Syndrome DRESS (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms)
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curriculum Syndrome DRESS (Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms) Une allergie médicamenteuse grave souvent méconnue Werner J. Pichlera, Thomas Wendlandb, Oliver Hausmanna, Benno Schnydera, Michael Frickera, Christiane Pichlera, Arthur Helblinga nées. Initialement appelé Drug Hypersensitivity Syn- drome (DHS), il a par la suite été nommé DRESS; des Quintessence chercheurs japonais l’ont appelé Drug-induced Hyper- P Les allergies médicamenteuses imitent fréquemment d’autres mala sensitivity Syndrome (DiHS), alors que d’autres scienti dies, détrônant désormais la syphilis à cet égard, ce qui vaut particulière fiques parlent de Anticonvulsant Hypersensitivity ment pour le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (Drug Rash Syndrome (tab. 1 p) [1–6]. Dans cet article, nous le with Eosinophilia and Systemic Symptoms, DRESS). Difficile à diagnosti désignerons par DRESS, bien que ce nom soit à juste quer, ce syndrome compte parmi les allergies médicamenteuses les plus titre controversé car une éosinophilie, l’un des symp dangereuses. Souvent, il survient uniquement après 2–12 semaines de tômes clés, est uniquement présente dans env. 70% des traitement. Il se manifeste la plupart du temps par des symptômes cuta cas et ne s’observe guère avec certains médicaments nés et une hépatite, mais peut également donner lieu à une cardite, à une (lamotrigine, abacavir). D’un autre côté, l’éosinophilie néphrite, à une pneumopathie et à une colite. Le syndrome DRESS peut parfois massive est un symptôme très distinctif, qui est persister durant des semaines malgré l’arrêt du traitement causal. utile pour faire la différence entre un syndrome DRESS et d’autres maladies. P Mis à part les antiépileptiques (carbamazépine, lamotrigine et phény toïne), les sulfamides (sulfasalazine, dapsone et sulfaméthoxazole) ainsi Le syndrome DRESS est uniquement déclenché par un que l’allopurinol, la minocycline et les médicaments antiVIH (névirapine, nombre relativement faible de médicaments (tab. 2 p), abacavir) sont des déclencheurs potentiels. parmi lesquels les anticonvulsivants (phénytoïne, carbamazépine, lamotrigine), les sulfamides comme la P Le syndrome DRESS est associé à une mortalité d’env. 10%. La détec dapsone, la sulfasalazine (en raison de son composant tion précoce du syndrome, l’arrêt immédiat des médicaments en cause et sulfapyridine) et le sulfaméthoxazole, ainsi que l’allo la nonprise d’autres médicaments sont d’une importance vitale. purinol, la minocycline, l’abacavir et la névirapine. P Déstabilisantes, les réactions de type flare-up (par ex. exacerbations d’une hépatite) peuvent survenir par la suite, malgré l’évitement de l’agent déclenchant. Elles peuvent être déclenchées d’une part par une Evolution clinique réactivation de virus herpétiques et d’autre part, par d’autres médica ments pris au cours de la phase de stimulation immunitaire massive. Le plus souvent, le syndrome DRESS se manifeste uni quement après une période de traitement de 2 à 12 se maines. Les symptômes font généralement leur appari tion après une augmentation posologique. Le tableau clinique peut débuter par des symptômes «grippaux» comme des malaises et de la fièvre, ainsi que par un exanthème maculeux non papuleux très chaud, le plus Introduction souvent au niveau des jambes et du tronc (fig. 1 x) [1, 2, 7, 8]. Des démangeaisons sont possibles mais pas Le syndrome DRESS (Drug Rash with Eosinophilia and obligatoires. Au cours des premiers jours, de rares pa Systemic Symptoms), également appelé DiHS (Drug-in- tients présentent des lésions cutanées pustuleuses, qui duced Hypersensitivity Syndrome), est une affection font penser à une pustulose exanthématique aiguë géné systémique qui peut être déclenchée par une réaction ralisée (PEAG); chez env. 1–2% des patients, des lésions immunologique à certains médicaments [1–4]. Il en ré bulleuses apparaissent au niveau de la peau et des sulte une réaction inflammatoire souvent éosinophile muqueuses, tout comme dans le syndrome de Stevens au niveau de différents organes. Etant donné que les Johnson. La fièvre, l’exanthème, l’épuisement et l’hé symptômes initiaux (fièvre, exanthème, gonflement des patite font d’abord penser à une cause virale ou infec Werner J. Pichler ganglions lymphatiques, hépatite) sont évocateurs de tieuse (tab. 3 p). La présence de lymphocytes activés maladies virales ou de maladies autoimmunes graves, («virocytes») cadre avec une infection herpétique géné qu’ils ne surviennent souvent qu’après plusieurs se ralisée, mais la sérologie herpétique au début de la Les auteurs n’ont maines d’un traitement d’abord bien toléré et que le maladie n’est pas probante pour une primoinfection pas déclaré des obligations syndrome est rare (probablement env. 150–200 cas par financières ou an en Suisse), la pose du diagnostic correct est retardée Inselspital, Universität Bern personnelles en dans bon nombre de cas. a Allergologie, Klinik für Rheumatologie, klinische Immunologie rapport avec La complexité de ce syndrome se reflète également und Allergologie l’article soumis. dans les nombreuses dénominations qui lui sont don b Klinik für Innere Medizin Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 879
curriculum En fonction du médicament déclencheur, différentes at Tableau 1. Dénominations du syndrome DRESS. teintes organiques sont possibles (tab. 4, 5 p): il s’agit Anticonvulsant Hypersensitivity Syndrome (Carbamazepin-, typiquement d’une hépatite, d’une néphrite, d’une Phenytoin-induced hypersensitivity syndrome, etc.) pneumopathie ou d’une lymphadénopathie générali Drug Hypersensitivity Syndrome (DHS) sée; une cardite s’observe parfois [8] et plus rarement, une colite ou une pancréatite. Sur le plan clinique, le Drug-induced Hypersensitivity Syndrome (DiHS) syndrome DRESS se manifeste typiquement par un Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms (DRESS) œdème de la face, qui reflète probablement une per Drug-induced Delayed Multiorgan Hypersensitivity Syndrome méabilité vasculaire accrue: le syndrome DRESS peut (DIDMOHS) même donner lieu à un œdème pulmonaire, comme c’est le cas dans le syndrome de fuite capillaire consé cutif à un traitement par IL2 à dose élevée. Tableau 2. Médicaments susceptibles de déclencher un syndrome DRESS. Anticonvulsivants Carbamazepin Difficultés du diagnostic et du diagnostic Phénytoïne différentiel Phénobarbital La majorité des patients présentant un syndrome Zonisamide DRESS ne sont initialement pas correctement diagnos Lamotrigine§ tiqués; une maladie iatrogène n’est le plus souvent pas Allopurinol soupçonnée (tab. 3). Pourtant, la combinaison de symp Minocycline tômes cutanés et d’atteintes organiques, accompagnée Dapsone dans bon nombre de cas d’une éosinophilie importante avec des signes de stimulation immunitaire massive Sulfasalazine dans le sang («lymphocytes activés»), est assez spéci Sulfaméthoxazole fique: en cas de prise au cours des 12 dernières se Mexilétine maines d’un médicament connu pour déclencher un Abacavir§ syndrome DRESS (tab. 2), ces symptômes devraient Névirapine toujours faire envisager un syndrome DRESS lors du Rarement*: quinolone, gabapentine, clindamycine, vancomycine diagnostic différentiel (tab. 4, 5). La pose du diagnostic d’un syndrome DRESS a d’énormes implications pour § Souvent sans éosinophilie. * Sur la base de nos propres observations. l’évolution ultérieure – une négligence ou un retard de diagnostic peuvent être fatals! Les symptômes initiaux et l’évolution ultérieure du syn ou une réactivation virale. Contrairement aux maladies drome DRESS se distinguent des allergies médica infectieuses, le syndrome DRESS est en plus souvent as menteuses courantes par les points suivants: socié à une éosinophilie marquée >1,0 G/l, qui n’est pas – Importante sensation de maladie avec fièvre et ma retrouvée en cas de mononucléose infectieuse ou d’in laise. Les patients touchés se sentent très malades fection aiguë par le VIH. Il arrive également que l’éosi (fièvre, malaise), ce qui est totalement à l’opposé nophilie ne survienne qu’après 2–3 jours. d’un exanthème «banal» avec atteintes organiques A B Figure 1 Patiente de 20 ans présentant un syndrome DRESS aigu suite à la prise de gabapentine (ce qui a été confirmé par un test cutané positif et un test de stimulation lymphocytaire positif). A: Œdème de la main, B: Erythème diffus avec gonflement des jambes. La patiente a également présenté un œdème de la face avec sécrétion de lymphe. Dans le sang, «orage cytokinique» massif (IL-5, IL-2). Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 880
curriculum minimes; la mortalité s’élève à env. 10% et elle est Tableau 3. Diagnostic différentiel du syndrome DRESS principalement imputable à la survenue d’une hépa (d’après [12]). tite fulminante et d’une insuffisance hépatique. Mononucléose infectieuse – Typiquement, les symptômes d’hypersensibilité ne Infection virale ou bactérienne généralisée sont pas provoqués par les antibiotiques bêtalacta mines. Maladie de Kawasaki – Régression lente des symptômes, s’étalant sur plu Syndrome de choc toxique staphylococcique sieurs semaines. Même après l’arrêt du médicament Syndrome hyperéosinophilique déclencheur, les symptômes ne s’améliorent que len Pseudo-lymphome/lymphadénopathie angio-immunoblastique tement – sur plusieurs semaines à plusieurs mois. Maladie sérique – Une certaine intolérance à d’autres médicaments Lupus érythémateux médicamenteux persiste souvent durant des semaines. L’instaura tion d’un nouveau médicament peut être à l’origine Rougeole d’une exacerbation des symptômes (aggravation de Syndrome de libération de cytokines induit par des anticorps la fièvre, de l’hépatite ou de l’exanthème). Il est question de réaction de flare-up, c.àd. que le sys tème immunitaire hyperréactif, comme c’est le cas Tableau 4. Atteintes organiques en cas de syndrome DRESS chez les patients atteints d’un syndrome DRESS, (d’après [1, 7, 8]). peut facilement être réactivé par d’autres médica ments [9]. Hépatite – Une réactivation de virus herpétiques endogènes Myocardite présents à l’état latent s’observe fréquemment 2 à Néphrite interstitielle 3 semaines après le début de la maladie [4, 10, 11]. Pneumopathie interstitielle/syndrome de détresse respiratoire A partir de la 2e ou de la 3e semaine après le début des symptômes, il est possible de mettre en évidence Thyroïdite l’ADN du virus de l’herpès ainsi que des anticorps Inflammation des séreuses IgM dirigés contre le HHV6, et parfois également Colite/hémorragies intestinales/réactivations du CMV contre le CMV ou le EBV [10, 11]. Ces réactivations Diabète sucré s’accompagnent souvent d’une exacerbation transi Encéphalite/méningite aseptique toire de l’hépatite avec une élévation des transami Syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique nases, même lorsque le médicament causal n’est (SIADH) plus administré depuis des semaines. Tableau 5. Principales caractéristiques du syndrome DRESS. 2–12 semaines après le début d’un traitement: exanthème, fièvre, œdème de la face, malaise, hépatite, gonflement des ganglions lymphatiques; occasionnellement, cardite, colite, pneumopathie, néphrite, pancréatite, encéphalite Lymphocytes activés* Eosinophilie (généralement >1,0 G/l) Fréquence: en cas de traitement antiépileptique, 1:1000 à 1:10 000 Evolution longue, avec une hypersensibilité prolongée (= poussées de symptômes) à différents autres médicaments, tant que des lymphocytes T activés sont détectables Réactivation de virus herpétiques (avant tout HHV-6, CMV), généralement au cours de la 3e semaine après le début des symptômes Mortalité d’env. 10% (transplantation hépatique!) * Correspondant aux «virocytes» dans la mononucléose infectieuse. Tableau 6. Critères diagnostiques. DRESS DiHS Bocquet et al. [3] Shiohara T et al. [4] 1. Exanthème 1. Exanthème maculo-papuleux, qui se développe >3 semaines après 2. Particularités hématologiques telles qu’éosinophilie le début d’un traitement par certains médicaments (>1,5× 109/l) ou présence de «lymphocytes atypiques» et 2. Symptômes cliniques persistant 2 semaines après l’arrêt du médicament 3. Affection systémique avec lymphadénopathie (>2 cm de déclenchant diamètre), hépatite (transaminases >2 fois supérieures 3. Fièvre >38 ºC à la normale), néphrite interstitielle, pneumonie interstitielle 4. Troubles de la fonction hépatique (ALAT >100 U/l) ou cardite 5. Anomalies leucocytaires: leucocytose (>11× 109/l), lymphocytose atypique (>5%) et/ou éosinophilie (>1,5× 109/l) 6. Lymphadénopathie 7. Réactivation HHV-6 5 des 7 critères remplis: DiHS probable ou atypique Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 881
curriculum – Autres allergies médicamenteuses: bon nombre de Le syndrome DRESS peut également survenir chez les patients avec syndrome DRESS développent en plus enfants et les adolescents; l’hépatite induite par lamo de «véritables» allergies à d’autres médicaments, trigine est une complication redoutée chez les enfants qui sont administrés simultanément ou ultérieure épileptiques [13]. ment [12]. Pour ces raisons et pour d’autres raisons qui seront ex Pathogenèse pliquées par la suite, le syndrome DRESS représente un cassetête diagnostique dans la pratique clinique quoti Les patients avec syndrome DRESS présentent une dienne. Il peut être difficile à accepter pour les méde forte réaction immunitaire médiée par les lymphocytes T. cins traitants qu’ils sont confrontés à une maladie iatro Lorsqu’ils ne sont pas stimulés, les lymphocytes activés gène et que les symptômes aigus et évolutifs puissent ne sont généralement pas détectables. L’hémogramme être dus à un médicament nécessaire, et non pas à une peut révéler un nombre élevé de lymphocytes activés infection. Dans la mesure où de nombreux patients pré («virocytes») en cas de mononucléose infectieuse ou sentent en plus bel et bien une infection, l’interruption d’infection aiguë par le VIH, mais également dans des du traitement antibactérien tarde souvent à intervenir. situations de stimulation immunitaire généralisée mas En cas de nouvelle poussée d’hépatite (en raison d’une sive, comme dans le syndrome DRESS. Une partie des réactivation du virus de l’herpès) après l’arrêt du médi lymphocytes T activés réagissent spécifiquement au cament, les doutes concernant le diagnostic se trouvent médicament ou aux métabolites du médicament causal. renforcés. Il convient de garder à l’esprit que les éléva Ainsi, les patients ayant un syndrome DRESS ont éga tions de la protéine Créactive (CRP) n’ont qu’une faible lement tendance à développer des réactions immuni valeur dans le diagnostic différentiel. Nous avons en ef taires contre d’autres médicaments, qu’ils prennent fet été confrontés à des syndromes DRESS massifs avec parallèlement au médicament déclencheur du syn des valeurs maximales de CRP de seulement 12 mg/ml, drome DRESS ou ultérieurement (Multiple Drug Hyper- alors que dans d’autres cas, les élévations de la CRP sensitivity Syndrome) [12]. Il n’est pas clair si les lym étaient plus importantes. phocytes T spécifiques des médicaments réagissent Par conséquent, la pose du diagnostic d’un syndrome aussi contre des peptides des virus herpétiques [14]. DRESS nécessite des connaissances et un grand pou Les lymphocytes T réactifs sont cytotoxiques et ils voir de persuasion, car les conséquences sont de longue peuvent détruire directement des kératinocytes mais portée: renoncer à des antibiotiques dans des situations également des hépatocytes [15, 16]. Ils sécrètent des où le pronostic vital est souvent déjà menacé et initier quantités élevées d’IFNg, d’IL5, d’IL2 et d’autres cyto de la prednisone à dose élevée malgré les complications kines, qui sont également détectables en grandes quan potentielles sont contraires aux principes de traitement tités dans le sérum, comme c’est le cas dans l’«orage généralement admis et en assumer la responsabilité cytokinique» rapporté suite à l’administration de l’anti nécessite du courage. A vrai dire, il est uniquement pos corps antiCD28 «TGN1412» [17]. En effet, certains sible de diagnostiquer des syndromes DRESS compli symptômes du syndrome DRESS font penser à cet effet qués en possédant une certaine expérience et il est dif indésirable grave [18] et le syndrome de fuite capillaire ficile d’acquérir cette expérience étant donné que le est lui aussi associé à des taux élevés d’IL2 [19]. syndrome DRESS est rare. Comme après des analyses intensives et répétées, certaines cultures sanguines peuvent finalement quand même se révéler positives, une Aspects génétiques antibiothérapie est parfois débutée: les conséquences peuvent être fatales. Ainsi, il y a peu, nous avons été Les allergies médicamenteuses graves sont des confrontés à une hépatite fulminante qui s’est soldée exemples types de la médecine personnalisée. Le syn par une insuffisance hépatique fatale dans le cadre d’un drome d’hypersensibilité induit par l’abacavir survient syndrome DRESS induit par la sulfasalazine; un traite uniquement chez les sujets porteurs de l’allèle HLA ment par vancomycine avait été initié «par mesure de B*5701 [20], alors que le syndrome DRESS (tout comme précaution» sur la base d’une seule culture sanguine le syndrome de StevensJohnson) consécutif à l’admi positive (Staphylococcus epidermidis) [9]. nistration de carbamazépine s’observe préférentielle Le tableau 6 p présente des critères diagnostiques du ment chez les sujets chinois porteurs de l’allèle HLA syndrome DRESS proposés par des experts français et B*1502 [21]. Les deux déterminations HLA sont déjà japonais. Une différence frappante entre les deux défi réalisées avant l’initiation d’un traitement et elles ont nitions réside dans l’hétérogénéité de l’évolution, la dé permis de rendre quasiment nulle l’incidence de cet ef finition japonaise mettant l’accent sur les réactivations fet indésirable. L’allèle HLAB*1502 se rencontre très herpétiques. Cet aspect est controversé. Nous estimons rarement chez les sujets caucasiens. L’allèle HLA que les réactivations herpétiques sont un phénomène A*3101 a été identifié comme un allèle exposant à un secondaire, qui peut compliquer l’évolution et non risque d’effets indésirables DRESS à type de manifesta constituer une explication initiale. La plupart du temps, tions bulleuses après l’administration de carbamazé ces réactivations n’ont pas de conséquences thérapeu pine, mais cet allèle a uniquement été détecté chez 60– tiques dans la mesure où elles sont rarement à l’origine 70% des personnes touchées [22]. Le syndrome de complications nécessitant un traitement [8]. La colite d’hypersensibilité induit par l’allopurinol est lui aussi à CMV constitue une exception. associé au système HLA (env. 60% des sujets touchés Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 882
curriculum sont porteurs de l’allèle HLAB*5801) [23]. De récentes aigu. D’après notre expérience, les médicaments qui, recherches de notre groupe de travail ont montré que dans l’absolu, déclenchent très rarement des allergies, ces allèles HLA fixaient bien le médicament. Ainsi, ces comme les antihypertenseurs, les anticoagulants, la vi complexes HLAmédicament deviennent particulière tamine K (Konakion®) ou les benzodiazépines, sont éga ment immunogènes et ils provoquent une réaction mas lement tolérés durant la phase aiguë. Pour faire baisser sive des lymphocytes T dans différents organes [24]. la fièvre, il faudrait préférer les compresses au paracé tamol ou aux AINS – nous avons assisté à des exacerba tions des symptômes même sous paracétamol. Identification des médicaments En cas de syndrome DRESS induit par un antiépilep déclenchants tique et de nécessité de poursuivre un traitement anti épileptique, il convient de ne pas administrer les autres Le syndrome DRESS est un tableau clinique grave et antiépileptiques connus pour déclencher un syndrome une évaluation allergologique du patient souvent in DRESS, à savoir phénytoïne, carbamazépine, oxcarba quiet est nécessaire et indiquée. L’évaluation a pour but mazépine, lamotrigine et phénobarbital. D’après notre de prouver l’allergie médicamenteuse et d’éclairer le expérience, le valproate et les benzodiazépines sont gé patient et le médecin traitant concernant le traitement. néralement tolérés. Quant aux antibiotiques, nous re Il convient de remettre au patient un passeport d’aller commandons de ne pas les administrer à titre «prophy gie et de l’informer au sujet des réactions croisées. Nos lactique» et si possible, de faire une pause (d’au moins expériences confirment que l’allergie médicamenteuse 3–4 jours), afin que l’activation du système immunitaire peut persister durant des décennies. puisse régresser. Si une antibiothérapie est nécessaire, Les tests épicutanés et cutanés avec le médicament dé nous préconisons plutôt les bêtalactamines, car elles clenchant sont souvent positifs. Lors des tests cutanés, ne déclenchent guère de syndrome DRESS. Un exan un exanthème généralisé, généralement léger et transi thème peut néanmoins survenir sous traitement par toire, peut survenir en l’espace de 30 min à plusieurs bêtalactamine, mais il ne s’accompagne généralement heures, ce qui reflète clairement la réactivité massive pas d’atteinte interne. En revanche, en cas de syn des lymphocytes T chez ces patients, provoquant une drome DRESS aigu, il convient d’éviter la vancomycine réaction systémique même après l’exposition à de [9] et nous sommes également réticents visàvis des faibles quantités de médicament. Pour cette raison, cer sulfamides et des quinolones, car ces substances tains auteurs déconseillent les tests cutanés. peuvent éventuellement déclencher un syndrome Le test de transformation lymphocytaire (TTL) possède DRESS. Il n’est pas clair si la clindamycine et la cla une excellente sensibilité et spécificité (>90%) pour les rithromycine sont des déclencheurs potentiels d’un antiépileptiques [15, 16]. Le TTL est aussi le plus sou syndrome DRESS. L’administration d’un virostatique vent positif pour d’autres médicaments déclencheurs (ganciclovir) est absolument indiquée en cas de symp d’un syndrome DRESS. tômes cliniquement pertinents liés au CMV (par ex. co lite à CMV) et ce traitement est apparemment toléré. En règle générale, les corticoïdes sont également tolé Traitement rés et l’activation des virus herpétiques en cas de syn drome DRESS n’est pas considérée comme une contre En premier lieu, il convient de ne plus administrer le indication à la poursuite d’une corticothérapie. Il est médicament déclenchant. Par ailleurs, comme il s’agit également possible d’initier des corticoïdes afin de ca d’une affection multisystémique, il faut rechercher une naliser dans une certaine mesure le système immuni atteinte des organes internes (cœur, reins, poumons, taire suractivé en vue d’améliorer la tolérance d’un pancréas) au moyen de tests biochimiques ou d’exa autre médicament. Il peut également être pertinent mens d’imagerie médicale. En fonction du degré d’at d’administrer un nouveau médicament en augmentant teinte des organes ou en cas d’élévation des ALAT ou progressivement les doses, car il est clairement établi des ASAT (valeurs >500 UI/l), il est recommandé d’ini que les symptômes survenant dans le cadre du syn tier des corticoïdes systémiques (0,5–1,0 mg/kg de drome DRESS sont dosedépendants. Par ailleurs, des poids corporel). Dans la majorité des cas, l’évolution est immunoglobulines intraveineuses ont été initiées avec favorable, même si elle est longue, s’étalant sur plu succès dans différentes études de cas; une expérience sieurs semaines. Une surveillance étroite des organes moindre est disponible pour les autres médicaments touchés, des valeurs hépatiques et de l’éosinophilie immunosuppresseurs [7]. dans le sang périphérique doit permettre de prévenir Dès que le nombre de lymphocytes activés dans le sang les exacerbations. périphérique diminue ou qu’ils disparaissent complète Durant la phase de stimulation immunitaire maximale, ment (souvent uniquement des semaines voire des mois l’utilisation d’autres médicaments devrait être réduite après le syndrome DRESS aigu), les médicaments au minimum. Cette stimulation immunitaire se reflète peuvent à nouveau être administrés «normalement». dans le nombre élevé de lymphocytes activés à l’hémo Pourtant, sur sept patients évalués présentant une mul- gramme, qui peut dès lors être utilisé comme para tiple drug allergy, c.àd. développement de plusieurs mètre d’évolution de la maladie. En se basant sur notre allergies à des médicaments structurellement diffé expérience et sur nos réflexions (il n’existe pas d’études rents, cinq ont développé un syndrome DRESS comme à ce sujet), nous recommandons, si possible, de faire première manifestation de leur allergie médicamen une pause thérapeutique en cas de syndrome DRESS teuse (certains il y a peu, d’autres il y a plusieurs an Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 883
curriculum nées), laissant supposer une propension accrue aux al Correspondance: lergies médicamenteuses chez les patients avec Prof. Werner J. Pichler syndrome DRESS [12]. Klinik für Rheumatologie und Le syndrome DRESS n’est pas uniquement déstabili klinische Immunologie/Allergologie sant en raison des multiples dénominations qui lui sont Inselspital, Universität Bern CH-3010 Bern données. Il est associé à une mortalité d’env. 10% (le werner.pichler[at]insel.ch plus souvent en raison d’une insuffisance hépatique) et il devrait être connu comme une maladie iatrogène par Références recommandées chaque médecin. Il est essentiel de connaître les – Knowles SR, Shapiro LE, Shear NH. Anticonvulsant hypersensitivity quelques médicaments susceptibles de déclencher un syndrome: incidence, prevention and management. Drug Saf. 1999;21(6):489–501. syndrome DRESS et d’y penser en présence de tableaux – Peyrière H, Dereure O, Breton P, et al. Variability in the clinical pat cliniques énigmatiques: il n’est pas rare que la suspi tern of cutaneous sideeffects of drugs with systemic symptoms: does cion d’un effet indésirable médicamenteux se révèle a DRESS syndrome really exist? Br J Dermatol. 2006;155(2):422–8. – Ben m’rad M, LeclercMercier S, Blanche P, Franck N, Rozenberg F, être exacte! Fulla Y, et al. Druginduced hypersensitivity syndrome: clinical and biologic disease patterns in 24 patients. Medicine (Baltimore). 2009; 88(3):131–40. – Mennicke M, Zawodniak A, Keller M, Wilkens L, Yawalkar N, Stickel F, et al. Fulminant Liver Failure after Vancomycin in a Sulfasalazine Induced DRESS Syndrome: Fatal Recurrence after Liver Transplanta tion: Am J Transplantation. 2009;9(9):2197–202. – Descamps V, Bouscarat F, Laglenne S, et al. Human herpesvirus 6 in fection associated with anticonvulsant hypersensitivity syndrome and reactive haemophagocytic syndrome. Br J Dermatol. 1997;137(4): 605–8. Vous trouverez la liste complète et numérotée des références dans la version en ligne de cet article sous www.medicalforum.ch. CME www.smf-cme.ch 1. Lequel des médicaments suivants ne déclenche pas 3. Lequel des critères suivants est presque toujours pré de syndrome DRESS? sent en cas de syndrome DRESS? A Carbamazépine. A Eosinophilie prononcée (>1,0 G/l). B Névirapine. B Elévation de la CRP (>30 mg/l). C Sulfasalazine. C Elévation des lymphocytes activés circulants («viro D Amoxicilline. cytes»). E Phénytoïne. D Titre élevé d’IgM ou charge virale élevée (PCR quan titative pour les virus herpétiques) au début de la 2. Quels symptômes ou quelles anomalies de labora maladie. toire ne sont pas typiques d’un syndrome DRESS? E Régression rapide des symptômes après l’arrêt du A Sérologie herpétique/PCR quantitative positive au dé traitement causal. but de maladie. B Réactivations de virus herpétiques (sérologie IgM/PCR quantitative) env. 3 semaines après le début des symp tômes. C Eosinophilie. D Intolérance à d’autres médicaments persistant durant des semaines. E Fièvre et hépatite. Forum Med Suisse 2011;11(48):879–884 884
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