Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013

 
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Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
Telecom, Medias, Internet :
Le point de rupture numérique

é t u d e s
e t        p e r s p e c t i v e s
Juillet 2013
Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
Introduction

           Les géants de l’internet sont à la manœuvre dans la recomposition de
           l’économie et de l’écosystème numérique. Ils imposent aux acteurs des
           télécoms et des médias de reconcevoir de fond en comble leurs stratégies
           industrielles.

           Les évolutions actuelles, radicales, n’en sont qu’à leurs prémices.

           Cette année encore, les consultants de l’équipe TMT de Roland Berger
           décryptent les signaux de cette révolution digitale au travers de quelques
           illustrations emblématiques :

           >> La fatigue du SoLoMo
           >> La refonte de la distribution
           >> la 3ème révolution industrielle dans les medias
           >> Les SI de l’entreprise connectée

           Ce sont quelques clés de lecture d’une lame de fond numérique qui
           emporte avec elle les dogmes passés des télécoms et des medias.

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Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
1                                        Social Networks, Mobilité et monde Offline :
                                       les héros du SoLoMo sont-ils (déjà) fatigués ?

                            Si les réseaux sociaux ont largement fait l’actualité en 2011 et 2012
                            (introductions en bourse de LinkedIn, Facebook…et chute des cours de
                            ce dernier, acquisition express et coûteuse d’Instagram, lancement de
                            Google+,…), c’est la tendance SoLoMo qui captait l’attention des
                            investisseurs et analystes. Ce concept (SOcial, LOcal, MObile) est en
                            effet considéré comme l’avenir du web, car il permet la jonction entre
                            monde online et monde offline, offre des perspectives pour de nouvelles
                            applications et pour une forte monétisation des services. Son émergence
                            est liée à la disponibilité avérée de «briques» élémentaires (smartphones,
                            réseaux sociaux, cloud computing,…). Pourtant, si les innovateurs du
                            SoLoMo – Foursquare, Path, Banjo,… - ont été sur le devant de la scène
                            pendant une brève période, les leaders du web communiquent beaucoup
                            moins autour de leurs attentes du concept depuis le milieu de l’année.

                            Alors le SoLoMo, simple buzz ou vraie opportunité ? Pour qui et à quel
                            horizon ? Quels obstacles restent à dépasser ?

                            Le SoLoMo : des sous-jacents solides et des applications
                            prometteuses
                            L’«invention» du SoLoMo repose sur la conjonction de technologies
                            qui ont toutes atteint une masse critique :
                            >> SOcial : non seulement les réseaux sociaux ont largement pénétré
                               l’audience (1,3 Mds d’utilisateurs dans le monde, dont plus de
                               1 milliard pour Facebook, soit plus que le mail ! 89% de pénétration
                               en France) mais leurs usages deviennent proéminents (1 minute
«43% des utilisateurs          sur 3 en ligne en France), très mobiles (43% des utilisateurs de
de smartphones en France       smartphones en France consultent des réseaux sociaux sur leurs mobiles
consultent des réseaux         quotidiennement), et leurs écosystèmes se sont largement étendus et
sociaux sur leurs mobiles      offrent des expériences très riches : géolocalisation, jeux, intégration
quotidiennement»               de contenus tiers, communication en temps réel, information en mode
                               push,…
                            >> LOcal : pour les internautes, la dimension locale est devenue évidente
                               grâce aux mobiles («always online») et leurs GPS (85% des possesseurs
                               de smartphones en France effectuent des recherches locales sur leur
                               mobile). Les professionnels réagissent pour combiner expérience online
                               et offline (intégration des bricks & mortars dans les cartes et annuaires
                               en ligne, concepts «one-shop» des clicks & mortars,…).

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>> MObile : la rapide et forte pénétration des smartphones, associée à
   la puissance des réseaux mobiles, ont déplacé les usages Internet
   d’un contexte purement fixe (éventuellement nomade) vers un contexte
   fortement mobile. A titre d’exemple, il y a aujourd’hui en France plus
   de 20 millions d’utilisateurs de Smartphones (38% de pénétration
   totale), dont 77% des propriétaires consultent Internet en mobilité
   quotidiennement. Ainsi, 30% des français sont en 2012 de gros
   utilisateurs d’Internet mobile. Ce chiffre continue de croître rapidement.
   De plus, le développement du cloud computing, en délocalisant
   l’information, l’a rendu accessible quel que soit le terminal et le réseau
   utilisés, rendant transparent le passage entre utilisation fixe et utilisation
   mobile.

Ces outils permettent une jonction permanente et «sans couture» entre
le monde online et le monde offline, basée sur l’exhaustivité et la
qualité de l’information constamment poussée et tirée.
A titre d’exemples, quelques usages possibles des outils SoLoMo :
>> Notation en direct d’un établissement (restaurant, hôtel ou magasin),
   partagée avec un groupe plus ou moins large d’amis.
>> A l’inverse, prise de renseignement en temps réel sur un établissement
   (fréquentation d’un bar par exemple).
>> Obtention ciblée de coupons de réduction lors d’un achat en magasin
   (et publicité auprès d’un réseau d’amis).
>> Achat en ligne d’un morceau de musique entendu à la radio ou dans
   un lieu hors-domicile.
>> Prise de renseignement en ligne sur la disponibilité d’un produit en
   magasin, comparaison de prix, benchmark du produit auprès de
   personnes de confiance.
>> Partage de photos localisées «sur le vif».
>> Partage instantané d’informations de type actualités ou ciblées (trafic,
   changement de réglementation de circulation,…).

Ainsi, pour les marques, commerçants et médias, les plateformes SoLoMo
sont la promesse de nouveaux leviers business à forts effets :
>> Communication aisée et partiellement automatisée avec les clients /
   usagers potentiels, à la fois push et pull.
>> Diffusion «virale» de la communication et visibilité (en cas de réussite…
   ou d’échec) à peu de frais.
>> Opportunités de vente démultipliées.
>> Transparence des pratiques et des prix.

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Les ingrédients semblent donc réunis pour l’émergence de véritables
                             business models SoLoMo et de nouveaux flux économiques.

                             Les pionniers du SoLoMo : déjà un essoufflement ?
                             Quelques pionniers ont été à l’origine du mouvement SoLoMo, pour
                             l’essentiel des start-ups américaines, rapidement suivies de copycats, par
                             exemple en France.

«Foursquare pourrait être    Foursquare pourrait être considéré comme le premier modèle
considéré comme le premier   totalement SoLoMo : grâce à une application sur son mobile, l’utilisateur
modèle totalement SoLoMo»    «check in» (s’enregistre) dans un lieu repéré grâce à la géolocalisation
                             de son appareil. Immédiatement, sa présence dans une boutique, un
                             restaurant, ou tout autre lieu est indiquée à ses contacts Foursquare
                             (et Facebook avec une interface presque automatique). Les utilisateurs
                             peuvent également partager des commentaires sur le lieu en question.
                             Enfin, les commerçants peuvent utiliser Foursquare pour proposer des
                             réductions ou offres spéciales pour les clients faisant un check-in. Les
                             réseaux de boutiques peuvent également créer des opérations spéciales
                             à plus grande échelle (par exemple, obtention de «badges» avantageux
                             pour 10 check-ins dans des lieux différents). Même si Foursquare n’a
                             pas atteint les mêmes niveaux de pénétration que des géants tels que
                             Facebook, son succès auprès des utilisateurs est indéniable, avec 14%
                             des possesseurs de Smartphones enregistrés comme utilisateurs en
                             2011. En France, Plyce a développé un service proche, avec un angle
                             moins social et plus «bons plans».

                             Parmi les autres pionniers, Path et Banjo par exemple ont également
                             connu un fort succès d’estime et ont influencé les concepts suivants.
                             Path a poussé le concept du partage en temps réel un cran plus loin
                             que les réseaux sociaux classiques : largement basé sur des applications
                             mobiles, il permet de partager tous types de médias, de se localiser…
                             Banjo, également basé sur des applications mobiles, permet d’identifier
                             les utilisateurs qui se trouvent à proximité géographique, à partir de
                             liens sociaux (proximité dans le social graph : contacts communs,
                             intérêts communs,…), et de partager des avis sur des lieux.

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D’autres succès récents (en termes d’usage au moins), s’inspirent
                             largement du modèle SoLoMo : Twitter ou Instagram par exemple, sont
                             sociaux et mobiles par essence, et intègrent autant que possible des
                             éléments locaux. Groupon, dont le modèle initial demeure rudimentaire
                             (web 1.0) mais très local, essaie d’utiliser les aspects sociaux et mobiles
                             comme leviers de développement.
                             Les géants du web ont également suivi le mouvement : Facebook et
                             Google ont tous deux rapidement intégré des fonctionnalités de check-in,
                             Google a avancé petit à petit sur la dimension sociale pour finalement
                             lancer son propre véritable réseau social, et tous les deux recentrent leurs
                             efforts vers le mobile.

«à fin 2012, il semblerait   Cependant, à début 2013, il semblerait que le mouvement ait perdu de sa
que le mouvement ait perdu   dynamique. Foursquare, dont on estime les revenus à seulement 2 millions
de sa dynamique»             de dollars peine à rassembler un nouveau tour de table ; le modèle ne
                             fonctionnerait-il pas ? Path a beaucoup perdu de sa notoriété et de son
                             aura pour des jugements hasardeux quant à la protection de la vie privée
                             de ses utilisateurs. Banjo n’a toujours pas rencontré le succès escompté,
                             en particulier en raison de son aspect intrusif. Les check-ins de Google
                             et Facebook, faute d’utilité et à cause de leur redondance ne rencontrent
                             que peu de succès. A ce jour la seule véritable success story est celle
                             d’Instagram, racheté par Facebook pour 740 millions de dollars, mais
                             dont le destin est désormais largement dépendant des choix stratégiques
                             de la plateforme. D’une manière générale, le buzz semble être retombé :
                             dans l’environnement hyperconcurrentiel actuel, alors que les usages se
                             déplacent vers le mobile, l’attention de tous (analystes, commentateurs,
                             leaders du web) semble être focalisée sur le prolongement des succès
                             passés (Internet fixe) dans le mobile.

                             Ce recentrage marque-t-il la fin de la tendance SoLoMo ?

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Le SoLoMo 2013 : la guerre de l’ombre
                           Il semble que les pionniers et leurs suiveurs aient tous été confrontés
                           à des problématiques similaires :
                           >> Difficultés techniques (infrastructures), pour déployer rapidement
                              des services massifs.
«Les applications          >> Complexité de la gestion de données privées : les applications
SoLoMo contiennent des        SoLoMo contiennent des informations extrêmement sensibles pour les
informations extrêmement      utilisateurs.
sensibles pour             >> Instabilité des business models : les produits (pour les clients, i.e.
les utilisateurs»             annonceurs ou commerçants, ou utilisateurs) sont innovants, mais peinent
                              à démontrer leurs impacts business malgré un succès parfois certain
                              auprès des utilisateurs. La monétisation reste encore à démontrer.
                           >> Difficulté à commercialiser : «local» implique une forte granularité
                              commerciale et un besoin de contact direct.
                           >> Concurrence (ou confusion pour l’utilisateur) face à de nombreuses
                              applications d’apparences proches.

                           Mais ils partagent également des recettes propices au succès :
                           >> Effet démultiplicateur du succès dans un contexte social : avec peu de
                              frais marketing, les produits les plus populaires se diffusent de proche
                              en proche (exemple d’Instagram).
                           >> Bénéfice d’interfaces et plateformes puissantes et dans une certaine
                              mesure interconnectées (Facebook, Google+, les Apps iPhone ou
                              Androïd, ubiquité prochaine des smartphones et tablettes, puissance
                              de calcul et stockage dans le cloud, …).

                           Il semble ainsi que les mieux équipés pour réussir dans le SoLoMo soient
                           les grands acteurs des télécoms et de l’Internet : eux seuls semblent
                           posséder les expertises nécessaires pour un succès sur le long terme
                           (en particulier expertise dans la gestion de données / informations
                           critiques, commercialisation, montée en puissance technique,…).
                           De plus, si les investissements de départ sont limités (peu de frais
                           marketing, opex-isation maximale des coûts), la montée en puissance
                           et le «leadtime» avant d’atteindre la rentabilité nécessitent une solide
                           assise financière. Bien entendu, le succès n’est pas impossible pour
                           des start-ups, à condition de pouvoir gérer la maturité, soit sous forme
                           de vente (Instagram), soit grâce aux fonds disponibles pour les firsts
                           movers uniquement (Twitter), soit dans le cas d’une réussite insolente
                           (comme Google il y a 10 ans).

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De fait, les «Big 3» (Google, Apple, Facebook) sont déjà en mouvement,
mais bien plus subrepticement que leurs plus jeunes concurrents.

>> Facebook vient de démontrer sa capacité de réaction et d’évolution :
   fortement sous pression lors de son IPO du fait de son incapacité à
   monétiser le trafic grandissant sur mobiles, le réseau social a su faire sa
   révolution (produits, commercialisations, interfaces,…) pour dépasser
   les attentes de revenus mobiles, à plus de 30% des revenus totaux.
   Facebook est ainsi devenu un véritable acteur de la mobilité. Il possède
   déjà un angle local, et surtout une incroyable plateforme et base
   d’utilisateurs, il vient d’acquérir Instagram,… Facebook dispose ainsi
   de la plupart des ingrédients qu’il lui faut combiner pour développer,
   peut-être, le business model du SoLoMo.
>> Google procède différemment : tandis que Facebook possède
   la plateforme la plus puissante (intégration de tiers, reach des
   internautes,…), Google sécurise sa position d’intermédiaire
   incontournable d’Internet au niveau plus profond (mais aussi plus
   ouvert) des OS et appareils. Il est leader sur de nombreux aspects
   locaux et dans le mobile. Il a mis en place son système de paiement,
   et surtout, il dispose d’une puissance de calcul et d’intelligence
   artificielle inégalée. Les récentes avancées avec Google Now,
   les développements constants de Google Maps et la constitution
   relativement discrète d’un graph social sont des indices des ambitions
   de Google. Ne lui manque plus qu’une véritable réussite dans les
   réseaux sociaux, entamée avec Google+.
>> Apple pourrait également devenir un acteur puissant, car il dispose
   d’atouts fortement différenciants et difficilement réplicables : une
   importante base installée (et de qualité), un système de paiement
   fortement pénétré et de confiance, une forte capacité à déployer des
   applications,… En 2012, Apple a également entamé un processus de
   prise d’indépendance sur les aspects locaux (avec une réussite pour le
   moment toute relative pour la cartographie). Il lui manque cependant
   un élément essentiel, celui de réseau social, mais sa base clients
   (très fidèle et très innovante) et sa connaissance de leurs données et
   habitudes (iTunes, iCloud) pourrait lui permettre de rapidement déployer
   un graphe social.

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Le SoLoMo sera une réalité, avec un potentiel pour tout
                              l’écosystème
                              Les différentes expériences menées à ce stade indiquent sans ambigüité
«Les applications SoLoMo      que les applications SoLoMo seront un jour les éléments majeurs d’un
seront un jour les éléments   écosystème élargi (i.e. online et offline). L’appétence des utilisateurs et
majeurs d’un écosystème       les intérêts pour les annonceurs et commerçants seront des leviers forts
élargi»                       de développement. Cependant, les équations économiques ne sont pas
                              encore claires pour leurs éditeurs. Les gagnants à long terme de cette
                              course, seront donc ceux pour qui des synergies pourront se dégager
                              (dont bien entendu, les «Big 3», qui sont déjà en ordre de marche;
                              étonnamment, Amazon n’est encore que très peu impliqué, alors qu’il
                              pourrait disposer d’atouts non-négligeables). Il existe cependant des
                              opportunités pour les opérateurs télécom qui ont, par construction, un
                              positionnement favorable :
                              >> Bases clients larges, très bien connues, avec des liens directs (service
                                 clients, facturation).
                              >> Infrastructures «intelligentes» : capacité de détection / localisation,
                                 capacité de push,…
                              >> Maîtrise technique (infrastructures, moyens de calcul et stockage) et
                                 éthique (gestion de données confidentielles / privées).
                              >> Moyens de commercialisation : réseau commercial B2B, B2C, régies
                                 publicitaires,…

                              A travers des cellules d’innovation agiles, potentiellement en partenariat
                              avec des leaders mondiaux, les opérateurs pourraient trouver dans le
                              SoLoMo des relais de croissance ainsi qu’un moyen de renforcer le lien
                              avec leurs clients.

                              Bien entendu, ces développements pourront avoir un impact fort sur tout
                              le commerce B2C, à la fois online et offline. C’est pourquoi toutes les
                              entreprises B2C (du commerce local, au commerce online, en passant
                              par les medias) doivent d’ores et déjà se préparer, pour choisir leurs
                              implications, leurs partenaires et définir leurs modèles futurs, qui se
                              devront d’être totalement intégrés et efficients.

                                                                                                      9
2                                                               Vers la refonte du modèle
                                                        de distribution dans les télécoms

                           L’arrivée de Free Mobile a été un véritable cataclysme sur le marché français
                           des télécommunications. Cette arrivée a non seulement bouleversé le
                           modèle marketing des opérateurs – de la subvention du terminal au mode
                           de tarification de la minute, et de la data mobile – mais elle a également
                           complètement fait voler en éclat le modèle traditionnel de distribution et
                           de relation clients.

                           Une remise en question des croyances profondes
                           Alors que jusqu’au 11 janvier 2012, la capillarité de distribution était de
                           l’avis général le facteur clé de succès de la prise de parts de marché par les
                           opérateurs, Free a démontré qu’on pouvait capter 2,5 millions de clients
                           en 3 mois, 5,2 millions en 1 an, presque sans aucun point de vente.
                           Free aura réussi à reproduire son tour de force du fixe, où il avait vendu de
                           l’Internet par Internet à des primo-accédants !

«Aujourd’hui, tous les     Aujourd’hui, tous les modèles de distribution, et d’expérience client se
modèles de distribution,   retrouvent remis en question. Le premium de prix ou de service, mis en
et d’expérience client     avant par les opérateurs traditionnels, ne semble plus si évident quand on
se retrouvent remis        regarde de près les métriques économiques. Dans un monde de nouvelles
en question»               technologies et de réseaux sociaux, quelle est la part de valeur apportée
                           par un réseau physique ? Un tel réseau justifie-t-il un prix supérieur ? Et
                           surtout, répond-t-il aux attentes profondes des clients ?
                           De vraies questions stratégiques sur les notions de «service» et de «valeur
                           perçue pour le client» sont aujourd’hui soulevées :
                           >> Quelle est la valeur des points de vente pour les clients ?
                           >> Quel est le rôle des boutiques dans la relation client ?
                           >> Quelle articulation optimale avec les autres canaux ? Complémentarité ?
                              Subsidiarité ?
                           >> Les boutiques vont-elles disparaitre à long terme ?

                           Un premium de valeur ou un premium dans les coûts
                           Quand on regarde froidement les économies des opérateurs traditionnels,
                           on perçoit à quel point le modèle de distribution ne permet pas de justifier
                           le différentiel de prix jusque là annoncé. Quels que soient les opérateurs et
                           le modèle de distribution retenu pour leurs boutiques dites «propriétaires»,
                           le coût par client et par mois n’excède pas 1€.

                           On comprend alors que la question de la pérennité d’un réseau de boutiques,
                           avec plusieurs centaines de points de vente, devienne critique pour des
                           opérateurs en recherche d’efficacité opérationnelle et économique.

                                                                                                    10
Les exemples issus d’autres secteurs d’activités, tels que le tourisme et
                                                 la banque, montrent que la transformation du réseau de distribution peut
                                                 être extrêmement rapide dès lors qu’une pression externe forte s’exerce.
                                                 Les transformations mises en place varient selon les secteurs.

                                                 Face à la percée d’Internet et à la crise financière, les réseaux d’agences
                                                 physiques du secteur du tourisme ont été très fortement malmenés et
                                                 le nombre d’agences de voyages a considérablement chuté en quelques
                                                 années sous l’effet de l’explosion d’Internet et de la standardisation des
                                                 packages. Ainsi entre 2008 et 2009, au plus fort de la crise, près de 20%
                                                 des agences de voyage ont fermé alors que l’usage d’Internet dans la
                                                 constitution d’un voyage s’est complètement démocratisé.

Evolution des ventes online par typologie de produits                      Evolution des réseaux d’agences en France
[2002-2012E ; %]                                                           [2005-11 ; # agences]

       Airlines
       Train
       Package
       Car rental                                          58%
       Hotel                                                                               7 440        7 422               18%
                                                                              7 391
       Sea Ferry                                                                                                                       Crise
                                                                                                                                       financière
                                                                                                                    6 278
                                                           43%

                                     34%                                                                                          5 133       5 000

                                                           32%
                                     30%                   27%
                                                           25%
                                     19%

                                     15%                   17%

                                     12%

2002        2004      2006       2008       2010F       2012F                  2005        2006         2007         2008         2009        2011

                                                        Source: sites web TO – L’Echo Touristique 2011, Eye For Travel, interviews, Analyse Roland Berger

                                                                                                                                                  11
La banque de son côté, a opté pour une trajectoire différente en maintenant
                                                son nombre de points de vente, mais en transformant en profondeur le
                                                rôle de l’agence dans l’expérience client et ceci malgré un constat majeur
                                                de baisse de la fréquentation.

                                                                   Evolution du poids du canal agence dans les contacts
Fréquence de visites                                               à la banque par type d’opération [%]

   2007                                                                    Information - Souscription
   2010                                                                    Consultation
   2011                                                                    Transaction (avec retrait d’espèces)

 62%
                                                                    80%
                                                                             76%      76%       74%
                                                                                                          70%

                                                                                                                  60%
       52%                         52%                                                                                   58%
                                                                                                                                55%
                                                                    50%
                                                                             45%
                                                                                      37%       41%
              45%                                                                                         39%
                             44%
                                                                                                                  28%
                                                                    28%
                                                                             24%
                                                                                                          21%            24%
                                                                                      18%       18%
                       35%                                                                                        10%           15%
                                                                                                                         8%
                                                  3%      3%                                                                    5%
                                           2%

 > 1 fois par mois     < 1 fois par mois         Jamais             1995    1998      2001      2003     2005     2007   2009   2011

                                                Ces exemples sont riches d’enseignements pour les opérateurs télécoms,
                                                qui doivent aujourd’hui opérer un virage stratégique de leurs modèles de
                                                distribution : réduire le nombre de boutiques et transférer la majorité des
                                                actes sur le online (comme le tourisme), ou au contraire maintenir les
                                                boutiques comme un axe majeur de différentiation et de premiumisation
                                                de la relation client, avec des impacts significatifs sur la base de coûts.

                                                La question du modèle de distribution est aujourd’hui centrale et une
                                                remise en question devient indispensable.

                                                                                                                                  12
3                        La mutualisation des réseaux mobiles :
                        une nécessité de plus en plus pressante

    Depuis la libéralisation des télécommunications en France dans les années
    1990, ce marché s’est développé sur la base d’une concurrence par les
    réseaux, qui a incité les opérateurs à investir dans les infrastructures
    technologiques, développant ainsi l’accès à la téléphonie et aux données
    avec un débit de plus en plus élevé sur le réseau fixe comme en mobilité.
    Sur le fixe, l’enjeu de montée en débit pousse aujourd’hui les opérateurs à
    investir sur la fibre optique, tout en évitant de multiplier les infrastructures
    grâce au partage des investissements. Sur le mobile, le marché s’était
    stabilisé autour de 3 opérateurs possédant chacun leur réseau, complété
    par des MVNOs dont la part de marché cumulée peine à dépasser les
    10%. Mais l’attribution à Free Mobile de la 4ème licence 3G en 2010 a
    changé la donne.

    L’ensemble des revenus télécom B2C devrait diminuer de plus
    de 5 Mds € en 2015, une baisse plus qu’anticipée avant le
    lancement de Free Mobile
    Les opérateurs mobiles doivent déjà faire face à une concurrence d’acteurs
    tiers, qui utilisent la connexion sans que les opérateurs ne puissent
    contrôler les revenus associés à ces nouveaux services :
    >> L’interface utilisateur des nouveaux terminaux de type smartphone n’est
       plus personnalisée aux couleurs de l’opérateur. Il perd ainsi un levier de
       promotion de ses services et contenus.
    >> Les acteurs OTT (Over The Top) fournissent des services et contenus
       payants, ou rémunérés par la publicité, qui font parfois concurrence à
       des services historiques de l’opérateur, tel le SMS en perte de vitesse
       devant les messageries de réseaux sociaux et autres apps.

    Mais au-delà du risque sur les services et contenus, le changement majeur
    est lié au lancement en janvier 2012 de Free Mobile, qui a créé la surprise
    avec des offres tarifaires très agressives. L’offre «illimitée» positionnée à
    moins de 20€, bien en-dessous de ce que pouvaient attendre les concurrents
    (qui avaient pourtant déjà anticipé des baisses de tarifs sur leurs différentes
    formules), a forcé les opérateurs à diminuer encore les prix et à créer des
    marques low-cost (Sosh, B&You) pour limiter la perte de clients. De plus,
    l’offre 1h à 2€ a attiré d’anciens clients d’offres prépayées, diminuant le
    parc prépayé de 1,2 millions de lignes en l’espace de 6 mois.

                                                                               13
En conséquence, la perte de revenus du marché télécom B2C en France
                              est estimée à plus de 5 Mds € en 2015, dont 7 à 8 Mds € de réduction
                              pour les 3 opérateurs historiques Orange, SFR et Bouygues Télécom, et un
                              gain de 1 à 2 Mds € pour Free Mobile.

                              Cela implique une baisse drastique des cash flows pour les opérateurs,
                              ce qui a généré des annonces de baisses de dividendes en 2012, et qui
                              pourrait d’ici 2014 mettre sous pression Bouygues Télécom, le plus petit
                              des 3 opérateurs historiques, avec 15% de parts de marchés.

                              Les opérateurs ne peuvent pas faire l’économie d’une nouvelle
                              stratégie de réseau
                              Alors que les revenus des télécoms vont diminuer, les besoins en
                              investissement vont s’accroître. D’après Cisco Systems, le trafic mobile en
                              Europe de l’Ouest devrait être multiplié par 5 d’ici à 2015, après avoir déjà
                              subi la même croissance sur les deux dernières années. Ainsi, la capacité
                              du backhaul par station de base pourrait devoir être augmentée de plus
                              de 50% par an. Les technologies mobiles de nouvelle génération 4G / LTE
                              permettront de fournir une augmentation des débits, mais moyennant des
                              investissements non négligeables sur les 10 prochaines années.

                              Or le réseau mobile représente déjà environ un quart des coûts d’un opérateur,
                              40% de ces coûts réseau étant constitués de CAPEX (réinvestissements,
«Seules de nouvelles          renouvellement…), et plus d’un quart de maintenance et de personnel.
stratégies incluant
                              Seules de nouvelles stratégies incluant la mutualisation de réseaux
la mutualisation de réseaux   permettront de réduire et de contrôler les coûts et les besoins
permettront de réduire        d’investissement. En effet, sachant que les gains attendus peuvent
et de contrôler               représenter entre 10% et 40% des OPEX ou CAPEX, selon le mode de
les coûts et les besoins      consolidation (s’il ne concerne que les sites / tours, ou s’il inclut le partage
d’investissement»             des infrastructures voire de l’ensemble des équipements).

                                                                                                         14
Une mutualisation des réseaux est inévitable
A l’étranger, certains opérateurs ont déjà fait le pas d’une consolidation de
leurs réseaux, ou du moins de leurs infrastructures (pylônes, antennes…) :
>> Au Royaume-Uni, le nombre de réseaux mobiles est passé de 5 à 2 en
   l’espace de 3-4 ans, avec consolidation et regroupements de sites :
   – Fin 2007, Three (Hutchinson 3G) et T-Mobile avaient constitué la joint-
      venture MBNL réunissant leurs infrastructures 3G.
   – En 2010, Orange et T-Mobile ont constitué Everything Everywhere,
      MBNL devenant une joint-venture entre Three et Everything Everywhere.
      L’économie attendue d’Everything Everywhere représentait un milliard
      de livres.
   – En parallèle, dès 2008, O2 (Telefónica) et Vodafone concluaient un
      accord de partage de sites, sans partage d’antennes. Cet accord s’est
      renforcé en 2012 par une consolidation de réseaux.
>> En Suède, plusieurs accords ont été passés (Télé2 et TeliaSonera sur la
   3G, Telenor et Tele2 sur la 4G).
>> Au Danemark, c’est avec TeliaSonera que Telenor partage le réseau.
>> En Pologne, TPSA et PTL ont aussi joint leurs efforts.
>> En Espagne, Vodafone et Orange partagent les infrastructures dans les
   zones non denses.
>> …

En France, la mutualisation de réseaux est déjà pratiquée et encadrée par
l’ARCEP dans des zones blanches, c’est à dire peu denses. Le principe de
mutualisation des réseaux et des fréquences a été intégré par l’ARCEP
dans les conditions d’attribution des licences 4G.

Si la mutualisation des réseaux n’est pas encore une réalité à grande
échelle, elle commence à être évoquée par les différents acteurs :
>> Stéphane Richard annonçait en mai 2012 que France Télécom / Orange
   serait prêt à faire du partage de réseaux avec SFR et / ou Bouygues
   Télécom dans la 4G, bien que ces deux derniers semblent réticents.
>> Il ajoutait qu’Orange, SFR et Bouygues, ayant chacun déployé un réseau,
   auraient une légitimité à les mutualiser, Free ayant encore à développer
   le sien.
>> En juillet 2012, il déclarait que pour assurer leur développement, ils
   pouvaient «miser sur la mutualisation des réseaux, ainsi que sur la mise
   en commun des achats avec des opérateurs partenaires».

                                                                        15
>> Xavier Niel en mai 2012 rappelait qu’historiquement Free a toujours
                                  été proche de France Télécom en tant que premier client. Il évoquait
                                  pour le futur la possibilité de «faire des choses intelligentes comme
                                  le rapprochement de (leurs) réseaux pour améliorer la couverture du
                                  territoire».
                               >> Alors que des discussions entre Bouygues Télécom et SFR étaient
                                  évoquées, un dirigeant de SFR déclarait en avril 2012 que des
                                  rapprochements seraient inévitables sur le marché car il ne pouvait pas
                                  «y avoir une économie pérenne avec quatre opérateurs».
                               >> Fin août 2012, Martin Bouygues déclarait ne pas être contre la
                                  mutualisation de réseaux «si elle était équitable».

«Cette mutualisation devrait   La mutualisation des réseaux devrait s’accompagner
s’accompagner d’une sous-      de sous-traitance
traitance de la gestion des    Presque tous les éléments sont réunis pour que la mutualisation des
                               réseaux mobiles devienne une réalité en France : un marché qui a atteint
réseaux, dont l’offre n’est
                               sa maturité, une concurrence forte (arrivée de Free), le besoin d’inves-
pas encore complètement        tissement pour la couverture et pour la 4G, le besoin de réductions de
structurée»                    coûts. Cependant, cette mutualisation devrait s’accompagner d’une sous-
                               traitance de la gestion des réseaux, dont l’offre n’est pas encore complè-
                               tement structurée.

                               C’est le schéma qui a été retenu au Royaume-Uni où la gestion du réseau
                               d’Everything Everywhere a été confiée à Ericsson.

                               En effet, dans le cadre d’une consolidation entre plusieurs opérateurs,
                               la sous-traitance à un ou des tiers présente des avantages certains :
                               >> Assurer une gouvernance neutre.
                               >> Dépasser le fossé managérial et culturel entre les opérateurs.
                               >> Focaliser les opérateurs sur le client et les services.
                               >> Optimiser les coûts grâce à des effets d’échelle.

                               Lors de la mutualisation, ces effets d’échelles sont le deuxième levier de
                               réduction de coûts après l’abandon de sites et équipements redondants :
                               >> Les équipementiers sont déjà investis dans l’ingénierie et le design
                                  des réseaux, et bénéficient d’une forte expérience internationale
                                  pour leur supervision : ils sont capables de mutualiser des NOC
                                  (Network Operations Center) pour plusieurs réseaux de différents pays.

                                                                                                    16
>> En parallèle, les opérations terrain (incluant la maintenance)
                                                       nécessitent des techniciens disponibles en quelques heures, et des
                                                       effets d’échelles / mutualisation avec d’autres activités (installations
                                                       électriques, informatiques, et autres types d’interventions à dimension
                                                       technologique) devront permettre d’améliorer la rentabilité de ces
                                                       opérations.

                                                    Un nombre limité de réseaux servant plusieurs opérateurs
                                                    Si la réduction du nombre de réseaux semble inévitable, la pure séparation
                                                    fonctionnelle entre un réseau national et des opérateurs commerciaux
                                                    semble aussi improbable, ne serait-ce que par le souhait de l’ARCEP de
                                                    conserver une concurrence à ce niveau. Cependant, le scénario le plus
                                                    probable serait une consolidation à 3 voire 2 réseaux mobiles qui serviraient
                                                    les grands opérateurs nationaux actuels ainsi que les MVNO.

                                                    On devrait alors se diriger vers une différenciation entre les nouveaux
                                                    opérateurs de réseau ainsi consolidés (acteurs indépendants, joint-
                                                    ventures, ou intégrés capitalistiquement à un opérateur de services), et les
                                                    opérateurs de service (opérateurs commerciaux, fournisseurs de services,
                                                    voire OTT), qui interagiront ainsi dans une relation client-fournisseur.

Revenu telecom B2C 1) [Mds €, lignes fixes et mobiles]

                                                                                Scénario tendanciel sans Free Mobile

                                                           -5/-6

                                                                                Scénario avec Free Mobile à 20€ + offre à 2€

2010         2011          2012          2013            2014            2015

                                          1) Excluding taxes, consumer spend, i.e. excluding revenues of Free Mobile itinerancy and excl. Wholesale revenues

                                                                                                                                                     17
4            La 3ème Révolution Industrielle dans les Media :
                                                 point à date

    23 Octobre 2001, Cupertino.
    S’il faut dater et localiser la fin du monde… d’avant, le keynote
    de Steve Jobs, fondateur et alors CEO d’Apple introduisant «un nouveau
    dispositif numérique révolutionnaire (qui n’est pas un mac) 2)» – l’iPod –
    tient certainement la corde.

    Plus de dix ans se sont écoulés, 350 millions d’iPods ont été vendus
    (… et 300 millions d’iPhones… et 150 millions d’iPads, série en cours),
    l’onde de choc de la transformation digitale des industries culturelles
    a atteint les univers de la vidéo, de la TV, de la presse, des jeux, du livre
    et pour autant le «endgame» de ce que l’on est bien forcé de reconnaître
    comme une 3ème Révolution Industrielle pour le secteur reste encore
    complexe et incertain.

    Suivant en temps réel cette révolution depuis le premier jour, en réfléchissant
    au quotidien avec les leaders de ce secteur à la transformation de leurs
    offres et de leurs façons de faire, nous avons au cours de ces dix années,
    été amenés à décortiquer avec nos clients bien des initiatives, certaines
    à succès, d’autres se révélant des impasses.

    Voici les leçons que nous en avons tirées :

    1.   Une fois passé un seuil critique, c’est l’avalanche : ne pensez pas
         avoir le temps de vous adapter quand la vague sera là.
    2.   Le digital ne compense pas, à court terme, les pertes subies sur les
         supports traditionnels : il faut accepter et s’adapter à une période
         structurellement déflationniste.
    3.   La diversification est donc un impératif stratégique, au moins à court
         terme. La réussir suppose le respect de trois principes : think big, act
         fast, keep it simple.
    4.   C’est le profit généré par les activités historiques, déclinantes, qui
         finance le développement des nouvelles : l’amélioration à marche
         forcée de la performance opérationnelle est aussi un impératif
         stratégique.
    5.   La sortie par le haut n’est possible qu’à condition de s’attaquer au
         plus tôt au dilemme de la monétisation digitale : pas d’audience
         sans «gratuité»… mais pas de profit sans payant. Pour marier ces
         contraires, l’excellence CRM devient une arme décisive.
    6.   Rappel d’un fondamental : c’est la détermination à matérialiser les
         synergies qui sépare les vainqueurs des perdants.
                                   2) Libellé de l’invitation envoyée à une sélection de journalistes

                                                                                              18
1. Une fois passé le seuil critique, c’est l’avalanche.
Evolution des principaux marchés média aux Etats-Unis [2003 – 2011; Base 100 in 2003]

120
                                                    -4%
110                                                               -9%                                  KINDLE
                           -4%                                                                                                 Livres
100                                  -4%            -7%
             -8%                                                                 -14%
90                                                  -10%         -14%
                                                                                                 -7%                           DVD
                          -14%
80                                   +2%                         -18%
                                                    -15%                         -24%
70                                                                               -13%            -12%
                                                                 -15%                                             -4%          Musique
60
                                                                                                 -8%                           Journaux
50                                                                               -23%                             -4%
                            IPOD MINI                                                            -7%              -3%          Jeux PC
40
30                                                              IPHONE
20
      2003         2004       2005         2006        2007           2008               2009            2010            2011

                                                           Source : PricewaterhouseCoopers LLP, Wilkofsky Gruen Associates, Roland Berger analysis

                                               Comme le montre l’exemple américain, toujours annonciateur des
                                               tendances du marché européen, la transition peut prendre du temps
                                               pour se matérialiser (c’est par exemple encore le cas du livre qui n’a
                                               que récemment engagé sa mutation numérique en Europe). Cependant,
                                               souvent sous l’impulsion des innovations lancées par les géants mondiaux
                                               de la technologie, les industries concernées connaissent des trous d’air
                                               de 10 à 20% de baisse (de CA) annuelle (et parfois plus) pendant
                                               plusieurs années, une fois le mouvement engagé.

                                               De telles pertes frappent cruellement des industries où les coûts fixes
                                               sont traditionnellement élevés (e.g. la presse), allument de nombreux
                                               foyers d’incendie dans l’entreprise : pression des investisseurs, inquiétude
                                               des collaborateurs, méfiance des clients, durcissements des conditions
«Anticiper la mutation, avant                  fournisseurs… Et inévitablement, la bande passante dont dispose le
même que les premiers                          management pour projeter le groupe dans l’avenir se réduit.
effets ne s’en fassent
ressentir, est une question                    Anticiper la mutation, avant même que les premiers effets ne s’en fassent
de survie»                                     ressentir, est une question de survie.

                                                                                                                                            19
2. Le digital ne compense pas, à court terme, les pertes subies
                                               sur les supports traditionnels
                                               Corollaire épineux du point précédent : les groupes médias traditionnels
                                               n’ont d’autre choix que d’engager une politique agressive de diversification
                                               pour lisser le plus possible leur haut de ligne.

                                               Les écarts de monétisation de l’audience sont tels entre le monde en dur
                                               et le monde du Digital (que l’on se place dans une perspective publicitaire
                                               ou de valorisation du contenu) qu’il semble illusoire de vouloir compenser
                                               les pertes structurelles d’un côté par la croissance organique de l’autre.

                                               Par exemple : un groupe partant d’un mix de départ 90% traditionnel /
                                               10% digital, subissant une perte sur ses activités historiques de 10%
                                               p.a. et délivrant une croissance de 15% de ses activités digitales, devrait
                                               affronter pas moins de 7 années d’érosion de son chiffre d’affaires, au
                                               bout desquelles ses ventes se seraient repliées de plus de 30%. Ce groupe
                                               ne retrouverait son volume de ventes initial qu’au bout de… 15 ans !

                                               Pour arrêter l’hémorragie en 3 ans et retrouver ses bases de départ en 5, le
                                               même groupe devra délivrer une croissance de ses activités diversifiées de
                                               40% p.a. Ceci représente un taux de croissance quasi-inatteignable sans
                                               croissance externe dans les marchés mâtures en termes de pénétration
                                               Internet.
                                               Pour référence, la croissance mondiale de la publicité digitale en valeur, et
                                               le nombre total de pages vues dans le monde sont attendus à +15-20%
                                               p.a. en 2013-2014 4).
Croissance du CA total lors de la transition pour un groupe de mix de départ 90%10% - Modèle [Base 100]

120                                             40% de croissance des activités                    15% de croissance
                                                diversifiées (y compris digital)                   organique du digital
100

80

60

40

20

0
       Année     1      2       3      4       5       6      7       8      9      10      11       12       13       14       15      16
       n+...                                                                          4) Source: Zenithoptimedia, JPMorgan «Nothing But Net»

                                                                                                                                      20
3. La diversification est donc un impératif stratégique, au moins
à court terme. La réussir suppose le respect de trois principes :
think big, act fast, keep it simple
La comparaison des trajectoires suivies par les deux géants allemands
des medias, Axel Springer (AS) et ProSiebenSat.1 (P7S1), est illustrative :
ces deux groupes pèsent respectivement 3,2 Mds et 2,8 Mds d’€ de
revenus en 2011. Avec leurs positions de leaders dans le monde en
dur, respectivement #1 de la presse et de la TV gratuite outre-Rhin, ces
groupes ont tous deux engagé des politiques agressives de diversification
par croissance externe très tôt (dès 2006 chez AS, 2004 chez P7S1). Mais
la comparaison s’arrête là : si AS a délivré 27% de son résultat grâce à ses
activités digitales en 2011, leur part n’était que de 9% chez P7S1. Ironie
de l’histoire, c’est Axel Springer qui a réalisé l’objectif que P7S1 s’était
fixé en 2004, de réaliser plus de 25% de ses revenus avec ses activités
digitales en moins de 5 ans.

Quel est le facteur de succès d’AS ? Qu’est-ce qui a dérapé chez P7S1 ?

Think big
AS s’est focalisé exclusivement 5) sur des cibles d’acquisition avec des
positions de leader (#1 à #3 sur leurs marchés adressés), alors que P7S1
a mené une approche opportuniste, visant plus à étendre l’empreinte
digitale globale du groupe qu’à conquérir des positions fortes sur des
niches profitables. En résulte un portefeuille de diversifications hétéroclite,
parfois éloigné des bases de savoir-faire du groupe, malgré les nombreux
cycles de cessions / investissements.

Act fast
Post-acquisition, AS a systématiquement engagé un programme de
développement agressif visant à exploiter tout le levier possible des
technologies, marques et réseaux du groupe (exemples : développement
international d’Aufeminin, consolidation à l’échelle européenne de Zanox,
BuyAt et Digital Window, etc.).

P7S1, handicapé par des changements successifs d’actionnaires,
des réorganisations incessantes et un management à la tête de la
«BU diversification» sans cesse remanié, n’a su amener aucune de ses
acquisitions au rang de leader sur son marché.

                                              5) Une unique exception en 24 acquisitions

                                                                                  21
Arbre de décision AS Digital Media

                                                      OUI

                            OUI                      Go for it !              OUI
                            Peut-on conquérir
                            une place sur le                                  Go for it !                  OUI
                            podium seul ?
                                                     Peut-on acheter l’un
                                                                                                           Go for it !
                                                     des acteurs #1 à #3 ?
                                                                              Peut-on nouer un
                                                     NON                      partenariat avec l’un
Y-a-t-il un marché                                                            des acteurs #1 à #3 ?
attractif ?
                                                                              NON                          Stay out of it !

                                                                                                           NON

                            Stay out of it !

                            NON

Année     cible            segment              Position            Année    cible           segment                     Position

2006                       PA Immo.             #2                  2009                     Portail Santé               #1

                           PA Emploi            #2                                           MMOG                        #3

                           Comparateur          #4
                                                                                             Marketing                   #1
                                                                                             affiliation
                           Portail              #1                  2010
                                                                                             Marketing                   #3
                                                                                             affiliation
                           Communauté
2007                                            #2                  2011                     PA Immo.                    #1
                           Finance
                           Communauté           #1                                           PA Auto.                    #2
                           Femmes
                           Marketing            #1                                           PA Immo.                    #1
                           affiliation
                                                                                             Communauté
                           PA Immo.             #2                                                                       #1
                                                                                             Mamans
                                                                                             Moteur
2008                       PA Emploi            #1                  2012                                                 #1
                                                                                             Shopping
                           Communauté           #1                                           PA Auto.                    #1
                           Soirées
                           Communauté           #2                                           PA Emploi                   #1
                           Soirées
                           Communauté           #1                                           PA Immo.                    #1
                           Foot

                                                                                                                               22
Keep it simple
Les acquisitions réalisées par AS sont, pour l’essentiel, dans des métiers
proches du cœur de compétences du géant allemand de la presse :
petites annonces, régie publicitaire, communautés éditorialisées. De façon
très pragmatique, les activités digitales sont intensément promues par les
supports Print du groupe, et de façon croisée entre les différents points de
présence du groupe en ligne. La synergie publicitaire entre les différents
supports est soutenue par une régie résolument pluri-media : Key Account
Management mutualisé, offres publicitaires regroupant les inventaires Print
et Digital, mécanismes de remise tous supports.

En regard, la variété des diversifications réalisées par P7S1 a certainement
limité les synergies atteignables, et a amené le groupe dans des territoires
éloignés de son cœur d’activité. Encore aujourd’hui, malgré les cessions
réalisées, et celles annoncées qui auraient pu amener une clarification,
il est difficile de distinguer les «piliers» du portefeuille de diversifications
du groupe.

4. C’est le profit généré par les activités historiques et
déclinantes qui finance le développement des nouvelles :
l’amélioration à marche forcée de la performance opérationnelle
est un impératif stratégique
Le rebond du groupe Le Monde depuis sa reprise en main par de nouveaux
investisseurs en 2010 en est une excellente illustration.

Le quotidien du soir n’est pas encore tiré d’affaire, mais force est de
constater que le journal semble bien engagé sur la voie du redressement
économique après des années de déficit. Le groupe a affiché en 2011 et
2012 un résultat d’exploitation positif, ce qui n’était pas arrivé depuis de
nombreuses années, et qui constitue une performance remarquable dans
une conjoncture difficile pour une société qui est passée tout près du
dépôt de bilan en 2010.

Au cœur de la stratégie mise en place par la nouvelle équipe : une même
détermination à restructurer l’entreprise en prenant acte des évolutions
d’usages (baisse de 5% p.a. de la vente au numéro) et à investir dans
les supports (nouveaux ou pas) pour tirer le chiffre d’affaires vers le haut.
Les économies réalisées d’un côté sont réinvesties de l’autre, rendant ainsi
acceptables par les collaborateurs, les efforts de modernisation consentis.

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Concrètement, pour s’adapter à la constante baisse de sa diffusion, le
groupe a engagé une lourde restructuration de son imprimerie, supprimant
150 postes et confiant l’impression en régions aux groupes de PQR.
Les économies dégagées permettent d’investir tout en suivant un plan
de restructuration, avec une relance du magazine du week-end «M»
au positionnement haut de gamme. Il en résulte un chiffre d’affaires
publicitaire triplé pour le magazine, attirant de nouveaux annonceurs du
luxe… dont profite le quotidien. Au total les recettes publicitaires de la
marque Le Monde ont crû de 10% au premier semestre 2012.

         Investissements de développement

                                 s                …
                       e     l

                                                    re
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                                                                    les
                          …

            Améliorations opérationnelles

Ces nouvelles recettes viennent financer à leur tour les plans de relance à
venir, du Courrier International notamment, et les gages de détermination
dans le développement du groupe permettent de rouvrir les dossiers
sensibles comme celui de la parution l’après-midi.

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5. La sortie par le haut n’est possible qu’à condition de s’attaquer
au dilemme de la monétisation digitale au plus tôt : pas d’audience
sans «gratuité»… mais pas de profit sans «payant». Pour marier ces
contraires, l’excellence CRM devient une arme décisive.
PagesJaunes est, par nature, au cœur de ce dilemme : la promesse
d’exhaustivité des listes de réponse à l’utilisateur, nécessaire au soutien
de l’audience des supports du groupe, ne peut être délivrée que si tous les
professionnels (clients ou pas de PagesJaunes), sont référencés de façon
suffisamment enrichie pour être retrouvé (tous, donc gratuitement). Mais
l’entreprise ne vit que parce qu’elle sait convaincre ses clients, qu’investir
dans des annonces plus riches, plus sophistiquées, présentes à plus de
«point d’accès», leur apporte un retour sur investissement positif.

Le groupe a donc dû développer un arsenal sophistiqué de pratiques
de pricing, permettant d’adapter au mieux la valeur de ses produits
publicitaires à la disposition payante de ses clients (cette valeur, étant
directement liée au rendement qu’ils en retirent). Aujourd’hui, les annonces
du groupe ont un prix en fonction du canal (Print, Internet fixe, Internet
mobile), de la région (et donc de la pénétration des usages digitaux chez
les utilisateurs et les annonceurs) et du secteur d’activité (la compétition
entre annonceurs pour la visibilité dans le support n’ayant pas la même
intensité, qu’il s’agisse d’un boulanger ou d’un déménageur).
Les offres sont «verticalisées» et les produits proposés diffèrent pour les
agences immobilières et les concessions automobiles, pour les hôtels et
les restaurants, ou encore pour les professions de santé (ces professions
ayant des besoins de communication très différents).

Cette sophistication a permis au groupe, de réaliser aujourd’hui 60% de
son chiffre d’affaires avec ses supports digitaux : PagesJaunes est de loin
l’annuairiste qui a le mieux géré la transition digitale au niveau mondial et
est, de facto, dans le top 10 mondial des opérateurs de digital advertising.
Déployer une telle sophistication d’offre nécessite de mobiliser des savoir-
faire de CRM qui, s’ils sont par construction inhérents à un PagesJaunes,
qui «vend» sa capacité à qualifier les professionnels (qui sont aussi ses
clients), n’est en général pas le point de force des groupes medias. Ces
derniers n’ont toutefois guère le choix : si les 10 années écoulées nous
ont enseigné que la croissance de l’inventaire disponible sur Internet est
exponentiellement plus rapide que celle des utilisateurs, les CPM des offres
indifférenciées, non ciblées en termes d’utilisateurs et d’annonceurs, déjà
peu attractifs, sont condamnés à baisser.

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