5 TE DEUM La Chapelle Royale du Château de Versailles
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5 La Chapelle Royale du Château de Versailles TE DEUM Jean-Baptiste Lully ~ Marc-Antoine Charpentier Le Poème Harmonique Capella Cracoviensis Vincent Dumestre Collection Versailles Alpha 952
TE DEUM ****************************** Marc-Antoine CHARPENTIER - H.146 1 Prélude 1’20 2 Te Deum laudamus 1’01 3 Te aeternum Patrem 4’08 4 Te per orbem terrarum 4’15 5 Tu devicto mortis aculeo 1’12 6 Te ergo quaesumus, famulis tuis subveni 2’13 7 Aeterna fac cum sanctis tuis 2’15 8 Dignare Domine / Fiat misericordia 3’59 9 In te, Domine speravi 2’12 Retrouvez les textes chantés en cliquant ICI You can find the lyrics if you click HERE ~2~
Jean-Baptiste LULLY - LWV.55 10 Te Deum laudamus 2’57 11 Tibi omnes angeli 1’15 12 Pleni sunt caeli et terra 3’18 13 Patrem immensae majestatis 3’52 14 Tu rex gloriae, Christe 2’59 15 Tu ad dexteram Dei sedes 1’15 16 Te ergo quaesumus, famulis tuis subveni 3’30 17 Salvum fac populum tuum, Domine 4’45 18 Dignare Domine die isto 6’47 19 In te Domine speravi 2’04 ~3~
LE POÈME HARMONIQUE Vincent Dumestre, direction SOLISTES Amel Brahim-djelloul, dessus Aurore Bucher, dessus Reinoud Van Mechelen, haute contre Jeffrey Thompson, taille Benoît Arnould, basse CHŒUR Capella Cracoviensis Jan Tomasz Adamus, direction Michalina Bienkiewicz, Ilona Fijał-Zając, Jolanta Kowalska, Magdalena Łukawska, Sylwia Olszyńska, Antonina Ruda, Katarzyna Wajrak, dessus Anna Bober, Łukasz Dulewicz, Dorota Dwojak-Tlałka, Katarzyna Freiwald, Helena Poczykowska*, Magda Niedbała, haute contre Maciej Gocman*, Szczepan Kosior, Karol Kusz, Krzysztof Mroziński, Mariusz Solarz, Piotr Szewczyk, ténor Dawid Chwistek, Marek Opaska, Piotr Kumon, Sebastian Szumski*, Piotr Zawistowski, basse taille Piotr Brajner, Michał Dembiński, Wojciech Góra, Rafał Żur, basse * solistes du petit chœur pour le Te Deum de Lully ~4~
ORCHESTRE Gilone Gaubert-Jacques, Leonor de Recondo, Yuki Koike, Bénédicte Pernet, Shiho Ono, Catherine Ambach, Fiona Poupard, dessus de violon Jorlen Vega, Justin Glorieux, Samantha Montgomery, hautes-contre de violon Françoise Rojat, Alain Pégeot, Joan Herrero, tailles de violon Lucas Peres**, Mathilde Vialle, violes de gambe Thomas de Pierrefeu**, Tormod Dalen, Marjolaine Cambon, Pauline Buet, basses de violon Béatrice Delpierre, Sophie Rebreyend, flûtes, hautbois Mélanie Flahaut, Stéphane Tamby, Krysztof Lewandowski, flûte, basson Jean-François Madeuf, Joël Lahens, trompettes François Garnier, timbales Frédéric Rivoal**, orgue Andrzej Zawisza, préparation du chœur Marouan Mankar-Bennis, assistant musical ** continuo ~5~
Enregistré le 25 mars 2013 à la Chapelle Royale du Château de Versailles Prise de son, montage & mastering : Frédéric Briant Direction Artistique : Aline Blondiau Direction de production : Julien Dubois Edition : Pauline Pujol Graphisme, illustration : Gaëlle Löchner Typographie : Sarah Lazarevic Le Poème Harmonique est soutenu par le Ministère de la Culture (DRAC Haute-Normandie), la Région Haute-Normandie et la Ville de Rouen. Mécénat Musical Société Générale est le mécène principal du Poème Harmonique . Le Poème Harmonique est en résidence à l ’Opéra de Rouen Haute-Normandie. Pour ses répétitions, le Poème Harmonique est en résidence à la Fondation Singer-Polignac. ~6~
ENG À Versailles, la musique résonnait à tout instant et en tout lieu. Du lever au coucher du soleil, elle accompagnait les grands moments de la vie de la Cour, à la Chapelle, à l ’Opéra, lors des soupers et des chasses, bien entendu pour les fêtes, dans les bosquets et les jardins, à Trianon aussi... Il faut écouter Philippe Beaussant de l’Académie française qui, avec Vincent Berthier de Lioncourt, furent les fondateurs du Centre de Musique Baroque de Versailles, lorsqu’ils nous expliquent l’évidente connexion entre l’architecture de Versailles et sa musique. Versailles se modèle en effet à mesure que Louis XIV y invite d’abord dans les jardins, puis dans les cours et les salons, créant une flagrante réciprocité entre la construction des bâtiments et la vie musicale, lorsque sont organisés les carrousels et bals, mais aussi quand s’élèvent la musique religieuse, la musique d’orgue, les petits et les grands motets et que nous transportent théâtre, ballets et opéras… C’est la musique qui donne à Versailles son âme, sa vie, sa respiration. C’est pourquoi il est apparu si essentiel de conserver la mémoire des « musiques retrouvées de Versailles ». Cette musique reprend sa place tous les jours aujourd’hui, grâce à Château de Versailles Spectacles dont la passion fait revivre ce palais somptueux avec ce qui l’a animé pendant plus d’un siècle et nous en révèle l’origine et l’inspiration. Cette collection d’enregistrements en est le témoignage. Catherine Pégard Présidente de l ’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, Présidente de Château de Versailles Spectacles ~7~
Depuis septembre 2009, Château de Versailles Spectacles propose tout au long de sa saison musicale une programmation à la Chapelle Royale. L’accueil de concerts coréalisés avec le Centre de Musique baroque de Versailles côtoie la présentation de programmes d’ensembles et d’artistes français et internationaux prestigieux. Cécilia Bartoli, Philippe Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux, Le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet, Les Arts Florissants dirigés par William Christie, The English Baroque Soloists dirigés par John Eliot Gardiner, Les Pages et les Chantres dirigés par Olivier Schneebeli, le chœur Accentus dirigé par Laurence Equilbey, l’ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon, ou encore le Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre, donnent à entendre Messes, Motets et Oratorios qui font à nouveau resplendir la musique sacrée dans le Saint des Saints de Versailles. Plus d ’informations : www.chateauversailles-spectacles.fr Château de Versailles Spectacles Château de Versailles ****** ****** Catherine Pégard, présidente Catherine Pégard, présidente Laurent Brunner, directeur Thierry Gausseron, administrateur général Marc Blanc, directeur technique Béatrix Saule, directrice Graziella Vallée, administratrice Olivier Josse, directeur des relations Sylvie Hamard, assistée de Pauline Gérard extérieures coordinatrice de la saison musicale Jean-Paul Gousset, responsable, Catherine Clément, chargée de production au sein de la conservation du musée, de la Fanny Collard, responsable de la communication direction technique de l ’Opéra Royal Pierre Ollivier, responsable de l ’accueil des publics Marie Stawiarski, assistante à l ’accueil des publics ~8~
La Chapelle Royale de Versailles ****************************** En tant que roi très chrétien, Louis XIV eut à cœur d’édifier dans la résidence royale de Versailles, devenue en 1682 le siège officiel du pouvoir, une chapelle particulièrement visible, lieu public de sa dévotion. Il en annonça la réalisation dès 1682 et, deux ans plus tard, en entreprit le chantier. Plus long que prévu, ce dernier s’étendit jusqu’en 1710, si bien que le roi et sa cour furent contraints de se contenter d’une chapelle provisoire, située à l’emplacement où se trouve aujourd’hui, au premier étage, le salon d’Hercule. En 1678, avant de commander la réalisation d’un nouvel orgue pour sa Chapelle de Versailles, Louis XIV décida d’instituer un concours et remplacer ainsi l’unique titulaire de sa Chapelle, Chabanceau de La Barre, par quatre organistes servant chacun par quartier (ou trimestre) : Thomelin fut nommé au quartier de janvier, Buterne à celui d’avril, Nivers à celui de juillet, tandis que Lebègue reçut celui d’octobre. Virtuose particulièrement apprécié du roi, Lebègue resta en charge à la cour jusqu’à sa mort en 1702. Il côtoya ainsi le grand Couperin, nommé au quartier de janvier en 1693. En revanche, il ne connut pas l’orgue commandé en 1679, jamais achevé, mais un instrument beaucoup plus modeste, en usage de 1682 à 1710. Après l’abandon d’un projet de chapelle de plan centré sous dôme au milieu de l’aile du Midi, l’édifice définitif fut entrepris en 1687 : il représente le projet le plus abouti, ~9~
le chantier le plus long et l’une des réalisations les plus coûteuses du chantier de Versailles. Son caractère tardif en fait une sorte de testament religieux du monarque. Dans un premier temps, son architecte Hardouin-Mansart proposa un édifice assez bas. À partir de 1689, alors que sa construction était entreprise, l’édifice fut considérablement accru en hauteur. C’est dans la logique de ce processus d’exhaussement que fut conçu le péristyle du premier étage, qui permettait à la fois plus de légèreté et de solidité : un bouleversement esthétique majeur, la colonnade sous architrave renouant avec le style des basiliques de l’Église primitive. À l’extérieur, avec ses arcs-boutants et son comble particulièrement élevé, sommé d’un lanternon qui fut abattu en 1765, la silhouette de la chapelle devait rendre hommage à la Sainte-Chapelle du Palais, modèle architectural légué par le saint patron et l’ancêtre de Louis XIV, à qui la Chapelle de Versailles fut dédiée. La combinaison inédite et audacieuse de ces deux influences, antique et médiévale, constitua une référence pour les théoriciens et les architectes du xviiie siècle. Après une interruption de près de dix années, le chantier reprit en 1699, au moment où Hardouin-Mansart fut nommé surintendant des Bâtiments du roi : la Chapelle de Versailles fut le dernier chantier de cet illustre architecte, qui, à sa mort en 1708, laissa à son beau-frère Robert de Cotte le soin de le mener à terme. La voûte fut ornée à partir de 1708. La Fosse y peignit La Résurrection au-dessus de l’abside, tandis que Coypel réalisa dans la partie centrale un Dieu le Père dans sa gloire , faisant irruption de manière saisissante dans l’espace de la Chapelle. Au-dessus de la tribune du Roi, La Descente du Saint-Esprit fut confiée à Jouvenet : tout en ~ 10 ~
complétant la vision trinitaire, le choix du thème était particulièrement heureux à cet emplacement, l’effusion des dons du Saint-Esprit profitant autant au Roi, souverain revêtu de l’onction du sacre, qu’à la Vierge, aux apôtres et aux disciples fondateurs de l’Église. Le programme sculpté ne fut pas en reste et couvrit pratiquement toutes les parois de l’édifice. Sa réalisation fut confiée à une équipe de plus de cent sculpteurs, dont les frères Coustou, Coysevox, Flamen, Frémin, Mazière, Poultier et Vassé. Les divers épisodes de la Passion du Christ, sculptés aux écoinçons et aux piliers du sanctuaire et de la nef, constituent un des sommets de l’art versaillais, d’une subtilité de langage et d’une complexité de formes sans précédent. Ce cycle trouve un aboutissement au maître-autel réalisé en bronze doré par Van Clève, qui donna en antependium une vision bouleversante, mais d’une émotion retenue, de la Déploration du Christ mort, chef-d’œuvre dans l’art du relief. En grande partie disparu, le mobilier donnait à l’édifice un luxe conforme à la splendeur des proportions architecturales et au raffinement du décor peint et sculpté : outre les sept confessionnaux, la chaire à prêcher et les stalles, il comportait de nombreux tapis de la Savonnerie, certains tissés sous Louis XV seulement, des oratoires à l’usage du roi et des membres de sa famille, le grand prie-Dieu du roi, qui était disposé au milieu du chœur liturgique, mais aussi des ornements, des livres enluminés et des vases sacrés qui furent continuellement entretenus et renouvelés jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Élément notable de ce mobilier, le buffet d’orgue occupe un emplacement surprenant, qui témoigne de l’importance de la Musique de la Chapelle : situé devant la fenêtre ~ 11 ~
d’axe, qu’il occulte, il s’inscrit dans le prolongement du retable. Le buffet en bois doré, véritable chef-d’œuvre de menuiserie et de sculpture ornementale, fut conçu par le sculpteur Bertrand et réalisé par Degoullons et ses associés, Belan, Lalande, Legoupil et Taupin : cette équipe de sculpteurs ornemanistes réalisa notamment les deux figures de renommées engainées qui portent les armes de France, les deux admirables grands palmiers aux angles du buffet, d’où émergent des têtes d’anges, les quatre trophées d’instruments de musique et le relief du roi David, qui, situé en face de la tribune du Roi, joue un rôle majeur dans la symbolique générale du programme iconographique. Alexandre MARAL Conservateur en chef au château de Versailles ~ 12 ~
Cohérences Nous avons opté dans cet enregistrement pour deux principes dont il faut dire un mot. Le premier concerne les trompettes : à l ’embouchure moderne inventée dans les années 1960 et qui permet, moyennant la présence de trous sur le corps de l ’instrument, plus de précision et de sécurité aux instrumentistes, nous avons préféré, malgré la prise de risque qu’elle comporte, l ’embouchure ancienne, moins pour le choix de l ’authenticité que pour la clarté de son timbre, pour son phrasé et son articulation plus en phase avec celles des violons. Le second concerne les proportions, et par ricochet, les tempi. Le xviième siècle est le siècle qui s’affranchit de la notion sévère du tactus, qui invente le récitatif et la souplesse de son mouvement et voit naître la notion de liberté du mouvement (celle dont parle Monteverdi à propos de son Lamento della Ninfa, qui « va cantato a tempo dell ’affetto del animo, e non a quello della mano »). Pour autant, nous ne pensons pas qu’une œuvre comme le Te Deum était affectée par ces nouveaux principes. D’une part, parce que cette révolution concernait moins les musiques liées à la liturgie, par nature plus conservatrices, que les musiques profanes. D’autre part parce que, ~ 13 ~
d ’un point de vue pragmatique, les techniques de direction et les temps de répétition souvent extrêmement réduits pour la musique sacrée ne permettaient de variations de tempo et de recherche de caractère que dans le cadre d ’un tactus précis et relativement stable, tout au moins quand cela concernait des effectifs larges. Enfin, le manuscrit des Meslanges autographes de Charpentier indique clairement que, hormis deux pauses très précisément indiquées par le compositeur, la pulsation est continue : principe historique ici confirmé par l ’écriture qui enchaîne quasiment sans double barre ni transition la plupart des mouvements de l ’œuvre. Les caractères des mouvements, ainsi définis hors d ’une subjectivité de tempo, invitent à établir le tactus unique à partir du passage le plus lent (dans le Te Deum de Lully, le Te per orbem) et d ’en faire découler les autres mouvements, a proportio. Qu’on ne voit ici nul dogmatisme, nulle spéculation intellectuelle ou spleen du bâton lullyste. Nous croyons seulement que la contrainte de l ’homogénéité d ’une pulsation à l ’intérieur d ’une œuvre de ce type, outre qu’elle lui donne son élan général, clarifie son discours et garantit sa cohérence. L’exigence de son cadre strict devient une force motrice qui y révèle les véritables rapports de proportions et nous oblige parfois à revoir contrastes, dynamiques et expressivité, quitte à laisser de côté, notamment pour l ’œuvre de Charpentier, les reliquats d ’une tradition interprétative datant du xxème siècle. Vincent Dumestre Paris le 24 juillet 2013 ~ 14 ~
Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Te Deum, LWV.55 Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Te Deum, H.146 ****************************** Datant du Moyen Âge, le Te Deum est une hymne destinée à l’office des matines du dimanche et de certaines fêtes. Mais cette action de grâces trouva aussi sa place lors de circonstances festives et publiques sous le règne de Louis XIII et surtout celui de Louis XIV où il n’y avait point de victoire, d’événement touchant à la vie de la famille royale qui ne fussent célébrés dans toute la France par l’exécution de quelque Te Deum, qu’il soit simplement en plain-chant ou avec chœur et instruments. L’un de ces événements fut le retour à la santé de Louis XIV, victime d’un mal qui faillit lui coûter la vie et bouleverser la destinée du pays. En janvier 1686, les premiers symptômes apparurent sous la forme d’une hémorroïde empêchant Sa Majesté de monter à cheval, l’un de ses loisirs préférés. Daquin, premier médecin du roi, tenta alors plusieurs traitements à base de cataplasmes de plantes et d’essences. Ces soins n’ayant abouti à aucune amélioration, les médecins persistèrent en administrant des lavements de toutes sortes. Toujours en vain. L’abcès suppurait en permanence et éprouvait durement le roi qui devait se changer plusieurs fois par jour. Il fallait s’y résoudre, seule la chirurgie pouvait venir à bout d’une fistule de plus en plus encombrante et douloureuse. Le lundi 18 novembre à sept heures du matin commença la grande opération. Mme de Maintenon tenait la main droite du patient et Louvois la gauche. Le roi se montra d’un courage exemplaire, ne laissant ~ 15 ~
échapper pour toute plainte que des « Mon Dieu, mon Dieu ». Après encore quelques complications, la guérison fut acquise à la toute fin de l’année. Le bistouri qui avait fait des merveilles reçut le nom de « bistouri à la royale » et les chirurgiens furent largement récompensés. Suite à cette prodigieuse guérison, la France entière retentit de chants de réjouissances pendant plusieurs mois. À Paris, les meilleurs compositeurs du royaume sont présents : Lully, Lorenzani, Charpentier, Desmarest dans l’église des Pères de l’Oratoire du Louvre, Chaperon à la Sainte-Chapelle, Claude Oudot à l’église Saint-Hyppolite, Ludet chez les Augustins déchaussés. . . Dans les premiers jours de janvier 1687, la rue Saint-Honoré est en effervescence. Le 8, l’église des Feuillants magnifiquement décorée et illuminée accueille une foule immense venue entendre le Te Deum de Lully entonné par plus de cent cinquante musiciens. Le compositeur dirige lui-même son œuvre en marquant vigoureusement la mesure avec sa canne. C’est alors qu’il se donne un coup fatal sur le pied. Rongé par la gangrène, Lully succombera le 22 mars. Le 23 janvier, à l’église des Pères Jacobins réformés, la cérémonie est réglée par le décorateur et machiniste Carlo Vigarani pour un autre Te Deum , celui de Paolo Lorenzani, musicien romain arrivé en France en 1678, maître de musique de la reine. Le faste déployé éclipsa presque l’office des Feuillants et la composition de Lorenzani (aujourd’hui perdue) fut même jugée meilleure que celle de son compatriote. Enfin, le 8 février, c’est un Te Deum « à deux chœurs de musique » de Charpentier qui résonne dans l’église des Prêtres de l’Oratoire. Le Te Deum de Lully n’était pas nouveau. Il l’avait composé pour le baptême de son fils aîné Louis à Fontainebleau le 9 septembre 1677 et dont l’illustre parrain n’était autre ~ 16 ~
que Louis XIV. Le motet enchanta la cour et le roi voulut l’entendre plusieurs fois. Il fut repris deux ans plus tard toujours à Fontainebleau pour le mariage par procuration de Marie-Thérèse d’Orléans, nièce de Louis XIV et de Charles II d’Espagne, avec autant de succès, et encore pour fêter la guérison du dauphin dans les derniers mois de 1680. Le Te Deum de Lully est le plus ancien conservé qui établit les composantes stylistiques et esthétiques d’un modèle suivi par tous les compositeurs jusqu’à la fin de l’Ancien Régime dans lequel l’utilisation brillante de trompettes et de timbales, les puissants chœurs homorythmiques étaient propres à traduire la gloire de Dieu et celle du Roi de France. Bien que l’on entendît aussi un Te Deum de Charpentier pour la guérison du monarque, celui présenté ici, le plus connu des quatre conservés dans ses manuscrits autographes, fut écrit quelques années plus tard pour célébrer l’une des dernières victoires de Louis XIV, peut-être la victoire de Steinkerque d’août 1692, alors que Charpentier était maître de musique de l’église Saint-Louis des Jésuites. Au xxème siècle, l’œuvre est devenue emblématique grâce à son prélude utilisé comme indicatif de l’Eurovision. Il semble a priori peu pertinent de comparer ces deux Te Deum composés à vingt-cinq ans d’intervalle au cours desquels l’écriture du grand motet a évolué, en particulier dans sa forme, continue chez Lully, découpée en numéros chez Charpentier. Néanmoins, en dehors de ces considérations chronologiques (il n’est qu’à se référer au premier Te Deum de Charpentier), les conceptions des deux maîtres diffèrent sur bien des points. Le premier concerne les effectifs. Lully utilise ceux en activité à la Chapelle Royale formés de cinq solistes formant aussi le petit chœur, un grand chœur et un orchestre à cinq parties dont les dessus sont parfois divisés. Chez Charpentier, le chœur et l’orchestre sont seulement à quatre parties, mais enrichis par une plus grande ~ 17 ~
caractérisation des couleurs instrumentales (flûtes, hautbois, bassons). Le second point concerne l’approche du texte, appréhendé dans sa globalité par Lully, réparti par Charpentier en onze sections possédant chacune une forte identité et une unité dues aux effectifs requis, ainsi qu’une écriture spécifique où se succèdent de grands chœurs somptueusement orchestrés, des récits de solistes ou des petits ensembles aux formations variées (duo, trio ou quatuor), construction qui donne aussi à son œuvre une concision remarquable par rapport aux Te Deum de ses contemporains. Ces sections sont parfois séparées par une pause explicitement et précisément réclamée par le compositeur : « Suivez après un grand silence » avant « Dignare Domine » ou « Suivez après un peu de silence au dernier couplet » avant « In te Domine speravi ». Au sein d’une vaste architecture gouvernant la totalité de la pièce où les vingt-neuf versets s’enchaînent et dont les vastes modulations dans les tons voisins servent d’armature, Lully s’intéresse ensuite au détail, à la miniature, jouant sur la densité et les couleurs des effectifs dans une redistribution permanente des voix, du récit de soliste (principalement la basse) au petit chœur de solistes à deux, trois ou quatre voix, et au grand chœur. Le verset est souvent scindé en deux, la division repose la plupart du temps davantage sur une recherche de l’effet que sur l’expression, le premier stique étant confié au(x) solistes, le second au chœur mais ne reprenant pas l’énoncé du soliste afin d’exposer une idée musicale différente : « Te æternam patrem/ omnis terra veneratur », « Tibi omnes angeli / tibi cæli et universæ potestates ». . . Ce traitement quasiment minimaliste où les effets de contraste ne sont jamais appuyés répond à la « grande simplicité » et l’« éloquence courte et resserrée » prônée par Le Cerf de La Viéville lorsqu’il expose son idéal de la musique latine en France. ~ 18 ~
Lully manie tour à tour le langage propre à la tragédie lyrique et à l’église. Ainsi, « Aperusiti credentibus » chanté par la basse accompagnée de deux dessus instrumentaux dans le style des petits airs d’opéra ou le grand récit « Tu devicto » auxquels succèdent, quelques pages plus loin, le magnifique quatuor « Quos pretioso sanguine », puis le « Miserere nostri » pour un trio de voix d’hommes (haute-contre, taille, basse) où culmine une rare effusion produite par une mélodie très expressive sur un parcours modulant, puis qui concerte avec le grand chœur dont la fin reste suspendue à la dominante. De son côté, Charpentier s’attache aux différents affects du texte par un traitement thématique plus poussé (imitations, reprises), monnayant faste et intériorité, possédant « au suprême degré l’art de joindre aux paroles les tons les plus convenables » (Journal de Trévoux , novembre 1704). Si les trompettes et timbales du prélude reviennent dans le cours des deux Te Deum avec le même brio, soit pour accompagner les chœurs, soit comme symphonies autonomes, tandis que Lully s’en sert à des fins essentiellement musicales dégagées de toute dramaturgie, l’instrumentation revêt chez Charpentier une fonction éminemment dramatique dans le « Judex crederis » énoncé par la basse dont les interventions sont illustrées par les fanfares impétueuses du Jugement dernier. Une saisissante modulation en mineur nous introduit dans un univers différant totalement de ce qui précédait ; c’est la prière suppliante des pécheurs (« Te ergo quæsumus ») confiée à la voix de dessus séraphique accompagnée par deux flûtes. Dans l’ensemble, Charpentier use de grands chœurs homophoniques, excepté au dernier numéro « In te Domine speravi », objet d’une superbe fugue ; Lully opère au même endroit seulement quelques menus décalages entre les parties vocales au sein d’un concert entre petit et grand chœurs. Point commun toutefois entre les deux compositeurs, les ~ 19 ~
longues pédales sur « in æternum » contribuent à asseoir dans la plus grande majesté ce finale. Il est coutumier d’évoquer la rivalité entre Lully et Charpentier qui fut moins personnelle qu’institutionnelle (notamment à la Comédie-Française dont Lully voulait limiter les moyens musicaux pour régner seul à l’Académie royale de musique). Lully était beaucoup plus ombrageux de son compatriote Lorenzani, mieux placé à la cour et plus dangereux pour ce qu’il voulait pour lui seul, la consécration suprême et la reconnaissance absolue de son roi. C’est plutôt l’historiographie qui a construit la légende de la concurrence entre Lully et Charpentier, et souligné le paradoxe de la situation : l’un, d’origine italienne, révélant à l’art français son style et son essence ; l’autre, de souche française, insufflant à la musique de son pays l’émotion et la manière de composer apprises au contact des Italiens. Deux musiciens, deux pays, deux esthétiques, deux enjeux fondamentaux : l’un en sortit couvert de gloire, éclipsant l’autre et le vouant à une position subalterne imméritée. Catherine Cessac ~ 20 ~
© Christian Milet La Chapelle Royale du Château de Versailles
Vincent Dumestre © Jean-Baptiste Millot
© Ashraf Kessaissia Amel Brahim-Djelloul
© D.R. Aurore Bucher
© Senne Van Der Ven Reinoud Van Mechelen
© Raffay ZsÓfi Jeffrey Thompson
Benoît Arnould © Antoine Monfajon
© Geoffroy Lasne Le Poème Harmonique
© Kamila Buturla Capella Cracoviensis
FRA Music featured prominently at Versailles, where, from sunrise to sunset, it accompanied the important moments in court life: in the chapel and the opera house, at table and during the hunt, in the course of the famous fêtes, in the groves and the gardens, at Trianon, and so on. Philippe Beaussant of the Académie Française and Vincent Berthier de Lioncourt, co-founders of the Centre de Musique Baroque de Versailles, explain admirably the correspondences between the architecture of Versailles and its music. Indeed, Versailles took shape as Louis XIV organised first of all his grandes fêtes in the gardens, then various events in the courtyards and salons: there was an obvious interrelationship between the construction of the different buildings and the musical life of the court, with carousels and balls, religious music, petits and grands motets and organ works, plays, ballets and operas. Music gave Versailles its soul, its life, its rhythm. Which is why it was so important to preserve the memory of the music that was created for Versailles, which is now heard once more on a daily basis thanks to Château de Versailles Spectacles, which invests its enthusiasm in bringing back to life this sumptuous palace with the music that was heard there for more than a century, revealing to us its origin and its inspiration, as this series of recordings shows. Catherine Pégard President of the State Corporation of the Château, Museum and National Estate of Versailles, President of Château de Versailles Spectacles ~ 30 ~
Since September 2009, Château de Versailles Spectacles has scheduled concerts in the Royal Chapel throughout its music season. Programmes presented in collaboration with the Centre de Musique Baroque de Versailles feature alongside performances by prestigious French and international artists and ensembles. Cecilia Bartoli, Philippe Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux, Le Concert Spiritual (Hervé Niquet), Les Arts Florissants (William Christie), The English Baroque Soloists (John Eliot Gardiner), Les Pages et les Chantres (Olivier Schneebeli), Accentus chamber choir (Laurence Equilbey), Pygmalion (Raphaël Pichon), and Poème Harmonique (Vincent Dumestre), present masses, motets and oratorios, thus enabling sacred music to shine forth once more in all its splendour in the sanctuary at Versailles. More information : www.chateauversailles-spectacles.fr Château de Versailles Spectacles Château de Versailles ****** ****** Catherine Pégard, president Catherine Pégard, president Laurent Brunner, director Thierry Gausseron, general administrator Marc Blanc, technical director Béatrix Saule, director Graziella Vallée, administrator Olivier Josse, vp of external relations Sylvie Hamard, assisted by Pauline Gérard and chief operating officer coordinatror of the musical season Jean-Paul Gousset, technical director within Catherine Clément, production manager the conservation Department of the Palace Fanny Collard, communication manager Pierre Ollivier, front of house manager Marie Stawiarski, front of house assistant ~ 31 ~
The Royal Chapel at Versailles ****************************** Having finally settled at Versailles, which became the official seat of power in 1682, Louis XIV, as Roi Très-chrétien, wished a chapel to be built as a focal point of his royal residence, a public place of worship where he and members of the royal family could hear daily mass. Its creation was announced in 1682 and building began two years later; however, it took longer than expected, continuing until 1710, thus obliging the king and his court to use a temporary chapel on the first floor, on the site of the present Hercules Salon. In 1678, before commissioning a new organ for his chapel at Versailles, Louis XIV decided to establish a competition, following the death of his organist Joseph Chabanceau de La Barre, to choose four organists to replace him, each taking a quarter of the year’s work. Those chosen were Jacques Thomelin (January–March), Jean-Baptiste Buterne (April–June), Guillaume-Gabriel Nivers (July–September) and Nicolas Lebègue (October–December). The latter, whose qualities as a virtuoso the king particularly appreciated, retained his position at court until his death in 1702, and thus came into contact with the great François Couperin, who in 1693 was appointed to the January quarter. But he did not play the organ commissioned in 1679, for the simple reason that it was never completed; he played a much more modest instrument that was in use from 1682 until 1710. ~ 32 ~
After plans for a domed chapel in the middle of the south wing of the château had been abandoned, work on the building of the final chapel began in 1687. It was the most successful and the costliest project undertaken at Versailles, and the one that took the longest to complete. Since it was finished late in the reign of Louis XIV, it may be seen in a manner of speaking as the king’s religious testament. At first the king’s architect, Jules Hardouin-Mansart, proposed a relatively low edifice. From 1689, with construction work already under way, its height was increased considerably. The logic of this process brought about a major change in the aesthetics of the building: the first-floor peristyle was designed, making the chapel lighter and at the same time giving it greater solidity; the colonnade with architrave revived the style of the basilicas of the early Church. The exterior of the chapel, with its flying buttresses and its very high upper ridge, surmounted by a lantern (removed in 1765), recalled Louis XIV’s ancestor, patron saint and model, St Louis (to whom the chapel at Versailles was dedicated) and his palace chapel in Paris, the Sainte-Chapelle. The unique and very bold combination of those two influences, ancient and medieval, became a reference for eighteenth-century architects and theorists. After being halted for almost ten years, building was resumed in 1699, when Hardouin-Mansart was appointed Superintendent of royal buildings. He worked on the Royal Chapel until his death in 1708, at which time his brother-in-law, Robert de Cotte, replaced him and took it to completion. ~ 33 ~
Work on decorating the vault began in 1708. Charles de La Fosse’s Resurrection of Christ is painted on the half-dome of the apse, above the main altar, while the dominant work in the chapel, Antoine Coypel’s God the Father in Glory covers the whole of the ceiling on the semi-circular barrel vault over the nave. Completing the representation of the Trinity is Jean Jouvenet’s Pentecost, or Descent of the Holy Spirit, at the west end of the chapel, a choice of theme particularly appropriate to that position: the white dove of the Holy Spirit is directly above not only the Virgin Mary, the apostles and the ‘devout men out of every nation under heaven’ (Acts 2:5), but also the royal tribune – we remember that the divine right of kings applied in French monarchy. Sculpture covered almost all the walls of the edifice. A team of over a hundred sculptors was employed, including the brothers Nicolas and Guillaume Coustou, Antoine Coysevox, Anselme Flamen, René Frémin, Simon Mazière, Jean-Baptiste Poultier and Antoine François Vassé. The various episodes in the Passion of Christ, carved on the spandrels and pillars of the sanctuary and the nave, are among the finest artistic achievements at Versailles, unprecedented in the subtlety of their language and the complexity of their forms. The Passion narrative culminates in the high altar, with its assemblage of coloured marbles, and gilded stone, copper and bronze, by Corneille Van Clève; his gilt-bronze Lamentation on the altar frontal is moving, yet restrained, a masterpiece in the art of low relief. Most of the ornate liturgical furniture, which must have been in keeping with the splendour of the architecture and the refinement of the paintings and sculptures, has disappeared. Besides the seven confessionals, the pulpit and the stalls, it included ~ 34 ~
many carpets from the Savonnerie workshops, some of them dating from the reign of Louis XV, oratories for the use of the king and his family, and the king’s prie-dieu, which was set not far from the altar, as well as ornaments, illuminated books and sacred vessels, which were constantly looked after and renewed until the end of the Ancien Régime. A notable feature of the liturgical furniture is the organ case. The organ, surprisingly, is situated directly above the high altar, forming a continuation of the altarpiece – a position showing the prominence of music in the Royal Chapel – and from inside it blocks the east clerestory window. The gilded-wood case, a masterpiece of carpentry and ornamental sculpture, was designed by the sculptor Philippe Bertrand, who made the models, and was executed by Jules Degoullons and his associates, Marin Belan, Robert de Lalande, André Legoupil and Pierre Taupin: this team of ornamentists and sculptors carved the slender Victories bearing the royal coat of arms, the tall palms at the corners, from which emerge the heads of angels, the four trophies composed of musical instruments, and the relief of King David that faces the royal tribune and plays a major role, as a depiction of Louis XIV’s Old Testament royal predecessor, in the general iconographic symbolism. Alexandre Maral Chief Curator of the Château of Versailles Translation: Mary Pardoe ~ 35 ~
Being consistent The two principles adopted for this recording need to be addressed briefly. The first one regards trumpets: instead of the modern mouthpiece invented in the 1960s – which allows for better precision and safety for the players, thanks to holes in the body of the instrument – we chose the old mouthpiece, however risky. This choice was less a matter of seeking authenticity than a concern for timbre clarity, phrasing, and for an articulation more respectful of the violins’. The second principle involves proportions, and consequently, tempi. The 17th century was the time of emancipation from the strict notion of the tactus, of the invention of the recitative and its flexible movement – which is precisely what Monteverdi alludes to regarding his Lamento della Ninfa, which goes “cantato a tempo dell ’affetto del animo, e non a quella della mano”. However, we do not believe that a work like the Te Deum would have been affected by such new principles. On the one hand, because that revolution touched liturgy-related music pieces – more conservative by nature – less than secular ones. On the other hand, this decision was made matter-of-factly, because conduction techniques and rehearsal time spans, often extremely short for sacred music, only ~ 36 ~
allowed for tempo variations or the seeking of character within the frame of a precise, relatively stable tactus – at least when large numbers of musicians were involved. Lastly, the manuscript of Charpentier’s autographic Meslanges clearly indicates that, aside from two very precisely indicated pauses, the beat is continuous: a historical principle here confirmed by a writing that has most of the work’s movements follow one another almost without bar lines or transitions. The character of the movements, thus defined outside the subjective realm of tempo, calls for the establishment of one single form of tactus from the slowest passage (in Lully’s Te Deum, the Te per orbem), letting the other movements derive from it, a proportio. Our choice should not be taken as a form of dogmatism, intellectual speculation or nostalgia for the Lullist cane. We simply thing that the constraint of a homogeneous beat within a work such as this, besides giving it its general impulse, can also make its discourse clearer, securing its consistency. The demand for a strict frame thus becomes a driving force that reveals the actual proportion relationships of the work, sometimes forcing us to revisit contrasts, dynamics and expressivity, at the expense of casting aside, notably in the case of Charpentier’s work, the remnants of an interpretive tradition dating from the 20th century. Vincent Dumestre - Paris, July 24th 2013 Translation : Vanina Géré ~ 37 ~
Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Te Deum, LWV.55 Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Te Deum, H.146 ****************************** Dating back to the Middle Ages, the Te Deum is a hymn destined to Sunday matins church service and specific festivities. However, this type of thanksgiving came to find its place during festive and public circumstances under the reign of Louis XIII - most notably, that of Louis XIV. With the latter, no victory or event linked to royal family life went without a celebration throughout all France, with the performance of a few Te Deum, in plainsong or with chorus and instruments. Among such events was the recovery of Louis XIV, who had been suffering from an almost fatal disease that could have upset the country’s fate drastically. In January 1686, its first symptoms appeared as hemorrhoids preventing His Majesty from riding a horse, one of his favorite pastimes. Daquin, head physician to the king, tried several treatments including plant and essence cataplasms. These remedies yielding no improvement, doctors went on administering enemas of all kinds – still to no avail. The abscess suppurated constantly, a severe trial for the king, who had to change clothes several times a day. It appeared there was no escaping surgery – the only solution to overcome an increasingly cumbersome, painful fistula. On Monday the 18th of November at seven o’clock in the morning, the great operation began. Mme de Maintenon was holding the patient’s right hand, and Louvois the left one. The king showed exemplary courage, uttering no other groans than “My God, ~ 38 ~
my God.” After several additional complications, healing was assured at the very end of the year. The name of “bistouri à la royale ” [lancet in the royal manner] was bestowed upon the lancet that had worked wonders; the surgeons were generously rewarded. Following the prodigious recovery, songs of rejoicing sounded throughout all France during several months. The best composers of the kingdom were present in Paris: Lully, Lorenzani, Charpentier and Desmarets at the church Pères de l’Oratoire in the Louvre; Chaperon at the Sainte Chapelle; Claude Oudot at the church Saint-Hyppolite; Ludet at the Augustins déchaussés… During the first days of January 1687, the rue Saint-Honoré was ebullient. On the 8th, at the Feuillants church, magnificently adorned and lit, a huge crowd attended as over a hundred and fifty musicians struck up Lully’s Te Deum . The composer conducted the performance himself, vigorously beating time with his cane. It was then that he fatally struck his own foot. Devoured by gangrene, Lully succumbed on March 22nd. On January 23rd, at the church of the Pères Jacobins réformés, the ceremony was managed by the decorator and stage setter Carlo Vigarini for another Te Deum, Paolo Lorenzani’s. The Roman musician had arrived in France in 1678, and was the queen’s music teacher. The display of splendor actually came close to outshining the Feuillants church service, and Lorenzani’s composition (now lost) was deemed even better than that of his fellow countryman. Eventually, on February 8th, Charpentier’s Te Deum “with two music choruses” was played at the church Prêtres de l’Oratoire. Lully’s Te Deum was not new. He had composed it for the baptism of his oldest son, Louis, in Fontainebleau on September 1677 – the prestigious godfather being no ~ 39 ~
other than Louis XIV. The court had been delighted by the motet, and the king asked to hear it several times. The piece was taken up two years later, again in Fontainebleau, for the proxy wedding of Marie-Thérèse d’Orléans, Louis XIV’s niece, and Charles II of Spain. The piece was an even greater success, and was performed once more to celebrate the heir’s recovery in the last months of 1680. Lully’s Te Deum is the oldest one ever preserved that establishes the stylistic and aesthetic components of a model followed by all composers until the end of the Ancien Régime, in which the vivid use of trumpets, kettledrums and powerful homorhythmic choruses were deemed appropriate to render the glory of God and of the king of France. Although Charpentier’s Te Deum was also performed on the occasion of the monarch’s recovery, the one presented here, the most famous of the four Te Deum that have reached us through the composer’s autographic manuscripts, was written a few years later, to celebrate one of Louis XIV’s last military victories, perhaps at Steinkerque in August 1692, while Charpentier was music teacher at the church Saint-Louis des Jésuites. In the 20th century, the piece became a classic, its prelude serving as the Eurovision theme. At first, it may seem irrelevant to compare the two Te Deum, composed in an interval of twenty-five years, during which the writing of the great motet underwent a transformation, specifically form-wise – continuous in Lully’s case, fragmented in Charpentier’s. Nonetheless, beyond those chronological considerations – one simply need think of Charpentier’s first Te Deum – the two masters’ conceptions differ on many points – the first point in case being the number of musicians. Indeed, Lully resorted to musicians who were active at the Chapelle royale – including five soloists who also made up the small chorus – a great chorus, and a five-part orchestra, with ~ 40 ~
sometimes-divided trebles. With Charpentier, the chorus and the orchestra only have four parts, albeit enriched by a great characterization of instrumental colors (flutes, oboes, bassoons). The second point concerns the approach to text, considered as a whole by Lully, while Charpentier distributes it into eleven sections, each one characterized by a strong identity and unity commanded by the required number of musicians, as well as a specific writing form involving a succession of sumptuously organized great choruses, solos or small ensembles with varied formations (duo, trio, or quatuor) – a construction which also makes the work remarkably concise in comparison to other Te Deum by Charpentier’s contemporaries. Sections may be separated by a pause, at the composer’s explicit and precise request, as follows: “Proceed after a long silence” before “Dignare Domine,” or “Proceed after a short silence at the last verse” before “In te Domine speravi.” Within a wide structure ruling the whole piece in which the twenty-nine verses follow one another, framed by expansive modulations in neighboring tones, Lully is interested in detail and minuteness, exploiting the density and colors of the range of musicians and instruments, constantly redistributing voices, from solos (mainly bass) to the small soloist chorus with two, three or four voices, and the great chorus. Verses are often split in two – a division that most of the time is more the result of effect seeking than expression. The first poetic line is given to the soloist(s), the second one to the chorus – who does not taking up the soloist’s part, however, in order to introduce a different musical idea: “Te aeternam patrem/omnis terra neneratur,” “Tibi omnes angeli/tibi caeli et universae potestates…”. Such eminently minimalist treatment, with contrasting effects never underlined, derives from the “great simplicity” and the “short, concise eloquence” advocated by Le Cerf de la Viéville as he ~ 41 ~
presented his ideal of Latin music in France. Lully alternates between the language of lyric tragedy and church music. Thus, “Aperusiti credentibus” – sung by the bass, accompanied by two instrumental trebles in the style of short opera arias – or the great solo “Tu devicto,” are followed by the magnificent quatuor “Quos pretioso sanguine” a few pages later. Then comes the “Miserere nostri,” a trio of male voices (countertenor, tenor, bass), a particularly rare demonstrative climax produced by a very expressive melody running on a modulating course, which then merges with the great chorus, the end of which is suspended on the dominant. Charpentier, as for himself, develops the various affects of the text via a more thorough theme-oriented treatment - imitations, reprises – juggling pomp and interiority, mastering “the art of giving lyrics the best-suited tones in the highest degree” (Journal de Trévoux, November 1704). While trumpets and kettledrums are used throughout both Te Deum with the same brio – whether as accompaniment to choruses or autonomous symphonies – and as Lully uses them for essentially musical purposes unconcerned with any form of dramatic art, with Charpentier, instrumentation is endowed with an eminently dramatic function in “Judex crederis,” uttered by the bass, whose interventions are illustrated by the fiery trumpets of Judgment Day. A striking modulation in minor introduces us to a completely different realm than the preceding one – enter the imploring prayer of sinners (“Te ergo quaesumus”), entrusted to the seraphic treble voice, accompanied by two flutes. For the most part, Charpentier uses great homophonic choruses, except in the last part, “In te Domine speravi,” which comes out as a superb fugue. For the same part, Lully, on the contrary, enacts only a few minor gaps between the vocal parts, creating a dialogue between small and great ~ 42 ~
choruses. However the two composers share the use of long pedals on “in aeternum” – establishing the finale all the more grandly. The rivalry between Lully and Charpentier is a common trope; it was in fact less personal than institutional – namely at the Comédie-Française, of which Lully wanted to reduce the musical means, so that he would remain the sole master of the royal academy of music). Lully was actually a lot more guarded against Lorenzani, his fellow countryman, who had a better position in court and was more dangerous regarding what Lully wanted for himself alone – utmost consecration, and absolute recognition from the king. Instead, the legend of the competition between Lully and Charpentier is rather a matter of historiography, which has underlined the paradoxical aspect of their respective situations. The former was indeed a musician of Italian origin who gave French art its style and essence; the latter, of French extraction, instilled the emotion and composition manners he had learnt through his exchanges with Italians composers, to the music of his own country. This is a story of two musicians, two countries, two aesthetics, and two crucial stakes – one composer coming out covered in glory, overshadowing and casting the other into an unjust secondary position. Catherine Cessac Translation: Vanina Géré ~ 43 ~
Te Deum ****************************** Te Deum laudamus, te Dominum confitemur. Te aeternum Patrem, omnis terra veneratur. Tibi omnes angeli, tibi caeli et universae potestates, tibi cherubim et seraphim, incessabili voce proclamant : « Sanctus, Sanctus, Sanctus Dominus Deus Sabaoth. Pleni sunt caeli et terra maiestatis gloriae tuae. » Te gloriosus Apostolorum chorus, te prophetarum laudabilis numerus, te martyrum candidatus laudat exercitus. Te per orbem terrarum sancta confitetur Ecclesia, Patrem immensae majestatis; venerandum tuum verum et unicum Filium ; Sanctum quoque Paraclitum Spiritum. ~ 44 ~
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