2). Le montant réel des ayant, à l’échelon national, augmenté instances de comté au titre du Fonds RFP n’en est pas moins demeuré stable d’année en année grâce à des taux de de Péréquation au titre de l’EF20-21. à un faible niveau annuel de l’ordre de croissance soutenus du PIB, les trans- US$10 millions, soit US$9 par tête, ferts en ont fait autant.iii L’augmentation La seconde partie, très inférieure, des et ce en dépit des taux de croissance s’explique aussi par les enjeux poli- transferts fiscaux, soit 8,2 pour cent soutenus tant de la population que de tiques de la décentralisation, qui ont du total de ceux-ci au titre de l’EF18- l’économie. Durant l’EF19-20, les RFP amené le pouvoir central à transférer 19,19 est constituée de subventions ont en fait baissé à US$7,4 millions, en aux comtés des recettes fiscales conditionnelles. Elles ont pour objet raison surtout de la chute enregistrée nationales dans des proportions très d’indemniser les comtés pour les ser- au dernier trimestre suite au début de supérieures au minimum prescrit de 15 vices qu’ils fournissent en sus des fonc- la pandémie de COVID-19 (voir Figure pour cent. De l’EF14-15 à l’EF19-20, la tions décentralisées ordinaires. Kisumu 3). Indépendamment de cette récente moyenne aura été de 20,8 pour cent. reçoit ainsi des subventions condition- chute, les estimations d’Adam Smith nelles en rapport avec les services liés International, de la Banque mondiale, Le financement par le pouvoir central à la santé, au développement d’écoles du Ministère des Finances et d’ONU- est certes nécessaire pour satisfaire polytechniques pour la jeunesse et à Habitat suggèrent que d’une manière les besoins du développement – et l’entretien des routes nationales. générale, le Comté de Kisumu n’a réussi Kisumu en est tributaire dans des pro- généralement à recouvrer que 15 pour portions considérables – ce qui risque Les ressources fiscales propres (RFP) cent du potentiel de ses ressources de porter atteinte à la responsabilité du Comté de Kisumu n’ont pas, depuis fiscales (voir Figure 4). des gouvernants locaux devant leurs administrés et de ne pas concentrer sur ces derniers autant de dépenses Figure 2 : RFP de Kisumu : montants réels et objectifs, 2013-2020iv publiques qu’il le faudrait.17 Pareille $50 dépendance est aussi susceptible de poser des problèmes dans un proche $40 avenir, puisque le gouvernement $30 Millions $20 ii Pour de plus amples détails, voir Commission on Revenue Allocation (2019) Recommendation On The $10 Basis For Equitable Sharing Of Revenue Between National And County Governments For The Financial Year 2018/2019, Commission on Revenue Allocation. $0 iii Les recettes fiscales nationales en part de PIB Année Année Année Année Année Année Année ont baissé de 18 pour cent à l’EF13-14 à 14 pour 13/14 14/15 15/16 16/17 17/18 18/19 19/20 cent à l’EF 18-19. Cette baisse a été plus que compensée par le taux de croissance annuelle Objectif RFP RFP actuelles du PIB. Voir Commission on Revenue Allocation (2019) Recommendation On The Basis For Equitable Sharing Of Revenue Between National And County Governments For The Financial Year 2018/2019, iv Les chiffres sont tirés des budgets du Comté, convertis en US$ au taux de change du mois de juillet de chaque Commission on Revenue Allocation. exercice fiscal.
9 Le financement du développement urbain durable Figure 3 : RFP annuel de Kisumu par trimestre, 2014-2020v Parmi ses sources de revenus existantes, la plus importante pour 4,000,000 le Comté est celle des frais d’hôpital. 3,500,000 3,000,000 Ceux-ci sont administrés directement 2,500,000 par les hôpitaux et par la Direction locale 2,000,000 de la santé publique. Toutes les autres 1,500,000 grandes sources de revenu (présentées 1,000,000 Figure 5) sont sous la responsabilité de 500,000 0 l’Administration fiscale et représentent Q1 Q2 Q3 Q4 habituellement quelque 60 à 70 pour Exercice fiscal (EF) cent du total annuel des ressources EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 EF 19/20 fiscales propres. La plus importante, et celle qui vient dans l’ensemble en deux- v ‘‘Masse payée’’ est un compte fourre-tout utilisé par l’Administration fiscale du KCG où sont logées toutes sortes de recettes fiscales qui sont perçues sans être clairement liées à une source bien précise. Cela s’explique par des ième place au KCG, est constituée par erreurs dans les quittances et par une défaillance du système informatique qui a supprimé les acquits existants, rendant par là difficile la comptabilisation précise des paiements encaissés. les licences de commerçants (Single Business Permits - SBP). La taxe fon- cière constitue la troisième source avec Figure 4 : KCG 2018-19 – RFP par tête effectives et potentielles (estimations)20 12,7 pour cent du total des ressources $70 fiscales propres. Ce pourcentage est $60 relativement faible. Les impôts fon- $50 ciers représentent couramment la $40 toute première source de revenus des $30 autorités locales, avec un montant $20 équivalant à 2 pour cent du PIB dans $10 les pays de l’OCDE et de 0,3 à 0,7 pour $0 cent dans les pays en développe- Montant Montant potentiel Montant potentiel Montant potentiel ment. À Kisumu, elles ne représentent effectif (ONU-Habitat) (Adam Smith Intl/ (Ministère des que 0,0004 pour cent du produit inté- Banque mondiale) Finances) rieur brut du Comté.vi Celui-ci dispose en tout, comme sources de revenus Figure 5 : RFP de Kisumu , exercice 2018-2019 : répartition des sources propres, de 30 catégories distinctes, Source de revenu Revenu annuel (US$) % du revenu total annuel dont 18 contribuent moins d’un pour Santé 1,762,350 17.5% cent du total et qui apparaissent à la rubrique ‘‘Autres recettes’’ en Figure 5. Redevances du commerce 1,702,144 16.9% Impôt foncier-taxe foncière 1,282,888 12.7% Une troisième source de financement à Masse de paiementsvii 1,229,662 12.2% Kisumu et dont l’importance n’a cessé Stationnement d’autocars 895,504 8.9% d’augmenter au fil des ans n’est autre Panneaux publicitaires etc. 779,191 7.7% que l’Aide officielle au développement Redevances de marché 600,419 6.0% (AOD). Elle prend surtout la forme de Redev. de stationnement 419,252 4.2% subventions conditionnelles de la Autocollants mensuels 286,882 2.8% Banque mondiale, de l’Agence danoise Droits sur vente d’alcool 203,279 2.0% de développement international Loyers 172,768 1.7% (DANIDA) et de l’Union européenne, qui Permis de construire 161,995 1.6% privilégient l’appui aux réformes institu- Autres recettes 580,450 5.7% vi La part du Comté de Kisumu dans le PIB du Kenya vii ‘‘Masse de paiements’’ est un terme de valeur générale appliqué par l’Administration fiscale à toutes sortes de (US$78,76 milliards en 2017) est de 2,9 pour cent, soit recettes perçues sans être clairement rattachées à un flux particulier. Cela s’explique par des erreurs dans les un PIB de US$2,28 milliards, les recettes foncières ne quittances ainsi que par la défaillance du système informatique qui a fait disparaître les quittances existantes, ce qui dépassant pas US$1 million, soit 0,0004 pour cent. rend difficile la comptabilisation précise des paiements ultérieurs.
10 Le financement du développement urbain durable tionnelles (décentralisation, réforme du l’EF18-19, aura représenté environ 70 soit environ US$83 par tête. La Figure système de santé) ou certains projets pour cent du total des recettes fiscales 6 fournit les chiffres exacts en US$. Il bien déterminés telle que l’agriculture propres du KCG. convient de noter qu’en raison d’une adaptée au changement climatique. légère baisse du taux de change du Le rôle de la Banque mondiale est pré- S’agissant des dépenses, leur total shilling kenyan (KSh) depuis quelques dominant à travers son Programme inscrit au budget du Comté a quelque années, on observerait une croissance de soutien urbain au Kenya (KUSP) peu stagné depuis la décentralisa- un peu plus forte des recettes libellées qui, avec quelque US$7 millions pour tion autour de US$90-100 millions, en KSh. D’une année sur l’autre, c’est un minimum de 30 pour cent du total des dépenses qui a été alloué aux dépenses Figure 6 : KCG – Dépenses de fonctionnement et dépenses en capital – en capital ou de développement-amé- 2013 - 2019 (US$ millions)viii nagement, comme prescrit par la loi de 2012 sur la gestion financière publique $120 [Public Financial Management Act, $100 2012]. De même, les dépenses prévi- $46 sionnelles n’ont pas, à Kisumu, excédé $80 $28 $27 $32 $39 $36 les recettes attendues, et alloué moins Millions $60 $33 de 35 pour cent du budget d’ensemble $38 $26 $30 $25 aux rémunérations personnelles. $40 $28 $20 $32 $26 $32 $36 $39 $29 Dans l’ensemble, la dépense à Kisumu $0 n’est pas entièrement conforme aux EF 13/14 EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 principes prudentiels de la Gestion des Frais de Personnel Fonctionnement et Entretien Dépenses en Capital Finances Publiques (GFP). Les taux d’exécution du budget montrent que viii Nous combinons ici les postes Utilisation de Biens et Services, ‘‘Transferts et subventions en cours’’, ‘‘Transferts la dépense réelle tend à être inférieure à d’autres entités publiques’’ et ‘‘Allocations sociales’’ sous la dénomination Fonctionnement et Entretien. Lorsque possible, ces chiffres ont été tirés du Document d’analyse et de perspective du Comté pour chaque année à celle qui est budgétée, avec un taux respectivement. Ce document n’étant pas été disponible certaines années, on a recouru à d’autres documents budgétaires qui peuvent ne pas inclure les révisions ultérieures. Les chiffres sont convertis en US$ au taux du mois moyen d’absorption (part de la dépense de juillet de l’exercice correspondant. réelle dans la dépensée budgétée) de 70 pour cent. Particulièrement préoc- cupante à cet égard est la dépense Figure 7 : Exécution du budget du KCG : dépense prévisionnelle/réelle de 2013 consacrée au développement, où le à 2019x taux moyen d’absorption est de 40 pour cent, comparé à 76 pour cent pour les $120 dépenses de fonctionnement et 97 $100 pour cent pour les rémunérations per- 30% sonnelles (voir Figure 7). L’autorité du $80 31% 42% 39% 37% 36% Comté attribue la faiblesse des taux Millions 2% 10% 46% $60 40% 37% 38% 31% 27% d’absorption à des procédures de bud- 28% 37% 30% 27% 46% 20% $40 15% gétisation trop ambitieuses.ix Il s’ensuit 31% $20 31% 36% 69% 34% 47% 32% 43% 34% que le Comté dépense davantage qu’il 28% 32% 44% $0 ne devrait en salaires et rémunérations Inscrites/ Inscrites/ Inscrites/ Inscrites/ Inscrites/ Inscrites/ personnelles (en excédant de manière Effectives Effectives Effectives Effectives Effectives Effectives EF 13/14 EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 réitérée le seuil de 35 pour cent en la matière) tout en dépensant trop Frais de Personnel Fonctionnement et Entretien Développement peu pour le développement. Le Con- x Les chiffres tirés du budget sont convertis en US$ au taux du mois de juillet de l’exercice correspondant. Le CBROP n’étant pas disponible certaines années, on a recouru à d’autres documents budgétaires qui peuvent ne pas inclure ix Les chiffres tirés du budget sont convertis en US$ au les révisions ultérieures. taux du mois de juillet de l’exercice correspondant.
11 Le financement du développement urbain durable Figure 8 : Détail des dépenses du KCG par service, EF18-19 (US$ millions) La structure des dépenses du KCG a pour conséquence le sous-investisse- Administration ment dans le développement et une Fiscale; $2.4M; 3% Assemblée du Comté ; $7.3M; 8% dépendance non négligeable à l’égard Entreprises, Énergie & des transferts nationaux pour assurer Industrie ; $5.M; 5% Ville de Kisumu; les dépenses courantes. Alors que les $9.6M; 10% ressources fiscales propres pourraient, Voirie, Transport & dans l’idéal, financer l’intégralité des Travaux Publics ; $7.8M; Instruction, Femmes, Jeunes, Dévelop. 8% des ressources humaines, NTIC et dépenses courantes du KCG,23 elles ne Services Sociaux; $5.1M; 6% le font aujourd’hui qu’à hauteur de 15 économique ; $1.4M; Santé Planif pour cent (Figure 9). Voilà qui peut être 2% $31.3M Cabinet du Gouverneur & Administration 34% du Comté; $6.4M; 7% risqué pour les finances du comté au cas où les transferts nationaux à venir se mettraient à stagner. À l’avenir, le KCG devra soit faire un usage plus effi- Figure 9 : Comparaison des dépenses régulières de Kisumu avec les RFP cace de ses ressources disponibles, soit augmenter notablement ses res- $80 sources fiscales propres, ces dernières $70 $60 pouvant rendre plus facile le contrôle $50 des gouvernants par la population. Millions $40 $30 En effet, lorsque les autorités locales $20 21% 17% 22% 24% $10 9% 16% recourent davantage aux ressources $0 fiscales propres, elles se voient EF 13/14 EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 d’ordinaire forcées de renforcer les rap- ports de réciprocité avec leurs admin- Développement Fonctionnement et Entretien Frais de Personnel RFP istrés en fournissant des services ou une représentativité améliorés en échange des contributions fiscales.24 trôle des Comptes révèle que lors des tion urbaine du comté, a reçu 10 pour Une étude des budgets locaux dans EF16-17 et 17-18, les indemnités ont cent du budget total lors de l’EF18- plusieurs pays d’Afrique de l’Est a représenté 66 pour cent et 55 pour cent 19. Une part de 15 pour cent de son montré que lorsqu’y augmentait la part de la masse salariale respectivement budget est aussi allée aux fonctions financée sur ressources locales, les – ce qui dépasse le montant du salaire législatives et exécutives du Comté. dépenses consacrées à la fourniture de base.21 Cela a aussi contribué au Pendant ce temps, l’Administration des services en faisaient autant.25 En coût unitaire élevé de la main d’œuvre fiscale de la Ville, dont le budget revanche, on s’est aperçu qu’une plus au KCG comme dans d’autres comtés, fait officiellement partie du budget grande dépendance à l’égard des trans- dépassant celui d’organismes publics général du Comté, en a reçu environ ferts entre autorités publiques et de nationaux.22 2 pour cent – soit US$2,1 millions. l’aide au développement allait de pair Étant donné que le fisc de la Ville a avec une part plus lourde allouée dans S’agissant des dépenses par service perçu cette année-là 65 pour cent du le budget aux coûts administratifs et administratif, le budget du KCG révèle total des RFP du Comté (soit US$6,4 à la rémunération du personnel.26 On que la majorité des ressources dis- millions),xi cela veut dire qu’il aura comprend donc que l’augmentation ponibles sont destinées à celui de dépensé un tiers de ses recettes pour des ressources fiscales propres peut la santé (voir Figure 8). La Ville de les recouvrer. avoir une importance cruciale pour les Kisumu, qui fonctionne essentielle- autorités du Comté de Kisumu. Dans ment comme un département supplé- les parties suivantes nous examin- xi Le reste des rentrées fiscales propres est recouvré mentaire de l’exécutif et dont la tâche directement par les services du Comté. Par exemple, erons les mesures qu’elles ont prises c’est le Service de santé de Kisumu qui perçoit les est de fournir des services à la popula- droits d’usage hospitaliers. pour renforcer ce type de ressources.
12 Le financement du développement urbain durable Les réformes entreprises pour améliorer les finances de la ville Renforcement des tatif. Mais surtout, l’informatisation est Kisumu, en particulier, a attiré beau- capacités de gestion censée réduire les coûts administratifs coup l’attention avec l’automatisation financière et améliorer tant la transparence que rapide et de grande ampleur du recou- l’efficacité au sein de l’administration vrement de ses ressources fiscales Le recouvrement fiscal fiscale, tout en réduisant les occa- propres. Toutefois, comme détaillé informatisé sions de détournement des recettes ci-dessous, celle-ci n’a pas suffi, par par le personnel de recouvrement. elle-même, à éliminer les mauvaises L’informatisation des procédures de Il n’est donc pas surprenant que pratiques antérieures du personnel recouvrement fiscal est devenue pop- l’informatisation soit un élément de recouvrement, et de ce fait n’a pas ulaire ces dernières années et on l’a majeur des réformes conduites par produit l’accroissement escompté des considérée comme une réforme cru- les comtés kenyans dans leur système ressources fiscales propres. Voilà qui ciale dans le renforcement de la fonc- fiscal. De fait, le degré d’informatisation met en relief la nécessité de compléter tion fiscale. Du point de vue du con- du recouvrement fiscal est souvent l’introduction de l’informatique par des tribuable, elle rend moins coûteuse la considéré comme un indicateur global réformes institutionnelles et dans le bonne observation de ses obligations de succès et de modernisation d’un mode de gestion. et joue donc à cet égard un rôle inci- pays dans son ensemble.27 Village de pêcheurs, Lac Victoria, Kisumu County © Shutterstock
13 Le financement du développement urbain durable À Kisumu, la réforme informatique s’est Selon les premières estimations de ont baissé pendant la première année concentrée sur ‘‘l’automatisation’’ du Strathmore, il allait falloir quelque 300 d’automatisation pour se redresser paiement des taxes. Un appel d’offres TEP pour l’automatisation complète du légèrement pendant l’EF19-20 mais en a été lancé en 2017 pour son applica- recouvrement des recettes non structu- ne revenant qu’aux montants d’avant tion aux droits de marché et ceux de rées, chaque appareil coûtant US$500.29 la réforme. stationnement des véhicules et des En raison des contraintes budgétaires, autocars (les autres flux de recettes le KCG se limita à 100 appareils et Les problèmes des paiements devant être informatisés plus tard). le système Strathmore fut lancé au informatisés Ces recettes sont dites non structurées, premier trimestre de l’EF18-19. Pour puisque recouvrées quotidiennement, compenser le nombre limité d’appareils, Plusieurs facteurs ont pu contribuer alors que les licences et la taxe fon- l’Administration fiscale du Comté a aux difficultés rencontrées par cière (‘‘l’impôt foncier’’) sont redevables aussi lancé un système de paiement l’automatisation à Kisumu, y compris à l’année. Ces deux types de recettes par téléphone mobile en s’appuyant sur les effets de la COVID-19, le nombre représentent environ un quart du total le fournisseur de ce type de services, insuffisant de TEP et l’absence de des ressources fiscales propres du M-Pesa. Vu les taux de pénétration très réformes complémentaires dans la Comté de Kisumu, soit une proportion élevés de ‘’l’argent mobile’’ au Kenya (on gestion des agents de recouvrement.30 raisonnable des recettes pour un projet- estime que 60 pour cent de la population pilote de recouvrement informatisé. Le du pays utilise activement le système La COVID-19 s’est déclarée au Kenya à stationnement des autocars était offi- de paiement par téléphonie mobile), le la fin de mars 2020 et le gouvernement ciellement compris dans le périmètre système est apparu comme une alterna- a réagi en imposant (dès le 27 mars) un du projet avant d’en être finalement tive informatique prometteuse aux TEP. couvre-feu nocturne à travers le pays, écarté – manifestement en raison de en limitant les déplacements du public ses liens avec des bandes bénéficiant Toutefois, à la date de juillet 2020, dans les agglomérations urbaines le de soutiens politiques.28 l’informatisation n’avait pas encore plus importantes (Nairobi et Mombasa) donné les résultats escomptés. Au et en imposant des mesures de distan- Le marché de l’informatisation a été moment où le système Strathmore a ciation physique. Le gouvernement a remporté par Strathmore (Strathmore été mis en fonctionnement au premier aussi réduit la fiscalité, entres autres Research and Consultancy Center trimestre de l’EF18-19, le total des mesures de soutien à l’économie, sans Limited), qui disposait déjà d’une expé- recettes des flux informatisés était que cela inclue les RFP des comtés.31 rience importante dans ce domaine déjà en baisse (voir Figure 10) et La pandémie et les mesures gou- auprès d’autres comtés du pays. Le l’automatisation n’a pas pu inverser vernementales se sont aussi fait sentir projet visait à fournir au KCG des ter- cette tendance. Les redevances de dans la vie quotidienne à Kisumu, avec le minaux électroniques de paiement marché et de stationnement d’autocars ralentissement de l’activité économique (TEP) à utiliser par le personnel de recouvrement à la place du système de perception manuel. Les appar- Figure 10 : Les recettes ‘‘non structurées’’ du KCG de 2013 à 2019 eils seraient capables d’enregistrer $1,200,000 le moment du paiement, le receveur Automation de la contribution et les détails du $1,000,000 payeur. Le contribuable recevrait des $800,000 récépissés fiscaux individualisés, des- tinés à empêcher la fraude et leur recy- $600,000 clage entre agents de recouvrement. $400,000 Les données seraient conservées dans un logiciel de Strathmore, ce qui $200,000 permettrait à l’Administration fiscale $0 de superviser le système, d’évaluer EF 13/14 EF 14/15 EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 EF 19/20 les résultats de chaque agent et de Droits de stationnement Redevances de marché Droits de stationnement - bus détecter les abus possibles.
14 Le financement du développement urbain durable Figure 11 : Recettes ‘‘non structurées’’ du KCG au début de la pandémie de dans son ensemble. Il est donc assez COVID-19 logique que les flux automatisés de rec- ettes fiscales propres aient subi de très $140,000 fortes baisses (voir Figure 11). Celle des $120,000 recettes au quatrième trimestre de 2020 $100,000 a été causée en partie par la COVID-19 $80,000 et pourrait donc expliquer la baisse $60,000 d’ensemble durant l’EF19-20 (voir Figure $40,000 10). Toutefois, la COVID-19 n’explique $20,000 pas la chute observée entre juillet 2018 $0 et mars 2020. Janvier 2020 Février 2020 Mars 2020 Avril 2020 Mai 2020 Juin 2020 Droits de stationnement - bus Droits de stationnement Redevances de marché On peut attribuer la chute prononcée des recettes perçues par TEP dans les mois qui ont immédiatement suivi Figure 12 : Recettes comparatives des droits de stationnement – EF15-16 et l’informatisation (voir juillet et août de 19-20xii l’EF18-19 dans les Figures 12 et 13) au nombre insuffisant de ces appareils. $140,000 Avant l’introduction des TEP, quelque $120,000 300 agents de recouvrement (soit 75 $100,000 pour cent du total au service du KCG) $80,000 assuraient la collecte des revenus $60,000 non structurés. Avec l’automatisation, $40,000 seuls 100 agents ont reçu des TEP et ont pu continuer leur activité, tandis $20,000 que près des deux tiers de l’effectif $0 Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Février Mars existant étaient temporairement rendus incapables de poursuivre la EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 EF 19/20 leur. Certains agents ont commencé à partager les appareils, ce qui n’était xii La présente table n’inclut pas le quatrième trimestre afin d’éliminer les effets de la COVID-19 analysés dans la figure précédente. pas très efficace vu l’espacement des lieux sous leur responsabilité. Figure 13 : Recettes comparatives des redevances de marché – EF15-16 Comprenant que le manque de TEP agis- et 19-20 sait comme un goulet d’étranglement, l’Administration fiscale a fini par réin- $100,000 troduire la perception manuelle, ce $90,000 qui permettait à tous les agents de se $80,000 mettre au travail ; le mode de recou- $70,000 $60,000 vrement reprit donc comme avant, $50,000 mais 100 agents utilisaient en plus les $40,000 TEP. Quelques mois après le début de $30,000 l’informatisation, le nombre d’agents $20,000 chargés du recouvrement des recettes $10,000 non structurées est donc revenu à ce $0 qu’il était auparavant. Toutefois, cela Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre Janvier Février Mars n’explique toujours pas la stagnation EF 15/16 EF 16/17 EF 17/18 EF 18/19 EF 19/20 apparente des recettes entre octobre 2018 et mars 2020.
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