Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire
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Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire B. MILLET (1), J.-M. VANELLE (2) Un thymorégulateur se définit comme un agent psycho- Le Lithium trope capable d’avoir une efficacité sur quatre dimensions cliniques différentes comprenant le traitement des symp- Il constitue le traitement de référence dans le traitement tômes maniaques aigus, celui des symptômes dépressifs, des troubles bipolaires. L’efficacité du lithium a été forte- la prévention des symptômes maniaques et celle des ment documentée et apparaît évidente chez les patients symptômes dépressifs (1). Cet article concerne la sur- souffrant de maladie maniaco-dépressive de type 1 (épi- veillance à adopter lors de l’utilisation des traitements thy- sodes maniaques et épisodes dépressifs). Le bilan pré- morégulateurs. La surveillance du lithium, ainsi que celles lithium comprend : de la carbamazépine, du valproate ou divalproate de – Un contrôle de la fonction rénale (dosage plasmati- sodium, et de la lamotrigine seront particulièrement docu- que de la créatinine, de l’urée, protéinurie, clairance de la mentées et référencées. D’autres traitements concernés créatinine). par la thymorégulation tels que les antipsychotiques, – Un ECG à la recherche d’une anomalie cardiaque. notamment l’olanzapine, seront mentionnés quant aux Toute anomalie du tracé doit conduire à un avis d’un car- précautions de la mise en place du traitement et de leur diologue, ceci d’autant plus lorsque des doses importan- surveillance. L’électroconvulsivothérapie, qui répond aux tes de lithium sont envisagées. Le lithium est à éviter en critères requis de définition d’un thymorégulateur, ne sera cas d’altération de la fonction ventriculaire. pas ici abordé, sa mise en place et sa surveillance néces- – Un contrôle du bilan thyroïdien (dosage de la TSH sitant un développement sortant du cadre de ce sujet. et de T4 libre). – Une glycémie à jeun, un ionogramme sanguin et une numération sanguine normaux doivent être contrôlés avant l’initiation du traitement. BILAN THÉRAPEUTIQUE AVANT UN TRAITEMENT Chez la femme en âge de procréer, on doit s’assurer PAR THYMORÉGULATEUR que la femme n’est pas enceinte, et instaurer une contra- La surveillance du trouble bipolaire nécessite une ception efficace avant la mise sous traitement lorsque recommandation d’adoption de règles d’hygiène de vie : aucun moyen n’est utilisé. respect du rythme veille sommeil, identification et précau- tions par rapport aux facteurs de stress sociaux (profes- sionnels, événements de vie, situations familiales) ou bio- Anticonvulsivants logiques (maladies somatiques). Lors de l’introduction Le valpromide, l’acide valproïque, d’un traitement thymorégulateur devant un diagnostic de le divalproate de sodium trouble bipolaire, ces règles doivent se doubler d’une sur- veillance des effets secondaires généraux des traitements Recommandé dans le traitement des épisodes mania- médicamenteux. ques chez les patients souffrant de troubles bipolaires mais aussi dans la prévention des récidives en cas d’into- lérance au lithium, ou bien dans les formes mixtes de (1) Professeur de Psychiatrie, Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie Adulte, Centre Hospitalier Guillaume Régnier, Université Rennes 1. (2) Professeur de Psychiatrie, Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie Adulte, Université Nantes. S 536 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2 Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire maladie maniaco-dépressive, ce produit peut se présenter cémie à jeun et un bilan lipidique comprenant les triglycé- sous forme de sel (divalproate de sodium, de valpromide, rides, le cholestérol total et la fraction LDL. d’acide valproïque). Avant toute prise de traitement, le patient doit être informé du risque de prise de poids qui peut exister. Des règles hygiéno-diététiques doivent être SURVEILLANCE AU COURS DU TRAITEMENT recommandées. Sur le plan biologique, un bilan des fonc- THYMORÉGULATEUR tions hépatiques ainsi qu’un examen hématologique com- prenant une numération formule sanguine avec plaquet- Les traitements thymorégulateurs sont utilisés au long tes, un temps de saignement et un bilan de coagulation cours. Ils nécessitent d’informer précisément les patients doivent être effectués (7). sur leurs modalités d’utilisation. Carbamazépine Lithium La carbamazépine a reçu l’autorisation de mise sur Sur le long terme, le lithium ne perd pas son efficacité marché (AMM) en psychiatrie dans la prévention des prophylactique comme cela a pu être rappelé dans des rechutes dans le cadre des troubles bipolaires chez des revues récentes (6). Cependant, certaines complications patients présentant une résistance relative, des contre- peuvent apparaître et nécessitent une surveillance atten- indications ou une intolérance au lithium, ainsi que dans tive. L’insuffisance rénale représente une contre-indica- le traitement des états d’excitation maniaque ou hypoma- tion de la lithiothérapie sauf dans les cas indispensables niaque. Compte tenu du risque très fréquent de leucopé- où l’on peut exercer une surveillance très stricte et régu- nie, voire d’agranulocytose et des problèmes d’induction lière de la fonction rénale. L’association aux diurétiques hépatique, il est recommandé de réaliser un hémogramme représente une autre contre-indication en raison du risque et un bilan hépatique avant le début du traitement. La de néphropathie tubulaire aiguë. Enfin l’utilisation d’un structure tricyclique, comparable aux antidépresseurs imi- régime sans sel doit représenter une contre-indication à praminiques, confère à la molécule des effets secondaires ce traitement. similaires qui justifient la réalisation d’un ECG. Surveillance du maintien des taux sériques de lithium Lamotrigine et principes de l’équilibration de la lithiémie La posologie d’un traitement par lithium doit être indi- La lamotrigine n’a pas reçu d’AMM dans le traitement vidualisée selon la lithiémie. Quelle que soit la forme phar- ou la prévention des troubles bipolaires en France. Pour- maceutique considérée, la lithiémie minimale efficace doit tant, ce médicament apparaît particulièrement intéressant être comprise entre 0,5 et 0,8 meq/l. Avec le Téralithe dans le traitement et la prévention des dépressions bipo- 250 mg, ce dosage sera à effectuer 2 heures après la der- laires (2, 5). Un examen clinique attentif est recommandé nière prise le matin à jeun avant toute prise de traitement, avant la prise de traitement. tandis qu’avec la forme à libération prolongée ce contrôle se fera le soir juste avant la prise, et 24 heures après la dernière prise de la veille au soir. Une fois la lithiémie effi- Bilan des antipsychotiques administrés cace atteinte, les dosages sanguins doivent être effectués à visée thymorégulatrice toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois pendant le premier trimestre, puis tous les deux Des propriétés thymorégulatrices ont déjà été mention- mois. Dans les cas difficiles où les dosages plasmatiques nées chez des neuroleptiques classiques comme le flu- de lithium donnent des valeurs instables, il est utile d’obte- pentixol. Aujourd’hui l’indication dans le traitement de la nir les valeurs du lithium intraérythrocytaire et de calculer bipolarité et de sa prévention est actuellement recherchée le rapport érythroplasmatique (3). par la plupart des entreprises pharmaceutiques commer- cialisant les antipsychotiques. À ce jour, l’olanzapine est en France, la seule molécule à avoir obtenu l’AMM dans Surveillance au cours du traitement par lithium « le traitement des épisodes maniaques modérés à sévè- res et dans la prévention des récidives chez les patients Les patients sous lithium doivent être informés des présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu à effets latéraux des médicaments. Il est indispensable l’olanzapine lors d’un épisode maniaque » (7). Compte d’éviter un régime modifiant les apports sodés. L’alcool est tenu de la fréquence de la prise de poids sous ce traite- déconseillé. La fréquence des contrôles biologiques varie ment (> 10 %) et des complications diabétiques, une selon les auteurs de tous les trois mois à tous les deux attention toute particulière sur le plan clinique doit être ans. Dans le cadre d’un suivi au long cours, il est recom- attachée aux patients à risques présentant déjà un mandé d’effectuer chaque année : surpoids. Il apparaît utile avant toute mise sous traitement – une numération formule sanguine ; de peser le patient, et d’obtenir les mesures du périmètre – un ionogramme sanguin avec dosage du calcium et abdominal. Sur le plan biologique on effectuera une gly- de la glycémie ; S 537
B. Millet, J.-M. Vanelle L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2 – un bilan rénal avec dosage de la créatinine et de le seul traitement efficace sur le trouble bipolaire, un avis l’urée plasmatiques, et la recherche d’une protéinurie ; endocrinologique s’impose pour poursuivre le traitement. – un bilan thyroïdien comprenant au moins un dosage • En cas d’insuffisance rénale avérée de TSH, nécessitant en cas d’anomalies des dosages des fractions libres des hormones thyroïdiennes. L’arrêt de la lithiothérapie doit être la règle. Dans les cas de dérèglement de la fonction rénale, un avis en Les Références Médicales Opposables (RMO) limitent néphrologie doit être demandé. le bilan au contrôle de la créatininémie, de la lithiémie et une fois par an de la TSH ultrasensible (3). • En cas de dysrythmie cardiaque Un avis cardiologique est indispensable. • En cas de tremblements des mains Effets indésirables et signes de surdosage (effet secondaire neurologique le plus fréquent) Près de 50 % des patients arrêteraient le traitement par La réduction des doses et la répartition des prises doi- lithium en raison d’une mauvaise tolérance. Les effets vent permettre d’atténuer cet effet dose-dépendant. L’uti- indésirables les plus fréquents concernent la prise de lisation de médicaments antitrémoriques (propranolol 10 poids, les troubles digestifs (nausées, vomissements, à 20 mg/jour) ou tels que la primidone peuvent aussi être diarrhées), la sédation, l’hypotonie musculaire, le goitre utilisés avec succès. thyroïdien souvent associé à une hypothyroïdie (5 à 15 % • En cas de troubles digestifs des patients traités), la sensation de soif avec polyurie, des manifestations cutanées. Dans un grand nombre de Ils sont en règle générale transitoires en début de trai- cas, l’adaptation du traitement en fonction de la lithiémie tement. Ils disparaissent spontanément en recourant à permet d’atténuer ces effets. Les signes de surdosage des prises en milieu du repas outre des nausées, des tremblements, une polydypsie • En cas de prise de poids peuvent comprendre, des troubles du rythme (anomalies La prescription de lithium doit s’accompagner de con- de la conduction sino-auriculaire, ou auriculoventriculaire, seils diététiques, en limitant notamment les aliments par- bloc auriculoventriculaire complet), un syndrome cérébel- ticulièrement riches en lipides ou en sucres rapides et en leux, des troubles de la vigilance, une hyper-réflexie suivie préconisant une activité physique régulière. d’un coma vigile. L’apparition de ces derniers symptômes nécessite : – l’arrêt immédiat du traitement ; Surveillance lors d’un traitement – le contrôle en urgence de la lithiémie ; par anticonvulsivants – l’augmentation de l’excrétion du lithium par alcalini- sation des urines, une diurèse osmotique (mannitol) et Valproate, valpromide, divalproate de sodium l’adjonction de chlorure de sodium (7). • Surveillance des taux plasmatiques Comme pour le traitement de l’épilepsie, l’efficacité thé- Interactions médicamenteuses rapeutique dans le trouble bipolaire serait liée à une con- centration sérique minimale de 40-50 mg/l, avec une large Certains médicaments entraînent une augmentation de fourchette comprise entre 40 et 100 mg/l (7). Une étude la lithiémie. Tel est le cas pour l’ensemble des anti-inflam- récente a montré l’efficacité supérieure de hautes concen- matoires non stéroïdiens (AINS), la carbamazépine, les trations plasmatique de valproate, chez des patients bipo- diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les laires présentant une co-morbidité alcoolique (8). Des taux antagonistes de l’angiotensine II et les neuroleptiques à se maintenant au-delà de 200 mg/l nécessitent une réduc- doses élevées. tion de la posologie. La concentration plasmatique d’équi- libre est atteinte en 3 à 4 jours. Conduite à tenir • Surveillance des effets indésirables et des complications somatiques • En cas d’hypothyroïdie Les patients doivent être informés du risque de prise Elle est plus fréquemment observée dans les 18 mois de poids. L’apparition d’un surdosage doit être surveillée. qui suivent l’instauration du traitement. Lorsqu’elle est Il se manifeste par des troubles de la conscience pouvant confirmée, et que le trouble bipolaire impose un traitement même aboutir à des états de coma, chez des sujets poly- par lithium, un traitement hormonal substitutif doit être mis médicamentés. L’autre grande surveillance avec ce trai- en place (levothyrox) en contrôlant régulièrement la TSH tement concerne la fonction hépatique : des signes pro- et le taux plasmatique de T4 libre. Cette hypothyroïdie dromiques tels que l’asthénie, l’anorexie, l’abattement, la peut être transitoire. somnolence accompagnés de douleurs abdominales doi- vent faire suspecter une hépatopathie (7). Des cas de pan- • En cas d’hyperthyroïdie associée à une thyroïdite créatite dont l’évolution peut être mortelle ont été excep- Il est recommandé lorsque cela est possible, d’inter- tionnellement décrits. Des effets comme l’alopécie ou la rompre la lithiothérapie. Dans le cas où le lithium s’avère somnolence sont fréquemment signalés par les patients. S 538
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2 Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire Sur le plan biologique, une surveillance de la fonction Les signes et symptômes de surdosage sont habituel- hépatique doit être régulièrement effectuée. De façon arbi- lement neuromusculaires, cardiovasculaires (tachycar- traire, on peut proposer une surveillance régulière de die, bradycardie, hypotension, troubles de la conduction 1 mois après le début du traitement puis tous les 6 mois. auriculo-ventriculaire) et respiratoires. Un examen hématologique (NFS + plaquettes, temps de Un hémogramme et un bilan hépatique sont recomman- saignement et bilan de coagulation, taux de prothrombine) dés une fois par semaine le premier mois et devant tout est recommandé à 15 jours après le début du traitement signe clinique d’appel. et en fin de traitement. Si des chiffres anormaux sont retrouvés, le fibrinogène et les facteurs de coagulation • Associations à prendre en compte seront dosés. La carbamazépine peut avoir selon le type d’associa- Chez la femme enceinte le valproate et ses métabolites tion médicamenteuse des propriétés d’induction ou d’inhi- sont déconseillés au cours du premier trimestre de gros- bition enzymatique au niveau du métabolisme hépatique. sesse. En tant qu’inducteur, il peut diminuer l’efficacité de cer- tains antiviraux (saquinavir), d’antibiotiques (télithromy- • Associations médicamenteuses à prendre en compte cine), d’antifongiques (voriconazole), d’antiparasitaires L’utilisation du valproate avec la lamotrigine doit se faire de façon marquée (praziquantel) des contraceptifs oraux de façon prudente en raison du risque augmenté de réac- (œstroprogestatifs et progestatifs), d’opiacés antalgiques tions cutanées graves. Le valproate augmente les con- (tramadol), d’anticalciques, des antyarythmiques (classe centrations de lamotrigine, de la carbamazépine de phé- Ia), d’immunodépresseurs (ciclosporine, tacrolimus etc..), nobarbital ou de primidone. Le millepertuis au contraire des corticoïdes, des inhibiteurs de la protéase (amprena- diminuerait les concentrations du valproate. vir, atazanavir etc..), du midazolam (hypnotique et sédatif de type benzodiazépine) (7). D’autres produits entraînent l’augmentation des con- Carbamazépine centrations plasmatiques de carbamazépine : le dextro- • Surveillance des taux plasmatiques propoxyphène, les antibiotiques macrolides (l’érythromy- cine, la josamycine), l’izoniazide, l’acétazolamide, la L’efficacité de la carbamazépine est généralement cimétidine, la digoxine, le jus de pamplemousse. La rifam- observée pour des concentrations plasmatiques obtenues picine diminue l’efficacité de la carbamazépine. au bout d’une semaine de traitement comprises entre 4 et 12 µg/ml (soit 17 à 50 mcmol/l) et les réactions toxiques Association aux psychotropes : l’association à la cloza- surviennent pour des concentrations supérieures à pine accentue le risque de survenue d’effets hématologi- 15 µg/ml. Ces concentrations plasmatiques doivent être ques graves. L’association au lithium entraîne un risque contrôlées tous les mois pendant environ 6 mois puis une accru de neurotoxicité. Le millepertuis diminue les con- fois tous les 6 mois. centrations plasmatiques de carbamazépine. Les inhibi- teurs de la recapture de la sérotonine peuvent augmenter • Surveillance des effets indésirables les concentrations plasmatiques de carbamazépine de et des complications somatiques même que la viloxazine et nécessitent une surveillance L’apparition d’une fièvre, d’une angine ou d’un autre clinique étroite en cas d’association. La carbamazépine processus infectieux doit conduire le médecin à contrôler diminue les concentrations plasmatiques du clonazépam, immédiatement la numération formule sanguine. La car- de l’halopéridol, de l’olanzapine, de la rispéridone, de la bamazépine, composée d’une structure tricyclique sur le méthadone. plan biochimique, présente les mêmes contre-indications que les imipraminiques : elle nécessite ainsi une sur- veillance particulière en cas de glaucome, de rétention uri- Lamotrigine naire, de troubles du rythme et de la conduction cardiaque. Une surveillance étroite est nécessaire en cas d’affection • Surveillance des taux plasmatiques hépatique ou rénale. Chez la femme enceinte, compte Il n’existe pas avec la lamotrigine de concentrations tenu du risque tératogène, son usage est à éviter lorsque plasmatiques corrélées à l’efficacité thérapeutique de la l’état clinique le permet. Lorsque le traitement ne peut pas molécule. Il existe une grande variation interindividuelle être interrompu, une supplémentation en acide folique est des concentrations plasmatiques à l’état d’équilibre. recommandée. Les effets indésirables les plus fréquemment rencon- • Surveillance des effets indésirables trés avec la carbamazépine sont neurologiques (vertiges, et des complications somatiques somnolence, fatigue, troubles de l’équilibre), gastro-intes- Le risque cutané est l’effet indésirable le plus fréquem- tinaux (nausées vomissements), allergiques avec des ment rencontré (1/1000 chez l’adulte, autour de 1 % chez réactions cutanées de type urticaire et la leucopénie sur l’enfant). Les éruptions cutanées surviennent dans les le plan biologique. Les effets graves sur le plan hémato- 8 premières semaines de traitement. La majorité de ces logique, hépatique, dermatologique, cardiovasculaire ou éruptions sont bénignes et transitoires mais des toxider- les réactions d’hypersensibilité imposent l’arrêt du traite- mies bulleuses (syndrome de Stevens-Jonhnson, syn- ment. drome de Lyell) ont été rapportées sous lamotrigine. Le S 539
B. Millet, J.-M. Vanelle L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2 risque d’éruption cutanée a montré être corrélé à une tées. Sur le plan neurologique, des céphalées, de la som- posologie initiale trop élevée, et/ou à une augmentation nolence, des insomnies, des sensations vertigineuses, trop rapide de la posologie. Il est ainsi recommandé d’uti- des tremblements, une diplopie sont recensés. liser avec précaution la lamotrigine particulièrement en Chez la femme enceinte, les données du suivi prospec- cas d’antécédents de toxidermie, de procéder à une aug- tif de plus de 1000 grossesses exposées à la lamotrigine mentation progressive des doses, de surveiller attentive- n’ont pas montré d’augmentation du risque de malforma- ment les patients pendant les 8 premières semaines. tions par rapport à la population générale (7). En cas de survenue d’une éruption cutanée, le traite- ment par lamotrigine doit être immédiatement interrompu • Associations à prendre en compte sauf si l’éruption observée est imputée de façon formelle L’association au millepertuis est contre-indiquée car il à une cause autre (7). entraîne une diminution des concentrations plasmatiques Des réactions d’hypersensibilité à la lamotrigine ont été de la lamotrigine. L’association à l’acide valproïque est rapportées. Dans ce cas, l’éruption cutanée s’accompa- déconseillée en raison du risque accru de survenue de gne de fièvre. Le risque de survenue d’un syndrome de manifestations cutanées graves. L’association à la carba- coagulation vasculaire disséminée (CIVD) doit être éva- mazépine peut accentuer les effets neurologiques de cette lué. molécule (vertiges, ataxie, diplopie). Les contraceptifs Sur le plan psychiatrique, des manifestations à type oraux peuvent diminuer l’efficacité de la lamotrigine par d’irritabilité, d’agressivité, d’hallucinations ont été rappor- augmentation de son métabolisme hépatique. TABLEAU I. — Bilan et surveillance clinique et biologique recommandés pour l’utilisation des principaux thymorégulateurs. Concentrations Interactions Thymo- Bilan Surveillance Surveillance plasmatiques médicamenteuses régulateurs préthérapeutique clinique biologique recommandées à prendre en compte Lithium Examen clinique : Lithiémie minimale Poids : Au minimum chaque Augmentation de la poids, périmètre ombilical ; efficace : troubles digestifs année : lithiémie : dosage plasmatique : entre 0,5 et 0,8 meq/l ; (nausées, NFS ; BES ; Ca, AINS, carbamazépine, créatinine, urée, TSH, Surveillance : vomissements, glycémie ; créatinine, diurétiques, IEC, T4 libre, glycémie à jeun, 1 ×/semaine le premier diarrhées), urée plasmatique, antagonistes de BES, NFS ; protéinurie ; mois, la sédation, protéinurie, TSH l’angiotensine II et ECG ; femme en âge de 1 ×/mois le premier goitre thyroïdien, neuroleptiques procréer : béta-HCG trimestre, hypothyroïdie puis 1 ×/deux mois sensation de soif, polyurie, manifestations cutanées Divalproate, Examen clinique : Concentration sérique Poids, fonction Bilan hépatique : Augmente les valproate de poids, périmètre ombilical ; minimale : hépatique : après 1 mois concentrations de sodium, dosage plasmatique : 40-50 mg/l asthénie, anorexie, puis tous les 6 mois lamotrigine, valpromide fonctions hépatiques NFS, abattement, NFS + plaquettes, carbamazépine, plaquettes, temps de somnolence, temps de saignement phénobarbital, saignement, bilan de douleurs abdominales et bilan de coagulation, primidone coagulation (TP) pancréatite, TP à 15 jours alopécie, somnolence et en fin de traitement Carbamazépine Examen clinique : Concentrations Fièvre, angine NFS, bilan hépatique Induction enzymatique, ECG ; sériques : processus infectieux, 1 ×/semaine le premier psychotropes : dosage plasmatique : NFS, entre 4 et 12 µg/ml éruptions cutanées mois puis en cas de diminution des bilan hépatique (soit 17 à 50 mcmol/l). signe d’appel concentrations Rythme mensuel : plasmatiques du 6 mois puis 1 ×/6 mois clonazépam, halopéridol, olanzapine, rispéridone, méthadone. Contre-indication avec les IMAO, clozapine Lamotrigine Examen clinique Variation Examen cutané Bilan de coagulation si Acide valproïque : interindividuelle des attentif pendant les fièvre + manifestations risque accru de concentrations 8 premières cutanées manifestations cutanées plasmatiques semaines graves BES : bilan électrolytique sanguin ; NFS : numération formule sanguine ; TP : taux de prothrombine ; Ca : calcium plasmatique ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; IMAO : inhibiteurs de la monoamine oxydase. S 540
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 536-41, cahier 2 Surveillance des traitements thymorégulateurs dans le trouble bipolaire Autres anticonvulsivants considérablement le pronostic de cette maladie ; ils doi- vent être utilisés avec minutie par les psychiatres et les D’autres anticonvulsivants ont pu être proposés comme médecins traitants. Les praticiens devront attacher notam- thymorégulateurs. L’oxcarbazépine est un traitement dont ment une attention toute particulière à distinguer l’effica- les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés cité thérapeutique des effets secondaires des médica- sont la sédation, les céphalées, les vertiges et sur le plan ments thymorégulateurs qui sont nombreux et quelquefois biologique la survenue d’hyponatrémie (4). Le topiramate graves. Une bonne connaissance de chacun de ces pro- nécessite une surveillance neurologique (ataxie, étourdis- duits apparaît indispensable. sement, somnolence difficultés de concentration) et hématologique (lymphocytose, leucopénie). Références Olanzapine La somnolence et la prise de poids sont les effets secon- 1. BAUER M, MITCHNER L. What is a « mood stabilizer » ? An evi- daires rapportés le plus fréquemment avec ce médica- dence-based response. Am J Psychiatry 2004 ; 161 : 3-18. ment. Des cas d’hyperglycémie, et de survenue de diabète 2. GAO K, CALABRESE JR. Newer treatment studies for bipolar ont aussi été signalés. Ces différents paramètres seront depression 2005 ; 7 (Suppl 5) : 13-23. 3. GAY C. Pratiques de la lithiothérapie. Consensus et controverses. périodiquement évalués. De façon arbitraire on peut rai- Psychiatrie pratique de l’encéphale. Paris : Doin, 1997. sonnablement recommander l’évaluation mensuelle du 4. GHAEMI SN, BERY DA, KLUGMAN J et al. Oxcarbazepine treat- poids, de la tension artérielle, du périmètre ombilical et ment of bipolar disorder. J Clin Psychiatry 2003 ; 64 (8) : 943-5. tous les 6 mois des paramètres biologiques (glycémie, 5. KECK PE, NELSON EB, McELROY SL. Advances in the pharma- bilan lipidique). cologic treatment of bipolar depression Biol Psychiatry 2003 ; 53 : 671-9. 6. KLEINDIENST N, GREIL W. Lithium in the long term treatment of bipolar disorders. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 2003 ; 253 (3) : CONCLUSION 120-5. 7. LE DICTIONNAIRE VIDAL. Paris : Éditions du Vidal, 2005. 8. SALLOUM IM, CORNELIUS JR, DALEY DC et al. Efficacy of val- Le trouble bipolaire constitue une pathologie sévère et proate maintenance in patients with bipolar disorder and alcoholism : chronique qui nécessite fréquemment des aménage- a double-blind placebo-controlled study. Arch Gen Psychiatry 2005 ; ments thérapeutiques. Les thymorégulateurs modifient 62 (1) : 37-45. S 541
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