Méthodes visuelles Approche de la dimension rituelle des raids de World of Warcraft par l'anthropologie visuelle - Revista Latina de ...
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Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Méthodes visuelles Approche de la dimension rituelle des raids de World of Warcraft par l’anthropologie visuelle Visual methods An a pproach of the ritual dimension in World of Warcraft raids Jacques Ghoul Samson – Université de Toulon – jacques.ghoul-samson@univ- tln.fr Résumé : Au cours d’une ethnographie de deux ans interrogeant les dynamiques d’interaction des membres de groupes d’avatars (guildes) du jeu de rôle en ligne massivement multijoueur « World of Warcraft » (WoW), nous avons dû faire face à la nécessité de garder des traces visuelles des moments d’activité les plus intenses, les raids. L’implication cognitive qu’ils exigent est telle que la prise de notes du chercheur en situation d’observation participante devient nécessairement lacunaire (Nardi 2010; Taylor 2006). Pour saisir ces périodes d’activité nous avons opté pour la mise en place d’un système de captation vidéo et audio enregistrant l’écran du chercheur et donnant ainsi à voir son avatar à la troisième personne. La possibilité, proposée par le logiciel d’analyse qualitatif Atlas T.I., de découper plusieurs heures de vidéo en centaines de fragments, isolant une interaction, a mis en relief la richesse de ces enregistrements. Ainsi, au fil des mois, ce qui n’avait été pensé que comme un carnet de terrain s’est révélé être une source de données à part entière dépassant l’unique fonction de rappel de ce qui a été (Barthes 1980) faisant prendre, de cette manière, un tournant décisivement visuel à notre ethnographie. Cet article présente la démarche méthodologique que nous avons mis en place pour réaliser une analyse descriptive de ces captations. L’analyse de ces films nous permet de faire émerger la fonction rituelle des raids au sein de WoW comme « des manières d’agir qui ne prennent naissance ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 430 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) qu’au sein des groupes assemblés et qui sont destinés à susciter, à entretenir ou à refaire certains états mentaux de ces groupes » (Durkheim 2014). Mots clefs : interactions ; ethnographie ; captations vidéo ; anthropologie visuelle Abstract: In the course of a two-year ethnography questioning the interaction dynamics of the members of groups of avatars (Guilds) in the massively multiplayer online role-playing game World of Warcraft (WoW), we had to face the necessity of keeping visual track of the most intensely active moments, the raids. Cognitive involvement they require is so demanding that note-taking gets necessarily incomplete for the researcher in a participant observation situation (Nardi, 2010 ; Taylor, 2006). In order to catch these activity moments, we chose to set up a system of video and audio recording of the screen of the researcher, thus making visible his avatar in the third person. The possibility provided by the qualitative analysis software Atlas T.I., of cutting up several hours of video into hundreds of fragments, isolating an interaction, has highlighted the richness of these recordings. Over the months, a tool only designed as a field-notebook prooved to be a full data source far beyond the single function of remembering of what "that has been" (Barthes, 1980), inducing a decisively visual turn in our ethnography. The following article introduces the methodological approach we set up in order to realize a descriptive analysis of these recordings. The analysis of the videos allowes us to raise the ritual function of the raids in WoW as "ways of acting which can only occur in gathered groups and designed to create, maintain or remake certain mental states of these groups" (Durkheim 2014) Keys words: interactions ; ethnography ; digital recording ; visual anthropology ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 431 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) 1 Introduction Lorsque Margaret Mead et Gregory Bateson filment le rite qui donnera lieu à Trance and Dance in Bali (Mead, Bateson 1952), on retrouve leur attachement au corps mais aussi une tradition proprement ethnographique : l’appétence pour le rite magique/religieux, qui tout en rythmant la vie des groupes sociaux est, littéralement, extra-ordinaire. Il faudra attendre les relectures de Durkheim (1912) proposées par les travaux de Goffman (Goffman 1974) et de Garfinkel (Garfinkel et al. 2007) pour que la notion de rite soit associée à l’ordinaire, au quotidien. Depuis lors, l’anthropologie visuelle s’est aussi attachée à rendre compte, décrire et analyser ces interactions ordinaires à la fonction sociale indéniable. Cependant, la captation sur le long court que requiert l’analyse des rites de la vie quotidienne entraine quantité de contraintes (temporelles : doit-on tout filmer ? quand faut-il s’arrêter ? ; matérielles : comment filmer ? ; éthiques : que peut-on filmer ? etc.). En interrogeant, dans le cadre de notre recherche doctorale, la nature de la frontière entre le monde physique et un monde numérique lorsqu’une interaction se joue entre des acteurs appartenant à ces mondes, nous avions entrepris l’enregistrement audiovisuel des moments d’activités les plus intenses pour compenser la prise de note nécessairement lacunaire induite par l’implication cognitive exigée par ces situations. Ces captations (représentant plus de 400 heures en tout) étaient donc avant tout pensées comme un carnet de note ne devant pas dépasser l’unique fonction de rappel de ce qui a été (Barthes 1980). C’est empiriquement et après plusieurs semaines de captation qu’a émergé la possibilité d’en faire une source de données à part entière. En effet, il nous est rapidement apparu que ces centaines d’heures d’enregistrement étaient trop riches pour pouvoir être résumés en quelques lignes car nous avions capté – involontairement d’abord – les rites quotidiens « entretenant les états mentaux des groupes » que nous avions suivis pendant nos deux années d’ethnographie (Durkheim 2014). L’objectif de cet article est donc de montrer comment nous avons procédé pour condenser l’analyse descriptive de 150 heures d’enregistrement en données quantitatives capables aussi bien de rendre compte des dynamiques ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 432 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) d’interaction présentes dans ces vidéos que de faire l’objet d’une analyse statistique. Pour ce faire nous présenterons, dans un premier temps, les éléments propres au monde numérique que nous avons étudiés nous semblant indispensables à la compréhension des différents aspects de notre méthodologie. Puis, dans un deuxième temps, nous exposerons brièvement la méthode générale que nous avons utilisée au cours de cette recherche. Dans un troisième temps, nous nous pencherons sur le processus d’analyse que nous avons mis en place et qui nous a conduit à constituer ce que nous avons appelé des « unités d’interaction ». Finalement, nous présenterons quelques- uns de nos résultats, mais aussi les limites auxquelles nous nous sommes confrontés et les perspectives que nous entrevoyons. 2 Présentation du terrain 2.1 World of Warcraft La première étape, évidente mais non moins primordiale, d’une recherche visant à interroger la frontière entre monde physique et monde numérique consiste à choisir quel monde numérique étudier. Entre les simulateurs de vie (Second Life) et les multiples types de jeux vidéo reposant principalement, et de plus en plus uniquement, sur des modes de jeu en ligne (MOBA, RTS, FPS, 1 etc. ) le choix peut se porter sur des centaines de mondes aux caractéristiques et histoires différentes. Dans le cadre d’une recherche doctorale s’inscrivant sur le long cours deux critères nous ont semblés primordiaux pour sélectionner le monde que nous allions étudier : sa pérennité (avoir l’assurance, dans la mesure du possible, que le monde sera habité pendant toute la durée de la recherche) et son accessibilité (facilité de la prise en main). A partir de cette 1 « MOBA » est l’acronyme de Multiplayer Online Battle Arena il s’agit de jeux opposant deux équipes de cinq joueurs dont l’objectif est de détruire la base de l’équipe adverse. « RTS » est l’acronyme de Real Time Strategy, archétype par excellence des jeux de stratégies, l’objectif est de développer sa base (que ce soit un village, une ville ou une nation) puis de forger des alliances ou de conquérir celles des autres joueurs. Les « FPS » (First Person Shooter) sont des jeux de tir à la première personne où l’objectif est que son équipe ou son personnage soit le dernier survivant. ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 433 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) restriction nous avons été en mesure de choisir World of Warcraft, édité par Blizzard Entertainment et lancé en février 2005 en Europe. WoW, acronyme du titre, est le Massively MultiPlayer Online Role Playing Game (MMORPG ou Jeu de rôle massivement multijoueur en ligne) le plus populaire depuis son lancement. Il propose à l’utilisateur de plonger dans un monde d’inspiration médiévale-fantastique mêlant mythologies celtiques, nordiques, culture populaire et éléments de l’œuvre de J.R.R. Tolkien (Berry 2012; Di Filippo 2016). Ces seuls éléments narratifs ne permettent pas d’expliquer le succès de ce titre reposant sur un modèle économique aujourd’hui en désuétude – l’abonnement – il faut aussi prendre en considération le dynamisme de ce monde. En effet, si ce jeu est disponible depuis treize ans, il n’est plus du tout le même que celui qu’ont connu les premiers utilisateurs en 2005 car tous les deux ans (en moyenne) est édité une « extension » qui pourrait pratiquement être assimilée à un nouveau jeu dans la mesure où elles apportent aux joueurs d’importants contenus originaux (nouvelles terres à découvrir, nouveaux pans de l’histoire à explorer, etc.). Cependant, le conflit est resté une constante tout au long des sept dernières extensions : les combats font partie intégrante de WoW aussi bien du point de vue narratif que du gameplay. 2.2 Les raids L’utilisateur explore ce monde à travers son avatar qui fait l’objet d’un double processus de personnalisation. Premièrement, a lieu une personnalisation esthétique ; outre le choix du sexe, se présente le choix de la race (elfes, orcs, trolls ou nains font parties des douze races disponibles) qui induit des spécificités physiques (la longueur de la barbe pour les nains vs la forme des oreilles pour les trolls). Secondement, se produit une spécialisation au niveau du gameplay car les combats sont construits autour du triptyque (cher aux 2 MMORPG) : tank, soigneur, DPS . Ainsi certains avatars auront pour rôle, durant les combats, d’attirer l’attention des ennemis (joueurs ou IA), les tanks, 2 « DPS » est l’acronyme de Damage Per Second (dégâts par secondes), ce rôle renvoie donc à la capacité d’un avatar à infliger la plus grande quantité de dégâts possibles en un temps réduit. ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 434 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) pendant que d’autres avatars, les DPS, moins résistants mais plus puissants infligent de lourds dégâts aux adversaires. Le tout sous la protection des soigneurs dont l’objectif est de maintenir l’ensemble de ces alliés en vie. Cette spécialisation du rôle des avatars atteint son paroxysme lors des raids. Ce terme fait référence à un espace-temps désignant à la fois des activités et des lieux, au cours desquels le but est de vaincre, en groupe de 10 à 30 avatars, toutes les créatures – appelées « boss » (contrôlées par l’ordinateur) – regroupées dans un même lieu (souvent une forteresse, un château ou un manoir). Or, pour réussir à vaincre ces puissantes créatures les groupes d’avatars doivent être organisés et respecter un certain équilibre dans la répartition des rôles ainsi que des stratégies particulières à chaque boss afin de parer leurs capacités et de sortir victorieux de l’affrontement. 2.3 Les guildes Pour organiser ces activités les utilisateurs se reposent sur des structures pérennes et formelles : les guildes. Ces rassemblements d’avatars subsistent après leur déconnexion et, sous l’égide d’un nom commun, leur donnent accès à un ensemble d’outils (banque, planning, canaux de discussions) facilitant, entre autres, l’organisation et la réalisation des raids. Les différents entretiens (formels et informels) que nous avons pu mener avec des utilisateurs montrent que la participation aux raids est bien souvent la première raison d’appartenance à une guilde et que les raids sont considérés comme l’activité la plus motivante et la plus gratifiante dans ce monde. C’est en partant de cette centralité qu’il nous a semblé nécessaire d’étudier plus précisément ces raids et la fonction (sociale) qu’ils occupent pour une guilde. 3 Méthodologie 3.1 Ethnographie Pour mener à bien cette étude et compte tenu des différentes contraintes (population totale inconnue, multiplicité des avatars par utilisateurs, etc.) la méthodologie la plus adaptée nous a semblé être l’ethnographie. Nous avons abordé cette approche du terrain de manière classique (Bourgois 2001; ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 435 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Malinowski 1989; Evans-Pritchard 1994) tout en prenant en compte les contraintes et particularités propres à la mise en place de cette méthodologie de recherche dans des environnements numériques (Berry 2012; Pink et al. 2015; Nardi 2010; Boellstorff et al. 2012). Notre approche est donc avant tout compréhensive et/ou bottom-up, nous souhaitons dépasser notre statut « d’étranger » au terrain (Combessie 2007) pour comprendre le fonctionnement et les dynamiques qui sous-tendent les interactions menées par la population de ce monde numérique. Dans le cadre de cet article l’indistinction caractérisant l’avatar du chercheur de l’ensemble des autres avatars est sans doute l’élément le plus important. Puisque dans un cadre « classique » (soit un terrain où l’ethnographe n’a pas besoin d’un avatar pour y mener ses observations) cette position – d’étranger – du chercheur est, souvent, une évidence. L’étape de négociation du terrain consiste alors à dépasser cette position afin d’avoir accès à l’expérience vécue par les acteurs et tenter de la comprendre. Dans un monde numérique, qui plus est ludique, le chercheur n’a aucun moyen d’afficher sa position. Ce déplacement méthodologique de ce qu’est l’approche et la négociation du terrain implique aussi que l’observation participante soit fortement engageante, tout particulièrement lors des événements où il est attendu que chaque avatar remplisse son rôle ; comme c’est le cas des raids. 3.2 De la trace de « ce qui a été » … Précisons que notre ethnographie repose sur le suivi de deux guildes appartenant à des serveurs et des factions différentes de WoW, l’objectif étant de tendre vers une certaine représentativité en multipliant (dans la mesure du raisonnable pour une approche qualitative) les points de vue. C’est aussi avec cet esprit que nous avons choisi ces deux groupes d’avatars particuliers parmi les milliers de guildes existantes, puisqu’une étude des quelques données dessinant les contours de la morphologie de ce monde indiquent qu’entre un 3 tiers et la moitié des guildes se définissent comme « semi-HL » . Cette 3 Ces données proviennent principalement de WoWProgress et RaiderIO, des sites spécialisés, permettant un tracking de l’évolution et de la composition de l’ensemble des guildes existantes sur World of Warcraft. ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 436 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) identification comme « semi-HighLevel » indique de ces groupes qu’ils souhaitent se donner les moyens d’aborder le maximum de contenu possible des raids (soit, tuer le plus de boss possible) tout en gardant un temps de connexion raisonnable leur permettant de vaquer « normalement » à leurs occupations quotidiennes (travail, vie de famille, autres hobbies, …). Concrètement, ils dédient donc, en moyenne, trois soirées (de 20h30 à minuit) par semaines à effectuer des raids. Notons que si ce temps peut sembler conséquent, il est très inférieur à celui des guildes « HighLevel » qui alternent entre des périodes de progress où elles dédient des journées entières aux raids (de 10h à minuit) et des périodes de farm où elles ne raident plus que cinq soirs par semaine. 4 La première guilde que nous avons suivie (Guilde A ) raidait le mardi, jeudi et dimanche. Et la seconde (Guilde B) le lundi, mercredi et dimanche. Il nous a, en effet, était impossible de trouver deux guildes n’ayant pas au moins un soir de raid en commun, aussi nous avons convenu avec chacun de ces groupes que nous raiderions une semaine sur deux avec eux. Il est aussi important de noter que les combats contre les boss de raids durent, généralement, entre cinq et dix minutes et sont caractérisés par un rythme précis. Pour l’emporter les groupes d’avatars doivent effectuer un enchainement d’actions où la moindre erreur d’un avatar peut entrainer la perte de ses 29 coéquipiers. Dans le cadre d’une ethnographie, cela place le chercheur face à une double contrainte (Bateson et al. 1956) : le besoin de pouvoir observer attentivement ce qui se joue devant ses yeux et l’impératif de ne pas altérer le déroulement des événements par une présence-absence où son avatar serait présent mais immobile car le chercheur serait en train de prendre des notes de son côté de l’écran. L’engagement cognitif exigé par l’espace-temps du raid et les 4 Pour des raisons d’anonymisation nous appellerons les guildes Guilde A et Guilde B et les avatars seront numérotés. Sachant que Guilde A fera référence tout au long de ce document au même groupe et qu’il en va de même pour les avatars, en précisant que lorsque nous parlons d’un avatar nous faisons référence à l’ensemble des avatars appartenant à un utilisateur. Ainsi, si nous avons guerroyé aux côtés de plusieurs avatars appartenant au même utilisateur nous ferons référence à l’ensemble de ces derniers sous le même nom. ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 437 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) problèmes qu’il suppose a déjà été relevé par d’autres ethnographies (Nardi 2010; Berry 2012) et la capture d’écran (screenshot), soit le recours à l’image fixe, semble avoir été la résolution majoritairement adoptée. 3.3 … au déploiement d’une méthodologie C’est donc partiellement conscient du caractère problématique de cette situation que nous avons entrepris la recherche d’une méthode nous offrant la possibilité de ne pas nuire aux événements tout en ayant la liberté de les observer pleinement. Par un procédé de « bricolage » (Lévi-Strauss 1990) nous sommes parvenus à mettre en place un système de captation audiovisuelle de ces raids. D’abord épars et tâtonnant, avec le temps et en répondant pragmatiquement à deux questions principales : que doit-on capter ? et comment le faire ? nous sommes parvenus à rendre nos outils plus précis et notre méthode plus sûre. Ainsi, dans un premier temps s’est posée la question de ce qui devait être capté : l’entièreté de notre temps de présence dans le monde numérique ou seulement l’espace-temps des raids ? Il s’est rapidement avéré qu’il était techniquement difficile d’enregistrer chaque instant de connexion de nos avatars dans la mesure où nous cumulons plusieurs milliers d’heures de présence et que même si l’enregistrement ne se faisait qu’à 30 Images Par Secondes (reduisant de moitié la cadence par rapport à celle du jeu) chaque heure d’enregistrement pèse plusieurs Go de données. Outre le fait qu’un tel choix aurait supposé plusieurs To de données, il est incontestable qu’en dehors de l’espace-temps des raids le ralentissement du rythme des interactions permet le retour à une prise de note classique. Nos captations se sont donc rapidement concentrées sur les raids. Notre deuxième préoccupation concernait la solution logicielle à adopter pour obtenir des enregistrements satisfaisants. Si dans un premier temps nous avions opté pour le software 5 fourni par le constructeur de notre carte graphique (PlaysTV ) et le célèbre 6 FRAPS , il s’est rapidement avéré que ces solutions étaient trop instables ou 5 https://plays.tv/ 6 http://www.fraps.com/ ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 438 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) couteuses. Après plusieurs essais notre choix définitif s’est porté sur deux solutions particulièrement stables, peu gourmandes en ressources et aux 7 8 licences abordables : Bandicam et Action! . La principale problématique s’étant posée lors des enregistrements concernait la captation sonore. En effet, dans la mesure où il est d’usage que les membres d’une guilde communiquent oralement par le biais de logiciels externes au monde numérique il était nécessaire d’enregistrer les sons émis par l’intégralité des programmes en cours d’exécution tout en réduisant les parasitages provenant de notre micro. Le choix retenu a été de couper ce dernier, ce qui n’était guère dérangeant pour le déroulement des interactions puisque, conformément à la méthode ethnographique, nous nous sommes efforcés d’entretenir une posture en retrait afin de limiter les perturbations produites par notre présence. Dans sa forme finale notre méthode permet d’enregistrer l’espace-temps du raid tel qu’il apparaissait sur notre écran (cf. illustration 1.), en y ajoutant la piste audio des échanges vocaux menés par la guilde et en cachant toutes les autres applications en cours d’exécution. 7 https://www.bandicam.com/fr/ 8 https://mirillis.com/fr/produits/action-enregistreur-d-ecran.html ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 439 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Illustration 1. Capture d'écran présentant le point de vue obtenu par le dispositif de captation 4 Processus analytique Tout au long de cette période de bricolage méthodologique ces éléments n’avaient d’autres finalités que de permettre de garder une trace de ce qui a été. A la manière des photographies alimentant tout carnet de terrain. Ainsi cinq soirs par semaine, pendant plus d’un an, nous avons lancé, presque machinalement (avec quelques oublis tout de même), notre processus de captation. Sans avoir une idée précise de ce que nous allions en faire, ni de comment nous allions appréhender ces données mais, avec la certitude que les raids étaient des pièces essentielles de la vie des guildes. 4.1 Délimitation du corpus C’est après plusieurs mois d’enregistrement et en réexaminant ces vidéos que nous avons fait deux constats. D’une part, nous comptabilisions déjà plus de quatre cents heures de captations et cette quantité s’incrémentait toutes les semaines. Et, d’autre part, le visionnage de ces vidéos révéla qu’effectivement pendant les raids il se jouait autre chose que l’unique tentative de vaincre des boss de plus en plus puissants. C’est à partir de ces données que nous avons ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 440 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) pu formuler l’hypothèse que les raids sont d’un point de vue communicationnel, interactionnel et social d’importantes expériences collectives où la structure du groupe se forge et se consolide. Fort de cette proposition et d’une quantité de matériaux nous paraissant suffisant pour la mettre à l’épreuve nous avons entamé une phase de tri de ces données de manière à former un corpus cohérent. Pour cela et après avoir recensé l’intégralité de nos enregistrements, nous avons commencé par écarter tous ceux qui étaient inexploitables (principalement parce que le son et/ou l’image étaient de mauvaise qualité). Ensuite, nous avons classé chronologiquement les captations de manière à pouvoir les rapporter aux cycles rythmant la vie de WoW, car il nous faut encore préciser qu’il n’y a pas un raid mais plusieurs dizaines de raids. Or, si les membres d’une guilde ne trouveront pas grand intérêt à terrasser les boss des anciens raids, tout l’enjeu consiste à affronter ceux du dernier raid en date. Ce qui implique qu’un nouveau raid est implémenté dans le monde numérique, en moyenne, tous les trois à quatre mois. Ainsi, en croisant les dates de sortie des raids, les dates auxquelles les guildes A et B ont fait des raids et les dates de nos captations, nous sommes parvenus à trouver une période correspondant à un raid précis où nous avions pu participer à une majorité des soirées organisées par nos guildes et où nous avions pu enregistrer ces participations. Guilde A Guilde B Date première soirée de raid 24 janvier 2017 18 janvier 2017 Date dernière soirée de raid 14 mars 2017 er 1 mars 2017 Nombre de participations (taux de participation par rapport au nombre total 29 (65%) 31 (70%) de soirées de raid sur la période) Nombre de raids enregistrés (taux par 29 (100%) 31 (100%) rapport à la participation) Nombre de vidéo exploitables (taux) 24 (88%) 31 (100%) ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 441 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Nombre d’heures totales de vidéos 63,5 heures 87 heures Tableau 1. Récapitulatif des informations concernant les captations formant le corpus d'analyse Le tableau (1) permet de récapituler les éléments qui nous ont conduits à choisir cette période précise pour former notre corpus. Toutefois, deux éléments doivent être soulignés, tout d’abord concernant notre taux de participation (65% et 70%) ; s’il n’est pas très élevé il était mathématiquement difficile d’obtenir une période avec un taux de participation supérieure dans la mesure où, comme nous l’avons dit, l’un des soirs de raid était commun aux deux guildes. De plus, cette période est particulièrement intéressante puisqu’elle correspond exactement à la sortie (le 18 janvier 2017) d’un nouveau raid (appelé Le Palais Sacrenuit). Cela nous a amené à valider ce corpus par rapport à la quantité de données dont nous disposons ainsi qu’au rythme interne à WoW. 4.2 L’analyse, ou la composition avec des limites techniques Face à notre corpus établi nous avons constamment été animé par une problématique : comment embrasser, dans son intégralité, ces cent-cinquante heures d’enregistrement d’un seul regard ? L’objet de ce questionnement étant de parvenir à saisir de manière condensée ce qui se joue dans l’espace-temps des raids. Il nous a rapidement semblé que la réponse adaptée à ce type d’interrogation était de procéder à une analyse descriptive de nos données. Pour mettre en place cette dernière nous avons décidé d’utiliser le logiciel 9 d’analyse qualitative Atlas T.I. dans la mesure où il permet de tagger (ou d’annoter) avec des codes un document vidéo puis de l’analyser et/ou d’exporter les données (vers Excel, entre autres). L’utilisation de ce logiciel repose donc sur la création d’une table de code intégrant toutes les étiquettes que le chercheur souhaite apposer à ses données. Pour la création de notre table nous avons suivi un processus en deux temps : premièrement, nous avons défini quatre catégories principales répondant à notre volonté de saisir 9 https://atlasti.com/fr/ ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 442 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) les dynamiques interactionnelles en jeu au cours d’un raid et pouvant nous permettre d’intégrer l’ensemble des situations susceptibles d’être rencontrées. Les deux premières catégories ont pour fonction d’identifier les interactants en fonction de leur médium de communication : oral ou écrite (via les chats disponibles dans WoW). La troisième permet de définir la thématique de l’interaction et la quatrième de saisir les évènements se déroulant à l’écran mais n’incluant pas systématiquement un processus de communication verbal. Dans un second temps, nous avons rempli de manière empirique ces catégories de codes. C’est-à-dire, qu’en visionnant attentivement les enregistrements nous avons décrit, par le biais des codes, tout ce que nous voyons. Nous avons pris garde de constituer des codes à la fois assez généraux pour ne pas être uniques sans être trop globaux (ce qui nous aurait fait courir le risque de perdre une part non-négligeable de la richesse de ces données). Par exemple, pour ne pas multiplier les interactants de manière inutile lorsqu’un utilisateur changeait d’avatar nous continuions à le coder de la même manière, tout en notant à part qu’un changement d’avatar avait eu lieu. Nous avons aussi créé des ramifications autour de thématiques centrales aux raids. Ainsi, le fait de donner des ordres ou des indications pendant un combat est un élément récurrent mais comportant certaines nuances, à partir du code TM_RL (pour la catégorie « thématique » et le champ « raid lead », soit « chef de raid ») nous avons créé les branches : TM_RL_Question (pour tous les cas où une interrogation était incluse), TM_RL_Reprise (quand une personne est en train de donner des consignes et qu’elle est coupée par une autre qui reprend le leadership), TM_RL_Réprimande (désignant les moments où les consignes sont données avec un ton de réprobation) et TM_RL_Discussion (lorsque la consigne est remise en question ou sujette au débat). Cette méthode nous a permis, par exemple pour la Guilde A, d’arriver à une table composée de 176 codes, dont 54 pour la catégorie Thématique, 45 pour la Communication Ecrite, 42 pour la Communication Orale, 13 pour les Evènements et 22 hors catégories. Si la lecture des quatre catégories que nous avons constituées permet de le lire en filigrane, nous tenons à préciser dès à présent que notre analyse descriptive ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 443 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) n’intègre que la communication verbale, laissant de côté toute la communication non-verbale. Cet état des choses est davantage le résultat d’une forme d’évidence pragmatique que d’un choix. En effet, dans la mesure où toutes les vidéos sont enregistrées depuis le point de vue que nous avions de la situation, il s’agit d’une vision non seulement partielle, mais surtout en déplacement constant. Dans ce cadre, un élément aussi basique que la proxémie inter-avatar suppose de calculer, image par image, la position de tous les avatars nous entourant (ce qui inclut les entrées et sorties de champs) puis de rapporter ces positions à la physicalité du monde numérique. Si ce procédé est théoriquement réalisable, non seulement il nous semblait trop lourd mais, surtout, non-pertinent. Car il ressort des entretiens que nous avons réalisés que la majorité des utilisateurs affirment être incapable de définir avec précision, en temps réel, les avatars les entourant et que leur déplacement est dicté par les besoins du combat (être à tel endroit précis pour éviter une attaque du boss, être à côté d’un autre avatar pour partager une quantité de dégâts, etc.). Il semblerait donc qu’une donnée comme la proxémie relèverait davantage de l’inconscient, c’est pourquoi nous pensons qu’explorer cette dimension demanderait la mise en place d’une démarche plus quantitative et automatisé. On pourrait ainsi penser à un dispositif où la position des membres de plusieurs guildes seraient enregistrés puis analysés pour observer si, en croisant ces données avec celles issues d’entretiens, une corrélation peut apparaitre (par exemple, les avatars se placent-ils en fonction d’affinités ?). 4.3 Constitution des unités d’interaction (UI) Si Atlas T.I. permet d’annoter une image inanimée en la découpant partie par partie, l’annotation d’images animées se fait sur la timeline de celles-ci. C’est ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 444 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html Illustration 2. Capture d'écran de l'interface d'Atlas T.I. pendant une phase de codage
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) donc un passage temporel qui fait l’objet de la codification (cf. capture d’écran ci-dessous). Cette conception permet une visualisation de la manière dont la plupart des analyses audiovisuelles sont conçues : le film est découpé en séquences qui font l’objet d’un minutage et d’une analyse minutieuse (scène par scène ou, parfois, image par image) (Berthier 2011). Cependant, dans le cadre de l’analyse descriptive de la captation d’actions quotidiennes durant plusieurs heures, il est impossible de se reposer (en partie) sur le montage et les prises de vue pour définir des séquences. La principale problématique est donc de parvenir à constituer des segments de vidéo cohérents. Notre focale étant posée sur les interactions tout l’enjeu du processus de segmentation des captations est d’identifier des unités d’interaction (UI) qui fassent sens en elles- mêmes, relativement au contexte. Nous avons pris en compte quatre paramètres pour délimiter chacune des UI composant nos vidéos : le temps, le rythme, les limitations techniques et l’indexicalité. Ces paramètres sont dépendants, c’est leur relation qui permet de borner chaque UI. Nous pouvons illustrer cette démarche à travers la schématisation suivante. Schéma 1. Relation des paramètres permettant la constitution des unités d'interactions Nous voyons que deux paramètres (temps et rythme) permettent de délimiter une UI par rapport à la précédente et la suivante. Le temps est le paramètre ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 445 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) principal de cette dyade dans la mesure où, en général, on observe que si un délai de dix secondes sépare deux échanges communicationnels (discussion verbale écrite et/ou orale) alors il s’agit de deux unités d’interaction distinctes. Cependant, il apparait que ce caractère de généralité provient du fait que le temps n’est pas absolu mais relatif au rythme de l’interaction en cours. Ainsi, lors des périodes où le rythme est soutenu (typiquement durant les combats), ce délai peut se réduire à une ou deux secondes et, inversement, lors des phases plus lentes (comme les pauses) ce délai peut augmenter jusqu’à une vingtaine de secondes. Le rythme module donc le paramètre du temps. Le troisième paramètre, les limitations techniques, intervient tout au long de l’analyse de chaque document en imposant certaines concessions. Par limitation technique, nous entendons le fait que dans la mesure où nous travaillons sur des documents lourds (plusieurs Go) et long (en moyenne 2h38) nous observons un ralentissement systématique de la part du logiciel (freeze et lag) passé un certain nombre d’UI (généralement 200). Ces phénomènes allant ème crescendo, une fois la 500 UI passée il faut compter un délai de réaction d’environ 4 à 5 secondes pour chaque action sur le logiciel. Passée la limite des 700 UI l’annotation du document devient bien trop laborieuse pour être dupliquée à 55 captations. Concrètement, cela a contribué à définir le délai du paramètre temps ainsi qu’au fait que certains éléments n’ont été annotés qu’un nombre de fois limité pour ne pas alourdir le document. Par exemple, lors d’un raid un participant avait des quintes de toux régulières et n’avait pas eu le réflexe de couper son micro quand cela lui arrivait. Dans la mesure où nous nous intéressons principalement à la jonction entre monde physique et monde numérique nous avons prêté une attention particulière à cet élément potentiellement perturbateur pour observer s’il provoquait une réaction de la part des autres participants. Il s’est rapidement avéré que les quintes de toux étaient si nombreuses qu’il n’était pas soutenable de toutes les annoter, après en avoir annoté une vingtaine nous n’avons spécifié que celles induisant une réaction de la part des autres participants. Finalement, le quatrième paramètre, l’indexicalité, directement issue de la ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 446 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) tradition ethnométhodologique (Garfinkel et al. 2007; Fornel et al. 2001; Coulon 2014) permet, sous deux aspects, une validation interne des paramètres précédents. Premièrement, à travers notre connaissance du terrain – acquise par notre posture d’observateur participant – nous sommes à même de repérer les changements de thématiques et les inflexions rythmiques induisant un changement d’UI. Car une UI est avant tout délimitée par son contenu, sa thématique. Si, deux individus commentant le combat en cours sont interrompus par un troisième donnant une indication, cela formera deux UI. Deuxièmement, notre expérience nous permet de comprendre l’ensemble des éléments se déroulant durant le raid (erreur d’un avatar causant sa mort, difficultés des combats, stratégies mises en place, etc.) ce qui nous permet de rattacher chaque UI à son contexte, lequel participe évidemment à la délimitation de chaque interaction. 5 Premiers résultats, limites et perspectives Ayant présenté la méthode que nous avons élaboré pour tenter d’embrasser une importante quantité de données qualitatives, notamment en réalisant une analyse descriptive consistant en la fragmentation de nos documents en unités d’interaction. Nous nous proposons, avant de conclure cet article, de présenter succinctement certains de nos premiers résultats. 5.1 Aperçu global du contenu des raids Premièrement, il apparait que l’exportation des données obtenues par Altas permet une quantification répondant à notre problématique principale : saisir rapidement les dynamiques communicationnelles en jeu lors des raids. Ainsi, si 10 nous prenons l’exemple de la Guilde A , nous sommes en mesure d’interroger une relation entre le nombre de participants à une soirée de raid et le nombre d’UI. Ce qui pose la question de l’effet de la taille du groupe sur la communication : un cercle restreint invite-t-il à plus de conversations ? ou est- ce l’effet de groupe qui engage la communication ? 10 Pour éviter de submerger le lecteur de données, nous avons fait le choix de ne présenter, dans cet article, que des résultats issus des raids captés avec la Guilde A. ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 447 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Nombre total d’UI 10 342 Effectif Moyen 18,2 Moyenne UI 430,9 Médiane UI 457 Ecart-type 143 Moyenne UI / Hr 168,3 Médiane UI / Hr 166,3 Ecart Type 34,6 Tableau 2. Eléments statistiques du corpus de captations de la Guilde A Pour apporter des éléments de réponse à ce questionnement, nous commençons par recenser l’effectif des 24 soirs de raid que nous avons enregistré (effectif moyen de18,2 participants) et le nombre d’UI qui leur sont rattachés (10 342 UI au total, moyenne de 430,9 et médiane de 457). Dans la mesure où la durée des soirées de raid, et donc des enregistrements, est relativement dispersée (écart-type de 143), nous avons décidé de pondérer le nombre d’UI par le temps, en considérant le nombre d’UI par heure. Ce calcul permet de réduire considérablement la dispersion (moyenne UI / Hr de 168,3 avec un écart-type de 34,6). ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 448 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) Figure 1. Diagramme croisant l'effectif du raid et le nombre d'UI/hr pour chaque soirée de raid Ce graphique superposant l’effectif de chaque soirée de raid et la densité des interactions pondéré par le temps qui leur est rattaché met en évidence une certaine dépendance entre ces deux éléments puisqu’on observe qu’une hausse de l’effectif aura tendance à avoir un impact négatif sur la densité des interactions (soirées 2, 9, 18, 19, 22) et inversement un effectif plus faible semble avoir un impact positif (soirées 4, 6, 11). Cependant, il est aussi nécessaire de prendre en compte le fait que les soirées avec un effectif très élevé correspondent à une période de recrutement de la guilde ; l’arrivée de nouvelles recrues peut donc aussi avoir eu un impact sur la dynamique communicationnelle. De plus, il faut aussi considérer que les soirs de raids ayant une durée réduite ont dues avoir un effet sur l’annotation puisque nous avions conscience que le paramètre limitation technique serait moins important pour ces enregistrements. Bien que nous ayons fait tout notre possible pour ne pas être influencé par cet élément, nous ne pouvons écarter un possible biais et donc une surévaluation de la densité des interactions de certains soirs (soirées 16, 20 et 24). ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 449 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
Comunicación y música: mensajes, manifestaciones y negocios Universidad de La Laguna, diciembre de 2018 (2ª edición) 5.2 L’écart entre indication et humour ou la fonction rituelle des raids Deuxièmement, nous pouvons aussi avoir accès à une dimension plus sensible, compréhensive des raids tout en gardant un point de vue global. Il est ainsi possible d’interroger la répartition, parmi les participants, de certaines thématiques particulières. Prenons, par exemple, deux thématiques a priori antagonistes : le fait de donner des ordres ou des indications pendant le combat et les traits d’humour (blagues, moqueries bon enfant, provocations etc.). Notons, qu’en représentation absolue, la thématique « donner des ordres/indications » est bien plus présente que celle portant sur l’humour (respectivement 229,7 UI / raid et 11,9 UI / raid en moyenne). Concernant ces thématiques, on observe deux répartitions radicalement différentes. D’une part, les ordres sont donnés majoritairement par un ou deux individus. S’ils sont deux, ils interviennent tous les deux dans plus de 54% des UI ayant pour thématique « donner des ordres/indications », si c’est une personne, elle participe généralement à plus de 85% de ces UI. Ajoutons, qu’à ce(s) leader(s) s’agrège une petite cohorte (trois à quatre individus) qui participent en moyenne à 5% de ces interactions, quand tout le reste du groupe sera entre 0% et 1%. D’autre part, les traits d’humour sont plus également répartis entre les participants. C’est-à-dire, que cinq à six individus participent à plus d’un quart des UI ayant l’humour pour thématique. Cependant, outre cette différence de répartition pouvant s’expliquer par la dimension plus collective – dans l’interaction – de l’humour par rapport au leadership (qui peut avoir la réputation d’être plus efficace s’il est concentré), ce qui nous semble particulièrement intéressant c’est que peu importe quel avatar tient quel rôle (leader ou non) cette répartition reste sensiblement identique. On assiste donc, d’un soir à l’autre, à une substituabilité des rôles (leader, humoriste d’un soir, …) ; celui qui ne participait guère à la prise de décision devient leader et la cohorte de la veille n’est pas forcément celle du lendemain, mais ce petit groupe assistant/participant à la prise de décision existe toujours. Ce sont ces éléments qui nous font pencher en faveur d’une analyse suggérant une dimension rituelle de l’espace-temps des raids (Goffman 1974; Durkheim ISBN-13: 978-84-17314-13-2/ D.L.: TF 44-2019/ DOI del libro: 10.4185/cac155 Página | 450 Libro colectivo enlínea: http://www.revistalatinacs.org/18SLCS/libro-colectivo-2018-2.html
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