TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L'ENTOURAGE - Conduites addictives
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Conduites addictives TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /1
SOMMAIRE SOMMAIRE CONSIDÉRER L’ENTOURAGE ACCOMPAGNER DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ ET PRENDRE SOIN DE L’ENTOURAGE P. 85 AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES P. 5 1/ P rimo-demande et approche de l’entourage P. 85 1/ T émoignage « Une vie avec une personne addicte » P. 5 2/ Accompagner l’entourage en groupe à visée thérapeutique P. 96 Mot d'introduction 3/ Orientations psychothérapeutiques P. 104 2/ L’entourage, ses difficultés et ses ressources P. 10 3/ Entourage et addictions : la dépendance en question P. 20 MOT DE CONCLUSION P. 113 PRÉVENIR LES RISQUES POUR L’ENTOURAGE P. 25 1/ L e risque de co-dépendance P. 27 2/ Le risque de transmission intergénérationnelle P. 57 ANNEXE P. 115 3/ P révention des risques : Bibliographie P. 115 travailler pour et avec l’entourage P. 67 2/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /3
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNE EN DIFFICULTÉ AVEC SES CONDUITES ADDICTIVES 1/ T ÉMOIGNAGE « UNE VIE AVEC UNE PERSONNE ADDICTE » 2/ L ’ENTOURAGE, SES DIFFICULTÉS ET SES RESSOURCES 3/ ENTOURAGE ET ADDICTIONS : LA DÉPENDANCE EN QUESTION ⁄ «UNE 1AVEC 1 TÉMOIGNAGE pas normales : la cave toujours bien UNE VIE garnie, les bouteilles d’apéro qui PERSONNE baissent toutes seules, un bébé qui ADDICTE » pleure et toi qui dors… Qu’est-ce que je dis… qui ronfle !! Et un soir, l’accident : alcool, responsa- « Tout a commencé comme beaucoup bilités et au boulot « la galère » sans de jeunes : une rencontre un soir de permis. décembre et nous voilà partis pour une À ce moment-là, notre deuxième enfant grande et belle histoire. est en route et pendant ma grossesse Les années passent, le mariage, le pre- Christophe part pour sa première cure mier enfant : Julie. Nous avons alors 21 et moi « j’y crois ». J’étais naïve et je et 22 ans, peut-être un peu jeunes. voulais croire que la volonté suffisait, C’est à partir de là que j’ai commencé mais l’enfer ne fait que commencer. à remarquer des choses qui n’étaient Thomas est né et avec lui l’espoir… 4/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /5
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES À cette époque-là, nous avons décidé Quand vient la dernière cure, je suis notre fille, les psys nous enfoncent le Thomas souffre aussi, mais il est d’acheter une maison. Après plusieurs arrivée au point de non-retour au réel couteau dans la plaie. Qui sont fautifs : comme son père et a du mal à l’expri- années chaotiques aussi bien au niveau comme au figuré : « Va-t’en en cure et les parents bien sûr !!! mer. Mais quand Océane commence à de l’alcool que financier, les galères surtout n’en reviens pas avant six Thomas, lui, ne trouve plus sa place souffrir à son tour, Christophe lui de- s’accumulent… mois ». « Fais une postcure, sinon je ne entre le bébé, la maison et Julie qui va mande : « Ça va Océane ? » Et Océane C’est là que j’ai apprécié l’aide des amis peux te revoir à la maison. ». Ce sont mal, il commence à faire des « bêtises » lui a répondu « Mais papa, moi ça va, de la santé. Christophe est dans le les dernières paroles que je lui ai dites et se retrouve à la gendarmerie !!! quand toi tu vas bien !! ». déni, la discussion n’était pas possible. avant son départ. C’est Henri qui l’a Moi, j’ai l’impression qu’on ne sortira Ces paroles-là, je crois qu’elles l’ont Un grand MERCI à Henri et Yvette qui accompagné à Cholet. En passant, à la jamais de cette spirale infernale et atteint en plein cœur, ça voulait dire si ont toujours été là pour m’écouter et demande de Christophe, chez son Christophe se sentait fort, mais dans la je bois, je vais mal et ma fille va aller me réconforter. oncle pour arroser ça. tête, l’abstinence totale et définitive mal. Christophe perd son travail chez son Trois jours plus tard, il est de retour et n’était pas concevable. Il a toujours C’est à ce moment-là qu’il s’est décidé père et là, c’est la dégringolade. Il ne moi, je n’y crois plus. Ces trois jours, pensé et dit qu’après dix ans sans boire à retourner voir les amis de la santé. fait plus rien à la maison, devient mé- je les ai passés seule avec mes enfants d’alcool, il pourrait recommencer à « Dure démarche » après une rechute chant, j’ai honte vis-à-vis de mes voi- sans lui rendre visite et surtout sans le être « comme tout le monde ». Sauf au bout de dix ans. Mais on le sait : les sins, je suis obligée d’arracher l’herbe poids du souci, de l’inquiétude. qu’il n’est pas « comme tout le amis de la santé ne jugent pas, ils sont devant la maison qui mesure 50 cm… Je pense que pendant ces trois jours, il monde ». Et bien sûr, dix ans ont passé, là pour aider et nous ont ré-ouvert et lui ; il dort, il cuve, je ne sais pas… s’est rendu compte qu’il avait été loin, on reprend une petite bière, puis deux. leurs portes. À cette période, il n’allait plus beaucoup qu’il était sur le point de tout perdre et Moi, j’observe, je préviens « Attention, Depuis, Christophe s’investit et garde au café, faute de moyens, mais buvait qu’il était temps de faire quelque tu es sur la mauvaise pente », et lui à l’esprit que c’est facile de replonger tout seul à la maison. J’ai dû fouiller le chose : « LE DECLIC » ENFIN. répond « mais non, je gère… » et bientôt nous fêterons nos 33 ans de sous-sol des dizaines de fois et vider des Mais l’alcool a fait son œuvre. On vend J’insiste et j’insiste… « Si tu retombes mariage… pour le meilleur, le pire est bouteilles, je ne pourrais même pas dire la maison et on redémarre…. dans l’alcool, je te quitte ! » derrière nous, enfin j’espère. » combien. Quand il rentre dans la mai- Les années Bonheur commencent et là, Je l’ai tellement dit et répété que quand son, je n’ai pas besoin de le voir, JE SAIS. c’est vrai que j’ai retrouvé celui que il a eu besoin de moi, il n’a pas pu m’en Nadia C.1 Les enfants souffrent et je décide un j’avais connu, aimé et avec qui je m’étais parler de peur que je parte pour de bon. jour de partir : bagarres, engueulades, mariée. Le bonheur se concrétise avec L’engrenage est enclenché, c’est la re- il ne veut pas que je parte et m’em- l’arrivée d’Océane. chute. Avec elle, les galères financières, pêche de prendre les clés de la voiture. On rachète une maison à restaurer et et au boulot, il n’assume plus. Et fait Tant pis, je pars à pied chez ses parents les travaux nous prennent tous les passer ça pour de la dépression qui fi- avec mes enfants, pensant demander à soirs, les week-ends, pas le temps de nit par devenir bien réelle. mes beaux-parents de m’emmener penser à autre chose. Julie qui allait mieux, n’accepte pas la chez les miens. Mais, là, ma belle-mère Là, je tiens à tirer mon chapeau à rechute de son père et lui en veut. Fra- me répond « je ne t’emmènerai pas, ta Christophe pour tout le travail abattu gilisée par sa précédente dépression, place est auprès de lui. » Mais, je suis dans cette maison et qu’il n’aurait ja- elle va moins bien, se referme de plus partie quand même, je ne sais plus mais pu faire peu de temps auparavant. en plus chez elle et devient agoraphobe. comment, avec l’idée de me trouver un Mais le bonheur est fragile et de courte Heureusement que son petit ami est là foyer où vivre mais ne pas rentrer. durée quand Julie commence à faire pour la soutenir : merci Gaëtan. Mais, dès le surlendemain, l’inquiétude une dépression et est hospitalisée plu- 1 Témoignage recueilli par la CAMERUP – Coordina- m’a fait revenir et bien sûr rien n’a sieurs fois pour des idées suicidaires. tion des Associations et Mouvements d’Entraide Recon- changé… Et là, impuissants devant la détresse de nus d’Utilité Publique 6/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /7
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES MOT D'INTRODUCTION Parallèlement, un mélange des repré- émerger l’« auto-solution » et leurs TOUTEFOIS, LE CONTENU sentations psychiques liées aux addic- compétences3. Car l’implication de l’en- DE CE GUIDE N’ABORDE PAS En guise d’introduction, ce témoignage tions avec la réalité sociétale modifie la tourage auprès de la personne en diffi- LES QUESTIONS RELEVANT illustre la complexité du rapport entre représentation de l’entourage lui-même culté avec ses conduites addictives est SPÉCIFIQUEMENT : entourage et personne en difficulté avec en permanence, comme on peut l’ob- un facteur de réussite : des proches in- ses conduites addictives. Il pointe aussi server à travers les nombreuses illustra- formés et sensibilisés peuvent soutenir De la grossesse et des risques pour l’étendue des dommages potentielle- tions de l’exposition et de l’ouvrage l’usager dans sa démarche d’accompa- l’embryon et le fœtus liés aux conduites ment induits par les difficultés d’une « 130 ans de prévention de l’alcoolisme gnement. addictives de la femme enceinte ou du personne avec ses conduites addictives. 1870-2000 »2. tabagisme de son entourage. Ce guide a pour vocation d'apporter à Notamment, le modèle prévalent d’une Au niveau de l’individu, pour aller de tout professionnel intervenant dans le société consumériste confronte l’indivi- l’entourage en souffrance, au proche Des situations d’incarcération du fait champ des addictions l’occasion d’une du à un continuum de potentielles pra- aidé puis aidant, le regard sur soi et sur de la spécificité de l’espace-temps prise de recul, d’un enrichissement de la tiques à risque addictif dès son plus l’autre est crucial. Le professionnel est, contraint et de la particularité du milieu réflexion sur la place de l’entourage. jeune âge. De nouvelles addictions, nu- à la croisée des regards, confronté à de carcéral. mériques et/ou comportementales, font multiples interrogations qui émergent En prévention, comme en accompagne- de l’entourage le point névralgique de la dans le rapport à l’entourage : accompa- Des missions de médiation sociale ment et en soins, une évolution des prévention des risques et dommages liés gner à la fois la personne dépendante et des CAARUD4 en vue de s'assurer une représentations des rôles de chaque aux conduites addictives. son entourage ? L’entourage, est-il la bonne intégration dans le quartier : il individu autour de l’addiction a eu lieu, cause ou la conséquence de l’addiction ? s’agit là de l’« entourage » au sens de notamment une évolution des repré- Les conduites addictives ne sont pas L’entourage peut-il être un appui pour l’« environnement » de l’établissement sentations des notions de « victimes » seulement le témoin de conflits intra- une réduction des risques et des dom- (habitants, commerçants, etc.)5. et de « bourreaux » désignés à tort en psychiques, mais aussi une difficulté du mages ? Quelle souffrance affecte l’en- matière de problématique addictive : lien, de la relation. Elles s’inscrivent dans tourage, et, quelle est l’étendue des une complexité interrelationnelle où le impacts : combien de personnes, et les- Hier, les problématiques addictives, système familial, et au sens large les rela- quelles sont concernées ? en particulier liées à l’alcool, étaient re- tions sociales, qui a déjà en général pérées par l’entourage : le but était la beaucoup œuvré, ne sait pas où aller Du spécialiste en neurosciences de l’ad- « protection » de l’entourage contre les chercher l’information pertinente au diction à l’animateur de prévention, cha- « méfaits » de la personne addicte. changement. Il s’agit donc en tant que cun pourra puiser dans ce guide matière professionnel du champ de l’addictolo- à dérouler, et peut-être dynamiser ses Puis il s’est agi d’extraire l’usager de gie d’opter pour une vision circulaire des pratiques, en envisageant « l’entou- son entourage pour traiter le « ma- interactions avec des formes d’accom- rage » dans son spectre le plus complet. lade ». pagnement et de soins incluant les en- tourages. Il s’agit de prendre en compte Aujourd’hui s’opère une prise en toutes les parties prenantes des problé- compte de toutes les parties prenantes : matiques addictives avec leurs fonction- 4 Décret n° 2005-1606 du 19 décembre 2005 relatif la personne en difficulté avec ses nalités, mais surtout leurs ressources aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et conduites addictives, et son entourage, potentielles et leur capacité à laisser modifiant le code de la santé publique sont étroitement liés. 3 Antoinette MIALON-FOUILLEUL, « Psychopatho- 5 Pour aller plus loin sur ce sujet : Gwenola LE NAOUR, 2 130 ans de prévention de l’alcoolisme en France logie familiale des conduites d’alcoolisation », in M. REY- Chloé HAMANT, Nadine CHAMARD, Faire accepter 1870-2000, Éditions CFES, 2001, 67 p. NAUD (dir.) Traité d’addictologie, Flammarion, pp. 334- les lieux de réduction des risques – un enjeu quotidien, 339 CERPE, DGS, mai 2014, 100 p. 8/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /9
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES 1SES⁄ 2DIFFICULTÉS L’ENTOURAGE, « ensemble de personnes vivant habi- tuellement auprès de quelqu’un ». L’en- tourage peut aussi se définir comme Souffrances de voir l’autre souffrir avec ses problématiques addictives et de ne pas parvenir à s’en défaire. tra à l’entourage de renouer avec son individualité. Chaque membre de l’en- tourage s’empare alors de sa propre ET SES RESSOURCES toute personne confrontée ou impli- difficulté tant physique que psychique quée dans les problématiques addictives Recherche et expérimentation de pour parvenir à voir au-delà de l’addic- 1 DES RESSOURCES d’un tiers. De prime abord, on y voit les toute une gamme de « solutions » tion de l’autre. ET COMPÉTENCES membres de la famille depuis le couple, d’aide. PSYCHOSOCIALES donc le conjoint.e, les enfants, jusqu’aux À RENFORCER ascendants et collatéraux, puis les amis, Sentiment d’impuissance, voire de À RETENIR les collègues. Ainsi pourrait, aussi, être culpabilité avec de nombreuses inter- ABORDER L’ENTOURAGE impacté l’intervenant non spécialisé rogations : comment en parler, com- Chaque membre de l’entourage Les personnes qui composent l’« entou- auprès de la personne en difficulté avec ment accompagner la personne, com- est un individu à part entière, qui rage » jouent un rôle essentiel dans la ses conduites addictives, du « médecin ment la soutenir pour changer et nécessite une attention distincte compréhension, la prévention, l’accom- de famille » (qui fait « partie de la fa- permettre une réduction des risques et de son proche en situation d’addic- pagnement et les soins en matière de mille »), en passant par l’entraîneur des dommages encourus. tion et un accompagnement pour problématique addictive d’un proche. spor tif, le CPE du collège, le voisin, prendre en compte et participer à Les problématiques addictives de tout l’aide-soignante ou l’assistante de vie du Comportements et attitudes qui la réduction de sa souffrance individu impactent forcément les per- retraité en prise addictive avec ses mé- initient voire facilitent les conduites propre. sonnes de l’entourage, à des degrés di- dicaments. addictives du proche. Chaque membre de l’entourage vers, et de façon variable, selon le type fait partie du « système » de la de conduite addictive et selon les per- L’ENTOURAGE : UNE PERSONNE Comportements qui accentuent le problématique addictive et doit sonnes, selon leur identité et leurs liens. FRAGILISÉE MAIS EXPÉRIMENTÉE sentiment de difficultés de la per- être pris en compte dans l’accom- Et inversement, l’entourage a un impact Les personnes de l’entourage sont glo- sonne addicte : injonction, contrôle, pagnement et les soins de la per- durant le processus de conduites addic- balement démunies auprès d’un proche agir à la place de l’autre (l’autre étant sonne en diff iculté avec ses tives et de soins. en difficulté avec ses conduites addic- estimé dans le déni ou incapable d’agir conduites addictives. tives, pouvant passer du déni à la pos- de lui-même), menace qui achève d’alté- Comme on dit que la personne Peu nombreuses sont les personnes de ture de « sauveur ». Ces personnes se rer significativement la relation entre la addicte ne se réduit pas à son ad- l’entourage6 qui franchissent le pas de la situent dans des attitudes et comporte- personne addicte et son entourage, et diction, la personne qui entoure ne demande d’aide, et parfois très, voire ments qui ne sont généralement pas l’identité de chacun. se réduit pas, et ne doit pas être trop tardivement. Là réside toute la dif- univoques : réduite, à sa place d’entourage. ficulté d’approche de l’entourage, alors Ces attitudes et comportements sont La personne de l’entourage « se que c’est souvent sur cet entourage que Déni, ou minimisation de la percep- ponctués d’expérimentations de moda- rend malade » de la problématique repose la sortie du déni de la personne tion des risques et des dommages lités d’aide, de recherches de solutions addictive de l’autre et, consécutive- addicte et une part de la réussite de pour la personne elle-même comme et de périodes de découragement. ment, « se rend malade » du senti- l’accompagnement et des soins. pour les tiers qui l’entourent. Ceci est la trame d’une difficulté sous- ment de sa propre incapacité à y jacente : celle de demander de l’aide, remédier et à aider l’autre. QUI EST L’ « ENTOURAGE » ? Souffrances liées aux conséquences alors même que l’inquiétude devient Cette souffrance de l’entourage L’entourage désigne premièrement un quotidiennes de la conduite addictive permanente. En effet, la parole ne va pas ne peut pas être ignorée même si de leur proche : instabilité, voire insé- de soi. le patient désigné « malade » n’est 6 6 % des 78 500 personnes accompagnées en CSAPA curité, adaptations nécessaires pour y C’est pourtant cette démarche initiale, pas demandeur de soins. gérés par l’ANPAA en 2017 faire face. pour ne pas dire initiatique, qui permet- 10/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /11
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES DES COMPÉTENCES L’accumulation de souffrances liées au PSYCHOSOCIALES À VALORISER proche addict peut conduire toute per- L’OMS en identifie dix principales, Les compétences de coopération ET À RENFORCER sonne de l’entourage à un état de stress qui s’ajustent par deux : et de collaboration en groupe ; Les conditions de vie, l’environnement, qui pourra déborder ses capacités à agir les facteurs biologiques, les facteurs pour l’autre et lui-même. Savoir résoudre les problèmes / Les compétences de plaidoyer qui socio-culturels et économiques pour Dans le contexte de problématique Savoir prendre des décisions, s’appuient sur les compétences de tout individu, entourage ou addict, in- addictive que connaît l’entourage, les persuasion et d’influence. Avoir une pensée critique / fluent sur la capacité de la personne à compétences psychosociales acquises Avoir une pensée créative, répondre avec efficacité aux exigences sont très souvent abîmées en plusieurs 2 LES COMPÉTENCES COGNITIVES Savoir communiquer efficacement et aux épreuves de la vie quotidienne. endroits. Amener l’entourage à valori- Les compétences de prise de déci- / Être habile dans les relations Au-delà de sa relation avec la personne ser, rétablir et renforcer ses compé- sions et de résolution de problèmes ; interpersonnelles, en difficulté avec ses conduites addic- tences, c’est lui donner les moyens d’agir La pensée critique et l’auto-évalua- tives, l’entourage sera plus ou moins pour son propre mieux-être, et pour le Avoir conscience de soi / Avoir tion qui impliquent de pouvoir analy- apte à aider l’autre ou parfois s’extraire mieux-être de l’autre, plutôt qu’à pour- de l’empathie pour les autres, ser l’influence des médias et des pairs, de la situation pour sa propre sauve- suivre une lutte contre l’autre, contre Savoir gérer son stress / Savoir d’avoir conscience des valeurs, atti- garde. l’addiction de l’autre. gérer ses émotions. tudes, normes, croyances et facteurs qui nous affectent, de pouvoir identi- Ces CSP peuvent être définies sous fier les (sources) d’informations perti- un autre angle, à travers trois nentes. prismes : 3 LES COMPÉTENCES 1 LES COMPÉTENCES SOCIALES ÉMOTIONNELLES ZOOM (ou interpersonnelles ou de com- (ou d’autorégulation) munication) : Les compétences psychosociales7 Les compétences de régulation Les compétences de communica- émotionnelle – gestion de la colère et Les compétences psychosociales sont définies par l’Organisation Mondiale de tion verbale et non verbale – écoute de l’anxiété, capacité à faire face à la la Santé (OMS) en 1993, comme étant « la capacité d’une personne à mainte- active, expression des émotions, ca- perte, à l’abus et aux traumatismes ; nir un état de bien-être subjectif lui permettant de répondre positivement et pacité à donner et recevoir des re- Les compétences de gestion du efficacement aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne ». Le ren- montées d’information et des réac- stress qui impliquent la gestion du forcement des CSP est ainsi clairement un élément fondamental de la promo- tions, temps, la pensée positive et la maî- tion de la santé et du bien-être des personnes, particulièrement quand ce Les capacités de résistance et de trise des techniques de relaxation ; problème de santé est lié à un comportement. négociation – gestion des conflits, Ces compétences, essentielles et trans- culturelles, sont étroitement liées à Les compétences favorisant la capacité d’affirmation, résistance à la l’estime de soi et aux compétences relationnelles : relation à soi et relation aux confiance et l’estime de soi, l’auto- pression d’autrui, autres. évaluation et l’autorégulation. L’empathie, c’est-à-dire la capacité à écouter et comprendre les besoins et le point de vue d’autrui et à exprimer 7 « Développer les compétences psychosociales chez les enfants et les jeunes », La Santé en action , n° 431, 2015, pp. 10-40 cette compréhension ; 12/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /13
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES tentes, les besoins, le parcours de vie, remise systématique et commentée de Rencontrer les personnes de l’en- À RETENIR les compétences, les expériences de la la charte des droits et libertés et son tourage le plus rapidement possible personne de l’entourage dans sa singu- annexe15, le livret d’accueil16 et le règle- dans l’accompagnement de la per- Dans le continuum de la promo- larité, avec, en ambulatoire, un docu- ment de fonctionnement17 de l’établis- sonne en difficulté avec ses conduites tion de la santé, considérer l’entou- ment individuel de prise en charge (au sement ; additives pour diminuer leur culpabi- rage, c’est : terme légal on préfèrera le terme lité et le sentiment d’impuissance Repérer les personnes de l’entou- « d’accompagnement ») ou en résiden- Le droit à l’expression et la participa- après en général avoir le sentiment rage vivant des difficultés liées à une tiel un contrat de séjour 9 10 11 ; tion de chaque usager18 19, relativement d’« avoir tout essayé ». personne proche ayant des probléma- au fonctionnement de l’établissement. Accompagner les personnes de Un dossier regroupant l’ensemble tiques addictives. l’entourage pour leur permettre de des informations formalisées utiles à la LE RESPECT DU SECRET DES Évaluer ou situer leurs difficultés se mettre en position « méta » de qualité de l’accompagnement et des INFORMATIONS PERSONNELLES plus ou moins apparentes et graves, prise de recul, pour prendre soins12, directement accessible à l’usager, DE L’USAGER PAR RAPPORT induites ou supposées induites, for- conscience de ce qui se passe de ma- dans le respect des dispositions législa- À SON ENTOURAGE mulées ou pas, par les conduites ad- nière systémique, et pas seulement tives et réglementaires ; Dans les établissements médico-sociaux dictives du proche. pour l’autre en difficulté avec ses en addictologie, de type CSAPA, au- Prendre en compte ces personnes conduites addictives. Le respect du secret des informa- cune information ne doit être com- qui font « système » avec les problé- Accompagner les personnes de tions le concernant, avec un partage muniquée à un tiers de l’entourage matiques addictives et s’appuyer sur l’entourage vise à développer « les entre professionnels strictement néces- quelle que soit la position de l’entou- leurs expériences, capacités et diffi- solutions qui marchent » parmi celles saires à la coordination ou à la conti- rage vis-à-vis de l’établissement . cultés à agir dans la situation. déjà expérimentées, ce qui redonne nuité des soins, à la prévention ou à son Même si les demandes d’information une estime de soi. suivi médico-social et social, dans le res- des personnes de l’entourage sont fré- pect des dispositions législatives et ré- quentes, elles ne peuvent aboutir à ou- glementaires13 14 ; trepasser ce droit. 2 L’ENTOURAGE, UN USAGER qu’usagers d’établissement médico-so- Par exemple : DE L’ÉTABLISSEMENT COMME cial sont inscrits dans la loi 2002-28 : Le droit à une information adaptée « Est-ce que mon mari est bien venu UN AUTRE, AVEC LES MÊMES à sa capacité de compréhension, notam- à sa consultation aujourd’hui, car il n’al- DROITS Le respect de la dignité, de la vie pri- ment sur ses droits et libertés par la lait pas très bien ? et s’il est venu, je ne vée, de l’intimité, de la sécurité et de suis pas certaine qu’il vous ait tout dit. » LES DROITS DE L’ENTOURAGE EN l’intégrité de la personne ; de la part d’une épouse soucieuse ; 9 L311-4 et D311 du CASF ÉTABLISSEMENT MÉDICO-SOCIAL 10 Les attentes de la personne et le projet personna- EN ADDICTOLOGIE Le libre choix parmi les prestations lisé, ANESM, 2008, 52 p. (Recommandations de bonnes Les centres de soins, d’accompagne- adaptées qui lui sont proposées, par pratiques professionnelles) 15 L311-4 du CASF et arrêté du 8 septembre 2003 ment et de prévention en addictologie exemple à domicile ou en établissement 11 Projet personnalisé, document individuel de prise en charge ou contrat de séjour en CSAPA CAARUD 16 L311-4 du CASF et circulaire DGAS/SD n° 2004- (CSAPA) ont ceci de particulier, par rap- ACT, ANPAA, 2016, 5 p. (Fiche Repères) 138 du 24 mars 2004 port aux établissements de santé en Le droit à un projet personnalisé 12 Qualité du dossier de l’usager en établissement 17 L311-7 du CASF et décret du 14 novembre 2003 addictologie, comme un hôpital par d’accompagnement et de soins co- médicosocial relevant de l’addictologie , ANPAA, 2016, 18 L311-4 du CASF et décrets du 25 mars 2004 et du 29 p. (Guide Repères) exemple, qu’ils ont pour mission de construit, prenant en compte les at- 2 novembre 2005 s’adresser aux personnes en difficulté 13 Secret des informations et partage entre profes- sionnels, ANPAA, actualisation octobre 2016, 6 p. (Fiche 19 La participation des usagers dans les établissements avec leurs conduites addictives comme Repères) médico-sociaux relevant de l’addictologie , ANESM, 8 Ensemble des droits présentés à l’article L311-3 du 2010, 96 p. (Recommandations de bonnes pratiques à leur entourage. Leurs droits en tant CASF 14 L1110-4 du CSP professionnelles) 14/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /15
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES « Avez-vous pu parler à mon fils de sa ces établissements, services ou orga- A contrario, un compte-rendu d’hos- « LA PERSONNE consommation de cannabis, car ses ré- nismes et de toute autre personne en pitalisation ou des résultats biologiques, DE CONFIANCE » : sultats scolaires s’écroulent et je suis très relation, de par ses activités, avec ces par exemple, issus d’un établissement UN DROIT, QUI PEUT ÊTRE inquiète de ses fréquentations » de la établissements ou organismes. Il s’im- ou professionnel de santé, versés au UNE AMBIGUÏTÉ DANS part d’un père inquiet. pose à tous les professionnels interve- dossier de l’usager, sont transmissibles L’ACCOMPAGNEMENT nant dans le système de santé. »21 puisqu’ils sont issus d’un tiers interve- ET LES SOINS EN ADDICTOLOGIE Les questions de l’entourage, qu’elles nant dans la prise en charge. Les dispositions relatives à la « personne soient formulées de façon directe ou LE DROIT D’ACCÈS DIRECT de confiance », instituée à l’origine dans indirecte, par téléphone ou dans le DE L’USAGER À SON DOSSIER le champ sanitaire sont étendues par la cadre d’entretien, ne peuvent donner L’usager, qu’il soit « patient » ou « en- POUR ALLER PLUS LOIN loi au champ social et médico-social. lieu à aucun commentaire ou informa- tourage », a le droit à un accès direct à Ainsi toute personne majeure prise en tion concernant la personne usagère de son dossier. Toutefois, il est nécessaire La collection charge dans un établissement ou un ser- produits addictifs. de bien cerner le type d’information Repères ANPAA22 vice social, ou médico-social23, a le droit Et inversement, la personne addicte ne dont il est question et sa source. En de désigner une personne de confiance pourra accéder à aucune information matière de droit à l’accès direct au dos- Notamment : qui, si elle le souhaite, l’accompagnera relevant de son entourage accompagné sier, seules sont accessibles les informa- dans ses démarches afin de l’aider dans au sein de l’établissement ou ayant com- tions personnelles et non les informa- Le Guide Repères ses décisions. muniqué avec l’établissement 20. tions concernant l’entourage : ANPAA « Qualité du L’établissement doit tout mettre en dossier de l’usager et Les missions de la « personne de œuvre pour que les personnes dia- Sont exclues du dossier accessible à établissement mé- confiance » auprès de l'usager : loguent entre elles. l’usager les informations mentionnant dico-social relevant qu’elles ont été recueillies auprès d’un de l’addictologie », Accompagner et être présent au- En effet « Toute personne prise en tiers n’intervenant pas dans la prise en septembre 2016. près de l’usager, si celui-ci le souhaite, à charge par un professionnel de santé, un charge thérapeutique ou concernant un l’entretien prévu lors de la conclusion du établissement ou un des services de tel tiers. La Fiche Repères « Secret des contrat de séjour, pour rechercher son santé définis au livre III de la sixième Illustrations - Sont exclues, non pas du informations et partage entre pro- consentement à être accueillie dans partie du présent code, un professionnel dossier, mais des informations acces- fessionnels », ANPAA, actualisation l’établissement d’hébergement (en pré- du secteur médico-social ou social ou un sibles : octobre 2016 sence du directeur de l’établissement ou établissement ou service social et mé- L’information recueillie auprès de toute autre personne formellement dico-social mentionné au I de l’article l’usager mentionnant que son père La Fiche Repères « Répondre à désignée par lui et chaque fois que né- L. 312-1 du code de l’action sociale et avait une problématique addictive, la demande d’accès direct à son cessaire). La personne de confiance sera des familles, a droit au respect de sa vie que son conjoint a des comporte- dossier de l’usager », février 2017 la seule personne de l’entourage à avoir privée et du secret des informations le ments violents ; le droit d’être présente à cet entretien. concernant. Excepté dans les cas de L’information communiquée par la dérogation expressément prévus par la conjointe du consultant mentionnant loi, ce secret couvre l’ensemble des in- que celui-ci ne peut pas honorer son formations concernant la personne, rendez-vous compte tenu de sa sur- venues à la connaissance du profession- consommation d’alcool ce jour. 23 Décret no 2016-1395 du 18 octobre 2016 fixant les nel, de tout membre du personnel de 22 Toute la collection Repères de l’ANPAA, Fiches et conditions dans lesquelles est donnée l’information sur Guides, téléchargeable gratuitement sur le droit de désigner la personne de confiance mention- http://www.anpaa.asso.fr/sinformer/collection-reperes- née à l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et 20 L1111-7 du CSP 21 L 1110-4 - point I du CSP pour-les-professionnels des familles 16/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /17
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES Accompagner l’usager dans ses dé- cord à cette désignation. Elle peut refu- vous. La personne de confiance pourra À RETENIR marches liées à sa prise en charge so- ser d’être la personne de confiance être la personne-ressource pour assurer ciale ou médico-sociale afin de l’aider désignée par l’usager ou contresigner le un retour en toute sécurité au domicile. Tout consultant en établisse- dans ses décisions. formulaire de désignation prévu à cet Dans la pratique professionnelle, le do- ment médico-social a les mêmes effet. cument individuel d’accompagnement 24 droits : personnes en difficulté avec Aider l’usager à la compréhension étant un outil amené à être régulière- ses conduites addictives ou per- de ses droits. La personne de confiance Les difficultés de mise en œuvre de ment renouvelé, autant que nécessaire sonnes de l’entourage, notamment est consultée par l’établissement au cas ce droit et a minima annuellement pour ce qui au regard du secret des informa- où l’usager rencontre des difficultés dans La place de la personne de confiance est de son avenant, ce peut être l’occa- tions. la connaissance et la compréhension de dans un accompagnement peut revêtir sion de parler avec le consultant de la ses droits. Cette consultation n’a pas une certaine ambiguïté dans le cadre personne de confiance désignée, à re- L’objectif des professionnels est vocation à se substituer aux décisions de d’un accompagnement en addictologie : nouveler ou pas. d’« outiller » chacune des parties, l’usager. Ce droit est fondamental pour tout personne en difficulté avec ses usager dans le champ médico-social, par conduites addictives et son entou- Elle a un devoir de confidentialité exemple pour l’entrée en établissement rage afin de : concernant les informations médicales d’hébergement pour personnes âgées L eur permettre de (re)communi- qu’elle a pu recevoir, et les directives dépendantes, ou en appartement de quer ensemble et retisser, si né- anticipées de l’usager : elle n’a pas le coordination thérapeutique. Toutefois, cessaire, les liens de confiance, droit de les révéler à d’autres personnes. il peut être délicat dans le contexte d’affection, de coopération par- d’accompagnement ambulatoire en fois « abimés » par la situation ; Qui peut être personne de confiance ? CSAPA ou en CAARUD. En effet, dans Désigner une personne de confiance ce contexte, les relations de la personne ermettre aussi de fluidifier les P relève de la seule décision personnelle de confiance avec l’usager peuvent évo- enjeux d’information « secrètes » de l’usager. Celui-ci peut désigner en luer négativement, voire se rompre, confiées aux professionnels ac- tant que « personne de confiance » notamment dans une situation de co- compagnant (de la secrétaire au toute personne majeure de son entou- dépendance. médecin, en passant les profes- rage en qui il a confiance, par exemple Une vigilance particulière doit donc sionnels socio-éducatifs et para- un membre de sa famille, un proche, son accompagner l’information obligatoire médicaux, les psychologues) sous médecin traitant. de l’usager sur ce droit, notamment par la formule bien souvent entendue Il s’agit d’une démarche réfléchie à deux : la remise d’une notice d’information. Il « vous ne lui direz pas, mais… » Il est important que l’usager échange convient de bien s’assurer de la liberté avec la personne qu’il souhaite désigner de choix de l’usager, sans contrainte avant de remplir le formulaire de dési- implicite ou explicite de son entourage. gnation et de lui faire part de ses sou- haits par rapport à sa future mission. Il est impor tant que la personne de En pratique, malgré ses éventuelles confiance ait la possibilité de prendre ambiguïtés à lever, cette personne de connaissance de son futur rôle et d’en confiance peut être un relais essentiel mesurer sa portée. en cas d’une situation à risque ou com- 24 Décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004 relatif au contrat de séjour ou document individuel de prise en Attention : la personne que l’usager plexe, par exemple une consommation charge prévu par l'article L. 311-4 du code de l'action souhaite désigner doit donner son ac- massive constatée lors d’un rendez- sociale et des familles 18/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /19
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES 1LA⁄ 3 ENTOURAGE ET ADDICTIONS : DÉPENDANCE EN 1 L’ENTOURAGE AU CŒUR DE LA PATHOLOGIE DU LIEN FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX QUESTION Travailler pour et avec l’entourage d’une Familiaux Antécédents personne en difficulté avec ses conduites Fonctionnement L’usage de produits psychotropes existe addictives conduit à mettre en lumière Éducation de tout temps et se rencontre en toute sa place dans le « système » de la pro- Événements sociaux société. L’apéritif entre amis, le cham- blématique addictive du proche. Influence des pairs pagne pour fêter les heureux événe- Groupe social ments de la vie, le joint qui tourne en ENTOURAGE, PARTIE PRENANTE FACTEURS FACTEURS LIÉS soirée, les parties de jeux collectifs en DE LA TRIVALENCE DE L’ADDICTION INDIVIDUELS À LA SUBSTANCE ligne ou l’excitation d’un parieur sur un Trois facteurs dimensionnels inter- Génétiques Potentiels champ hippique sont des facteurs de viennent dans la vulnérabilité aux Neurobiologiques de dépendance socialisation, même s’ils ne sont en rien conduites addictives : la personne, le Psychologiques Conséquences médicales, psychologiques, sociales indispensables. Source de plaisir indivi- contexte socioculturel et l’objet de la Psychiatriques Événements de vie Statut social duel comme collectif, ils peuvent, prati- dépendance, comportement ou subs- de substance qués avec excès, avec perte de contrôle tance psychoactive. C’est le modèle tri- ou dans certaines circonstances, être valent et bio-psycho-social de Claude facteurs de risques voire causes de Olievenstein : « La toxicomanie surgit à dommages pour soi ou des tiers. un triple carrefour : celui d’un produit, Schéma26 des facteurs constitutifs de l’addic- perception et conscience de soi et à tion dans le modèle trivalent de C. Olievenstein Ainsi, les problématiques addictives re- d’un moment socioculturel et d’une per- ajuster de façon satisfaisante sa relation lient la personne addicte et son entou- sonnalité. Ce sont là trois dimensions à la réalité extérieure. rage dans des rapports divers, allant de également constitutives. »25. ADDICTION, Selon la théorie de l’attachement de la convivialité aux risques et dommages. Cette approche tridimensionnelle UNE PROBLÉMATIQUE DU LIEN John Bowlby, tout au long de son exis- Comment recouvrer la liberté est sans confère un rôle déterminant au contexte Les problématiques addictives ne sont tence, l’individu cherche à satisfaire un doute la question inconsciente et impli- socioculturel au premier rang duquel se pas réductibles à des problématiques besoin fondamental de sécurité appelé cite de tout entourage. trouvent les personnes de l’entourage. neurologiques. Elles sont aussi le reflet « besoin social primaire » donné par la Il s’agit d’appréhender les clés de cette de la difficulté relationnelle de l’individu qualité des intériorisations construites souffrance et de cet isolement pour agir aux autres, voire au groupe social entier, sur les bases comportementales rassu- ensuite en prévention et en accompa- au premier rang desquels l’entourage rantes de la petite enfance27. Cette sécu- gnement. tient une place complexe, avant, dans et rité est donnée dès la naissance par la après le processus addictif. proximité de figures d’attachement at- tentives au besoin de protection du Dès le premier contact du bébé et de bébé. La personne garde en elle le be- son ou ses parents, la qualité des inte- soin de figures d’attachement auxquelles ractions fonde la capacité ultérieure de elle peut avoir recours en présence de l’individu à se construire dans une bonne certains dangers ou d’expériences dou- loureuses de son existence. Ces figures d’attachement intériorisées au cours du 26 Charles ROZAIRE et al., « Qu'est-ce que l'addic- 25 Claude OLIEVENSTEIN, La drogue ou la vie , Ro- tion ? », Archives de Politique Criminelle , n° 31, 2009, bert Laffont, 1983, 260 p. pp. 9-23 27 John BOWLBY, L’attachement , t.1, PUF, 1969, 540 p. 20/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /21
CONSIDÉRER L’ENTOURAGE DE PERSONNES EN DIFFICULTÉ AVEC LEURS CONDUITES ADDICTIVES développement précoce nécessitent 2 PROCESSUS DE PROCESSUS DE DÉPENDANCE À RETENIR d’être sécurisantes, rassurantes, stables DÉPENDANCE ET PLACE La dépendance traduit la perte de liber- et différenciées, pour permettre au su- DE L’ENTOURAGE té du sujet qui ne peut s’empêcher de La personne en difficulté avec jet de s’y référer au besoin dans les ex- consommer le produit ou de de se livrer ses conduites addictives est mar- périences de la vie et en relation avec ADDICTIONS : à sa conduite addictive. quée par une vulnérabilité rela- les autres. DE QUOI PARLE-T-ON ? Le processus de dépendance met en jeu tionnelle qui préexiste à l’addiction « Dans le champ de la santé, une trois éléments qui s’auto-renforcent : et qui n’en est pas la seule cause. Le défaut d’interactions s’exprime en conduite de consommation, un com- termes de qualité, de permanence et de portement ou une passion, jusqu’alors Le lien entre la substance, ou le Cette vulnérabilité, accentuée variétés des figures d’attachement au sans retentissement dommageable, de- comportement, expérimenté et le par le processus addictif, va géné- cours du développement précoce de vient une addiction à l’apparition des plaisir ressenti. La première expé- ralement entrer en résonnance l’enfant, grevant éventuellement son conséquences négatives pour le sujet, rience de plaisir subjectif ressenti est, avec les personnes de l’entourage capital de sécurité et de confiance. L’in- son entourage, ou la société »28. selon le sujet, le produit, le moment et et leurs propres constructions indi- dividu pourra souffrir d’un défaut d’an- L’addiction est un « processus par lequel le contexte, déterminant pour l’entrée viduelles. crage affectif sécure et stable. un comportement pouvant à la fois per- en conduite régulière voire dépendance. Les relations à l’autre seront rarement mettre une production de plaisir et Le plaisir recherché associe sensations, satisfaisantes, les aléas des rappor ts d’écarter ou d’atténuer une sensation stimulations et aussi une forme d’anes- humains et du groupe social étant vécus de malaise interne, est employée de thésie (physique et psychique) et d’oubli comme un abandon. façon caractérisée par l’impossibilité de soi et des autres, de façon variable Selon le terme de Winnicott, l’individu répétée de contrôler ce comportement selon le produit et l’individu. subit des altérations plus ou moins sé- et sa poursuite, en dépit de la connais- vères du « sentiment continu d’exister ». sance de ses conséquences néga- Le craving : phénomène de stimula- Le produit ou le comportement addictif tives. »29. Elle s’applique aux conduites tion du système de récompense par la est alors un objet de substitution mo- avec produits ou comportements. recherche effrénée du produit, pour mentanément équilibrant ou satisfaisant obtenir un état de satisfaction ou pour qui comble un vide. L’individu accède à répondre à une sensation interne dou- une conduite addictive, comportemen- La conduite addictive est une solu- loureuse. tale ou avec produit, afin de se procurer tion avant de devenir un problème : elle un plaisir, immédiatement nécessaire, et est une solution à une souffrance à la La tolérance : expression du phéno- d’abaisser sa tension (homéostasie). fois individuelle et du système de vie de mène d’accoutumance physique et psy- la personne, c’est une solution intrapsy- chique au produit. Elle nécessite pour chique et relationnelle qui va devenir l’usager de recourir à de plus fortes problème. doses de produits, ou plus fréquem- ment, pour obtenir un plaisir aussi in- tense, voire plus intense ou varié. La tolérance implique aussi la notion de 28 Addictionnaire © Réflexion sémantique en addicto- sevrage qui pousse le sujet à recourir au logie , ANPAA, 2017, 37 p. produit pour ne pas ressentir le manque. 29 Michel REYNAULT, Philippe-Jean PARQUET, Gilbert LAGRUE, Les pratiques addictives : usage nocif et dé- pendances aux substances psychoactives : rapport remis au secrétaire d’Etat à la santé , DGS, 1999, p. 15 et p. 37 22/ CONDUITES ADDICTIVES, TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE GUIDE REPÈRES /23
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