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JUILLET – AOÛT 2021 Edition Berne-Jura / N° 48 / Journal des Eglises réformées romandes 7 ACTUALITÉ Christianisme et politique, un mélange qui dérange 19 THÉOLOGIE Le doute comme Le couple, lieu essence de la foi 23 CULTURE de toutes les attentes Les jardins musicaux et autres idées de sortie 25 VOTRE CANTON
2 AU MENU Réformés | Juillet – août 2021 SOMMAIRE DANS LES CANTONS VOISINS 4 ACTUALITÉ GENÈVE 4 En Iran, des élections très suivies Le CSP craint une dégradation par les minorités CRISE SOCIALE Le directeur du Centre social protestant (CSP) Genève, Alain Bolle, 5 est inquiet pour ces prochains mois. Le CSP a déjà ouvert plus de dossiers fin mai Série les religions à l’école : Genève 2021 que durant toute l’année dernière. L’association a heureusement pu compter sur 6 Synode de l’Eglise réformée de Suisse une subvention cantonale, qui sera épuisée fin juin, et sur ses donateurs. 7 Le CSP est également impliqué dans la création du Bureau d’information sociale, Débat : Eglise et politique un lieu d’information qui regroupe le canton, les communes et des associations afin d’aider et d’orienter les personnes dans le domaine de l’aide sociale. 8 RENCONTRE Anne Guillard : de la théologie au militantisme VAUD 10 Temps de loisirs réservés aux femmes DOSSIER : RENCONTRES Née à la fin du XIXe siècle, l'Association vaudoise des Unions chré- ON ESPÈRE tiennes féminines (UCF) propose une série de projets dédiés aux femmes. Une TELLEMENT non-mixité ancrée et aujourd’hui pleinement assumée : cafés-récits, pour échanger DE SON COUPLE avec sincérité en petits groupes, balades en nature, pour « s’empouvoirer » et prendre 12 confiance en soi, week-ends de ressourcement à petit prix : des solutions simples et A chacun sa définition faciles à reproduire, pour tisser de nouvelles amitiés. 13 On met la barre haut Infos : www.ucfvaud.ch. 14 Prendre soin de son couple 16 Pressions religieuses mal venues NEUCHÂTEL 17 Prendre le temps de rompre Conseil synodal au complet pour la reprise 18 RELÈVE Réunis sur Zoom les 2 et 9 juin derniers, les délégués au Synode de l’Eglise Page enfants : Marcel et les pirates réformée neuchâteloise ont élu deux nouveaux membres à leur exécutif : la pasteure 19 de la paroisse des Hautes-Joux, Christine Hahn, et le pasteur de la ville de Neuchâtel, Florian Schubert. Ils ont également refusé le rapport annuel jugé tronqué et validé THÉOLOGIE les comptes 2020 avec un déficit de 158 593 francs. Les questions de la rémunération 19 Le doute comme essence de la foi des membres du Conseil synodal et de l’avenir du Service formation étaient égale- 20 ment à l’ordre du jour. « Ecoute ! Tu es libre ! » 22 CULTURE 23 Réformés se décline en quatorze éditions régionales. Ces trois résumés en sont issus. Les jardins musicaux (www.reformes.ch/pdf). Sur Reformes.ch et sur les réseaux sociaux, suivez l’actu religieuse tout au long du mois. Ecoutez un choix d’articles au 021 539 19 09 ou en podcast (reformes.ch/ecoute). 25 VOTRE RÉGION 25 Nouveaux visages Réagissez à un article Fichier d’adresses et abonnements Les messages envoyés à courrierlecteur@ Merci de vous adresser au canton qui vous concerne : pour l’arrondissement jurassien reformes.ch sont susceptibles d’être publiés. Le Genève aboGE@reformes.ch, 022 552 42 33 (je – ve). texte doit être concis (700 signes maximum), signé Vaud aboVD@reformes.ch, 021 331 21 61 (lu – ve). 28 et réagir à un de nos articles. La rédaction se réserve Neuchâtel aboNE@reformes.ch, 032 725 78 14 (lu – ma). le droit de choisir les titres et de réduire les courriers Berne-Jura aboBEJU@reformes.ch, 032 485 70 02 (ma, AGENDA trop longs. je matin). Abonnez-vous ! Pour nous faire un don 39 www.reformes.ch/abo IBAN CH64 0900 0000 1403 7603 6 CULTES
N° 48 | Réformés ÉDITO 3 RENDEZ-VOUS RATER SA VIE… TV Faut pas croire aborde des questions « Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on éthiques, philosophiques et religieuses. a raté sa vie », la phrase prononcée par le publi- Pause estivale, reprise des diffusions le samedi 28 août. citaire Jacques Séguéla en 2009 pour défendre Teleglise suit l’actualité des Eglises de le président Sarkozy attaqué sur son goût pour Bienne et région sur TeleBielingue. Tous l’horlogerie suisse est immédiatement entrée les jours, à 10h30 et à 16h30 ou sur You- Tube. dans la culture populaire. La phrase a choqué parce qu’elle conditionnait la réussite à un avoir. RADIO Sans doute, une affirmation telle que « Si à 50 ans tu n’es Décryptez l’actualité religieuse avec les pas en couple » serait nettement mieux passée. Pourtant, magazines de RTSreligion.ch. Hautes fréquences le dimanche, à 19h, nombre de célibataires pourraient dire alors « Qu’on me sur La Première. fiche donc la paix avec mon célibat ! », pour reprendre le Babel le dimanche, à 11h, sur Espace 2. cri de l’abbé blogueur Vincent Lafargue (www.re.fo/celibat). Sans oublier Respirat ions sur R JB, Paraboliques sur Canal3. Programme et Dans le débat sur le célibat des prêtres, il déclare : « Je suis podcast sur www.paraboliques.ch. heureux ainsi », comme pourraient probablement le dire de Le dimanche, messe à 9h, culte à 10h, nombreux célibataires par choix. sur Espace 2. Suivez jour après jour l’actu religieuse Pourrait-on alors reformuler : « Si à 50 ans, on n’a pas sur www.reformes.ch. trouvé le bonheur, c’est qu’on a raté sa vie » ? Je crois, en fait, que le plus choquant dans la phrase de Séguéla ne se WEB trouve pas dans la première partie, mais dans la seconde ! A quelle paroisse est rattachée telle ou telle localité de vacances ? En cas de Notre société hyper-concurrentielle s’en accommode, mais doute un tour sur www.ma-paroisse.ch l’affirmation que l’on peut rater sa vie, à elle seule, devrait s’impose ! nous faire réagir. L’association genevoise Perspectives protestantes propose de faire de la « La vie a déjà un sens en ce qu’elle est donnée par Dieu », théologie en débat avec la culture et la affirme la théologienne Nadine Manson (voir page 16.) Et société. Elle propose des réflexions ap- cette promesse nous permet d’aborder nos vies relationnelles, profondies sur w w w.perspectives- protestantes.ch. libérés de tout esprit de compétition. Joël Burri L’ADN de Réformés Réformés est un journal indépendant financé par les Eglises réformées des cantons de Vaud, Neuchâtel, Genève, Berne et Jura. Soucieux des particularités régionales, ce mensuel présente un regard ouvert aux enjeux contemporains. Fidèle à l’Evangile, il s’adresse à la part spirituelle de tout être humain. Editeur CER Médias Réformés Sarl. Ch. des Cèdres 5, 1004 Lausanne, 021 312 89 70, www.reformes.ch – CH64 0900 0000 1403 7603 6 Conseil de gérance Jean Biondina (président), Olivier Leuenberger, Pierre Bonanomi et Philippe Paroz Rédaction en chef Joël Burri (joel.burri@reformes.ch) Journalistes redaction@reformes.ch / Camille Andres (VD, camille.andres@reformes.ch), Marie Destraz (VD, marie.destraz@reformes.ch), Nicolas Meyer (BE – JU, NE, nicolas.meyer@reformes.ch), Khadija Froidevaux (BE – JU, khadija.froidevaux@reformes.ch), Anne Buloz (GE, anne.buloz@reformes.ch), Elise Perrier (elise.perrier@reformes.ch), Matthias Wirz (matthias.wirz@mediaspro.ch) Informaticien Yves Bresson (yves.bresson@reformes.ch) Internet Katie Mital katie.mital@mediaspro.ch Réseaux sociaux Sonia Zanou Sonia.Zanou@mediaspro.ch Service lecteurs et lectrices Alessandra Genini (accueil@reformes.ch) Comptabilité Olivier Leuenberger compta@reformes. ch Publicité pub@reformes.ch Délai publicité 5 semaines avant parution Parution 10 fois par année – 168 000 exemplaires (certifié REMP) Couverture de la prochaine parution Du 30 août au 3 octobre 2021 Graphisme LL G & DA Une iStock Impression CIL SA Bussigny, imprimé sur un papier journal écologique avec un pourcentage élevé de papier recyclé allant jusqu’à 85 %.
4 ACTUALITÉ Réformés | Juillet – Août 2021 Arméniens d’Iran : des libertés en toute discrétion A Téhéran, la communauté arménienne, quoique économiquement privilégiée et bénéficiant d’une certaine marge de liberté par rapport au régime chiite, reste timide et sur ses gardes. Sa relative indépendance est conditionnée à sa discrétion. le droit de travailler pour le gouverne- ment. Jusqu’à récemment, la vie d’un Iranien-Arménien chrétien valait deux fois moins que celle d’un chiite. N’ont- ils pas l’impression d’être des citoyens de deuxième zone ? « Tous les Iraniens sont des citoyens de seconde zone sous ce ré- gime politique, témoigne l’un des repré- sentants de la communauté. Mais nous, Arméniens, chrétiens, possédons de pe- tites poches de libertés et plus d’oppor- tunités. » © Nicolas Cleuet Pour la plupart des personnes inter- viewées, la communauté s’en sort, car elle fait partie intégrante du peuple ira- nien. « En pourcentage, nous sommes bien plus nombreux à être tombés que les chiites pendant la guerre contre l’Irak (1980 - 1988). Et vu que l’on a le sens de l’honneur, ils doivent nous le rendre », R E P O R TAG E L’adresse se ref ile de le long des joues de la vieille femme qui souligne Aras, garagiste. Elément bien bouche à oreille. Ici, une fois l’impo- s’occupe du vestiaire. « Elle est magni- compris par le Guide suprême, l’ayatol- sante porte franchie, la confidentialité fique cette chanson. Elle parle des mar- lah Khamenei qui passe les Nouvel An est requise. Loin du chaos ambiant de tyrs qui sont tombés au Haut-Karabagh », en compagnie des familles des « chahid », Téhéran, les grandes tablées de familles témoigne-t-elle. L’audience est émue. Ici, les combattants arméniens tombés pour arméniennes prof itent de de nombreuses familles ira- défendre l’Iran. leur soirée. En cette veille no-arméniennes possèdent Cette intégration n’empêche pas la d’élection présidentielle qui « Nous une partie de leur famille en méfiance. Les traits du prêtre dont nous a v u le très conser vateur n’acceptons Arménie. George a la double nous approchons sont crispés. « Pas Ebrahim Raïssi prendre les nationalité. Il a aussi vécu mal de gens viennent me parler pour rênes du pays, l’ambiance pas les deux ans aux Etats-Unis et se convertir. Pour ne pas être accusé, feutrée de cette bâtisse Art gens qui sa famille y réside toujours. je ne parle plus sans autorisation », ex- déco des années 1950 semble filtrer les velléités politiques. se conver- Sa femme a fait la demande pour une carte verte (d’im- pliquera-t-il. L’absence de prosélytisme explique pourquoi les Arméniens ortho- George, 27 ans, joue au cla- tissent » migration) « mais vivre là- doxes ne sont pas inquiétés par les auto- vier, sa femme chante. « Nous bas, économiquement, ce rités iraniennes. « Nous n’acceptons pas ne pouvons pas jouer ailleurs, car une n’est pas possible. Quand tu arrives dans les gens qui se convertissent », affirme le femme n’a pas le droit de chanter de- un club et qu’un Afro-Américain qui joue prêtre. En comparaison, les conversions vant un public mixte », explique le musi- vingt fois mieux que toi se met à jouer, de chiites devenant protestants (non re- cien. Ainsi, la minorité chrétienne pos- eh bien tu repars », observe-t-il. présentés officiellement en Iran) sont sède quelques petites poches de liberté. Pourtant, cette communauté armé- régulières dans les sous-sols. Comme le Lorsqu’elle se réunit, comme ce soir, les nienne est, selon les chiffres disponibles, conclut l’un des responsables de la com- femmes peuvent enlever le hidjab. L’al- passée de 300 000 à 40 000 membres munauté : « Notre liberté est condition- cool fait maison est toléré. Le couple est entre la révolution islamique de 1979 née à la discrétion. » retourné sur scène. Des larmes coulent et aujourd’hui. Ses membres n’ont pas Sophie Woeldgen, Téhéran
N° 48 | Réformés ACTUALITÉ 5 RELIGIONS À L’ÉCOLE A Genève, des élèves artisan·e·s de leur savoir Dans la très laïque ville de Calvin, les cours de fait religieux sont inclus aux leçons d’histoire. Reportage en juin, au cycle d’orientation du quartier de la Gradelle. SHERLOCK HOLMES A peine assis, leur manuel tout juste dégainé – une brochure d’une ving taine de pages très illustrée –, les 19 élèves de David Garcia sont bombardés de questions : « Quels pays voyez-vous sur la carte de votre manuel ? Qu’y constatez-vous ? » Comme des détectives, les voilà qui re- pèrent le Nord-Est de l’Inde, situent – à peu près – le Népal, et découvrent une région traversée de grands fleuves, qu’ils associent facilement à l’agriculture et au commerce. « Et à quoi sert le fleuve, chez les Egyptiens, les Grecs, jeunes gens ? » En quelques touches rapides, des rappels fondamentaux sont posés, et le cours © CA bascule de l’histoire au fait religieux. Sujet du jour : le bouddhisme, ja- mais abordé avec ces ados de 13 ou 14 ans. Temps dédié pour transmettre les fondamentaux : 45 minutes. Une gageure encore le flou. « Il n’y a pas une histoire tant l’histoire de Siddhartha Gautama, d’autant plus que le support d’enseigne- de réincarnation ? », s’interroge vague- ce jeune prince adolescent passé par les ment est récent. Mais David Garcia, en- ment un jeune au premier rang. S’ap- excès puis l’ascèse avant de comprendre seignant d’histoire – 20 ans de métier et puyant toujours sur les repères de ses que « les extrêmes, c’est pas bon » et de toujours une passion sincère pour son job élèves, David Garcia construit quelques se tourner vers « la voie du milieu ». – sait où il va. bases simples : le bouddhisme n’est pas Le cours se termine sur une vidéo lié à un dieu, peut être vu comme une tournée au Musée d’Ethnographie de Sonder les savoirs, religion ou une philosophie, est appa- Genève qui consolide les informations capitaliser sur les acquis ru dans une Inde polythéiste, « comme tout juste intégrées et ouvre de nouvelles Une fois les lieux situés, il s’agit de sonder chez les Grecs et les Romains », compte problématiques, comme celle de la trans- les connaissances de sa troupe : « Que sa- des moines, « ce qui peut contribuer à le mission écrite et orale. vez-vous du bouddhisme ? » Pointues, far- classer du côté des religions », etc. Bilan des courses : les jeunes détec- felues ou maladroites, les réponses fusent, tives ont accroché sur l’histoire de ce les élèves sont en confiance. David Garcia « Comprendre la vie » prince « qui a sacrifié son corps pour capitalise sur les interventions à côté de la Cœur de la séance : comprendre le mes- comprendre la vie », mais n’ont pas en- plaque pour consolider des acquis précé- sage clé du bouddhisme. « Savez-vous ce core tranché sur la question « religion dents. Un jeune imagine Bouddha comme que Bouddha veut dire ? L’éveil. Et c’est ou philosophie ». Heureusement, sur les « un prophète » ? L’enseignant revient sur quoi l’éveil ? » Noyée au milieu du cours, huit heures d’enseignement du fait reli- ce terme, désignant « un personnage la question peut sembler anodine. On gieux prévues cette année, une seconde qui reçoit des informations de Dieu et touche là pourtant au cœur de la spiri- séance leur permettra d’approfondir ce les transmet à la population. Comme un tualité. « C’est la mort ? », se demande sujet. Camille Andres smartphone ! » Et de leur rappeler l’ange l’un. « C’est quand on comprend la vie », Gabriel. Hochements de tête dans la salle, répond une jeune fille. « Oui, c’est ça. on est en terrain connu. Quand on comprend le restant de sa Ecoutez cet article sur Pour le bouddhisme, par contre, c’est vie », complète David Garcia, racon- www.reformes.ch/ecoutez
6 ACTUALITÉ Réformés | Juillet – Août 2021 L’Eglise réformée suisse prête à empoigner ses dossiers Le Synode d’été de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), du 13 au 15 juin, a finalisé de nombreux points administratifs, permettant ainsi à la communion d’Eglises d’entamer le travail sur ses priorités nouvellement définies. maines jugés prioritaires. « Nos Eglises affrontent parfois des défis tellement grands et complexes, qu’elles ne peuvent y faire face individuellement », entame la présidente Rita Famos. « Sur certains su- jets, cela ne fait aucun sens que chaque Eglise cherche à s’y atteler séparément, cela est coûteux non seulement en éner- gie, en ressources humaines, mais aussi financièrement », poursuit-elle. « Deve- nir une communion d’Eglises, c’est agir ensemble. » © EERS/Nadja Rauscher Le conseil de l’EERS (exécutif ) a ainsi présenté aux délégués du Synode trois champs d’action pour les années à venir, à savoir la question de la commu- nication, la formation ainsi que la sau- vegarde de la création. « Sur certains grands thèmes, il est important que nous nous mettions d’accord à temps et que l’on se présente face au public de manière unie », formule Rita Famos. INSTITUTION Consciencieuse. Telle lement pu être clos lors de ce rassem- « Alors que les demandes évoluent, il était l’atmosphère lors du Synode d’été blement, à commencer par les comptes est urgent que nous développions de de l’Eglise évangélique réformée de 2019, que n’avait pas voulu accepter le nouvelles offres de formation et des Suisse (EERS), qui s’est tenu du 13 au 15 Synode dans un premier temps, s’inter- mesures pour accompagner la relève », juin dans le hall de Bernexpo dans la ca- rogeant sur de potentielles dépenses en- défend pour sa part Ruth Pfister, éga- pitale. Si le rendez-vous a été l’occasion gagées cette année-là dans le cadre de lement membre du conseil. Quant à son d’installer dignement sa nouvelle prési- la plainte visant son ancien président collègue Pierre-Philippe Blaser, il a rap- dente, la Zurichoise Rita Famos élue le Gottfried Locher. Assurés qu’il n’en était pelé l’importance de mettre en place une 2 novembre dernier, l’ambiance n’en a rien pour 2019, les délégués ont ainsi va- « approche globale » en matière d’écolo- pas moins été studieuse pour les délé- lidé les comptes 2019, affichant un ex- gie, « le conseil étant convaincu que le gués des différentes Eglises cantonales, cédent de recettes de 543 516 fr. Quant dérèglement climatique constituera la appelés à finaliser la rédaction du règle- aux comptes de 2020, ils ont été repor- préoccupation centrale de la société ces ment de son Synode (législatif) ainsi que tés au Synode extraordinaire qui aura prochaines années ». de son règlement financier. Deux tâches lieu en septembre, les délégués jugeant Si d’autres suggestions se sont fait en- d’envergure imposées par le passage de que ceux-ci doivent pertinemment être tendre, comme « la pertinence de la foi » l’ancienne Fédération des Eglises protes- traités une fois que les résultats de la ou « paix et réconciliation », les délégués tantes de Suisse (FEPS) en cette nouvelle commission d’enquête autour de l’affaire du Synode ont finalement choisi de suivre structure au 1er janvier 2020. Bouclé, le Locher leur auront été présentés. leur exécutif sur ses propositions d’axes règlement du Synode de l’EERS entrera prioritaires. Il appartiendra désormais au en vigueur au 1er octobre, le règlement Trois chantiers prioritaires conseil de mettre sur pied un comité stra- financier au début du prochain exercice, Après avoir réglé ces points nécessaires tégique pour chacun de ces champs d’ac- soit au 1er janvier 2022. à l’institution, le temps était venu de dé- tion. Les chantiers sont lancés. D’autres dossiers en suspens ont éga- finir les « champs d’action », soit les do- Anne-Sylvie Sprenger / Protestinfo
N° 48 | Réformés SOLIDARITÉ 7 Christianisme et politique : un mélange qui dérange Les chrétiennes et chrétiens sont-ils trop présents dans le débat politique… ou pas assez ? La question a récemment fait discuter. Elle sera au centre d’un débat sur l’écologie, animé par Réformés. Ce sera fin août, au cours du festival Alternatiba Léman. RESPONSABILITÉ Très relayée au qui dépasse le combat contre l’apartheid sein des Eglises chrétiennes, l’initia- en Afrique du Sud avec Desmond Tutu, Alternatiba Léman tive « Pour des multinationales respon- ou contre la ségrégation avec Martin C’est le 6 octobre 2013 à Bayonne sables », défendue notamment par l’ONG Luther King aux Etats-Unis. En Europe, (France), après la publication du vo- Pain pour le prochain (PPP), a cristallisé les Eglises ont été pionnières de la lutte let I du 5e rapport du GIEC (Groupe- les débats, sur l’implication des Eglises contre l’alcoolisme, la pauvreté, le travail ment d’experts intergouvernemental dans le champ politique à l’automne des enfants… sur l’évolution du climat), que se dernier. Cinq recours avaient d’ailleurs Et aujourd’hui l’écologie est bien un sont retrouvés les premier·e·s par- été déposés auprès du Tribunal fédéral, enjeu politique majeur. Depuis le fulgu- ticipant·e·s au festival Alternatiba. par les jeunes libéraux-radicaux des can- rant Laudato si ’ (2015), le sujet est revenu L’idée était alors de réunir un large tons de Berne, d’Argovie, de Saint-Gall avec fracas au premier plan de la vie ec- public autour de solutions concrètes et de Thurgovie. Ils considéraient qu’en clésiale chrétienne. L’Eglise protestante et accessibles pour la transition cli- tant qu’institutions de droit public, les suisse (EERS) s’est d’ailleurs positionnée matique : économie locale, agricultu- Eglises sont tenues de maintenir une très clairement en faveur de la loi CO2 . re paysanne, économie d’énergie… neutralité politique. Estimant ces re- Si les institutions franchissent le pas, Huit ans plus tard, ce mouvement cours sans objet, le Tribunal fédéral ne nombre de chrétiennes et de chrétiens citoyen a essaimé sur tout le conti- s’est pas prononcé sur le fond du sujet. hésitent à s’engager. Certes, le christia- nent, et une coordination européenne Laissant ainsi planer un vrai doute sur nisme social a connu un âge d’or après- s’est mise en place avec l’aide de la latitude laissée aux institutions reli- guerre, mais le contexte actuel est très l’antenne genevoise, qui a développé gieuses pour s’engager politiquement. différent. C’est ce que Réformés tentera son propre festival, Alternatiba Lé- Hasard ou conséquence, PPP a choisi de décrypter lors d’un débat spécial (voir man, depuis 2015. Son ambition est prudemment de ne pas faire campagne encadré). Camille Andres de réunir et de visibiliser toutes les contre les deux initiatives anti-pesticides initiatives locales pour la transition cli- qui ont divisé la population le mois passé Sur le même sujet : matique. Au-delà de la durabilité, ce et que l’ONG jugeait « imparfaites ». • « Les partis politiques essaient aussi rendez-vous est axé autour d’un autre d’influencer les Eglises », Protestinfo, Pourtant, les Eglises catholiques mai 2021 www.reformes.ch/influence principe : la solidarité. comme protestantes connaissent une • Retrouvez notre hors-série Dieu, la nature Infos : www.alternatibaleman.org. longue tradition d’engagement politique, et nous : www.reformes.ch/hors-serie Infos pratiques Christianisme et engagement éco- logique : trop ou pas assez ? Dis- cussion entre Kévin Buton Maquet, membre d’ATC (Association du té- moignage chrétien), et Yvan Maillard Ardenti, responsable du programme Justice climatique pour l’ONG Pain pour le prochain, modéré par Camille Andres, journaliste chez Réformés. • 7e festival Alternatiba Léman, Tran- sition Climat, du 30 août au 4 sep- tembre à Genève (Parc des Bas- © iStock tions et Uni Mail). • Débat lundi 30 août 18h30. Lieu sous www.alternatibaleman.org.
8 RENCONTRE Réformés | Juillet – Août 2021 Anne Guillard « Ma foi se nourrit et s’ancre dans l’engagement » maine. « En Hongrie, ma mère vivait voir « devenir religieuse », elle se dé- Sa thèse, qu’elle dans un catholicisme de méfiance face brouille pour f inancer l’étude de sa soutiendra en septembre, au pouvoir communiste, qui s’est fossi- passion. Au même moment, la France associe théologie lisé dans un conservatisme ecclésial. » s’embrase contre le mariage pour tous, Attablée à une terrasse baignée de et ses collègues étudiant·e·s aussi. « Po- chrétienne libérale et soleil, en départ pour trois jours de litiquement je ne savais pas où me situer théorie politique. randonnée, maxi sac à dos à proximité, en tant que chrétienne. On m’a incul- Son parcours étonnant chaussures de randonnées aux pieds, la jeune doctorante n’a pas son pareil pour qué l’idée qu’il fallait se méfier du pro- grès social ; que la foi c’était une force de l’a menée d’un milieu déconstruire les nombreux courants du résistance à la société et pourtant je sen- catholique conservateur catholicisme, qu’elle a explorés avant de tais bien que quelque chose clochait. » trouver sa voie. Un cours d’anthropologie lui offre un dé- au militantisme pour une La vie « roots » et en plein air, elle clic. « J’ai compris que c’est dans la pâte libéralisation de l’Eglise. y a plongé chez les scouts unitaires de humaine et ses expériences infiniment France « non mixtes et en uniforme, plurielles qu’on vit notre foi et que Dieu mais pas aussi tradi que les scouts d’Eu- vient nous rencontrer. Cela se passe là rope » : moment fondateur où elle dé- où sont les évolutions de sociétés, il faut CANDIDATURE Le 22 juillet 2021, plu- couvre entre autres « la sororité ». « Cela aller au-devant d’elles plutôt que de les sieurs femmes candidateront à des a été fondateur pour ma foi, a ancré en freiner. Ma foi se nourrit et s’ancre dans postes de responsabilité dans l’Eglise moi un sentiment de pleine confiance l’engagement. Même si cela suscite des catholique romaine, tradi- en la vie ». Mais à l’adoles- craintes, des peurs, c’est ici que je suis tionnellement réservés à des cence, le « système pyrami- altérée, métamorphosée et que je gran- hommes. L’action vous dit « La dal » de l’organisation ne lui dis. C’est dans cette diversité et cette quelque chose ? La Française théologie convient plus. Direction le liberté que Dieu vit. Et non dans un Anne Soupa, avait publique- Mouvement eucharistique christianisme de citadelle. » ment brigué le titre d’arche- libérale est des jeunes, plus axé sur la Après cette pacification intérieure, vêque de Lyon en mai 2020. précieuse spiritualité : « J’y ai appris, Anne Guillard multiplie les initiatives Son initiative a été soutenue par un collectif féministe, pour le entre autres, à relier mon ex- périence vécue à la présence militantes (voire encadré). En année d’échange à Yale, elle découvre une pa- Toutes Apôtres, qui la prolonge débat de Dieu dans ma vie. Cette roisse épiscopalienne, devenue sa « fa- aujourd’hui. Leur guide Osons candidater (traduit en six lan- démocra- spiritualité a donné du relief et de la signification à mon mille spirituelle » et des théologies li- bérales, féministes, queer. Le doctorat gues) indique que « la discri- tique » existence, c’était fort ». qu’elle soutiendra en septembre ouvre des mination faite aux femmes En démarrant ses études passages pionniers entre théologie et po- aujourd’hui dans l’institution catholique de sciences politiques, Anne Guillard litique. « La théologie chrétienne libérale constitue un scandale », et que l’accès questionne son milieu d’origine : « Je a fait un travail critique sur ses propres des femmes à la gouvernance est une trouvais incroyable que tous ces grands fondements qui valorise le pluralisme, condition indispensable pour permettre PDG d’entreprise dissocient si aisément le subjectivisme et l’expérience. Parce à l’institution de se renouveler. leur foi du reste de leur existence ! J’ai qu’elle ne dogmatise pas un ensemble Parmi l’équipe de Toutes Apôtres, une compris ce qu’était la droite patrimo- de valeurs, mais qu’elle accompagne leur autre Anne : Guillard, 29 ans, et déjà niale et son association avec la religion. » évolution au gré des expériences des in- une série d’engagements. Plutôt décoif- A 19 ans, elle lit un manuel de théo- dividus et des sociétés, cette pensée peut fant, pour cette Franco-Hongroise qui logie : « Je ne comprenais pas grand- apporter des contributions précieuses au grandit au sein de la très conservatrice chose, mais une flamme s’est allumée. » débat démocratique. » bourgeoisie versaillaise catholique ro- Ses parents n’ont pas très envie de la Camille Andres
© Alain Grosclaude Bio express 2 013 - 2 016 M a ste r e n sciences politiques, S c i e n c e s Po Pa r i s e t Bachelor en théologie, Centre Sèvres (facultés jésuites de Paris). 2017 Année d’études en sciences politiques et théologie, Université Yale (Etats-Unis). 2 018 C ofonde O h M y Goddess !, collective ca- tholique féministe inter- sectionnelle (www.ohmy- goddess.fr), rattachée à l’Association du témoi- g n a ge c h r é t i e n ( ATC ) dont elle est co-prési- dente. 2 0 2 0 Cofonde Toutes Apôtres, collectif pour l’Egalité dans les commu- Publications nautés religieuses (www. Une autre Eglise est possible (coau- toutesapotres.fr). teur : Laurent Grzybowski), Temps 2021 Double doctorat présent, 2019. en théologie et théorie Plaidoyer pour un nouvel engage- politique (Université de ment chrétien (coauteurs : Pierre- Genève et Sciences Po Louis Choquet, Jean-Victor Elie), Paris). Editions de l’Atelier, 2017.
Statistiques En Suisse, selon une étude me- née entre 2012-2014 et publiée en 2017 par l’Office fédéral de la sta- tistique, 1 252 400 personnes vivent seules et représentent 35 % des mé- nages, pour 16 % de la population. 1 076 500 personnes vivent dans un ménage avec au moins un enfant de moins de 25 ans (soit 30 % des mé- nages). 994 700 personnes habitent en couple sans enfant (28 % des ménages). 163 900 personnes vivent dans une autre forme de ménage fa- milial, la plupart du temps un parent ou un couple, et un ou des enfants dont le plus jeune est âgé de 25 ans ou plus (4,6 % des ménages). On dénombre enfin 66 700 personnes dans des ménages de plusieurs per- sonnes non familiaux (homes, hôpi- taux, prisons, internats, etc.) (1,9 % des ménages). Au fil d’une vie, les Suisses passent d’une catégorie à l’autre. Le concept de célibat a large- ment évolué, souligne toutefois l’historien Jean-Claude Bologne dans « Histoire du couple » (Perrin 2016). Se basant sur des chiffres français, il souligne : « Ceux qui n’auront ja- mais vécu en couple au terme de leur vie sont estimés à 2 % quand on sait que les ‹ vieilles filles ›, en 1850, représentaient 12 % de leur classe d’âge (plus de 50 ans). »
DOSSIER 11 LE COUPLE SANS CESSE RÉINVENTÉ DOSSIER L’humain semble avoir renoncé à la cohabitation collective pour vivre en plus petit regroupe- ment de deux personnes vers la fin du Néolithique, selon l’historien Jean Claude Bologne. Le couple a ensuite évolué jusqu’à devenir quasiment synonyme de mariage. Aujourd’hui, cela n’est clairement plus le cas. La vie à deux est-elle devenue plus libre que jamais ? Pas sûr tant les attentes que l’on place sur ce pan de nos existences semblent démesurées. © iStock
12 DOSSIER Réformés | Juillet – Août 2021 A chaque époque sa définition De nos jours, définir un couple est pour ainsi dire mission impossible ! Chacune et chacun doit habiter cette expérience de vie en la réinventant avec son ou sa partenaire. Au fil des siècles, ses buts ont changé et changent encore. reste sans doute une priorité », glisse en- core Jean- Claude Bologne. Encore en changement Alors que le mariage marquait le début de la vie de couple, il en est devenu une forme d’aboutissement : l’on se met en couple avant d’éventuellement se marier, le sacrement perd de son importance pour nos contemporains. C’est pour cette raison, peut-être, qu’il faut se réap- © iStock proprier encore ce concept. « Avant de se déclarer ‹ en couple ›, les jeunes se disent être ‹ en bail › », constate ainsi la psycho- logue Valérie Mariani-Petignat. DÉFINITION Le concept de couple fait couple et le mariage par les buts qu’ils se Quelques constances la couverture de nombreux magazines, proposent. Sans doute est-ce la meilleure « Un couple, c’est un lien entre deux per- surtout dans leur édition estivale. La approche historique, car l’accent mis sur sonnes, qui se construit souvent autour question de savoir ce qu’est un couple l’un ou l’autre de ces buts varie forte- d’une dimension d’exclusivité », avance reste pourtant le plus souvent éludée. Au- ment au cours des siècles. En résumant pour sa part Benoît Reverdin, thérapeute jourd’hui l’on peut être couple en étant très grossièrement les buts du mariage, de couple et de famille, chargé d’ensei- marié, mais aussi sans l’être ; en vivant l’Antiquité songe d’abord à la gnement à l’UNIGE, et di- ensemble, mais aussi en gardant des ap- partements séparés ; en étant un homme transmission du patrimoine ; le christianisme au sacre- « Le couple recteur de l’Office protestant de consultation conjugale et une femme, mais pas forcément ; en ment, l’exemple donné par construit un et familiale (OPCCF) à Ge- partageant une vie intime, ou pas… Dans leurs recherches, les sociologues et sta- le mariage mystique entre le Christ et son Eglise ; l’époque espace nève. « Le couple construit un espace partagé, un espace tisticiens se contentent pour la plupart contemporaine à l’amour, à partagé à conjugal, à partir de choses de considérer que vit en couple une per- l’harmonie d’un ménage qui partir de qui lui sont propres : affec- sonne qui se déclare comme tel. Sans en- peut vivre ensemble une pé- tion, amour, passion, intimi- trer dans le détail des multitudes de ré- riode très courte (par le di- choses qui té, projets communs, etc. On alités que cette affirmation peut cacher. vorce) ou très longue (par l’al- lui sont peut vivre une relation senti- Des buts qui ont changé longement de la vie) ». Les conceptions de ce propres » mentale, mais il peut y avoir un moment où l’on va créer Dans l’introduction de son Histoire du qu’est un couple ont tou- un sentiment d’appartenance Couple (Perrin 2016), Jean Claude Bo- tefois toujours été presque aussi nom- et se placer dans une perspective plus du- logne montre par ailleurs que ce concept breuses que les couples. « L’analyse rable. Et dans la construction de cette re- qui nous semble si naturel, mais que l’on montre également que les pensées que lation, il peut également y avoir une étape peine à définir est, en fait, très récent, l’on croit dominantes ne sont pas tou- durant laquelle l’on souhaite que l’exté- dans la forme que nous lui connaissons jours celles de l’ensemble de la popula- rieur sache ‹ que l’on fait couple › », liste le et en particulier comme un concept dif- tion. La doctrine chrétienne du sacre- professionnel, tirant ainsi de sa pratique férent de celui du mariage. La notion a ment est fortement réaffirmée pendant quelques constantes qui transparaissent évolué au fil de l’histoire. Le philologue vingt siècles, mais dans la majorité des néanmoins dans ce que représente au- et historien propose ainsi « de définir le mariages, la transmission du patrimoine jourd’hui le couple. Joël Burri
N° 48 | Réformés DOSSIER 13 La barre est mise trop haute Il n’est plus suffisant d’être heureux avec son ou sa partenaire. Désormais, l’on attend de lui ou d’elle qu’il nous rende heureux. Un espoir démesuré qui peut fragiliser la relation. IDÉALISATION « Est-ce que nos attentes vie, nous devons apprendre à être recon- tés, mais elle a les qualités qu’il faut. › » quant à notre couple sont réalistes ? », in- naissants pour ce qui est à moitié réussi ! La pasteure insiste toutefois. « Il faut res- terroge la pasteure et conseillère conju- Redécouvrir une certaine forme d’humi- ter vigilant. Accepter de relativiser, cela gale à Lausanne Claudia Bezençon. « On lité ! » Comme pasteure, elle ajoute en- ne veut pas dire tout accepter. Il y a des veut que le couple soit un core : « Le message de Pâques, choses qui sont inacceptables ! » lieu d’épanouissement où l’on « On met central du christianisme, est puisse être aimé sans condi- fondé sur l’échec de Vendredi- tellement Un lieu devenu unique tion dans une forme de nos- Saint ! » « A l’heure actuelle, l’on attend davantage talgie du paradis perdu. », d’espoir « Même avec les couples du couple qu’il y a un siècle », constate poursuit-elle. « Notre socié- té ne laisse plus de place à dans le non croyants, il m’arrive de poser la question de la foi en également Benoît Reverdin, directeur de l’OPCCF. « On met tellement d’espoir l’échec. On ne sait plus le gé- couple… » un être supérieur », relate Ni- dans le couple que ces espoirs risquent rer. Il faut réussir sa vie pro- cole Rochat. « Si l’on trouve d’être déçus. » Pour le thérapeute de fessionnelle, ses loisirs, son couple… On a en Dieu quelqu’un qui nous valorise, qui couple et de famille, la survalorisation de tellement d’exigences et d’attentes ! » nous apporte des certitudes quant au sens sa vie de couple est à chercher dans la dé- « On a beaucoup de domaines, où l’on de notre vie, il est plus facile de ne pas valorisation d’autres valeurs. « Le couple aimerait que l’autre soit parfait ! », abonde vouloir changer l’autre. » est souvent devenu le lieu d’appartenance Nicole Rochat, pasteure, thérapeute de principal. Avant, les individus avaient plus couple et sexologue à Neuchâtel. « Quand Amoureux et après… souvent d’autres appartenances telles que on n’admire plus son ou sa partenaire, Durer en tant que couple reste un défi : paroisses, famille ou même leur travail à c’est le signe que ça commence à mal aller. « Tomber amoureux, on en est toutes et l’époque où l’emploi représentait souvent Quand les étoiles que l’on avait dans les tous capables, mais l’humain est ainsi fait un lieu de fidélité sur toute une carrière. yeux en le ou la regardant s’éteignent, on qu’après les pics d’hormones, leur taux va Tout cela permettait de relativiser les dif- devient plus critique, on se laisse agacer forcément baisser. Il faut alors essayer de ficultés rencontrées en couple. » J. B. par toutes sortes de choses. », regrette- ne pas laisser les frustrations du quoti- t-elle. « On attend de l’autre qu’il ou elle dien masquer les qualités qu’on lui a vues nous rende heureux. Alors que ce n’est pas lorsqu’on l’a choisi. Il faut savoir se dire : Ecoutez cet article en audio son rôle. » ‹ cette personne n’a pas toutes les quali- sur www.reformes.ch/ecoutez « On a aujourd’hui des attentes du couple au niveau émotionnel », confirme Ida Koppen, médiatrice et adjointe à la di- rection de l’Office protestant de consul- tations conjugales et familiales à Genève (OPCCF). « On a en revanche moins d’at- tentes logistiques ou pratiques quant à sa relation qu’il y a encore quelques di- zaines d’années », complète la médiatrice. « Quand il y a un manque émotionnel, on déchante très vite… » Apprécier le pain noir Face à cela, Claudia Bezençon, invite à re- © iStock découvrir la spiritualité du pain noir du théologien allemand Fulbert Steffensky. « Dans les différents domaines de notre
14 DOSSIER Réformés | Juillet – Août 2021 Quelques pistes pour prendre Il n’existe pas de formule miracle pour faire durer une relation, mais en y consacrant un peu de temps et d’énergie, on peut mettre toutes les chances du bon côté. Exprimer ses besoins Penser à l’entretien Etre autocritique Plutôt que de laisser des frustrations « Lorsque l’on a une voiture, on trouve « T’es bien comme ta mère ! » figure cer- masquer tout ce que l’on pouvait appré- normal de réaliser régulièrement des tainement en bonne place dans le top 50 cier chez l’autre, on devrait « s’imposer services pour l’entretenir », compare la des invectives que peuvent se lancer des un devoir de s’asseoir assez régulière- pasteure et thérapeute neuchâteloise Ni- amoureux. Et il est vrai que les profes- ment », recommande Valérie Mariani- cole Rochat. Elle organise donc réguliè- sionnels constatent qu’en matière amou- Pe t ig n at , t hérapeute de couple à rement des séminaires ou soirées pour reuse, l’on tend à reproduire les schémas Echallens (VD). « Mais pour éviter que ce couples (voir page 17). « L’amour, c’est familiaux. « On est aussi beaucoup guidé moment où l’on doit tout pouvoir se dire quelque chose qui se construit », insiste par ses blessures. La crainte de repro- ne tourne en règlement de compte, il fau- la pasteure genevoise Carolina Costa. duire des expériences passées », prévient drait toujours commencer par un retour « Pour cela, on a donc besoin d’outils, tels la psychologue Valérie Mariani-Petignat. positif. Nous sommes que des livres ou des « Et c’est dans l’espace ‹ câblés › au niveau rencontres ! », ex- du couple que l’on reptilien de notre plique-t-elle. « Et ose exprimer ses cer ve au pou r surtout, il ne faut blessures les plus capter le néga- pas avoir peur profondes. » Ce tif. Et l’on est de requérir de qui amène la parfois moins l’aide : c’est une thérapeute à ce sensible au po- béquille, et une conseil : « Par- sitif. Donc, se béquille on sait que fois, au lieu d’avoir dire tout ce qui va cela n’est pas fait pour le regard braqué sur pour commencer per- durer. » Nicole Rochat prévient : « Dans l’autre, il faudrait se de- met de donner une tournure différente à une relation, le désenchantement arrive mander : ‹ Comment suis-je en train de la conversation, même s’il y a du négatif vite. Il ne faut pas se laisser prendre de vi- me comporter ? › » ensuite. » tesse ! » Elle invite à ne pas attendre pour « Dans un couple, il est facile d’ex- consacrer du temps à la relation. « On primer des reproches à l’autre. ‹ Tu n’as pourrait comparer cet investissement à un Oser l’humour pas fait ceci ou cela › », relate la média- placement bancaire, à une différence près : trice de couple Ida Koppen à Genève. au sein du couple, il y a, à tous les coups, « On devrait parfois s’arrêter et se dire « Mais en reformulant ses attentes inas- un retour sur investissement ! Moins de que l’on ne va tout de même pas se rejouer souvies en besoins, on peut réellement jeux de pouvoir, davantage de plaisir d’être la scène 4 de l’acte 3 ! », plaisante Benoît pacifier le débat. Il faudrait donc ex- ensemble, plus de compréhension l’un de Reverdin, thérapeute de couple à Genève. primer ces mêmes manques avec des l’autre... Toutefois, ce n’est jamais un ac- « Certains couples se connaissent telle- phrases telles que : j’ai besoin que tu quis : comme une plante, il faut la soigner ment bien qu’ils savent exactement ce que fasses ceci ou cela. » toute sa vie, sinon elle périclite. » va répondre leur moi- « C’est un véritable enjeu ! Savoir en- Par ailleurs, la crainte de se dévoiler tié et comment ils trer en crise, faire entendre ses besoins retient. « Souvent, nous ne sommes appe- vont enchaîner… et ses insatisfactions », insiste Benoît lés qu’une fois qu’un ou une des deux par- Un peu d’ hu- Reverdin, thérapeute à Genève. « Si l’on tenaires a pris la décision de se séparer », mour permet refuse de faire face, on va mettre en place regrette la pasteure et thérapeute Clau- de mettre f in une forme de tolérance qui peut mener à dia Bezençon à Lausanne. « Mais rien que à cet enchaîne- de l’indifférence. Et progressivement le le fait de demander une aide extérieure ment déjà bien couple peut se vider de sa substance. » change bien des choses. » connu. »
N° 48 | Réformés DOSSIER 15 soin de son couple Pimenter, mais pas trop Préserver son espace Se faire comprendre « Un couple a besoin à la fois de stabi- « Pour qu’un couple fonctionne sur le « Le pasteur Gary Chapman a déve- lité et de changement », explique Valé- long terme, il faut également trouver loppé une théorie autour des langages rie Mariani-Pétignat. « Il faut trouver un équilibre entre les espaces communs de l’amour. Il prétend que chacun de un équilibre entre le ciment et le pi- et les espaces personnels. Chacun doit nous exprime son amour selon une, ment. Le ciment, c’est la routine qui pouvoir se trouver des activités à prati- voire deux, façon privilégiée : parmi s’installe dans le couple. Elle va de pair quer seul ou même de simples moments lesquelles, les paroles valorisantes, le avec un sentiment d’attachement qui de ressourcement comme des lectures toucher physique, passer ensemble des se construit au fil des ans. Nous avons ou des balades. Il est important que moments de qualité, offrir des cadeaux besoin du confort de certaines habi- ces moments soient acceptés et même ou rendre des services », explique Nicole tudes dans la relation. Mais si l’on s’en soutenus par le ou la partenaire », pré- Rochat « Chacune et chacun va assez na- contente, on finit par cise Valérie Mariani- turellement recourir au se rendre compte Petignat. Il va sans mode d’expression qu’au f il des ans dire que le ou la auquel lui-même on s’éloigne. » La partenaire pro- est le plus sen- psychologue ex- fite également sible. L e pro- plique : « Et puis de son espace blème, c’est que la question du à soi. « La vie ce n’est pas for- sens de la rela- nous fait chan- cément le canal tion est bien plus g e r, c elu i q u i par lequel notre importante que ce avait besoin d’une partenaire va com- que l’on s’imagine. grande proximité peut prendre notre amour. » C’est un enjeu de crois- avoir aujourd’hui besoin d’espace », En étant attentif à ces éléments, l’on peut sance pour le couple. » Une place à gar- prévient en outre Nicole Rochat. « Ce ainsi devenir plus réceptif aux messages der donc pour les activités différentes n’est pas grave, il ne faut pas hésiter à de son conjoint, tout comme l’on peut permettant de se redécouvrir toujours en rediscuter. On est trop souvent, dans soi-même adapter la façon d’exprimer l’un l’autre. « Le risque inverse, c’est de la vie quotidienne, enfermés dans des son amour dans un mode qui lui cor- tomber dans des enjeux de pouvoir au éléments récurrents. » respondra mieux. « Cela demande un sein de la relation. » investissement personnel d’apprendre à « Souvent, avec les couples qui com- ‹ parler › le langage de l’autre », souligne mencent une thérapie, je travaille sur ce Se réjouir avec l’autre Nicole Rochat. « Un exercice : proposer qui fait qu’ils se sont choisis l’un l’autre. à mon ou ma partenaire d’inscrire par Sur ces éléments que l’on appréciait « Quand on observe les couples qui fonc- ordre décroissant quels sont ses lan- énormément au début de la relation et tionnent bien, on s’aperçoit gages de l’amour privilégiés et qu’est-ce auxquels on ne prête plus forcément que la capacité de se qu’il ou elle suppose être les miens, puis autant d’attention au fil des ans, quand réjou ir de l’épa- comparer nos réponses », explique la thé- la relation évolue », explique Claudia nouissement de rapeute. « Quelqu’un qui est sensible au Bezençon. « Quand on arrive à faire l’autre est im- geste d’amour que représente un cadeau, parler les personnes de ces liens, on portant », note en couple avec quelqu’un qui n’en voit pas peut obtenir des échanges très riches. » Benoît Rever- le sens, mais qui pourtant multiplie les din, directeur caresses, pourrait malgré tout ne pas se de l’OPCCF. sentir aimé », explique Nicole Rochat se référant à cette théorie. Joël Burri
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