Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire

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Surveillance des traitements thymorégulateurs
dans le trouble bipolaire
B. MILLET (1), J.-M. VANELLE (2)

   Un thymorégulateur se définit comme un agent psycho-              Le Lithium
trope capable d’avoir une efficacité sur quatre dimensions
cliniques différentes comprenant le traitement des symp-                 Il constitue le traitement de référence dans le traitement
tômes maniaques aigus, celui des symptômes dépressifs,               des troubles bipolaires. L’efficacité du lithium a été forte-
la prévention des symptômes maniaques et celle des                   ment documentée et apparaît évidente chez les patients
symptômes dépressifs (1). Cet article concerne la sur-               souffrant de maladie maniaco-dépressive de type 1 (épi-
veillance à adopter lors de l’utilisation des traitements thy-       sodes maniaques et épisodes dépressifs). Le bilan pré-
morégulateurs. La surveillance du lithium, ainsi que celles          lithium comprend :
de la carbamazépine, du valproate ou divalproate de                      – Un contrôle de la fonction rénale (dosage plasmati-
sodium, et de la lamotrigine seront particulièrement docu-           que de la créatinine, de l’urée, protéinurie, clairance de la
mentées et référencées. D’autres traitements concernés               créatinine).
par la thymorégulation tels que les antipsychotiques,                    – Un ECG à la recherche d’une anomalie cardiaque.
notamment l’olanzapine, seront mentionnés quant aux                  Toute anomalie du tracé doit conduire à un avis d’un car-
précautions de la mise en place du traitement et de leur             diologue, ceci d’autant plus lorsque des doses importan-
surveillance. L’électroconvulsivothérapie, qui répond aux            tes de lithium sont envisagées. Le lithium est à éviter en
critères requis de définition d’un thymorégulateur, ne sera          cas d’altération de la fonction ventriculaire.
pas ici abordé, sa mise en place et sa surveillance néces-               – Un contrôle du bilan thyroïdien (dosage de la TSH
sitant un développement sortant du cadre de ce sujet.                et de T4 libre).
                                                                         – Une glycémie à jeun, un ionogramme sanguin et une
                                                                     numération sanguine normaux doivent être contrôlés
                                                                     avant l’initiation du traitement.
BILAN THÉRAPEUTIQUE AVANT UN TRAITEMENT                                  Chez la femme en âge de procréer, on doit s’assurer
PAR THYMORÉGULATEUR                                                  que la femme n’est pas enceinte, et instaurer une contra-
   La surveillance du trouble bipolaire nécessite une                ception efficace avant la mise sous traitement lorsque
recommandation d’adoption de règles d’hygiène de vie :               aucun moyen n’est utilisé.
respect du rythme veille sommeil, identification et précau-
tions par rapport aux facteurs de stress sociaux (profes-
sionnels, événements de vie, situations familiales) ou bio-          Anticonvulsivants
logiques (maladies somatiques). Lors de l’introduction
                                                                     Le valpromide, l’acide valproïque,
d’un traitement thymorégulateur devant un diagnostic de
                                                                     le divalproate de sodium
trouble bipolaire, ces règles doivent se doubler d’une sur-
veillance des effets secondaires généraux des traitements               Recommandé dans le traitement des épisodes mania-
médicamenteux.                                                       ques chez les patients souffrant de troubles bipolaires
                                                                     mais aussi dans la prévention des récidives en cas d’into-
                                                                     lérance au lithium, ou bien dans les formes mixtes de

(1) Professeur de Psychiatrie, Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie Adulte, Centre Hospitalier Guillaume Régnier, Université
Rennes 1.
(2) Professeur de Psychiatrie, Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie Adulte, Université Nantes.

S 536                                                                                           L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2                      Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire

maladie maniaco-dépressive, ce produit peut se présenter       cémie à jeun et un bilan lipidique comprenant les triglycé-
sous forme de sel (divalproate de sodium, de valpromide,       rides, le cholestérol total et la fraction LDL.
d’acide valproïque). Avant toute prise de traitement, le
patient doit être informé du risque de prise de poids qui
peut exister. Des règles hygiéno-diététiques doivent être      SURVEILLANCE AU COURS DU TRAITEMENT
recommandées. Sur le plan biologique, un bilan des fonc-       THYMORÉGULATEUR
tions hépatiques ainsi qu’un examen hématologique com-
prenant une numération formule sanguine avec plaquet-            Les traitements thymorégulateurs sont utilisés au long
tes, un temps de saignement et un bilan de coagulation         cours. Ils nécessitent d’informer précisément les patients
doivent être effectués (7).                                    sur leurs modalités d’utilisation.

Carbamazépine                                                  Lithium

   La carbamazépine a reçu l’autorisation de mise sur             Sur le long terme, le lithium ne perd pas son efficacité
marché (AMM) en psychiatrie dans la prévention des             prophylactique comme cela a pu être rappelé dans des
rechutes dans le cadre des troubles bipolaires chez des        revues récentes (6). Cependant, certaines complications
patients présentant une résistance relative, des contre-       peuvent apparaître et nécessitent une surveillance atten-
indications ou une intolérance au lithium, ainsi que dans      tive. L’insuffisance rénale représente une contre-indica-
le traitement des états d’excitation maniaque ou hypoma-       tion de la lithiothérapie sauf dans les cas indispensables
niaque. Compte tenu du risque très fréquent de leucopé-        où l’on peut exercer une surveillance très stricte et régu-
nie, voire d’agranulocytose et des problèmes d’induction       lière de la fonction rénale. L’association aux diurétiques
hépatique, il est recommandé de réaliser un hémogramme         représente une autre contre-indication en raison du risque
et un bilan hépatique avant le début du traitement. La         de néphropathie tubulaire aiguë. Enfin l’utilisation d’un
structure tricyclique, comparable aux antidépresseurs imi-     régime sans sel doit représenter une contre-indication à
praminiques, confère à la molécule des effets secondaires      ce traitement.
similaires qui justifient la réalisation d’un ECG.
                                                               Surveillance du maintien des taux sériques de lithium
Lamotrigine                                                    et principes de l’équilibration de la lithiémie
                                                                  La posologie d’un traitement par lithium doit être indi-
   La lamotrigine n’a pas reçu d’AMM dans le traitement
                                                               vidualisée selon la lithiémie. Quelle que soit la forme phar-
ou la prévention des troubles bipolaires en France. Pour-
                                                               maceutique considérée, la lithiémie minimale efficace doit
tant, ce médicament apparaît particulièrement intéressant
                                                               être comprise entre 0,5 et 0,8 meq/l. Avec le Téralithe
dans le traitement et la prévention des dépressions bipo-
                                                               250 mg, ce dosage sera à effectuer 2 heures après la der-
laires (2, 5). Un examen clinique attentif est recommandé
                                                               nière prise le matin à jeun avant toute prise de traitement,
avant la prise de traitement.
                                                               tandis qu’avec la forme à libération prolongée ce contrôle
                                                               se fera le soir juste avant la prise, et 24 heures après la
                                                               dernière prise de la veille au soir. Une fois la lithiémie effi-
Bilan des antipsychotiques administrés                         cace atteinte, les dosages sanguins doivent être effectués
à visée thymorégulatrice                                       toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous
                                                               les mois pendant le premier trimestre, puis tous les deux
    Des propriétés thymorégulatrices ont déjà été mention-
                                                               mois. Dans les cas difficiles où les dosages plasmatiques
nées chez des neuroleptiques classiques comme le flu-
                                                               de lithium donnent des valeurs instables, il est utile d’obte-
pentixol. Aujourd’hui l’indication dans le traitement de la
                                                               nir les valeurs du lithium intraérythrocytaire et de calculer
bipolarité et de sa prévention est actuellement recherchée
                                                               le rapport érythroplasmatique (3).
par la plupart des entreprises pharmaceutiques commer-
cialisant les antipsychotiques. À ce jour, l’olanzapine est
en France, la seule molécule à avoir obtenu l’AMM dans         Surveillance au cours du traitement par lithium
« le traitement des épisodes maniaques modérés à sévè-
res et dans la prévention des récidives chez les patients         Les patients sous lithium doivent être informés des
présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu à          effets latéraux des médicaments. Il est indispensable
l’olanzapine lors d’un épisode maniaque » (7). Compte          d’éviter un régime modifiant les apports sodés. L’alcool est
tenu de la fréquence de la prise de poids sous ce traite-      déconseillé. La fréquence des contrôles biologiques varie
ment (> 10 %) et des complications diabétiques, une            selon les auteurs de tous les trois mois à tous les deux
attention toute particulière sur le plan clinique doit être    ans. Dans le cadre d’un suivi au long cours, il est recom-
attachée aux patients à risques présentant déjà un             mandé d’effectuer chaque année :
surpoids. Il apparaît utile avant toute mise sous traitement      – une numération formule sanguine ;
de peser le patient, et d’obtenir les mesures du périmètre        – un ionogramme sanguin avec dosage du calcium et
abdominal. Sur le plan biologique on effectuera une gly-       de la glycémie ;

                                                                                                                                S 537
B. Millet, J.-M. Vanelle                                                                 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2

   – un bilan rénal avec dosage de la créatinine et de          le seul traitement efficace sur le trouble bipolaire, un avis
l’urée plasmatiques, et la recherche d’une protéinurie ;        endocrinologique s’impose pour poursuivre le traitement.
   – un bilan thyroïdien comprenant au moins un dosage          • En cas d’insuffisance rénale avérée
de TSH, nécessitant en cas d’anomalies des dosages des
fractions libres des hormones thyroïdiennes.                       L’arrêt de la lithiothérapie doit être la règle. Dans les
                                                                cas de dérèglement de la fonction rénale, un avis en
   Les Références Médicales Opposables (RMO) limitent           néphrologie doit être demandé.
le bilan au contrôle de la créatininémie, de la lithiémie et
une fois par an de la TSH ultrasensible (3).                    • En cas de dysrythmie cardiaque
                                                                   Un avis cardiologique est indispensable.
                                                                • En cas de tremblements des mains
Effets indésirables et signes de surdosage
                                                                (effet secondaire neurologique le plus fréquent)
    Près de 50 % des patients arrêteraient le traitement par       La réduction des doses et la répartition des prises doi-
lithium en raison d’une mauvaise tolérance. Les effets          vent permettre d’atténuer cet effet dose-dépendant. L’uti-
indésirables les plus fréquents concernent la prise de          lisation de médicaments antitrémoriques (propranolol 10
poids, les troubles digestifs (nausées, vomissements,           à 20 mg/jour) ou tels que la primidone peuvent aussi être
diarrhées), la sédation, l’hypotonie musculaire, le goitre      utilisés avec succès.
thyroïdien souvent associé à une hypothyroïdie (5 à 15 %
                                                                • En cas de troubles digestifs
des patients traités), la sensation de soif avec polyurie,
des manifestations cutanées. Dans un grand nombre de               Ils sont en règle générale transitoires en début de trai-
cas, l’adaptation du traitement en fonction de la lithiémie     tement. Ils disparaissent spontanément en recourant à
permet d’atténuer ces effets. Les signes de surdosage           des prises en milieu du repas
outre des nausées, des tremblements, une polydypsie             • En cas de prise de poids
peuvent comprendre, des troubles du rythme (anomalies
                                                                   La prescription de lithium doit s’accompagner de con-
de la conduction sino-auriculaire, ou auriculoventriculaire,
                                                                seils diététiques, en limitant notamment les aliments par-
bloc auriculoventriculaire complet), un syndrome cérébel-
                                                                ticulièrement riches en lipides ou en sucres rapides et en
leux, des troubles de la vigilance, une hyper-réflexie suivie
                                                                préconisant une activité physique régulière.
d’un coma vigile. L’apparition de ces derniers symptômes
nécessite :
    – l’arrêt immédiat du traitement ;                          Surveillance lors d’un traitement
    – le contrôle en urgence de la lithiémie ;                  par anticonvulsivants
    – l’augmentation de l’excrétion du lithium par alcalini-
sation des urines, une diurèse osmotique (mannitol) et          Valproate, valpromide, divalproate de sodium
l’adjonction de chlorure de sodium (7).
                                                                • Surveillance des taux plasmatiques
                                                                   Comme pour le traitement de l’épilepsie, l’efficacité thé-
Interactions médicamenteuses                                    rapeutique dans le trouble bipolaire serait liée à une con-
                                                                centration sérique minimale de 40-50 mg/l, avec une large
    Certains médicaments entraînent une augmentation de         fourchette comprise entre 40 et 100 mg/l (7). Une étude
la lithiémie. Tel est le cas pour l’ensemble des anti-inflam-   récente a montré l’efficacité supérieure de hautes concen-
matoires non stéroïdiens (AINS), la carbamazépine, les          trations plasmatique de valproate, chez des patients bipo-
diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les     laires présentant une co-morbidité alcoolique (8). Des taux
antagonistes de l’angiotensine II et les neuroleptiques à       se maintenant au-delà de 200 mg/l nécessitent une réduc-
doses élevées.                                                  tion de la posologie. La concentration plasmatique d’équi-
                                                                libre est atteinte en 3 à 4 jours.

Conduite à tenir                                                • Surveillance des effets indésirables
                                                                et des complications somatiques
• En cas d’hypothyroïdie                                            Les patients doivent être informés du risque de prise
   Elle est plus fréquemment observée dans les 18 mois          de poids. L’apparition d’un surdosage doit être surveillée.
qui suivent l’instauration du traitement. Lorsqu’elle est       Il se manifeste par des troubles de la conscience pouvant
confirmée, et que le trouble bipolaire impose un traitement     même aboutir à des états de coma, chez des sujets poly-
par lithium, un traitement hormonal substitutif doit être mis   médicamentés. L’autre grande surveillance avec ce trai-
en place (levothyrox) en contrôlant régulièrement la TSH        tement concerne la fonction hépatique : des signes pro-
et le taux plasmatique de T4 libre. Cette hypothyroïdie         dromiques tels que l’asthénie, l’anorexie, l’abattement, la
peut être transitoire.                                          somnolence accompagnés de douleurs abdominales doi-
                                                                vent faire suspecter une hépatopathie (7). Des cas de pan-
• En cas d’hyperthyroïdie associée à une thyroïdite             créatite dont l’évolution peut être mortelle ont été excep-
   Il est recommandé lorsque cela est possible, d’inter-        tionnellement décrits. Des effets comme l’alopécie ou la
rompre la lithiothérapie. Dans le cas où le lithium s’avère     somnolence sont fréquemment signalés par les patients.

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L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2                         Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire

Sur le plan biologique, une surveillance de la fonction              Les signes et symptômes de surdosage sont habituel-
hépatique doit être régulièrement effectuée. De façon arbi-       lement neuromusculaires, cardiovasculaires (tachycar-
traire, on peut proposer une surveillance régulière de            die, bradycardie, hypotension, troubles de la conduction
1 mois après le début du traitement puis tous les 6 mois.         auriculo-ventriculaire) et respiratoires.
Un examen hématologique (NFS + plaquettes, temps de                  Un hémogramme et un bilan hépatique sont recomman-
saignement et bilan de coagulation, taux de prothrombine)         dés une fois par semaine le premier mois et devant tout
est recommandé à 15 jours après le début du traitement            signe clinique d’appel.
et en fin de traitement. Si des chiffres anormaux sont
retrouvés, le fibrinogène et les facteurs de coagulation          • Associations à prendre en compte
seront dosés.                                                        La carbamazépine peut avoir selon le type d’associa-
   Chez la femme enceinte le valproate et ses métabolites         tion médicamenteuse des propriétés d’induction ou d’inhi-
sont déconseillés au cours du premier trimestre de gros-          bition enzymatique au niveau du métabolisme hépatique.
sesse.                                                            En tant qu’inducteur, il peut diminuer l’efficacité de cer-
                                                                  tains antiviraux (saquinavir), d’antibiotiques (télithromy-
• Associations médicamenteuses à prendre en compte
                                                                  cine), d’antifongiques (voriconazole), d’antiparasitaires
   L’utilisation du valproate avec la lamotrigine doit se faire   de façon marquée (praziquantel) des contraceptifs oraux
de façon prudente en raison du risque augmenté de réac-           (œstroprogestatifs et progestatifs), d’opiacés antalgiques
tions cutanées graves. Le valproate augmente les con-             (tramadol), d’anticalciques, des antyarythmiques (classe
centrations de lamotrigine, de la carbamazépine de phé-           Ia), d’immunodépresseurs (ciclosporine, tacrolimus etc..),
nobarbital ou de primidone. Le millepertuis au contraire          des corticoïdes, des inhibiteurs de la protéase (amprena-
diminuerait les concentrations du valproate.                      vir, atazanavir etc..), du midazolam (hypnotique et sédatif
                                                                  de type benzodiazépine) (7).
                                                                     D’autres produits entraînent l’augmentation des con-
Carbamazépine
                                                                  centrations plasmatiques de carbamazépine : le dextro-
• Surveillance des taux plasmatiques                              propoxyphène, les antibiotiques macrolides (l’érythromy-
                                                                  cine, la josamycine), l’izoniazide, l’acétazolamide, la
   L’efficacité de la carbamazépine est généralement
                                                                  cimétidine, la digoxine, le jus de pamplemousse. La rifam-
observée pour des concentrations plasmatiques obtenues
                                                                  picine diminue l’efficacité de la carbamazépine.
au bout d’une semaine de traitement comprises entre 4
et 12 µg/ml (soit 17 à 50 mcmol/l) et les réactions toxiques         Association aux psychotropes : l’association à la cloza-
surviennent pour des concentrations supérieures à                 pine accentue le risque de survenue d’effets hématologi-
15 µg/ml. Ces concentrations plasmatiques doivent être            ques graves. L’association au lithium entraîne un risque
contrôlées tous les mois pendant environ 6 mois puis une          accru de neurotoxicité. Le millepertuis diminue les con-
fois tous les 6 mois.                                             centrations plasmatiques de carbamazépine. Les inhibi-
                                                                  teurs de la recapture de la sérotonine peuvent augmenter
• Surveillance des effets indésirables                            les concentrations plasmatiques de carbamazépine de
et des complications somatiques                                   même que la viloxazine et nécessitent une surveillance
   L’apparition d’une fièvre, d’une angine ou d’un autre          clinique étroite en cas d’association. La carbamazépine
processus infectieux doit conduire le médecin à contrôler         diminue les concentrations plasmatiques du clonazépam,
immédiatement la numération formule sanguine. La car-             de l’halopéridol, de l’olanzapine, de la rispéridone, de la
bamazépine, composée d’une structure tricyclique sur le           méthadone.
plan biochimique, présente les mêmes contre-indications
que les imipraminiques : elle nécessite ainsi une sur-
veillance particulière en cas de glaucome, de rétention uri-      Lamotrigine
naire, de troubles du rythme et de la conduction cardiaque.
Une surveillance étroite est nécessaire en cas d’affection        • Surveillance des taux plasmatiques
hépatique ou rénale. Chez la femme enceinte, compte                  Il n’existe pas avec la lamotrigine de concentrations
tenu du risque tératogène, son usage est à éviter lorsque         plasmatiques corrélées à l’efficacité thérapeutique de la
l’état clinique le permet. Lorsque le traitement ne peut pas      molécule. Il existe une grande variation interindividuelle
être interrompu, une supplémentation en acide folique est         des concentrations plasmatiques à l’état d’équilibre.
recommandée.
   Les effets indésirables les plus fréquemment rencon-           • Surveillance des effets indésirables
trés avec la carbamazépine sont neurologiques (vertiges,          et des complications somatiques
somnolence, fatigue, troubles de l’équilibre), gastro-intes-         Le risque cutané est l’effet indésirable le plus fréquem-
tinaux (nausées vomissements), allergiques avec des               ment rencontré (1/1000 chez l’adulte, autour de 1 % chez
réactions cutanées de type urticaire et la leucopénie sur         l’enfant). Les éruptions cutanées surviennent dans les
le plan biologique. Les effets graves sur le plan hémato-         8 premières semaines de traitement. La majorité de ces
logique, hépatique, dermatologique, cardiovasculaire ou           éruptions sont bénignes et transitoires mais des toxider-
les réactions d’hypersensibilité imposent l’arrêt du traite-      mies bulleuses (syndrome de Stevens-Jonhnson, syn-
ment.                                                             drome de Lyell) ont été rapportées sous lamotrigine. Le

                                                                                                                                   S 539
B. Millet, J.-M. Vanelle                                                                                                   L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2

risque d’éruption cutanée a montré être corrélé à une                                    tées. Sur le plan neurologique, des céphalées, de la som-
posologie initiale trop élevée, et/ou à une augmentation                                 nolence, des insomnies, des sensations vertigineuses,
trop rapide de la posologie. Il est ainsi recommandé d’uti-                              des tremblements, une diplopie sont recensés.
liser avec précaution la lamotrigine particulièrement en                                     Chez la femme enceinte, les données du suivi prospec-
cas d’antécédents de toxidermie, de procéder à une aug-                                  tif de plus de 1000 grossesses exposées à la lamotrigine
mentation progressive des doses, de surveiller attentive-                                n’ont pas montré d’augmentation du risque de malforma-
ment les patients pendant les 8 premières semaines.                                      tions par rapport à la population générale (7).
   En cas de survenue d’une éruption cutanée, le traite-
ment par lamotrigine doit être immédiatement interrompu                                  • Associations à prendre en compte
sauf si l’éruption observée est imputée de façon formelle
                                                                                            L’association au millepertuis est contre-indiquée car il
à une cause autre (7).
                                                                                         entraîne une diminution des concentrations plasmatiques
   Des réactions d’hypersensibilité à la lamotrigine ont été                             de la lamotrigine. L’association à l’acide valproïque est
rapportées. Dans ce cas, l’éruption cutanée s’accompa-                                   déconseillée en raison du risque accru de survenue de
gne de fièvre. Le risque de survenue d’un syndrome de                                    manifestations cutanées graves. L’association à la carba-
coagulation vasculaire disséminée (CIVD) doit être éva-                                  mazépine peut accentuer les effets neurologiques de cette
lué.                                                                                     molécule (vertiges, ataxie, diplopie). Les contraceptifs
   Sur le plan psychiatrique, des manifestations à type                                  oraux peuvent diminuer l’efficacité de la lamotrigine par
d’irritabilité, d’agressivité, d’hallucinations ont été rappor-                          augmentation de son métabolisme hépatique.

    TABLEAU I. — Bilan et surveillance clinique et biologique recommandés pour l’utilisation des principaux thymorégulateurs.

                                                           Concentrations                                                                          Interactions
     Thymo-                      Bilan                                                   Surveillance                 Surveillance
                                                            plasmatiques                                                                        médicamenteuses
   régulateurs             préthérapeutique                                                clinique                    biologique
                                                           recommandées                                                                        à prendre en compte

Lithium             Examen clinique :                 Lithiémie minimale            Poids :                     Au minimum chaque           Augmentation de la
                    poids, périmètre ombilical ;      efficace :                    troubles digestifs          année :                     lithiémie :
                    dosage plasmatique :              entre 0,5 et 0,8 meq/l ;      (nausées,                   NFS ; BES ; Ca,             AINS, carbamazépine,
                    créatinine, urée, TSH,            Surveillance :                vomissements,               glycémie ; créatinine,      diurétiques, IEC,
                    T4 libre, glycémie à jeun,        1 ×/semaine le premier        diarrhées),                 urée plasmatique,           antagonistes de
                    BES, NFS ; protéinurie ;          mois,                         la sédation,                protéinurie, TSH            l’angiotensine II et
                    ECG ; femme en âge de             1 ×/mois le premier           goitre thyroïdien,                                      neuroleptiques
                    procréer : béta-HCG               trimestre,                    hypothyroïdie
                                                      puis 1 ×/deux mois            sensation de soif,
                                                                                    polyurie,
                                                                                    manifestations
                                                                                    cutanées

Divalproate,        Examen clinique :            Concentration sérique              Poids, fonction             Bilan hépatique :        Augmente les
valproate de        poids, périmètre ombilical ; minimale :                         hépatique :                 après 1 mois             concentrations de
sodium,             dosage plasmatique :         40-50 mg/l                         asthénie, anorexie,         puis tous les 6 mois     lamotrigine,
valpromide          fonctions hépatiques NFS,                                       abattement,                 NFS + plaquettes,        carbamazépine,
                    plaquettes, temps de                                            somnolence,                 temps de saignement phénobarbital,
                    saignement, bilan de                                            douleurs abdominales        et bilan de coagulation, primidone
                    coagulation (TP)                                                pancréatite,                TP à 15 jours
                                                                                    alopécie, somnolence        et en fin de traitement

Carbamazépine Examen clinique :                       Concentrations                Fièvre, angine              NFS, bilan hépatique        Induction enzymatique,
              ECG ;                                   sériques :                    processus infectieux,       1 ×/semaine le premier      psychotropes :
              dosage plasmatique : NFS,               entre 4 et 12 µg/ml           éruptions cutanées          mois puis en cas de         diminution des
              bilan hépatique                         (soit 17 à 50 mcmol/l).                                   signe d’appel               concentrations
                                                      Rythme mensuel :                                                                      plasmatiques du
                                                      6 mois puis 1 ×/6 mois                                                                clonazépam,
                                                                                                                                            halopéridol, olanzapine,
                                                                                                                                            rispéridone, méthadone.
                                                                                                                                            Contre-indication avec les
                                                                                                                                            IMAO, clozapine

Lamotrigine         Examen clinique                   Variation                     Examen cutané               Bilan de coagulation si Acide valproïque :
                                                      interindividuelle des         attentif pendant les        fièvre + manifestations risque accru de
                                                      concentrations                8 premières                 cutanées                manifestations cutanées
                                                      plasmatiques                  semaines                                            graves

BES : bilan électrolytique sanguin ; NFS : numération formule sanguine ; TP : taux de prothrombine ; Ca : calcium plasmatique ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ;
IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase.

S 540
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2                      Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire

Autres anticonvulsivants                                       considérablement le pronostic de cette maladie ; ils doi-
                                                               vent être utilisés avec minutie par les psychiatres et les
   D’autres anticonvulsivants ont pu être proposés comme       médecins traitants. Les praticiens devront attacher notam-
thymorégulateurs. L’oxcarbazépine est un traitement dont       ment une attention toute particulière à distinguer l’effica-
les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés        cité thérapeutique des effets secondaires des médica-
sont la sédation, les céphalées, les vertiges et sur le plan   ments thymorégulateurs qui sont nombreux et quelquefois
biologique la survenue d’hyponatrémie (4). Le topiramate       graves. Une bonne connaissance de chacun de ces pro-
nécessite une surveillance neurologique (ataxie, étourdis-     duits apparaît indispensable.
sement, somnolence difficultés de concentration) et
hématologique (lymphocytose, leucopénie).

                                                               Références
Olanzapine
   La somnolence et la prise de poids sont les effets secon-     1. BAUER M, MITCHNER L. What is a « mood stabilizer » ? An evi-
daires rapportés le plus fréquemment avec ce médica-                dence-based response. Am J Psychiatry 2004 ; 161 : 3-18.
ment. Des cas d’hyperglycémie, et de survenue de diabète         2. GAO K, CALABRESE JR. Newer treatment studies for bipolar
ont aussi été signalés. Ces différents paramètres seront            depression 2005 ; 7 (Suppl 5) : 13-23.
                                                                 3. GAY C. Pratiques de la lithiothérapie. Consensus et controverses.
périodiquement évalués. De façon arbitraire on peut rai-            Psychiatrie pratique de l’encéphale. Paris : Doin, 1997.
sonnablement recommander l’évaluation mensuelle du               4. GHAEMI SN, BERY DA, KLUGMAN J et al. Oxcarbazepine treat-
poids, de la tension artérielle, du périmètre ombilical et          ment of bipolar disorder. J Clin Psychiatry 2003 ; 64 (8) : 943-5.
tous les 6 mois des paramètres biologiques (glycémie,            5. KECK PE, NELSON EB, McELROY SL. Advances in the pharma-
bilan lipidique).                                                   cologic treatment of bipolar depression Biol Psychiatry 2003 ; 53 :
                                                                    671-9.
                                                                 6. KLEINDIENST N, GREIL W. Lithium in the long term treatment of
                                                                    bipolar disorders. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 2003 ; 253 (3) :
CONCLUSION                                                          120-5.
                                                                 7. LE DICTIONNAIRE VIDAL. Paris : Éditions du Vidal, 2005.
                                                                 8. SALLOUM IM, CORNELIUS JR, DALEY DC et al. Efficacy of val-
  Le trouble bipolaire constitue une pathologie sévère et           proate maintenance in patients with bipolar disorder and alcoholism :
chronique qui nécessite fréquemment des aménage-                    a double-blind placebo-controlled study. Arch Gen Psychiatry 2005 ;
ments thérapeutiques. Les thymorégulateurs modifient                62 (1) : 37-45.

                                                                                                                                  S 541
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