Séminaire Europe Les enjeux du Brexit - Fiches préparatoires - IRA de Metz

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Séminaire Europe Les enjeux du Brexit - Fiches préparatoires - IRA de Metz
Institut régional d’administration de Metz

               Séminaire Europe

           Les enjeux du Brexit
                     Fiches préparatoires

                              mardi 26 février 2019

                                      IRA de Metz ‐ Février 2019
Séminaire Europe Les enjeux du Brexit - Fiches préparatoires - IRA de Metz
Les enjeux du Brexit
   Historique du Brexit et éléments fondamentaux

   Les ports français dans l’Europe post‐Brexit

   Le « backstop » irlandais au cœur du bras de fer entre Londres
   et Bruxelles

   Comment maintenir le Royaume‐Uni dans le dispositif de
   défense européenne ?

   Une souveraineté européenne est‐elle envisageable ?

   L’impact du Brexit sur la circulation des personnes

   Paris : la future « city » européenne ?

   Les narrations autour du Brexit

   La question de la souveraineté écossaise

   Bibliographie

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                          p. 2
Historique du Brexit et éléments
fondamentaux

Le 23 janvier 2013 David Cameron, alors Premier ministre du Royaume‐Uni, prononce le dis‐
cours de Bloomberg 1. Il énonce être en faveur d’un référendum afin que le peuple britan‐
nique puisse exprimer son souhait de rester (« remain ») ou de quitter (« leave ») l’Union
européenne.

A la suite de sa réélection en mai 2015, David Cameron engage le processus d’organisation du ré‐
férendum. Pour cela il procède à des négociations avec la Commission européenne pour obtenir
un accord « anti‐Brexit ». Avec cet accord, il souhaite notamment stopper l’intégration plus étroite
du Royaume‐Uni au sein de l’UE. Cet accord obtenu le 19 février 2016 lance la campagne pour le
référendum du 23 juin 2016. Les résultats divergeaient selon les zones géographiques 2 mais 51,9%
des citoyens ont voté pour quitter l’UE. David Cameron, en faveur du « remain », décide de démis‐
sionner.

En janvier 2017 la Cour suprême britannique3 se prononce sur la nécessité de passer par un vote
du Parlement afin d’engager le retrait du pays de l’UE. Ce jugement précise également que les as‐
semblées régionales (Ecosse, Irlande du Nord) n’ont pas de droit de veto sur la décision du
Royaume‐Uni de quitter l’UE.

La procédure européenne pour quitter l’UE est fixée par l’article 50 du Traité sur l’Union euro‐
péenne. Celui indique que tout Etat membre peut décider de se retirer de l’Union en notifiant son
intention au Conseil européen. A partir de la notification de la décision de retrait, le pays a deux
ans pour négocier les modalités de sortie de l’UE. En l’absence d’accord entre l’UE et l’Etat dans ce
délai, les traités cessent d’être applicables à l’Etat concerné, sauf si le Conseil européen et l’Etat
concerné décident à l’unanimité de proroger ce délai. L’enjeu était alors de notifier le plus rapide‐
ment possible la décision de retrait au Conseil européen. En effet cette notification devait intervenir
avant la fin du mois de mars 2017 pour que le délai de deux ans expire avant les élections euro‐
péennes. C’est pourquoi le gouvernement britannique a notifié la décision de retrait du pays le 29
mars 2017 au Conseil européen.

Michel Barnier, négociateur de l’UE connaît bien le secteur financier britannique et la politique ré‐
gionale, ce qui positionne l’UE en force. Quant à Theresa May, Première ministre actuelle, elle af‐
fiche en début de mandat une position en faveur d’un « hard Brexit », c’est‐à‐dire en faveur de la
sortie du pays du marché commun. Cependant elle est en difficulté au sein de son parti et convoque
des élections générales anticipées en juin 2017 au cours desquelles les conservateurs perdent leur
majorité et négocient une alliance avec le Parti unioniste démocrate pour se maintenir au pouvoir.

Le 12 novembre 2018 les Britanniques et les Européens sont parvenus à un accord, entre autres
sur la question de la frontière irlandaise, la période de transition jusqu’au 31 décembre 2020 ou
encore sur le fait que la Cour de justice garde sa compétence jusqu’à la fin de la période de transi‐

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... historique du Brexit et éléments fondamentaux

tion. Cet accord devait être ratifié par le Parlement britannique, toutefois il a été rejeté le 15 janvier
2019. Ce vote augmente le risque d’un « no deal » entre les parties, c’est‐à‐dire une rupture brutale
(pas de période de transition, droit de l’UE cesse de s’appliquer à partir du 30 mars 2019).

Le mardi 29 janvier les parlementaires britanniques ont voté un amendement qui permet de rené‐
gocier l’accord obtenu en novembre 2018. Ainsi, si Theresa May arrive à modifier l’accord en ce
qui concerne la frontière irlandaise, le Parlement s’engage à approuver l’accord de retrait. L’Union
européenne n’est pas favorable à une renégociation de l’accord. Avant la fin du mois de février, une
rencontre est prévue pour trouver un arrangement qui respecterait les conditions de l’accord et
qui recueillerait la majorité au Parlement britannique.

1
  https://www.gov.uk/government/speeches/eu‐speech‐at‐bloomberg
2
  L’Angleterre a voté pour quitter l’Union à 53,4%, le Pays de Galles également à 52,2%. L’Ecosse a voté pour
rester à 62% tout comme l’Irlande du Nord à 55,8%
3
  The Supreme Court, R v. Secretary of State for Exiting the European Union, 24th January 2017

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Les ports français dans l’Europe post‐Brexit

Dès 1994, l’Union européenne (UE) a arrêté le principe d’identifier et de financer des grands
axes de transports. Cela a conduit, en 2013, à la mise en place d’un réseau complet et struc‐
turé de transports à l’échelle de l’Union. Celui‐ci intègre l’ensemble des modes de transports,
dont le transport maritime. Le retrait du Royaume‐Uni (RU) implique de réinterroger ce dis‐
positif, en ce qui concerne la liaison de l’Irlande à la partie continental de l’Union.

Un réseau transeuropéen de transport reposant sur neuf corridors
Dans le cadre de sa politique de transport, l’UE a mis en place deux instruments : le Réseau Tran‐
seuropéen de Transport (RTE‐T) et le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE).
Le premier repose sur le règlement (UE) n°1315/2013 qui en définit les orientations et la structure.
Il prévoit que le RTE‐T comprend un réseau central qui forme la charpente des transports au sein
du marché unique et qui se décompose en neuf corridors, et un réseau global qui doit permettre
d’assurer toutes les régions de l’Union l’accessibilité nécessaire à leur développement. Le second
constitue l’instrument financier permettant la mise en œuvre du RTE‐T et repose sur le règlement
(UE) n°1316/2013.

La révision du corridor « Mer du Nord – Méditerranée » à la suite du retrait
du RU : un enjeu pour la France
Dans le cadre de ces dispositifs, le RU est intégré au corridor « Mer du Nord – Méditerranée » qui
s’étend de l’Irlande et du nord du Royaume‐Uni jusqu’à la mer Méditerranée dans le sud de la
France en passant par les Pays‐Bas, la Belgique et le Luxembourg. Ainsi, la sortie du RU du l’UE,
surtout si elle se fait sans accord, entraînera une coupure du corridor entre l’Irlande et l’Europe
continentale.

Or, de Roscoff à Dunkerque, 4,4 millions de camions ont traversé la Manche en 2017 par voie ma‐
ritime et via le Tunnel sous la Manche. Sur ce volume, l’office central des statistiques irlandais évalue
à un million le nombre de camions reçus ou envoyés via le Royaume‐Uni, dont plus d’un tiers en
provenance ou à destination de l’Union avec pour points de transit principaux Calais, le Tunnel sous
la Manche, Dunkerque et Zeebrugge. Il ne faut pas oublier le cas du port de Cherbourg, qui traite
chaque année un trafic de plus d’un million de tonnes de fret et près de 300 000 passagers, et
assure l’acheminement de près de 35 000 poids lourds et 70 000 véhicules particuliers, avec l’Ir‐
lande, en route directe.

Pour répondre à cet enjeu, le Premier ministre a nommé Vincent Pourquery de Boisserin comme
« coordinateur national » afin d’établir un diagnostic avec les ports concernés et de définir les ar‐
rangements nécessaires. La Commission européenne de son côté a proposé de redessiner le corri‐
dor « Mer du Nord – Méditerranée » dans le règlement MIE de 2013 en prévision d’une sortie
brutale du RU en mars prochain. Cette proposition consistait à relier les ports irlandais de Dublin
et de Cork uniquement aux ports néerlandais (Rotterdam) et belges (Zeebrugge et Anvers).

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...Les ports français dans l’Europe post‐Brexit

Suite à l’intervention de la France, le projet actuel réintègre les ports français du Havre, de Calais
et de Dunkerque dans le futur corridor « Mer du Nord – Méditerranée », et prévoit également l’in‐
tégration des ports irlandais et des ports français de Brest, Roscoff ou encore Cherbourg au corridor
« Atlantique ». En outre, le Parlement européen a proposé, début janvier, la création d’un Fonds
d’urgence d’adaptation au retrait du Royaume‐Uni de l’Union en vue de compenser les effets né‐
gatifs du retrait du Royaume‐Uni.

Des évolutions qui devront trouver dans leur traduction dans le
futur dispositif
Le Parlement européen a approuvé la création d’un fonds d’urgence destiné aux ports français, le
10 janvier 2019. Calais ou Dunkerque font 100% de trafic transmanche. En complément, le Premier
ministre a nommé un « coordinateur » gouvernemental, en la personne de Vincent Pourquery,
pour établir un diagnostic avec les ports concernés et définir les arrangements nécessaires

L’ensemble des modifications apportées par le Parlement européen devraient aboutir à une concen‐
tration des financements européens dans la période post Brexit sur les ports français. Cependant
celles‐ci concernent aujourd’hui le règlement MIE de 2013, qui s’achève en 2020.
Le futur dispositif, devant couvrir la période 2021‐2027, est en cours de discussion. Dans ce cadre
la question reste ouverte concernant notamment les ports de Brest, Roscoff, Caen, ou encore Cher‐
bourg. En effet, ceux‐ci appartiennent aujourd’hui au réseau global du RTE‐T. Or, pour faire partie
d’un corridor, les infrastructures doivent être intégrées au réseau central.

Si ces ports français sont actuellement cités dans le futur mécanisme financier comme appartenant
au corridor « Atlantique », la justification repose uniquement sur le caractère exceptionnel de la
sortie du Royaume‐Uni de l’Union. La révision à venir du règlement RTE‐T, prévue en 2023 et que
le Parlement européen recommande d’avancer, devra confirmer cette intégration pour en garantir
la pérennité.

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Le « backstop » irlandais au cœur du bras
de fer entre Londres et Bruxelles
La sortie de l’Union européenne (UE) du Royaume‐Uni (RU) s’accompagne, sauf accord par‐
ticulier, du rétablissement des frontières terrestre, maritime et aérienne. Au niveau terrestre,
la sortie du RU du marché unique et de l’union douanière a pour conséquence de réinstaurer
une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Ir‐
lande.

Une frontière conflictuelle aujourd’hui invisible
En plus d’être la plus grande frontière terrestre entre le RU et l’UE, elle est surtout marquée par
une histoire conflictuelle. Bien qu’actée dans son tracé actuel en 1925, elle remonte à la loi de 1920
sur le Gouvernement de l’Irlande qui partitionna l’île.

Cette partition fut à l’origine d’un violent conflit intercommunautaire entre nationalistes et unio‐
nistes en Irlande du Nord dans la seconde moitié du XXe siècle. Connu sous le nom de « Troubles
», il débuta en 1968 et s’acheva 30 ans plus tard par la signature de l’accord du Vendredi saint du
10 avril 1998.

Depuis lors, cette frontière est devenue quasiment invisible, symbole majeur du succès du processus
de paix instauré par cet accord.
En outre, les futures relations entre l’UE et le RU doivent également tenir compte de l’existence
d’une Zone commune de voyage (ZCV) entre ce dernier et l’Irlande. Remontant à la fondation de
l’État irlandais, la ZCV est un compromis pragmatique et évolutif, visant à faciliter le déplacement
de citoyens britanniques et irlandais dans les Îles britanniques, tout en maintenant des contrôles
pour les entrées au Royaume‐Uni de ressortissants d’autres États. Elle s’étend aujourd’hui égale‐
ment à Guernesey, Jersey, ainsi que l’Île de Man.

Le retour inenvisageable d’une frontière
Au‐delà du fait que plus de 20 000 personnes traversent chaque jour cette frontière invisible, la
libre circulation des personnes et des marchandises entre la République d’Irlande et l’Irlande du
Nord est un point central de l’Accord de 1998.

Ainsi, bien que le cas de la frontière nord‐irlandaise ait été pratiquement impensé pendant la cam‐
pagne précédent le référendum, il constitue un réel défi dans la réalisation du Brexit. Il pose la
question de la possibilité de maintenir une frontière entièrement ouverte tout en quittant l’UE.

Territoire douanier unique et maintien de l’Irlande du Nord dans le marché
intérieur comme « solution de dernier recours »
Pour résoudre cette contradiction, le projet d’accord de retrait du Royaume‐Uni de l’UE contient
un protocole sur l’Irlande qui prévoit une solution afin d’éviter tout retour à une frontière. Celle‐ci,
appelée « backstop » ou « filet de sécurité » prend la forme d’un territoire douanier unique entre
l’Union européenne et le Royaume‐Uni, ainsi que le maintien de l’Irlande du Nord dans le marché
intérieur, conduisant à laisser ce territoire aligné sur un nombre limité de règles du marché unique
pour éviter une frontière dure.

Cette solution, dite de « dernier recours », n’a cependant vocation à s’appliquer qu’en l’absence
d’accord entre le RU et l’UE à l’issue de la période de transition qui s’achèvera le 31 décembre 2020,
et ce, jusqu’à la signature d’un accord.

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...le « backstop » irlandais au cœur du bras de fer entre Londres et
                                                                        Bruxelles

Un point de blocage entre le RU et l’UE
Le « backstop » est l’un des points à l’origine du rejet du projet d’accord par le Parlement britan‐
nique le 15 janvier 2019. Il concentre donc les critiques des partisans d’un « hard Brexit » et des
unionistes irlandais du Parti unioniste démocrate (DUP) – parti nord‐irlandais qui soutient la coali‐
tion de Theresa May ‐.

Les premiers lui reprochent d’empêcher le RU de mener sa propre politique commerciale, du fait
de la création d’un « territoire douanier unique » et y voient un rattachement sans limite à l’UE, du
fait de son application automatique en l’absence d’accord et de sa non‐limitation dans le temps.
Les seconds considèrent qu’il porte atteinte à l’unité du RU, par le maintien de l’Irlande du Nord
dans le marché unique, revenant in fine à déplacer la frontière en mer d'Irlande, avec pour consé‐
quence une perte de souveraineté par le RU sur l'Irlande du Nord.

L’UE de son côté y voit la seule solution pour éviter le retour à une frontière physique et refuse
toute modification tant de celui‐ci que de son application automatique en l’absence d’accord. Elle
s’engage en revanche à ce que l’alignement réglementaire sur le droit de l'Union européenne en
Irlande du Nord ne soit pas étendu au‐delà de ce qui est strictement nécessaire pour éviter la mise
en place d'une frontière physique sur l'île d'Irlande et pour préserver l'accord de 1998. Elle ouvre
également la porte à une renégociation de la déclaration politique qui accompagne l’accord de re‐
trait et esquisse les futures relations entre le RU et l’UE. Cette dernière rappelle déjà la détermina‐
tion de l’UE et du RU à remplacer la solution de dernier recours pour l'Irlande du Nord par un accord
établissant d'autres arrangements qui permettront de pérenniser l'absence d'une frontière phy‐
sique sur l'île d'Irlande.

La solution pour éviter un Brexit sans accord semble devoir être trouvée en interne au sein du RU.
Sur ce point les travaillistes ont ouvert une porte en proposant un maintien du RU dans l’union
douanière et qu’il soit étroitement aligné sur le marché unique, dédramatisant ainsi la question du
« backstop » irlandais.

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Comment maintenir le Royaume‐Uni dans
le dispositif de défense européenne ?

Le poids du Royaume‐Uni (RU) en matière militaire (entre 25 % et 30 % des capacités européennes)
rend incontournable son arrimage au schéma de défense collective du continent européen. Sur ce
point‐là, il n’existe pas de difficulté particulière. Les élargissements successifs de l’OTAN font que
les membres de l’Union européenne (UE) sont majoritairement parties prenantes au sein de l’Al‐
liance atlantique (21 pays sur 27). Par ailleurs, une réelle coopération existe entre les deux struc‐
tures, dont la densité s’est considérablement accrue depuis les accords « Berlin Plus » en 2003 4.

Il ne s’agit donc pas tant de savoir si le Royaume‐Uni continuera à participer à la défense collective
du continent que de se pencher sur la place future qu’il pourrait y occuper. Le départ du pays de
l’UE ouvre, potentiellement, la voie à une autonomie accrue pour la politique de sécurité et de dé‐
fense commune (PSDC) 5 , mécanisme intergouvernemental que Londres a toujours souhaité brider,
officiellement par crainte de voir émerger un concurrent de l’OTAN. Le résultat d’une telle position
présentait également le bénéfice, pour les Etats‐Unis, de maintenir un pilier européen fragmenté,
à l’évidence plus facile à manœuvrer de manière bilatérale.

Le profil de la future coopération entre l’UE et le Royaume‐Uni ne se dessinera qu’à la suite du
Brexit et lors des discussions visant à la mise en place d’un accord de sécurité et de défense. Il est
néanmoins possible d’esquisser les enjeux élémentaires de cette future relation. 6

La question des modalités d’accès éventuel de Londres aux instances de dialogue et de décision
européenne est cruciale. Les Britanniques, après avoir cherché à minimiser ces outils, souhaitent
rester présents au maximum, via la mise en place de structures de dialogue ad hoc, ou encore de
conserver une place au sein de l’agence européenne de défense (AED). Ils désirent, tout autant,
être accueillis au sein de la coopération structurée permanente en matière de défense ou encore
faire partie du fonds européen de défense. Le Royaume‐Uni demande à pouvoir participer à la dé‐
finition des besoins capacitaires et être inclus dans la restructuration industrielle qui pourrait avoir
lieu au niveau de l’industrie européenne de défense.

Concernant le programme Galileo, Londres devrait pouvoir accéder au signal crypté à usage mili‐
taire, mais l’enjeu primordial est bien la participation de ses entreprises au développement indus‐
triel et technologique à venir. Globalement, si l’UE semble ferme sur les possibles interférences
britanniques dans son processus décisionnel, le concept proposé de relation évolutive (scalable)
peut sembler ambigu. Toute la difficulté réside effectivement à maintenir un attrait suffisant per‐
mettant de favoriser un ancrage fort du RU à l’UE tout en évitant de conférer à Londres une place
plus avantageuse que celle d’un Etat membre.

S’il est bien entendu nécessaire de trouver les pistes les plus opérationnelles permettant de main‐
tenir Londres dans le « giron » européen en favorisant une coopération la plus élevée possible, il
convient tout autant d’être particulièrement attentif aux conséquences de l’implication, d’une ma‐

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... comment maintenir le Royaume‐Uni dans
                                                     le dispositif de défense européenne ?

nière ou d’une autre, du Royaume‐Uni dans le processus décisionnel européen. Le maintien d’une
influence au sein même de l’Union est un élément d’intérêt évident pour les Britanniques, mon‐
nayable, de surcroît, avec les Etats‐Unis, dont la pression sur l’industrie de défense du Vieux conti‐
nent est plus forte que jamais, singulièrement au travers du programme F‐35.

En miroir, les Européens doivent également s’accorder d’une manière claire sur le rôle d’une po‐
litique de défense commune : collaboration intergouvernementale ou maillon du processus d’in‐
tégration européen ? Dans un contexte géopolitique charnière pour le continent, répondre à cette
question semblerait être un préalable à la redéfinition des relations avec notre plus proche voisin.

4
 Voir, par exemple, la dernière déclaration conjointe lors du sommet de Bruxelles de l’OTAN, le 11 juillet
2018 ‐ https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_156624.htm

5
    Qui fait partie de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

6
  Cf. rapport du groupe de recherche et d’information sur la paix et de sécurité (GRIP), « Le Brexit et la
Défense européenne », 2018 ‐ https://www.grip.org/sites/grip.org/files/RAPPORTS/2018/Rapport_2018‐
5.pdf

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Une souveraineté européenne est‐elle
envisageable ?
Dans le discours de la Sorbonne prononcé le 26 septembre 2017, le président de la République fran‐
çaise Emmanuel Macron a affirmé la nécessité de construire une souveraineté européenne : « L’Eu‐
rope seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c'est‐à‐dire notre capacité à exister
dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts. Il y a une souveraineté euro‐
péenne à construire, et il y a la nécessité de la construire » 7.
Doter l’Union européenne d’une véritable souveraineté serait ainsi une façon de la prémunir
contre les périls propres à notre monde contemporain, traversé par le Brexit, le recul du multila‐
téralisme et l’affirmation de puissances mondiales telles la Chine ou encore de la Russie. Pourtant,
si le concept semble être le produit de l’époque contemporaine, la tension autour du concept de
souveraineté jalonne l’histoire de la construction européenne depuis ses origines mêmes, inter‐
rogeant notamment la place de l’Etat‐nation comme structure de référence en Europe. Retour
sur une notion qui fait débat et dont les contours restent à définir.

La souveraineté européenne, une réponse à l’obsolescence de l’Etat‐nation ?
La souveraineté a été définie par Jean Bodin dans son traité Les Six livres de La République comme
un attribut essentiel de l'État : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une Ré‐
publique. » Dans cette définition classique, l’affirmation de la puissance et de l’autorité sont les
attributs exclusifs de l’Etat.

Pourtant, l’Etat comme cadre privilégié d’exercice de la souveraineté est en question depuis le
XXème siècle, en raison d’une défiance depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et d’un senti‐
ment d’impuissance des Etats à affirmer leur puissance dans le contexte d’un monde globalisé. En
effet, nourri de son expérience des deux conflits mondiaux, Jean Monnet ressent très tôt la néces‐
sité de dépasser les souverainetés nationales pour construire une fédération européenne, au nom
d’une vision pragmatique des défis collectifs qui se posent. Une vision ultérieurement prônée par
Jürgen Habermas, selon qui l'Europe pourrait revêtir la forme d'un Etat post‐national.

Par ailleurs, d’après Bertrand Badie, la fin de la guerre froide et la mondialisation ont achevé de
démonétiser la « fiction souverainiste » sur laquelle repose traditionnellement le droit international;
il s’agit aujourd’hui de substituer au concept « intenable » et « inutile » de souveraineté un para‐
digme de la « responsabilité » 8, seul à même d’accueillir une gestion rationnelle, c’est‐à‐dire com‐
mune, des enjeux auquel l’humanité est confrontée dans son ensemble. Dans un contexte globalisé
d’interdépendance et de liquéfaction du monde, selon le terme de Zygmunt Bauman9 , les Etats se
retrouveraient ainsi dépossédés de leur capacité à affirmer leur puissance, leur souveraineté se ré‐
duisant alors à une pure fiction inopérante ; d’où la nécessité de transférer la souveraineté à une
échelle plus vaste.

Quels seraient les attributs de la souveraineté européenne ?
D’après le Président de la République, la souveraineté européenne procède d’un approfondisse‐
ment des politiques publiques, dont six d’entre‐elles sont présentées comme prioritaires dans le
discours de la Sorbonne : sécurité, défense et lutte contre le terrorisme ; maîtrise des frontières et
politique migratoire ; politique étrangère ; transition écologique et politique énergétique ; politique
industrielle et transition vers le numérique ; politique économique et monétaire.

7
  Discours d'Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique. 26 septembre 2017
8
  Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité, 1999
9
  Zygmunt Bauman, La société liquide, 2006

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                p. 11
...une souveraineté européenne est‐elle envisageable ?

Il s’agit donc d’une conception fonctionnaliste de la souveraineté, en tant qu’ensemble pragmatique
de politiques publiques, une souveraineté en actions (politics) plutôt qu’en acte (policy).

Ainsi, selon Thierry Chopin, directeur des études à la Fondation Robert‐Schuman, « l’idée d’Em‐
manuel Macron n’est pas de porter un projet d’intégration fédéraliste mais de renforcer la coopé‐
ration entre les pays européens sur ces sujets qui touchent à la souveraineté des Etats. Le président
a la conviction que les enjeux actuels ne peuvent pas être traités au seul niveau national car les
défis qui touchent les Européens dépassent les frontières nationales : le terrorisme, les régulations
des flux migratoires, la défense des intérêts commerciaux, la lutte contre la fraude fiscale, etc. »
Le projet ne consisterait donc pas, comme le souhaitaient Jean Monnet ou Jürgen Habermas, à
construire un Etat‐post‐national. En effet, il s’agit plutôt d’approfondir les domaines de coopération
au sein de l’espace européen, tout en maintenant le principe de souveraineté juridique des Etats.

Le concept de souveraineté européenne suscite des critiques fortes
Selon Nicolas Leron, enseignant‐chercheur au Centre d’études européennes de Sciences Po, la sou‐
veraineté ne saurait s’auto‐instituer à partir de politiques, au sens des politics. Elle est de l’ordre
de la policy, c’est‐à‐dire qu’elle repose sur une légitimité, déjà mise en exergue par Jean‐Jacques
Rousseau, selon qui cette dernière appartient au peuple : « le souverain n'est formé que des par‐
ticuliers qui le composent », comme « totalité concrète des individus.» 10

Dans cette vision, l’intégration par les politiques publiques ne saurait fonder une souveraineté en
l’absence d’un acte politique décidé par le peuple. En effet, le demos européen n’est à ce jour pas
institué et les fondements sur lesquels il pourrait s’appuyer sont encore indéfinis. Selon Jürgen Ha‐
bermas, un sentiment d’appartenance fondé non plus sur une identité nationale particulière mais
sur des principes constitutionnels à caractère universel est toutefois possible, à travers le concept
de patriotisme constitutionnel. Cependant, la peur contemporaine du déracinement, qui semble
s’accroître en Europe et ses traductions que sont le retour du nationalisme et le repli identitaire,
peut laisser perplexe quant à la possibilité défendue par Habermas. En 1952 déjà, Raymond Aron
écrivait : « les constitutions n’ont jamais suffi à créer les sentiments. Celles‐là peuvent précéder
ceux‐ci, mais une avance excessive risquerait de précipiter l’échec de l’entreprise toute entière.» 11

Enfin, les ambitions françaises de construire une souveraineté européenne peinent à s’affirmer en
raison des réticences des autres Etats membres ; en atteste le rejet par une forte majorité du Par‐
lement européen de la création de « listes transnationales » aux élections européennes. Plus glo‐
balement, la diversité des conceptions de la souveraineté en fonction des cultures politiques
nationales pose une difficulté supplémentaire à la construction d’une vision commune de la sou‐
veraineté européenne. Si les Allemands peuvent aisément envisager des souverainetés multiples
de par leur tradition fédéraliste, comment envisager une souveraineté européenne sans perte de
souveraineté nationale lorsque cette dernière est conçue comme une et indivisible ? Les Français
parviendraient‐ils à défendre l’exercice, à l’échelle européenne, d’une souveraineté globalisante
dans le cadre d’une respublica européenne unitaire et universaliste ?

10
  Jean‐Jacques Rousseau, Du Contrat Social
11
  L'identité européenne selon Raymond Aron : entre mythe et réalité, Olivier de Lapparent, Relations inter‐
nationales 2009/4 (n° 140), pages 37‐51

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                    p. 12
L’impact du Brexit sur la circulation
des personnes
Pilier fondateur de la construction européenne, le principe de libre circulation a été instauré par le Traité
de Rome (CEE) en 1957, établissant un marché commun de libre circulation des personnes, des mar‐
chandises, des services et des capitaux. La liberté de circulation des personnes a été facilitée par les ac‐
cords de Schengen, signés en 1985, supprimant les contrôles aux frontières entre les pays membres de
l’espace Schengen, dont le Royaume‐Uni n’a jamais fait partie. Avec l’Irlande, il bénéficie en effet d’un sta‐
tut particulier lui permettant de ne participer qu’à une partie des dispositions de ces accords (mécanisme
d’opt‐out), telles que la coopération policière et judiciaire en matière pénale, la lutte contre les stupéfiants
et l’accès au système d’information Schengen (SIS).

Avec le Brexit, le Royaume‐Uni quittera le marché unique et mettra donc fin au principe de libre circu‐
lation des personnes. Le rétablissement du contrôle des frontières et de l’immigration a d’ailleurs été l’un
des éléments clé jouant en faveur du Brexit durant la campagne référendaire, le Royaume‐Uni souhaitant
limiter l’immigration sur son territoire. Faute d’accord avec l’Union européenne (no deal) à ce jour, le futur
statut des citoyens européens qui iront s’installer et/ou travailler au Royaume‐Uni, tout comme celui des
Britanniques qui rejoindront le continent européen, reste à préciser. Selon la Commission européenne,
trois millions de citoyens européens sont installés au Royaume‐Uni (dont environ 300 000 français) et l’on
recense un million de ressortissants britanniques dans les autres pays membres de l’Union européenne.
L’accord de retrait négocié le 14 novembre 2018 préserve le droit de séjour de ces citoyens.

Le livre blanc (white paper) « UK’s future skills‐based immigration system », publié par le ministre de
l’intérieur britannique en décembre 2018, définit la nouvelle politique en matière d’immigration. Celle‐
ci sera fondée sur trois piliers : la fin de la libre circulation, la non‐différenciation entre un citoyen européen
et un citoyen non européen, et l’immigration choisie, favorisant avant tout les travailleurs qualifiés. Un
défi pour le Gouvernement sera de faire en sorte que le Royaume‐Uni post‐Brexit reste attractif aux yeux
des travailleurs hautement qualifiés.

Les autorités britanniques ont annoncé, à compter du 30 mars 2019 et avec ou sans deal, la mise en
place d’un statut de résident permanent (settled status) pour les ressortissants européens et les membres
de leurs familles résidant au Royaume‐Uni de manière continue depuis au moins cinq ans. Ces derniers
pourront ainsi y résider indéfiniment. Les ressortissants européens résidant au Royaume‐Uni depuis moins
de cinq ans seront quant à eux éligibles au pré‐statut de résident permanent (pre‐settled status), en atten‐
dant de remplir la condition de résidence.

Par ailleurs, le Gouvernement de Theresa May assure que l’accueil d’étudiants étrangers dans les uni‐
versités britanniques ne fera pas l’objet de quotas. Cependant, en cas de sortie de l’Union sans accord,
le Royaume‐Uni ne sera plus éligible au programme communautaire Erasmus+.

Dans le cadre de la Common Travel Area (CTA), les citoyens irlandais pourront voyager librement au
Royaume‐Uni ou s’y installer sans avoir à obtenir le statut de résident permanent. A l’inverse, dans les
douze mois ayant suivi le référendum, pas moins de 65 000 citoyens britanniques ont effectué des dé‐
marches pour obtenir la nationalité irlandaise, qui leur permettrait malgré tout de conserver leur citoyen‐
neté britannique.

Enfin, les négociations actuelles, tenant compte d’un éventuel no deal, laissent envisager que les res‐
sortissants britanniques résidant légalement dans un Etat membre à la date du retrait continueront à
être considérés comme des résidents légaux. De même, la Commission européenne a d’ores et déjà
adopté une proposition de règlement qui devrait exempter les ressortissants britanniques de toute obli‐
gation de visa ; à condition qu’une réciprocité s’applique pour les citoyens européens. Le Gouvernement
britannique a quant à lui assuré qu’il n’exigera pas de visa pour les courts séjours (de moins de trois mois)
sur son territoire.

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                      p. 13
Paris : la future « city » européenne ?
Si Londres constitue sans conteste la grande place12 financière de l’Union européenne et de la zone
euro, le Brexit vient modifier les équilibres entre les places financières européennes.

Paris une place financière importante et attractive mais concurrencée
Avec 270 000 emplois dans la finance, Paris se situe derrière Londres (350 000) mais loin devant
Francfort (76 000) ou Amsterdam (54 000). Le total des actifs bancaires est similaires à Paris et à
Francfort (de l’ordre de 7 000 milliards d’euros, contre 10 000 milliards à Londres), tandis que dans
le secteur de l’assurance, la France devance légèrement l’Allemagne en termes d’actifs gérés (1 800
milliards d’euros, contre 1 600 milliards en Allemagne). En matière de fonds d’investissement, la
France est également deuxième, derrière le Luxembourg et à quasi‐égalité avec l’Irlande. Sur les mar‐
chés des dérivés de gré à gré, Paris est loin derrière Londres (39 % du marché mondial, à elle seule),
mais devant Francfort. Paris abrite quatre des huit banques d’importance systémique mondiale de
la zone euro qui sont plus solides que leurs homologues allemandes et italiennes.

Si Paris constitue une place financière de taille comparable à celle de Francfort, elle attire moins de
filiales de groupes étrangers que d’autres centres financiers européens, sa position sur ce terrain
ayant même reculé depuis 1990. Toutefois à la suite du Brexit, les cabinets de consultants EY et Sia
Partners estiment à 4 613 le nombre de transferts de postes envisagés de Londres vers les places eu‐
ropéennes 13. Dans ce comptage, Paris se place en tête, avec 2 539 emplois créés par Bank of America,
JPMorgan ou HSBC, contre 2 071 à Francfort.
Au niveau institutionnel, Paris va accueillir en 2019 l’autorité bancaire européenne14 (EBA) à La Dé‐
fense après son déménagement de Londres.

Vers « un réseau polycentrique intégré de places financières, avec des spécia‐
lisations par domaines d’expertises 15 » à l’exemple des USA
Si Paris dispose de nombreux atouts dans la concurrence pour attirer des filiales étrangères dans le
domaine de la finance, la situation des infrastructures de transports, notamment aéroportuaires16 ,
est un handicap. Le droit du travail et les prélèvements obligatoires sont des éléments qui sont pris
en compte par les institutions financières et qui jouent en défaveur de Paris.

Il est peu probable qu’il y ait une nouvelle « city » unique pour le continent mais plutôt un réseau de
places financières européennes. Toutefois ce système nécessite de disposer d’un cadre réglementaire
unique avec une mise en œuvre harmonisée. La France soutient un renforcement des autorités eu‐
ropéennes de supervision pour y parvenir. Des questions restent à traiter, en particulier, les mono‐
poles privés dans le secteur des chambres de compensation qui sont essentiellement à Londres même
pour les opérations en euros.
Malgré le Brexit, Londres restera une place financière importante. Le Brexit donne aux européens
l’opportunité de finaliser l’Union bancaire et d’envisager une Union des marchés de capitaux et par‐
venir à un « Eurosystème financier ».
Lecture recommandée : Anne‐Laure Delatte, Farid Toubal, « Brexit : saisir les opportunités et limiter
les risques dans la finances », Les notes du conseil d'analyse économique, n°45, décembre 2017.

12
   En 1975, la finance et l’assurance représentaient environ 5,25 % de la valeur ajoutée au Royaume‐Uni, contre
4,32 % en France. En 2015, la France était encore à 4,48 % mais le Royaume‐Uni à 7,25 %.
13
   Interrogation anonyme de 222 entreprises de la City, chiffre au 1er décembre 2018.
14
   L'EBA est l'agence de l'UE chargée de mettre en œuvre un ensemble de règles visant à réglementer et sur‐
veiller le secteur bancaire dans tous les pays de l'UE. L'objectif est de créer un marché unique des produits
bancaires efficace, transparent et stable dans l’UE.
15
   François Villeroy de Galhau, « Les conséquences du Brexit pour le secteur financier français et européen »,
Discours d’ouverture de la conférence de l’APCR, le 23 novembre 2018.
16
     Paris CDG est 32ème au niveau mondial, Londres 8ème et Francfort 10ème.
IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                       p. 14
Les narrations autour du Brexit
Le parti conservateur, dont la base est pro‐Brexit, est dirigé par Theresa May, laquelle s’est opposée
à la sortie de l’Union européenne pendant le référendum. Les travaillistes, dont la base est pro‐eu‐
ropéenne, sont dirigés par Jeremy Corbyn, un eurosceptique de longue date, qui estime que l’UE
est beaucoup trop libérale.

Pourquoi partir ?
De l'immigration à la souveraineté politique, en passant par l'économie, les arguments ont été nom‐
breux de la part des partisans du Brexit (contraction de British Exit) et de ceux qui veulent au contraire
rester dans l’Union européenne. Pour les Pro brexit, le Royaume‐Uni resterait une voix influente sur
la scène internationale, une puissance nucléaire membre de l'Otan et du conseil de sécurité de l'ONU.

Trois arguments phares des partisans du Brexit
1) Retrouver la souveraineté 17. L’UE dispose de bien trop de compétences. Les lois européennes pri‐
ment les lois locales, tout comme la plupart des décisions de la justice européenne. Le Royaume‐Uni
ne peut pas signer des accords commerciaux de manière indépendante puisque ces derniers doivent
intégrer l’ensemble des pays de l’UE. Sortir de l’UE lui permettrait de retrouver son autonomie éco‐
nomique, douanière et commerciale.
2) L’UE coûte cher. Le Royaume‐Uni paie chaque année autour de 13 milliards de livres (20 milliards€)
pour faire partie de l’UE. Un tarif très élevé, surtout que le pays ne reçoit en retour que 5 milliards de
livres d’aides. Les bénéfices sont d’autant plus douteux que Londres ne peut pas décider de l’utilisation
des enveloppes reversées par Bruxelles. Sortir permettrait de décider de l’utilisation de ces importants
milliards.
3) L’immigration est incontrôlée. Les Européens de l’Est, en priorité, prennent ainsi le travail des Bri‐
tanniques et perçoivent leurs aides sociales. Sortir permettrait de bloquer intégralement les frontières
et d’imposer un régime d’immigration sur dossier pour n’accepter que les Européens dont le
Royaume‐Uni a besoin.

Pourquoi rester ?
Pour les pro‐UE, Sortir de l'UE entraînerait une perte d'influence du Royaume‐Uni dans le monde, et
augmenterait la probabilité d'un nouveau référendum d'indépendance en Ecosse, farouchement pro‐
UE.

Trois arguments phares des partisans du maintien dans l'UE
1) Profiter du premier marché mondial. Le marché unique permet aux entreprises britanniques de
vendre leurs produits dans le reste de l’UE et d’importer les produits européens sans droits de douane.
Cet accès leur permet d’être plus compétitives que les entreprises non européennes. Le prix des pro‐
duits européens vendus au Royaume‐Uni s’en trouve également réduit, ce qui bénéficie aux consom‐
mateurs.
2) Protéger les frontières. Grâce à un accord signé en 2003 avec la France, le contrôle des papiers
d’identité des passagers en ferry est réalisé à Calais, pas à Douvres. Cela permet d’empêcher l’entrée
de nombreux illégaux dans le pays. La police britannique a également accès au service européen de
renseignements policiers, qui facilite la lutte contre les criminels.
3) Eviter le chaos. Sortir obligerait le pays à redessiner entièrement sa relation avec l’UE et à renégo‐
cier tous ses accords commerciaux avec le reste du monde. Cette incertitude entraînera la baisse des
investissements étrangers, qui affectera directement l’emploi dans le pays. Isolé, le Royaume‐Uni per‐
drait son statut de grande puissance internationale.

17
  La souveraineté définit cette liberté de décider qui caractérise les communautés politiques que sont les peu‐
ples à travers le cadre de la Nation et de l’Etat

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                       p. 15
La question de la souveraineté écossaise
La question de l’indépendance écossaise semblait close après le référendum d’autodétermination
de 2014 où 55,3 % des écossais avaient voté pour un maintien au sein du Royaume‐Uni. Le réfé‐
rendum sur le Brexit du 23 juin 2016 a fait réapparaître la question de la souveraineté avec le
vote de l’ensemble des circonscriptions écossaises contre la sortie de l’union européenne.

Suite au brexit, l’enjeu pour l’Ecosse est de continuer à constituer une nation dans un Etat union,
avec une identité propre et un Parlement fort au sein du Royaume‐Uni. En effet, le Scotland Act de
1998 et de 2012 ont permis un transfert de compétences du gouvernement central britannique en
faveur du gouvernement régional écossais. Ainsi le parlement écossais a substantiellement accru
son autonomie législative en matière de politiques économiques et sociales spécifiques comme la
santé, l’éducation, l’environnement, la justice, le logement, certains transports, la pêche, l’agricul‐
ture et avec le Scotland Act 2016, le domaine fiscal.

La sortie de l’Union européenne soulève plusieurs questions majeures pour l’Ecosse, à commencer
par celle de l’immigration. La politique migratoire est un domaine réservé du parlement britan‐
nique. L’Ecosse souhaite maintenir une politique de terre d’accueil en faveur des migrants qui sont
majoritairement communautaires. À cette nécessité démographique due au vieillissement de sa
population s’ajoute un facteur économique. De nombreux secteurs comme les services marchands
(hôtellerie, restauration), la santé, l’agro‐alimentaire ont besoin de main‐d’œuvre. Ainsi la question
de l’immigration est fortement liée à celle de l’appartenance à l’Union européenne et à la libre cir‐
culation des personnes. Le Royaume‐Uni n’est pas membre de l’espace Schengen. Cependant les
accords passés avec l’UE permettent à l’Ecosse de bénéficier des règles de libre circulation des per‐
sonnes et ainsi de répondre à ses besoins en matière de politique migratoire. Plusieurs scénarios
sont envisagés par le gouvernement écossais afin de retenir les citoyens de l’Union européenne et
de continuer à les attirer dans l’hypothèse où ils seraient considérés comme des ressortissants de
pays tiers.

L’agriculture est également une question au centre des discussions entre le gouvernement britan‐
nique et le gouvernement écossais. L‘Ecosse compte proportionnellement plus d’agriculteurs que
l’Angleterre. Elle a touché 17 % au titre des subsides de la Politique agricole commune (PAC) desti‐
née au Royaume‐Uni. Le risque financier sur la période 2014‐2020 est évalué à 3,9 Mds d’euros
pour le 1er pilier PAC et 1,16 Mds d’euros pour le 2e pilier. L’Ecosse a une incertitude sur les sommes
allouées et à venir.

L’Ecosse possède au large de ses côtes des ressources énergétiques, gaz et pétrole. Elle occupe la
place du premier producteur de pétrole de l’Union européenne. Malgré des difficultés en termes
de rentabilité et des réductions de coûts et de personnels, ce secteur représente une part impor‐
tante pour l’économie écossaise. Une sortie du marché unique est donc analysée par le gouverne‐
ment écossais actuel comme un facteur pénalisant tous les secteurs d’activité, production ou
services (notamment financiers18 ). Ainsi plusieurs sujets sont des sources d’inquiétude pour le
gouvernement écossais. C’est pourquoi, dans ce contexte de négociations d’accord du gouverne‐
ment britannique, la possibilité d’un second référendum pour 2020‐2021 a été annoncée par le
gouvernement écossais, le temps pour lui de connaître et d’évaluer les modalités et conséquences
du Brexit, auquel Theresa May a fait connaître son opposition.

18
  https://www.centreonconstitutionalchange.ac.uk/blog/impact‐brexit‐%E2%80%9Cno‐deal%E2%80%9D‐
scotland‐revisited
https://pure.strath.ac.uk/portal/files/70630513/FAI_2017_Brexit_and_the_sectors_of_the_Scottish_econ
https://www.bbc.co.uk/news/uk‐scotland‐scotland‐politics‐42977080

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                                p. 16
Bibliographie

Revues
GALLOIS (J.‐B.), Le service des impôts britanniques se transforme sur fond de Brexit, Acteurs pu‐
blics, n°136, 1er novembre 2018, pp. 76‐77
« Au Royaume‐Uni, le département « Her Majesty’s Revenue and Customs » se réorganise depuis
plus de deux ans en fermant des bureaux, en regroupant ses employés dans des agences régionales
et en numérisant ses processus. La prochaine sortie de l’Union européenne représente un défi sup‐
plémentaire et devrait retarder l’exécution de ce projet pharaonique. »

La Cour suprême du Royaume‐Uni, Revue française de droit administratif, n°2, 1er mars 2017

Articles de presse
BERNARD (P.), Le « Brexit » entraîne la chute de Cameron, Le Monde, 25 juin 2016
« Après la victoire du « out » par 51,9 % des voix, le premier ministre britannique annonce son dé‐
part en octobre. »

BERNARD (P.), Brexit : Mme May devra saisir le parlement, Le Monde, 26 janvier 2017
« L’arrêt de la Cour suprême, rendu à huit voix contre trois, ne contrarie pas le calendrier de dé‐
clenchement de l’article 50 pour la sortie de l’Union européenne de Theresa May. »

JEANNIER (F.), Le Brexit et la frontière irlandaise, ENS de Lyon, 22 janvier 2019
« Les Irlandais du Nord, à une plus courte majorité que leurs voisins Écossais, ont voté contre le
Brexit, qui doit pourtant advenir. Alors que l’intégration européenne avait joué un rôle important
pour atténuer les effets de frontière avec la République d’Irlande, dans le contexte d’une réconci‐
liation symbolique après un conflit armé, les négociations du Brexit posent une question insoluble
: une frontière peut‐elle être à la fois ouverte et fermée ? »

MUSSAU (F.), Gibraltar, pierre d’achoppement post‐Brexit, Libération, 5 avril 2017
« Avec la sortie prévue du Royaume‐Uni de l’Union européenne, les revendications de Madrid sur
le territoire britannique se ravivent. Bruxelles ne pourra bientôt plus arbitrer les nombreux diffé‐
rends entre les deux pays. Un casse‐tête de plus pour l’Europe. »

PERROTTE (D.), Brexit : le projet de Bruxelles pour durcir l’accès aux marchés financiers euro‐
péens, Les Echos Entreprises & Marchés, 1er mars 2017
« La Commission sera très regardante avant de délivrer des régimes d'équivalence à la finance bri‐
tannique. Un rapport interne préconise de durcir les procédures et de renforcer les contrôles dans
la durée. »

Brèves
Le processus du Brexit sera lancé le 29 mars, Acteurs publics, 21 mars 2017
« Deux années de négociations seront nécessaires pour que la sortie du Royaume‐Uni de l’Union
européenne soit effective. Le Parlement écossais devrait demander un nouveau référendum sur
l’indépendance. »

Un premier compromis entre Bruxelles et Londres sur le Brexit, Acteurs publics, 8 décembre 2017
« La Commission européenne et le Royaume‐Uni sont tombés d’accord, vendredi 8 décembre, sur
la première phase des négociations du Brexit, portant sur les modalités de leur divorce. Ce com‐
promis ouvre la voie à la discussion sur leur future relation »

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                            p. 17
...bibliographie

Brexit : le marathon se poursuit, Yves Petit, 3 janvier 2018
« La négociation relative au retrait du Royaume‐Uni est, comme il fallait s’y attendre, une question
politiquement sensible. Suite à la notification de ce retrait le 29 mars 2017, six cycles de négocia‐
tions ont été organisés entre le 19 juin et les 9‐10 novembre 2017. Des contacts directs ont été en‐
tretenus en permanence entre les négociateurs de la Commission – sous la houlette de Michel
Barnier – et le Royaume‐Uni. »

Brexit : le moment de vérité approche ! Yves Petit, 28 août 2018
« Alors que la date de retrait prévue du 30 mars 2018 approche, de nombreuses questions subsis‐
tent. La négociation est très complexe et le Royaume‐Uni donne l'impression de souhaiter quitter
l'Union sans le vouloir vraiment. L'article fait le point sur l'état des négociations. »

Budget post‐2020 : le commissaire Oettinger détaille ses propositions devant les députés français,
Michel Tendil, 1er février 2018
« Entre les conséquences du Brexit et les dépenses nouvelles, l'Union européenne va devoir trouver
environ 16 milliards d'euros supplémentaires par an après 2020. De passage à Paris, le commissaire
au Budget Gunther Oettinger a indiqué, devant les députés, comment il compte s'y prendre : 6 à 7
milliards d'économies (pris en partie sur la PAC et la politique de cohésion) et un relèvement du
plafond de la contribution des Etats qui passerait de 1% du PIB aujourd'hui à 1,2%. »

Brexit : La France accélère la cadence pour préparer un retour des frontières au 30 mars, Michel
Tendil, 17 janvier 2019
« Alors que le parlement britannique vient de rejeter massivement l'accord conclu entre Londres
et Bruxelles sur le Brexit, le Premier ministre français a déclenché, jeudi, un plan pour se préparer
à une sortie du Royaume‐Uni sans accord au 30 mars. Hypothèse de plus en plus probable. »

Ouvrages
BARRAUD (B.), Le Brexit dans toutes ses dimensions, L’Harmattan, août 2018, 207 p.

FAVRET (J.‐M.), L’essentie de l’Union européenne : ses institutions et son droit : 2016‐2017,
Gualino, 16ème éd., août 2016, 104 p.

O’Rourke Kevin, Une brève histoire du Brexit, Edition Odile Jacob, octobre 2018, 301 p.

Rapports
Rapport d'information des députés Jean‐Pierre PONT et Pierre‐Henri DUMONT sur les corridors
maritimes, n°1484, 6 décembre 2018

Sites internet
Déclaration politique fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume‐
Uni : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/XT‐21095‐2018‐INIT/fr/pdf

IRA de Metz ‐ Fiches Brexit ‐ février 2019                                                              p. 18
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