DROITS D'AUTEUR POURQUOI LE NUMÉRIQUE A-T-IL ENCORE DES FRONTIÈRES EN EUROPE ? - Centre européen des ...

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DROITS D’AUTEUR
                      et licences
                paneuropéennes

POURQUOI
LE NUMÉRIQUE A-T-IL
ENCORE DES FRONTIÈRES
EN EUROPE ?

Etude réalisée par le Centre Européen
des Consommateurs France

                                        Avril 2015
DROITS D'AUTEUR POURQUOI LE NUMÉRIQUE A-T-IL ENCORE DES FRONTIÈRES EN EUROPE ? - Centre européen des ...
SOMMAIRE

                                                                                              1
             RESTRICTIONS D’ACCÈS EN RAISON DES DROITS D’AUTEUR
           APPLICABLES : UNE EXCEPTION AUTORISÉE PAR LA DIRECTIVE
                                 « SERVICES » DU 12 DÉCEMBRE 2006

                                                                                              2
    LES TECHNIQUES DE RESTRICTIONS D’ACCÈS AUX CONSOMMATEURS
                                        Le refus de vente ou le « re-routing »           8
                                                                Geoblocking              9
                                                Le cas spécifique des ebooks             9

                                                                                              3
       LA FRAGMENTATION DU MARCHÉ DU NUMÉRIQUE DANS L’UNION
       EUROPÉENNE, EN RAISON DE LA PROTECTION TERRITORIALE DES
            DROITS D’AUTEUR APPLICABLES AUX CONTENUS ÉCHANGÉS
               Le principe de la gestion collective des droits d’auteur                  11
           Une autorisation par Etat membre de l’Union européenne                        12
        Les accords existants en matière de licences multiterritoriales                  13
                 Contrats de représentation réciproques entre sociétés de gestion        13
                                                             Les accords de Sydney       13
                                                           Les accords de Santiago       13

                                                                                              4
      LA POLITIQUE LÉGISLATIVE COMMUNAUTAIRE EN FAVEUR D’UN
        MARCHÉ UNIQUE DU NUMÉRIQUE UNIQUE AU SEIN DE L’UNION
                                                EUROPÉENNE
             Concertation publique pour une licence paneuropéenne                        16
                                                  L’initiative « Licences for Europe »   16
     La consultation publique sur la révision des règles de l’Union européenne en
                                                                                         17
                  matière de droit d’auteur lancée par la Commission européenne

      L’adoption de la directive 2014/26/UE sur les droits d’auteur en
     Europe et la construction d’un marché unique du numérique au                        19
             cœur des objectifs 2015 de la Commission européenne
           Le principal objectif de la directive 2014/26/UE : l’obtention de licences
                                                                                         19
                     multiterritoriales de droit en ligne pour les œuvres musicales
    Le marché unique numérique au cœur des dix priorités de l’Union européenne
                                                                                         21
                                                                          pour 2015
                                Déclaration franco-allemande sur le droit d’auteur       23

                                                                                                  2
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INTRODUCTION

Le Marché unique européen, créé il y a plus de 20               Néanmoins le marché du numérique reste souvent
ans, est une des principales réalisations de l’Union            cloisonné alors que l’on pourrait légitimement
européenne. Il a pour but « d’abolir les obstacles              s’attendre à un monde sur Internet « sans frontière »
et de simplifier les réglementations pour permettre à           et ainsi pouvoir accéder à des services disponibles
tout un chacun dans l’Union européenne (particuliers,           dans d’autres États membres. Cependant, les
consommateurs et entreprises) de profiter pleinement            frontières géographiques restent bien présentes
des avantages que peut procurer un accès direct à 28            dans cet univers dématérialisé.
pays et à quelque 503 millions de personnes »1 .                En effet, de nombreux cybermarchands limitent
                                                                l’accès à des sites de streaming, à des sites de
Dans une Europe où les habitudes de consommation                téléchargement ou à des livres numériques aux
se veulent de plus en plus transfrontalières, où                résidents d’un Etat membre. Il est ainsi souvent
l’Europe ne connait plus de frontières physiques,               impossible de commander sur le site destiné aux
des restrictions dans un monde virtuel et numérique             résidents d’un autre pays que celui de sa résidence.
en fonction du lieu de résidence du consommateur                La raison invoquée pour justifier ces restrictions est,
au sein de l’Union européenne sont difficiles à                 la plupart du temps, légale et trouve son origine
comprendre.                                                     dans la protection des droits d’auteur et droits
Avec le développement d’Internet et des nouvelles               voisins.
technologies, les citoyens européens s’attendent à avoir
accès à tous les contenus numériques disponibles en
ligne, sans tenir compte des frontières géographiques
existantes.

1. http://ec.europa.eu/internal_market/top_layer/index_fr.htm

                                                                                                                     3
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1. LES RESTRICTIONS D’ACCÈS EN RAISON DES
DROITS D’AUTEUR APPLICABLES :
UNE EXCEPTION AUTORISÉE PAR LA DIRECTIVE « SERVICES » DU 12 DÉCEMBRE 2006

                                                                            4
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Le marché unique européen devrait permettre                                                   La directive « services » prévoit comme seule exception
aux consommateurs d’avoir un plus large choix                                                 à ce principe de non-discrimination « la possibilité de
de produits, de faire jouer la concurrence pour                                               prévoir des différences dans les conditions d’accès
avoir accès à une gamme de services plus vaste et                                             lorsque ces conditions sont directement justifiées
intéressante en termes de choix, qualité et prix.                                             par des critères objectifs ». Ainsi peuvent être prévus
                                                                                              dans les conditions générales, « des tarifs et des
La directive « services »2 a ainsi pour but de garantir                                       conditions variables pour la prestation d’un service, si
la liberté de choix des consommateurs au sein de                                              ces tarifs, prix et conditions sont justifiés par des raisons
l’Union européenne et d’interdire les pratiques                                               objectives qui peuvent varier d’un pays à l’autre.
discriminatoires qui seraient basées sur la nationalité
des consommateurs ou sur leur lieu de résidence.                                              Les justifications traditionnellement avancées pour
Ces derniers devraient donc en principe pouvoir                                               opérer une discrimination dans la vente de bien
accéder aux biens et services dans l’ensemble des                                             physiques, comme le coût de livraison ou les risques
Etats membres de l’Union européenne. Pourtant                                                 liés au transport transfrontalier, ne s’appliquent
des restrictions fondées sur le lieu de résidence des                                         pas au monde du numérique. Mais des problèmes
consommateurs existent.                                                                       linguistiques peuvent subsister, d’autant plus que le
                                                                                              service technique peut-être essentiel dans la vente
La directive a un champ d’application très large.                                             de bien en ligne, pour faire face aux problèmes de
L’article 4 de la directive définit comme « services »,                                       téléchargement ou d’utilisation. Le coût de mise en
toute activité économique non salariée, exercée                                               place d’un service après-vente est souvent cité par
normalement contre rémunération.                                                              les entreprises4 .
Elle couvre ainsi aussi bien la vente en gros qu’en
détail, les services d’information que les achats de                                          Cependant, les restrictions apportées au Marché unique
biens sur Internet, les locations de véhicules, les                                           numérique trouvent essentiellement leur source dans
voyages ou encore les téléchargements de musiques,                                            la protection de la propriété intellectuelle sur l’œuvre,
jeux ou livres numériques. Mais sont par exemple                                              à savoir les droits d’auteur et droits voisins. La directive
exclus les services de radiodiffusion.                                                        « services » le prévoit expressément.
Un consommateur devrait donc en principe pouvoir
bénéficier pleinement des opportunités du marché
intérieur et accéder aux biens et services dans
l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne
en faisant appel aux services des entreprises de son
choix dans l’État membre dans lequel il réside ainsi que
dans les autres États membres, sans discrimination.

2. Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur [Journal officiel L 376 du 27.12.2006] 3. Directive
2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, considérant n°95. 4. Discrimination of consumers in the
Digital Single Market, European Parliament Study, IP/A/IMCO/ST/2013-03, p. 19.

                                                                                                                                                                                   5
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Dans une étude réalisée par le réseau des Centres                                 aux consommateurs sur le problème des droits de
Européens des Consommateurs (ECC-Net)5, entre 2010                                propriété intellectuelle dès le début du processus
et 2012, les Centres Européens des Consommateurs                                  d’achat/ de commande6 .
ont soulevé la problématique des restrictions opposées                            Concernant les vendeurs n’ayant pas fourni d’indication
aux consommateurs fondées sur la nationalité ou                                   suffisante quant aux droits de propriété intellectuelle
le pays de résidence du consommateur. Une des                                     applicables aux biens et services vendus, le réseau ECC-
parties du rapport s’est intéressée à la question des                             Net n’était pas en mesure de vérifier si les vendeurs
restrictions en matière de services en ligne. En règle                            n’avaient pas pu acquérir les droits de propriété
générale, ces discriminations concernent des achats                               intellectuelle sur les produits ou s’ils les avaient
transfrontaliers de livres numériques, de jeux en ligne                           acquis, mais qu’ils continuaient à restreindre l’accès des
et le téléchargement de musique.                                                  consommateurs à certains services en raison de simples
L’étude a révélé que dans 15 % des cas les vendeurs                               décisions commerciales.
invoquent l’absence de droits de propriété intellectuelle
ou des restrictions imposées par les éditeurs lorsqu’un                           Dans une étude consacrée aux biens numériques
refus est opposé au consommateur concernant la                                    échangés au sein de l’Union européenne commandée
vente d’un produit ou service en ligne.                                           par la Commission européenne, 1001 sites Internet
                                                                                  vendant de la musique, des ebooks et des jeux vidéo
Voici quelques exemples concrets tirés du rapport :                               en ligne ont été analysés. Cette étude a montré que
                                                                                  seuls 275 sur les 1001 sites analysés, fournissaient des
•    Des consommateurs résidant aux Pays-Bas et en                                informations aux consommateurs sur les restrictions
     Finlande souhaitaient acheter des livres depuis                              géographiques applicables aux contenus numériques
     un site web basé en Angleterre. Le vendeur a                                 vendus.
     rejeté leurs commandes et les a informés qu’il                               De plus, 70% des sites de musique, 59% des sites
     était lié par des mesures légales et des restrictions                        de jeux vidéos et 63% des sites de livres numé-
     émanant des producteurs, dues aux droits de                                  riques donnaient une information jugée moyenne
     propriété intellectuelle. Il a précisé qu’il ne pouvait                      aux consommateurs (sur une échelle de très bonne,
     pas vendre ce type de biens ou services à des                                bonne, moyenne, insuffisante). L’étude soulignait
     personnes qui n’habitaient pas au Royaume-Uni.                               également que sur plus de la moitié des sites, l’in-
•    Des consommateurs résidant en Lituanie, Suède                                formation n’était pas disponible à tous les stades
     et au Royaume-Uni souhaitaient télécharger de                                du processus d’achat et qu’elle était souvent in-
     la musique depuis une plateforme située dans                                 cluse uniquement dans des conditions générales de
     un autre État membre de l’Union européenne et                                vente. Dans seulement 1/3 des cas, les restrictions
     qui appartient à une société internationale. Le                              géographiques applicables au produit faisaient l’ob-
     marchand concerné n’a pas autorisé la requête                                jet d’une information spécifique.
     et a informé les consommateurs qu’il n’avait pas
     acheté les droits de propriété intellectuelle pour
     leurs pays de résidence.

Tous ces cas sont source de frustration pour les
consommateurs. En effet, les œuvres musicales ou
les livres numériques n’étaient pas disponibles dans
d’autres magasins ou étaient plus chers.
De plus, dans l’ensemble de ces litiges, les consom-
mateurs ont été informés des conditions de com-
mandes et des raisons du refus seulement après
qu’ils se soient plaints auprès des sociétés im-
pliquées. Le réseau ECC-Net recommande donc
aux vendeurs de fournir une meilleure information

5 + 6. http://www.europe-consommateurs.eu/fileadmin/user_upload/eu-verbraucher/
PDF_Englisch/Reports/ServicesDirective_FINAL_REPORT.pdf

                                                                                                                                          6
2. LES TECHNIQUES DE RESTRICTIONS D’ACCÈS
AUX CONSOMMATEURS

                                            7
A travers différents mécanismes comme le refus de                                             Le consommateur peut-être également redirigé
vente ou le « re-routing », les distributeurs de contenu                                      automatiquement vers le site internet dédié, sans
numériques bloquent l’accès à certains contenus en                                            parfois nécessairement en être informé, en fonction
fonction de la résidence ou de la domiciliation bancaire                                      de la localisation de son adresse IP. Ce mécanisme
du consommateur. La vente de livres numériques, un                                            est appelé « re-directing » ou « re-routing ». Sur
marché en plein essor, illustre particulièrement les                                          chaque site internet, ou e-shop, sont proposés
obstacles auxquels sont confrontés les consommateurs                                          une autre sélection de biens ou les mêmes biens
européens sur le marché du numérique.                                                         peuvent être vendus à des conditions différentes
                                                                                              (prix plus élevé par exemple)8 . Le Centre Européen
LE REFUS DE VENTE OU LE                                                                       des Consommateurs France, en tant que point de
« RE-ROUTING »                                                                                contact pour les consommateurs dans le cadre de
                                                                                              la directive « services » est régulièrement saisi par
Trop souvent, au sein de l’Union européenne,                                                  des consommateurs européens ayant constaté des
les consommateurs qui souhaitent télécharger                                                  différences des offres au sein de l’Union européenne.
légalement un livre numérique ou de la musique                                                Comme évoqué précédemment, la directive prévoit
ou encore écouter de la musique en streaming                                                  « la possibilité de prévoir des différences dans les
sur un site basé dans un autre État membre, se                                                conditions d’accès lorsque ces conditions sont
voient opposer un refus. Dans la plupart des cas,                                             directement justifiées par des critères objectifs ».
le site indique aux consommateurs une condition de
résidence ou de domiciliation de la carte bancaire                                            Le refus de vente d’un contenu numérique à un
dans le pays de la société qui exploite le site internet.                                     consommateur basé dans un autre Etat membre, est
Il en va de même pour des sociétés qui couvrent                                               parfaitement légal. Il permet de protéger les droits
plusieurs Etats membres mais via des sites Internet                                           d’auteur. C’est pour cette raison qu’en règle générale,
dédiés et des offres spécifiques à chaque Etat membre.                                        le professionnel spécifie dans ses conditions générales
Un consommateur polonais tente par exemple de                                                 de vente que pour des raisons de protection des droits
commander un produit en ligne via un site internet,                                           d’auteur, le téléchargement ne peut être effectué
exploité par une société française. Au moment de                                              que depuis le territoire du siège de la société.
passer commande, le consommateur est invité à                                                 En cas d’exploitation de plusieurs sites avec des noms
communiquer son adresse. Après avoir indiqué son                                              de domaines spécifiques à chaque pays, l’accès ne se
adresse en Pologne, il est alors informé qu’il ne peut                                        fera que sur le site spécialement destiné aux résidents
commander et qu’il doit utiliser la version polonaise                                         de l’Etat membre dans lequel le consommateur a sa
du site internet7 .                                                                           résidence.

7. Discrimination of consumers in the Digital Single Market, European Parliament Study, IP/A/IMCO/ST/2013-03, p. 21.   8. Discrimination of consumers in the Digital Single Market,
European Parliament Study, IP/A/IMCO/ST/2013-03, p. 20.

                                                                                                                                                                                      8
GEOBLOCKING                                                                               sera acceptée.
                                                                                          A l’heure actuelle, les consommateurs ne peuvent
Le problème peut également survenir après l’achat,                                        donc pas (encore) accéder à toutes les offres et ainsi
quand un consommateur a acquis un bien numérique                                          profiter pleinement du Marché unique européen.
dans l’Etat membre depuis lequel est exploité le site                                     Les différents sites ne proposent pas les mêmes ar-
internet marchand et qu’il souhaite télécharger                                           ticles à l’achat ou les proposent à des prix différents.
le contenu acheté et/ou l’utiliser dans un autre Etat                                     Les consommateurs se voient ainsi limités dans
membre9 . Ces mesures de blocages géographiques                                           leurs possibilités de faire jouer la concurrence et
sont appelées « geoblocking ».                                                            d’avoir accès à une gamme de services plus vaste
Exemple : un consommateur s’est abonné à une                                              et intéressante en termes de choix, qualité et prix.
chaîne de télévision et souhaite pouvoir avoir accès                                      Or, il est tout à fait cohérent que le consommateur
à ce contenu, alors qu’il se trouve dans un autre pays                                    moderne, dans un marché virtuel sans frontières
de l’Union européenne. Le fait qu’il se connecte au                                       géographiques, se tourne vers l’offre d’une autre
service depuis un autre pays que celui où il a acquis                                     plateforme marchande que celle de son pays de ré-
les droits, l’empêche de profiter d’un contenu pour                                       sidence.
lequel il aura pourtant payé.10
                                                                                          C’est pour cette raison que la Commission euro-
                                                                                          péenne s’engage pour une meilleure portabilité
De la même façon, des consommateurs qui ont
                                                                                          transfrontalière des livres numériques, mais éga-
souscrit un abonnement à un service de musique en
                                                                                          lement pour une disponibilité de ceux-ci dans plu-
ligne dans leur État membre, peuvent être privés de
                                                                                          sieurs devises.
la possibilité de conserver cet accès à l’occasion de
leurs déplacements ou courts séjours dans d’autres
                                                                                          Les vendeurs de livres numériques tout comme les
États membres.
                                                                                          auteurs cherchent à promouvoir l’accès transfronta-
                                                                                          lier, l’interopérabilité et la découverte d’ebooks au
                                                                                          travers de nouvelles initiatives. Certains vendeurs
LE CAS SPÉCIFIQUE DES                                                                     ont créé des logiciels de lecture afin de permettre
EBOOKS                                                                                    une interopérabilité entre certains formats de livres
                                                                                          numériques et divers appareils de lecture. À ce
Les livres numériques (ebooks) constituent un                                             titre, il est également intéressant de citer l’initiative
cas spécifique, en matière de discrimination sur                                          « ePub » qui est un format de publication électro-
le marché du numérique. Ce marché au dévelop-                                             nique ouvert et standardisé qui permet de lire des
pement rapide est particulièrement dynamique                                              livres numériques via différents appareils. L’objec-
au Royaume-Uni, au Pays-Bas, en Allemagne et                                              tif poursuivi est de permettre aux consommateurs
au Danemark. Au Royaume-Uni, par exemple, la                                              d’avoir un accès plus important aux ebooks et sur
vente de livres numériques a augmenté de 366%11.                                          n’importe quel appareil.

Cependant, encore trop souvent, les consommateurs                                         Pour restreindre l’accès aux biens numériques, les
souhaitant télécharger un ebook sur un site situé                                         sites marchand invoquent la non détention des droits
dans un autre État membre de l’UE que celui dans                                          de distribution dans le pays de résidence de l’acheteur
lequel ils se trouvent physiquement se voient                                             et donc la protection des droits d’auteur et des droits
opposer un refus en raison notamment de la                                                voisins.
domiciliation bancaire de leur carte de crédit.
Exemple : un consommateur français résidant
en Allemagne mais utilisant une carte de crédit
française, ne pourra acheter un ebook depuis une
plateforme marchande allemande. En revanche,
la même opération depuis une plateforme française

9. Discrimination of consumers in the Digital Single Market, European Parliament Study,
IP/A/IMCO/ST/2013-03, p. 18. 10. http://ec.europa.eu/consumers/enforcement/
sweep/digital_content/docs/dcs_complementary_study_en.pdf (p. 55)
   11. Discrimination of consumers in the Digital Single Market, European Parliament
Study, IP/A/IMCO/ST/2013-03, p. 18.

                                                                                                                                                 9
3. LA FRAGMENTATION DU MARCHÉ DU NUMÉRIQUE
DANS L’UNION EUROPÉENNE, EN RAISON DE LA
PROTECTION TERRITORIALE DES DROITS D’AUTEUR
APPLICABLES AUX CONTENUS ÉCHANGÉS

                                              10
L’Union européenne est dotée d’une diversité cultu-                                        Les titulaires de droits ont le choix entre deux
relle très riche qui pourrait être accessible à tous les                                   types de gestion. Ils peuvent choisir de gérer seuls
citoyens européens, quel que soit leur pays de ré-                                         leurs droits, mais peuvent également opter pour une
sidence. Or, l’actuel morcellement du marché du                                            gestion collective. La gestion collective a l’avantage
numérique au sein de l’Union européenne, qui s’ex-                                         d’offrir aux titulaires des droits des conditions de
plique par l’absence d’un système harmonisé de                                             rémunération qu’ils ne seraient pas en mesure
gestion collective des droits d’auteur au niveau de                                        d’obtenir seuls ou de faire respecter eux-mêmes,
l’Union prive les consommateurs européens d’une                                            d’un point de vue national et international. En
certaine partie des possibilités que pourrait leur of-                                     effet, l’auteur ne peut lui-même réunir les moyens
frir le Marché intérieur.                                                                  matériels indispensables à un contrôle sérieux
Un système de gestion collective des droits d’auteur,                                      de l’utilisation de ses œuvres, qu’il lui faudrait
basé sur un principe de territorialité s’est imposé                                        mettre en place s’il voulait lui-même intervenir
dans les Etats membres. Sur le plan international,                                         auprès des divers usagers, souvent très nombreux
quelques accords relatifs à des licences multiterrito-                                     et disséminés géographiquement. De plus, l’au-
riales ont été mis en place.                                                               teur se retrouve souvent en position d’infériorité
                                                                                           numérique pour négocier au mieux les conditions
                                                                                           d’utilisation de ses œuvres13.
LE PRINCIPE DE LA GESTION                                                                  La gestion collective des droits d’auteurs n’est pas
COLLECTIVE DES DROITS                                                                      développée de la même façon dans tous les secteurs
                                                                                           de la création. Dans le secteur du cinéma par
D’AUTEUR
                                                                                           exemple, les licences sont dans la plupart des cas
                                                                                           concédées par les titulaires de droits individuels,
Afin de pouvoir diffuser des contenus protégés
                                                                                           directement. Dans le secteur de la musique, la
comme c’est le cas notamment pour la musique,
                                                                                           gestion des droits est, le plus souvent, assurée par
les livres ou les productions audiovisuelles, il est
                                                                                           des organismes de gestion collective.
nécessaire d’obtenir l’accord des titulaires des droits
d’auteur et des droits voisins. Ainsi les prestataires
                                                                                           Ces sociétés servent d’intermédiaires entre les
de services en ligne, qui permettent aux consomma-
                                                                                           titulaires de droits et les prestataires de services qui
teurs de télécharger de la musique ou de l’écouter
                                                                                           souhaitent utiliser les œuvres. De façon concrète, elles
en mode continu doivent demander au préalable le
                                                                                           concèdent des licences de droits aux prestataires de
droit d’utiliser ces œuvres. Ces droits appartiennent
                                                                                           services, en perçoivent les redevances, et redistribuent
aux auteurs, artistes interprètes, producteurs, édi-
                                                                                           ensuite celles-ci aux titulaires des droits.
teurs.
                                                                                           Les sociétés de gestion collective ont ainsi pour
En application de la directive 2001/29/CE sur
                                                                                           mission de collecter, gérer et redistribuer les revenus
l’harmonisation de certains aspects du droit
                                                                                           provenant de l’exploitation des droits d’auteur. Cette
d’auteur et des droits voisins dans la société de
                                                                                           gestion inclut en outre la réalisation d’un audit
l’information 12 , l’obtention d’une licence afin de
                                                                                           financier sur ces licences ainsi que la surveillance de
pouvoir utiliser ces œuvres est obligatoire. Plus l’offre
                                                                                           l’usage des droits.
de service est vaste, plus le prestataire de services en
ligne devra obtenir de licences d’exploitation.

12. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2001:167:0010:0019:FR:PDF   13. Desurmont, Guernalec, Sociétés de perception et de répartition des droits – Notions
générales, Juriclasseur. 1560, §5.

                                                                                                                                                                               11
Il existe plus de 250 sociétés de gestion collective de   UNE AUTORISATION PAR
droits aujourd’hui au sein de l’Union européenne14.       ETAT MEMBRE DE L’UNION
En règle générale, une société de gestion collective
                                                          EUROPÉENNE
de droits représente tous ou quelques droits d’une
catégorie de titulaires de droits dans un État membre
                                                          La diffusion requiert donc en principe une autorisa-
donné (société de gestion collective de droits pour
                                                          tion pour chaque État membre où le contenu sera
les auteurs, une pour les producteurs, une pour les
                                                          accessible au public. Concrètement, pour qu’un site
producteurs audiovisuels par exemple). Ce sont
                                                          Internet en tant que distributeur de l’œuvre puisse
notamment la SACEM en France, la GEMA en
                                                          proposer un téléchargement légal, il doit obtenir de
Allemagne, la BUMA aux Pays-Bas, la SPA au Portugal,
                                                          la part des titulaires des droits d’auteur la permis-
ou encore la PRS au Royaume-Uni.
                                                          sion de faire une reproduction de leur œuvre et de la
                                                          communiquer au public. Cette autorisation de dis-
En France, on compte 27 sociétés de gestion collective
                                                          tribution et d’exploitation est appelée licence.
de droits différentes15. Pour exemple, la SACD est la
                                                          Or, une licence ne peut être accordée par une société
Société des auteurs et compositeurs dramatiques,
                                                          de gestion collective des droits (et non un titulaire
la SACEM est la Société des auteurs, compositeurs
                                                          individuel) que sur le territoire national de cette
et éditeurs de musique ou encore l’ADAMI qui est
                                                          société. Cette autorisation d’exploiter l’œuvre
la Société civile pour l’administration des droits des
                                                          n’aura ainsi d’effet qu’à l’égard du territoire desservi
artistes et musiciens interprètes.
                                                          par la société16.
Par conséquent, les exploitants de musique en
ligne doivent aujourd’hui négocier pays par pays et
                                                          Ainsi les diffuseurs de musique, pour pouvoir com-
répertoire par répertoire avec les différentes sociétés
                                                          mercialiser dans l’ensemble de l’Union européenne,
de gestion. Bien que certains accords internationaux
                                                          doivent demander une licence à chaque société na-
existent depuis quelques années, et que ces accords
                                                          tionale de droits d’auteur concernée : celle dans leur
prévoient un principe de guichet unique afin de
                                                          propre Etat membre et celle dans celui duquel ils
délivrer des licences multiterritoriales, le marché
                                                          opèrent.
de la musique reste fragmenté au sein de l’Union
européenne.
                                                          Bien que certains accords internationaux existent,
                                                          par exemple dans le domaine des licences pour les
                                                          musiques en ligne, chaque société de gestion col-
                                                          lective des droits peut autoriser la diffusion dans le
                                                          monde entier de l’ensemble des œuvres composant
                                                          leur répertoire par les exploitants de sites Internet
                                                          ou de réseaux de téléphonie mobile, mais ces ac-
                                                          cords ne comportent pas une obligation d’accorder
                                                          une licence transfrontière.

                                                          Le développement d’une politique transnationale
                                                          cohérente devient donc indispensable, puisqu’à ce
                                                          jour il n’existe pas de véritable licence communau-
                                                          taire ou « transfrontalière » permettant l’exploita-
                                                          tion des droits d’auteur et des droits voisins en Eu-
                                                          rope.

                                                          14. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-79_fr.htm?locale=fr
                                                          15. Desurmont, Guernalec, Sociétés de perception et de répartition des droits
                                                          – Notions générales, Juriclasseur. 1560, §17. 16. Guibault, E-bulletin du droit
                                                          d’auteur, UNESCO, avril-juin 2005, p. 2 : http://portal.unesco.org/culture/fr/
                                                          files/27418/11514153261guibault_f.pdf/guibault_f.pdf

                                                                                                                                            12
LES ACCORDS EXISTANTS                                                                           Les accords de Santiago
EN MATIÈRE DE LICENCES
MULTITERRITORIALES                                                                              Les accords de Santiago de 2001 avaient pour but de
                                                                                                créer un « guichet unique » grâce à un système de
                                                                                                licences croisées afin de permettre aux utilisateurs
Contrats de représentation réciproques                                                          commerciaux en ligne d’obtenir des licences sur
                                                                                                les droits d’auteur valables pour les répertoires
entre sociétés de gestion                                                                       musicaux de l’ensemble des sociétés et valables sur
                                                                                                leurs territoires.
Les sociétés de gestion collective des droits ont
établi entre elles un réseau global d’accords réci-                                             Les premières sociétés de gestion de droits d’auteur
proques, qui leur permet de se représenter mutuel-                                              à avoir adhéré aux accords de Santiago étaient la
lement dans l’octroi des licences d’exploitation17.                                             BUMA (Pays-Bas), la GEMA (Allemagne), la SACEM
Le répertoire d’une société de gestion collective des                                           (France) et la PRS (Royaume-Uni). Par la suite, toutes
droits désigne l’ensemble des droits qu’elle gère, que                                          les sociétés de gestion de droit d’auteur de l’Espace
ce soit les droits des auteurs, compositeurs, chan-                                             économique européen et la société de droits d’au-
teurs, musiciens etc18. Dans le cadre des accords de                                            teur suisse, la SUISA, ont rejoint ces accords. Il est
représentation réciproque, la société A confie à la                                             à noter que seule la société de gestion de droits
société B, la gestion de son répertoire, relativement                                           d’auteur portugaise, la SPA, n’a pas adhéré à ces
à l’exploitation des droits à l’intérieur du territoire                                         accords.
national de la société B19.
Dans ce cadre, les exploitants bénéficient d’un ac-                                             Dans le cadre des accords de Santiago, un prestataire
cès unique à tous les répertoires auprès de la société                                          de musique en ligne pouvait obtenir une licence mul-
établie dans le pays où les répertoires sont destinés                                           titerritoriale portant sur l’exploitation de l’ensemble
à être exploités, sans avoir à solliciter une autorisa-                                         des répertoires des sociétés de gestion collectives
tion auprès de chaque société dont le répertoire est                                            des droits, parties aux accords de Santiago. Cette li-
concerné par l’utilisation envisagée. Par exemple,                                              cence était valable dans l’ensemble des territoires
la SACEM assure la gestion des licences paneu-                                                  couverts par ces société.
ropéennes du répertoire anglo-saxon d’Universal                                                 Pour cela, le diffuseur de musique devait s’adresser
Music Publishing. Elles sont le fruit d’accords entre                                           à la société de gestion collective des droits d’auteur
différents organismes de gestion collective.                                                    établie dans son propre pays, d’où le principe de
                                                                                                guichet unique. Ainsi, un fournisseur de contenu
Les accords de Sydney                                                                           basé en Suède ne pouvait obtenir cette licence de
                                                                                                diffusion multiterritoire qu’auprès de la société
                                                                                                suédoise de gestion collective de droits d’auteur, à
Les accords de Sydney de 1987, mettaient en place                                               l’exclusion de toute autre société de gestion collective
l’adaptation du droit d’auteur à la radiodiffusion par                                          européenne20.
satellite ou à Internet et prévoyaient des autorisa-
tions multiterritoires et multirépertoires. Grâce à ces
accords, le radiodiffuseur peut obtenir auprès d’une
seule société d’auteur une autorisation qui couvre
l’ensemble des territoires couverts par l’empreinte
satellite.

17. Guibault, E-bulletin du droit d’auteur, UNESCO, avril-juin 2005, p. 2 : http://portal.unesco.org/culture/fr/files/27418/11514153261guibault_f.pdf/guibault_f.pdf 18. http://
europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-79_fr.htm?locale=fr 19. Guibault, E-bulletin du droit d’auteur, UNESCO, avril-juin 2005, p. 2 : http://portal.unesco.org/culture/
fr/files/27418/11514153261guibault_f.pdf/guibault_f.pdf 20. Guibault, E-bulletin du droit d’auteur, UNESCO, avril-juin 2005, p. 8 : http://portal.unesco.org/culture/fr/
files/27418/11514153261guibault_f.pdf/guibault_f.pdf

                                                                                                                                                                                   13
Selon la Commission européenne, les accords de                Dans un rapport émanant de la commission des
Santiago sont contraires aux règles de concurrence            affaires juridiques en date en date du 5 mars 200725, le
de l’Union européenne21 . Chaque société de ges-              Parlement européen a pris position par rapport à cette
tion collective disposait d’un monopole sur les li-           recommandation de la Commission européenne, en
cences multiterritoriales octroyées à ses propres             appelant au contraire à une réforme législative, s’ap-
nationaux22. Cela empêchait toute concurrence entre           puyant sur le système de gestion collectif des droits et
les sociétés relativement aux conditions de licence           permettant l’octroi de licences multiterritoriales par les
ou aux frais d’administration. En effet, les accords          sociétés de gestion des droits. La directive 2014/26/
de licences croisées que les sociétés de droits d’au-         UE s’inscrit pleinement dans cette réflexion.
teur ont conclu entre elles entraîneront un verrouil-
lage réel des territoires nationaux, transférant ainsi        Internet est venu profondément transformer les
à l’Internet les monopoles nationaux que ces socié-           habitudes de consommation et l’économie numé-
tés détenaient traditionnellement dans le monde               rique a été l’un des principaux facteurs de crois-
hors ligne. La Commission estime qu’il devrait y              sance ces deux dernières décennies26. La perte de
avoir une concurrence entre les sociétés de droits            territorialité propre au marché numérique appelle
d’auteur, car cela bénéficierait aux sociétés qui pro-        une adaptation du cadre législatif européen afin
posent de la musique sur Internet et aux consom-              de permettre le développement de ce marché en
mateurs qui l’écoutent.                                       plein essor.
Dans sa décision C (2008) 3435 final du 16 juillet
2008 23, la Commission européenne a ainsi condamné
24 sociétés de gestion européennes de droits au titre
de leurs accords de réciprocité dans les secteurs de
l’exploitation en ligne, la retransmission par câble
et la radiodiffusion par satellite. La Commission
européenne a estimé qu’une clause de limitation
territoriale présente dans ces accords était contraire
au droit de la concurrence de l’Union. Cette clause
prévoyait que chaque société de gestion devait
confier la gestion de son répertoire auprès d’une
société sœur sur le territoire d’exercice de celle-
ci. Selon la Commission, cette clause procédait
d’une pratique concertée contraire au droit de la
concurrence de l’Union.

De plus, dans une recommandation 2005/737/CE24,
relative à la gestion collective transfrontière du droit
d’auteur et des droits voisins dans le domaine des
services licites de musique en ligne, la Commission
européenne encourageait les ayants droit à délivrer
directement aux exploitants de services en ligne des
autorisations multiterritoriales hors du cadre des
accords de représentation réciproque.

21. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-04-586_
fr.htm?locale=fr 22. C(2008) 3435 final du 16 juillet 2008,
§ 207. 23. http://ec.europa.eu/competition/antitrust/
cases/dec_docs/38698/38698_4570_1.pdf 24. http://
www.wipo.int/wipolex/fr/details.jsp?id=8613 25. http://
www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//
TEXT+REPORT+A6-2007-0053+0+DOC+XML+V0//FR
   26. http://ec.europa.eu/licences-for-europe-dialogue/en/
content/about-site

                                                                                                                     14
4. LA POLITIQUE LÉGISLATIVE COMMUNAUTAIRE EN
FAVEUR D’UN MARCHÉ UNIQUE DU NUMÉRIQUE AU
SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

                                               15
En 2013, la Commission européenne a lancé une                                                  L’initiative « Licences for Europe »
vaste consultation publique sur la réforme des droits
d’auteur pour les adapter au marché numérique.
Cette consultation a abouti à l’adoption de la direc-                                          Le dialogue multilatéral « Licences pour l’Europe »,
tive 2014/26/UE concernant la gestion collective du                                            lancé en 2013, avait comme objectif de présenter
droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de li-                                        des solutions afin de lever les principaux obstacles
cences multiterritoriales de droits sur des œuvres                                             à la circulation des contenus à l’ère numérique.
musicales en vue de leur utilisation en ligne dans                                             Cette initiative souhaitait rassembler les parties
le marché intérieur27. Cette directive est le premier                                          concernées pour un dialogue commun et la recherche
achèvement de la politique législative commu-                                                  de solutions, à même de répondre aux nouvelles
nautaire en faveur de la construction d’un marché                                              problématiques soulevées avec le développement
unique du numérique. En 2015, la Commission a af-                                              des nouvelles technologies.
fiché sa volonté de poursuivre le mouvement amor-                                              L’initiative a duré 10 mois rassemblant divers acteurs
cé par une nouvelle réforme, annoncée pour l’au-                                               des secteurs de la musique, de l’édition, du jeu vidéo et
tomne 2015.                                                                                    de l’audiovisuel ainsi que des prestataires de services
                                                                                               internet, des internautes, des consommateurs, des
                                                                                               institutions.
CONCERTATION PUBLIQUE                                                                          Lors de la session de clôture qui s’est tenue le 13
POUR UNE LICENCE                                                                               novembre 2013, dix engagements28 ayant pour but
                                                                                               « d’apporter plus de contenu en ligne »29 ont été
PANEUROPÉENNE
                                                                                               dégagés. Ces engagements s’articulent autour de
                                                                                               plusieurs thématiques dont notamment :
En 2013, la Commission européenne a lancé un
dialogue sur le thème « Licences pour l’Europe »
                                                                                               1. La portabilité transfrontalière pour permettre aux
suivi d’une consultation publique sur la révision
                                                                                               consommateurs d’avoir accès chez eux aux services
du droit de l’Union en matière de droits d’auteur.
                                                                                               en ligne pour lesquels ils se sont abonnés, mais éga-
Ces deux initiatives avaient pour but de rassembler
                                                                                               lement lors de leurs déplacements privés ou profes-
tous les acteurs de la chaîne de création artistique
                                                                                               sionnels à l’étranger.
(auteurs, producteurs, sociétés de gestion collective,
distributeurs, consommateurs) pour adapter la                                                  2. Les micro-licences pan-européennes [dites
protection des droits d’auteur aux enjeux du marché                                            « licences one-click »] proposées par l’industrie
numérique.                                                                                     musicale aux PME et petits utilisateurs pour insérer
                                                                                               des musiques sur leur site internet en respectant les
                                                                                               droits d’auteur applicables au contenus utilisés.

27. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2014.084.01.0072.01.FRA    28. http://ec.europa.eu/internal_market/copyright/docs/licences-for-
europe/131113_ten-pledges_en.pdf 29. Ten pledges to bring more content online

                                                                                                                                                                       16
3. Un protocole d’entente sur la numérisation                                              La consultation publique sur la révision
des films prévoyant une collaboration entre les
cinémathèques et les ayants droits pour numériser                                          des règles de l’Union européenne en
des films du patrimoine cinématographique.                                                 matière de droits d’auteur lancée par
4. Le « mining-hub » proposé par les éditeurs, aux
                                                                                           la Commission européenne
chercheurs qui souhaitent effectuer des recherches
automatiques dans des publications scientifiques
(« text and data mining »)...                                                              Entre le 05.12.2013 et le 05.03.2014, la Commission
                                                                                           européenne a invité toutes les parties intéressées, en
                                                                                           particulier les consommateurs, utilisateurs, interprètes,
                                                                                           éditeurs, producteurs, radiodiffuseurs, intermédiaires,
                                                                                           distributeurs ou tout autre fournisseur de services,
                                                                                           sociétés de gestion collective, autorités publiques
                                                                                           et États membres à participer à une consultation
                                                                                           publique30.
                                                                                           L’objectif de cette consultation était de réunir les
                                                                                           contributions de toutes les parties concernées sur
                                                                                           la révision des règles de l’Union européenne en
                                                                                           matière de droits d’auteur et son harmonisation en
                                                                                           Europe. Certains thèmes ont été mis en exergue.
                                                                                           Il s’agissait de la fragmentation du marché, de la
                                                                                           territorialité, de l’harmonisation des droits d’auteur,
                                                                                           des limitations et exceptions du droit d’auteur à l’ère
                                                                                           du numérique31.
                                                                                           Les résultats de cette consultation ont été rendus
                                                                                           publics en juillet 201432.

    Présentation des parties concernées ayant répondu à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur la
                                                             33
    révision des règles relatives au droit d’auteur en Europe .

30. http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2013/copyright-rules/docs/consultation-document_en.pdf (consulté le 17/06/2014) 31. http://europa.eu/rapid/press-release_
IP-13-1213_fr.htm?locale=fr 32. http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2013/copyright-rules/docs/contributions/consultation-report_en.pdf 33. Page 5 du rapport
“Report on the responses to the Public Consultation on the Review of the EU Copyright Rules”

                                                                                                                                                                           17
La première partie de la consultation était consacrée                                          ciales des fournisseurs de services de déterminer
à l’accessibilité transfrontalière des services qui                                            comment, quand et où les services distribuant
diffusent des contenus protégés en ligne.                                                      un contenu numérique sont mis en œuvre. Très
                                                                                               souvent, les auteurs et artistes soutiennent qu’il n’y
•     Les consommateurs                                                                        a pas de réelle demande de services frontaliers et
                                                                                               qu’ainsi les fournisseurs de service ne peuvent pas
Une grande majorité d’entre eux rencontre des                                                  effectuer une analyse de rentabilité. Ils avancent en
problèmes quand ils essaient d’accéder à des services                                          outre les différences culturelles, linguistiques et ré-
en ligne dans un autre État membre de l’Union34. Ils                                           glementaires entre les États membres pour justifier
déclarent qu’ils sont régulièrement confrontés à des                                           l’absence de services transfrontaliers.
restrictions d’accès qui dépendent de la localisation                                          Ils pensent en revanche que les problèmes d’octroi de
de leur adresse IP.                                                                            licences d’exploitation dans le secteur de la musique
Les consommateurs estiment que ces restrictions                                                en ligne devraient être atténués avec la nouvelle
impactent de façon négative leur liberté de choix. Ils                                         directive sur la gestion collective des droits d’auteur36.
n’ont accès qu’à une sélection nationale alors qu’un
contenu plus riche serait disponible s’ils avaient                                             •     Les fournisseurs des services en ligne
un accès plus large aux biens culturels en ligne
disponibles au sein de l’Union européenne.                                                     Les sociétés, qui fournissent des services en
                                                                                               ligne, pointent le manque d’information sur le
De plus, les consommateurs soulignent que la redi-                                             contenu (qui représente quels droits et sur quels
rection vers leur site national conduit souvent à des                                          territoires ?). Selon elles, c’est la cause principale des
discriminations au niveau du prix pour des produits                                            problèmes liés à la délivrance de licences au sein du
et services identiques. Les prix varient selon les État                                        Marché unique. La fragmentation des répertoires
membres. Certaines personnes interrogées notent                                                musicaux, le besoin de devoir contracter plusieurs
que, par exemple, quand ils veulent acheter un jeu                                             interlocuteurs et l’inefficience des sociétés de
vidéo en ligne, le prix de ce produit peut être plus                                           gestion collective de droit d’auteur sont aussi cités
élevé sur leur site national de leur pays de résidence                                         comme des obstacles pour lancer de nouveaux
que sur les autres sites de la même enseigne situés                                            services.
dans d’autres États membres.                                                                   Certains fournisseurs de services (comme les four-
Certains participants soulignent également que les                                             nisseurs de vidéos à la demande) indiquent qu’ils
mesures technologiques de protection utilisées par                                             sont contractuellement contraints d’empêcher un
les fournisseurs de services afin de faire respecter                                           accès transfrontalier à leurs contenus (car les li-
les restrictions nationales rendent très difficiles                                            cences d’exploitation sont des licences territo-
voire impossibles l’accès à leurs propres services ou                                          riales). Cela signifie que les fournisseurs de vidéos
produits nationaux quand ils voyagent ou habitent                                              à la demande ne peuvent autoriser les contenus
à l’étranger.                                                                                  que dans un seul pays et doivent mettre en place
Les utilisateurs en appellent donc à un « droit d’auteur                                       des systèmes de DRM (identification et blocage
commun » en Europe.                                                                            d’adresses IP étrangères), qui empêchent l’accès
                                                                                               transfrontalier et la portabilité des services. Les
•     Les auteurs et artistes interprètes                                                      fournisseurs de services en ligne font également
                                                                                               référence à d’autres facteurs qui ne sont pas liés
Les auteurs et les artistes interprètes considèrent                                            au droit d’auteur comme le risque de fraude et de
en règle générale que le déficit de l’accessibilité                                            non-paiement, les coûts de traduction qu’engen-
transfrontalière des contenus ne résulte pas du fait                                           drerait l’accès au service pour tous les consomma-
que le droit d’auteur soit territorial ou qu’il soit dû                                        teurs de l’Union européenne, le coût de la mise en
à des problèmes de licences35 . Ils soulignent que                                             conformité avec les différentes règles nationales de
les licences multiterritoriales sont disponibles                                               protection des consommateurs.
(au moins dans le secteur des livres, de l’image et
de la musique) et qu’il s’agit de décisions commer-

34. Page 6 du rapport précité   35. Page 7 du rapport précité   36. Directive 2014/29/CE, cf. page (renvoi interne dans le document).

                                                                                                                                                      18
Ces derniers obstacles sont communément mis en            L’ADOPTION DE LA DIRECTIVE
avant par les professionnels exerçant une activité        2014/26/UE SUR LES DROITS
transfrontalière. En matière de biens numériques,
                                                          D’AUTEUR EN EUROPE ET LA
s’ajoute, en plus des problèmes spécifiques de droits
d’auteur, le coût du service après-vente en plusieurs     CONSTRUCTION D’UN MARCHÉ
langues, nécessaire en matière de services liés           UNIQUE DU NUMÉRIQUE AU
aux technologies. Les sociétés de fourniture de           CŒUR DES OBJECTIFS 2015 DE
services en ligne en appellent à une simplification       LA COMMISSION EUROPÉENNE
de processus d’octroi de licences au sein de l’Union
européenne.
                                                          Le principal objectif de la directive
•   Les Etats membres
                                                          2014/26/UE : l’obtention de licences
Les États membres qui ont répondu à la consulta-
                                                          multiterritoriales de droit en ligne pour
tion, ont reconnu que la question de l’exploitation
de contenus en ligne de manière transfrontalière          les œuvres musicales
était un problème important dont il fallait débattre.
Certains États membres mentionnant le dialogue            Cette directive a pour but de simplifier la gestion
« Licences pour l’Europe », soulignent l’impor-           collective des droits d’auteurs au niveau européen
tance de favoriser des solutions basées sur l’état        afin de l’adapter au développement de l’Internet.
du marché (par exemple sur la portabilité du conte-       Ces dispositions devront être transposées dans les
nu). Ceci permettrait d’améliorer la disponibilité        législations nationales des Etats Membres avant le
transfrontalière des contenus numériques et plus          10 avril 2016.
généralement la législation. En effet, les secteurs       Cette nouvelle directive européenne encadre l’oc-
concernés sont différents et les spécificités de cha-     troi de licences multiterritoriales. Cela devrait per-
cun doivent être prises en compte. Le besoin de           mettre aux prestataires de services d’obtenir plus
préserver la diversité culturelle et les préférences      facilement les licences nécessaires à la diffusion
des consommateurs est également souligné.                 de musique dans toute l’Europe, avec, pour les
                                                          consommateurs un plus grand choix de musique en
Partant de ce constat, la directive 2014/26/UE sur        téléchargement ou en streaming. La directive vise
la gestion collective des droits et sur l’octroi de       également à assurer une bonne perception des re-
licences multiterritoriales pour les utilisations des     venus pour les artistes par une plus grande transpa-
œuvres de musique en ligne (et plus généralement          rence dans la gestion des sociétés de gestion collec-
le rôle joué par les sociétés de gestion collectives) a   tive des droits.
été adoptée.

                                                                                                             19
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