W+B - Wallonie-Bruxelles International
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S ISSN 0773-4301 - BUREAU DE DÉPÔT : BRUXELLES X > 14 8 ÉTÉ 2020 W+B WALLON I E + B RUXEL L ES R EVUE TRI MEST RI EL L E IN TER N ATION A L E ÉDI T ÉE PA R LA F ÉDÉRAT I ON WA LLON IE - B RUX EL L ES ET LA WA L LON I E ACTUALITÉ PANDÉMIE : COMMENT LES CHERCHEURS PEUVENT-ILS MIEUX PRÉVOIR CE RISQUE ? JEUNESSE LA SOLIDARITÉ AU CŒUR DES PROJETS DES JEUNES DOSSIER L’EAU : UN OBJECTIF DURABLE, UN SAVOIR-FAIRE WALLON
< S > Pr Gaétan de Rassenfosse Dr Catherine De Wolf Pr Tarik Roukny Dr Aurélien Vander Straeten Dr Catherine Xhardez Dr Thomas Grevesse LE LABORATOIRE DES IDÉES « Nos histoires peuvent être singulières mais notre destination est commune » Président Barack Obama, 2008 Partant du principe qu’une crise mondiale demande une réponse réfléchie et coordonnée à l’échelle de la planète, Wallonie-Bruxelles International, grâce à son réseau d’Agents de Liaison Scientifique (ALS), a décidé de rassembler les idées et les travaux d’experts de tous les domaines scientifiques confondus. Ces experts sont des professeurs, des doctorants, des médecins, des ingénieurs, des économistes, des architectes, des éducateurs, des juristes, des designers, des psychologues. Ils proviennent et évoluent donc dans des univers très différents mais partagent deux caractéristiques communes : • De par leur formation académique ou leur expérience professionnelle, ils sont liés aux institutions de recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles • Leurs idées ont un impact direct ou indirect sur la compréhension, la réponse ou la relance vis- à-vis de la crise globale causée par l’épidémie de Covid-19 Retrouvez tous leurs témoignages sur la page www.wbi.be/laboratoire-des-idees.
< > W+B WA L LO N IE + BRUX E LLES R E V U E T R IMESTRIE LLE IN T E R N AT IO N ALE ÉD ITÉ E PA R L A F ÉD É RATIO N WA L LO N IE - BRUXE LLES E T L A WALLO NIE 04 ÉDITO WALLONIE-BRUXELLES 06 DOSSIER L’EAU : UN OBJECTIF DURABLE, 12 Actualité PANDÉMIE : COMMENT LES AU SERVICE DE SES CITOYENS UN SAVOIR-FAIRE WALLON CHERCHEURS PEUVENT-ILS ET DU MONDE par Charline Cauchie MIEUX PRÉVOIR CE RISQUE ? par Vincent Liévin S OM M A I R E 16 portrait 18 Culture 22 mode/design W+B 148 TOMAS CASANOVA BUSTOS - LA FONDATION FOLON VALENTINE WITMEUR LAB - UNE VIE ENTRE LE CHILI A VINGT ANS ! LE PULL OPTIMIST ET LA BELGIQUE par Nadia Salmi par Marie Honnay par Vinciane Pinte 3 Photo couverture : Des jeunes du Centre La Bicoque, à Liège, sont partis au Québec grâce au BIJ © La Bicoque 24 Jeunesse LA SOLIDARITÉ AU CŒUR 26 COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT 28 ENTREPRISE ODOO, LA START-UP DES PROJETS DES JEUNES OBJECTIF Ô DEVENUE SCALE-UP par Laurence Briquet par Laurence Briquet par Jacqueline Remits 32 Innovation XYLOWATT, DU GAZ VERT 36 Tourisme VOYAGER DURABLE 38 survols À PARTIR DE BIOMASSE EN WALLONIE par Jacqueline Remits par Emmanuelle Dejaiffe SECRÉTAIRE COLLABORATION CONCEPTION ÉDITRICE DE RÉDACTION Marie-Catherine Polygraph’ RESPONSABLE Emmanuelle Stekke Duchêne, Fanny www.polygraph.be Pascale e.stekke@wbi.be Tabart, Véronique Delcomminette Téléchargez 02 421 87 34 Balthasart et Anne IMPRESSION Place Sainctelette 2 la revue sur Neuville Graphius B-1080 Bruxelles www.wbi.be/rwb/ www.graphius.com
< S > Wallonie-Bruxelles au service de ses citoyens et du monde É DI TO W+B 148 4 L’eau, 6e Objectif de Développement Durable © SPW
< S > Depuis quelques mois, nous traversons une crise sanitaire mondiale. Ce monde est bou- leversé, et chacun avance comme il le peut, abordant une nouvelle façon de vivre et fai- sant face aux drames humains et économiques qui sont en train de se jouer. La Revue W+B ne pouvait évi- demment pas passer au tra- vers de cette période com- pliquée sans y accorder toute l’attention que cela mérite. En Wallonie et à Bruxelles, de nombreux secteurs se sont mobilisés pour mettre leur savoir-faire au service de la É DI TO société. Nous avons notamment tenu W+B 148 à mettre à l’honneur le secteur de la recherche et sa grande réactivité, en faisant un point sur les leçons que nous allons pouvoir tirer de cette crise, et sur la manière dont nous pour- 5 rons, à l’avenir, anticiper ce type de phénomène. Au programme égale- ment de ce numéro estival : l’eau. Sixième Objectif de Développement Durable (tels que définis par les Nations Unies), l’eau est une ressource naturelle essentielle, deve- nue matière d’expertise en Wallonie et à Bruxelles. Par ailleurs, nous vous parle- rons des 20 ans de la Fondation Folon, d’un chercheur chilien qui collabore avec l’ULiège, des projets solidaires chez les jeunes ou d’une start-up deve- nue un leader mondial. Entre autres choses. Bonne lecture !
< S > L’eau : un objectif durable, un savoir-faire wallon DOS S I ER W+B 148 6 En Wallonie et à Bruxelles, les administrations sont tenues de respecter le suivi et l’atteinte d’une série d’objectifs désignés par l’acronyme ODD. “Les Objectifs de Développement Durable (ODD) sont la boussole du développement mondial”, nous explique Stéphan Plumat, directeur de l’APEFE (Association pour la Promotion de l’Education et de la Formation à l’Etranger). PAR CHARLINE CAUCHIE
< S > D’où vient la définition d’Objec- En quoi consistent exactement les tifs de Développement Durable ODD ? « Ils sont la boussole du dé- (ODD) ? « Historiquement, ils re- veloppement mondial et suivis par montent aux années 1990. À cette toutes les administrations et les époque-là, trente ans après la grandes agences. Ils ont comme vague des indépendances dans les horizon 2030. En anglais, on parle pays dits en développement, se de “sustainables goals”, donc d’un pose la question de l’efficacité de développement “soutenable” en la coopération au développement. ce qui concerne les ressources. Les À l’époque, on ne voit rien avancer. ODD sont comme un tissu, il y en a Les Nations Unies et ses agences 17 et ils s’interpénètrent. Exemple DOS S I ER se demandent comment structu- avec l’ODD 4 et l’ODD 8. C’est- rer l’aide internationale et assurer à-dire l’éducation d’un côté et la une unité de vue sur les objec- croissance économique de l’autre. tifs à atteindre. Sont ainsi formu- Ils se recoupent sur un thème W+B 148 lés, au début du 3e millénaire, les comme l’employabilité des jeunes. “Objectifs du Millénaire pour le Cette vision plus systémique Développement” (OMD), qui cou- que précédemment comporte vriront la période 2001-2015 », rap- également un objectif de méthode. pelle Stéphan Plumat, directeur C’est l’ODD 17 qui se concentre de l’APEFE, « En 2015 quand ar- sur la qualité des partenariats car, 7 rive le moment du bilan des OMD, pour atteindre les 16 autres ODD, naissent les ODD qui s’imposent à il faut s’y mettre toutes et tous, al- tous les pays. Le développement ler dans la même direction, travail- n’est alors plus uniquement l’af- ler en complémentarité à la fois à faire des pays du Sud ». l’intérieur des pays mais aussi en coordination entre pays pour avoir une efficacité optimale ». © SPW
< S L’eau en Fédération Wallonie- enchaîne Stéphan Plumat. L’eau l’avenir. Autour de l’eau s’est dé- > Bruxelles est une ressource deve- est une des rares ressources na- veloppé en Fédération Wallonie- nue matière d’expertise de toute turelles dont peut se targuer la Bruxelles une expertise dans la une chaîne d’acteurs publics et Wallonie. Mais ce n’est pas n’im- gestion des ressources, mais aus- d’entreprises. Plongée au coeur porte quelle ressource sur une si dans la distribution, la gestion, d’un savoir-faire qui s’exporte. planète qui connaît le réchauffe- ou encore l’épuration. « Il existe en ment climatique et souffrira de effet une véritable expertise wal- « Le sixième ODD porte sur l’eau », plus en plus de stress hydrique à lonne que nous tenons à mettre à profit à l’international, une force de frappe peu commune au ni- © SPW veau du savoir-faire mais aussi de la formation. C’est une pépite qu’il faut promouvoir », insiste Stéphan Plumat. “Nous avons une grande reconnaissance dûe à notre investissement long-terme.” Johan Derouane coordonne les programmes de coopération in- ternationale dans le secteur de DOS S I ER l’eau au sein de l’administration wallonne (SPW). Son regard est d’abord rétrospectif : « En Wallonie, l’eau était déjà un secteur priori- W+B 148 taire de la coopération internatio- nale à la fin des années 1990, au sein de la Direction des Relations Internationales. WBI a poursui- vi de manière continue depuis sa © SPW 8 création en 2008 ». Pourquoi his- toriquement avoir fait de l’eau une priorité de la coopération bilaté- rale ? « Les ressources en eau wal- lonnes sont abondantes, mais sou- mises à de nombreuses pressions : leur niveau élevé d’exploitation et les enjeux de leur préservation nous ont fait développer un haut niveau de technicité. Puis, notre modèle de gestion est resté entiè- rement public dans un monde qui tend vers la privatisation de l’eau, ce qui est de plus en plus rare et suscite donc l’intérêt de nos © SPW partenaires ». Dans ce “marché” mondial de l’eau toujours plus tourné vers la com- mercialisation, le modèle wallon inspire confiance : « Nous entrete- nons des relations privilégiées avec nos partenaires dans nos pays d’in- tervention. Il n’y a pas d’agenda caché et cette transparence per- met la durabilité des partenariats avec les pays bénéficiaires ». Au fil du temps, le nombre de pro- jets de coopération liés à l’eau a
< © SPW S © SPW © SPW > été multiplié par deux voire trois : ces 5 prochaines années, alors que semble et que c’est bénéfique pour « Le montant de l’enveloppe totale notre apport ne dépassera pas un tout le monde », se réjouit Johan de Wallonie-Bruxelles n’augmente million sur cette période. Mais y Derouane. Joost Wellens, expert malheureusement pas, on va donc étant depuis 1998, nous avons une en gestion de l’eau à l’ULiège, DOS S I ER toujours plus vers l’eau au détri- grande reconnaissance dûe à notre ne peut que confirmer : « C’est ment d’autres secteurs. C’est un investissement sur le long-terme ». sûr qu’il faut rester modestes si choix stratégique que l’on retrouve l’on se compare aux budgets an- au niveau mondial : l’accès à l’eau Cette implication sur la durée per- nuels de la coopération française W+B 148 potable, l’agriculture irriguée pour met surtout une meilleure appro- ou allemande. Mais si l’on cumule l’auto-suffisance alimentaire et la priation par les pays bénéficiaires : les investissements de WBI et de gouvernance de l’eau sont des en- « Les partenariats entre admi- l’APEFE depuis 20 ans de coopéra- jeux majeurs pour la communau- nistrations, exploitants de la res- tion au Burkina Faso par exemple, té internationale », analyse Johan source, universités et instituts de nous n’avons pas à rougir de notre Derouane. recherche donnent une plus-value intervention, elle a fait une réelle 9 à notre intervention. C’est propre différence ». La liste des pays soutenus a peu à notre modèle de coopération, évolué dans le temps, elle s’est au tourné vers le renforcement des Quels sont les enjeux futurs ? contraire toujours plus concen- capacités de nos partenaires insti- « Nous sommes à fond tournés trée géographiquement sur des tutionnels, et le financement asso- sur l’atteinte de l’ODD 6 : les res- partenaires historiques comme cié de programmes de recherche sources en eau doivent être mieux l’Afrique, dont le Burkina Faso ou appliquée. Nous sommes dans le gérées. Il faut garantir l’accès à le Sénégal : « Dans le domaine de relationnel. Cela détonne vraiment l’eau (potable) à tout le monde », l’eau, nous sommes à 80% tournés par rapport aux autres approches affirme le chercheur. Comment tra- vers l’Afrique, tandis que nous nous qui se résument souvent à l’exé- vaille l’ULiège pour les atteindre ? sommes peu à peu retirés d’Amé- cution unilatérale d’un contrat ou « Que ce soit au Maroc, en Tunisie, rique latine ces dernières années. d’une mission de consultance. Ici, au Sénégal, au Bénin, au Vietnam Il y a une volonté d’harmoniser l’implication est totale dans les ou en Haïti, nous sommes là pour la liste des pays partenaires avec institutions renforcées », se félicite former et apprendre ensemble. celle de la coopération fédérale Johan Derouane. L’Université recrute un doctorant (Enabel) avec qui nous sommes local qui devient aussi chef de pro- naturellement complémentaires, “Une vraie plus-value jet. On voit que les personnes ain- eux étant plus tournés vers l’in- par rapport à d’autres si formées et devenues expertes frastructure et nous vers la gestion modèles de coopération” font ensuite leur carrière dans le de la ressource et la formation des ministère et font profiter le pays acteurs de la filière ». Ces parte- Tous les acteurs wallons de l’eau de leurs connaissances acquises nariats dans la durée permettent interviennent dans le projet : ges- sur le long-terme. C’est une vraie à Wallonie-Bruxelles de se démar- tionnaires publics (SPW, SPGE), plus-value par rapport à d’autres quer : « Au Ministère de l’Eau du opérateurs publics (SWDE, inter- modèles de coopération où les Burkina Faso, par exemple, nous communales), universités, et sec- experts internationaux quittent le sommes assis à la table de travail teur privé (cf. notre encadré sur la pays après leur mission », conclut aux côtés de la Banque Mondiale, société Eloy Water) : « On se rend Joost Wellens. « Ici, la connais- qui apporte 350 millions d’euros compte que l’on peut travailler en- sance perdure ».
< S Le groupe belge Eloy, avec sa logies développées et tous les pro- destiné à assainir l’eau. Dans les > filière Eloy Water, est une suc- duits commercialisés (notamment objectifs pour l’avenir : « La réduc- cess story wallonne méconnue. des stations d’épuration de petite tion de notre impact carbone. Vu Présentation express. taille, ou de taille moyenne) sont fa- que nous transportons beaucoup briqués à Sprimont près de Liège, de pièces et de produits depuis la Lorsque l’on cherche Eloy Water dans un constant souci d’innova- Belgique, nous avons à coeur de sur le net, on trouve deux sites tion et de durabilité : « Que ce soit calculer et neutraliser notre im- web différents. L’un se terminant sur les aspects environnementaux pact, par exemple en finançant la par “.be” et centré sur les activités ou sociaux, il y a un souci straté- plantation d’arbres dans les pays belges ; l’autre par “.com” et dis- gique constant d’aller vers plus de où nous intervenons ». ponible en anglais. On comprend responsabilisation sociétale chez dès lors que cette branche de l’en- Eloy », nous explique Sandrine treprise familiale belge Eloy, à moi- Pierret, la nouvelle directrice mar- tié centenaire et à présent dirigée keting. Le premier partenariat avec par les trois frères Eloy, ne fait pas l’Université de Liège remonte à l’économie d’adapter sa communi- 1995 et avait permis la création de cation en fonction des besoins de l’Oxybee, support bactérien utilisé ses interlocuteurs. Et ils sont diver- dans les stations d’épuration pro- sifiés : Australie, Caraïbes, France, duites à l’époque. Depuis, d’autres Liban, Mexique, Nouvelle-Zélande, inventions importantes sont ve- Rwanda, Sénégal, Slovénie et nues couronner les efforts en re- Suède, pour un total de 35 pays cherche appliquée : l’Oxyfix, une DOS S I ER dans lesquels la société apporte micro-station d’épuration que l’on des solutions pour le traitement retrouve partout dans le monde, des eaux usées. Toutes les techno- ou le X-Perco, un filtre compact W+B 148 © Eloy Water 10
< S Station d’épuration © Eloy Water > DOS S I ER W+B 148 11 © Eloy Water
< S > Pandémie : Comment les chercheurs peuvent-ils mieux prévoir ce risque ? Au cours des trois derniers mois, les chercheurs à Bruxelles et en Wallonie ont prouvé leur réactivité pour apporter des solutions à leur niveau face à cette crise. PAR VINCENT LIÉVIN AC T UA L I T É Terrassé. Confiné. Chacun chez soi. Pour le Professeur et chercheur La pandémie du coronavirus a dé- Fabrice Bureau, Vice-recteur en W+B 148 boulé comme une tempête sur le charge de la Recherche à l’ULiège, monde provoquant un drame sani- l’anticipation sera la clé à l’avenir : taire, humain et économique. Très « Pour mieux gérer ce type d’évé- tôt les voix de scientifiques se sont nement, le secret c’est l’anticipa- élevées pour attirer l’attention sur tion et se poser les bonnes ques- 12 le fait qu’une partie de ce drame tions avant les autres. A Liège, dès aurait pu être anticipé. Dans la po- le début, nous avons réindustrialisé pulation, ils ont été nombreux à de nombreux éléments pour être rappeler qu’en 2015, Bill Gates évo- autonomes (tests, écouvillons…). quait dans le New England Journal On a pris des risques financiers of Medicine (NEJM) les dangers pour garantir cette autonomie et d’une pandémie au cours des vingt cela a été une réussite. Nous avons prochaines années. Pour lui, un eu de nombreuses demandes virus ou le bioterrorisme pouvait du monde entier parce que nous faire plus de dégâts aujourd’hui étions en avance sur les besoins être entreprise. De nombreuses qu’une guerre et il en voulait pour qu’engendrait l’épidémie ». personnes n’ont pas cru à la force preuve la dernière épidémie d’Ebo- de ce virus au début et cela a ra- la dans une partie de l’Afrique. LE DANGER DU « DÉNI » Comment les pays du monde en- tier peuvent-ils être surpris quand l’Organisation mondiale de la san- té (OMS) rappelle depuis des an- nées une liste de virus à surveil- ler : Ebola, la fièvre de Lassa, Zika, le MERS et le SARS (deux coro- navirus). Pour Thomas Marichal, chargé de cours, professeur de recherche à l’ULiège, un travail de conscience devra être mené chez les scientifiques, les autorités sani- Pr Fabrice Bureau, Vice-recteur en taires et politiques : « Une réflexion Pr Thomas Marichal, chargé de cours, charge de la Recherche à l’ULiège pour lutter contre le déni devra professeur de recherche à l’ULiège © 2019 Michel Houet - ULiège © Michel Houet - ULiège
< S > AC T UA L I T É W+B 148 13 lenti notre capacité de réaction. l’ULB, François Fuks : « Tout cela européen qui s’occupe des épi- On doit être humble, en retenir était prévisible. On doit à court démies-pandémies pour avoir les leçons et mieux anticiper pour terme mettre en place un centre une réaction mieux adaptée à posséder sur notre sol les élé- notre échelle. Cela permettrait ments essentiels à la lutte comme d’avoir une réflexion plus cadrée à les réactifs, les masques… » l’échelle du continent, que cela soit pour les premières actions à en- treprendre lorsque le virus arrive UN CENTRE DE GESTION mais aussi après... pour le déconfi- EUROPÉEN nement, les masques, les réactifs... il y a eu trop de réflexes locaux ». Face à une telle crise, le manque Il propose que l’on prenne exemple de réactions concertées inter- sur le reste du monde : « En Asie, il pelle Thomas Marichal : « Pour existe un tel centre. Cela nous au- les prochaines épidémies ou pan- rait permis d’isoler plus vite les in- démies, on doit absolument avoir dividus porteurs du virus pour ne mis en place un schéma de testing pas que la propagation soit aussi à grande échelle ». Un avis que rapide ». partage le chercheur et profes- Pr François Fuks, chercheur et seur spécialisé en épigénétique à professeur specialisé en épigénétique à l’ULB
< S > AC T UA L I T É W+B 148 LE DÉFI LOGISTIQUE pour améliorer la lutte contre une éventuelle pandémie, les institu- 14 Pour lui, cette pandémie doit nous tions européennes ou mondiales, permettre aussi de mieux réfléchir ou l’industrie pharmaceutique, ne à notre logistique. « Si on réalise doivent plus interrompre les finan- mieux le risque, on réagira plus cements de médicaments et vac- vite et mieux avec une réflexion cins « panviraux ». Ces dernières logistique adaptée pour. Nous années, personne n’était prêt à avons particulièrement pêché à ce payer pour des vaccins qui ne ser- niveau pour plusieurs raisons : à viraient peut-être pas. François l’intérieur de nos frontières parce Fuks partage cette réflexion : « De que nous avions des difficultés à nombreuses recherches de vac- approvisionner toutes les zones cins ont été arrêtées parce qu’elles mais aussi parce que nous n’étions coûtaient de l’argent et que la ma- pas maîtres dans la production des et ancestrales. Tout le monde a ladie n’était pas présente... Cela a éléments (médicaux : réactifs) et été pris de cours. Par contre, l’épi- été une erreur grave et il convient techniques (masques...) sur notre démiologie va être une discipline de ne plus la commettre ». territoire. Nous étions dépendants centrale... sans oublier l’infectio- d’autres pays qui avaient besoin logie, pour mieux appréhender les des mêmes choses que nous ». prochaines épidémies ». LA BIOLOGIE DU VIRUS ajoute François Fuks. Que cela soit sur des vaccins La recherche devra aussi prou- RECHERCHE ET PRÉVENTION ARNm ou d’autres, la recherche ver son savoir-faire en la ma- DE VACCIN doit reprendre et être financée, se- tière comme l’explique Thomas lon lui. « Il faudra permettre aux Marichal: « Malgré les nombreuses Pour lui, « la priorité sera aussi de chercheurs et à l’industrie pharma- avancées technologiques que la mettre en place des vaccins plus ceutique de travailler sur les virus recherche a faites ces dernières rapidement, avec tous les proto- inconnus, afin d’avoir des tests années, en big data notamment, coles nécessaires de sécurité sa- sanguins adaptés pour permettre j’ai l’impression que le réflexe a été nitaire évidemment ». A ce niveau, de ne plus bloquer le pays avec une de revenir aux mesures classiques les scientifiques sont unanimes pandémie ». Parmi les recherches
< S à poursuivre, il convient de conti- mondial. Ce qui manque actuelle- Fuks reconnaît que c’est un défi nuer, en laboratoire, à se pencher ment c’est de mieux comprendre de santé publique. Les chercheurs > sur les études des agents patho- la biologie du virus et c’est ce que devront sensibiliser les décideurs gènes, les virus zoonotiques... Ce je fais » ajoute François Fuks. à rester vigilants et cela sera diffi- n’est en effet pas le premier virus cile : « La prévention possède un qui provient des chauves-souris coût, mais il est toujours moins (Nipah, Hendra, SARS...). Il insiste INVESTIR DANS élevé que de devoir combattre une aussi sur la belle collaboration LE TEMPS (OU PAS) pandémie à mains nues. Et surtout, entre les chercheurs : « Moi je vois il faut de la mémoire parce que la un aspect instructif dans cette pan- Pour les chercheurs, les déci- prochaine pandémie aura lieu dans démie, tous les scientifiques et les deurs et les financiers doivent aus- 50 ans ou plus... mais il ne faut experts sont à nouveau écoutés. si comprendre « le temps » d’un pas arriver avec un discours dans Par ailleurs, cette pandémie a per- virus. D’après l’OMS, « le temps » quelques années du type « cela mis aux scientifiques de travailler des grippes dangereuses (environ n’arrivera plus », et réduire les dé- ensemble dans la plupart des cas. 39 ans) ne favorise pas toujours penses de prévention... » Il n’y a jamais eu une telle mise en chaque pays à envisager des bons Pendant ce temps, les chercheurs commun. On a séquencé en deux moyens de prévention des risques auront découverts d’autres vaccins semaines le génome au niveau de contaminations. Le Pr François et d’autres médicaments... AC T UA L I T É « La prévention possède un coût, mais il est toujours moins élevé que de devoir combattre une W+B 148 pandémie à mains nues ». Pr François Fuks 15
< S > Tomas Casanova Bustos - Une vie entre le Chili et la Belgique Tomas Casanova Bustos est un chercheur chilien en sciences vétérinaires qui a mené sa thèse de doctorat chez nous, à l’Université de Liège, grâce à une bourse octroyée par Wallonie-Bruxelles International (WBI). Le parcours de ce trentenaire a toujours été étroitement lié à la Belgique. Né à Bruxelles, il cultive des liens forts avec notre pays, tant au niveau personnel que professionnel. Rencontre. PAR VINCIANE PINTE P OR T R A I T « Mes parents se sont réfugiés COLLABORATION en Belgique dans les années 80, BELGO-CHILIENNE W+B 148 comme bon nombre de Chiliens qui fuyaient la dictature militaire En 2011, bien avancé dans ses Tomas Casanova Bustos – Liège de Pinochet. Ce qui explique que études au sein de la prestigieuse je suis né et ai passé ma petite en- Universidad de Concepción fance à Bruxelles », explique d’em- (UdeC) en faculté de Médecine vé- 16 blée Tomas. Certains membres de térinaire, c’est tout naturellement sa famille sont retournés au pays à que Tomas se tourne vers la la fin de la dictature dans les an- Belgique pour mener à bien sa nées 90, d’autres sont restés en thèse de doctorat. Il rejoint la Cité Professeur Daniel Desmecht. « En Belgique. Tomas a donc très vite Ardente, dont la faculté vétérinaire plus de me garantir les conditions pris l’habitude de faire la navette jouit d’une très bonne réputation, pour que ma recherche aboutisse entre les deux pays. et le Département de Pathologie du au meilleur terme possible, Daniel Desmecht me propose, comme promoteur de thèse, l’un des meil- leurs chercheurs du laboratoire, Mutien Garigliany. C’est comme ça qu’est née notre collaboration uni- versitaire belgo-chilienne », se ré- jouit Tomas. Pendant 4 ans, Tomas se consacre donc à sa thèse, qui aborde les facteurs impliqués dans la résis- tance/sensibilité à l’infection par un virus. « De même que dans la population humaine, il existe, chez les animaux, des individus plus sensibles à certains pathogènes, comme le virus influenza, la tuberculose ou même le Covid-19. Moi j’ai utilisé le modèle murin – un type d’expérimentation qui utilise la souris – pour étudier les pneu- monies au virus influenza ».
< S Tomas, vous avez vécu en Belgique plusieurs années. Quelles sont les forces de notre > pays, selon vous ? Le peuple belge est très solidaire, ouvert et chaleureux. Je me suis toujours senti très bien accueilli lors de mes différents séjours ici. La Belgique, c’est aussi l’expérience de mes parents en tant que réfugiés chiliens dans les années 80, et celle de nombreux Chiliens. Et ses faiblesses ? Je ne sais pas si c’est une faiblesse, mais le Belge est très modeste et ça se sent fort parmi les pays « plus fiers ». À l’heure de boucler cet article, la Belgique entame sa 2e phase P OR T R A I T de déconfinement. Quelles réflexions vous inspire cette crise sanitaire ? Nous sommes en train d’entamer une nouvelle époque, avec de W+B 148 nouvelles priorités : l’éducation renforcée à la santé, un financement accru de la recherche scientifique et une plus grande solidarité entre citoyens. Nous sommes assez mûrs pour retenir 17 ces leçons, je pense. Tomas Casanova Bustos en plein séminaire Aujourd’hui enseignant et cher- cheur au sein de son alma mater chilienne, Tomas poursuit sa col- laboration avec ses homologues de l’Université de Liège. « Pour le moment, nous étudions ce qui modifie de manière négative l’ef- ficacité des antibiotiques. Il s’agit d’établir des modèles in vitro pour réduire et remplacer l’utilisation d’animaux par des cultures cellu- laires. Les premiers résultats sont très positifs. Pour cet objectif, nous travaillons à nouveau avec Mutien Garigliany, qui a une grande expé- rience dans les modèles in vitro ». D’autres projets professionnels inter-universités sont envisagés. « On a des possibilités énormes, mais l’amitié fait aussi partie de ces collaborations », conclut Tomas.
< S > La Fondation Folon a vingt ans ! C ULT U R E © Folon W+B 148 C’est le bel âge, celui de tous les possibles. Et ce n’est rien de le dire vu toutes les œuvres qui sont venues compléter la collection de l’artiste et qui s’impatientent d’être révélées au monde entier. 18 PAR NADIA SALMI Son esprit est toujours là, dans ce ce legs riche de 5500 œuvres et musée qu’il a pensé comme un documents d’archives, raconte la voyage... A peine entré en effet, on présidente de la Fondation Folon, est pris par la main, et si on la re- Stéphanie Angelroth. Nous avons garde bien, on se rend vite compte découvert des trésors, notam- que c’est la sienne. Un miracle vi- ment ses premiers dessins au suel et sensoriel aussi. Car Jean- trait, qui nous ont permis de voir Michel Folon nous chuchote à la cohérence de son travail de- l’oreille que ses œuvres sont sans puis les premières années ainsi défense et qu’il ne faut par consé- que la construction de sa pensée Jean-Michel Folon quent pas les toucher autrement visuelle. Tous ces croquis, il les a qu’avec les yeux… fait vivre après dans les différentes techniques qu’il a acquises tout Couvertures de magazines et de au long de sa vie, y compris dans livres, aquarelles, sérigraphies, la sculpture. C’est vraiment un Né le 1er mars 1934 à Uccle, Jean- sculptures, tout est exposé. Enfin travail complet ». De quoi se de- Michel Folon se passionne très vite presque. Le 28 octobre 2000, l’ar- mander pourquoi Folon avait es- pour les arts, sans toutefois aller tiste décide de mettre en avant quivé cette partie-là, ses débuts… jusqu’au bout de ses études. C’est quelque quatre cent œuvres repré- Souhaitait-il ne pas montrer ce qui un homme libre qui ne supporte sentatives de son art, toutes réali- l’avait construit ? « C’est difficile à pas l’idée d’être étiqueté ou défi- sées des années 70 jusqu’en 1998, dire, précise celle qu’il avait mise à ni, son moteur étant le question- date de sa donation. Pourquoi ce la tête de sa fondation. Peut-être nement. Ce dernier est d’ailleurs choix ? Qu’avait-il d’autre dans ses qu’il voulait passer à autre chose, omniprésent dans son œuvre… « Il tiroirs ? « Ce n’est qu’après la mort être reconnu comme un artiste suffit de voir ses têtes ouvertes, de son épouse, en 2015, que nous à part entière et pas uniquement ses terrains en friche, ses scènes sommes entrés en possession de comme un illustrateur ? ». vides qui évoquent le mystère
< S 20 ans, 20 événements > Pour célébrer cet anniversaire spécial, la Fondation a imaginé vingt moments. Mais certains (comme l’exposition au Musée Vatican en Italie ou la nouvelle installation de « La Mer, ce grand sculpteur » à Knokke) ont dû être reportés, la faute au coronavirus. Des beaux livres sont aussi prévus. C ULT U R E W+B 148 19 © Folon ou l’évasion, continue Stéphanie dément ancrée en lui, ce qui lui a Angelroth. Folon aimait répéter à aussi posé problème… Comme il qui voulait l’entendre « chacune ne faisait pas partie d’un courant de mes images est le point de dé- spécifique (même s’il y a du sur- part de l’imagination de chacun ». réalisme en lui), il manque dans © Folon La notion de liberté était profon- l’histoire de l’art ». © Folon © Folon
< S > C ULT U R E W+B 148 © Folon 20 Inclassable, Jean-Michel Folon de rencontres. Il a commencé la perçues. Il a pu transcender cette avait néanmoins une famille d’es- sculpture de manière très timide… vision du handicap… Aujourd’hui, prit dont il se nourrissait pour évo- C’est César qui lui a conseillé de François vient encore souvent ici luer dans son travail. Tour à tour, il passer au bronze pour faire vivre avec sa mère, Colette Portal, qui côtoie l’écrivain Jorge Semprun, le ses créations en extérieur et mettre est la première épouse de Folon. réalisateur Alain Resnais, le sculp- ses personnages en trois dimen- Rester en contact avec sa famille teur César… Autant d’amis que sions. Le résultat est magnifique et est très important pour nous ». l’on retrouve dans ses archives et pourtant, il ne se sentait pas sculp- qui apportent un nouvel éclairage. teur. Il estimait apprendre chaque Car la Fondation Folon a pour vo- « Folon était vraiment un homme jour ». lonté de toujours rester fidèle à la vision de l’artiste. Et aujourd’hui qu’elle a accès à tout son patri- FOLON, UN GRAND moine, il lui faut penser plus grand AQUARELLISTE et être à la hauteur. « L’espace est devenu petit et puis, nous L’aquarelle est sa technique de pré- aimerions proposer des exposi- dilection. Là, il travaille seul, avec tions plus riches et plus pointues ses couleurs et son vécu. Jusqu’à car il n’y a pas que sa Déclaration sa mort en 2005, Jean-Michel universelle des droits de l’homme Folon aime faire passer des mes- à voir ». Jolie conclusion aux al- sages sur le monde, par le biais de lures de promesse. Et Stéphanie la poésie. Mais derrière la légèreté Angelroth sait de quoi elle parle, apparente se cache des drames in- elle qui fête aussi vingt ans de pré- times, comme la mort en bas âge sidence. « Je m’investis d’autant de sa petite fille et l’autisme de plus qu’il m’a fait confiance ». son fils. « C’était quelqu’un de po- sitif malgré tout. Il disait souvent © Folon que François lui avait fait voir des choses qu’il n’aurait peut-être pas
< S Secrets d’histoire > L a Fondation Folon aurait pu voir le jour sur une lagune à Venise ou en Provence si le gouvernement wallon de l’époque n’avait pas eu vent de ce projet et décidé de proposer le parc du domaine Solvay (qui a une vocation culturelle) à l’artiste. Touché ! Jean- Michel Folon, qui avait quitté la Belgique à 21 ans, y a vu un joli retour aux sources, le site faisant partie de ses souvenirs d’enfance. Pendant la guerre, il vivait en effet au bord du lac de Genval et venait souvent se cacher dans ce domaine occupé par les Allemands. J ean-Michel Folon a choisi C ULT U R E Stéphanie Angelroth comme présidente de sa Fondation, après qu’elle lui ait envoyé une lettre disant son envie d’y W+B 148 travailler. En 20 ans, elle a vu défiler un million de visiteurs. C oncernant son travail, l’artiste aimait bien utiliser la devise de Ludwig Mies van der Rohe : 21 « Less is more ». © Folon © Folon © Folon
< S > Valentine Witmeur Lab - Le pull optimist Ce qui aurait pu s’apparenter à un projet éphémère s’est mué en un petit business pas prêt de s’effilocher. Gros plan sur l’un des labels de maille les plus enthousiasmants du royaume. PAR MARIE HONNAY Elle est Bruxelloise, détentrice d’un faille souligner le caractère durable bachelier en communication com- des mailles du label : partiellement Valentine Witmeur plété par un Master en manage- composées de matières upcyclées ment du luxe et plutôt calée quand et de coton organique certifié avec, il s’agit de faire le buzz sur les ré- dans le viseur, la volonté d’arriver à femmes qui aiment son style et la seaux sociaux. Elle est aussi une tra- 80% de fil écolo d’ici l’été 2021. Un suivent sur Instagram. La force de M O DE / DE S I GN queuse de tendances, très en phase peu de tout ça, très probablement. Valentine, c’est son côté pragma- avec son temps et les attentes du Car avant de se lancer, Valentine tique. Il suffit d’observer la manière marché. Voilà, en substance, com- Witmeur avait déjà suffisamment dont ses collections évoluent et ment on pourrait qualifier Valentine exploré l’univers du luxe pour en s’affinent pour comprendre com- Witmeur, une trentenaire, fonda- comprendre les rouages et cerner ment elle a habilement construit trice d’un label éponyme centré sur les besoins des boutiques où sa l’identité de la griffe. De saison en W+B 148 les vêtements tricotés. marque est présente : en Belgique, saison, ses designs aux noms intri- évidemment, mais aussi à l’interna- gants (Bigamist, un pull bicolore, Mais si on veut expliquer le suc- tional, chez The Webster à Miami, Oldish, un tricot zippé esprit vin- cès de ce laboratoire de la maille Los Angeles et New-York, entre tage, Illusionist, un classique aux créé en 2014, peut-être faut-il al- autres. proportions revisitées ou encore 22 ler chercher un peu plus loin. Du Fusionist, un modèle color block côté du produit proprement dit : récemment lancé) affichent une dessiné à Bruxelles, fabriqué au VALENTINE, LA PRAGMATIST identité de plus en plus marquée. Portugal dans un atelier à taille hu- Preuve que l’entrepreneuse est maine et distribué dans un réseau Il y a 6 ans, après un début de car- aussi un fin stratège, passé maître d’enseignes haut-de-gamme ? Ou rière en tant que responsable mar- dans l’art de ménager ses effets. de celui de son image, pointue keting pour une enseigne de luxe, et léchée, un registre dans lequel la Belge lance sa marque en s’ap- A l’instar de ses créations lu- Valentine excelle ? A moins qu’il ne puyant sur une communauté de diques qui mixent les couleurs, re- © Valentine Witmeur Lab
< S > © Valentine Witmeur Lab M O DE / DE S I GN visitent les volumes et réinventent le concept même du tricot, un genre souvent classique, Valentine Witmeur aime s’inviter là où on ne l’attend pas. A l’aise dans le design W+B 148 et dans la création d’une image de marque, elle a choisi de bien s’en- tourer, histoire de pérenniser son label. Arthur Spaey, son associé, assure désormais le volet finan- cier, administratif et logistique du 23 projet. Un soutien précieux qui lui © Valentine Witmeur Lab permet de se recentrer sur son core-business. Le résultat ? Des collections de plus en plus ins- pirées. Cette saison, des franges twistent le bas de la robe bustier Pacifist et du pull Philatelist au vo- lume amplifié. Avec son encolure bateau exagérée et ses poignets terminés par de petits bouts de foulard à l’esprit facétieux, le body de designer comme un marathon projet et collaborer, entre autres, Trapezist est presque insolent tant et privilégie les synergies avec avec une agence de presse en il est sexy. Amples et joliment cou- d’autres talents de sa génération. Allemagne, un marché où le label pés, les deux modèles de pantalon Tout récemment, dans le cadre de réalise déjà de très bons résultats de l’été 2020 jouent la carte du vê- son Fashion Program, un projet en ligne. tement d’intérieur porté pour sor- de soutien accordé aux marques tir. A moins que ça soit l’inverse. de mode émergentes, Wallonie- A l’image du nom de sa griffe, un Pensée dans un esprit tailoring, la Bruxelles Design Mode (WBDM) petit laboratoire de la maille en veste Upperist, toujours en maille, lui a décerné une bourse d’accom- constante évolution, la designer revisite le blazer en alliant allure pagnement, la plus importante belge aux ambitions internatio- chic et cool attitude. parmi celles accordées cette an- nales construit son projet avec in- née. Preuve de la maturité de cette telligence sans se départir de cet griffe dont le produit, l’image, mais esprit fantaisiste qui le rend telle- VALENTINE, aussi la stratégie de développe- ment irrésistible. LA FASHIONALIST ment à l’international, tiennent plus que jamais la route. Valentine Appliquée, enthousiaste et par- compte profiter de ce soutien pour www.valentinewitmeurlab.com tageuse, Valentine voit le métier structurer encore davantage son
< S > La solidarité au cœur des projets des jeunes Géré par la Direction générale de la Culture et Wallonie-Bruxelles International, le Bureau International Jeunesse (BIJ), à travers différents programmes d’éducation non formelle, mise sur la mobilité internationale des jeunes dans un but d’apprentissage avec, en toile de fond, une valeur centrale : la solidarité. PAR LAURENCE BRIQUET « Pour le BIJ, la mobilité internatio- rité soutient des jeunes volontaires nale n’est pas une fin en soi mais à l’étranger et en Belgique ainsi que bien un outil d’apprentissage par des projets de solidarité qui sont l’expérience, et la solidarité en fait des initiatives locales de jeunes. partie. Certains programmes sont A titre d’exemple, depuis 5 mois, axés sur cette valeur essentielle, une jeune fille travaille comme vo- comme le volontariat et les « projets lontaire au sein d’un centre qui ac- J E UN ES S E de solidarité » du Corps européen cueille des femmes demandeuses de solidarité. Ceux qui ne le sont d’asile vulnérables et qui les aide pas directement font souvent ap- à gagner en autonomie et à re- paraître la solidarité dans les expé- prendre confiance en elles. riences vécues », explique Laurence Grâce au Corps européen de solidarité, Margot est volontaire depuis 5 mois W+B 148 Hermand, directrice du BIJ. Les programmes Tremplins dans un centre d’accueil pour femmes Le BIJ met l’accent sur les valeurs Jeunes et Bel’J permettent à des demandeuses d’asile © BIJ et a créé un outil pédagogique in- jeunes de mener des projets d’im- titulé « Libres Ensemble » qui ex- mersion linguistique ou profes- plore les valeurs de la solidarité, sionnelle en se mettant au service A LA RENCONTRE 24 du respect et de la liberté. Un outil du projet d’une association située DES MIGRANTS très pratique qui permet aux ac- à l’étranger (Tremplins Jeunes) compagnateurs de jeunes de leur ou dans une autre communauté Le BIJ lance, chaque année, 2 ap- faire prendre conscience de ces belge (Bel’J). Sans oublier les pro- pels à projets : l’appel « Droits so- valeurs par l’expérimentation de si- jets de groupes de jeunes via les ciaux, droits de l’homme » et l’ap- tuations concrètes. programmes Axes Sud (lire par pel « Citoyens d’Europe ». ailleurs), Erasmus+ : Jeunesse en Action et Québec, qui sont autant L’an passé, dans le cadre de « Droits CITOYENNETÉ ACTIVE d’occasions de favoriser l’appren- sociaux, droits de l’homme », il tissage interculturel, le développe- y a, par exemple, eu le projet Parmi les programmes gérés par le ment d’une citoyenneté active et « Front’hier et demain ? », porté BIJ, le Corps européen de solida- du sens de la solidarité. par 3 associations (la Maison des Cinq jeunes et leur animatrice sont partis au Sénégal Dans le cadre du projet « Citoyens d’Europe », les jeunes avec l’association Jeunes et Citoyens, grâce au ont organisé une marche à Bruxelles pour l’accueil et la programme Axes Sud © JEC justice migratoire © FMJ
< S cultures de Saint-Gilles, la Maison Du Québec au Sénégal de quartier le Bazar et le Cemome Le Centre de jeunes et de quartier La Bicoque, à Liège, dispose d’un > asbl). Dans ce cadre, neuf adoles- atelier photo. Les jeunes de cet atelier ont voulu participer à la dé- cents âgés de 12 à 17 ans sont par- marche citoyenne. Ils se sont mobilisés en participant aux marches tis pour rencontrer des migrants climatiques, en interviewant et photographiant les autres jeunes. et des accueillants de la ville de Dans le cadre du programme Québec « Our blue home », ils sont Briançon (France). Dans cette ville, ensuite partis rencontrer de jeunes Québécois engagés et découvrir les bénévoles s’organisent pour des initiatives éco-citoyennes. De ces rencontres et découvertes, les venir en aide aux migrants qui jeunes ont réalisé des vidéos et photos en vue de créer un montage traversent les frontières monta- vidéo qui rassemble leur point de vue sur le « mouvement des jeunes gneuses à pied, été comme hiver, pour un monde durable ». de jour comme de nuit, entre l’Ita- Autre continent, autre projet avec le pro- lie et la France. Les jeunes ont pu gramme Axes Sud qui a permis à Elise échanger et comparer leurs vécus, Lecocq, animatrice, d’accompagner 5 avec respect et humilité, par rap- jeunes au Sénégal, avec l’association port à ces voyageurs qui ne font Jeunes et Citoyens. « Le projet consis- que passer. tait à surpasser ses préjugés pour aller à la rencontre de l’autre, grâce à la ren- Du côté du projet « Citoyens d’Eu- contre interculturelle », explique Elise rope », les jeunes ont imaginé une qui est partie au Sénégal en avril 2019. marche à Bruxelles pour l’accueil « Les jeunes ont logé dans des familles, J E UN ES S E et la justice migratoire. Le parcours ont échangé avec elles, vécu comme les Dépasser ses préjuges et aller était agrémenté de 5 happenings habitants et sont ressortis grandis de à la rencontre de l’autre, c’est ce qu’ont realisé les jeunes créés par eux pour partager leurs cette expérience qui leur a donné une partis au Sénégal © JEC messages via des formes artis- autre vision du monde », conclut-elle. tiques (danse, musique ou théâtre). W+B 148 L’an passé, ce sont plus de 5.000 jeunes qui ont bénéficié d’un sou- tien du BIJ et plus de 800 projets qui ont été financés. 25 Infos : www.lebij.be Le projet « Front’hier et demain », dans le cadre de l’appel « Droits sociaux, Droits de l’Homme » © asbl Cemome Les jeunes du Centre de Jeunes et de Quartier La Bicoque, Le parcours de la marche dans le cadre du projet « Citoyens à Liège, sont partis au Québec dans le cadre du Programme d’Europe » était agrémenté de happenings pour partager les ‘Our Blue Home’ © La Bicoque messages via des formes artistiques © FMJ
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