Résidences seniors Le développement des en France - ENTRE TÂTONNEMENTS ET MATURITÉ - EHPA

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Résidences seniors Le développement des en France - ENTRE TÂTONNEMENTS ET MATURITÉ - EHPA
Le développement des
Résidences seniors
        en France
 ENTRE TÂTONNEMENTS ET MATURITÉ
         2 èm e éd i t io n I Fév r ie r 2 0 1 6
Résidences seniors Le développement des en France - ENTRE TÂTONNEMENTS ET MATURITÉ - EHPA
L’auteur de ce rapport

    Après avoir été chargé de mission dans une agence régionale de santé puis consultant
    dans un cabinet de conseil en stratégie, Aurélien Bordet a rejoint le cabinet EHPA
    Conseil où il a notamment produit une étude sur la télémédecine en France et un
    rapport sur les résidences seniors. Il intervient également à Sciences Po dans le
       cadre de l’Executive master « Politiques du vieillissement et Silver économie ».

                                   Le cabinet EHPA Conseil

    EHPA Conseil est un cabinet de conseil spécialisé dans les questions liées aux
    politiques du vieillissement et à la Silver économie. Il est dirigé par Luc Broussy,
    également auteur d’un rapport remis au Premier ministre en 2013 sur l’adaptation de
    la société au vieillissement, président de France Silver Eco et directeur de l’Executive
          master « Politiques du vieillissement et Silver économie » de Sciences Po.

    EHPA Conseil a conduit de nombreuses missions dans le domaine des résidences
    seniors. Après avoir produit la première édition de ce rapport, qui a contribué
    à faire reconnaître un statut législatif à cette forme d’habitat, EHPA Conseil a
    lancé la première newsletter sectorielle entièrement dédiée aux résidences
    seniors et accompagne aujourd’hui les principaux groupes de résidences seniors,
                       des promoteurs ainsi que des gestionnaires.

                                      Nos compétences :

                     Réalisation d’études d’opportunité ou de faisabilité

                                Rédaction de notes de synthèse

                              Elaboration de plans stratégiques

                                Montage de projets complexes

                           Organisation de séminaires de formation

                                   Organisation de colloques

                           Elaboration de plans de communication

                                        Remerciements

                      Nous adressons nos remerciements les plus sincères à
                  Solenne Brugère, avocate associée au sein du cabinet Carakters,
                       qui a apporté sa précieuse contribution à ce rapport
                     pour éclairer les points de droit relatifs au cadre juridique
                                       des résidences seniors.

2
Sommaire

Sommaire.........................................................................................................................      3

Synthèse ..........................................................................................................................    4

Préambule ........................................................................................................................     6

Partie 1 – Les seniors d’aujourd’hui et de demain ............................................................8

     Un constat d’ordre démographique                                                                                                  9

     Un constat d’ordre sociologique                                                                                                   10

     Un constat d’ordre économique                                                                                                     10

Partie 2 – Le besoin d’une nouvelle offre d’habitat pour seniors ......................................14

     La difficile adaptation des logements                                                                                             15

     Une offre en présence peu satisfaisante                                                                                           17

     Les résidences seniors comme réponse possible                                                                                     20

Partie 3 – L’émergence d’une nouvelle génération de résidences seniors.........................24

     De la première à la deuxième génération                                                                                           25

     Les spécificités du modèle de deuxième génération                                                                                 27

     Un développement croissant… mais encore balbutiant                                                                                29

     Le choix d’un modèle plus flexible                                                                                                34

Partie 4 – Une contribution forte à la prévention de la perte d’autonomie........................38

     Les cinq dimensions du bien vieillir dans les résidences seniors                                                                  40

     Des externalités positives à prendre en compte                                                                                    49

Partie 5 – Vers l’arrivée à maturité du marché des résidences seniors..............................52

     Vers une logique sectorielle                                                                                                      53

     Quatre défis                                                                                                                      57

     Quatre relais de croissance                                                                                                       59

Annexe : Liste des entreprises et des marques citées ..............................................................62

                                                                                                                                             3
Synthèse

       L’explosion du nombre de                        Quatre relais
       personnes âgées autonomes                       de croissance

       La France n’a jamais compté autant de           Plus que jamais, il est donc nécessaire
       seniors. Surtout, elle n’a jamais compté        d’apporter des clés de lecture de ce
       autant de seniors pouvant vieillir chez         marché. Ce constat vaut à la fois pour les
       eux en autonomie. Les personnes âgées,          résidents et leurs familles, les élus locaux,
       aujourd’hui, veulent avoir le choix. Elles      mais aussi les investisseurs institution-
       sont à la recherche d’un « chez-soi social »    nels (Caisse des Dépôts et Consignations,
       où elles pourront vivre parmi des personnes     caisses de retraite, mutuelles, OPCI, etc.).
       qui leur ressemblent. Parallèlement, il         Alors que le modèle de la vente à découpe
       n’est pas toujours évident d’adapter son        est aujourd’hui menacé par les incertitudes
       logement. Parfois coûteuse, cette adapta-       qui pèsent sur les dispositifs de défiscali-
       tion est également source de nuisances et       sation existants, la vente en bloc à ce type
       implique d’avoir pleinement conscience de       d’investisseurs apparaît en effet comme
       son état de santé. Or, le propre de la vieil-   un levier de croissance important au côté
       lesse est qu’elle est difficilement admise      de la concentration, de la diversification et
       par les principaux intéressés. Dans ce          de l’internationalisation. La création d’un
       contexte, les résidences seniors offrent une    label qualité devrait par ailleurs permettre
       solution adéquate à qui souhaite profiter       de faire avancer le marché dans la bonne
       d’un logement plus adapté et de services à      direction.
       la carte, dans un environnement sécurisé
       et dans un cadre permettant le maintien
       des liens sociaux.

       La forte croissance                             Quatre défis
       du marché                                       à relever

       Le marché des résidences seniors est            Enfin, il appartiendra aux principaux
       aujourd’hui en plein boom. Le nombre de         opérateurs de s’organiser pour relever un
       résidences devrait passer d’environ 500         certain nombre de défis, tels que l’unifica-
       aujourd’hui à près de 900 d’ici 2020. La        tion du secteur, la professionnalisation de
       plupart des promoteurs nationaux se sont        la filière et l’organisation de la communi-
       lancés, soit en prenant des participations      cation vis-à-vis du grand public. Les prin-
       dans les principaux exploitants, soit en        cipaux gestionnaires-exploitants de rési-
       développant leur propre enseigne, soit          dences seniors pourraient jouer un rôle
       les deux. Des promoteurs de taille plus         d’ensemblier pour l’ensemble de la filière
       modeste se lancent également, donnant           de la Silver économie car ils allient toutes
       lieu à un foisonnement des concepts avec        les composantes de cette industrie, de
       plusieurs niveaux de différenciation :          l’amélioration du bâti à l’incorporation de
       gamme, localisation, nature des services        technologies pour l’autonomie, en passant
       proposés, taille des équipes et des espaces     par les usages des nouvelles technologies.
       collectifs… Enfin, on assiste à une hybri-      L’une des clés du succès résidera donc
       dation des concepts, alors que certains         dans la capacité à générer des revenus
       gestionnaires associatifs et bailleurs          complémentaires et à porter cette nouvelle
       sociaux commencent de s’intéresser de           offre à l’international.
       près à ce secteur.

4
5
Préambule

      U
             n peu plus d’un an après la parution       discussions, qui devraient déboucher d’ici
             du rapport Bien vieillir chez soi grâce    la fin de l’année 2016 sur la création d’un
             aux résidences seniors1, EHPA Conseil      label assorti d’une procédure de labellisa-
       publie la deuxième édition de son étude          tion.
       annuelle consacrée au paysage des rési-
       dences seniors en France.                        Ces travaux devraient logiquement accé-
                                                        lérer la phase de transition à laquelle nous
       Pourquoi cette deuxième édition ? De l’eau       nous trouvons actuellement. Il était donc
       a coulé sous les ponts depuis la sortie de la    indispensable de décrire cette évolution.
       première mouture du rapport en 2014. En-         Car nous assistons aujourd’hui à la fin d’un
       fin votée à l’unanimité par l’Assemblée na-      monde, celui des établissements d’hé-
       tionale et le Sénat, la loi d’adaptation de la   bergement pour personnes âgées dépen-
       société au vieillissement a été promulguée       dantes (Ehpad). Quantitativement, nous
       le 28 décembre 2015. Au total, trois ans se      avons été témoins de l’explosion du secteur
       seront écoulés depuis son lancement en           commercial, passé en un quart de siècle de
       janvier 2013 par le président de la Répu-        20 000 lits à plus de 100 000 lits. De 1986 et
       blique.                                          2011, le secteur associatif a quant à lui évo-
                                                        lué de 90 000 à 160 000 lits. Dans le même
       Souvenez-vous, il y a un an, notre rapport       temps, le secteur public a connu une sta-
       faisait sept propositions, parmi lesquelles      bilisation quantitative de son parc d’Ehpad
       la reconnaissance législative des rési-          et d’unités de soins de longue durée (USLD)
       dences seniors. Le Sénat a repris cette pro-     confondu. Le robinet des appels à projets
       position, également portée par d’autres, et      étant fermé, les groupes d’Ehpad privés
       a introduit dans la loi un article 15 nouveau    commerciaux privilégient aujourd’hui une
       tendant à reconnaître officiellement les ré-     croissance externe qui repose principale-
       sidences seniors de nouvelle génération.         ment sur l’international. Qualitativement,
       Une telle reconnaissance apporte des ga-         ensuite, beaucoup de progrès ont été faits
       ranties tant aux résidents et leurs familles     dans les Ehpad depuis la loi 2002-2. Les
       qu’aux maires qui autorisent la construc-        établissements se recentrent progressive-
       tion de telles résidences sur le territoire de   ment sur la prise en charge de la très grande
       leur commune. Là est toute la difficulté :       dépendance, laissant tout un champ de
       les résidences seniors sont-elles du loge-       l’accueil des personnes âgées inoccupé.
       ment classique, au même titre que n’im-
       porte quelle copropriété régie par la loi de     Le dynamisme du secteur des résidences
       1965, ou s’agit-il d’une catégorie particu-      seniors contraste fortement avec la forme
       lière d’immobilier géré ? Désormais, la dis-     de routine qui semble s’être emparée du
       tinction entre les résidences services sous      secteur des Ehpad. Un exemple ? Son dé-
       forme de copropriétés et les résidences          part du troisième groupe d’Ehpad français
       locatives de nouvelle génération est claire-     DomusVi à peine digéré, Jean-François Vi-
       ment actée. Une autre de nos propositions        toux s’est empressé de monter au capital
       est en passe de se concrétiser : la création     du groupe de résidences seniors fondé par
       du premier label qualité de la profession.       Valérie Bertone, Les Essentielles, dont il est
       Les deux principales organisations repré-        aujourd’hui le président. Soyons clairs, il ne
       sentatives que sont le Synerpa RSS et le         s’agit pas de nier l’effet de mode qui carac-
       SNRA ont engagé des discussions dans le          térise les résidences seniors. La meilleure
       but d’élaborer un cahier des charges com-        illustration de ce phénomène est la nou-
       mun. Cette action est indissociable de la        velle dénomination des logements-foyers,
       reconnaissance législative des résidences        rebaptisés résidences autonomie dans la
       seniors et relève de l’initiative privée, même   loi d’adaptation de la société au vieillisse-
       si les pouvoirs publics seront amenés à          ment. Les résidences seniors portent en
       contribuer. C’est ce chemin qu’ont pris les      elles une image de modernité que n’ont tout

6
simplement pas les autres formes d’héber-       campagne, « cela n’existe pas »2, un Ludovic
gement. Peut-on pour autant se conten-          Savariello lance avec Sairenor un concept…
ter de cette vision simpliste ? A l’évidence,   de résidences rurales pour seniors actifs.
non. Une petite révolution est en train de se   Bref, il n’y a pas de norme.
jouer sous nos yeux. Une révolution alimen-
tée par un cycle permanent d’innovations        Au côté des grands promoteurs nationaux
qui sont en train de donner naissance à un      (Nexity, Bouygues Immobilier, Vinci, Altarea
nouveau secteur appelé également habitat        Cogedim, etc.), des promoteurs locaux ou de
intermédiaire, habitat alternatif ou encore     taille plus modeste (Heurus, Groupe C3A,
habitat regroupé avec services.                 Sefiso Aquitaine, etc.) se lancent eux-aus-
                                                si. Les abandons sont nombreux. Il y a donc
Le marché des résidences seniors tâtonne.       fort à parier qu’un « écrémage » aura lieu au
D’après l’Institut Montaigne, il ne repré-      cours des prochaines années. Quoiqu’il en
senterait qu’1,3% du parc de résidences         soit, le développement des résidences se-
non-médicalisée contre 4% au Royaume-           niors en France ne va cesser de s’accroître.
Uni et 7% au Québec. De plus, on est            La barre des 900 résidences devrait être
confronté à la multiplication des concepts.     franchie avant 2020, alors que ces rési-
C’est d’abord une réalité au niveau global,     dences n’étaient que 500 en 2014.3 Comme
alors qu’il n’est pas toujours facile de dis-   nous allons le voir, le marché va trouver de
tinguer entre les résidences d’ancienne         nouveaux relais de croissance. Parallèle-
génération, les résidences seniors de           ment, il devra trouver les réponses à de
nouvelle génération, les villages seniors,      nombreux défis qui, une fois relevés, lui
les immeubles pour seniors offrant peu          permettront demain d’apparaître comme
de services… C’est également un constat         un secteur aux fondamentaux solides. Ce
qu’on peut faire à un niveau plus fin. Quand    sont ces évolutions, passionnantes, que
un Claude Cheton, patron du groupe Eme-         nous avons voulu placer au cœur de cette
ra, explique qu’une résidence seniors à la      deuxième édition.

                                                                                                7
1.

     Les seniors d’aujourd’hui
          et de demain

             Quels sont les bons mots pour désigner
          les hommes et les femmes dont nous allons
                  parler pendant ces trois jours ?
         Âgés, anciens, aînés, seniors, silvers, retraités :
            les mots ne manquent pas pour nommer
                les bénéficiaires de ces politiques.
                Cette profusion révèle surtout que
         le mot «vieux», encore toléré comme adjectif,
            est cependant proscrit comme substantif,
           comme si le vieux était ipso facto objet de
            discrimination, et l’aîné objet de respect.

         Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de
         l’autonomie4 lors de l’ouverture de la discussion sur le projet de loi d’adaptation de la
         société au vieillissement à l’Assemblée nationale, 9 septembre 2014

8
D
       e qui parle-t-on au juste ? Dans la littérature scientifique, une personne est considérée
       comme autonome lorsqu’elle est en capacité d’accomplir seule des gestes de la vie quo-
       tidienne dans l’environnement lequel elle vit. Cela n’exclut pas qu’elle ait recours à des
aides techniques ou à des aménagements du logement destinés à prolonger l’autonomie à son
domicile. C’est précisément à ce public de 75 ans ou plus que s’adressent les résidences seniors.

Un constat d’ordre                                  c’est-à-dire lié à l’allongement de l’espé-
                                                    rance de vie.
démographique
                                                    À ce phénomène s’ajoute celui de l’arrivée
La hausse de l’espérance de vie conju-
                                                    en âge des baby-boomers. En 2010, la
guée au papy-boom se traduit par une
                                                    France comptait 14,4 millions de personnes
explosion du nombre de personnes âgées.
                                                    âgées de 60 ans ou plus, dont 5,6 millions
Fait notable, un nombre croissant de ces
                                                    de personnes âgées de 75 ans ou plus. La
personnes ne sont pas dépendantes, occa-
                                                    part des plus de 60 ans dans la population
sionnant une pression sans précédent
                                                    est passée de 16,2% à 22,6% en l’espace
sur le stock de logements destinés à des
                                                    de 60 ans. Le nombre de personnes âgées
seniors autonomes.
                                                    de 75 ans ou plus a été multiplié par près de
                                                    quatre entre 1950 et 2010, passant de 1,6
Hausse de l’espérance de vie                        million à 5,6 millions.7 L’effet du papy-boom
et papy-boom                                        devrait atteindre son maximum en 2035.

Le vieillissement démographique est
un phénomène qui touche tous les pays               L’explosion du nombre de personnes
du monde. Deux changements sont à                   très âgées mais autonomes
l’œuvre : la diminution de la fécondité
                                                    Qui dit vieillissement ne dit pas nécessaire-
et l’allongement de la durée de la vie. La
                                                    ment augmentation de la dépendance à un
France a été pionnière, ses habitants ayant
                                                    niveau global. Les seniors sont de plus en
été les premiers à limiter volontairement
                                                    plus nombreux à vieillir sans perte d’auto-
leurs naissances dès la fin du 18e siècle,
                                                    nomie majeure. D’après le Conseil d’Orien-
soit un demi-siècle à un siècle avant ceux
                                                    tation des Retraites (COR), l’espérance de vie
des autres pays européens. Entre 1950 et
                                                    sans incapacité évolue plus favorablement
2010, l’Hexagone est passé de 63 ans à 78
                                                    après 65 ans qu’entre 50 et 65 ans.8 L’explo-
ans pour les hommes, et de 69 ans à 85
                                                    sion du nombre de personnes très âgées et
ans pour les femmes5. Cette évolution est
                                                    faiblement dépendantes se traduit par une
encore plus flagrante lorsqu’on considère
                                                    pression inédite sur le stock de logements
l’espérance de vie à 75 ans, qui est de 11
                                                    destinés aux seniors autonomes, comme
ans pour les hommes et de 14 ans pour les
                                                    le note Luc Broussy dans son rapport : « Il
femmes. Cette hausse sans précédent est
                                                    est nécessaire que les pouvoirs publics se
notamment la conséquence des progrès
                                                    concentrent désormais sur les formules
médicaux et de l’amélioration des condi-
                                                    d’hébergement pour personnes autonomes
tions de vie depuis la fin de la Seconde
                                                    dont notre pays va particulièrement avoir
Guerre Mondiale. L’Insee fait clairement le
                                                    besoin dans les deux décennies à venir. »9
constat d’un vieillissement « par le haut »6,

Les seniors d’aujourd’hui et de demain                                                               9
1.

          Un constat d’ordre                               Le fort attachement au lien social
          sociologique                                     La valeur de liberté est au cœur de l’hé-
                                                           ritage de mai 68. Liberté d’aller et venir,
          Les baby-boomers ont connu mai 1968.             bien sûr, mais aussi liberté de choix. Les
          Ils sont attachés aux valeurs de liberté et      opérateurs publics, privés et associatifs
          d’expérience collective, en rupture avec les     en ont tiré les conséquences. A propos de
          modes de vie de leurs parents et sont à la       l’allocation personnalisée pour l’autonomie
          recherche de confort.                            (Apa), Loïc Trabut écrit ainsi : « En finançant
                                                           directement les individus dans le cadre des
          Vieillir chez soi :                              politiques de la dépendance, les décideurs
                                                           permettent le développement d’un panel de
          un projet de vie partagé                         services censé faciliter l’exercice de ce libre-
          Alors que les générations d’après-guerre         choix. La multiplication des services d’aide,
          ont été en quelque sorte surprises par l’al-     des maisons de retraite et des services en
          longement sans précédent de l’espérance          tout genre en direction des personnes âgées
          de vie, on peut considérer que les généra-       en est une parfaite illustration. »11
          tions actuelles seront mieux à même d’an-
          ticiper les effets de l’avancée en âge. Beau-    La notion de vie en collectivité est
          coup ont fait l’expérience de la recherche       également largement partagée, ce qui
          d’une place en Ehpad pour un parent              n’exclue pas de disposer d’un espace
          proche ou ont dû jouer le rôle d’aidant.         privatif. A cet égard, les résidences seniors
          La capacité des seniors à vivre chez eux en      semblent proposer une réponse adaptée
          autonomie est favorisée par le fait qu’ils       puisqu’elles sont constituées de logements
          sont de plus en plus entourés. Une situa-        indépendants organisés autour d’espaces
          tion qui s’explique notamment par le déve-       collectifs. D’après un sondage de l’Institut
          loppement des usages connectés et par le         du bien vieillir Korian, 63% des seniors
          fait qu’il sera de plus en plus rare, pour une   anticipent la création de lieux de vie où ils
          personne âgée, de vieillir sans conjoint ou      pourront vivre en communauté avec les
          sans enfant.10                                   personnes qui leur ressemblent et qu’elles
                                                           apprécient le plus.12 En d’autres termes, les
                                                           seniors aspirent à un « chez-soi social ».
          Des générations qui
                                                           Dernier point, l’héritage culturel de mai 68
          veulent « bien vieillir ».                       se traduit pour certains par l’éclatement de
                                                           la cellule familiale, provoquant par ricochet
          Les nouvelles générations de seniors
                                                           l’explosion des problèmes liés à la solitude,
          souhaitent bénéficier de services afin de
                                                           notamment chez les personnes âgées.
          faciliter la vie quotidienne, manger une
          nourriture équilibrée et variée, avoir la
          possibilité de pratiquer une ou plusieurs        Un constat d’ordre
          activités physiques, accéder facilement à la
          culture et aux loisirs, partager avec d’autres   économique
          des instants de convivialité… Enfin, elles
                                                           Même s’il faut tenir compte des disparités
          veulent pouvoir déménager à l’envi : pour
                                                           entre les générations et de l’impact futur du
          se rapprocher des enfants, pour emmé-
                                                           morcellement des carrières et des réformes
          nager dans un logement plus petit suite au
                                                           successives du système de retraites, on
          décès du conjoint, pour se rapprocher d’un
                                                           peut dire que les revenus des seniors sont
          hôpital suite à l’apparition d’une maladie
                                                           globalement plus élevés que ceux du reste
          chronique...
                                                           de la population. Ils disposent en outre d’un

10
patrimoine important, notamment immo-           mieux rémunérés car plus qualifiés.14 La
bilier, qui leur permettrait de verser des      majeure partie de ces revenus provient en
loyers confortables.                            effet des pensions de retraite. Depuis le
                                                grand rattrapage des années 1970 à 1990,
                                                les niveaux de vie des plus de 65 ans et des
Des revenus plus élevés…
                                                actifs évoluent parallèlement.15
La France est le pays où la retraite dure le
plus longtemps. C’est ce que montrent les       Quant aux revenus du patrimoine, on sait
chiffres de l’Organisation de coopération et    que les seniors épargnent beaucoup : 26%
de développement économiques (OCDE). La         pour les plus de 70 ans contre -10% en
retraite dure 27 ans pour les femmes et 23      moyenne pour les plus jeunes. D’après le
ans pour les hommes. Un record national         Crédoc, l’augmentation du pouvoir d’achat
qui s’explique par une espérance de vie plus    des seniors est un phénomène inéluctable :
longue et des politiques plus généreuses.       « L’allongement prévisible de la durée des
La génération qui est entrée sur le marché      carrières, l’augmentation de la part des
du travail en 2014 devra liquider ses droits    doubles retraites chez les couples âgés et
à 63 ans, contre plus de 65 ans en moyenne      les revenus du patrimoine permettront de
dans l’OCDE au cours de la décennie 2050.       continuer à drainer des ressources vers les
Rappelons qu’on travaille jusqu’à 65 ans        seniors. »16
en Allemagne, 67 ans aux Etats-Unis et en
Italie, et 68 ans au Royaume-Uni.
                                                …malgré des signaux d’alerte
                                                à prendre en compte
Les seniors voient leurs revenus augmen-
ter de manière structurelle. Une analyse        Cette situation ne doit pas masquer les
confirmée par le Centre de recherche pour       fortes disparités qui existent entre les
l’étude et l’observation des conditions de      différentes générations de retraités.
vie (Crédoc) : « L’allongement prévisible       D’après l’Insee, le niveau de vie des seniors
de la durée des carrières, l’augmentation       les plus jeunes progresse plus rapidement
de la part des doubles retraites chez les       que celui des seniors les plus âgés, notam-
couples âgés et les revenus du patrimoine       ment parce que les femmes bénéficient
permettront de continuer à drainer des          de carrières salariales plus complètes
ressources vers les seniors. »13                et partent à la retraite avec des niveaux
                                                de pensions plus élevés. La diversité des
Le niveau de vie moyen des 65 ans ou plus       situations matrimoniales a également un
s’établit à 22 530 euros par an en 2009, soit   impact. Les couples disposent en effet de
1 877 euros par mois. La démonstration est      moyens supérieurs aux personnes seules.
d’autant plus forte lorsqu’on s’intéresse à
la situation des femmes, qui constituent        Le Haut comité pour le logement des
l’essentiel de la population dans beaucoup      personnes défavorisées alerte de son
de résidences seniors. En moyenne, une          côté sur « la fin d’une période favorable »17.
femme qui prend sa retraite perçoit 43%         Certes, le taux de pauvreté des plus de 65
de plus qu’une femme qui a pris sa retraite     ans a fortement reculé, passant de 35% en
il y a vingt ans. La retraite d’une femme       1970 à 10% en 2006. Après cette période
aujourd’hui s’établit ainsi aux environs de     de rattrapage, il a peu varié au cours des
942 euros contre 658 euros auparavant,          dernières années et reste même inférieur
sans tenir compte de la pension de réversion.   à celui de l’ensemble de la population qui
Cet écart provient du fait qu’elles ont eu      est de 13,5%. Mais l’organisme met en
des carrières plus longues et des emplois       exergue « plusieurs éléments qui donnent à

Les seniors d’aujourd’hui et de demain                                                           11
1.

          penser qu’à cette stabilisation va succéder
          une période d’adaptation » : « le contexte
          économique des trente dernières années »,
          « l’impact des réformes successives
          des retraites » ; et « l’érosion du pouvoir
          d’achat du minimum vieillesse ». Parmi les
          populations les plus exposées : les femmes,
          les immigrés, les retraités qui ont connu une
          carrière précaire et les ruraux. C’est donc
          au cours des deux prochaines décennies
          que les résidences seniors connaîtront
          probablement leur développement le plus
          important.

          Le logement bien placé
          dans le patrimoine des seniors
          Le logement occupe une place prépondé-
          rante dans le budget des ménages âgés.
          Sa part ne cesse d’ailleurs d’augmenter
          avec l’âge, puisqu’elle est respectivement
          de 16,7% pour les 65 à 74 ans et de 20,9%
          pour les 75 ans et plus18. Déjà, en 1997,
          Pascal Pochet commentait : « La ventilation
          par poste de ce budget consommation
          montre que les dépenses des retraités se
          structurent autour de l’entretien du corps
          et du domicile […] Le logement représente
          toujours le premier poste en dépit de la faible
          part tenue par le loyer. »19 Rappelons que
          75% des 65 ans ou plus sont aujourd’hui
          propriétaires de leur logement, contre 58%
          pour le reste de la population française.
          L’attachement des Français à la propriété
          peut sembler un obstacle au dévelop-
          pement des résidences locatives avec
          services, d’autant plus que les personnes
          âgées épargnent dans le but d’avoir une
          épargne de transmission par opposition
          à une épargne de précaution. Certains
          gestionnaires-exploitants adoptent donc
          des stratégies de contournement pour
          rendre liquide le patrimoine des seniors, à
          l’instar de Vie Jeune, l’enseigne du Groupe
          Financière Duval, qui se charge de mettre
          en location le bien de la personne âgée
          pour lui permettre de compléter sa retraite
          et d’être en mesure de verser un loyer.

12        Les seniors d’aujourd’hui et de demain
13
2.

      Le besoin d’une nouvelle
     offre d’habitat pour seniors

               Derrière la crainte des personnes âgées
      de « partir en maison de retraite » se cache la peur
         de renoncer à leur liberté. Elles savent bien que
        si elles sont obligées de quitter leur « chez elle »
         pour un établissement, l’exercice de leur liberté
       sera plus limité, notamment au niveau des repas,
      des visites, des horaires d’ « extinction des feux »...
      L’habitat individuel constitue pour la personne âgée
          le lieu où elle est chez elle, c’est-à-dire où elle
        peut faire ce qu’elle veut, où elle peut inviter qui
       elle veut quand elle veut, sans avoir de compte à
       rendre. En définitive, l’habitat constitue le dernier
               espace de liberté de la personne âgée.

              Etude Autonomie et bien vieillir. Habitat, territoires et numérique
              de la Caisse des Dépôts et Consignations, 2014

14
F
      ace à la difficile adaptation des logements et les insuffisances de l’offre d’habitat pour per-
      sonnes âgées autonomes, notamment en ce qui concerne les anciens logements-foyers, les
      résidences seniors apportent une solution d’hébergement moderne, pertinente et qui, au
surplus, n’est pas consommatrice de fonds publics. Ceci explique sans doute en grande partie
de l’attrait dont elles font l’objet actuellement.

La difficile adaptation                                 de plus de 50 ans et plus pensent avoir les
                                                        moyens financiers pour adapter leur loge-
des logements                                           ment.21
L’adaptation des logements n’est parfois
                                                        Un deuxième frein est le faible consen-
ni souhaitable, ni nécessaire, et ce pour de
                                                        tement à payer des seniors. 49% des
multiples raisons. La solution peut alors
                                                        personnes interrogées dans un autre
être de déménager dans un logement qui,
                                                        sondage OpinionWay estiment que les
lui, est déjà adapté.
                                                        adaptations du logement – douche, esca-
                                                        lier, toilettes, etc. – doivent être finan-
De nombreux freins à dépasser                           cées au travers d’aides publiques22. Ce
                                                        faible consentement à payer est partagé
Une grande partie des besoins concernera                y compris par les retraités aux revenus
à l’avenir l’adaptation des logements privés.           élevés. Il n’est pas anormal que la collecti-
On estime qu’un tiers des plus de 65 ans et             vité soit mise à contribution pour financer
la moitié des plus de 85 ans font au moins              l’adaptation des logements, y compris des
une chute chaque année. Deux fois sur                   logements privés. D’une part, l’adaptation
trois, ces chutes surviennent au domicile.20            du domicile peut constituer un facteur
L’adaptation des logements est donc inévi-              important d’économies : hospitalisations
table. Cependant, quatre types de freins                inutiles, transports sanitaires, aggravation
font obstacle à cette nécessaire adapta-                de la dépendance, soins à domicile… Impos-
tion : le coût des aménagements et des                  sible de concevoir un dispositif national
aides techniques, le faible consentement à              d’adaptation des logements et son finance-
payer des seniors, le facteur psychologique             ment sans aborder conjointement la ques-
et les impossibilités techniques.                       tion des économies générées par une telle
                                                        action. D’autre part, les pouvoirs publics se
Le coût des aménagements et des aides                   sont beaucoup concentrés jusqu’à présent
techniques est souvent sous-estimé.                     sur le financement de la prise en charge
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH)                  de la perte d’autonomie et de la dépen-
estime les besoins d’adaptation des loge-               dance. Il peut sembler légitime, désormais,
ments individuels à 2 millions chez les                 que, la structure démographique du pays
personnes de 60 ans et plus, pour un coût               évoluant, une partie des fonds mobilisés
global de 24 milliards d’euros. Au niveau               soit réorientée vers le financement de
individuel, le coût des adaptations varie               l’adaptation des logements. Un large éven-
sensiblement, de 1 500 euros pour une                   tail d’outils de financement existent : Apa,
adaptation légère à 30 000 euros à 40                   fonds sociaux des caisses de retraite, crédit
000 euros pour une adaptation lourde, la                d’impôts, aides directes des communes, de
moyenne se situant aux alentours de 12 000              leurs CCAS ou des départements, etc. Il y a
euros. Or, d’après un sondage OpinionWay                donc sans doute matière à revoir l’articula-
datant de 2012, seul un tiers des Français              tion de ces différents dispositifs.

Le besoin d’une nouvelle offre d’habitat pour seniors                                                   15
2.

          C’est dans ce contexte qu’a été lancé le          inadapté aux besoins des personnes ;
          vaste plan national d’adaptation de 80 000        envie de nature et de densité de services
          logements privés programmé avec la Caisse         à proximité… Et quand ce n’est pas l’adap-
          nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et        tation qui pose problème, c’est la volonté
          l’Anah dans le cadre de la loi d’adaptation       de déménager qui fait défaut. Déménager
          de la société au vieillissement. Il reste pour-   implique de renoncer à une partie de ses
          tant un écueil majeur à contourner, celui de      habitudes et à la routine qui caractérise
          l’avance sur travaux. Sans parler du finan-       un environnement maîtrisé, de risquer de
          cement du coût total des travaux, nombreux        perdre une partie de son réseau relationnel
          sont les foyers qui n’ont tout simplement         et, éventuellement, de faire une croix sur le
          pas les moyens d’avancer les centaines            statut de propriétaire auquel bon nombre
          voire les milliers d’euros nécessaires pour       de Français restent attachés. L’ensemble
          lancer le chantier avant le versement de          de ces éléments explique la faible mobilité
          l’aide. L’accès à l’emprunt peut s’avérer         résidentielle des ménages âgés. On estime
          compliqué à la fois compte tenu de leur âge       ainsi que les plus de 60 ans déménagent
          et de leur situation financière. Cette problé-    trois fois moins que les générations plus
          matique prenant de l’ampleur, plusieurs           jeunes.
          acteurs institutionnels se sont emparés de
          la question pour développer des disposi-          Dernier point, et pas des moindres, la
          tifs d’aide ou de micro-crédit, à l’instar de     question des impossibilités techniques.
          la Caisse des Dépôts ou de La Poste. L’Anah       Au-delà de la question financière, il n’est
          accepte aujourd’hui de verser une avance          pas toujours possible techniquement de
          représentant jusqu’à 70% du montant de            réaliser les aménagements nécessaires
          l’aide. La Caisse des Dépôts, quant à elle,       (ex. installer une douche à l’italienne dans
          s’est engagée dans la voie du viager censé        une copropriété verticale). Dans ce cas de
          redonner du pouvoir d’achat aux ménages           figure, le déménagement dans un domicile
          âgés les plus modestes. Le chantier est           adapté devient une obligation.
          donc sur la bonne voie, mais ces efforts
          seront-ils suffisants ?
                                                            Un enjeu d’information
          Il convient aussi de prendre en compte le         et de communication
          facteur psychologique. L’adaptation du            Face à cette difficile adaptation du domi-
          domicile implique de renoncer à une partie        cile, on peut se demander si la meilleure
          de l’« avant » pour créer quelque-chose           solution pour les personnes âgées ne
          de nouveau. Elle implique de reconnaître          consisterait pas à déménager en maison
          qu’on est sujet à un handicap physique ou         de retraite médicalisée. On relève toutefois
          à un autre des effets possibles du vieil-         un fort attachement de celles-ci au loge-
          lissement. Un pas que tous les seniors ne         ment individuel. D’après le baromètre 55+
          sont pas toujours prêts à franchir. De fortes     publié par Cogedim Club, un senior sur six
          résistances se font parfois jour. Sans parler     prévoit de déménager dans dix prochaines
          des contradictions qui peuvent naître entre       années dans un autre logement que celui
          des aspirations multiples : recherche d’un        dans lequel il habite actuellement (16%)23.
          habitat accueillant et sécurisé ; souhait         Les personnes âgées confrontées à des
          de vivre ensemble et de préserver pour soi        besoins d’adaptation de leur domicile sont
          un espace personnel au sein du ménage ;           à la recherche d’un logement individuel
          volonté de réduire la facture énergétique         dans un cadre sécurisé. Il existe donc bel et
          et augmentation de la consommation élec-          bien un espace pour que se développent de
          trique liée aux nouveaux usages du numé-          nouvelles formes d’habitat regroupé avec
          rique ; attachement à un habitat parfois          services destinés aux seniors.

16
L’offre en présence                                     bailleurs sociaux ne jouent pas toujours le
                                                        jeu et les revenus modestes des locataires
insatisfaisante                                         des logements-foyers empêchent souvent
                                                        de financer d’importants travaux. Ce
D’un côté, les logements-foyers pèchent                 constat n’est pas nouveau puisque le
par la vétusté de leur parc et par le carac-            rapport Grunspan, en 2002 déjà, mettait
tère limité de leurs prestations. De l’autre,           en garde contre le renchérissement des
les différentes formes d’habitat alternatif             redevances au regard des travaux de réno-
(béguinages, foyers soleil, etc.) n’ont pas             vation ou d’adaptation à mener : « […] la
encore trouvé leur modèle économique                    modernisation immobilière des logements-
et sont, pour la plupart, de taille modeste             foyers pour personnes âgées devenus ou
(entre 30 et 40 logements).                             non EHPAD, leur adaptation à la montée des
                                                        phénomènes de dépendance et de perte
L’épuisement de l’offre                                 d’autonomie des personnes représentent
de logements-foyers                                     un enjeu à la fois social et symbolique. Le
                                                        risque encouru est en effet de voir les plus
Pour reconstituer la genèse des loge-                   âgés de nos aînés ne plus pouvoir accéder
ments-foyers, il faut remonter au rapport               aux logements-foyers ou être contraints de
Laroque paru en 1962. Ce dernier pointe                 les quitter pour des solutions de fortune,
la situation alarmante concernant des                   voire les foyers les plus dégradés, sous l’effet
personnes âgées concernées par l’iso-                   des hausses de redevance. »27
lement et le mal-logement. Le rapport
Laroque dépeint le retraité comme une                   Face à cette situation, la loi d’adaptation
personne active et invite les pouvoirs                  de la société au vieillissement prévoit
publics à développer une forme d’héberge-               un plan d’investissement à hauteur de
ment favorisant l’autonomie des personnes               40 millions. A fin 2015, la moitié du plan
âgées. Dès les années 1960-1970, les                    avait déjà été consommée, le programme
municipalités lancent donc une vague de                 d’investissement lancé par la Caisse
création de logements-foyers. Aujourd’hui,              nationale d’assurance vieillesse (Cnav)
les deux tiers des logements-foyers sont                et la Caisse nationale de solidarité pour
aujourd’hui gérés par des centres commu-                l’autonomie (CNSA) en 2014 à hauteur de
naux d’action sociale (CCAS). Le tiers                  10 millions d’euros ayant été reconduit en
restant est géré par des associations.                  2015. Pas sûr, cependant, que cela suffise à
On recense environ 80% de propriétaires                 moderniser des logements-foyers de plus
HLM24 avec une répartition à peu près égale             en plus vétustes. En 2014, la même somme
entre les sociétés anonymes d’HLM d’un                  avait permis de financer… 27 dossiers sur
côté et les offices publics d’HLM ou les                264 dossiers de demande reçus d’après
OPAC25 de l’autre.                                      l’Unccas. Parallèlement, la loi d’adaptation
                                                        de la société au vieillissement cherche
D’après l’Unccas26, 79% des CCAS doivent                à revaloriser l’image des logements-
procéder à des travaux de confort ou de                 foyers. Depuis de nombreuses années,
modernisation de leurs structures. Le                   les logements-foyers cherchent en effet à
parc de logements-foyers est vieillissant               faire disparaître le terme de « foyer » pour
et le rythme de construction ne suffit pas              mieux faire ressortir celui de « logement ».
à inverser la tendance. Un phénomène                    Une façon de montrer qu’il s’agit d’un
d’autant plus inquiétant que l’augmen-                  domicile comme les autres. Une première
tation de l’âge moyen d’entrée dans les                 pierre avait été posée avec la transition de
logements-foyers dépasse 80 ans et crée                 l’expression « foyer-logement » vers celle
des besoins de travaux au plan de la sécu-              de « logement-foyer ». La dernière main a
rité-incendie et de l’accessibilité. Or, les            été mise par la loi du 28 décembre 2015

Le besoin d’une nouvelle offre d’habitat pour seniors                                                      17
2.

          qui introduit la nouvelle terminologie de       contenu de ces prestations. Il a finalement
          « résidences autonomie ».                       été rejeté pour laisser le champ libre aux
                                                          structures. C’est également au rapport
          Cette tentative de modernisation s’exprime      Cuvillier qu’on doit la notion la notion de
          aussi sur le terrain des prestations            prestations minimales délivrées par les
          servies aux locataires. Celles-ci varient       logements foyers (accès à un service de
          sensiblement d’un logement-foyer à l’autre      restauration, de sécurité, d’entretien du
          et peuvent se révéler assez limitées. Les       linge, d’animation-prévention, etc.). Cette
          résidences seniors comptent généralement        proposition a elle-aussi été retenue dans
          entre 80 et 100 logements et disposent de la    la loi. Un décret d’application devrait
          taille critique nécessaire pour embaucher       prochainement venir préciser la liste de ces
          du personnel d’animation et proposer            prestations.
          l’accès à des équipements sportifs et
          culturels.                                      Les résidences seniors sont-elles
                                                          l’avenir des ex-logements-foyers ?
          Ce n’est pas le cas de tous les logements-
          foyers, dont la capacité moyenne tourne         Cette volonté de modernisation s’ap-
          autour de 55 places. Un groupe de travail a     parente plutôt à un ripolinage et tout le
          été mis en place en 2013 pour plancher sur      monde semble s’accorder, aujourd’hui, sur
          l’avenir des établissements d’hébergement       l’idée d’une complémentarité de l’offre de
          pour personnes âgées (Ehpa) et les autres       résidences seniors et de logements foyers,
          formes d’habitat avec services. Le rapport      plutôt que d’une véritable concurrence.
          Cuvillier28, du nom de la sous-directrice de    C’est en tout cas le constat dressé par les
          l’autonomie des personnes handicapées           intervenants lors des cinquièmes Assises
          et des personnes âgées Nathalie Cuvillier,      nationales des logements-foyers et rési-
          a effectué la synthèse de ces réflexions        dences seniors en mai 2015 à Paris. « Il
          et a mis sur la table un certain nombre de      n’y a pas d’opposition à avoir. Aujourd’hui,
          propositions, notamment la valorisation         [ces deux formes d’hébergement] sont
          de la mission de prévention de la perte         complémentaires, peut-être avec des
          d’autonomie dévolue aux logements-              niveaux de gamme différents, mais dans
          foyers, l’organisation et la coordination       un champ comme dans l’autre. », commen-
          des interventions extérieures au sein de        tait ainsi la déléguée générale du Synerpa
          l’établissement et l’inscription du logement-   Florence Arnaiz-Maumé, qui a créé en
          foyer dans la coordination gérontologique       2015 un syndicat affilié Synerpa Rési-
          locale. L’article 11 de la loi d’adaptation     dences services seniors. Résultat, une
          de la société au vieillissement confie          porosité commence à s’installer entre loge-
          ainsi aux logements-foyers une mission          ments-foyers et résidences seniors qui, s’ils
          nouvelle de prévention de la perte              proposent des niveaux de gamme diffé-
          d’autonomie en contrepartie du versement        rents, font tous les deux face à l’élévation
          d’un forfait autonomie. Ce forfait pourra       de l’âge moyen d’entrée et de l’âge moyen
          être mutualisé entre plusieurs structures       des résidents. Les Jardins d’Arcadie ont
          et financer des postes d’animateur ou           ouvert à Versailles (78) une résidence mixte,
          encore des ateliers équilibre. Le premier       comprenant une partie de logement-foyer
          groupe associatif Arpavie, issu de la fusion    et une partie de résidence seniors. Le
          des trois associations Arefo-Arpad et           public est globalement le même, à une
          Arepa, prévoit déjà de créer des « équipes      différence près : la redevance dans la partie
          mobiles de prévention » pour optimiser les      logement foyer est de l’ordre de 850 euros
          moyens alloués. Un amendement avait été         contre 1 700 euros pour la partie libre. Le
          déposé en deuxième lecture à l’Assemblée        CCAS de Caen, lui, a fait le chemin inverse
          tendant à définir précisément par décret le     en rebaptisant tous ses logements-foyers

18
en résidences seniors. Une initiative qui               sements et services sociaux et médico-so-
n’est pas faite pour favoriser la lisibilité de         ciaux, comme les logements-foyers, des
l’offre mais qui illustre bien le mouvement             résidences locatives avec services à carac-
de modernisation qui est en marche. Nul                 tère social et des formes particulières d’ha-
doute qu’à l’avenir, il sera de plus en plus            bitat regroupé avec services, à l’instar des
difficile de distinguer une résidence-auto-             résidences seniors.
nomie d’une résidence seniors.
                                                        Les résidences seniors se distinguent
Cette situation est parfois source d’inquié-            notamment :
tude chez les professionnels, ceux-ci crai-
gnant une requalification de la résidence               ƒƒ Des béguinages   29
                                                                              , des foyers-soleil ou
en établissement médico-social non auto-                   de l’habitat intergénérationnel, qui sont
risé. Selon une instruction NDGAS/SD 2/                    des résidences sociales aux projet et
SD 5D n°2007-195 du 14 mai 2007 relative                   mode de fonctionnement particuliers ;
aux résidences services, la différence entre
une résidence fournissant des services
et un établissement médico-social réside
                                                        ƒƒ Des   villages-seniors. Les résidences
                                                           seniors sont composées de logements
principalement dans l’existence ou non
                                                           plus petits que les villages, avec une
d’un projet individuel et collectif adapté
                                                           majorité de deux-pièces. Alors que la
aux besoins des personnes. L’établisse-
                                                           taille des résidences seniors varie en
ment médico-social doit ainsi répondre
                                                           moyenne entre 80 et 100 logements,
et s’adapter aux besoins de la personne
                                                           celle des villages-seniors est plutôt de
qui demande à bénéficier de telle ou
                                                           l’ordre de 50 logements. De plus, les
telle prise en charge, et celui-ci devient
                                                           villages s’adressent à de jeunes seniors
responsable de sa mise en œuvre. Tel n’est
                                                           totalement autonomes qui cherchent
pas l’esprit des résidences services.
                                                           à se regrouper et sont très majoritai-
                                                           rement propriétaires de leur logement,
La jurisprudence du Conseil d’Etat notam-                  tandis que les résidences seniors
ment (CE 29 décembre 1995, société                         « nouvelle génération » accueillent en
civile « Résidences et Services » contre le                très grande majorité des résidents-lo-
président du conseil général du Nord, n°                   cataires ;
145008) et (CE 16 octobre 1998, SARL «
Société rhodanienne d’intendance et de
services » contre le président du conseil
                                                        ƒƒ Des    autres types de résidences
                                                           avec services, comme les rési-
général du Rhône, n° 171017) a permis de
                                                           dences ­  hôtelières ou les résidences
dégager des critères de qualification et les
                                                           étudiantes, ce qui n’empêche pas
conditions dans lesquelles certaines rési-
                                                           certains professionnels de l’immobi-
dences avec services sont susceptibles
                                                           lier géré de se lancer sur le marché des
d’être requalifiées en établissements d’hé-
                                                           seniors. Ainsi le groupe Réside Etudes,
bergement pour personnes âgées relevant
                                                           propriétaire des marques Les Estudines
du régime d’autorisation prévu dans le
                                                           et Residhome, a-t-il racheté le concept
Code de l’action sociale et des familles.                  La Girandière en 2007.

Les faiblesses des autres                               De plus en plus d’opérateurs se lancent
modèles d’habitat alternatif                            dans la voie de l’habitat alternatif. L’as-
                                                        sociation Ages sans frontières, qui gère
Lorsqu’on parle d’habitat « alternatif » ou             quatre Ehpad dans le Tarn, a initié en 2009,
« intermédiaire », difficile d’y voir clair. Cette      son projet de Maison partagée. Au cœur
formule désigne tout à la fois des établis-

Le besoin d’une nouvelle offre d’habitat pour seniors                                                   19
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