TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO

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TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
Tableau
 de bord
 mensuel
 Interview
 Eric Trappier
 Dassault Aviation
 Dassault Aviation
 Architecte intégrateur

 Juin 2021
N° 6 / 2021

 TBM AERO
 L’aviation d’affaires
TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
Tableau de Bord Mensuel ID AERO
TBM AERO

Directeur de la publication
Jacques Delys

Rédacteur en Chef
Pierre Orlan

Rédaction
Gérard Briard, Jacques Delys,
Yvette Donas, Laurent Marragou,
Pierre Orlan
Edité par ID Aéro

Adresse
29 bis, rue Traversière
94140 Alfortville
RCS Créteil B 351 363 866
SARL au capital de 7 622 €
Tél. : 33 (0) 1 56 29 20 20

Abonnements
ID AERO
29 bis, rue Traversière
94140 Alfortville

Tarifs
Prix au numéro :
90,00 € HT 91,89 € TTC
Abonnement annuel :
790,00 € HT 806,59 € TTC
Réabonnement annuel :
790,00 € HT 806,59 € TTC

Imprimeur
Imprimerie MM
45, rue Pasteur
BP 40551
Vaux-Le-Pénil
77006 Melun Cedex

ISBN 1271-2264
Dépôt légal à date de parution
Numéro de Commission Paritaire :
0522 T 88979

© ID Aéro - 2021
Reproduction interdite
sauf autorisation préalable d’ID Aéro
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Analyse au vol
Vol à haute valeur ajoutée

C’est vrai qu’on a parfois tendance à l’oublier, mais l’aviation d’affaires occupe
une part entière dans l’univers aéronautique. Elle a, elle aussi, ses légendes et ses
belles histoires vraies – comme celle de Lindbergh choisissant le Mystère (Falcon)
20 pour équiper la Pan Am dirigée alors par un autre mythe (en plus de Marcel
Dassault et de Charles Lindbergh), Juan Tripp.
Mais il faut toujours chercher derrière la légende. Qu‘est-ce qui fait que les avions
d’affaires occupent toujours une place à part dans le marché, une place qui a -
tant bien que mal - résisté à la crise sanitaire actuelle, pourtant assassine pour le
transport aérien, une place qui offre un avantage contra-cyclique intéressant, vs
l’aéronautique classique ou l’aéronautique militaire (et Dassault peut témoigner
sur longue période de cet avantage) ?
En fait, si l’aviation d’affaires échappe souvent à l’analyse des observateurs du sec-
teur, c’est qu’elle véhicule, un peu malgré elle, quelques clichés : avions des riches,
avions des stars, l’aviation bling-bling en quelque sorte, où la qualité des selleries
de cuir importerait plus que la haute technologie des réacteurs, de la voilure et
des commandes de vol. Injuste, forcément injuste. Car ce n’est pas par miracle
que le nouveau Falcon 10X de Dassault pourra voler sans escale sur 7 500 miles
nautiques soit 14 000 km et relier ainsi sans escale New York à Shanghai et Hong
Kong, Los Angeles à Sydney, Paris à Santiago, le tout à 1 000 kilomètres/heures de
moyenne, venant ainsi surclasser le champion des business jets très long courrier
jusque là incontesté, le Gulfstream. Penser que ce déploiement de technologies
sert avant tout à des PDG peu attirés par la promiscuité des compagnies commer-
ciales ou par des stars du show-biz, c’est avoir la vue un peu courte.
La vraie raison d’exister des avions d’affaires, c’est de faire gagner de la valeur à
ses propriétaires et utilisateurs. Voilà pourquoi ils servent surtout à transporter
des équipes de pointe, équipes industrielles, techniques, financières, commerciales,
dont la présence sur le terrain est indispensable pour faire avancer les dossiers.
Des équipes dont le temps est précieux, trop pour être perdu en déambulations
aéroportuaires et douanières, en correspondances longues et fastidieuses, en logis-
tique chronophage et coûteuse. Si l’avion de combat est le plus sûr moyen pour
gagner la paix et la sécurité, l’avion d’affaires est le plus sûr moyen de gagner de la
valeur. C’est d’ailleurs la raison de son prix, mais aussi de ses conditions d’amortis-
sement. Et c’est ce qui fait qu’il reste un produit attractif et son marché un créneau
porteur, ce qu’a compris Dassault depuis plus d’un demi-siècle.
 Pierre Orlan
 Le 21 mai 2021

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Interview d’Eric Trappier,
 PDG de Dassault Aviation

 ID Aero • « Avoir deux fers
© Dassault Aviation - V. Almansa

 au feu », comme Dassault
 Aviation avec le Civil et le
 Militaire, n’est-ce pas ce
 qui vous a permis de navi-
 guer sans trop de dommages,
 au milieu des turbulences ac-
 tuelles, dont la plus redou-
 table, la Covid 19, a mis à
 genou bon nombre de sociétés
 réputées solides ?
 Eric Trappier • Oui, chacune des
 Le 53 Salon du Bourget, du 17 au 23 juin 2019. Départ de Dassault Falcon Service pour les démons-
 e crises que nous avons traversées -
 trations en vol du Falcon 8X et du Rafale C.
 et il y en a eu depuis un siècle - a
démontré la pertinence de notre modèle dual, à la fois civil et militaire. Avoir deux activités qui se
fertilisent mutuellement sur les plans techniques et industriels, mais qui reposent sur des marchés aux
cycles très différents, est un formidable atout.
 Dassault Aviation conçoit et produit des avions mili-
 © Dassault Aviation - V. Almansa

 taires et des avions d’affaires à partir du même bureau
 d’études et des mêmes usines. Les hautes technolo-
 gies issues des activités de défense ont de tous temps
 bénéficié aux activités civiles : les commandes de vol
 électriques, l’aérodynamique de pointe, les composites
 et même la fusion de données ont constitué autant
 Le 5 mars 2021, Éric Trappier, Président-directeur général
 d’innovations qui ont trouvé une application au sein
 de Dassault Aviation, présente les résultats annuels 2020 lors d’une de la famille Falcon. En retour, les avions civils ont sus-
 conférence de presse.
 cité le développement de nouveaux processus dans le
domaine de la production, et de nouvelles compétences dans le domaine de la certification/sécurité.
Les acheteurs de Falcon étant essentiellement des entreprises, les cycles du marché civil sont, globa-
lement, ceux de la macro-économie mondiale : des périodes de croissance de 5 - 10 ans qui alternent
avec des périodes de contraction plus ou moins brutales. Les cycles militaires, dépendant d’évolutions
géopolitiques et technologiques, sont très différents et beaucoup plus longs : quand on achète une flotte
de combat, c’est pour 30 ou 40 ans… Comme ces cycles civils et militaires sont rarement synchrones.
Les activités se sont compensées et ont permis à la société de surmonter de nombreuses crises.

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D. R.

 Le Falcon 10X.

ID Aero • Pour autant, lancer un nouveau Falcon, le 10X, dans une période de crise
comme celle que nous traversons, il faut y croire !
 Eric Trappier • Chez Dassault, nous sommes des optimistes, c’est dans
 D. R.

 notre ADN ! Nous croyons en notre chance, depuis que Marcel Dassault est
 revenu de Buchenwald avec son trèfle à 4 feuilles, devenu l’emblème de la
 Société. Par ailleurs, l’aéronautique est une industrie de longue haleine. Nous
 avons travaillé sur le Falcon 10X bien avant le déclenchement de la crise sani-
 taire. Nous avons écouté nos clients qui nous ont exprimé leur besoin d’un
 tel avion. Le Falcon 10X sera prêt pour fin 2025 et répondra aux attentes du
 marché qui, à cet horizon, devrait être reparti à la hausse, dans le sillage de
 la reprise économique soutenue par les plans de relance aux Etats-Unis, en
 Asie et en Europe.
Je rappelle que le Falcon 10X sera plus qu’un nouveau grand pas en avant dans l’aviation d’affaires. Il sera
sans conteste le meilleur business jet dans la catégorie des appareils à très long rayon d’action, et il le
restera pendant longtemps. Avec une distance franchissable de 14 000 km (7 500 nm), le Falcon 10X
pourra relier sans escale New York à Shanghai, Los Angeles à Sydney, Hong Kong à New York ou Paris
à Santiago. Sa vitesse maximale sera de Mach 0,925. Il disposera de la cabine la plus spacieuse et la plus
confortable du marché.
Il offrira la plus grande modularité dans sa catégorie, avec un choix de plusieurs configurations inté-
rieures. Enfin, il collectionnera les innovations techniques, dont certaines issues du militaire : ailes en
composite, commandes de vol numériques intégrant la gestion des moteurs, systèmes de sécurité iné-
dits, systèmes de climatisation, pressurisation et insonorisation inégalés, etc.
Au-delà du cas du 10X, l’aptitude à préparer l’avenir et voir à long terme est vitale dans notre activité.
Elle est peut-être plus développée chez nous qu’ailleurs car nous avons un actionnaire majoritaire ex-
traordinairement fidèle et engagé. Je rappelle que Dassault Aviation est la seule entreprise aéronautique
au monde encore détenue par la famille de son fondateur. Cette constance nous garantit un manage-
ment très stable, en mesure de se concentrer sur les grandes décisions stratégiques. A titre d’exemple,
je suis seulement le cinquième PDG depuis un siècle !

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ID Aero • Quelle est pour vous la raison
© Dassault Aviation - D. R.

 d’être de l’aviation d’affaires ?
 Eric Trappier • Les avions d’affaires, comme
 leur nom l’indique, servent à faire… des affaires.
 Ce sont des bureaux volants, des outils de travail
 avant tout. La répartition peut varier suivant les
 années, mais en moyenne 80 % de nos clients sont
 des entreprises, 10 % sont des entités étatiques
 (forces armées, agences gouvernementales, etc.)
 et 10 % des particuliers fortunés.
 Dans la plupart des cas, il n’est donc pas question
 d’un luxe qui serait superflu mais d’une efficacité
 qui est indispensable. Cette efficacité peut passer
 par un certain confort car les vols durent parfois
 Vue numérique de la cabine du futur Falcon 10X. jusqu’à 16 h et il faut être dispo à l’arrivée. Elle
 peut passer aussi par la discrétion et la sécurité,
 y compris sanitaire, que procure cette façon de voyager. Mais le plus gros avantage de l’aviation d’af-
 faires, c’est le temps gagné : décollage depuis un petit aérodrome près de chez soi, formalités rapides,
 embarquement sans attente, trajet direct sans transit ni escale, travail à bord en équipe (téléphone,
 internet,…), atterrissage sur un petit aérodrome au plus près de la destination finale, récupération
 immédiate des bagages, voiture au pied de l’avion, etc. Un trajet un peu compliqué qui prendra deux
 jours par les lignes commerciales peut se faire en une demi-journée avec un Falcon.
 La souplesse de l’aviation d’affaires par rapport à l’aviation de ligne est du même ordre que la souplesse
 de la voiture par rapport à l’autocar. Aux Etats-Unis, où il est né, le business jet est considéré comme
 l’attribut normal et nécessaire de toute entreprise internationale réactive et performante.

 ID Aero • À moyen-long terme, l’un des
 D. R.

 enjeux majeurs pour l’aviation civile,
 c’est la décarbonation. Comment Das-
 sault Aviation appréhende-t-il ce sujet ?
 Eric Trappier • Livrer les avions les plus effi-
 caces, avec une consommation de carburant mini-
 male, a toujours fait partie de l’ADN de Falcon.
 Nous considérons depuis longtemps les biocar-
 Moteur Rolls-Royce Pearl 10X. burants (SAF) comme un aspect important de
 cette philosophie. En 2009, avec le GAMA et l’IBAC, nous avons établi des objectifs environnementaux
 pour notre industrie : la réduction du CO2 grâce à l’utilisation des SAF en faisait déjà partie, dans le
 cadre de l’engagement de l’aviation d’affaires sur le changement climatique. Aujourd’hui, les Falcon sont
 capables de voler avec jusqu’à 50 % de SAF à bord. Si nous voulons aller au-delà, nous devons effectuer
 des études techniques sur les systèmes embarqués (circuit de carburant, pompes, joints...) et sur les
 moteurs. Nous nous y employons. Le Falcon 10X que nous venons de lancer prend en compte l’objectif
 de 100 %.

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TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
© Dassault Aviation - A. Daste Aujourd’hui, le problème ne se situe pas tant du côté
 des avions que du côté de l’offre. Alors que les gou-
 vernements ont donné la priorité au développement
 du biodiesel pour le transport routier, il n’existe pas
 de soutien similaire pour la production de SAF. Nous
 avons peu de capacités de production en service
 dans le monde, aux États-Unis et en Europe du Nord.
 Mais de nouvelles raffineries de SAF sont à l’ordre
 du jour. Cela va certainement stimuler l’utilisation. Le
 Cérémonie de l’annonce du Falcon 10X. deuxième point clé est le prix. Comme il s’agit d’une
 nouvelle technologie, sans incitations gouvernemen-
tales, elle est beaucoup plus chère. Mais je m’attends à ce que l’augmentation de la production de SAF
au cours des dix prochaines années fasse baisser le prix et augmenter l’utilisation.
L’hydrogène est une nouvelle source d’énergie potentiellement importante. Le problème est celui de sa
densité. Si nous voulons transporter suffisamment d’hydrogène dans un avion, nous devons le compri-
mer à des pressions très élevées ou le liquéfier à des températures très basses. Le consensus est que
l’utilisation de l’hydrogène pourrait être limitée aux vols à courte et moyenne distance.
Par ailleurs, nous travaillons sur un large éventail de solutions concernant le vol lui-même : optimisation
de trajectoire, direct-to-destination, mode de descente continue. Des systèmes de vision améliorés
permettent d’éviter les remises de gaz. Le roulage en monomoteur est également envisageable. Tout
cela peut être fait avec nos avions d’aujourd’hui.
Enfin, la conception aérodynamique avancée, les matériaux composites, les nouvelles approches numé-
riques permettront également d’obtenir des avions plus efficients et plus légers. Dans ces domaines,
Dassault Aviation bénéficie des compétences et des outils utilisés pour ses avions militaires.
Si l’on combine toutes les solutions ci-dessus, alors le vol durable sera à portée de main.

ID Aero • Une question plus

 D. R.
personnelle pour finir : à l’oc-
casion du débat sur le SCAF, vi-
siblement assez rugueux, beau-
coup d’observateurs ont vu en
vous un capitaine d’industrie
très pugnace dans l’adversité.
Quel est votre moteur ?
Eric Trappier • Chez Dassault,
nous sommes patients, tenaces et
nous disons les choses clairement. Si
nous sommes fermes dans les négo- Mercredi 10 mars 2021, audition de M. Eric Trappier, Commission des affaires
ciations, c’est pour partir sur des étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
bases réalistes qui nous permettent, ensuite, de respecter nos engagements. Nous tenons beaucoup à
cette réputation : nous livrons à l’heure, et dans le respect des budgets prévus, un matériel qui répond
exactement au besoin exprimé. Alors oui, parfois, notre ton surprend. « La vérité est âpre et doit être
dite âprement », disait le général de Gaulle. Dans l’aéronautique, on ne doit jamais mentir, sinon on perd
l’avion, l’équipage et les passagers. Il n’y a pas de langue de bois chez nous.

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TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
Au-delà des hommes et de leur style, trois forces nous ont toujours aiguillonnés. D’abord, l’intérêt de
notre pays, de son industrie aéronautique, de sa souveraineté militaire : je ne rappellerai pas ici tous
les sacrifices qui ont été consentis par Marcel Dassault, sa famille et ses collaborateurs sur l’autel de
l’honneur et du patriotisme le plus héroïque.
Ensuite, l’attachement à Dassault Aviation ; je souligne que nos salariés font toute leur carrière chez
nous. Il n’y a pas de turn over. L’entreprise est efficace, ses réalisations en attestent. Elle est aussi so-
ciale : c’était la volonté de Marcel Dassault, maintenue par mes prédécesseurs Serge Dassault et Charles
Edelstenne et que j’ai à cœur de prolonger.
Enfin, la passion aéronautique : elle est notre raison de vivre. Nous avons tous, chez Dassault, la passion
de l’aviation civile qui rapproche les hommes ; la passion de l’aviation militaire qui défend la liberté ; la
passion de la solution technique élégante, de l’aérodynamique parfaite, de la performance fiable. Jamais
nous n’oublions ce principe fondateur de Marcel Dassault : « Chaque fois qu’un avion est beau, il vole
bien ». Nos Falcon et Rafale le démontrent admirablement et nous ne nous lassons jamais de les voir
traverser le ciel.
© Dassault Aviation - D. R.

 Le Falcon 10X.

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TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
Analyse
 L’aviation d’affaires

Dans le numéro de mai 2020 du TBM, nous avons évoqué le rôle des Jets d’affaires durant la période
de crise du Covid-19. Nous y avons montré que ces Jets ne sont pas, comme on pourrait le croire, des
avions réservés aux PDG, aux milliardaires, mais des avions dont l’activité est consacrée à des liaisons
de travail : déplacements d’ingénieurs, de techniciens, de spécialistes.
Dans le présent numéro, nous livrons à nos lecteurs une analyse plus complète de l’aviation d’affaires,
à l’échelle mondiale. Nous pensons que ce complément est utile, car, si on parle beaucoup de l’aviation
commerciale et des compagnies aériennes, on parle beaucoup moins de l’aviation d’affaires. Notre
analyse porte essentiellement sur la flotte mondiale de Jets. Nous nous référons à la société Dassault
Aviation qui, grâce aux Falcon, est, avec Pilatus, le seul avionneur d’avions d’affaires à réaction restant
en Europe.
Dans les pages suivantes, vous trouverez nos réponses sur les sujets suivants :
Aspects généraux de l’aviation d’affaires
• Importance de l’aviation d’affaires au sein de l’aéronautique mondiale.
• Évolution de la flotte de Jets d’affaires au cours du temps et au travers des crises.
• Historique des livraisons et des chiffres d’affaires. Corrélation entre les livraisons et les profits des
 sociétés US.
Le marché des jets d’affaires
• Le marché de l’aviation d’affaires : gammes, zones géographiques, populations, cultures sociales.
• État de la concurrence : répartition du marché, comparaisons dans le haut de gamme.
• MRO. Modèle économique, différences avec l’aviation commerciale de ligne.
Technologie
• Caractéristiques techniques des avions d’affaires : capacité, autonomie, masse…
Que penser des projets d’avions d’affaires « électriques » ?
Que penser des projets d’avions d’affaires supersoniques ?
Que penser de la motorisation à l’hydrogène ?
Avenir
• Quel avenir probable pour l’aviation d’affaires ?
• Quel rêve peut-on poursuivre en 2021 pour l’aviation d’affaires ?

AVERTISSEMENT : la présente étude a été réalisée en interne par une équipe ID AERO. Son contenu
et tous les avis émis notamment sur les projets futuristes sont sous l’entière et unique responsabilité
d’ID AERO. L’introduction de ce TBM spécial par une interview inédite du Président de Dassault Avia-
tion Éric Trappier que nous remercions, ne doit prêter à aucune confusion.

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TBM AERO - Tableau de bord mensuel Interview - ID AERO
Quelle est l’importance de l’aviation d’affaires dans l’ensemble
de l’aéronautique ?
Le graphique ci-dessous illustre la place occupée par l’aviation d’affaires au sein de l’aéronautique mon-
diale. Cette place peut sembler modeste en comparaison de l’aviation civile de ligne. Cette dernière a
connu une très forte croissance pour répondre aux besoins de la population mondiale en transport
aérien. Elle a même connu une accélération entre la crise des subprimes (2008) et celle du Covid-19
(2020). Dans les pages suivantes, nous verrons que la croissance de l’aviation d’affaires n’a rien à envier
à sa consœur civile de ligne. De surcroît l’aviation d’affaires occupe un créneau bien particulier : elle
répond à un besoin spécifique de l’économie que nous décrivons ci-après.

Panorama aéronautique mondiale
Chiffre d’affaires annuel en milliards de dollars (ordres de grandeur)

Avec ses soixante ans d’existence, l’aviation d’affaires est encore jeune comparée au reste de l’aviation
qui en a le double. Elle a pris naissance aux États-Unis comme réponse à un besoin de l’industrie amé-
ricaine : nécessité de se rendre pour le travail sur les lieux éloignés.

Aperçu de l’aviation d’affaires dans les années 1960
Aux États-Unis. Les Américains adaptèrent des avions venant de l’aviation militaire de la Seconde
Guerre mondiale. Puis, le besoin se précisant (aller rapidement et confortablement d’un bout à l’autre
de cet immense pays), les avionneurs, Grumman en particulier, planchèrent sur la question. En 1958,
Grumman sort le Gulfstream I, un turboprop, 12 places, croisant à 300 kt, avec une autonomie de 2 800
km. Il sera suivi de près par le Gulstream II, propulsé par des réacteurs. Cette fois, c’est un vrai Jet
d’affaires, de 14 places, croisant à M 0.85 à 45 000 ft et disposant d’une autonomie de 6 600 km per-
mettant, d’un coup d’aile, de joindre les deux côtes des États-Unis.
En France, la firme Morane Saulnier, lança, en 1954, le célèbre « PARIS » petit Jet de 4 places, propulsé
par deux réacteurs Turbomeca « Marbore ». Il croisait à M 0.65 soit 695 km/h, à 40 000 ft et avait un

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rayon d’action de 1 740 km. Les 157 « PARIS » sortis de chaîne auront une longue carrière jusqu’à nos
jours. L’armée, les sociétés appréciaient ce petit Jet de liaison très commode.
État de l’aéronautique des années 1960, lors de la naissance de l’aviation d’affaires.
Connaissant la situation du trafic aérien des années actuelles avec 4,5 milliards de passagers, il est très
difficile d’imaginer ce que pouvait être ce trafic, il y a soixante ans. En fait, il était insignifiant.
Avec 100 millions de passagers, soit l’équivalent de seulement 2 % du trafic d’aujourd’hui.
Dans le ciel, on voyait surtout des Boeing 707, des DC8, des Comet et quelques Caravelle. Les USA
dominaient la planète à 95%, le Boeing B707, de 150 places naviguant à 981 km/h, avec une autonomie
de 6 800 km, connaissait un succès fulgurant.
La flotte mondiale d’avions civils se limitait à 414 avions (174 Boeing, 111 McDonnell Douglas 59
autres ! (près de 30 000 actuellement).
De cet environnement, se détache l’apparition des premiers réacteurs vraiment « avionnables ». Ils sont
nés en Angleterre et feront longtemps la gloire du motoriste Rolls-Royce. Souvent lancés pour des
applications militaires ils furent vite adaptés aux applications civiles. Leurs noms sont encore connus de
nos jours NENE (1944), AVON (1953), SPEY (1959). Même si les performances de ces premiers réac-
teurs laissaient encore à désirer, c’est pourtant grâce à eux que l’aviation de ligne « s’envola ». Quant
aux Jets d’affaires, leur exigence en matière de motorisation est plus difficile à satisfaire. Le volume de
leurs nacelles est réduit et le rendement plus difficile à obtenir avec des diamètres moteurs réduits.
Volant plus haut que les avions de ligne (40 à 50 000 ft) les moteurs des Jets d’affaires doivent avoir des
compresseurs adaptés (étage centrifuge).

 Un homme en embuscade
 Depuis son bureau des Champs-Ély-
 sées, Marcel DASSAULT a pressenti
 que l’aviation d’affaires connaîtrait un
 grand développement.
 Il suit attentivement ce qui se passe
 aux États-Unis. Il sait que le marché
 futur sera là-bas, en grande partie.
 Il attend son heure.
 En effet, si la conception et fabrication de la cellule ne lui cause aucun souci
 compte tenu de l’expérience engrangée avec les appareils militaires, il en va
 autrement de la motorisation.
 Comme il ne doute de rien, il se lance dans la conception d’un moteur, mais
 s’aperçoit assez vite que ce n’est pas son métier.
 L’industriel au chapeau, grand visionnaire, avait vu juste sur l’avenir de l’avia-
 tion d’affaires. Son fils Serge fut dépêché aux États unis pour y faire la pro-
 motion du Falcon 20. Il s’acquitta de cette mission avec succès.
 Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les pages suivantes illustrant cette
 évolution.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 11
Évolution de l’aviation d’affaires au cours du temps et au travers des crises
On peut situer la naissance de la flotte de Jets d’affaires en 1963. Le graphique ci-dessous illustre sa
croissance continue depuis cette date jusqu’à nos jours.

Jets d’affaires
Évolution de la flotte mondiale en nombre d’avions

La flotte totale de Jets d’affaires produite de 1963 à nos jours, est de l’ordre de 26 000 appareils soit
environ 22 000 Jets en service. C’est un chiffre remarquable qui s’apparente à celui de la flotte d’avions
de ligne en service. L’aviation d’affaires, loin d’être une simple niche, est un véritable
secteur à part entière dans l’aéronautique.
L’analogie entre Jets d’affaires et avions de ligne va plus loin. Leurs taux de croissance respectifs des
flottes ont suivi historiquement des valeurs identiques. Ces taux dépassaient les 10 % annuels durant
leurs phases de décollage (avant 1980 pour les Jets d’affaires). Puis des taux compris entre 5 % et 10 %
durant leurs phases de développement. Enfin, des taux de 3 à 5 % actuellement. Il s’agit bien des taux
de croissance de la flotte en service. Attention cette baisse des taux est tout à fait normale et les taux
de croissance de 3 % à 4 % sont des taux élevés, car ils portent sur des flottes de 22 000 avions.
Cette présentation, évolution de la flotte, a cependant l’inconvénient de voiler l’impact des crises qui
ont ponctué les soixante dernières années. Le graphique suivant y remédie ; il représente les livraisons
annuelles. Avec cette présentation on retrouve l’aspect cyclique, bien connu.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 12
Historique des livraisons annuelles de Jets d’affaires et CORRÉLATION
Avec le graphique ci-dessous, nos lecteurs retrouveront la forme des courbes de la production
aéronautique dont nous parlons si souvent dans les colonnes du TBM.
Comme pour l’aviation civile de ligne, les crises de 2001, 2003, 2008 apparaissent nettement avec des
chutes très importantes des commandes et des livraisons (moins 30 % en un an, voire plus)

Livraisons mondiales annuelles
En nombre de jets d’affaires
 1400

 1200

 1000

 800

 600

 400

 200

 0
 1965 1975 1985 1995 2005 2015

Quelles conclusions peut-on tirer de l’examen de ce graphique ?
Les cycles se répartissent autour d’une ligne moyenne croissante suivant un taux dont nous avons parlé
plus haut (moyenne historique 5 %).

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 13
Aviation d’affaires
Corrélation entre livraisons et profits des sociétés US

 1800 1400

 1600
 1200
 Profits sociétés US Livraisons avions d'affaires
 1400

 1000

 Nombre de jets d'affaires livrés par an
 1200
 Profits sociétés US en millions $

 800
 1000

 800
 600

 Déconnexion
 600 suite de 2008 : bulle
 livraisons + chute profits 400

 400

 200
 200

 0 0
 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Par ailleurs, l’aspect cyclique amène cette question : quelle est l’origine de ces montagnes russes ?
À la différence de l’aviation de ligne, les oscillations ne sont pas toutes corrélées aux crises, conflits…
L’aviation d’affaires est avant tout corrélée aux résultats des sociétés US (voir le
graphique ci-dessus).

Historique des livraisons annuelles (EN M$).
Livraisons mondiales des jets d’affaires en M$

Le graphique ci-dessus montre l’effet des crises. Le SRAS provoque une chute de près de 30 % sur la
période 2001-2003. La crise des subprimes en 2008 provoque une chute de plus de 30 %.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 14
Chiffre d’affaires et nombre d’avions livrés

 CHIFFRE AFFAIRES en M € courants (échelle de gauche)

 Livraison Nb avions MILITAIRE (échelle de droite)

 Livraison Nb avions FALCON (échelle de droite)

 5 000 300

 4 500
 250
 4 000
 Chiffre d'affaires en millions euros

 3 500
 200

 Nombre d'avions livrés
 3 000

 2 500 150

 2 000
 100
 1 500

 1 000
 50
 500

 0 0
 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020

 Au vu du graphique ci-dessus on devine aisément que les avionneurs mono-produit (avions
 d’affaires) furent soumis, au cours du temps à de rudes épreuves. Dassault Aviation dont nous
 suivons le parcours, dans cette étude, a appliqué la vieille règle des activités à contrecycle, comme
 le civil et le militaire ou les études et la fabrication. On remarquera sur le graphique ci-après que
 cette règle a permis à Dassault Aviation d’échapper aux deux grandes crises de 2001 et de 2008
 et de maintenir une croissance quasi constante de son chiffre d’affaires. Pour la petite histoire, il
 y a quelques années, la société Dassault avait lancé un plan de séparation de ses activités civile et
 militaire. Le plan ne vécut que ce que vivent les roses, l’espace d’un matin. L’évidence est que si
 Dassault se maintient, c’est grâce à ses deux poumons Mirage et Falcon.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 15
LE MARCHÉ DES AVIONS D’AFFAIRES
Les zones géographiques.
Le marché des avions d’affaires se situe à plus de 60 % aux États-Unis. On a pu croire au cours des
années 2007 à 2010, à une perte d’influence du marché nord-américain, c’était une erreur. Les États-
Unis ont repris et même conforté leur position dominante (voir graphique ci-dessous)

 Répartition
Répartition géographique
 géographique des ventes des ventes
 de jets de
 d’affaires jets d'affaires
 AMN EUR AML AFR MO ASP
 100%

 80%

 60%

 40%

 20%

 0%
 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

 ASP : Asie/Pacifique ; AFR MO : Afrique Moyen-Orient ; AML : Amérique Latine
 EUR : Europe ; AMN : Amérique du Nord

Autres remarques à partir du graphique ci-dessus :
En Europe, on attendait une percée, car on pensait que la culture européenne dans le domaine des
affaires allait copier celle des Américains. Il n’en a rien été. L’Europe n’a pas gagné de parts de marché ;
elle en a plutôt perdu. Ceci est probablement le résultat du développement des lignes de chemin de fer
TGV. S’y ajoute une culture très critique à l’égard de tout ce qui passe pour riche (les Jets d’affaires en
font partie), sans parler de l’hostilité ouverte à l’avion, en général, qui se propage en Europe.
L’Asie Pacifique qui avait récupéré une partie des parts perdues par l’Amérique a régressé et se stabilise
autour de 5 %.
Le Moyen-Orient : même scénario qu’en Asie Pacifique.
 Tenant compte de cette position dominante des USA dans le marché des avions d’affaires, notre
 avionneur de référence, Dassault Aviation, s’y est installé très tôt. Le siège social de Dassault
 Falcon jet est à Teterboro (New Jersey), il coordonne le marketing et les ventes sur la zone
 Amérique. L’usine de Little Rock (Arkansas) est le plus grand centre industriel du groupe pour
 l’aménagement et la maintenance.
 Les zones Europe, Asie, Moyen-Orient, Afrique restent sous le contrôle de Dassault
 Aviation France (Saint-Cloud, Mérignac, Le Bourget).

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 16
Le marché d’occasion des Avions d’Affaires

Évolution des jets d’affaires disponibles à la vente
 Evolution des jets d'affaires disponible à la vente
 en nombre d'appareils source JETNET
 3250
 crise 2008-2009 : crise 2020 :
 maximum 07/2009
 forte hausse poursuite de la baisse
 2 960 au 2éme semestre
 3000

 2750

 2500
 stabilité
 2 312

 2250
 2 202
 baisse
 2000

 1 934
 démarrage de 1 850
 1750 la progression
 1 594 en 10/2007

 1500
 FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT FEB JUN OCT
 APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC APR AUG DEC
 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Le marché de l’occasion sert d’indicateur sur la santé du marché global de l’aviation d’affaires.
Durant l’année 2008, suite à la crise des subprimes, les avions d’affaires mis en vente étaient passés de
1500 à 2 960 appareils, atteignant un record de près de 18 % de la flotte en service.
Depuis 2009, le nombre d’avions d’affaires mis en vente a décru progressivement, jusqu’à nos jours
(2021), passant de 2 960 à 1 850 avions soit de 18 % à 8 % de la flotte en service.
La plupart des observateurs considèrent qu’il s’agit d’un bon signe pour le marché global de l’aviation
d’affaires. Les acheteurs d’avions d’occasion de la décennie écoulée sont des clients potentiels pour
l’acquisition d’avions de première main pour les années à venir.
Un autre indicateur vient corroborer cette analyse sur la santé robuste du marché de l’aviation d’af-
faires. C’est la résilience de cette activité face au Covid. Le graphique ci-dessous montre la remontée
spectaculaire du nombre de vols des jets d’affaires, aux États-Unis (identique pour l’Europe). Ceci à la
grande différence de l’aviation de ligne qui est à la peine pour remonter au-dessus de la barre des 50 %
du trafic 2019.

 Évolution
Évolution du nombre
 du nombre de vols dedejets
 vols de jetsaux
 d’affaires d’affaires
 USA aux USA
en mars, le trafic domestique est repassé au-dessus du niveau 2019
 en mars, le trafic domestique est repassé au-dessus du niveau 2019

 7,8
 10
 3,9
 0

 -10 -15,3

 -20

 -30

 -40 trafic domestique
 trafic international
 -50
 total
 -60

 -70

 -80

 -90
 Jan Feb Mar Apr May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec Jan Feb Mar Apr May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec
 2020 2021
 Évolution par rapport à la même période de l’année 2019 Sources : FAA

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 17
Les différentes gammes d’avions d’affaires.
On peut classer les avions en trois gammes (entrée, milieu et haut) censées répondre aux différents
besoins de la clientèle. Précisons que ce classement n’est pas le seul existant et que les avionneurs ne
se privent pas d’adopter le classement qui leur convient.

Entrée de gamme
Leur masse au décollage ne dépasse pas 10t
Leur nombre de sièges varie de 4 à 7
Leur rayon d’action 2 000 NM (3 700 km)
Avionneur Cessna avec sa série Citation
Motoristes Williams et Pratt & Whitney
Ils se louent entre 1 000 et 2 000 $/heure

Jets d’affaires Entrée de gamme
Prix en fonction de la masse maxi au décollage

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 18
Le milieu de gamme
Leur masse au décollage : entre 10t et 20t.
Leur nombre de passagers va jusqu’à 9
Leur rayon d’action : 3 000 NM soit 5 500 km
Le marché du milieu de gamme est partagé entre : Cessna, Bombardier et Embraer.
Les motoristes ; Honeywell et P&W
Ils se louent entre 2 000 et 3 000 $/heure.

Jets d’affaires Milieu de gamme
Prix en fonction de la masse maxi au décollage

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 19
Le haut de gamme Marché détenu par :
Masse entre 20 à 50t Gulfstream
Nombre de sièges 19 Bombardier
Rayon d’action 7000NM Dassault (vert graphe)
 Motoristes P&W, GE, RR
 Prix entre 30 et 75 M$
 Location 3 000 à 5 000$/h

Jets d’affaires Haut de gamme
Prix en millions de dollars

 Dassault Aviation, après ses débuts dans l’aviation d’affaires avec le Mystère 20 en 1963, va orien-
 ter son activité vers le haut de gamme. Le graphique ci-dessus illustre sa présence sur ce marché.
 Présence qui s’est étendue de façon progressive avec le Falcon 2000 et qui croît en distance
 franchissable avec les nouveaux modèles 7X, 8X et bientôt 6X.
 Jusqu’ici, Dassault Aviation était resté à l’écart de la gamme dite Global détenue par Bombardier.
 Il a préféré s’en tenir au marché du très haut de gamme qui reste très lucratif. Avec plus de
 200 avions livrés chaque année le haut de gamme représente 40 % du total des Jets d’affaires. En
 valeur, Gulfstream, Bombardier et Dassault réunis s’adjugent près de 80 % du total mondial des
 Jets vendus dans le monde.
 La course vers le très haut de gamme est lancée. Bombardier y est installé depuis l’origine. Ses
 derniers nés Global 7500 et 8000 affichent une distance franchissable de l’ordre de 14 000 km.
 Gulfstream a surmonté le crash de 2011 et marque des points avec le G650 frôlant lui aussi
 les 14 000 km à condition de voler au Mach raisonnable de 0.85. Dassault Aviation, malgré ses
 déboires avec le 5X, reste dans la course vers le haut. Nous en saurons plus avec le dévoilement
 du Falcon 10X (voir page 24).

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 20
État de la concurrence dans le haut de gamme
Le haut de gamme qui représente environ les 2/3 du chiffre d’affaires des business jets met en compé-
tition l’américain GULFSTREAM, le Canadien BOMBARDIER et le français DASSAUT AVIATION.
La bataille se déroule sur plusieurs terrains : distance franchissable, prix, masse maxi au décollage…
Le haut de gamme peut être divisé en 4 segments selon le prix du jet d’affaires.

Décomposition et importance des ventes du Haut de gamme
Selon le prix de l’appareil

 Prix du business jet 2016-2017 2019-2020 évolution
 30-40 M$ 16% 8% -
 40-50 M$ 6% 12% +
 50-62 M$ 40% 35% -
 63-75 M$ 37% 45% +
 100% 100%
Le segment 63-75 M$ a connu une forte progression ces cinq dernières années.

Jets d’affaires Haut de gamme
Distances franchissables en Km

 Les graphiques ci-dessus (prix et distance franchissable) illustrent les positions acquises par Das-
 sault Aviation (bâtonnets verts) dans le vaste domaine du haut de gamme. Par exemple, les Falcon
 offrent des distances franchissables allant de 6 000 à 12 000 km. Leurs prix de 30 M$ à 59 M$
 correspondent au large éventail des clients du haut de gamme.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 21
Trois grands compétiteurs mondiaux

 LIVRAISONS JET d'AFFAIRES En 2020

 Haut de Gamme
 206 Jets d'affaires
 haut de gamme
 hors avions de ligne
 en nombre d'appareils
 vs 224 en 2019
 -----
 Bombardier Dassault Gulfstream
 baisse de tous les avionneurs
300

200

100

 0
 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020

L’historique des ventes sur les trente dernières années met en évidence les caractéristiques de la
concurrence entre les trois compétiteurs dans le haut de gamme.
Bombardier arrive sur ce marché dans les années 1990. Ses trois gammes d’avions Learjet, Chal-
lenger et les très haut de gamme Global couvrent la majorité des segments. D’où une spectaculaire
pénétration y compris dans le haut de gamme. Lors de sa grande restructuration en 2019, il prendra
soin de conserver son secteur « Avions d’affaires ».
Gulfstream est présent sur ce marché depuis la naissance de l’aviation d’affaires (années 1960).
Il a toujours été adossé à des groupes importants (Grumman, General Dynamics). Comme construc-
teur américain, il a toujours bénéficié de la préférence des sociétés américaines qui, rappelons-le, repré-
sentent 60 % des ventes. Enfin, son dernier-né, le G650/G650E, qui se situe dans le segment 63-75 M$,
fait un vrai tabac.

 Dassault Aviation qui fait figure de David face au Goliath américain, a réussi à conserver
 une part importante de ce marché. Sa force ? Il la tient de sa structure d’entreprise duale civile
 et militaire. La réputation mondiale des Mirage a contribué au succès des Falcon. De surcroît
 les Falcon ont bénéficié de l’apport technologique des avions militaires ce qui enchante certains
 clients séduits par la manœuvrabilité et l’équipement des cockpits.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 22
© Dassault Aviation - S. Randé Ceci étant, l’abandon du Falcon 5X à
 la suite des difficultés du moteur Sil-
 vercrest, a causé un sérieux préjudice à
 Dassault face à ses concurrents.
 Il est vrai que la course est loin d’être
 terminée : le 6X (ci-contre, la plus
 grande cabine parmi les Jets), comblera
 ce retard.
 Son premier vol, tout récent, dans le
 ciel bordelais a été un succès…

 Même les 1,94 m. d’Edouard Philippe passent dans le Falcon 6X.

Les derniers-nés des Falcon
Le Falcon 6X
C’est à croire que même le Covid n’arrête pas la machine bien huilée de Dassault Aviation. Le 10 mars
2021, le dernier né des Falcon, dit : 6X, prenait son envol depuis la piste de Bordeaux Mérignac.
Ce modèle, comme ses prédécesseurs, alliait les hautes technologies détenues par Dassault Aviation
tirées de ses avions militaires et la grande expertise tirée de soixante années de présence dans l’avia-
tion d’affaires mondiale.
© Dassault Aviation - V. Almansa

 Premier vol du Falcon 6X, Bordeaux Mérignac le 10 mars 2021.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 23
Dès son premier vol le 6X a atteint 40 000 ft et Mach 0.8.
Ce premier vol a permis de vérifier que l’appareil était conforme à l’attente en matière de qualité de
pilotage, de réponse moteur et de comportement des systèmes de bord.
Avec ce premier vol, Dassault Aviation démontre que ses deux poumons civil et militaire fonctionnent
bien. Le poumon militaire avec le Rafale marche à merveille, le poumon civil avec les Falcon fait preuve
d’une grande résilience en pleine crise du trafic aérien.
Dans la foulée, le 30 avril, un second Falcon 6X effectue son premier vol avec succès et va rejoindre le
numéro 1 pour les essais en vol. En route pour la certification prévue en 2022.
Ces premiers vols du 6X arrivent à point nommé pour Dassault qui affronte actuellement les exigences
de l’Allemagne dans le projet de coopération SCAF.
Dassault Aviation montre, en plein Covid, qu’il possède une résilience à toute épreuve…
Qu’il sait faire seul !
Autrement dit que la coopération ne lui est pas absolument vitale.
Mais le petit français de Saint-Cloud », seul, face aux géants américains », allait créer une grande surprise
le 6 mai 2021 avec le dévoilement d’un nouveau Falcon.
La presse habituée à la série 6X, 7X, 8X, pronostiquait le nom de Falcon 9X pour le prochain avion.
Une fois de plus les « Dassault » ont su tenir leur langue. Le 6 mai 2021, Eric TRAPPIER dévoilait le
nouveau-né de la famille en même temps que son nom FALCON 10X.
Un très beau bébé.

 Le Falcon 10X
 Visiblement, ce 6 mai 2021, le PDG de Dassault Aviation se réjouit de présenter le nou-
 veau-né de la famille :
 « Il s’appellera FALCON 10X ».
 Dans la série des Avions d’Affaires sortis des ateliers Dassault, le 10X saute une
 classe en quelque sorte. Après le 6X, le 7X, le 8X on pouvait s’attendre à 9X. Pourquoi ce saut ?
 La photo ci-dessous répond à cette question.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 24
En effet, avec le 10X, Dassault Aviation franchit le Rubicon du très haut de gamme où il hésitait à s’aven-
turer. Il va, certes, trouver sur ce marché, les Goliaths Bombardier et Gulfstream avec leurs Global
6500/7500 et G650/700, mais le petit « David » avec ce Falcon 10X va lutter avec une arme technique-
ment supérieure : le 10X.

 La planète entière sera accessible d’un coup
 d’aile du Falcon 10X, doté d’une distance
 franchissable de près de 14 000 km, avec une
 autonomie de 15 heures de vol, en croisant
 à Mach 0.85. Capable de transsonique Mach
 0.925.

 Le Falcon 10X intègre le dernier cri des tech-
 nologies mises au point sur les avions mili-
 taires comme le Rafale. Commandes de vol
 numériques, CAG (contrôle automatique
 généralisé). Deux moteurs Rolls-Royce Pearl
 de 18 000+ lb poussée unitaire permettant de
 décoller aisément les 57 tonnes du 10X en
 charge maxi et d’atteindre rapidement l’alti-
 tude croisière de 41 000ft. Le Pearl peut fonc-
 tionner avec 100% de carburant alternatif.

 Tout aussi révolutionnaire la cabine de plus de
 16 mètres de longueur, de 78 m² de surface
 plancher, 19 hublots panoramiques de chaque
 côté, cuisine, salle à manger, espace home ci-
 néma, chambre avec salle de bain et douche…
 C’est la cabine la plus large existant dans les
 avions d’affaires (2.77m). La hauteur sous pla-
 fond (2.03m) est inédite. Cette fois Charles
 Lindbergh n’aurait plus à quitter son chapeau
 pour monter à bord du nouvel oiseau pro-
 posé par Dassault Aviation.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 25
MRO À la hauteur, pour qui veut rester sur le marchÉ.
On comprend aisément que le client acquérant un avion valant plusieurs dizaines de millions de $
veuille être dépanné rapidement en cas de problème. La maintenance, la réparation et les rechanges
(MRO) sont donc l’indispensable complément pour gagner une vente.
La MRO des avions d’affaires a des caractéristiques propres aux avions d’affaires. Rappelons-les.

Capacité :
L’avion d’affaires haut de gamme a une capacité allant jusqu’à 19 places. Ce qui correspond à une surface
vitale par passager en m² deux à trois fois supérieure à celle dont dispose le voyageur sur avion de ligne.
À cela s’ajoutent les équipements cabine et les services.

Rotation annuelle :
L’avion d’affaires ne vole en moyenne que 500 heures dans l’année. Les révisions moteurs ont lieu
autour de 5 000 à 8 000 cycles. Nous sommes loin de l’aviation de ligne qui vole beaucoup plus et a
besoin de plus de révisions. La fourniture de rechanges sera donc limitée dans l’aviation d’affaires.

Business Model.
Il découle de ce qui précède. Le business model des avions d’affaires est totalement différent de celui
des avions commerciaux. Dans l’aviation d’affaires, plus question de gain sur la vente des rechanges
rattrapant les rabais consentis sur le neuf (40 à 50 % du prix catalogue). La marge bénéficiaire doit être
réalisée sur la série (vente du neuf). Ce qui implique une production à coût bien maîtrisé. Il fut une
époque pendant laquelle il n’était pas question de rabais sur les prix de vente des avions d’affaires, en
particulier sur le haut de gamme. Après la crise de 2008, les constructeurs américains annoncèrent des
rabais, entraînant tous les autres constructeurs. À notre connaissance ces rabais ne dépassèrent guère
20 %.

Clientèle.
La clientèle de l’aviation d’affaires n’a rien à voir avec les compagnies aériennes clientes de Boeing ou
d’Airbus. La plupart des exploitants d’avion d’affaires sont souvent des propriétaires privés ou des
sociétés qui n’ont qu’un seul appareil. Font exception quelques sociétés comme Netjets, Execujet,Wijet,
Luxaviation et quelques autres, ce qui ne change pas fondamentalement le profil moyen de l’acquéreur
d’un avion d’affaires. Une des premières exigences de cet acheteur est d’avoir la garantie d’une dispo-
nibilité totale. Exigence impliquant un service MRO « parfait ». S’y ajoutent des demandes très particu-
lières, confinant parfois au caprice, difficiles à satisfaire.
 Bien avant la naissance de l’aviation d’affaires, Dassault Aviation avait déjà livré des centaines
 d’appareils militaires à travers le monde (Ouragan, Mirage). Une demande des militaires s’est fait
 jour : « le dépannage rapide ». Le PDG de l’époque, B. Vallières, eut la bonne idée de créer, dans
 les pays clients, ce qui était appelé alors « des bases ». La force de ces bases reposait sur les tech-
 niciens et spécialistes résidant sur place. Le recours au Bureau d’Études était toujours possible.
 Elles donnèrent un nouvel élan au secteur militaire.
 Les exigences de l’aviation d’affaires en matière de MRO ne pouvaient donc pas prendre la socié-
 té au dépourvu. Mais les souhaits des clients n’ont cessé de croître. E.Trappier citait une enquête
 parmi les clients souhaitant une amélioration du réseau Dassault. Dassault vient d’acquérir les
 activités maintenance de TAG, de RUAG, d’Execujet.

 ID AERO © TBM AERO • JUIN 2021 • 26
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