Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique - e t Juillet 2013
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Telecom, Medias, Internet : Le point de rupture numérique é t u d e s e t p e r s p e c t i v e s Juillet 2013
Introduction Les géants de l’internet sont à la manœuvre dans la recomposition de l’économie et de l’écosystème numérique. Ils imposent aux acteurs des télécoms et des médias de reconcevoir de fond en comble leurs stratégies industrielles. Les évolutions actuelles, radicales, n’en sont qu’à leurs prémices. Cette année encore, les consultants de l’équipe TMT de Roland Berger décryptent les signaux de cette révolution digitale au travers de quelques illustrations emblématiques : >> La fatigue du SoLoMo >> La refonte de la distribution >> la 3ème révolution industrielle dans les medias >> Les SI de l’entreprise connectée Ce sont quelques clés de lecture d’une lame de fond numérique qui emporte avec elle les dogmes passés des télécoms et des medias. 1
1 Social Networks, Mobilité et monde Offline : les héros du SoLoMo sont-ils (déjà) fatigués ? Si les réseaux sociaux ont largement fait l’actualité en 2011 et 2012 (introductions en bourse de LinkedIn, Facebook…et chute des cours de ce dernier, acquisition express et coûteuse d’Instagram, lancement de Google+,…), c’est la tendance SoLoMo qui captait l’attention des investisseurs et analystes. Ce concept (SOcial, LOcal, MObile) est en effet considéré comme l’avenir du web, car il permet la jonction entre monde online et monde offline, offre des perspectives pour de nouvelles applications et pour une forte monétisation des services. Son émergence est liée à la disponibilité avérée de «briques» élémentaires (smartphones, réseaux sociaux, cloud computing,…). Pourtant, si les innovateurs du SoLoMo – Foursquare, Path, Banjo,… - ont été sur le devant de la scène pendant une brève période, les leaders du web communiquent beaucoup moins autour de leurs attentes du concept depuis le milieu de l’année. Alors le SoLoMo, simple buzz ou vraie opportunité ? Pour qui et à quel horizon ? Quels obstacles restent à dépasser ? Le SoLoMo : des sous-jacents solides et des applications prometteuses L’«invention» du SoLoMo repose sur la conjonction de technologies qui ont toutes atteint une masse critique : >> SOcial : non seulement les réseaux sociaux ont largement pénétré l’audience (1,3 Mds d’utilisateurs dans le monde, dont plus de 1 milliard pour Facebook, soit plus que le mail ! 89% de pénétration en France) mais leurs usages deviennent proéminents (1 minute «43% des utilisateurs sur 3 en ligne en France), très mobiles (43% des utilisateurs de de smartphones en France smartphones en France consultent des réseaux sociaux sur leurs mobiles consultent des réseaux quotidiennement), et leurs écosystèmes se sont largement étendus et sociaux sur leurs mobiles offrent des expériences très riches : géolocalisation, jeux, intégration quotidiennement» de contenus tiers, communication en temps réel, information en mode push,… >> LOcal : pour les internautes, la dimension locale est devenue évidente grâce aux mobiles («always online») et leurs GPS (85% des possesseurs de smartphones en France effectuent des recherches locales sur leur mobile). Les professionnels réagissent pour combiner expérience online et offline (intégration des bricks & mortars dans les cartes et annuaires en ligne, concepts «one-shop» des clicks & mortars,…). 3
>> MObile : la rapide et forte pénétration des smartphones, associée à la puissance des réseaux mobiles, ont déplacé les usages Internet d’un contexte purement fixe (éventuellement nomade) vers un contexte fortement mobile. A titre d’exemple, il y a aujourd’hui en France plus de 20 millions d’utilisateurs de Smartphones (38% de pénétration totale), dont 77% des propriétaires consultent Internet en mobilité quotidiennement. Ainsi, 30% des français sont en 2012 de gros utilisateurs d’Internet mobile. Ce chiffre continue de croître rapidement. De plus, le développement du cloud computing, en délocalisant l’information, l’a rendu accessible quel que soit le terminal et le réseau utilisés, rendant transparent le passage entre utilisation fixe et utilisation mobile. Ces outils permettent une jonction permanente et «sans couture» entre le monde online et le monde offline, basée sur l’exhaustivité et la qualité de l’information constamment poussée et tirée. A titre d’exemples, quelques usages possibles des outils SoLoMo : >> Notation en direct d’un établissement (restaurant, hôtel ou magasin), partagée avec un groupe plus ou moins large d’amis. >> A l’inverse, prise de renseignement en temps réel sur un établissement (fréquentation d’un bar par exemple). >> Obtention ciblée de coupons de réduction lors d’un achat en magasin (et publicité auprès d’un réseau d’amis). >> Achat en ligne d’un morceau de musique entendu à la radio ou dans un lieu hors-domicile. >> Prise de renseignement en ligne sur la disponibilité d’un produit en magasin, comparaison de prix, benchmark du produit auprès de personnes de confiance. >> Partage de photos localisées «sur le vif». >> Partage instantané d’informations de type actualités ou ciblées (trafic, changement de réglementation de circulation,…). Ainsi, pour les marques, commerçants et médias, les plateformes SoLoMo sont la promesse de nouveaux leviers business à forts effets : >> Communication aisée et partiellement automatisée avec les clients / usagers potentiels, à la fois push et pull. >> Diffusion «virale» de la communication et visibilité (en cas de réussite… ou d’échec) à peu de frais. >> Opportunités de vente démultipliées. >> Transparence des pratiques et des prix. 4
Les ingrédients semblent donc réunis pour l’émergence de véritables business models SoLoMo et de nouveaux flux économiques. Les pionniers du SoLoMo : déjà un essoufflement ? Quelques pionniers ont été à l’origine du mouvement SoLoMo, pour l’essentiel des start-ups américaines, rapidement suivies de copycats, par exemple en France. «Foursquare pourrait être Foursquare pourrait être considéré comme le premier modèle considéré comme le premier totalement SoLoMo : grâce à une application sur son mobile, l’utilisateur modèle totalement SoLoMo» «check in» (s’enregistre) dans un lieu repéré grâce à la géolocalisation de son appareil. Immédiatement, sa présence dans une boutique, un restaurant, ou tout autre lieu est indiquée à ses contacts Foursquare (et Facebook avec une interface presque automatique). Les utilisateurs peuvent également partager des commentaires sur le lieu en question. Enfin, les commerçants peuvent utiliser Foursquare pour proposer des réductions ou offres spéciales pour les clients faisant un check-in. Les réseaux de boutiques peuvent également créer des opérations spéciales à plus grande échelle (par exemple, obtention de «badges» avantageux pour 10 check-ins dans des lieux différents). Même si Foursquare n’a pas atteint les mêmes niveaux de pénétration que des géants tels que Facebook, son succès auprès des utilisateurs est indéniable, avec 14% des possesseurs de Smartphones enregistrés comme utilisateurs en 2011. En France, Plyce a développé un service proche, avec un angle moins social et plus «bons plans». Parmi les autres pionniers, Path et Banjo par exemple ont également connu un fort succès d’estime et ont influencé les concepts suivants. Path a poussé le concept du partage en temps réel un cran plus loin que les réseaux sociaux classiques : largement basé sur des applications mobiles, il permet de partager tous types de médias, de se localiser… Banjo, également basé sur des applications mobiles, permet d’identifier les utilisateurs qui se trouvent à proximité géographique, à partir de liens sociaux (proximité dans le social graph : contacts communs, intérêts communs,…), et de partager des avis sur des lieux. 5
D’autres succès récents (en termes d’usage au moins), s’inspirent largement du modèle SoLoMo : Twitter ou Instagram par exemple, sont sociaux et mobiles par essence, et intègrent autant que possible des éléments locaux. Groupon, dont le modèle initial demeure rudimentaire (web 1.0) mais très local, essaie d’utiliser les aspects sociaux et mobiles comme leviers de développement. Les géants du web ont également suivi le mouvement : Facebook et Google ont tous deux rapidement intégré des fonctionnalités de check-in, Google a avancé petit à petit sur la dimension sociale pour finalement lancer son propre véritable réseau social, et tous les deux recentrent leurs efforts vers le mobile. «à fin 2012, il semblerait Cependant, à début 2013, il semblerait que le mouvement ait perdu de sa que le mouvement ait perdu dynamique. Foursquare, dont on estime les revenus à seulement 2 millions de sa dynamique» de dollars peine à rassembler un nouveau tour de table ; le modèle ne fonctionnerait-il pas ? Path a beaucoup perdu de sa notoriété et de son aura pour des jugements hasardeux quant à la protection de la vie privée de ses utilisateurs. Banjo n’a toujours pas rencontré le succès escompté, en particulier en raison de son aspect intrusif. Les check-ins de Google et Facebook, faute d’utilité et à cause de leur redondance ne rencontrent que peu de succès. A ce jour la seule véritable success story est celle d’Instagram, racheté par Facebook pour 740 millions de dollars, mais dont le destin est désormais largement dépendant des choix stratégiques de la plateforme. D’une manière générale, le buzz semble être retombé : dans l’environnement hyperconcurrentiel actuel, alors que les usages se déplacent vers le mobile, l’attention de tous (analystes, commentateurs, leaders du web) semble être focalisée sur le prolongement des succès passés (Internet fixe) dans le mobile. Ce recentrage marque-t-il la fin de la tendance SoLoMo ? 6
Le SoLoMo 2013 : la guerre de l’ombre Il semble que les pionniers et leurs suiveurs aient tous été confrontés à des problématiques similaires : >> Difficultés techniques (infrastructures), pour déployer rapidement des services massifs. «Les applications >> Complexité de la gestion de données privées : les applications SoLoMo contiennent des SoLoMo contiennent des informations extrêmement sensibles pour les informations extrêmement utilisateurs. sensibles pour >> Instabilité des business models : les produits (pour les clients, i.e. les utilisateurs» annonceurs ou commerçants, ou utilisateurs) sont innovants, mais peinent à démontrer leurs impacts business malgré un succès parfois certain auprès des utilisateurs. La monétisation reste encore à démontrer. >> Difficulté à commercialiser : «local» implique une forte granularité commerciale et un besoin de contact direct. >> Concurrence (ou confusion pour l’utilisateur) face à de nombreuses applications d’apparences proches. Mais ils partagent également des recettes propices au succès : >> Effet démultiplicateur du succès dans un contexte social : avec peu de frais marketing, les produits les plus populaires se diffusent de proche en proche (exemple d’Instagram). >> Bénéfice d’interfaces et plateformes puissantes et dans une certaine mesure interconnectées (Facebook, Google+, les Apps iPhone ou Androïd, ubiquité prochaine des smartphones et tablettes, puissance de calcul et stockage dans le cloud, …). Il semble ainsi que les mieux équipés pour réussir dans le SoLoMo soient les grands acteurs des télécoms et de l’Internet : eux seuls semblent posséder les expertises nécessaires pour un succès sur le long terme (en particulier expertise dans la gestion de données / informations critiques, commercialisation, montée en puissance technique,…). De plus, si les investissements de départ sont limités (peu de frais marketing, opex-isation maximale des coûts), la montée en puissance et le «leadtime» avant d’atteindre la rentabilité nécessitent une solide assise financière. Bien entendu, le succès n’est pas impossible pour des start-ups, à condition de pouvoir gérer la maturité, soit sous forme de vente (Instagram), soit grâce aux fonds disponibles pour les firsts movers uniquement (Twitter), soit dans le cas d’une réussite insolente (comme Google il y a 10 ans). 7
De fait, les «Big 3» (Google, Apple, Facebook) sont déjà en mouvement, mais bien plus subrepticement que leurs plus jeunes concurrents. >> Facebook vient de démontrer sa capacité de réaction et d’évolution : fortement sous pression lors de son IPO du fait de son incapacité à monétiser le trafic grandissant sur mobiles, le réseau social a su faire sa révolution (produits, commercialisations, interfaces,…) pour dépasser les attentes de revenus mobiles, à plus de 30% des revenus totaux. Facebook est ainsi devenu un véritable acteur de la mobilité. Il possède déjà un angle local, et surtout une incroyable plateforme et base d’utilisateurs, il vient d’acquérir Instagram,… Facebook dispose ainsi de la plupart des ingrédients qu’il lui faut combiner pour développer, peut-être, le business model du SoLoMo. >> Google procède différemment : tandis que Facebook possède la plateforme la plus puissante (intégration de tiers, reach des internautes,…), Google sécurise sa position d’intermédiaire incontournable d’Internet au niveau plus profond (mais aussi plus ouvert) des OS et appareils. Il est leader sur de nombreux aspects locaux et dans le mobile. Il a mis en place son système de paiement, et surtout, il dispose d’une puissance de calcul et d’intelligence artificielle inégalée. Les récentes avancées avec Google Now, les développements constants de Google Maps et la constitution relativement discrète d’un graph social sont des indices des ambitions de Google. Ne lui manque plus qu’une véritable réussite dans les réseaux sociaux, entamée avec Google+. >> Apple pourrait également devenir un acteur puissant, car il dispose d’atouts fortement différenciants et difficilement réplicables : une importante base installée (et de qualité), un système de paiement fortement pénétré et de confiance, une forte capacité à déployer des applications,… En 2012, Apple a également entamé un processus de prise d’indépendance sur les aspects locaux (avec une réussite pour le moment toute relative pour la cartographie). Il lui manque cependant un élément essentiel, celui de réseau social, mais sa base clients (très fidèle et très innovante) et sa connaissance de leurs données et habitudes (iTunes, iCloud) pourrait lui permettre de rapidement déployer un graphe social. 8
Le SoLoMo sera une réalité, avec un potentiel pour tout l’écosystème Les différentes expériences menées à ce stade indiquent sans ambigüité «Les applications SoLoMo que les applications SoLoMo seront un jour les éléments majeurs d’un seront un jour les éléments écosystème élargi (i.e. online et offline). L’appétence des utilisateurs et majeurs d’un écosystème les intérêts pour les annonceurs et commerçants seront des leviers forts élargi» de développement. Cependant, les équations économiques ne sont pas encore claires pour leurs éditeurs. Les gagnants à long terme de cette course, seront donc ceux pour qui des synergies pourront se dégager (dont bien entendu, les «Big 3», qui sont déjà en ordre de marche; étonnamment, Amazon n’est encore que très peu impliqué, alors qu’il pourrait disposer d’atouts non-négligeables). Il existe cependant des opportunités pour les opérateurs télécom qui ont, par construction, un positionnement favorable : >> Bases clients larges, très bien connues, avec des liens directs (service clients, facturation). >> Infrastructures «intelligentes» : capacité de détection / localisation, capacité de push,… >> Maîtrise technique (infrastructures, moyens de calcul et stockage) et éthique (gestion de données confidentielles / privées). >> Moyens de commercialisation : réseau commercial B2B, B2C, régies publicitaires,… A travers des cellules d’innovation agiles, potentiellement en partenariat avec des leaders mondiaux, les opérateurs pourraient trouver dans le SoLoMo des relais de croissance ainsi qu’un moyen de renforcer le lien avec leurs clients. Bien entendu, ces développements pourront avoir un impact fort sur tout le commerce B2C, à la fois online et offline. C’est pourquoi toutes les entreprises B2C (du commerce local, au commerce online, en passant par les medias) doivent d’ores et déjà se préparer, pour choisir leurs implications, leurs partenaires et définir leurs modèles futurs, qui se devront d’être totalement intégrés et efficients. 9
2 Vers la refonte du modèle de distribution dans les télécoms L’arrivée de Free Mobile a été un véritable cataclysme sur le marché français des télécommunications. Cette arrivée a non seulement bouleversé le modèle marketing des opérateurs – de la subvention du terminal au mode de tarification de la minute, et de la data mobile – mais elle a également complètement fait voler en éclat le modèle traditionnel de distribution et de relation clients. Une remise en question des croyances profondes Alors que jusqu’au 11 janvier 2012, la capillarité de distribution était de l’avis général le facteur clé de succès de la prise de parts de marché par les opérateurs, Free a démontré qu’on pouvait capter 2,5 millions de clients en 3 mois, 5,2 millions en 1 an, presque sans aucun point de vente. Free aura réussi à reproduire son tour de force du fixe, où il avait vendu de l’Internet par Internet à des primo-accédants ! «Aujourd’hui, tous les Aujourd’hui, tous les modèles de distribution, et d’expérience client se modèles de distribution, retrouvent remis en question. Le premium de prix ou de service, mis en et d’expérience client avant par les opérateurs traditionnels, ne semble plus si évident quand on se retrouvent remis regarde de près les métriques économiques. Dans un monde de nouvelles en question» technologies et de réseaux sociaux, quelle est la part de valeur apportée par un réseau physique ? Un tel réseau justifie-t-il un prix supérieur ? Et surtout, répond-t-il aux attentes profondes des clients ? De vraies questions stratégiques sur les notions de «service» et de «valeur perçue pour le client» sont aujourd’hui soulevées : >> Quelle est la valeur des points de vente pour les clients ? >> Quel est le rôle des boutiques dans la relation client ? >> Quelle articulation optimale avec les autres canaux ? Complémentarité ? Subsidiarité ? >> Les boutiques vont-elles disparaitre à long terme ? Un premium de valeur ou un premium dans les coûts Quand on regarde froidement les économies des opérateurs traditionnels, on perçoit à quel point le modèle de distribution ne permet pas de justifier le différentiel de prix jusque là annoncé. Quels que soient les opérateurs et le modèle de distribution retenu pour leurs boutiques dites «propriétaires», le coût par client et par mois n’excède pas 1€. On comprend alors que la question de la pérennité d’un réseau de boutiques, avec plusieurs centaines de points de vente, devienne critique pour des opérateurs en recherche d’efficacité opérationnelle et économique. 10
Les exemples issus d’autres secteurs d’activités, tels que le tourisme et la banque, montrent que la transformation du réseau de distribution peut être extrêmement rapide dès lors qu’une pression externe forte s’exerce. Les transformations mises en place varient selon les secteurs. Face à la percée d’Internet et à la crise financière, les réseaux d’agences physiques du secteur du tourisme ont été très fortement malmenés et le nombre d’agences de voyages a considérablement chuté en quelques années sous l’effet de l’explosion d’Internet et de la standardisation des packages. Ainsi entre 2008 et 2009, au plus fort de la crise, près de 20% des agences de voyage ont fermé alors que l’usage d’Internet dans la constitution d’un voyage s’est complètement démocratisé. Evolution des ventes online par typologie de produits Evolution des réseaux d’agences en France [2002-2012E ; %] [2005-11 ; # agences] Airlines Train Package Car rental 58% Hotel 7 440 7 422 18% 7 391 Sea Ferry Crise financière 6 278 43% 34% 5 133 5 000 32% 30% 27% 25% 19% 15% 17% 12% 2002 2004 2006 2008 2010F 2012F 2005 2006 2007 2008 2009 2011 Source: sites web TO – L’Echo Touristique 2011, Eye For Travel, interviews, Analyse Roland Berger 11
La banque de son côté, a opté pour une trajectoire différente en maintenant son nombre de points de vente, mais en transformant en profondeur le rôle de l’agence dans l’expérience client et ceci malgré un constat majeur de baisse de la fréquentation. Evolution du poids du canal agence dans les contacts Fréquence de visites à la banque par type d’opération [%] 2007 Information - Souscription 2010 Consultation 2011 Transaction (avec retrait d’espèces) 62% 80% 76% 76% 74% 70% 60% 52% 52% 58% 55% 50% 45% 37% 41% 45% 39% 44% 28% 28% 24% 21% 24% 18% 18% 35% 10% 15% 8% 3% 3% 5% 2% > 1 fois par mois < 1 fois par mois Jamais 1995 1998 2001 2003 2005 2007 2009 2011 Ces exemples sont riches d’enseignements pour les opérateurs télécoms, qui doivent aujourd’hui opérer un virage stratégique de leurs modèles de distribution : réduire le nombre de boutiques et transférer la majorité des actes sur le online (comme le tourisme), ou au contraire maintenir les boutiques comme un axe majeur de différentiation et de premiumisation de la relation client, avec des impacts significatifs sur la base de coûts. La question du modèle de distribution est aujourd’hui centrale et une remise en question devient indispensable. 12
3 La mutualisation des réseaux mobiles : une nécessité de plus en plus pressante Depuis la libéralisation des télécommunications en France dans les années 1990, ce marché s’est développé sur la base d’une concurrence par les réseaux, qui a incité les opérateurs à investir dans les infrastructures technologiques, développant ainsi l’accès à la téléphonie et aux données avec un débit de plus en plus élevé sur le réseau fixe comme en mobilité. Sur le fixe, l’enjeu de montée en débit pousse aujourd’hui les opérateurs à investir sur la fibre optique, tout en évitant de multiplier les infrastructures grâce au partage des investissements. Sur le mobile, le marché s’était stabilisé autour de 3 opérateurs possédant chacun leur réseau, complété par des MVNOs dont la part de marché cumulée peine à dépasser les 10%. Mais l’attribution à Free Mobile de la 4ème licence 3G en 2010 a changé la donne. L’ensemble des revenus télécom B2C devrait diminuer de plus de 5 Mds € en 2015, une baisse plus qu’anticipée avant le lancement de Free Mobile Les opérateurs mobiles doivent déjà faire face à une concurrence d’acteurs tiers, qui utilisent la connexion sans que les opérateurs ne puissent contrôler les revenus associés à ces nouveaux services : >> L’interface utilisateur des nouveaux terminaux de type smartphone n’est plus personnalisée aux couleurs de l’opérateur. Il perd ainsi un levier de promotion de ses services et contenus. >> Les acteurs OTT (Over The Top) fournissent des services et contenus payants, ou rémunérés par la publicité, qui font parfois concurrence à des services historiques de l’opérateur, tel le SMS en perte de vitesse devant les messageries de réseaux sociaux et autres apps. Mais au-delà du risque sur les services et contenus, le changement majeur est lié au lancement en janvier 2012 de Free Mobile, qui a créé la surprise avec des offres tarifaires très agressives. L’offre «illimitée» positionnée à moins de 20€, bien en-dessous de ce que pouvaient attendre les concurrents (qui avaient pourtant déjà anticipé des baisses de tarifs sur leurs différentes formules), a forcé les opérateurs à diminuer encore les prix et à créer des marques low-cost (Sosh, B&You) pour limiter la perte de clients. De plus, l’offre 1h à 2€ a attiré d’anciens clients d’offres prépayées, diminuant le parc prépayé de 1,2 millions de lignes en l’espace de 6 mois. 13
En conséquence, la perte de revenus du marché télécom B2C en France est estimée à plus de 5 Mds € en 2015, dont 7 à 8 Mds € de réduction pour les 3 opérateurs historiques Orange, SFR et Bouygues Télécom, et un gain de 1 à 2 Mds € pour Free Mobile. Cela implique une baisse drastique des cash flows pour les opérateurs, ce qui a généré des annonces de baisses de dividendes en 2012, et qui pourrait d’ici 2014 mettre sous pression Bouygues Télécom, le plus petit des 3 opérateurs historiques, avec 15% de parts de marchés. Les opérateurs ne peuvent pas faire l’économie d’une nouvelle stratégie de réseau Alors que les revenus des télécoms vont diminuer, les besoins en investissement vont s’accroître. D’après Cisco Systems, le trafic mobile en Europe de l’Ouest devrait être multiplié par 5 d’ici à 2015, après avoir déjà subi la même croissance sur les deux dernières années. Ainsi, la capacité du backhaul par station de base pourrait devoir être augmentée de plus de 50% par an. Les technologies mobiles de nouvelle génération 4G / LTE permettront de fournir une augmentation des débits, mais moyennant des investissements non négligeables sur les 10 prochaines années. Or le réseau mobile représente déjà environ un quart des coûts d’un opérateur, 40% de ces coûts réseau étant constitués de CAPEX (réinvestissements, «Seules de nouvelles renouvellement…), et plus d’un quart de maintenance et de personnel. stratégies incluant Seules de nouvelles stratégies incluant la mutualisation de réseaux la mutualisation de réseaux permettront de réduire et de contrôler les coûts et les besoins permettront de réduire d’investissement. En effet, sachant que les gains attendus peuvent et de contrôler représenter entre 10% et 40% des OPEX ou CAPEX, selon le mode de les coûts et les besoins consolidation (s’il ne concerne que les sites / tours, ou s’il inclut le partage d’investissement» des infrastructures voire de l’ensemble des équipements). 14
Une mutualisation des réseaux est inévitable A l’étranger, certains opérateurs ont déjà fait le pas d’une consolidation de leurs réseaux, ou du moins de leurs infrastructures (pylônes, antennes…) : >> Au Royaume-Uni, le nombre de réseaux mobiles est passé de 5 à 2 en l’espace de 3-4 ans, avec consolidation et regroupements de sites : – Fin 2007, Three (Hutchinson 3G) et T-Mobile avaient constitué la joint- venture MBNL réunissant leurs infrastructures 3G. – En 2010, Orange et T-Mobile ont constitué Everything Everywhere, MBNL devenant une joint-venture entre Three et Everything Everywhere. L’économie attendue d’Everything Everywhere représentait un milliard de livres. – En parallèle, dès 2008, O2 (Telefónica) et Vodafone concluaient un accord de partage de sites, sans partage d’antennes. Cet accord s’est renforcé en 2012 par une consolidation de réseaux. >> En Suède, plusieurs accords ont été passés (Télé2 et TeliaSonera sur la 3G, Telenor et Tele2 sur la 4G). >> Au Danemark, c’est avec TeliaSonera que Telenor partage le réseau. >> En Pologne, TPSA et PTL ont aussi joint leurs efforts. >> En Espagne, Vodafone et Orange partagent les infrastructures dans les zones non denses. >> … En France, la mutualisation de réseaux est déjà pratiquée et encadrée par l’ARCEP dans des zones blanches, c’est à dire peu denses. Le principe de mutualisation des réseaux et des fréquences a été intégré par l’ARCEP dans les conditions d’attribution des licences 4G. Si la mutualisation des réseaux n’est pas encore une réalité à grande échelle, elle commence à être évoquée par les différents acteurs : >> Stéphane Richard annonçait en mai 2012 que France Télécom / Orange serait prêt à faire du partage de réseaux avec SFR et / ou Bouygues Télécom dans la 4G, bien que ces deux derniers semblent réticents. >> Il ajoutait qu’Orange, SFR et Bouygues, ayant chacun déployé un réseau, auraient une légitimité à les mutualiser, Free ayant encore à développer le sien. >> En juillet 2012, il déclarait que pour assurer leur développement, ils pouvaient «miser sur la mutualisation des réseaux, ainsi que sur la mise en commun des achats avec des opérateurs partenaires». 15
>> Xavier Niel en mai 2012 rappelait qu’historiquement Free a toujours été proche de France Télécom en tant que premier client. Il évoquait pour le futur la possibilité de «faire des choses intelligentes comme le rapprochement de (leurs) réseaux pour améliorer la couverture du territoire». >> Alors que des discussions entre Bouygues Télécom et SFR étaient évoquées, un dirigeant de SFR déclarait en avril 2012 que des rapprochements seraient inévitables sur le marché car il ne pouvait pas «y avoir une économie pérenne avec quatre opérateurs». >> Fin août 2012, Martin Bouygues déclarait ne pas être contre la mutualisation de réseaux «si elle était équitable». «Cette mutualisation devrait La mutualisation des réseaux devrait s’accompagner s’accompagner d’une sous- de sous-traitance traitance de la gestion des Presque tous les éléments sont réunis pour que la mutualisation des réseaux mobiles devienne une réalité en France : un marché qui a atteint réseaux, dont l’offre n’est sa maturité, une concurrence forte (arrivée de Free), le besoin d’inves- pas encore complètement tissement pour la couverture et pour la 4G, le besoin de réductions de structurée» coûts. Cependant, cette mutualisation devrait s’accompagner d’une sous- traitance de la gestion des réseaux, dont l’offre n’est pas encore complè- tement structurée. C’est le schéma qui a été retenu au Royaume-Uni où la gestion du réseau d’Everything Everywhere a été confiée à Ericsson. En effet, dans le cadre d’une consolidation entre plusieurs opérateurs, la sous-traitance à un ou des tiers présente des avantages certains : >> Assurer une gouvernance neutre. >> Dépasser le fossé managérial et culturel entre les opérateurs. >> Focaliser les opérateurs sur le client et les services. >> Optimiser les coûts grâce à des effets d’échelle. Lors de la mutualisation, ces effets d’échelles sont le deuxième levier de réduction de coûts après l’abandon de sites et équipements redondants : >> Les équipementiers sont déjà investis dans l’ingénierie et le design des réseaux, et bénéficient d’une forte expérience internationale pour leur supervision : ils sont capables de mutualiser des NOC (Network Operations Center) pour plusieurs réseaux de différents pays. 16
>> En parallèle, les opérations terrain (incluant la maintenance) nécessitent des techniciens disponibles en quelques heures, et des effets d’échelles / mutualisation avec d’autres activités (installations électriques, informatiques, et autres types d’interventions à dimension technologique) devront permettre d’améliorer la rentabilité de ces opérations. Un nombre limité de réseaux servant plusieurs opérateurs Si la réduction du nombre de réseaux semble inévitable, la pure séparation fonctionnelle entre un réseau national et des opérateurs commerciaux semble aussi improbable, ne serait-ce que par le souhait de l’ARCEP de conserver une concurrence à ce niveau. Cependant, le scénario le plus probable serait une consolidation à 3 voire 2 réseaux mobiles qui serviraient les grands opérateurs nationaux actuels ainsi que les MVNO. On devrait alors se diriger vers une différenciation entre les nouveaux opérateurs de réseau ainsi consolidés (acteurs indépendants, joint- ventures, ou intégrés capitalistiquement à un opérateur de services), et les opérateurs de service (opérateurs commerciaux, fournisseurs de services, voire OTT), qui interagiront ainsi dans une relation client-fournisseur. Revenu telecom B2C 1) [Mds €, lignes fixes et mobiles] Scénario tendanciel sans Free Mobile -5/-6 Scénario avec Free Mobile à 20€ + offre à 2€ 2010 2011 2012 2013 2014 2015 1) Excluding taxes, consumer spend, i.e. excluding revenues of Free Mobile itinerancy and excl. Wholesale revenues 17
4 La 3ème Révolution Industrielle dans les Media : point à date 23 Octobre 2001, Cupertino. S’il faut dater et localiser la fin du monde… d’avant, le keynote de Steve Jobs, fondateur et alors CEO d’Apple introduisant «un nouveau dispositif numérique révolutionnaire (qui n’est pas un mac) 2)» – l’iPod – tient certainement la corde. Plus de dix ans se sont écoulés, 350 millions d’iPods ont été vendus (… et 300 millions d’iPhones… et 150 millions d’iPads, série en cours), l’onde de choc de la transformation digitale des industries culturelles a atteint les univers de la vidéo, de la TV, de la presse, des jeux, du livre et pour autant le «endgame» de ce que l’on est bien forcé de reconnaître comme une 3ème Révolution Industrielle pour le secteur reste encore complexe et incertain. Suivant en temps réel cette révolution depuis le premier jour, en réfléchissant au quotidien avec les leaders de ce secteur à la transformation de leurs offres et de leurs façons de faire, nous avons au cours de ces dix années, été amenés à décortiquer avec nos clients bien des initiatives, certaines à succès, d’autres se révélant des impasses. Voici les leçons que nous en avons tirées : 1. Une fois passé un seuil critique, c’est l’avalanche : ne pensez pas avoir le temps de vous adapter quand la vague sera là. 2. Le digital ne compense pas, à court terme, les pertes subies sur les supports traditionnels : il faut accepter et s’adapter à une période structurellement déflationniste. 3. La diversification est donc un impératif stratégique, au moins à court terme. La réussir suppose le respect de trois principes : think big, act fast, keep it simple. 4. C’est le profit généré par les activités historiques, déclinantes, qui finance le développement des nouvelles : l’amélioration à marche forcée de la performance opérationnelle est aussi un impératif stratégique. 5. La sortie par le haut n’est possible qu’à condition de s’attaquer au plus tôt au dilemme de la monétisation digitale : pas d’audience sans «gratuité»… mais pas de profit sans payant. Pour marier ces contraires, l’excellence CRM devient une arme décisive. 6. Rappel d’un fondamental : c’est la détermination à matérialiser les synergies qui sépare les vainqueurs des perdants. 2) Libellé de l’invitation envoyée à une sélection de journalistes 18
1. Une fois passé le seuil critique, c’est l’avalanche. Evolution des principaux marchés média aux Etats-Unis [2003 – 2011; Base 100 in 2003] 120 -4% 110 -9% KINDLE -4% Livres 100 -4% -7% -8% -14% 90 -10% -14% -7% DVD -14% 80 +2% -18% -15% -24% 70 -13% -12% -15% -4% Musique 60 -8% Journaux 50 -23% -4% IPOD MINI -7% -3% Jeux PC 40 30 IPHONE 20 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Source : PricewaterhouseCoopers LLP, Wilkofsky Gruen Associates, Roland Berger analysis Comme le montre l’exemple américain, toujours annonciateur des tendances du marché européen, la transition peut prendre du temps pour se matérialiser (c’est par exemple encore le cas du livre qui n’a que récemment engagé sa mutation numérique en Europe). Cependant, souvent sous l’impulsion des innovations lancées par les géants mondiaux de la technologie, les industries concernées connaissent des trous d’air de 10 à 20% de baisse (de CA) annuelle (et parfois plus) pendant plusieurs années, une fois le mouvement engagé. De telles pertes frappent cruellement des industries où les coûts fixes sont traditionnellement élevés (e.g. la presse), allument de nombreux foyers d’incendie dans l’entreprise : pression des investisseurs, inquiétude des collaborateurs, méfiance des clients, durcissements des conditions «Anticiper la mutation, avant fournisseurs… Et inévitablement, la bande passante dont dispose le même que les premiers management pour projeter le groupe dans l’avenir se réduit. effets ne s’en fassent ressentir, est une question Anticiper la mutation, avant même que les premiers effets ne s’en fassent de survie» ressentir, est une question de survie. 19
2. Le digital ne compense pas, à court terme, les pertes subies sur les supports traditionnels Corollaire épineux du point précédent : les groupes médias traditionnels n’ont d’autre choix que d’engager une politique agressive de diversification pour lisser le plus possible leur haut de ligne. Les écarts de monétisation de l’audience sont tels entre le monde en dur et le monde du Digital (que l’on se place dans une perspective publicitaire ou de valorisation du contenu) qu’il semble illusoire de vouloir compenser les pertes structurelles d’un côté par la croissance organique de l’autre. Par exemple : un groupe partant d’un mix de départ 90% traditionnel / 10% digital, subissant une perte sur ses activités historiques de 10% p.a. et délivrant une croissance de 15% de ses activités digitales, devrait affronter pas moins de 7 années d’érosion de son chiffre d’affaires, au bout desquelles ses ventes se seraient repliées de plus de 30%. Ce groupe ne retrouverait son volume de ventes initial qu’au bout de… 15 ans ! Pour arrêter l’hémorragie en 3 ans et retrouver ses bases de départ en 5, le même groupe devra délivrer une croissance de ses activités diversifiées de 40% p.a. Ceci représente un taux de croissance quasi-inatteignable sans croissance externe dans les marchés mâtures en termes de pénétration Internet. Pour référence, la croissance mondiale de la publicité digitale en valeur, et le nombre total de pages vues dans le monde sont attendus à +15-20% p.a. en 2013-2014 4). Croissance du CA total lors de la transition pour un groupe de mix de départ 90%10% - Modèle [Base 100] 120 40% de croissance des activités 15% de croissance diversifiées (y compris digital) organique du digital 100 80 60 40 20 0 Année 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 n+... 4) Source: Zenithoptimedia, JPMorgan «Nothing But Net» 20
3. La diversification est donc un impératif stratégique, au moins à court terme. La réussir suppose le respect de trois principes : think big, act fast, keep it simple La comparaison des trajectoires suivies par les deux géants allemands des medias, Axel Springer (AS) et ProSiebenSat.1 (P7S1), est illustrative : ces deux groupes pèsent respectivement 3,2 Mds et 2,8 Mds d’€ de revenus en 2011. Avec leurs positions de leaders dans le monde en dur, respectivement #1 de la presse et de la TV gratuite outre-Rhin, ces groupes ont tous deux engagé des politiques agressives de diversification par croissance externe très tôt (dès 2006 chez AS, 2004 chez P7S1). Mais la comparaison s’arrête là : si AS a délivré 27% de son résultat grâce à ses activités digitales en 2011, leur part n’était que de 9% chez P7S1. Ironie de l’histoire, c’est Axel Springer qui a réalisé l’objectif que P7S1 s’était fixé en 2004, de réaliser plus de 25% de ses revenus avec ses activités digitales en moins de 5 ans. Quel est le facteur de succès d’AS ? Qu’est-ce qui a dérapé chez P7S1 ? Think big AS s’est focalisé exclusivement 5) sur des cibles d’acquisition avec des positions de leader (#1 à #3 sur leurs marchés adressés), alors que P7S1 a mené une approche opportuniste, visant plus à étendre l’empreinte digitale globale du groupe qu’à conquérir des positions fortes sur des niches profitables. En résulte un portefeuille de diversifications hétéroclite, parfois éloigné des bases de savoir-faire du groupe, malgré les nombreux cycles de cessions / investissements. Act fast Post-acquisition, AS a systématiquement engagé un programme de développement agressif visant à exploiter tout le levier possible des technologies, marques et réseaux du groupe (exemples : développement international d’Aufeminin, consolidation à l’échelle européenne de Zanox, BuyAt et Digital Window, etc.). P7S1, handicapé par des changements successifs d’actionnaires, des réorganisations incessantes et un management à la tête de la «BU diversification» sans cesse remanié, n’a su amener aucune de ses acquisitions au rang de leader sur son marché. 5) Une unique exception en 24 acquisitions 21
Arbre de décision AS Digital Media OUI OUI Go for it ! OUI Peut-on conquérir une place sur le Go for it ! OUI podium seul ? Peut-on acheter l’un Go for it ! des acteurs #1 à #3 ? Peut-on nouer un NON partenariat avec l’un Y-a-t-il un marché des acteurs #1 à #3 ? attractif ? NON Stay out of it ! NON Stay out of it ! NON Année cible segment Position Année cible segment Position 2006 PA Immo. #2 2009 Portail Santé #1 PA Emploi #2 MMOG #3 Comparateur #4 Marketing #1 affiliation Portail #1 2010 Marketing #3 affiliation Communauté 2007 #2 2011 PA Immo. #1 Finance Communauté #1 PA Auto. #2 Femmes Marketing #1 PA Immo. #1 affiliation Communauté PA Immo. #2 #1 Mamans Moteur 2008 PA Emploi #1 2012 #1 Shopping Communauté #1 PA Auto. #1 Soirées Communauté #2 PA Emploi #1 Soirées Communauté #1 PA Immo. #1 Foot 22
Keep it simple Les acquisitions réalisées par AS sont, pour l’essentiel, dans des métiers proches du cœur de compétences du géant allemand de la presse : petites annonces, régie publicitaire, communautés éditorialisées. De façon très pragmatique, les activités digitales sont intensément promues par les supports Print du groupe, et de façon croisée entre les différents points de présence du groupe en ligne. La synergie publicitaire entre les différents supports est soutenue par une régie résolument pluri-media : Key Account Management mutualisé, offres publicitaires regroupant les inventaires Print et Digital, mécanismes de remise tous supports. En regard, la variété des diversifications réalisées par P7S1 a certainement limité les synergies atteignables, et a amené le groupe dans des territoires éloignés de son cœur d’activité. Encore aujourd’hui, malgré les cessions réalisées, et celles annoncées qui auraient pu amener une clarification, il est difficile de distinguer les «piliers» du portefeuille de diversifications du groupe. 4. C’est le profit généré par les activités historiques et déclinantes qui finance le développement des nouvelles : l’amélioration à marche forcée de la performance opérationnelle est un impératif stratégique Le rebond du groupe Le Monde depuis sa reprise en main par de nouveaux investisseurs en 2010 en est une excellente illustration. Le quotidien du soir n’est pas encore tiré d’affaire, mais force est de constater que le journal semble bien engagé sur la voie du redressement économique après des années de déficit. Le groupe a affiché en 2011 et 2012 un résultat d’exploitation positif, ce qui n’était pas arrivé depuis de nombreuses années, et qui constitue une performance remarquable dans une conjoncture difficile pour une société qui est passée tout près du dépôt de bilan en 2010. Au cœur de la stratégie mise en place par la nouvelle équipe : une même détermination à restructurer l’entreprise en prenant acte des évolutions d’usages (baisse de 5% p.a. de la vente au numéro) et à investir dans les supports (nouveaux ou pas) pour tirer le chiffre d’affaires vers le haut. Les économies réalisées d’un côté sont réinvesties de l’autre, rendant ainsi acceptables par les collaborateurs, les efforts de modernisation consentis. 23
Concrètement, pour s’adapter à la constante baisse de sa diffusion, le groupe a engagé une lourde restructuration de son imprimerie, supprimant 150 postes et confiant l’impression en régions aux groupes de PQR. Les économies dégagées permettent d’investir tout en suivant un plan de restructuration, avec une relance du magazine du week-end «M» au positionnement haut de gamme. Il en résulte un chiffre d’affaires publicitaire triplé pour le magazine, attirant de nouveaux annonceurs du luxe… dont profite le quotidien. Au total les recettes publicitaires de la marque Le Monde ont crû de 10% au premier semestre 2012. Investissements de développement s … e l re ndent possib nde nt acceptab r e les … Améliorations opérationnelles Ces nouvelles recettes viennent financer à leur tour les plans de relance à venir, du Courrier International notamment, et les gages de détermination dans le développement du groupe permettent de rouvrir les dossiers sensibles comme celui de la parution l’après-midi. 24
5. La sortie par le haut n’est possible qu’à condition de s’attaquer au dilemme de la monétisation digitale au plus tôt : pas d’audience sans «gratuité»… mais pas de profit sans «payant». Pour marier ces contraires, l’excellence CRM devient une arme décisive. PagesJaunes est, par nature, au cœur de ce dilemme : la promesse d’exhaustivité des listes de réponse à l’utilisateur, nécessaire au soutien de l’audience des supports du groupe, ne peut être délivrée que si tous les professionnels (clients ou pas de PagesJaunes), sont référencés de façon suffisamment enrichie pour être retrouvé (tous, donc gratuitement). Mais l’entreprise ne vit que parce qu’elle sait convaincre ses clients, qu’investir dans des annonces plus riches, plus sophistiquées, présentes à plus de «point d’accès», leur apporte un retour sur investissement positif. Le groupe a donc dû développer un arsenal sophistiqué de pratiques de pricing, permettant d’adapter au mieux la valeur de ses produits publicitaires à la disposition payante de ses clients (cette valeur, étant directement liée au rendement qu’ils en retirent). Aujourd’hui, les annonces du groupe ont un prix en fonction du canal (Print, Internet fixe, Internet mobile), de la région (et donc de la pénétration des usages digitaux chez les utilisateurs et les annonceurs) et du secteur d’activité (la compétition entre annonceurs pour la visibilité dans le support n’ayant pas la même intensité, qu’il s’agisse d’un boulanger ou d’un déménageur). Les offres sont «verticalisées» et les produits proposés diffèrent pour les agences immobilières et les concessions automobiles, pour les hôtels et les restaurants, ou encore pour les professions de santé (ces professions ayant des besoins de communication très différents). Cette sophistication a permis au groupe, de réaliser aujourd’hui 60% de son chiffre d’affaires avec ses supports digitaux : PagesJaunes est de loin l’annuairiste qui a le mieux géré la transition digitale au niveau mondial et est, de facto, dans le top 10 mondial des opérateurs de digital advertising. Déployer une telle sophistication d’offre nécessite de mobiliser des savoir- faire de CRM qui, s’ils sont par construction inhérents à un PagesJaunes, qui «vend» sa capacité à qualifier les professionnels (qui sont aussi ses clients), n’est en général pas le point de force des groupes medias. Ces derniers n’ont toutefois guère le choix : si les 10 années écoulées nous ont enseigné que la croissance de l’inventaire disponible sur Internet est exponentiellement plus rapide que celle des utilisateurs, les CPM des offres indifférenciées, non ciblées en termes d’utilisateurs et d’annonceurs, déjà peu attractifs, sont condamnés à baisser. 25
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