5 TE DEUM La Chapelle Royale du Château de Versailles

 
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La Chapelle Royale du Château de Versailles

              TE DEUM
  Jean-Baptiste Lully ~ Marc-Antoine Charpentier

            Le Poème Harmonique
             Capella Cracoviensis
              Vincent Dumestre

               Collection Versailles
                    Alpha 952
TE DEUM
                ******************************

Marc-Antoine CHARPENTIER - H.146

1 Prélude							                                                  1’20
2 Te Deum laudamus						                                          1’01
3 Te aeternum Patrem						                                        4’08
4 Te per orbem terrarum						                                     4’15
5 Tu devicto mortis aculeo					                                   1’12
6 Te ergo quaesumus, famulis tuis subveni			                      2’13
7 Aeterna fac cum sanctis tuis					                               2’15
8 Dignare Domine / Fiat misericordia				                          3’59
9 In te, Domine speravi						                                     2’12

                   Retrouvez les textes chantés en cliquant ICI
                    You can find the lyrics if you click HERE

                                      ~2~
Jean-Baptiste LULLY - LWV.55

10 Te Deum laudamus						                       2’57
11 Tibi omnes angeli						                      1’15
12 Pleni sunt caeli et terra					               3’18
13 Patrem immensae majestatis					              3’52
14 Tu rex gloriae, Christe					                 2’59
15 Tu ad dexteram Dei sedes					                1’15
16 Te ergo quaesumus, famulis tuis subveni			   3’30
17 Salvum fac populum tuum, Domine				          4’45
18 Dignare Domine die isto					                 6’47
19 In te Domine speravi					                    2’04

                               ~3~
LE POÈME HARMONIQUE
                          Vincent Dumestre, direction

                                     SOLISTES
                         Amel Brahim-djelloul, dessus
                             Aurore Bucher, dessus
                      Reinoud Van Mechelen, haute contre
                            Jeffrey Thompson, taille
                             Benoît Arnould, basse

                                      CHŒUR
                              Capella Cracoviensis
                          Jan Tomasz Adamus, direction

Michalina Bienkiewicz, Ilona Fijał-Zając, Jolanta Kowalska, Magdalena Łukawska,
          Sylwia Olszyńska, Antonina Ruda, Katarzyna Wajrak, dessus
  Anna Bober, Łukasz Dulewicz, Dorota Dwojak-Tlałka, Katarzyna Freiwald,
               Helena Poczykowska*, Magda Niedbała, haute contre
Maciej Gocman*, Szczepan Kosior, Karol Kusz, Krzysztof Mroziński, Mariusz Solarz,
                               Piotr Szewczyk, ténor
        Dawid Chwistek, Marek Opaska, Piotr Kumon, Sebastian Szumski*,
                          Piotr Zawistowski, basse taille
        Piotr Brajner, Michał Dembiński, Wojciech Góra, Rafał Żur, basse

                  * solistes du petit chœur pour le Te Deum de Lully
                                          ~4~
ORCHESTRE
 Gilone Gaubert-Jacques, Leonor de Recondo, Yuki Koike, Bénédicte Pernet,
        Shiho Ono, Catherine Ambach, Fiona Poupard, dessus de violon
Jorlen Vega, Justin Glorieux, Samantha Montgomery, hautes-contre de violon
        Françoise Rojat, Alain Pégeot, Joan Herrero, tailles de violon
               Lucas Peres**, Mathilde Vialle, violes de gambe
         Thomas de Pierrefeu**, Tormod Dalen, Marjolaine Cambon,
                       Pauline Buet, basses de violon
            Béatrice Delpierre, Sophie Rebreyend, flûtes, hautbois
   Mélanie Flahaut, Stéphane Tamby, Krysztof Lewandowski, flûte, basson
               Jean-François Madeuf, Joël Lahens, trompettes
                         François Garnier, timbales
                          Frédéric Rivoal**, orgue

                 Andrzej Zawisza, préparation du chœur
                Marouan Mankar-Bennis, assistant musical

                               ** continuo

                                     ~5~
Enregistré le 25 mars 2013
              à la Chapelle Royale du Château de Versailles

          Prise de son, montage & mastering : Frédéric Briant
                 Direction Artistique : Aline Blondiau
                Direction de production : Julien Dubois
                         Edition : Pauline Pujol
                Graphisme, illustration : Gaëlle Löchner
                     Typographie : Sarah Lazarevic

       Le Poème Harmonique est soutenu par le Ministère de la Culture
 (DRAC Haute-Normandie), la Région Haute-Normandie et la Ville de Rouen.
Mécénat Musical Société Générale est le mécène principal du Poème Harmonique .
 Le Poème Harmonique est en résidence à l ’Opéra de Rouen Haute-Normandie.
        Pour ses répétitions, le Poème Harmonique est en résidence à la
                          Fondation Singer-Polignac.

                                      ~6~
ENG
     À Versailles, la musique résonnait à tout instant et en tout lieu.
Du lever au coucher du soleil, elle accompagnait les grands moments de la vie de la Cour,
à la Chapelle, à l ’Opéra, lors des soupers et des chasses, bien entendu pour les fêtes, dans
                       les bosquets et les jardins, à Trianon aussi...

Il faut écouter Philippe Beaussant de l’Académie française qui, avec Vincent Berthier
de Lioncourt, furent les fondateurs du Centre de Musique Baroque de Versailles,
lorsqu’ils nous expliquent l’évidente connexion entre l’architecture de Versailles et sa
musique. Versailles se modèle en effet à mesure que Louis XIV y invite d’abord dans
les jardins, puis dans les cours et les salons, créant une flagrante réciprocité entre la
construction des bâtiments et la vie musicale, lorsque sont organisés les carrousels et
bals, mais aussi quand s’élèvent la musique religieuse, la musique d’orgue, les petits et
les grands motets et que nous transportent théâtre, ballets et opéras…

C’est la musique qui donne à Versailles son âme, sa vie, sa respiration. C’est pourquoi
il est apparu si essentiel de conserver la mémoire des « musiques retrouvées de
Versailles ». Cette musique reprend sa place tous les jours aujourd’hui, grâce à
Château de Versailles Spectacles dont la passion fait revivre ce palais somptueux avec
ce qui l’a animé pendant plus d’un siècle et nous en révèle l’origine et l’inspiration.
Cette collection d’enregistrements en est le témoignage.

                                     Catherine Pégard
                    Présidente de l ’Etablissement public du château,
                     du musée et du domaine national de Versailles,
                      Présidente de Château de Versailles Spectacles

                                              ~7~
Depuis septembre 2009, Château de Versailles Spectacles propose tout au long de
sa saison musicale une programmation à la Chapelle Royale. L’accueil de concerts
coréalisés avec le Centre de Musique baroque de Versailles côtoie la présentation de
programmes d’ensembles et d’artistes français et internationaux prestigieux. Cécilia
Bartoli, Philippe Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux, Le Concert Spirituel dirigé par
Hervé Niquet, Les Arts Florissants dirigés par William Christie, The English Baroque
Soloists dirigés par John Eliot Gardiner, Les Pages et les Chantres dirigés par Olivier
Schneebeli, le chœur Accentus dirigé par Laurence Equilbey, l’ensemble Pygmalion
dirigé par Raphaël Pichon, ou encore le Poème Harmonique dirigé par Vincent
Dumestre, donnent à entendre Messes, Motets et Oratorios qui font à nouveau
resplendir la musique sacrée dans le Saint des Saints de Versailles.

               Plus d ’informations : www.chateauversailles-spectacles.fr

         Château de Versailles Spectacles                          Château de Versailles
                       ******                                               ******
           Catherine Pégard, présidente                         Catherine Pégard, présidente
            Laurent Brunner, directeur                   Thierry Gausseron, administrateur général
         Marc Blanc, directeur technique                           Béatrix Saule, directrice
        Graziella Vallée, administratrice                   Olivier Josse, directeur des relations
    Sylvie Hamard, assistée de Pauline Gérard                             extérieures
        coordinatrice de la saison musicale                    Jean-Paul Gousset, responsable,
    Catherine Clément, chargée de production              au sein de la conservation du musée, de la
Fanny Collard, responsable de la communication              direction technique de l ’Opéra Royal
Pierre Ollivier, responsable de l ’accueil des publics
Marie Stawiarski, assistante à l ’accueil des publics

                                                   ~8~
La Chapelle Royale de Versailles
                        ******************************
En tant que roi très chrétien, Louis XIV eut à cœur d’édifier dans la résidence
royale de Versailles, devenue en 1682 le siège officiel du pouvoir, une chapelle
particulièrement visible, lieu public de sa dévotion. Il en annonça la réalisation dès
1682 et, deux ans plus tard, en entreprit le chantier. Plus long que prévu, ce dernier
s’étendit jusqu’en 1710, si bien que le roi et sa cour furent contraints de se contenter
d’une chapelle provisoire, située à l’emplacement où se trouve aujourd’hui, au premier
étage, le salon d’Hercule.

En 1678, avant de commander la réalisation d’un nouvel orgue pour sa Chapelle
de Versailles, Louis XIV décida d’instituer un concours et remplacer ainsi l’unique
titulaire de sa Chapelle, Chabanceau de La Barre, par quatre organistes servant chacun
par quartier (ou trimestre) : Thomelin fut nommé au quartier de janvier, Buterne
à celui d’avril, Nivers à celui de juillet, tandis que Lebègue reçut celui d’octobre.
Virtuose particulièrement apprécié du roi, Lebègue resta en charge à la cour jusqu’à
sa mort en 1702. Il côtoya ainsi le grand Couperin, nommé au quartier de janvier en
1693. En revanche, il ne connut pas l’orgue commandé en 1679, jamais achevé, mais
un instrument beaucoup plus modeste, en usage de 1682 à 1710.

Après l’abandon d’un projet de chapelle de plan centré sous dôme au milieu de l’aile
du Midi, l’édifice définitif fut entrepris en 1687 : il représente le projet le plus abouti,

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le chantier le plus long et l’une des réalisations les plus coûteuses du chantier de
Versailles. Son caractère tardif en fait une sorte de testament religieux du monarque.

Dans un premier temps, son architecte Hardouin-Mansart proposa un édifice
assez bas. À partir de 1689, alors que sa construction était entreprise, l’édifice
fut considérablement accru en hauteur. C’est dans la logique de ce processus
d’exhaussement que fut conçu le péristyle du premier étage, qui permettait à la fois
plus de légèreté et de solidité : un bouleversement esthétique majeur, la colonnade
sous architrave renouant avec le style des basiliques de l’Église primitive. À l’extérieur,
avec ses arcs-boutants et son comble particulièrement élevé, sommé d’un lanternon
qui fut abattu en 1765, la silhouette de la chapelle devait rendre hommage à la
Sainte-Chapelle du Palais, modèle architectural légué par le saint patron et l’ancêtre
de Louis XIV, à qui la Chapelle de Versailles fut dédiée. La combinaison inédite et
audacieuse de ces deux influences, antique et médiévale, constitua une référence pour
les théoriciens et les architectes du xviiie siècle.

Après une interruption de près de dix années, le chantier reprit en 1699, au moment
où Hardouin-Mansart fut nommé surintendant des Bâtiments du roi : la Chapelle de
Versailles fut le dernier chantier de cet illustre architecte, qui, à sa mort en 1708,
laissa à son beau-frère Robert de Cotte le soin de le mener à terme.

La voûte fut ornée à partir de 1708. La Fosse y peignit La Résurrection au-dessus
de l’abside, tandis que Coypel réalisa dans la partie centrale un Dieu le Père dans sa
gloire , faisant irruption de manière saisissante dans l’espace de la Chapelle. Au-dessus
de la tribune du Roi, La Descente du Saint-Esprit fut confiée à Jouvenet : tout en

                                            ~ 10 ~
complétant la vision trinitaire, le choix du thème était particulièrement heureux à cet
emplacement, l’effusion des dons du Saint-Esprit profitant autant au Roi, souverain
revêtu de l’onction du sacre, qu’à la Vierge, aux apôtres et aux disciples fondateurs de
l’Église.

Le programme sculpté ne fut pas en reste et couvrit pratiquement toutes les parois
de l’édifice. Sa réalisation fut confiée à une équipe de plus de cent sculpteurs, dont
les frères Coustou, Coysevox, Flamen, Frémin, Mazière, Poultier et Vassé. Les divers
épisodes de la Passion du Christ, sculptés aux écoinçons et aux piliers du sanctuaire
et de la nef, constituent un des sommets de l’art versaillais, d’une subtilité de langage
et d’une complexité de formes sans précédent. Ce cycle trouve un aboutissement au
maître-autel réalisé en bronze doré par Van Clève, qui donna en antependium une
vision bouleversante, mais d’une émotion retenue, de la Déploration du Christ mort,
chef-d’œuvre dans l’art du relief.

En grande partie disparu, le mobilier donnait à l’édifice un luxe conforme à la
splendeur des proportions architecturales et au raffinement du décor peint et
sculpté : outre les sept confessionnaux, la chaire à prêcher et les stalles, il comportait
de nombreux tapis de la Savonnerie, certains tissés sous Louis XV seulement, des
oratoires à l’usage du roi et des membres de sa famille, le grand prie-Dieu du roi,
qui était disposé au milieu du chœur liturgique, mais aussi des ornements, des livres
enluminés et des vases sacrés qui furent continuellement entretenus et renouvelés
jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Élément notable de ce mobilier, le buffet d’orgue occupe un emplacement surprenant,
qui témoigne de l’importance de la Musique de la Chapelle : situé devant la fenêtre

                                            ~ 11 ~
d’axe, qu’il occulte, il s’inscrit dans le prolongement du retable. Le buffet en bois
doré, véritable chef-d’œuvre de menuiserie et de sculpture ornementale, fut conçu
par le sculpteur Bertrand et réalisé par Degoullons et ses associés, Belan, Lalande,
Legoupil et Taupin : cette équipe de sculpteurs ornemanistes réalisa notamment
les deux figures de renommées engainées qui portent les armes de France, les deux
admirables grands palmiers aux angles du buffet, d’où émergent des têtes d’anges, les
quatre trophées d’instruments de musique et le relief du roi David, qui, situé en face
de la tribune du Roi, joue un rôle majeur dans la symbolique générale du programme
iconographique.

                                                                    Alexandre MARAL
                                         Conservateur en chef au château de Versailles

                                         ~ 12 ~
Cohérences

Nous avons opté dans cet enregistrement pour deux principes dont il faut dire un mot.

Le premier concerne les trompettes : à l ’embouchure moderne inventée dans les années
1960 et qui permet, moyennant la présence de trous sur le corps de l ’instrument, plus
de précision et de sécurité aux instrumentistes, nous avons préféré, malgré la prise de
risque qu’elle comporte, l ’embouchure ancienne, moins pour le choix de l ’authenticité
que pour la clarté de son timbre, pour son phrasé et son articulation plus en phase avec
celles des violons.

Le second concerne les proportions, et par ricochet, les tempi. Le xviième siècle est le
siècle qui s’affranchit de la notion sévère du tactus, qui invente le récitatif et la
souplesse de son mouvement et voit naître la notion de liberté du mouvement (celle
dont parle Monteverdi à propos de son Lamento della Ninfa, qui « va cantato a tempo
dell ’affetto del animo, e non a quello della mano »). Pour autant, nous ne pensons
pas qu’une œuvre comme le Te Deum était affectée par ces nouveaux principes.
D’une part, parce que cette révolution concernait moins les musiques liées à la liturgie,
par nature plus conservatrices, que les musiques profanes. D’autre part parce que,

                                           ~ 13 ~
d ’un point de vue pragmatique, les techniques de direction et les temps de répétition
souvent extrêmement réduits pour la musique sacrée ne permettaient de variations de
tempo et de recherche de caractère que dans le cadre d ’un tactus précis et relativement
stable, tout au moins quand cela concernait des effectifs larges. Enfin, le manuscrit des
Meslanges autographes de Charpentier indique clairement que, hormis deux pauses
très précisément indiquées par le compositeur, la pulsation est continue : principe
historique ici confirmé par l ’écriture qui enchaîne quasiment sans double barre ni
transition la plupart des mouvements de l ’œuvre. Les caractères des mouvements, ainsi
définis hors d ’une subjectivité de tempo, invitent à établir le tactus unique à partir du
passage le plus lent (dans le Te Deum de Lully, le Te per orbem) et d ’en faire découler
les autres mouvements, a proportio.

Qu’on ne voit ici nul dogmatisme, nulle spéculation intellectuelle ou spleen du bâton
lullyste. Nous croyons seulement que la contrainte de l ’homogénéité d ’une pulsation
à l ’intérieur d ’une œuvre de ce type, outre qu’elle lui donne son élan général, clarifie
son discours et garantit sa cohérence. L’exigence de son cadre strict devient une force
motrice qui y révèle les véritables rapports de proportions et nous oblige parfois à revoir
contrastes, dynamiques et expressivité, quitte à laisser de côté, notamment pour l ’œuvre
de Charpentier, les reliquats d ’une tradition interprétative datant du xxème siècle.

                                                                      Vincent Dumestre
                                                                   Paris le 24 juillet 2013

                                            ~ 14 ~
Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Te Deum, LWV.55
          Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Te Deum, H.146
                       ******************************
Datant du Moyen Âge, le Te Deum est une hymne destinée à l’office des matines du
dimanche et de certaines fêtes. Mais cette action de grâces trouva aussi sa place lors
de circonstances festives et publiques sous le règne de Louis XIII et surtout celui
de Louis XIV où il n’y avait point de victoire, d’événement touchant à la vie de la
famille royale qui ne fussent célébrés dans toute la France par l’exécution de quelque
Te Deum, qu’il soit simplement en plain-chant ou avec chœur et instruments.

L’un de ces événements fut le retour à la santé de Louis XIV, victime d’un mal qui
faillit lui coûter la vie et bouleverser la destinée du pays. En janvier 1686, les
premiers symptômes apparurent sous la forme d’une hémorroïde empêchant Sa
Majesté de monter à cheval, l’un de ses loisirs préférés. Daquin, premier médecin du
roi, tenta alors plusieurs traitements à base de cataplasmes de plantes et d’essences.
Ces soins n’ayant abouti à aucune amélioration, les médecins persistèrent en
administrant des lavements de toutes sortes. Toujours en vain. L’abcès suppurait en
permanence et éprouvait durement le roi qui devait se changer plusieurs fois par
jour. Il fallait s’y résoudre, seule la chirurgie pouvait venir à bout d’une fistule de
plus en plus encombrante et douloureuse. Le lundi 18 novembre à sept heures du
matin commença la grande opération. Mme de Maintenon tenait la main droite du
patient et Louvois la gauche. Le roi se montra d’un courage exemplaire, ne laissant

                                          ~ 15 ~
échapper pour toute plainte que des « Mon Dieu, mon Dieu ». Après encore quelques
complications, la guérison fut acquise à la toute fin de l’année. Le bistouri qui avait
fait des merveilles reçut le nom de « bistouri à la royale » et les chirurgiens furent
largement récompensés.

Suite à cette prodigieuse guérison, la France entière retentit de chants de réjouissances
pendant plusieurs mois. À Paris, les meilleurs compositeurs du royaume sont présents :
Lully, Lorenzani, Charpentier, Desmarest dans l’église des Pères de l’Oratoire du
Louvre, Chaperon à la Sainte-Chapelle, Claude Oudot à l’église Saint-Hyppolite,
Ludet chez les Augustins déchaussés. . . Dans les premiers jours de janvier 1687, la
rue Saint-Honoré est en effervescence. Le 8, l’église des Feuillants magnifiquement
décorée et illuminée accueille une foule immense venue entendre le Te Deum de
Lully entonné par plus de cent cinquante musiciens. Le compositeur dirige lui-même
son œuvre en marquant vigoureusement la mesure avec sa canne. C’est alors qu’il
se donne un coup fatal sur le pied. Rongé par la gangrène, Lully succombera le 22
mars. Le 23 janvier, à l’église des Pères Jacobins réformés, la cérémonie est réglée
par le décorateur et machiniste Carlo Vigarani pour un autre Te Deum , celui de Paolo
Lorenzani, musicien romain arrivé en France en 1678, maître de musique de la reine.
Le faste déployé éclipsa presque l’office des Feuillants et la composition de Lorenzani
(aujourd’hui perdue) fut même jugée meilleure que celle de son compatriote. Enfin, le
8 février, c’est un Te Deum « à deux chœurs de musique » de Charpentier qui résonne
dans l’église des Prêtres de l’Oratoire.

Le Te Deum de Lully n’était pas nouveau. Il l’avait composé pour le baptême de son fils
aîné Louis à Fontainebleau le 9 septembre 1677 et dont l’illustre parrain n’était autre

                                           ~ 16 ~
que Louis XIV. Le motet enchanta la cour et le roi voulut l’entendre plusieurs fois. Il fut
repris deux ans plus tard toujours à Fontainebleau pour le mariage par procuration
de Marie-Thérèse d’Orléans, nièce de Louis XIV et de Charles II d’Espagne, avec
autant de succès, et encore pour fêter la guérison du dauphin dans les derniers mois
de 1680. Le Te Deum de Lully est le plus ancien conservé qui établit les composantes
stylistiques et esthétiques d’un modèle suivi par tous les compositeurs jusqu’à la fin
de l’Ancien Régime dans lequel l’utilisation brillante de trompettes et de timbales,
les puissants chœurs homorythmiques étaient propres à traduire la gloire de Dieu et
celle du Roi de France. Bien que l’on entendît aussi un Te Deum de Charpentier pour
la guérison du monarque, celui présenté ici, le plus connu des quatre conservés dans
ses manuscrits autographes, fut écrit quelques années plus tard pour célébrer l’une
des dernières victoires de Louis XIV, peut-être la victoire de Steinkerque d’août 1692,
alors que Charpentier était maître de musique de l’église Saint-Louis des Jésuites.
Au xxème siècle, l’œuvre est devenue emblématique grâce à son prélude utilisé comme
indicatif de l’Eurovision.

Il semble a priori peu pertinent de comparer ces deux Te Deum composés à vingt-cinq
ans d’intervalle au cours desquels l’écriture du grand motet a évolué, en particulier
dans sa forme, continue chez Lully, découpée en numéros chez Charpentier.
Néanmoins, en dehors de ces considérations chronologiques (il n’est qu’à se référer
au premier Te Deum de Charpentier), les conceptions des deux maîtres diffèrent sur
bien des points. Le premier concerne les effectifs. Lully utilise ceux en activité à la
Chapelle Royale formés de cinq solistes formant aussi le petit chœur, un grand chœur
et un orchestre à cinq parties dont les dessus sont parfois divisés. Chez Charpentier, le
chœur et l’orchestre sont seulement à quatre parties, mais enrichis par une plus grande

                                            ~ 17 ~
caractérisation des couleurs instrumentales (flûtes, hautbois, bassons). Le second
point concerne l’approche du texte, appréhendé dans sa globalité par Lully, réparti
par Charpentier en onze sections possédant chacune une forte identité et une unité
dues aux effectifs requis, ainsi qu’une écriture spécifique où se succèdent de grands
chœurs somptueusement orchestrés, des récits de solistes ou des petits ensembles aux
formations variées (duo, trio ou quatuor), construction qui donne aussi à son œuvre
une concision remarquable par rapport aux Te Deum de ses contemporains. Ces
sections sont parfois séparées par une pause explicitement et précisément réclamée
par le compositeur : « Suivez après un grand silence » avant « Dignare Domine » ou
« Suivez après un peu de silence au dernier couplet » avant « In te Domine speravi ».

Au sein d’une vaste architecture gouvernant la totalité de la pièce où les vingt-neuf
versets s’enchaînent et dont les vastes modulations dans les tons voisins servent
d’armature, Lully s’intéresse ensuite au détail, à la miniature, jouant sur la densité
et les couleurs des effectifs dans une redistribution permanente des voix, du récit de
soliste (principalement la basse) au petit chœur de solistes à deux, trois ou quatre voix,
et au grand chœur. Le verset est souvent scindé en deux, la division repose la plupart
du temps davantage sur une recherche de l’effet que sur l’expression, le premier
stique étant confié au(x) solistes, le second au chœur mais ne reprenant pas l’énoncé
du soliste afin d’exposer une idée musicale différente : « Te æternam patrem/ omnis
terra veneratur », « Tibi omnes angeli / tibi cæli et universæ potestates ». . .

Ce traitement quasiment minimaliste où les effets de contraste ne sont jamais
appuyés répond à la « grande simplicité » et l’« éloquence courte et resserrée » prônée
par Le Cerf de La Viéville lorsqu’il expose son idéal de la musique latine en France.

                                           ~ 18 ~
Lully manie tour à tour le langage propre à la tragédie lyrique et à l’église.
Ainsi, « Aperusiti credentibus » chanté par la basse accompagnée de deux dessus
instrumentaux dans le style des petits airs d’opéra ou le grand récit « Tu devicto »
auxquels succèdent, quelques pages plus loin, le magnifique quatuor « Quos pretioso
sanguine », puis le « Miserere nostri » pour un trio de voix d’hommes (haute-contre,
taille, basse) où culmine une rare effusion produite par une mélodie très expressive
sur un parcours modulant, puis qui concerte avec le grand chœur dont la fin reste
suspendue à la dominante. De son côté, Charpentier s’attache aux différents affects
du texte par un traitement thématique plus poussé (imitations, reprises), monnayant
faste et intériorité, possédant « au suprême degré l’art de joindre aux paroles les tons
les plus convenables » (Journal de Trévoux , novembre 1704).

Si les trompettes et timbales du prélude reviennent dans le cours des deux Te Deum
avec le même brio, soit pour accompagner les chœurs, soit comme symphonies
autonomes, tandis que Lully s’en sert à des fins essentiellement musicales dégagées
de toute dramaturgie, l’instrumentation revêt chez Charpentier une fonction
éminemment dramatique dans le « Judex crederis » énoncé par la basse dont les
interventions sont illustrées par les fanfares impétueuses du Jugement dernier. Une
saisissante modulation en mineur nous introduit dans un univers différant totalement
de ce qui précédait ; c’est la prière suppliante des pécheurs (« Te ergo quæsumus »)
confiée à la voix de dessus séraphique accompagnée par deux flûtes. Dans l’ensemble,
Charpentier use de grands chœurs homophoniques, excepté au dernier numéro
« In te Domine speravi », objet d’une superbe fugue ; Lully opère au même endroit
seulement quelques menus décalages entre les parties vocales au sein d’un concert
entre petit et grand chœurs. Point commun toutefois entre les deux compositeurs, les

                                           ~ 19 ~
longues pédales sur « in æternum » contribuent à asseoir dans la plus grande majesté
ce finale.

Il est coutumier d’évoquer la rivalité entre Lully et Charpentier qui fut moins
personnelle qu’institutionnelle (notamment à la Comédie-Française dont Lully
voulait limiter les moyens musicaux pour régner seul à l’Académie royale de
musique). Lully était beaucoup plus ombrageux de son compatriote Lorenzani, mieux
placé à la cour et plus dangereux pour ce qu’il voulait pour lui seul, la consécration
suprême et la reconnaissance absolue de son roi. C’est plutôt l’historiographie qui
a construit la légende de la concurrence entre Lully et Charpentier, et souligné le
paradoxe de la situation : l’un, d’origine italienne, révélant à l’art français son style et
son essence ; l’autre, de souche française, insufflant à la musique de son pays l’émotion
et la manière de composer apprises au contact des Italiens. Deux musiciens, deux
pays, deux esthétiques, deux enjeux fondamentaux : l’un en sortit couvert de gloire,
éclipsant l’autre et le vouant à une position subalterne imméritée.

                                                                        Catherine Cessac

                                            ~ 20 ~
© Christian Milet
La Chapelle Royale du Château de Versailles
Vincent Dumestre

                   © Jean-Baptiste Millot
© Ashraf Kessaissia

Amel Brahim-Djelloul
© D.R.

Aurore Bucher
© Senne Van Der Ven
Reinoud Van Mechelen
© Raffay ZsÓfi
Jeffrey Thompson
Benoît Arnould
                 © Antoine Monfajon
© Geoffroy Lasne
Le Poème Harmonique
© Kamila Buturla
Capella Cracoviensis
FRA
                    Music featured prominently at Versailles,
 where, from sunrise to sunset, it accompanied the important moments in court life:
 in the chapel and the opera house, at table and during the hunt, in the course of the
          famous fêtes, in the groves and the gardens, at Trianon, and so on.

Philippe Beaussant of the Académie Française and Vincent Berthier de Lioncourt,
co-founders of the Centre de Musique Baroque de Versailles, explain admirably
the correspondences between the architecture of Versailles and its music. Indeed,
Versailles took shape as Louis XIV organised first of all his grandes fêtes in the
gardens, then various events in the courtyards and salons: there was an obvious
interrelationship between the construction of the different buildings and the musical
life of the court, with carousels and balls, religious music, petits and grands motets
and organ works, plays, ballets and operas.

Music gave Versailles its soul, its life, its rhythm. Which is why it was so important to
preserve the memory of the music that was created for Versailles, which is now heard
once more on a daily basis thanks to Château de Versailles Spectacles, which invests
its enthusiasm in bringing back to life this sumptuous palace with the music that was
heard there for more than a century, revealing to us its origin and its inspiration, as
this series of recordings shows.

                                  Catherine Pégard
                   President of the State Corporation of the Château,
                      Museum and National Estate of Versailles,
                     President of Château de Versailles Spectacles

                                           ~ 30 ~
Since September 2009, Château de Versailles Spectacles has scheduled concerts in the
Royal Chapel throughout its music season. Programmes presented in collaboration
with the Centre de Musique Baroque de Versailles feature alongside performances by
prestigious French and international artists and ensembles. Cecilia Bartoli, Philippe
Jaroussky, Marie-Nicole Lemieux, Le Concert Spiritual (Hervé Niquet), Les Arts
Florissants (William Christie), The English Baroque Soloists (John Eliot Gardiner),
Les Pages et les Chantres (Olivier Schneebeli), Accentus chamber choir (Laurence
Equilbey), Pygmalion (Raphaël Pichon), and Poème Harmonique (Vincent Dumestre),
present masses, motets and oratorios, thus enabling sacred music to shine forth once
more in all its splendour in the sanctuary at Versailles.

               More information : www.chateauversailles-spectacles.fr

    Château de Versailles Spectacles                         Château de Versailles
                ******                                              ******
          Catherine Pégard, president                       Catherine Pégard, president
           Laurent Brunner, director                 Thierry Gausseron, general administrator
         Marc Blanc, technical director                        Béatrix Saule, director
        Graziella Vallée, administrator                Olivier Josse, vp of external relations
   Sylvie Hamard, assisted by Pauline Gérard                 and chief operating officer
       coordinatror of the musical season           Jean-Paul Gousset, technical director within
    Catherine Clément, production manager            the conservation Department of the Palace
    Fanny Collard, communication manager
     Pierre Ollivier, front of house manager
    Marie Stawiarski, front of house assistant

                                                 ~ 31 ~
The Royal Chapel at Versailles
                        ******************************
Having finally settled at Versailles, which became the official seat of power in 1682,
Louis XIV, as Roi Très-chrétien, wished a chapel to be built as a focal point of his royal
residence, a public place of worship where he and members of the royal family could
hear daily mass. Its creation was announced in 1682 and building began two years
later; however, it took longer than expected, continuing until 1710, thus obliging
the king and his court to use a temporary chapel on the first floor, on the site of the
present Hercules Salon.

In 1678, before commissioning a new organ for his chapel at Versailles,
Louis XIV decided to establish a competition, following the death of his organist
Joseph Chabanceau de La Barre, to choose four organists to replace him, each taking
a quarter of the year’s work. Those chosen were Jacques Thomelin (January–March),
Jean-Baptiste Buterne (April–June), Guillaume-Gabriel Nivers (July–September)
and Nicolas Lebègue (October–December). The latter, whose qualities as a virtuoso
the king particularly appreciated, retained his position at court until his death in
1702, and thus came into contact with the great François Couperin, who in 1693
was appointed to the January quarter. But he did not play the organ commissioned
in 1679, for the simple reason that it was never completed; he played a much more
modest instrument that was in use from 1682 until 1710.

                                           ~ 32 ~
After plans for a domed chapel in the middle of the south wing of the château had
been abandoned, work on the building of the final chapel began in 1687. It was the
most successful and the costliest project undertaken at Versailles, and the one that
took the longest to complete. Since it was finished late in the reign of Louis XIV, it
may be seen in a manner of speaking as the king’s religious testament.

At first the king’s architect, Jules Hardouin-Mansart, proposed a relatively low
edifice. From 1689, with construction work already under way, its height was
increased considerably. The logic of this process brought about a major change in the
aesthetics of the building: the first-floor peristyle was designed, making the chapel
lighter and at the same time giving it greater solidity; the colonnade with architrave
revived the style of the basilicas of the early Church. The exterior of the chapel, with
its flying buttresses and its very high upper ridge, surmounted by a lantern (removed
in 1765), recalled Louis XIV’s ancestor, patron saint and model, St Louis (to whom the
chapel at Versailles was dedicated) and his palace chapel in Paris, the Sainte-Chapelle.
The unique and very bold combination of those two influences, ancient and medieval,
became a reference for eighteenth-century architects and theorists.

After being halted for almost ten years, building was resumed in 1699, when
Hardouin-Mansart was appointed Superintendent of royal buildings. He worked on
the Royal Chapel until his death in 1708, at which time his brother-in-law, Robert de
Cotte, replaced him and took it to completion.

                                           ~ 33 ~
Work on decorating the vault began in 1708. Charles de La Fosse’s Resurrection
of Christ is painted on the half-dome of the apse, above the main altar, while the
dominant work in the chapel, Antoine Coypel’s God the Father in Glory covers the
whole of the ceiling on the semi-circular barrel vault over the nave. Completing
the representation of the Trinity is Jean Jouvenet’s Pentecost, or Descent of the
Holy Spirit, at the west end of the chapel, a choice of theme particularly appropriate
to that position: the white dove of the Holy Spirit is directly above not only the Virgin
Mary, the apostles and the ‘devout men out of every nation under heaven’ (Acts 2:5),
but also the royal tribune – we remember that the divine right of kings applied in
French monarchy.

Sculpture covered almost all the walls of the edifice. A team of over a hundred
sculptors was employed, including the brothers Nicolas and Guillaume Coustou,
Antoine Coysevox, Anselme Flamen, René Frémin, Simon Mazière, Jean-Baptiste
Poultier and Antoine François Vassé. The various episodes in the Passion of Christ,
carved on the spandrels and pillars of the sanctuary and the nave, are among the
finest artistic achievements at Versailles, unprecedented in the subtlety of their
language and the complexity of their forms. The Passion narrative culminates in the
high altar, with its assemblage of coloured marbles, and gilded stone, copper and
bronze, by Corneille Van Clève; his gilt-bronze Lamentation on the altar frontal is
moving, yet restrained, a masterpiece in the art of low relief.

Most of the ornate liturgical furniture, which must have been in keeping with the
splendour of the architecture and the refinement of the paintings and sculptures,
has disappeared. Besides the seven confessionals, the pulpit and the stalls, it included

                                           ~ 34 ~
many carpets from the Savonnerie workshops, some of them dating from the reign
of Louis XV, oratories for the use of the king and his family, and the king’s prie-dieu,
which was set not far from the altar, as well as ornaments, illuminated books and
sacred vessels, which were constantly looked after and renewed until the end of the
Ancien Régime.

A notable feature of the liturgical furniture is the organ case. The organ, surprisingly,
is situated directly above the high altar, forming a continuation of the altarpiece – a
position showing the prominence of music in the Royal Chapel – and from inside it
blocks the east clerestory window. The gilded-wood case, a masterpiece of carpentry
and ornamental sculpture, was designed by the sculptor Philippe Bertrand, who made
the models, and was executed by Jules Degoullons and his associates, Marin Belan,
Robert de Lalande, André Legoupil and Pierre Taupin: this team of ornamentists and
sculptors carved the slender Victories bearing the royal coat of arms, the tall palms
at the corners, from which emerge the heads of angels, the four trophies composed
of musical instruments, and the relief of King David that faces the royal tribune and
plays a major role, as a depiction of Louis XIV’s Old Testament royal predecessor, in
the general iconographic symbolism.

                                                                      Alexandre Maral
                                               Chief Curator of the Château of Versailles

                                                             Translation: Mary Pardoe

                                           ~ 35 ~
Being consistent

The two principles adopted for this recording need to be addressed briefly.

The first one regards trumpets: instead of the modern mouthpiece invented in the
1960s – which allows for better precision and safety for the players, thanks to holes
in the body of the instrument – we chose the old mouthpiece, however risky. This choice
was less a matter of seeking authenticity than a concern for timbre clarity, phrasing,
and for an articulation more respectful of the violins’.

The second principle involves proportions, and consequently, tempi. The 17th century
was the time of emancipation from the strict notion of the tactus, of the invention of the
recitative and its flexible movement – which is precisely what Monteverdi alludes to
regarding his Lamento della Ninfa, which goes “cantato a tempo dell ’affetto del animo, e
non a quella della mano”. However, we do not believe that a work like the Te Deum would
have been affected by such new principles. On the one hand, because that revolution
touched liturgy-related music pieces – more conservative by nature – less than secular
ones. On the other hand, this decision was made matter-of-factly, because conduction
techniques and rehearsal time spans, often extremely short for sacred music, only

                                           ~ 36 ~
allowed for tempo variations or the seeking of character within the frame of a precise,
relatively stable tactus – at least when large numbers of musicians were involved.
Lastly, the manuscript of Charpentier’s autographic Meslanges clearly indicates that,
aside from two very precisely indicated pauses, the beat is continuous: a historical
principle here confirmed by a writing that has most of the work’s movements follow
one another almost without bar lines or transitions. The character of the movements,
thus defined outside the subjective realm of tempo, calls for the establishment of one
single form of tactus from the slowest passage (in Lully’s Te Deum, the Te per orbem),
letting the other movements derive from it, a proportio.

Our choice should not be taken as a form of dogmatism, intellectual speculation or
nostalgia for the Lullist cane. We simply thing that the constraint of a homogeneous
beat within a work such as this, besides giving it its general impulse, can also make
its discourse clearer, securing its consistency. The demand for a strict frame thus
becomes a driving force that reveals the actual proportion relationships of the work,
sometimes forcing us to revisit contrasts, dynamics and expressivity, at the expense of
casting aside, notably in the case of Charpentier’s work, the remnants of an interpretive
tradition dating from the 20th century.

                                            Vincent Dumestre - Paris, July 24th 2013

                                                             Translation : Vanina Géré
                                           ~ 37 ~
Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Te Deum, LWV.55
          Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Te Deum, H.146
                       ******************************
Dating back to the Middle Ages, the Te Deum is a hymn destined to Sunday matins
church service and specific festivities. However, this type of thanksgiving came to
find its place during festive and public circumstances under the reign of Louis XIII
- most notably, that of Louis XIV. With the latter, no victory or event linked to royal
family life went without a celebration throughout all France, with the performance
of a few Te Deum, in plainsong or with chorus and instruments.

Among such events was the recovery of Louis XIV, who had been suffering from an
almost fatal disease that could have upset the country’s fate drastically. In January
1686, its first symptoms appeared as hemorrhoids preventing His Majesty from
riding a horse, one of his favorite pastimes. Daquin, head physician to the king, tried
several treatments including plant and essence cataplasms. These remedies yielding
no improvement, doctors went on administering enemas of all kinds – still to no avail.
The abscess suppurated constantly, a severe trial for the king, who had to change
clothes several times a day. It appeared there was no escaping surgery – the only
solution to overcome an increasingly cumbersome, painful fistula. On Monday
the 18th of November at seven o’clock in the morning, the great operation began.
Mme de Maintenon was holding the patient’s right hand, and Louvois the left one.
The king showed exemplary courage, uttering no other groans than “My God,

                                          ~ 38 ~
my God.” After several additional complications, healing was assured at the very
end of the year. The name of “bistouri à la royale ” [lancet in the royal manner] was
bestowed upon the lancet that had worked wonders; the surgeons were generously
rewarded.

Following the prodigious recovery, songs of rejoicing sounded throughout all
France during several months. The best composers of the kingdom were present in
Paris: Lully, Lorenzani, Charpentier and Desmarets at the church Pères de l’Oratoire
in the Louvre; Chaperon at the Sainte Chapelle; Claude Oudot at the church
Saint-Hyppolite; Ludet at the Augustins déchaussés… During the first days of
January 1687, the rue Saint-Honoré was ebullient. On the 8th, at the Feuillants
church, magnificently adorned and lit, a huge crowd attended as over a hundred and
fifty musicians struck up Lully’s Te Deum . The composer conducted the performance
himself, vigorously beating time with his cane. It was then that he fatally struck his
own foot. Devoured by gangrene, Lully succumbed on March 22nd. On January 23rd,
at the church of the Pères Jacobins réformés, the ceremony was managed by the
decorator and stage setter Carlo Vigarini for another Te Deum, Paolo Lorenzani’s.
The Roman musician had arrived in France in 1678, and was the queen’s music
teacher. The display of splendor actually came close to outshining the Feuillants
church service, and Lorenzani’s composition (now lost) was deemed even better than
that of his fellow countryman. Eventually, on February 8th, Charpentier’s Te Deum
“with two music choruses” was played at the church Prêtres de l’Oratoire.

Lully’s Te Deum was not new. He had composed it for the baptism of his oldest son,
Louis, in Fontainebleau on September 1677 – the prestigious godfather being no

                                          ~ 39 ~
other than Louis XIV. The court had been delighted by the motet, and the king asked
to hear it several times. The piece was taken up two years later, again in Fontainebleau,
for the proxy wedding of Marie-Thérèse d’Orléans, Louis XIV’s niece, and Charles
II of Spain. The piece was an even greater success, and was performed once more
to celebrate the heir’s recovery in the last months of 1680. Lully’s Te Deum is the
oldest one ever preserved that establishes the stylistic and aesthetic components
of a model followed by all composers until the end of the Ancien Régime, in which
the vivid use of trumpets, kettledrums and powerful homorhythmic choruses were
deemed appropriate to render the glory of God and of the king of France. Although
Charpentier’s Te Deum was also performed on the occasion of the monarch’s recovery,
the one presented here, the most famous of the four Te Deum that have reached us
through the composer’s autographic manuscripts, was written a few years later, to
celebrate one of Louis XIV’s last military victories, perhaps at Steinkerque in August
1692, while Charpentier was music teacher at the church Saint-Louis des Jésuites.
In the 20th century, the piece became a classic, its prelude serving as the Eurovision
theme.

At first, it may seem irrelevant to compare the two Te Deum, composed in an interval
of twenty-five years, during which the writing of the great motet underwent a
transformation, specifically form-wise – continuous in Lully’s case, fragmented in
Charpentier’s. Nonetheless, beyond those chronological considerations – one simply
need think of Charpentier’s first Te Deum – the two masters’ conceptions differ on
many points – the first point in case being the number of musicians. Indeed, Lully
resorted to musicians who were active at the Chapelle royale – including five soloists
who also made up the small chorus – a great chorus, and a five-part orchestra, with

                                           ~ 40 ~
sometimes-divided trebles. With Charpentier, the chorus and the orchestra only
have four parts, albeit enriched by a great characterization of instrumental colors
(flutes, oboes, bassoons). The second point concerns the approach to text, considered
as a whole by Lully, while Charpentier distributes it into eleven sections, each one
characterized by a strong identity and unity commanded by the required number of
musicians, as well as a specific writing form involving a succession of sumptuously
organized great choruses, solos or small ensembles with varied formations (duo,
trio, or quatuor) – a construction which also makes the work remarkably concise
in comparison to other Te Deum by Charpentier’s contemporaries. Sections may
be separated by a pause, at the composer’s explicit and precise request, as follows:
“Proceed after a long silence” before “Dignare Domine,” or “Proceed after a short
silence at the last verse” before “In te Domine speravi.”

Within a wide structure ruling the whole piece in which the twenty-nine verses
follow one another, framed by expansive modulations in neighboring tones, Lully is
interested in detail and minuteness, exploiting the density and colors of the range of
musicians and instruments, constantly redistributing voices, from solos (mainly bass)
to the small soloist chorus with two, three or four voices, and the great chorus. Verses
are often split in two – a division that most of the time is more the result of effect
seeking than expression. The first poetic line is given to the soloist(s), the second
one to the chorus – who does not taking up the soloist’s part, however, in order to
introduce a different musical idea: “Te aeternam patrem/omnis terra neneratur,”
“Tibi omnes angeli/tibi caeli et universae potestates…”. Such eminently minimalist
treatment, with contrasting effects never underlined, derives from the “great
simplicity” and the “short, concise eloquence” advocated by Le Cerf de la Viéville as he

                                           ~ 41 ~
presented his ideal of Latin music in France. Lully alternates between the language
of lyric tragedy and church music. Thus, “Aperusiti credentibus” – sung by the bass,
accompanied by two instrumental trebles in the style of short opera arias – or the
great solo “Tu devicto,” are followed by the magnificent quatuor “Quos pretioso
sanguine” a few pages later. Then comes the “Miserere nostri,” a trio of male voices
(countertenor, tenor, bass), a particularly rare demonstrative climax produced by a
very expressive melody running on a modulating course, which then merges with
the great chorus, the end of which is suspended on the dominant. Charpentier, as for
himself, develops the various affects of the text via a more thorough theme-oriented
treatment - imitations, reprises – juggling pomp and interiority, mastering “the art
of giving lyrics the best-suited tones in the highest degree” (Journal de Trévoux,
November 1704).

While trumpets and kettledrums are used throughout both Te Deum with the same
brio – whether as accompaniment to choruses or autonomous symphonies – and
as Lully uses them for essentially musical purposes unconcerned with any form of
dramatic art, with Charpentier, instrumentation is endowed with an eminently
dramatic function in “Judex crederis,” uttered by the bass, whose interventions
are illustrated by the fiery trumpets of Judgment Day. A striking modulation in
minor introduces us to a completely different realm than the preceding one – enter
the imploring prayer of sinners (“Te ergo quaesumus”), entrusted to the seraphic
treble voice, accompanied by two flutes. For the most part, Charpentier uses great
homophonic choruses, except in the last part, “In te Domine speravi,” which comes
out as a superb fugue. For the same part, Lully, on the contrary, enacts only a few
minor gaps between the vocal parts, creating a dialogue between small and great

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choruses. However the two composers share the use of long pedals on “in aeternum”
– establishing the finale all the more grandly.
The rivalry between Lully and Charpentier is a common trope; it was in fact less
personal than institutional – namely at the Comédie-Française, of which Lully
wanted to reduce the musical means, so that he would remain the sole master of the
royal academy of music). Lully was actually a lot more guarded against Lorenzani,
his fellow countryman, who had a better position in court and was more dangerous
regarding what Lully wanted for himself alone – utmost consecration, and absolute
recognition from the king. Instead, the legend of the competition between Lully
and Charpentier is rather a matter of historiography, which has underlined the
paradoxical aspect of their respective situations. The former was indeed a musician
of Italian origin who gave French art its style and essence; the latter, of French
extraction, instilled the emotion and composition manners he had learnt through his
exchanges with Italians composers, to the music of his own country. This is a story of
two musicians, two countries, two aesthetics, and two crucial stakes – one composer
coming out covered in glory, overshadowing and casting the other into an unjust
secondary position.

                                                                     Catherine Cessac

                                                            Translation: Vanina Géré

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Te Deum
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  Te Deum laudamus,
  te Dominum confitemur.
  Te aeternum Patrem,
  omnis terra veneratur.

  Tibi omnes angeli,
  tibi caeli et universae potestates,
  tibi cherubim et seraphim,
  incessabili voce proclamant :

  « Sanctus, Sanctus, Sanctus
  Dominus Deus Sabaoth.
  Pleni sunt caeli et terra
  maiestatis gloriae tuae. »

  Te gloriosus Apostolorum chorus,
  te prophetarum laudabilis numerus,
  te martyrum candidatus laudat exercitus.

  Te per orbem terrarum
  sancta confitetur Ecclesia,
  Patrem immensae majestatis;
  venerandum tuum verum et unicum Filium ;
  Sanctum quoque Paraclitum Spiritum.

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