Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain

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Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
Salsa picante
SOMMAIRE
FOCUS RÉALISATEUR - Mariano Llinás / p.2
FOCUS RÉALISATEUR - Federico Veiroj / p.3
FOCUS RÉALISATRICE - Icíar Bollaín/ p.4
Yuli / p.5
FOCUS RÉALISATEUR - Jaime Rosales/ p.6
Petra / p.7
Las niñas bien / p.8
Oreina / p.9
La familia / p.10
José / p.11
Un coup de maître / p.12
Les Regards - Habita et Istmeño / p.13

                                            5
Kesk’hispas / p.15
Après les Reflets / p.16
¡ Que les maten a todos ! / p.18
Page de remerciements / p.19
Grille des programmes / p.20
                                                1
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
FOCUS RÉALISATEUR

                                                 Mariano Llinás
S'il y a un mot que Mariano Llinás,         Profondément pensée pour le ciné-          Et ce film n'a pas d'objectif en soi ;
réalisateur de La Flor, abhorre, c'est      ma, La Flor plonge le spectateur dans      pour lui, « ce film ne dit rien ! ». Il
bien celui d' « hommage ». Pour lui,        une expérience purement surréaliste,       nous présente simplement le por-
« les hommages sont faits par les           celle de l'immersion dans une salle        trait de quatre jeunes femmes évo-
maires, les politiques, les présidents      obscure où s'évapore la notion de          luant dans une multiplicité d'univers
qui déposent des fleurs au pied des         temps ainsi que la frontière entre le      fantastiques qui sont tout autant de
statues. Les cinéastes ne déposent pas      rêve et la réalité.                        références au 7ème art.
de fleurs pour d'autres cinéastes, au       Car pour Llinás, « Le cinéma est un
pire des cas ils volent les fleurs qui                                                 Le fil d’Ariane de toutes ces his-
                                            objet projeté. La télévision concentre
ornent leur tombe pour les donner à                                                    toires, c'est la fiction elle-même, la
                                            la lumière. Pourquoi, si les séries sont
d'autres ! ».                                                                          fiction comme matière, « comme
                                            si bonnes, ne sont-elles pas proje-
                                                                                       sujet et pas comme un outil pour
                                            tées ? Ou les matchs de foot, le jour-
Nous tenterons donc ici de ne pas                                                      arriver quelque part ». La Flor est un
                                            nal télévisé ? Pour moi, la projection
nous lancer dans un hommage ciné-                                                      film fleuve… il faut donc tenter de
                                            est très importante. La Flor n'aspire
matographique, mais plutôt d'esquis-                                                   lâcher prise et de faire corps avec le
                                            pas à se voir à la télévision ou en
ser modestement le portrait de                                                         courant, au risque de s'abandonner
                                            streaming. Ce film a besoin du ciné-
l'homme et de sa vision si particulière                                                à un tourbillon de poésie surréaliste
                                            ma, de la projection ». Cette réflexion
du cinéma et de l'art en général.                                                      dont personne ne ressort indemne.
                                            prend aujourd'hui tout son sens avec
Plus jeune, Mariano Llinás rêvait           l'apparition et l'omniprésence de                                  Lise Durafour
d’être « un personnage de Jules Verne       plateformes de visionnage de films et
et de vivre des aventures ». Fils de        séries qui nous éloignent toujours
Julio Llinás, écrivain et poète surréa-     plus du cinéma en tant que lieu de
liste (ayant notamment fréquenté            rencontre et de découverte, où Paul
André Breton, Boris Vian, Tristan Tzara     Valéry (grande référence de Mariano
ou Pablo Neruda), il suit des études de     Llinás) vantait la beauté du spectacle
cinéma à l'université de Buenos Aires       des « fragments terrestres, offerts à
et réalise rapidement un premier do-        la lumière » qui s'agitaient dans la
cumentaire expérimental, Balnearios         salle obscure.
(2002), lauréat d'un Condor d'argent.
En 2008, Historias extraordinarias          La notion de temps est au cœur de
obtient plusieurs prix. Et puis, bien       l’œuvre ; filmer en continu, sans date
sûr, il y a La Flor, le fruit d'années de   -limite, et adapter les transforma-
réflexion et de travail.                    tions des actrices à la fiction devient    Partie 3 : dimanche 24 mars à 16h30
                                            un mode de vie, une ode à la lenteur
Toutes les œuvres de Llinás reflètent
                                            et à la contemplation. Comme le ré-        Partie 4 : mercredi 27 mars à 16h30
une certaine vision du cinéma, appré-       sume très sérieusement Llinás : « Un
hendé comme « un objet projeté », un        jour on se rend compte qu’on a tour-
rêve éveillé, une hallucination cons-
                                            né un film de quatorze heures ».
ciente, une illusion inexplicable.

                                                                                                                                 2
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
intérieur, ou même parfois juste
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                                                                                   Pareil avec la musique, elle est in-
                                                                                   cluse dans le film pour ses émo-
                                                                                   tions et sa beauté.

                                                                                   V : Vous êtes maintenant en post-
                                                                                   production de El cambista. Pour-
                                                                                   riez-vous nous en parler un peu ?
                                                                                   FV : Oui, j’ai tourné cette année
                                                                                   mon cinquième film en tant que
                                                                                   réalisateur, El cambista. Ça a été
                                                                                   une expérience incroyable, pas
                                                                                   seulement parce que j’ai travaillé
                                                                                   six ans sur l’adaptation du roman –
                                                                                   avec Arauco Hernández et Martín
  FOCUS RÉALISATEUR                                                                Mauregui – mais aussi parce que
                                              Federico Veiroj                      c’était la première fois que je tra-
                                                                                   vaillais avec un casting entièrement
                                                                                   composé d’acteurs professionnels :
Federico Veiroj est né en 1976 à         V : Dans La Vida útil, El apóstata,       Daniel Hendler, Dolores Fonzi, Luis
Montevideo. Diplômé de Sciences          maintenant avec Gonzalo Delgado           Machín, Benjamín Vicuña, Paulo
Sociales de la Communication, il         qui joue Belmonte, vous faites            Betti, Germán de Silva, Jorge Bola-
devient programmateur de film,           jouer des professionnels du ciné-         ni. C’était aussi une production
produit et réalise des courts-           ma avec très peu d’expérience             d’une grosse envergure qui incluait
métrages depuis 1996. Son premier        d’acting. Qu’est-ce qui vous attire       des reconstitutions des années 50,
long-métrage, Acné, a été présenté       en ça ?                                   60 et 70. Je suis extrêmement con-
à la Quinzaine des Réalisateurs à        FV : C’est une histoire d’inspiration.    tent du résultat, même si je suis en
Cannes en 2008 et a été nominé           J’ai écrit La Vida útil pour les ac-      pleine post-production. Dorénavant
pour le Goya du meilleur film hispa-     teurs qui jouaient dedans, j’ai fait la   je me sens véritablement à l’aise à
no-américain en 2009. La Vida útil       même chose pour El apóstata et            l’idée de travailler avec tous les
(A Useful Life) est son second long-     maintenant pour Belmonte. Je              types d’inspiration : livres, mes
métrage. A l’occasion de la sortie de    trouve juste qu’il y a déjà certaines     propres idées, scénarii d’autres
Belmonte (2018), le magazine Varie-      histoires en certaines âmes, qui          auteurs, ou de nouvelles choses qui
ty a réalisé une interview que nous      pourraient déterminer la tournure         pourraient arriver ; j’adore le ciné-
vous présentons ci-dessous.              d’un projet, et je crois en l’imagina-    ma, mais je suis aussi attiré par la
                                         tion et les désirs de ces person-         série télé.
                                         nages déjà installés dans les per-
V : Le premier plan (Belmonte qui        sonnes que je connais bien.                « Federico Veiroj on « Belmonte »,
regarde une statue) pourrait résu-                                                    Art, Montevideo, Emotional sto-
mer entièrement le film. Approuve-       V : C’est votre film qui montre le         rystelling », interview réalisée par
riez-vous ?                              plus Montevideo (la capitale de              Variety (25/10/2018) et traduite
FV : J’ai décidé de commencer le         l’Uruguay). Pourrait-on le prendre                            par Nino Vichard
film avec la statue d’une famille pay-   comme un hommage ?
sanne luttant avec un taureau qui
laboure, car je trouve que cela ré-      FV : Ce n’était pas dans mon inten-
sume très bien le conflit intérieur de   tion de rendre hommage, mais j’ai
Belmonte : un homme consumé par          été inspiré par des lieux tels que le
ses émotions et devant avancer           Musée National, le Théâtre Solís, le
dans sa vie. Le taureau représente       front de mer ou même un magasin
aussi pour moi l’instinct de survie      de fourrure rétro (pas vraiment
enfoui en nous tous. Pour finir, ce      typique de Montevideo finale-
plan du personnage principal obser-      ment). J’adore ces endroits et ça
vant l’image si puissante qui émane      faisait longtemps que j’avais envie
de la statue me permet d’établir sa      de les filmer. Je voulais placer les
vision des choses, son regard, ses       émotions de Belmonte en ces lieux,
                                                                                           Federico Veiroj,
désirs, sa curiosité.                    parfois pour montrer sa mélancolie,
                                                                                            Uruguay, 2018
                                         parfois pour montrer son conflit
                                                                                         Samedi 23 mars à 12h
                                                                                         Mardi 26 mars à 16h30
                                                                                                 Inédit

                                                                                                                           3
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
FOCUS RÉALISATRICE

                                                   Icíar Bollaín
Elle est née en 1967, à Madrid, avec sa       Ken Loach et elle partagent la même         On peut encore citer dans sa filmogra-
sœur jumelle, Marina, dans une famille        volonté de donner la parole à ceux          phie Même la pluie / También la llu-
où l’on peut supposer que les attendait       que l’on veut faire taire et de lutter      via – 2010- dans lequel on assiste, en
une vie confortable. Père ingénieur en        contre l’injustice sociale à travers leur   Bolivie , au tournage d’un film sur la
aéronautique, mère professeur de mu-          œuvre, de film en film. Dans l’en-          conquête espagnole et la résistance
sique. Le franquisme a alors encore           semble de la production d’Icíar Bollaín     des indiens à l’envahisseur, résistance
treize ans à vivre, cependant l’activité      on peut rappeler trois de ses films         qui est mise en parallèle à celle bien
professionnelle de la mère laisse penser      particulièrement marquants.                 contemporaine du petit peuple de
que cette famille n’est pas absolument                                                    Cochabamba contre une multinatio-
conforme au modèle officiel prôné par le      En 1999, Flores de otro mundo – prix        nale qui ayant obtenu le monopole de
régime, matriarcal certes mais quelque        de la semaine de la critique au Festival    l’eau veut la lui faire payer et interdit
peu restrictif quant à la place de la         de Cannes- où l’on voit des femmes          de creuser des puits. Rien de nouveau
femme au sein de la société. En réponse       cubaines et dominicaines arriver dans       sous le soleil !
à la question d’un journaliste de El País     un petit village de Castille pour com-
(interview de juin 2018) « Enfant est ce      bler la solitude des hommes du village      Il faut dire en conclusion qu'Icíar Bol-
qu’on vous imposait des obligations ? »,      dans le cadre d’un projet matrimonial.      laín a été accompagnée, tout au long
Icíar Bollaín elle-même confirme « On ne      Le film touche à bien des problèmes         de sa carrière, par Paul Laverty, son
m’imposait rien ». C’est probablement         de société : vie dans le monde rural,       compagnon et père de leurs trois fils.
grâce à l’ouverture d’esprit de cette fa-     choc des cultures, relation homme /         Ils se sont rencontrés sur le tournage
mille qu’elle a débuté sa carrière dans le    femme… sur un ton qui balance entre         de Tierra y Libertad de Ken Loach.
cinéma, en tant qu’actrice, dans le film      tendresse et âpreté sans exclure des        C’est lui qui est le scénariste de Yuli,
de Victor Erice, El Sur (1983) à l’âge de     moments d’humour. En 2003, Ne dis           programmé cette année aux Reflets.
16 ans. Et c’est probablement aussi           rien / Te doy mis ojos obtient deux         Bonne projection !
parce qu’elle se sentait à sa place dans le   prix Goya, Meilleur Réalisateur et                                   Annie Damidot
monde du cinéma qu’elle a continué à y        Meilleur Scénario. Le film soulève le
évoluer en co-créant en 1991 la maison        problème des violences conjugales,
de production La Iguana.                      gardant, même s’il penche vers la dé-
                                              fense de la femme maltraitée, un re-
Mais c’est sans aucun doute à partir de       gard compatissant sur l’accusé (au
sa rencontre avec Ken Loach, lors de sa       sens étymologique «          qui soufre                       Yuli
collaboration au film Land and                avec »...) en laissant le sentiment que
Freedom / Tierra y Libertad, en tant          celui qui est le bourreau de sa femme                 Voir page suivante
qu’actrice et assistante du réalisateur       est en même temps le bourreau de lui
qu’elle va donner une place prépondé-         -même.
rante à la réalisation.

                                                                                                                                 4
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
En 2004 il apparaît avec d’autres
                                                                                         membres du Ballet National de Cuba
                                                                                         dans le film de Cynthia Newport,
                                                                                         Dance Cuba : Dreams of Flight. Nata-
                                                                                         lie Portman le mettra également face
                                                                                         à la caméra dans un des rôles princi-
                                                                                         paux de son film, New York, I love
                                                                                         You. Aujourd’hui il est au centre de
                                                                                         Yuli où il relève le défi fou d'interpré-
                                                                                         ter son propre rôle. A l’âge de 31 ans,
                                                                                         il décuple encore son art vers l’écri-
                                                                                         ture et commence à rédiger une auto-

                                       Yuli                                              biographie. L’histoire personnelle de
                                                                                         Carlos Acosta lui permet d’avoir un
                                                                                         point de vue unique sur ce que l’art
      Carlos Acosta: Portrait du danseur prodige de la Havane                            devrait apporter, sur ce que devrait
                                                                                         être la danse. “De nombreux artistes
«Un danseur qui traverse l'espace plus vite que quiconque, qui lacère l'air avec des réalisent des choses surréalistes avec
formes si nettes et pointues qu'elles semblent projeter des étincelles. Nadine Meisner – la danse, comme on le ferait avec un
The Independant.                                                                         ordinateur. Ils ne font passer aucun
                                                                                         message, ne vous font pas rêver, ne
   La 35e édition des Reflets se clôturera      New York City Center ou à l’Australian racontent pas d’histoire. Moi, c’est
   avec Yuli, fiction contant la vie de Car-    Ballet.                                  précisément ce que je veux faire. Je
   los Acosta, danseur étoile Cubain re-        Détenteur de nombreux titres honori- veux mettre la danse afro-cubaine, le
   connu dans le monde entier. Derrière         fiques de la discipline, comme le hip-hop, la salsa sous les projecteurs,
   la caméra, Icíar Bollaín (réalisatrice       Grand Prix de l’Union of Writers and là où vous avez plutôt l’habitude de
   espagnole de renommée internatio-            Artists en 1991, le Prix Benois de la voir des classiques, et je veux que la
   nale) s’est plu à mettre en lumière la       Danse en 2008 ou encore le Comman- qualité soit là, pour que ces danses
   vie de cette figure de la danse clas-        deur de l’ordre de l’Empire britan- soient acceptées. Nous vivons dans un
   sique à travers son enfance, ses débuts      nique en 2014, Carlos Acosta est tou- monde de mélanges et je pense que
   et sa vie actuelle pour laquelle il joue     jours sur le devant de la scène aujour- nous devons faire en sorte que la
   son propre rôle.                             d’hui et se produit encore dans le danse classique devienne elle aussi un
   Né en 1973 dans une famille pauvre de        monde entier. Il se lance en 2003 mélange.”
   la Havane et cadet de 11 enfants, Car-       dans l’écriture d’une pièce chorégra- Carlos Acosta, danseur, acteur, écri-
   los Acosta rencontre le monde de la          phiée, Tocororo - un conte Cubain, vain, ne vous laissera pas sans voix
   danse grâce à son père qui l’inscrit         mélange impertinent de rythme afro- dans Yuli et nous permettra de clôtu-
   contre son gré à l’École nationale du        cubain et de danse classique. Une rer en dansant cette édition 2019 !
   Ballet Cubain pour l’éloigner de la rue      pièce hybride aux allures autobiogra-
   et le canaliser. Hyperactif et indiscipli-   phiques créée au Sadler’s Well à                                      Gala Frécon
   né, il gagne pourtant en 1990 la mé-         Londres qui met en scène un jeune
   daille d’or du Prix de Lausanne et sort      cubain qui quitte sa famille et sa cam-
   diplômé en 1991, à l’âge de 17 ans,          pagne à la recherche d’une vie meil-
   avec une mention et la médaille d’or         leure. Mais son talent ne s’arrête pas
   de l’école. Il est considéré dans les an-    aux planches des prestigieux théâtres
   nées 90 comme l’étoile montante du           et opéras ni à l’écriture chorégra-
   ballet cubain ; son talent et sa notorié-    phique ; Acosta approche aussi le 7e
   té lui valent une place de premier dan-      Art.
   seur dans l’English National Ballet à        D’abord à la télé, où il participe à
   l’âge de 18 ans. Il attire régulièrement     différents programmes de la BBC à la
   les foules avec le Houston Ballet,           fin des années 90 ; en 1997 il apparaît
   l’American Ballet Theater ou, à Covent       dans un reportage sur sa carrière, sa
   Garden, avec le Royal Ballet, dont il est    vie professionnelle et personnelle,
   le guest principal [étoile invitée] et le    puis dans des enregistrements com-
   premier danseur noir depuis 1998.            mandés par le Royal Opera House.
   Dernièrement, il a également été l’invi-     Plus récemment dans The Reluctant
   té de l’Opéra-Bastille, à Paris, pour        Ballet Dancer, un programme faisant                     Icíar Bollaín
   interpréter le rôle-titre du Don Qui-        partie de la série Imagine présentée                      Espagne
   chote de Noureïev, généralement con-         par Alan Yentob sur les antennes de la          Mercredi   27 mars à 20h45
   sidéré comme le plus grand défi tech-        BBC. Il sera également interviewer                    Avant-première
   nique auquel puisse s’atteler un dan-        pour le programme HardTalk puis
   seur classique. Il intègre également des     filmé dans les studios de la chaîne
   rôles à l’American Ballet Theater, au        pour le programme NewsNight.

                                                                                                                                5
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
un film sur fond de crise en Es-
                                                                                           pagne avec une nouvelle expé-
                                                                                           rience formelle, l'utilisation des
                                                                                           réseaux sociaux, et la transfor-
                                                                                           mation de l'écran en smart-
                                                                                           phone. L'année dernière, en
                                                                                           2018, il est de nouveau sélection-
                                                                                           né à la Quinzaine des Réalisa-
                                                                                           teurs de Cannes avec Petra que
                                                                                           nous vous proposons cette année
                                                                                           aux Reflets et qui raconte l'his-
                                                                                           toire d'une jeune femme à la
                                                                                           recherche de ses racines. Chaque
                                                                                           nouveau film de Jaime Rosales
 FOCUS RÉALISATEUR                                                                         est une expérience inédite pour
                                                                                           le spectateur dont il cherche à
                                  Jaime Rosales                                            révéler la sensibilité. Il se risque à
                                                                                           des expériences visuelles ou for-
                              le surprenant Catalan                                        melles qui peuvent dérouter le
                                                                                           spectateur mais il est à la fois
                                                                                           exigeant et novateur, qualités
 « ...J’aurais aimé chanter, mais je chantais faux… J’ai voulu faire de la pein-           que nous chérissons au Zola.
                ture, mais j’étais maladroit avec les pinceaux... ».                        « ...Même si je ne suis plus un
                                                                                           homme jeune, je me considère
On peut avoir fait des études d'écono-       Dans Las Horas del Dia la vie d'Abel          comme un cinéaste jeune. Je suis
mie et devenir un bon cinéaste. C'est ce     semble tout à fait banale et pourtant         encore en recherche et donc je
qui est arrivé au réalisateur de Petra,      c'est celle d'un sérial killer ! Dans son     fais des expérimentations. Je
Jaime Rosales un barcelonais de 49 ans.      deuxième film c'est à la solitude et à        cherche une matrice créative.
Il faut dire qu'entre-temps il avait obte-   l'incommunicabilité entre les gens, en        Pour la fixer et, à partir de là,
nu une bourse et rejoint en 1996 la          particulier deux femmes Adela et Anto-        reproduire des variations théma-
prestigieuse école de San Antonio de         nia aux destins croisés, auxquelles il        tiques. Comme les grands
los Baños à Cuba où il put découvrir le      s'atèle. Et pour mieux accentuer ce sen-      peintres tel Picasso. Ou comme
cinéma, apprendre à écrire des scéna-        timent d'isolement il va utiliser au mon-     les grands cinéastes. La matrice
rios et réaliser des films.                  tage « la polyvision » (Split-sreen). C'est   d'Almodóvar par exemple, est
                                             une technique qui consiste à couper           incroyablement puissante. C’est
Après avoir terminé sa formation à Cu-       l'écran en deux parties égales et à y pré-    passionnant de chercher sa ma-
ba et un bref séjour à Sydney, il a tra-     senter deux angles différents et simulta-     trice, mais peut-être que je serai
vaillé comme scénariste à la télévision      nés de l'action. Son troisième film Tiro      comme le « Hollandais volant »,
espagnole. En 2003, après la sortie de       en la Cabeza en 2008 sera lui plus con-       condamné à toujours rechercher
son premier long Las Horas del Día, il       troversé moins dans sa forme pourtant         et expérimenter.... » (Propos re-
obtient un enviable succès. Ce film,         assez radicale que par rapport à son          cueillis par Jean-Christophe Fer-
présenté à Cannes à la quinzaine des         thème. En effet le sujet est tiré d'un fait   rari - Le Figaoscope - Le
réalisateurs lui permet d'obtenir deux       divers, un attentat non prémédité par         24/05/2012). Avec finalement
Goyas (meilleure révélation, meilleur        un commando de l'ETA de deux gardes           assez peu de films - il prend
scénario). Pas mal pour un premier           civils espagnols et créa la polémique         beaucoup de temps entre cha-
film ! D'autant plus qu'il récidive quatre   d'autant plus que la projection du film       cune de ses œuvres - Jaime Ro-
ans plus tard avec La Soledad et rebe-       au Festival de San Sebastián se fit le        sales s'est fait un palmarès très
lote; là encore celui-ci sera doublement     lendemain d'un nouvel attentat similaire      enviable dans le landerneau des
récompensé aux Goyas (meilleur film,         mais bien réel cette fois ci. Entre-temps,    cinéastes espagnols.
meilleur réalisateur). Qu'a de si particu-   comme beaucoup de réalisateurs, il a                                 Michel Dulac
lier ce cinéaste pour qu'il obtienne aus-    cherché à devenir indépendant au ni-
si vite une telle reconnaissance ? Jaime     veau de la production et c'est ainsi qu’il               Filmographie
Rosales est un cinéaste singulier et exi-    a créé sa boîte de production qu’il a
geant au regard très personnel et qui        appelé Fresdeval Film. C’est au sein de            2003 Las Horas del Día
ose expérimenter - en particulier au         cette société que Jaime Rosales est de-               2007 La Soledad
montage - au risque parfois d'ailleurs       venu producteur de documentaires puis              2008 Tiro en la Cabeza
de déstabiliser le spectateur. Il inter-     de tous ses long-métrages. Si Sueño y              2012 Sueño y Silencio
roge la nature humaine et la mort pour       Silencio, son quatrième film, en noir et          2014 Hermosa Juventud
mieux donner un sens à la vie autour de      blanc, eut un succès plus limité le perti-              2018 Petra
personnages aux contours ordinaires.         nent catalan habitué de Cannes y re-
                                             viendra en 2014 avec La Belle Jeunesse

                                                                                                                                    6
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
caméra eux-mêmes surprenants. Il
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                                                                                            active l'intelligence du public mais ne
                                                                                            se transforme pas en une opération
                                                                                            similaire à une ascension de l'Hima-
                                                                                            laya ». Le film est principalement
                                                                                            tourné dans la région de Girona. On y
                                                                                            parle catalan - c'est le cas de Jaume
                                                                                            et de Pau, son assistant. Le casting de
                                                                                            Petra est impressionnant : Bárbara
                                                                                            Lennie (La Niña de Fuego, Notre en-
                                                                                            fant), Alex Brendemühl (El médico
                                                                                            Alemán) et Marisa Paredes. On a
                                                                                            déjà pu découvrir les deux premiers
                                                                                            dans Murieron por encima de sus
                                                                                            posibilidades d’Isaki Lacuesta.

                                    Petra                                                   « ...Le casting, avec à sa tête Bárbara
                                                                                            Lennie, a parfaitement compris le
                                                                                            style d’interprétation non empha-
                         Une tragédie en sept actes                                         tique que je recherchais. Mélanger
                                                                                            des comédiens à la carrière interna-
                                                                                            tionale, comme Marisa Paredes, et
Petra est artiste peintre, Petra aban-        que le spectateur entre dans le film,
                                                                                            des non professionnels, comme Joan
donne la peinture, Petra a trente ans,        pour qu’il s’installe à l’intérieur et
                                                                                            Botey, a été l’un des principaux dé-
Petra est belle, Petra tombe amou-            voyage avec lui. Un voyage vers l’inté-
                                                                                            fis... ». Si Alex Brendemühl a déjà
reuse, Petra n'a jamais connu son             riorité. Intériorité des personnages et
                                                                                            tourné avec Jaime Rosales - il est le
père. Petra rencontre Jaume, Elle le          intériorité du spectateur lui-même.
                                                                                            héros de son premier film Las Horas
questionne, elle veut savoir. Ce sculp-       Plus que dans aucun de mes films an-
                                                                                            del Día - c'est une première pour
teur égoïste et narcissique qu'elle re-       térieurs, Petra est le résultat d’un pro-
                                                                                            Bárbara Lennie. « Cela a été beau-
connaît sur une photo jaunie en com-          cessus collectif très participatif... ». Le
                                                                                            coup d’angoisse mais aussi beaucoup
pagnie de sa mère... serait-il ce père        réalisateur inventif se plaît ici à filmer
                                                                                            de plaisir. Bárbara Lennie est si bien
inconnu ? Voici planté le décor du            de long plans séquence. Il se risque
                                                                                            dans sa peau qu’elle donne à toutes
nouveau film de Jaime Rosales, tragé-         aussi à des nouveautés de montage
                                                                                            ses scènes une tonalité tellement
die moderne à plusieurs actes, pimen-         pour surprendre le spectateur. En
                                                                                            particulière. Je pense évidemment
tée à la sauce catalane. Écoutons le          effet, il choisit de déconstruire la chro-
                                                                                            aux scènes de danse dans lesquelles
réalisateur à propos de son film : « Il       nologie normale du récit. L'histoire ne
                                                                                            elle s’abandonne complètement ».
n’y a pas un thème unique dans Petra.         suit pas la ligne temporelle classique
                                                                                            Petra a été présenté l'année dernière
Chaque spectateur trouvera le sien.           et il brouille ainsi les pistes pour
                                                                                            au Festival de San Sebastián ainsi
Mais le thème de l’identité est impor-        rendre le propos plus captivant. « C'est
                                                                                            qu'à La quinzaine des Réalisateurs de
tant. Ainsi que celui du destin et de la      très difficile de plaire au spectateur
                                                                                            Cannes. Il sera distribué en France
lutte entre le bien et le mal. L’intrigue     parce que si on lui donne trop, il rejette
                                                                                            par Condor Distribution. Vous aurez
est imprégnée d’un souffle tragique           le film comme trop facile et si on lui
                                                                                            le plaisir de le découvrir en avant-
tout au long du film. Si je devais résu-      donne trop peu, il fait la même chose
                                                                                            première mardi 26 mars à 20 h 45.
mer la thématique de Petra, je dirais         pour la raison que le film est trop
que c’est un film sur la recherche de         opaque. Il faut lui donner suffisam-
                                                                                                                     Michel Dulac
soi et sur la rédemption... Petra a           ment mais pas trop, et cet équilibre est
avancé d’un pas dans cette nouvelle           difficile à trouver. Dans cette architec-
direction. Avant de commencer à con-          ture, le scénario a une influence impor-
cevoir le film, j’ai du revenir à l’école.    tante. Au lieu de faire quelque chose
La meilleure école de cinéma, ce sont         de trop prévisible, nous avons rompu
les films et les livres sur le cinéma. J’ai   la linéarité (ce qui, déjà, requiert un
relu les livres et revu les films qui         effort d'interprétation) mais avons
m’avaient marqué pendant mes an-              aussi essayé de stimuler le spectateur
nées de formation. J’ai revisité les clas-    en anticipant sur ce qu'il va se passer à
siques et les modernes. Le spectateur         travers les petits titres de chapitres
d’un film veut passer un bon moment.          mais pas toujours. Le public peut donc
Il veut être ému. Il veut qu’on le sur-       apprécier ce jeu du chat et de la souris,
prenne. La surprise est la sève qui ali-      très difficile à mettre en œuvre pour
mente l’intérêt dramatique. Tout le           être satisfaisant. Il a fallu pour ceci
                                                                                                      Jaime Rosales
processus a consisté à créer une œuvre        rédiger vingt versions du scénario et le
                                                                                                      Espagne, 2019
qui présente un ensemble d’atouts             tournage aussi a été compliqué, car
                                                                                                   Mardi 26 mars à 20h45
séduisants... Tout a été pensé pour           nous cherchions des mouvements de
                                                                                                                                      7
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
Las Niñas bien,
Las Niñas bien (les filles bien) ra-      Quand la crise de la dette ébranle         Ce long métrage est adapté et inspiré
conte l’histoire de la toujours par-      son monde, Sofía doit faire face à         par la collection de nouvelles et d’ar-
faite, charmante et gâtée Sofía, reine    une influence sociale en déclin. Elle      ticles de l’auteur mexicain Guadalupe
dans son petit milieu mondain. Elle       doit aussi affronter une nouvelle          Loaeza, «Las niñas bien», publiée en
mène une vie de loisirs et de luxe,       venue, Ana Paula, dans le club dont        1985.
porte toujours les vêtements qui          elle est l’idole. Au cours du film, nous
                                                                                     La réalisatrice Alejandra Márquez
conviennent et un sac à main de           apprenons la passion de Sofía pour
                                                                                     Abella, met en évidence la douleur
marque et ne manque jamais de             Julio Iglesias (son fantasme), sa
                                                                                     profonde de Sofía dont les silences
barrer la route aux arrivistes qui ten-   crainte du papillon noir qui annonce
                                                                                     sont éloquents alors qu’on entend des
tent de s’introduire dans son cercle      le mauvais sort et son dégoût pour la
                                                                                     chuchotements médisants hors cadre.
social. Lorsque la crise économique       classe inférieure qu’elle appelle sim-
frappe le Mexique, Sofía s'efforce de     plement « Mejicanos».                      La mise en scène du film est rehaussée
sauvegarder les apparences, mais                                                     par la interprétation magistrale de Ilse
doit finalement faire face à ce qui lui   Le film est un portrait sarcastique        Salas dans un des ses meilleurs rôles.
reste de son existence, une fois que      d'une femme de la classe supérieure        Las niñas bien est un film intense et
tout l'argent a disparu.                  déchue. Il nous décrit le quotidien        beau.
                                          de ces « épouses parfaites » de la
                                                                                                  Homero Vladimir Arellano
Las Niñas bien, second long-métrage       classe supérieure au Mexique. Bien
d’Alejandra Márquez Abella, est plus      éduquées, ces femmes n'ont pas de
qu’une histoire sur les femmes ra-        points de vue, elles doivent juste
contée par des femmes. Il dévoile le      assumer leur rôle d'épouse et de
monde de la bourgeoisie lors de la        femme au foyer. Elles n’ont d’autre
crise financière de 1982, lorsque le      but dans la vie que de toujours pos-
Mexique n’a pas honoré sa dette et        séder plus. Elles n'ont même pas de
que la valeur du peso a fortement         relations fortes avec leurs enfants.
fluctué. Au Mexique, il existe une        En perdant leurs acquisitions maté-
division sociale très stricte entre les   rielles, elles perdent leur identité.
classes supérieures et inférieures.
Pour la classe supérieure, il y a ce      Le film maintient un équilibre étroit
style de vie de country club auquel       entre moquerie et compassion. Il est
vous appartenez ou pas. Il est diffi-     difficile de s’attacher à Sofía, mais
cile d’y entrer, mais une fois que        impossible aussi de ne pas ressentir
c’est fait, vous devez vous montrer à     de l’empathie pour elle, alors que
la hauteur des attentes de chacun. Il     son monde de faux semblants, vide
existe un certain protocole sur la        de sentiments, s’écroule.
manière de s’habiller, de se compor-                                                        Alejandra Márquez Abella
ter, de parler et de se présenter.                                                               Mexique, 2019
Sofía est un modèle «niña bien»                                                              Mardi 26 mars à 18h45
pour son cercle de riches amies.                                                                 Avant-première

                                                                                                                           8
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
La musique, assez discrète, est em-
                                                                                       ployée avec mesure, comme une
                                                                                       respiration. D’ailleurs, le scénario ne
                                                                                       prévoyait pas de musique addition-
                                                                                       nelle. C’est au cours du tournage
                                                                                       que le besoin de musique s’est im-
                                                                                       posé. Koldo Almandoz parle d’une
                                                                                       œuvre liquide, un film “fleuve”, dont
                                                                                       le tournage s’est constamment dé-
                                                                                       tourné du scénario. Le film avance
                                                                                       par petites touches, comme une
                                                                                       œuvre impressionniste, mais aussi à
                                                                                       la façon dont on avance en ramant.
                                   Oreina                                              Les petits moments de vie s’ajoutent
                                                                                       les uns aux autres, se frôlent, se dé-
                                                                                       bordent, s’évitent… Le spectateur
                   Solitude, vengeance et marais                                       reconstitue au fur et à mesure son
                                                                                       propre paysage, celui de la nature
                                                                                       bien sûr, mais aussi celui de la na-
Des marais, des hommes, des ani-           Dans la grande ville où se réfugie
                                                                                       ture des hommes. À l’heure des films
maux. Tous se côtoient sans vraiment       Martín, on se côtoie, mais on ne se
                                                                                       de super héros ou d’anti héros, Orei-
vivre ensemble. Sur le bord du fleuve,     parle pas vraiment. La ville est filmée
                                                                                       na présente une palette de gens
une maison partagée par deux frères        de manière froide, elle est faite de
                                                                                       « normaux ». Et c’est là tout l’intérêt
qui prennent soin de s’éviter.             matériaux durs, d’angles, de lumières
                                                                                       du film, au-delà de la mise en scène
                                           artificielles. On y voit les usines aban-
                                                                                       très maîtrisée, nous suivons la survie
José Ramón vit de braconnages dans         données, des parkings déserts où
                                                                                       de ces personnes prises dans des
les eaux du fleuve comme dans les          seulement quelques camions témoi-
                                                                                       entre deux permanents : entre deux
forêts qui le bordent. Il a pris sous      gnent d’un temps passé. En con-
                                                                                       frères, entre deux mondes, entre
son aile Khalil, jeune homme venu du       traste, les marais paraissent colorés,
                                                                                       deux saisons, entre le respect de la
Sahara occidental qui l’aide à bracon-     remplis de vie animée. Koldo Alman-
                                                                                       loi et la nécessité de vivre… Lors
ner et lui rend quelques services.         doz filme la nature avec sensibilité et
                                                                                       d’une interview pour présenter le
Comme son mentor, il vit de petits         respect. Le bestiaire est hétéroclite :
                                                                                       film, l’acteur qui joue Khalil, Laudad
trafics qui ne finissent pas toujours      hérisson, sanglier, anguilles, serpent,
                                                                                       Ahmed Saleh le définissait avec ces
bien. À la différence de José Ramón,       et bien sûr le cerf, dont la tête em-
                                                                                       trois mots : solitude, vengeance,
le taciturne, Khalil aime parler, avec     paillée semble garder la maison et
                                                                                       marais.
Joana par exemple, mais elle rêve de       assurer une paix fragile. Les plans sur
partir à Londres et quitter la station-    les animaux ne sont pas cosmétiques,
                                                                                                             Nicolas Favelier
service de son père. C’est en parta-       ils assurent la continuité de la narra-
geant une bière avec son ami de bra-       tion et le témoignage de la diversité
connage que José Ramón évoque son          de cet écosystème de la région de
passé : comme le père de Khalil, il a      San Sebastián. Sans être un film éco-
travaillé à l’usine, par intermittence…    lo, le film est aussi un témoignage de
et a aussi eu une vie amoureuse.           la beauté des milieux naturels face au
Martín, l’autre frère, occupe l’autre      monde temporaire des humains. Des
moitié de la maison au bord du             éléments viendront briser cette appa-
fleuve, mais n’échange jamais avec         rente tranquillité : l’agent des eaux et
José Ramón. Martín est universitaire.      forêts par exemple, qui traque sans
Parti à Paris, il en est revenu pour des   relâche José Ramón et Khalil, se trou-
raisons difficilement avouables. La        vant de fait chasseurs et chassés.
maison est son placard dont il ne sort
que pour aller en ville, essayer de        Deuxième long métrage du réalisa-
rencontrer des hommes lors de ren-         teur basque Koldo Almondoz, Oreina
dez-vous furtifs. La ville est pour lui    (le Cerf) est un film contemplatif où
une bouffée d’oxygène où il peut           les silences, les regards, sont souvent
chanter, fréquenter des librairies et      beaucoup plus chargés de sens que
essayer de vivre sa sexualité.             ces dialogues banals, quotidiens,
                                           échangés comme des automatismes.                      Koldo Almandoz
La ville, justement ; dans celle où        Embarqués sur le bateau des bracon-                Lundi 25 mars à 16h30
vivent José Ramón, Martín et Khalil,       niers, nous sommes happés par la
les lieux de vie se résument au café et    beauté des paysages et le silence de
à la station-service. Ce sont des lieux    la rivière.
de passage où chacun reste dans sa
bulle.
                                                                                                                            9
Salsa picante - Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
La Familia
                                            Un drame social fort et épuré
La Familia, premier long-métrage de         Le fils, lui, par manque d’expérience, est    de Caracas le personnage principal
Gustavo Rondón Córdova, est un film         propulsé brutalement dans l’âge adulte.       de l’histoire. Il a su trouver avec ce
émouvant sur la difficulté des rela-        Cette situation va peu à peu les rappro-      film une certaine beauté dans la
tions entre un père et son fils qui         cher. Dans un pays où l'héritage familial     triste réalité du pays en se concen-
vont apprendre à se connaître au            semble être l'ultime lien relationnel, le     trant subtilement sur l’histoire de
cours d’une déambulation urbaine            père va pleinement jouer son rôle et          deux personnages touchants et ma-
dans les rues de Caracas, l’une des         apprendre à son fils à être débrouillard      ladroits, sans pathos ni ficelles mé-
villes les plus violentes et dange-         pour échapper à une vie de malfrat qui        lodramatiques. La Familia est un
reuses d’Amérique du Sud. Le réalisa-       ne saurait qu'être tragique.                  drame social fort autant qu’épuré.
teur porte un regard aigu sur une           Plusieurs éléments thématiques du film        Un film poignant qui saisit la vio-
jeunesse à la dérive qui doit subsis-       font penser au néoréalisme italien. Le        lence de la situation au Venezuela. Il
ter dans une société gangrenée par la       père entraîne son fils dans sa fuite mais     a été nourri par l’expérience et les
violence et l’insécurité.                   c’est pour mieux se rapprocher de lui.        souvenirs du réalisateur, ce qui ren-
                                            La photo et les jeux de lumière sont très     force l’authenticité et l’efficacité.
Le film retrace l’histoire de Pedro, un     travaillés.                                   Une réussite incontestable.
garçon de 12 ans qui réside dans une
banlieue pauvre de Caracas. Lors            Le réalisateur, par la qualité de sa direc-   La Familia a remporté el Abrazo
d’une bagarre, il blesse mortellement       tion d’acteurs, réussit à créer une vraie     d’Or à Biarritz en 2017.
un jeune délinquant qui tentait de          complicité à l’écran qui se traduit par le
voler son meilleur ami. Lorsque An-         jeu des regards entre les comédiens                     Homero Vladimir Arellano
drès, le père de Pedro, trouve son          (des acteurs non professionnels pour la
fils, ce dernier a déjà tranché la gorge    plupart). Le film comporte beaucoup de
du délinquant avec une bouteille            scènes silencieuses qui prennent tout
cassée.                                     leur sens en un seul échange de re-
Sachant que l’enfant blessé vient de        gards. La caméra à l’épaule du cinéaste
la favela et que son agression leur         s’attarde sur les activités de ces gosses
mettrait une bande de criminels sur         défavorisés dont même les jeux sont
le dos, le père décide d’emmener son        influencés par les déviances de leurs
fils dans les quartiers plus riches où il   aînés : machisme ambiant, culte des
travaille. Ainsi, en tentant de réparer     armes, agressions physiques autant que
les erreurs de son fils, le père devient    verbales. Gustavo Rondón Córdova a
son protecteur.                             déclaré dans un entretien qu’il aimait
                                            les films réalistes et qu’il voulait faire

                                                                                                    Lundi 25 mars à 20h45
                                                                                                       Avant-première

                                                                                                                              10
parole de Dieu ; tout comme nous

                                                     José
                                                                                            voyons une partie d’une cérémonie
                                                                                            religieuse ou les processions de la
                                                                                            semaine sainte ; autre moment im-
                                                                                            portant, par lequel encore nous
                                                                                            comprenons l’importance de cette
                                                                                            religion quand la mère de José im-
                                                                                            plore, à plusieurs reprises, Dieu de
                                                                                            protéger et d’amener son fils sur le
                                                                                            bon chemin. La violence et délin-
                                                                                            quance, très présentes dans cette
Le Guatemala, pays d’Amérique centrale,         Non seulement elles ne reçoivent au-        société, où personne ne semble ai-
est peu connu mais très attirant pour peu       cune aide ni au niveau institutionnel -     der les autres -par exemple quand la
que l’on prenne la peine de s’y intéresser      car le gouvernement ne les protège          mère de José se fait voler dans la
un peu. La société guatémaltèque est            pas - ni au niveau social, mais, en plus,   rue toutes ses affaires ou un jeune
confrontée à des problèmes sociaux très         elles se font agresser et frapper dans      se fait voler son téléphone dans le
importants, le plus sérieux étant principa-     la rue, parfois par la police elle-         bus, rempli de personnes-. Cela nous
lement la corruption : l’ancien président       même ; ni, enfin, malheureusement,          montre bien le niveau d’acceptation
Otto Pérez Molina et tout son gouverne-         par leurs familles, au sein desquelles      de la délinquance par la société,
ment ont été accusés en 2015 de corrup-         ils-elles sont considéré-e-s comme          puisque cela semble être devenu
tion. Ainsi, la population n’a plus con-        malades. Sans compter que, bien sou-        normal, malheureusement. Tous ces
fiance dans les politiques ni dans leur         vent, les familles obligent leur enfant     problèmes semblent entourés et
parole, une déception fortement ancrée          homosexuel à se soumettre à des             couverts par le mensonge dans la
dans la société, mais qui souhaite néan-        « terapias reparativas » (thérapies         mesure où personne ne se confie à
moins lutter contre ce fléau. D’autre           réparatrices) menées par l’église,          personne, pas même entre amis ou
part, la grande pauvreté dans laquelle vit      comme un endoctrinement, afin de            à sa propre famille ; ils préfèrent ne
l’immense majorité de la population et          « renverser » sa tendance. Cepen-           pas en parler et utiliser la manipula-
qui induit d’autres problèmes comme le          dant, dans l’article 4 de la constitution   tion, s’il le faut, pour arriver à leur
chômage, la délinquance, l’insécurité, la       de Guatemala est écrit que « Tous les       but. Il s’agit d’un film très touchant,
dénutrition, l’analphabétisme ou les iné-       êtres humains sont libres et égaux en       intéressant mais surtout révélateur
galités. En 2016, Guatemala a été recon-        dignité et droit » Il y a encore de l’es-   par le biais d’une présentation un
nu comme l’un des pays les plus pauvres         poir, néanmoins, avec l’émergence de        peu sombre et pessimiste de la so-
et violents du monde. Ces dernières an-         collectifs qui se sont formés récem-        ciété guatémaltèque et ce, en 1h25
nées, il a connu une croissance écono-          ment comme « Visibles » et un mou-          min. Un aperçu triste mais réaliste, à
mique relativement correcte mais mal-           vement guatémaltèque qui travaille à        la fois, de cette société.
heureusement cela n’a pas suffi à faire         une inclusion pleine et entière de la       J’aimerais pour finir partager une
évoluer le niveau de pauvreté, ce qui           population ayant une orientation            citation très intéressante, qui invite
nous laisse à penser que les inégalités         sexuelle différente, mais aussi à une       à la réflexion. Elle est de Camila
augmentent au sein de la population.            acceptation par la population dans          Alarcón, journaliste guatémaltèque
Manuel Villacorta écrit dans le journal         son ensemble. Fondés en 2017, ces           qui dit « Notre qualité humaine ne
« Prensa libre », « La vie au Guatemala,        collectifs se présentent comme une          se définit pas par notre ethnie, genre
pour les plus pauvres, est un défi indes-       plateforme collaborative, optimiste et      ni par notre orientation sexuelle. Elle
criptible ». Il précise également dans son      respectueuse. Nous comprenons               se définie par notre façon de traiter
article qu’il y a « un divorce clair entre le   maintenant que Li Cheng, réalisateur        les autres »
gouvernement et la population » car il y a      de « José », n’a pas voulu nous mon-                        Laura de Castro Vecino
une énorme méconnaissance (voire un             trer uniquement le problème lié à
désintérêt) de ce que vit la population de      l’homosexualité ; mais, à partir de
la part des politiques voire du gouverne-       l’homosexualité et du personnage de
ment lui-même, ce qui entraîne à un             José, il semble avoir voulu nous pré-
échec à coup sûr de sa mandature... celui       senter la réalité de la société guaté-
-ci ne travaillant au final que pour lui.       maltèque : la pauvreté dans la famille
Enfin, le dernier grand problème, à mon         de José - qui oblige sa mère à travail-
avis, au Guatemala, est l’homosexuali-          ler dans la vente ambulante sur les
té ou plutôt l’acceptation de l’homo-           marchés chaque jour ou qui oblige
sexualité. Comme l’écrit Camila Alarcón         José à travailler au lieu d’étudier à son
dans son article sur « Plaza pública » :        âge ; cette pauvreté qui les empêche
« L’homosexualité n’est pas une maladie,        de vivre dignement ou d’avoir de l’eau
l’homophobie oui ». C’est tout à fait ce        potable. A noter également une pré-
qui prévaut au Guatemala. Il existe une         sence très marquante de la religion,             Cheng Li, Guatemala, 2018
forte discrimination, voire une haine et        catholique ou protestante, : nous                Mercredi 20 mars à 18h45
même une immense violence contre ces            sommes confrontés souvent à des                    Inédit et compétition
personnes qui ont une orientation               orateurs dans la rue qui proclament la
sexuelle différente.
                                                                                                                                11
Un coup de maître
On connait la richesse du cinéma ar-       « Le film, explique Gastón Duplat, parle       Le film tient énormément par son
gentin. En janvier, on a pu voir L’ange    de l’imposture dans le monde de l’art,        duo d’acteurs. Nous avions vu Guil-
de Luis Ortega. On suit, par exemple,      mais aussi de l’amitié qui lie les person-    lermo Francella en 2010 pour son
avec intérêt les carrières de Pablo Tra-   nages interprétés par Guillermo Francel-      rôle dramatique dans le très remar-
pero, Lucrecia Martel, Daniel Burman,      la et Luis Brandoni, deux grands acteurs      qué Dans ses yeux de Juan José
Santiago Mitre et Lucía Puenzo (la fille   qui livrent une interprétation mémo-          Campanella et plus récemment
de Luís) qui ont été sélectionnés dans     rable. On y retrouve aussi Andrea Frige-      dans El clan de Pablo Trapero. Il est
les plus importants festivals interna-     rio après son rôle dans Citoyen d’hon-        très connu en Argentine pour ses
tionaux de cinéma.                         neur et Raul Arévalo, acteur, mais aussi      rôles comiques ou dramatiques.
 Les frères Duprat se sont fait con-       réalisateur du film La colère d’un            Quant à Luis Brandoni qui fut enle-
naitre en 2008 par L’artiste et en 2009    homme patient, triplement récompensé          vé par les Escadrons de la mort du-
dans L’homme d’à côté tourné dans          aux Goya en 2016. J’ai tourné pendant         rant la dictature, il continue à mili-
une maison du Corbusier. Mais c’est        huit semaines à Buenos Aires, Rio de          ter tout en poursuivant sa carrière
en 2016 avec Citoyen d’honneur qu’ils      Janeiro et dans les paysages impression-      de comédien.
ont remporté de nombreux prix dont         nants de la région de Jujuy… Nous
un Goya en Espagne. Ils ont alors obte-    sommes très différents avec Andrés                                  Alain Liatard
nu une reconnaissance internationale       (mon frère, scénariste du film) et Maria-
avec ce portrait d’un prix Nobel qui       no (mon producteur). Nous représentons
retourne dans son village natal. Tous      des générations et avons des origines
leurs films tournent autour de l’art.      éloignées, mais avons tous des goûts
Les trois films ont été coréalisés par     similaires quand il s’agit de réaliser des
Mariano Cohn. Mais cette fois Gastón       films. Le film est un très long retour en
est seul à la réalisation.                 arrière. Cela nous a posé pas mal de
                                           problèmes. Ce flashback était nécessaire
Arturo est le propriétaire d’une galerie   parce qu'au début, Guillermo Francella
d’art à Buenos Aires : un homme char-      (Arturo) explique qu’il est un assassin. La
mant, sophistiqué mais, sans scru-         conséquence c’est que pendant tout le
pules. Il représente Renzo, un peintre     film, le public se demande quand et qui
loufoque et torturé qui traverse une       il va tuer.»
baisse de régime. Leur relation est        C’est ainsi que les toiles censées être
faite d’amour et de haine. Un jour,        l’œuvre de Renzo ont toutes été peintes
Renzo est victime d’un accident et         par Carlos Gorriarena, un peintre décé-                 Gastón Duprat
perd la mémoire. Profitant de cette        dé en 2007, que le tableau attribué à un             Espagne / Argentine
situation, Arturo élabore un plan osé      certain Andrey Kahler est en fait l’œuvre           Mercredi 27 mars à 14h
pour les faire revenir sur le devant de    du photographe et peintre Augusto Fer-
la scène artistique.                       rari qui fut présenté à Arles en 2010 et
                                           qu’on peut admirer des tableaux
                                           de Eduardo Stupia.
                                                                                                                            12
Habita                                                       Les regards
      Commençons par le début de cette histoire,                Cuzco, Valle del bajo Huatanay. Habita, est un récit en
                 de ce périple… !                               six parties, six dualités qui veulent refléter le rôle de
                                                                notre territoire et la mémoire culturelle de nos espa-
D’où vient ce documentaire ? L’idée a émergé dans un            ces de vie à partir des témoignages de leurs habitants
des festivals organisés par www.makefestival.org où             et leurs communautés.
nos trois « personnages » se sont rencontrés, ont parta-
gé leurs expériences, leurs passions et ils ont réfléchi sur    Notre conte commence par une « Dualidad ou Huac-
le monde rural, sa mémoire et ses traditions en évolu-          coto » une dichotomie entre les hommes et les
tion. Ils ont réfléchi à comment améliorer l’habitabilité       femmes de la zone et leurs métiers, mais aussi entre la
des logements ruraux des indigènes tout en collaborant          terre et ses plantes qui sont en train de disparaître.
avec une association de la ville de Cuzco. Cela les a ame-      Nous continuons notre récit par, « Generación-
nés à partir pour la Valle del Huatanay (Cuzco) et réali-       Patacancha ». Ici, deux jeunes nous présentent d’un
ser ce beau projet que nous vous présentons aujour-             côté, les difficultés de leur génération et l’agricul-
d’hui : Habita.                                                 ture et d’autre part, une jeune fille qui nous laisse stu-
Présentons maintenant ce beau collectif.                        péfaits avec sa réflexion sur l’éducation des enfants, le
                                                                rôle des femmes et la violence conjugale. Quelle matu-
Il s’agit d’un collectif constitué d’architectes, urbanistes,   rité ! Nous arrivons au troisième chapitre, « Centro-
designers et d’artistes, issus de domaines divers et de         Pachatusan » ; où Roger nous présente cette colline
différents pays d’Europe et d’Amérique. Ensemble, ils           sacrée, sans pouvoir expliquer avec des mots ce
ont créé ce collectif et ses festivals, pour un besoin com-     qu’elle représente pour eux, c’est impossible. Notre
mun : effacer les frontières géographiques, et les diffé-       trajet se poursuit ensuite par « Identidad-chinchero »
rences entre le rural et l’Urbain, entre le visiteur et l’ha-   en compagnie de deux femmes tisseuses ; nous appre-
bitant, entre le savoir hérité et l’expérimentation et          nons sur les tissus et les teintures, leur métier et son
l’innovation et enfin, entre les études théoriques et leur      évolution dans cette société qui oublie, peut-être sans
application pratique.                                           faire exprès, sa terre et ses traditions. Le cinquième
Nos trois « personnages » issus de ces rencontres sont :        chapitre s’intitule «Camino-Totorá », nous y compre-
                                                                nons ce chemin du changement de la ville vers la cam-
Adriana Fernández, (Espagnole), diplômée frd Beaux-             pagne, de leur joie de vivre en accord avec leur espace
    Arts. Elle cherche, avec sa pratique la construction        de vie.
    d’espaces pour en partager le contenu et en facili-
    ter la compréhension.                                       Le conte arrive à sa fin, pour l’instant, avec « Éxodo-
Antonio V. Sotgiu, (Italien) diplômé et détenteur d’un          Ccolccaiqui », où le dilemme de l’éducation et des
    Master en Planification du territoire urbain et de          enfants est présenté par une jeune professeure, Regi-
    l’environnement. Il est chercheur dans le monde             na, et son école composée d’une classe unique : des
    rural.                                                      élèves de différents niveaux ensemble. Regina, avec
Ana Asensio. (Espagnole), Architecte, auteur d’une              son discours, arrive à nous transmettre sa passion
    thèse sur l’architecture populaire et sa mémoire.           pour l’enseignement, l’importance de la nature et les
    Spécialisé dans l’habitabilité d’espaces humains            choses naturelles ; mais surtout l’importance de l’en-
    précaires.                                                  fance dans toute société. Car, dans l’éducation se
                                                                trouve la clé du développement.
Ils ont voulu nous raconter un conte, un récit sur l’aban-
don et l’oubli ; mais aussi un récit de protection et de        Maintenant, après avoir vu ce conte, je me sens diffé-
mémoire. Un conte d’aujourd’hui et d’hier ; un conte            rente ; je me sens héritière d’un savoir ; un savoir que
pour toujours. Un conte qui nous transmet un savoir             je dois transmettre, un savoir qui fait maintenant par-
indescriptible, qui nous emporte dans un monde de               tie de ma mémoire, de ma culture et que je dois main-
dualités, de cultures, d’espaces de vie… pour que l’on          tenant confier aux autres, à vous.
puisse comprendre notre construction culturelle, valori-        Un savoir qui nous permet une transposition à n’im-
ser nos espaces de vie et construire notre mémoire. Une         porte quelle société car il ne fait pas référence seule-
dualité qui est présentée comme l’image réfléchie d’une         ment au Pérou ou à Cuzco et ses collines ; il va au-
personne dans un miroir, l’opposition, la partie con-           delà. Il nous fait réfléchir et réaliser ce que sont les
traire mais en même temps complémentaire d’un indivi-           choses importantes dans la vie. Car Habita est un ré-
du. Mais « le plus important des mots ce n’est pas ce           seau d’initiatives autour du respect et de l’équilibre
qu’ils veulent nous transmettre mais où ils peuvent nous        avec le milieu où l’on vit et avec qui on habite. Habita
amener ».                                                       est une voix, mais aussi des voix qui crient la vie, et qui
                                                                luttent et construisent son indépendance.
                     Allons-y !
                                                                                                  Laura de Castro Vecino

                                                                                                                              13
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