Tremplin Analyse de textes comparés - Ecricome
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SUJET D'ENTRAINEMENT tremplin Analyse de textes comparés Durée : 3 heures Le concours ECRICOME TREMPLIN est une marque déposée. Toute reproduction du sujet est interdite. Copyright ©ECRICOME - Tous droits réservés Correction lors du LIVE FACEBOOK le mercredi 14 mars 2018 à 18h Envoyez votre copie à ecricome.tremplin@gmail.com CONSIGNES Aucun document n’est permis. Ce document est la propriété d’ECRICOME, le candidat est autorisé à le conserver à l’issue de l’épreuve. Tournez la page s.v.p.
CONSIGNES - Durée : 3 heures L’analyse de textes comparés consiste à identifier une problématique commune à plusieurs textes, pour y répondre dans un développement structuré rendant compte de tous les textes et des relations qu’ils entretiennent. Recommandations : 1. Vous devez donner à votre devoir un titre qui prendra la forme d’une question, faisant apparaître le thème du dossier et le problème commun aux documents. 2. Vous devez adopter un point de vue neutre et objectif : ne pas ajouter d’éléments extérieurs au dossier, ne pas prendre position. 3. Votre devoir ne devra pas excéder la taille d’une copie d’examen, soit un peu plus de trois pages. Les dépassements seront toutefois tolérés s’ils se justifient par une qualité exceptionnelle. 4. Vous devez accorder le plus grand soin à la qualité de l’expression (orthographe, grammaire, syntaxe, ponctuation…), qui fera l’objet d’une attention particulière de la part des correcteurs. -2-
Texte n° 1 La parité homme-femme est-elle respectée au sein du CAC 40 ? Il y a presque un an jour pour jour, le 27 janvier, était votée la loi Copé-Zimmermann afin d’imposer un minimum de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des grands groupes, jusque-là très masculins. Objectif : 20% en 2014 et 40% en 2017. Le moment est venu de dresser un premier état des lieux. Dans la haute fonction publique, on compte déjà 40% de femmes. Mais dans les grandes entreprises ? Au-delà de ces simples instances de décision, la parité est-elle respectée à l’échelon juste en-dessous, celui du comité exécutif ? Le cabinet de conseil Deloitte vient de publier une étude sur le sujet en épluchant les effectifs des 40 fleurons de l’économie française : le CAC 40. Et les résultats font froid dans le dos. Certes, ces grandes entreprises respectent à la lettre la loi. Elles ont même pris de l’avance : la part des femmes dans les conseils (administration et surveillance) atteint déjà 20,8%. La Tribune avait déjà relevé l’amélioration en 2010. L’obligation prévue pour 2014 est donc d’ores et déjà remplie. Mais pour le reste... Dès que l’on descend d’un étage, là où les décisions quotidiennes - opérationnelles et stratégiques - se prennent, elles ne sont plus que 7,5%. Problème de compétence ? Pas vraiment, puisque dès que l’on descend à nouveau d’un cran, chez les cadres, la part des femmes s’élève à 29,5%. Et 31,8% des effectifs totaux. Difficile de comprendre comment on peut passer d’une proportion d’environ 1 sur 3 à 1 sur 13 dès qu’il s’agit d’avoir des fonctions dirigeantes. Beaucoup d’engagements... de principe Le problème de la parité dans les entreprises, c’est qu’elle est difficile à décréter, à moins de risquer de perdre en compétitivité. Pourquoi les entreprises devraient-elles imposer une personne à un poste, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, si elle est moins compétente ? Et le problème est encore plus complexe dans de plus petites structures, où les instances dirigeantes se résument à trois ou quatre personnes. Du coup, les entreprises ne peuvent guère faire mieux que de promettre. Déclarations d’intention, chartes, programmes de développement de carrière, etc. De ce côté-là, les entreprises du CAC 40 sont plutôt pro-actives, mais souvent à peu de frais. Selon l’étude de Deloitte, 29 sociétés sur 40 ont « émis un engagement formalisé par la signature d’une charte externe ». Mais seulement 8 d’entre elles sont engagées dans un processus de labellisation. Et surtout, l’étude de Deloitte pointe du doigt que l’égalité professionnelle est traitée, dans le rapport annuel – la Bible de toute entreprise du CAC 40 – dans la partie... « diversité ». Tout est dit ! Pas de solution, mais des solutions Selon le cabinet de conseil, la seule façon d’améliorer la situation est de s’attaquer au problème par tous ses aspects. Législatif, d’abord, en renforçant les lois existantes. « Les entreprises ont un intérêt majeur à anticiper si elles ne veulent pas subir ou considérer ces évolutions comme de pures contraintes », estime Eric Dugelay, associé responsable de l’Offre Responsabilité Sociale et Environnementale chez Deloitte. Mais il faut aussi commencer par dresser un état des lieux et « traquer les stéréotypes y compris ceux en faveur des femmes ». On les connaît tous : aux femmes la DRH et la communication, aux hommes la finance, le contrôle de gestion, le commercial, l’informatique. Dans le marketing, en revanche, les choses sont souvent plus équilibrées. Il faut également écouter, selon Deloitte, les attentes des femmes en matière d’évolution de carrière. Car ces aspirations diffèrent entre les générations et évoluent au fil des ans et selon la situation familiale. Enfin, il faudrait parvenir à mesurer la performance en matière de parité. Pas seulement à travers un chiffre global de parité au sein des effectifs, car il masque souvent de fortes disparités, mais aussi à chaque échelon. Et encore, on le sait tous, tous les postes ne se valent pas au sein d’un même échelon. Et chez le cabinet de conseil Deloitte qui a réalisé l’étude, au fait ? Sur les 12 membres de son comité exécutif, Tournez la page s.v.p. -3-
on compte... seulement 2 femmes. L’une est responsable de la direction Qualité, Ethique et Protection Professionnelle et l’autre est responsable des Ressources humaines. Allons, messieurs, encore un effort... Alexandre Phalippou, Le Huffington Post, 9 février 2012 Texte n° 2 « Mais qui va garder les enfants ? » Peut-on parler d’égalité professionnelle sans souligner que l’obstacle essentiel réside dans l’inégal partage des temps familiaux et professionnels entre les hommes et les femmes, et les stéréotypes qui lui sont associés ? Toute l’année 2010 a bruissé de l’air de l’égalité professionnelle : que ce soit le Parlement qui a adopté la loi sur les quotas dans les conseils d’administration ou les dispositions concernant les sanctions en cas de non production d’un accord ou d’un plan sur l’égalité professionnelle, dans la réforme sur les retraites de novembre 2010, que ce soient les partenaires sociaux conviés à négocier sur ce champ, que ce soient les réseaux de femmes qui ont connu une mobilisation importante grâce à Internet, que ce soient surtout les médias qui ont tous mis en exergue cette question. Mais pourquoi tout ce bruit ? C’est d’abord que le constat sur les différences de traitement entre les hommes et les femmes sur le marché du travail continue d’être accablant et que les avancées demeurent pour le moins paradoxales : fort taux d’activité des femmes (83 % des femmes âgées de 25 à 49 ans, Insee 2008) et taux de fécondité parmi les plus élevés d’Europe. Pourtant cette mutation sociale que constituent la tertiarisation, la salarisation de l’activité féminine et la réussite scolaire et universitaire, s’est effectuée sur fond d’inégalités persistantes avec des percées subites mais aussi des reculs. Rappelons à cet égard trois points préoccupants : la fin de la progression de l’activité féminine depuis le début des années 1990, si on l’évalue en équivalent temps plein, car l’accès des femmes au marché du travail se fait surtout sur le mode du temps partiel ; une bipolarisation croissante entre les femmes qualifiées qui jouent le jeu de la mixité et les femmes non qualifiées qui, pour certaines, s’enfoncent dans la précarité – 41 % des cadres administratifs et commerciaux sont des femmes mais elles sont surreprésentées dans les emplois non qualifiés (60 %), sont deux fois plus souvent au smic que les hommes et constituent les deux tiers des salariés à bas salaires ainsi que 83 % des salariés à temps partiel ; enfin une parentalité qui demeure bancale. Près de 6 % des hommes mais 40 % des femmes voient leur situation professionnelle modifiée à l’arrivée d’un enfant et elles assument toujours 80 % des tâches domestiques ainsi que les deux tiers du travail parental. Inévitablement, les deux résultantes de ces inégalités que sont les rémunérations et les retraites des femmes accusent des écarts conséquents. Et ce n’est guère mieux du côté du bilan de la négociation collective sur l’égalité professionnelle : en 2008, sur l’ensemble des 1 082 accords de branches, seulement 5 % d’entre eux abordent le thème de l’égalité professionnelle et à peine 7,5 % des entreprises ont signé un accord sur l’égalité. C’est aussi que les enjeux affichés des politiques publiques se croisent et parfois se neutralisent tant ces dernières, souvent cloisonnées, peuvent se contredire dans leurs effets : libre choix des mères de travailler ou pas, quotient conjugal, incitation au temps partiel font-ils bon ménage avec le principe d’égalité, l’évolution des modèles familiaux et la crise économique ? Et que dire des politiques d’emploi ou familiales qui affichent une neutralité des bénéficiaires, alors que, pour certaines d’entre elles comme le congé parental ou la question de la précarité, une majorité sont des femmes et qu’on occulte ainsi la vaste injustice du travail invisible qui pèse sur les choix et les trajectoires professionnelles ? Que penser d’une réforme des retraites sans étude d’impact quant à ses conséquences à vingt ans sur le niveau des pensions des femmes ? Seule une approche systémique de l’égalité entre les hommes et les femmes peut venir à bout de ces contradictions. Et pourtant les enjeux sont bien identifiés : enjeux d’égalité, de parentalité, d’identité. Trois piliers indissociables -4-
pour ces enjeux d’égalité : la revitalisation de la négociation collective, aidée en cela par cette nouvelle sanction qui peut aller jusqu’à 1 % de la masse salariale, à condition que les décrets à venir précisent les leviers d’action dans les entreprises et les modalités de contrôle et qu’à terme le code du travail soit simplifié ; une plus grande place des femmes dans les postes à responsabilité, y compris dans la fonction publique ; l’amélioration des conditions d’exercice du temps partiel, et enfin, la lutte contre la précarité du travail féminin. Quant à la parentalité, mot figurant dans l’accord national interprofessionnel de 2004, elle suppose d’être accompagnée par les pouvoirs publics et les entreprises à la fois en termes de services aux familles, et surtout de modes d’accueil de la petite enfance, ainsi que de gestion du temps et d’organisation du travail. Les enjeux d’identité suscitent, paradoxalement, les désirs les plus grands et les plus grandes résistances, des hommes comme des femmes, tous ligotés dans des stéréotypes qui brident toute évolution, que ce soit dans le monde du travail ou celui de la famille. Le monde du travail, au lieu d’instaurer des relations interpersonnelles permettant à chacun de développer une identité propre, met en scène souvent des rapports de sexe codés qui reflètent une infériorisation de la place des femmes, souvent affectée d’un coefficient symbolique négatif. C’est la fameuse « valence différentielle des sexes » dont parle Françoise Héritier. Et qui fait le lit non seulement de la discrimination mais aussi du sexisme ordinaire, de tous ces petits signes, comportements, attitudes qui déstabilisent les femmes, voire les délégitiment, et créent de la souffrance. Stéréotypes négatifs brandis par les hommes, qui, non contents de sous-traiter aux femmes leur part de travail domestique et parental leur font payer en monnaie de stéréotypes ce temps écartelé entre sphère professionnelle et domestique : elles seraient moins mobiles, moins disponibles, moins flexibles pour le travail salarié et donc moins faciles à promouvoir. Pire ! Voilà qu’elles se rendent coupables, par moments, du délit de maternité. Quoi d’étonnant qu’elles deviennent, dès lors, pour les employeurs, des agents à risque ? Une femme vaut moins qu’un homme sur le marché du travail. Et ce n’est guère mieux du côté des discours inversés des chantres du « tout est bon dans le féminin ». Aux femmes l’intuition, l’empathie, le sens de la coopération ; aux hommes la rigueur, l’autorité, les talents de stratège. Le risque est grand en effet de valoriser des compétences dites féminines, avec une dérive essentialiste qui « naturaliserait » des compétences sociales et cantonnerait les femmes dans les fonctions de lien, de communication ou de ressources humaines, et les hommes dans les fonctions d’autorité et de production. Bien au contraire, les compétences n’ont pas de sexe et toutes ces catégories binaires qui s’accrochent à des identités imposées inhibent les élans et limitent le champ des possibles. La sphère privée n’échappe pas aux résistances face au partage égalitaire du travail. La mise en couple fonctionne même comme un surligneur du genre. Pourquoi, pour reprendre une expression du sociologue Jean-Claude Kaufmann, faire couple pour une femme, autrement dit faire ménage, c’est faire le ménage ? Pourquoi, pour reprendre les analyses d’un autre sociologue, François de Singly, le sentiment d’injustice des femmes, face aux comptes déséquilibrés des tâches ménagères, ne survient que lorsqu’elles effectuent plus des deux tiers des tâches au sein du foyer ? C’est qu’il y va de la construction identitaire des femmes dans ces pratiques sexuées et qu’être conforme à son genre est au moins aussi important que de rechercher une relation égalitaire dans le couple. Les femmes sont enfermées dans un conflit de légitimité qui crée une double culpabilité : elles se sentent soit démissionnaires de la sphère privée, soit usurpatrices de la sphère publique. Elles sont dans « le trop peu » et « le pas assez », et pourtant, malgré cet écartèlement, elles montrent qu’elles veulent les deux, travailler et avoir des enfants. Moins écartelés, les hommes, entre les deux sphères ? Sans aucun doute ! Si les hommes sont certes victimes de stéréotypes et en souffrent, l’asymétrie demeure car ils tirent profit aussi de leur position privilégiée de groupe. Les bénéfices matériels qu’ils tirent de cet inégal partage des tâches ne sont-ils pas supérieurs, à leurs yeux, aux avantages présumés de l’égalité ? Les jeunes pères ont néanmoins leur mot à dire et commencent à le dire. Mais là encore, cela bouge : le binaire réducteur entre le père qui dit la loi, instrument de séparation, et la mère qui donne l’amour, instrument de fusion, est souvent déconstruit et ces deux fonctions sont partagées. Plus encore, si les femmes ne veulent pas lâcher la sphère privée, c’est aussi qu’elles trouvent dans l’enfant un pourvoyeur de reconnaissance. Les voilà donc qui abordent la vie campées sur leurs deux jambes, car munies d’un double système de reconnaissance, familiale et professionnelle, sauf en cas de travail précaire. Tournez la page s.v.p. -5-
Bon nombre d’hommes, au contraire, limités au seul système de reconnaissance professionnelle, se retrouvent fort dépourvus quand la crise fut venue et que l’entreprise les rejette. On ne dit pas assez que les enfants participent au développement affectif et cognitif de l’adulte et que, pour peu qu’on ait réussi à trouver un curseur à peu près correct entre le trop de règles et le pas assez de règles, loin de nous dépasser, ils sont des passeurs de modernité. Voilà venu le temps de mettre à l’agenda la déspécialisation des rôles dans la sphère privée comme professionnelle, celui de la double émancipation et donc de l’avènement du gouvernement domestique comme celui du partage des responsabilités dans le travail. La grande question du XXIe siècle, pour rester provocateur mais dans l’optimisme cette fois, devient donc : « Qui aura la chance de se partager le temps des enfants ? » Utopie, me direz-vous ? Mais, en ce centenaire du 8 mars, il faut bien accrocher son chariot aux étoiles. Brigitte Grésy, Inspectrice générale des affaires sociales Le Monde, 7 mars 2011 Texte n° 3 Les quotas de parité doivent-ils s’appliquer à l’entreprise comme à la politique ? 20 % de femmes dans les Conseils d’administration d’ici 3 ans et 40 % d’ici 6 ans : les quotas s’introduisent dans l’entreprise. Mais est-ce légitime ? Le problème est réel : les femmes, malgré leur niveau d’instruction, restent sous-représentées dans les instances dirigeantes, les premières sacrifiées dans la crise, les plus sujettes aux inégalités de rémunération... Les causes sont connues : leur sous-représentation dans certains métiers (et leur surreprésentation dans l’éducation ou la santé par exemple), leur absence de networking le soir, leur maternité à l’âge où les hauts potentiels sont identifiés ; la consanguinité « naturelle » des dirigeants, ... sans oublier que les femmes osent moins que les hommes demander des promotions. Mais les quotas sont-ils la solution à ces inégalités ? La France, avec sa culture universaliste, prônait un idéal d’égalité de traitement, sans considération de sexe, ni d’origine. Cette culture n’ayant pas donné tous les résultats escomptés, le « droit à la différence » a peu à peu remplacé le « devoir d’indifférenciation de traitement » et conduit aux quotas. Pour rallier les frileux, les quotas n’ont pas été présentés comme une fin en soi mais, « au nom du pragmatisme », comme un levier, voire un « pis aller » pour faire avancer les choses... (au moment où le Liban, l’Afrique du Sud ou les USA ont plutôt tendance à en revenir car toute discrimination, si positive soit- elle, reste une discrimination.) Or, le risque existe, en introduisant les quotas, d’introduire l’idée que l’on peut désormais considérer un citoyen pour ce qu’il est par le hasard de sa naissance et non pour ce qu’il fait ou dit. Le risque existe de le réduire à son statut « biologique », d’inciter ainsi une femme à parler en tant que femme au lieu d’être entendue, comme tout citoyen dans le débat public, au-delà de sa seule origine. Et dans l’entreprise, les quotas sont plus questionnables encore : en effet, l’entreprise poursuit un projet économique qui concerne, souvent, une partie seulement de la population, et pour lequel elle est en droit de fonctionner selon des critères de compétitivité qui lui permettent de gagner dans la concurrence. Pourquoi devrait-elle refléter toute la société ? Au nom de quoi une entreprise de bateaux ne pourrait-elle pas avoir une sur-représentation de passionnés de mer... et, peut-être, de jeunes ou d’hommes ? Au nom de quoi l’empêcher de recruter ceux qui sont en phase avec son projet, dès lors qu’elle respecte des conditions décentes de travail ? Poussons plus loin. Si l’entreprise n’a pas à refléter toute la société, doit-elle alors être le reflet de ses clients ? Il lui faut certes les comprendre, mais demande-t-on à un avocat de ressembler aux délinquants qu’il défend ? Elle aura sans doute des profils commerciaux proches de ses clients mais des profils administratifs divers. Doit-elle alors refléter le profil des candidats qui postulent, avec leur pourcentage d’hommes et de femmes ? Ou celui des seuls candidats qui ont les compétences... ? Au risque de devoir refuser des femmes compétentes, dans les filières où elles sont en majorité ! -6-
Pourquoi viser la parité dans l’entreprise ? Sans doute parce qu’elle y prête le flanc : ayant toujours eu mauvaise presse en France, elle s’efforce, avec la crise, de minimiser son visage financier et de valoriser son visage civil dans une « stratégie de déculpabilisation ». Elle parle d’elle comme d’un lieu où il fait bon travailler pour attirer les meilleurs. Elle insiste sur son rôle d’ « entreprise citoyenne » et laisse planer, avec l’entreprise 2.0, l’illusion d’une démocratie directe. Minorant sa vocation première, elle s’affiche comme une communauté d’individus et s’expose, dès lors, aux mêmes règles que le politique... et à l’influence anglo-saxonne de la gender diversity (qui classe les femmes dans la catégorie « diversité », ce qui est une insulte). Mais ceci n’exonère en rien l’entreprise de devoir lutter contre les injustices vis-à-vis des femmes. L’égalité des chances exige de respecter des quotas... mais « de compétences ». D’évaluer chaque collaborateur sur ce qu’il « fait » pour le projet, et non sur ce qu’il « est ». De ne pas pénaliser le manque de networking des femmes. De ne pas dégrader les rémunérations si l’entreprise est fortement féminisée. Et de ne pas démoraliser les hommes compétents. Ce n’est pas parce que le système n’est pas parfait qu’il faut jeter « le bébé de la méritocratie » avec l’eau du bain. L’entreprise a besoin de diversité car, consanguine, elle serait plus faible. Mais de laquelle et comment ? D’ores et déjà, la situation change avec les nouvelles générations de femmes dont l’éducation est supérieure à celle des hommes. Avec, aussi, les femmes de 50-55 ans, les premières à avoir accédé aux grandes écoles. En outre, la parité n’est pas toujours le critère de diversité le plus pertinent : l’entreprise a-t-elle besoin de plus de femmes ou de jeunes ? De sportifs ? De seniors ? Ou d’une diversité multiculturelle, pour ses marchés à forte croissance ? Et si elle choisit une femme chinoise pour son Board, est-ce parce que c’est une femme ou parce que c’est une Chinoise et que cela a du sens pour son développement ? Attend-on d’un Board qu’il reflète la société, par sexe, par âge, par niveau social, par revenu, par habitat et pourquoi pas par orientation sexuelle ? Menons la véritable conquête : de bas en haut La parité – ou diversité – doit être le résultat a posteriori de la reconnaissance de ce que chacun a « fait », et non un a priori, au nom de ce que chacun « est ». Et ce, à tous les échelons jusqu’aux comités exécutifs et, enfin, aux Boards. C’est exigeant et cela passe par une méritocratie rigoureuse pour que la diversité soit légitime et non suspecte de « favoritisme ». C’est là que se situe le véritable volontarisme. Cela passe, dans l’entreprise, par la lutte contre les injustices liées aux compétences : par une vigilance accrue contre les stéréotypes machistes – ou racistes – ; une méfiance envers la consanguinité, la chasse impitoyable aux inégalités de rémunérations, une organisation du travail compatible avec une vie de famille ; bref, par une gestion des talents plus attentive, plus précise et qualitative dont les résultats s’afficheront, eux, quantitativement. Cela passe aussi, dans la société, par la lutte contre les injustices de situations : par une répartition plus équitable des tâches domestiques, une participation du père dans le financement et l’éducation des enfants dans les familles monoparentales, par les crèches, et la non-dévalorisation du travail à temps partiel. Faute de quoi, les femmes continueront à autocensurer leur potentiel. Ainsi, l’enjeu n’est pas tant de nommer des femmes « exceptionnelles » dans les Boards, que de promouvoir plus justement femmes – et hommes – à tous les échelons, au nom de leurs compétences. Et non de leur sexe. (Et elles y tiennent !) Il y a beaucoup à faire. Pas seulement pour les femmes. Pour tous. Et ce n’est pas parce qu’on parle de femmes, qu’il faudrait compenser une discrimination par une nouvelle discrimination. Vivent les quotas... de compétences. Relisons Amin Maalouf sur les « identités meurtrières » et reconnaissons chacun pour ce qu’il fait et apporte et non pour ce qu’il est, par sa naissance. Pascale Weil, Associée de Publicis Consultants Le Monde, 7 mars 2011 Tournez la page s.v.p. -7-
Texte n° 4 Cinq pratiques pour booster la parité en entreprise Programme de mixité, réseau d’entraide, promotion de la paternité... Autant de mesures à suivre d’urgence pour progresser sur la voie de la parité hommes-femmes. La loi Copé-Zimmermann, qui impose 40% de femmes au minimum dans les conseils d’administration, commence à porter ses fruits. « On a démarré par l’instauration de quotas dans le monde politique, dans la hiérarchie des conseils d’administration. C’est une procédure qu’il faut poursuivre en bonne intelligence avec les hommes. Je préfère parler de mixité, on ne restera pas sur ces quotas », estime Caroline Golenko, associée du cabinet de chasseurs de têtes CT Partners. Et d’ajouter : « Il y a un vide démographique parce que les femmes ne sont pas montées aussi vite dans la hiérarchie que leurs confrères masculins. Mais d’ici cinq à dix ans, ce vide sera comblé. Nos championnes n’hésiteront plus à briser le plafond de verre qui bridait leurs carrières à 35 ans. » En attendant, voici cinq pratiques de terrain à adapter sans compter. Doper l’estime de soi des femmes « Depuis dix ans, les gestions de carrières s’opèrent de mieux en mieux », observe Patricia Delon, directrice commerciale de la RATP et présidente d’ESCP au féminin, réseau de diplômées de l’ESCP Europe. Mais, pour accélérer la tendance, « les femmes au-delà de 35 ans doivent se libérer du syndrome de la bonne élève persuadée qu’il suffit de bien travailler pour être récompensée », ajoute Patricia Delon. Pour faire évoluer les mentalités, ESCP au féminin forme, notamment, ses membres au « marketing de soi ». Lancer un programme pour la mixité en entreprise Le groupe de luxe multimarque PPR compte 59% d’effectifs féminins. Les managers sont des femmes à 53%. Les cadres dirigeantes sont 37%. « La déperdition s’opère en montant », observe Leslie Chaffot, responsable diversité de PPR. Lancé en 2010, le programme « Leadership et mixité » fixe des quotas à atteindre en 2015 : 50% de femmes dans la population leader, 40% de femmes dans les instances dirigeantes. « Nous avons demandé à nos cabinets de recrutement de respecter la parité dans les short lists de candidats, explique Leslie Chaffot. La mixité n’est pas qu’un sujet d’équité sociale, c’est aussi un enjeu de créativité et de performance, en particulier dans nos marques dont la clientèle est majoritairement féminine. » Changer les commissions de recrutement Président de l’université de Strasbourg, Alain Beretz est « très opposé » à la méthode des quotas. Il a, en revanche, imposé que dans les commissions de recrutement, qui se réunissent 80 fois par an, la proportion d’hommes et de femmes soit la même que dans l’institution. « Les comités étaient trop souvent à 100% masculins, et les hommes cooptaient des hommes », relève Isabelle Kraus, chargée de mission égalité-diversité. La démarche porte ses fruits : en 2011, l’institution a recruté 50% de femmes maîtres de conférences. Elle pourrait augmenter cette valeur de 30% d’ici à six ans. Faire tomber le tabou de la paternité en entreprise « Nous sommes un groupe décentralisé en agences sur 1200 sites en France, avec 70% d’effectifs féminins », explique Bruce Roch, directeur de la responsabilité sociale et environnementale d’Adecco. Avec ses 8000 collaborateurs permanents âgés de 34 ans en moyenne, l’entreprise est jeune. « Nous sommes dans la période des absences pour maternité et des congés parentaux, observe Bruce Roch. Nous incitons notamment les hommes à prendre leur congé de paternité en complétant à 100 % leur rémunération pendant cette absence. » -8-
Selon François Fatoux, délégué général de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises, « il ne peut exister d’égalité dans les entreprises sans égalité dans les foyers ». Le rapport qu’a remis, le 2 février dernier, Jérôme Ballarin, président de L’Observatoire de la parentalité en entreprise, à Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille, propose 10 bonnes pratiques pour aider les entreprises à impliquer les hommes en faveur de l’égalité professionnelle et de la parentalité. Lutter contre les doubles discriminations « En France, on est senior à partir de 45 ans. C’est un âge fatidique, où les femmes ne sont plus attendues », constate Françoise Holder, cofondatrice des boulangeries Paul et à la tête de l’association Force femmes. Depuis cinq ans, « 650 femmes ont retrouvé un emploi stable ou créé leur activité après avoir suivi nos ateliers », poursuit-elle. Parmi les conseils : bien utiliser les réseaux sociaux, cultiver les contacts, se souvenir que la cooptation est la première source de recrutement. Part des femmes dans les conseils d’administration du CAC 40 2009 : 10,5% 2010 : 15,3% 2011 : 20,8% Top 5 des conseils mixtes Publicis : 43,8% Vallourec : 36,4% Vivendi : 33,3% PPR : 33,3% Société Générale : 33,3% Source : Capitalcom (2011) Olivier Mirguet, L’Express, 9 février 2012 Texte n° 5 Quel serait l’impact de la parité dans les entreprises ? Accepter plus de femmes à la tête des grandes entreprises, ça change quoi ? Une nouvelle étude montre que c’est sur le bien-être des salariés que la féminisation des postes décisionnaires se fait ressentir. A chaque fois qu’une femme prend la tête de l’une des 500 plus grandes entreprises des États-Unis, on entend proclamer que le plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder aux positions de pouvoir est enfin en train de se fissurer, ainsi que des réactions plus mesurées observant qu’il reste encore une longue route à parcourir. Excepté pour Indra Nooyi et Virginia Rometty, le chemin vers l’égalité des sexes s’est avéré plutôt sinueux ces vingt dernières années. Ce genre de nouvelle suscite aussi parfois des discussions sur l’aspect qu’aurait le monde si davantage de femmes occupaient des positions de pouvoir : verrions-nous des environnements de travail plus doux, plus humains, plus compréhensifs, serait-ce l’avènement de la paix mondiale ? Ou le monde des affaires serait- il tout aussi cruel, géré par des femmes prêchant pour la même paroisse, celle des actionnaires et de leurs dividendes, que leurs prédécesseurs masculins ? Aux États-Unis, nous ne sommes pas près de le savoir, puisque les entreprises continuent de nommer principalement des hommes aux conseils d’administration et aux postes de PDG. Les Norvégiens, en revanche, n’ont pas abandonné l’égalité des sexes aux caprices des forces du marché : en 2006, le gouvernement a rendu obligatoire pour chaque entreprise cotée à la bourse d’Oslo l’augmentation du nombre de femmes siégeant à son conseil d’administration à 40% minimum avant février 2008. Tournez la page s.v.p. -9-
Accommodantes et émotives contre froids et rationnels Quatre ans plus tard, les effets de cette expérience sociale commencent à se faire sentir dans les entreprises norvégiennes. Ses résultats sont décrits dans une étude publiée l’année dernière par les économistes David Matsa et Amalia Miller. Les entreprises dans lesquelles les femmes s’étaient vues octroyer une position de force ont été moins enclines à réagir par le licenciement aux chutes brutales de bénéfices. Il semble qu’un monde dirigé par les femmes puisse en effet s’avérer plus humain et plus doux, mais qu’il connaisse aussi des bénéfices moins élevés, en tout cas à court terme. Pourquoi s’attendre à ce que les patronnes soient différentes de leurs homologues masculins ? La plupart des personnes interrogées à ce sujet pensent que les femmes sont accommodantes et émotives alors que les hommes seraient froids, rationnels et compétitifs. Certains vont jusqu’à suggérer que les femmes sont plus honnêtes et moins corruptibles que ces messieurs. Il en résulte que les femmes dirigeraient des entreprises plus ouvertes et démocratiques et, peut-être, laisseraient d’autres facteurs que le seul résultat financier guider leurs décisions. Les hommes et les femmes sont-ils réellement si différents qu’on pourrait les croire débarqués de deux planètes différentes, ou s’agit-il davantage d’une question de perception que de réalité ? Et si elles sont réellement différentes au départ, les femmes se laisseraient-elles corrompre par l’exercice du pouvoir ? Il n’est pas aisé de déterminer les effets d’une direction féminine en comparant des entreprises dirigées par des femmes, comme IBM et Pepsi, à leurs rivales gérées par des hommes, comme Dell et Coca-Cola : on peut estimer qu’une entreprise qui nomme des femmes à des postes importants promeut la diversité et l’égalité des sexes, mais cela peut aussi signifier que c’est une entreprise plus humaine et plus douce au départ. Les entreprises sympathiques sont susceptibles de donner le pouvoir aux femmes, pas forcément l’inverse. David Matsa et Amalia Miller contournent le problème de savoir si l’oeuf est arrivé avant la poule en se penchant sur les effets de l’expérimentation sociale mise en oeuvre par le gouvernement norvégien en 2006. Le quota de femmes obligatoire ne s’appliquait qu’aux entreprises cotées à la bourse d’Oslo ; à l’époque, les conseils d’administration desdites entreprises étaient constitués en moyenne de 20% de femmes. Ces entreprises ont eu deux ans pour relever cette proportion à 40%, que l’entreprise fasse cas de l’égalité des sexes ou pas. Aucune pression nouvelle n’étant exercée sur les entreprises non cotées en bourse pour engager des femmes, les chercheurs disposaient donc d’un point naturel de comparaison pour évaluer si les changements dans la manière dont les entreprises cotées opéraient étaient dus à la féminisation des conseils d’administration ou à une évolution simultanée mais distincte de la société norvégienne. Et comme aucune législation du même genre ne fut votée ailleurs dans la région, Matsa et Miller comparent aussi les entreprises cotées à Oslo avec leurs homologues danoises, suédoises et finlandaises. Les femmes sont-elles moins rentables ? Les économistes ont découvert que les stratégies adoptées par les conseils d’administration n’étaient pas affectées par l’augmentation du nombre de femmes décisionnaires : entre 2006 et 2009, les entreprises norvégiennes cotées en bourse n’ont pas été engagées dans davantage de fusions, d’acquisitions ou de joint ventures que leurs homologues ailleurs en Scandinavie. Elles n’ont pas généré davantage de recettes que les entreprises non-soumises aux quotas. Cependant, les entreprises gérées par des conseils d’administration récemment influencés par des femmes ont eu des profits inférieurs d’environ 4% à ceux des entreprises- témoins utilisées comme référence par Matsa et Miller. Les femmes seraient-elles simplement moins qualifiées pour diriger de grandes entreprises cotées en bourse ? Une de mes connaissances norvégiennes se rappelle que lors de la mise en application de la loi, beaucoup dans le monde des affaires ont craint que le nombre existant de femmes qualifiées ne suffise pas à pourvoir tous les postes ouverts. Mais l’origine de cette moindre rentabilité ne laisse pas penser que les hommes soient plus intelligents ou aient - 10 -
plus d’expérience. Les profits moins élevés découlent probablement de la manifestation des différences Mars- Vénus lors des discussions de conseils d’administration. Les entreprises norvégiennes cotées en bourse ont gagné moins d’argent principalement parce qu’elles ont moins licencié. En fait, la totalité de la différence de profits peut être mise sur le compte d’une augmentation de l’enveloppe des salaires (la masse salariale a en réalité augmenté davantage que la somme des salaires, ce qui implique une baisse des salaires moyens. Matsa et Miller estiment que c’est parce que les entreprises dirigées par des femmes protégeraient plus particulièrement les emplois peu qualifiés, les plus exposés aux licenciements). Être dirigé par des femmes est donc bénéfique pour le salarié. Et ce n’est peut-être pas si néfaste pour les actionnaires – cela fait maintenant des années qu’on nous rebat les oreilles au sujet de ces chefs d’entreprises excessivement court-termistes, incapables de voir plus loin que les résultats financiers du prochain trimestre. S’il est trop tôt pour prédire quels seront les effets à long terme de l’arrivée de voix féminines dans les conseils d’administration, peut-être leur style de management plus doux et plus humain sera-t-il plus efficace pour retenir les talents et motiver les employés, ce qui finira à terme par donner un coup de fouet aux bénéfices. « Grignoter le plafond de verre » Si l’on se base sur l’expérience norvégienne des quotas, il est tentant d’imaginer que nous pourrions guérir les entreprises américaines de leur obsession des profits immédiats, et peut-être commencer à combler le fossé des revenus entre travailleurs et investisseurs capitalistes au passage, simplement en plaçant davantage de femmes à des postes importants. Mais l’Amérique, si attachée à ses idéaux de liberté à tout prix, est très loin des utopies des masses salariales d’Europe du Nord. Pour commencer, les Norvégiens ont l’habitude, eux, de voir le gouvernement mettre le nez dans leurs affaires, qu’il s’agisse de santé, de données personnelles ou d’impôts. Il est fort peu probable que nous puissions simplement légiférer sur l’égalité des sexes en Amérique. Si les Américaines ne sont pas près de bénéficier de discrimination positive à grande échelle dans un avenir proche, elles peuvent en tout cas continuer à grignoter le plafond de verre du monde des affaires dans leur pays. Dans une étude publiée récemment dans l’American Economic Review, Matsa et Miller laissent une petite place à l’optimisme ; ils commencent par citer Sam Walton, qui en 1987 décrivait Hillary Clinton, membre du conseil d’administration de Walmart, comme une « jeune femme volontaire siégeant au conseil d’administration… qui lui a déjà dit qu’il devrait œuvrer davantage à assurer l’avancement des femmes ». Leur étude fournit ensuite des preuves que Clinton n’est pas un cas isolé : les entreprises qui nomment davantage de femmes dans leurs conseils d’administration sont plus enclines à engager des cadres femmes dans les années qui suivent. Ce cercle vertueux de femmes engageant d’autres femmes pourrait non seulement être annonciateur de meilleures opportunités pour le sexe pas si faible que ça, mais aussi pour les salariés des entreprises qu’elles dirigent. Ray Fisman Professeur et directeur du programme « Entreprise sociale » à la Columbia Business School Slate.fr, 7 mars 2012 Texte n° 6 135 entreprises épinglées pour non-respect de la parité Le ministère des Droits des femmes a annoncé avoir mis à l’amende deux entreprises qui n’ont pas respecté l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé que les deux premières sanctions étaient tombées, visant deux entreprises qui n’ont pas respecté l’égalité salariale hommes/femmes. « On a prononcé 135 mises en demeure en quatre mois. Et surtout les deux premières sanctions sont tombées. Ces entreprises ont été averties mais sont passées outre la mise en demeure », déclare la ministre interrogée Tournez la page s.v.p. - 11 -
dans l’édition de jeudi 25 avril du Parisien/Aujourd’hui en France à l’occasion de la Journée internationale pour l’égalité des salaires (« Equal Pay Day »). « Depuis le début de l’année, 1.500 plans ou accords d’entreprise nous ont été déposés. Ils dressent un diagnostic, fixent des objectifs. Dans certaines régions, plus de la moitié des entreprises se sont déjà conformées à leurs obligations. Mais certaines traînent des pieds », indique-t-elle. 5.000 euros par mois de pénalités « Pour la première entreprise épinglée, située en Ile-de-France, c’est une pénalité de 5.000 euros par mois jusqu’à ce qu’elle se mette en conformité avec la loi. Cette somme représente 1% de sa masse salariale. Il s’agit d’une structure de 150 salariés qui affiche 500 euros d’écart de salaire moyen entre hommes et femmes et nous a présenté un plan qui ne prévoit rien pour y remédier. L’autre entreprise se situe en Aquitaine, compte 180 salariés et n’a jamais remis de document, malgré les avertissements. Elle devra payer 8.500 euros d’amende en une fois, parce qu’elle vient juste de revendre son activité. Charge au nouveau propriétaire de corriger le tir », explique Najat Vallaud-Belkacem. Pour la ministre des Droits des femmes, « la sanction, c’est le dernier recours, mais pour être efficace elle doit être dissuasive. Et surtout plausible ! Jusque-là, les entreprises se disaient « c’est trop énorme, on ne risque rien ». Eh bien, ce n’est pas que de l’incantation. On sanctionne. Une fois qu’on a expliqué, accompagné, alerté, il est normal de demander des comptes. Et la peur du gendarme, ça fonctionne », dit-elle. Plus de femmes à temps partiel La loi du 2 novembre 2010 – votée sous le précédent gouvernement – oblige les structures de plus de 50 salariés à se doter d’un plan ou d’un accord d’entreprise visant à empêcher la différenciation entre hommes et femmes en matière de rémunération et de carrière. Elle prévoit des sanctions civiles et pénales envers les contrevenants. L’annonce de ces sanctions a été faite à l’occasion de l’ « Equal Pay day », une journée organisée par la Commission européenne pour rappeler le nombre des jours supplémentaires de travail que les femmes doivent accomplir pour gagner autant que les hommes. En 2012, cet écart était de 79 jours en France. Un écart qui s’explique par « la part écrasante de femmes dans le travail à temps partiel (80% des emplois) », les interruptions de carrière et une part inexpliquée (environ 9%) dans laquelle se trouvent les discriminations à poste égal, rappelle le ministère. Avant d’en venir aux sanctions, le ministère des Droits des femmes insiste sur l’effort mis en oeuvre pour promouvoir l’« enjeu de l’égalité professionnelle », notamment auprès des PME et les aider à la réaliser, via des actions de sensibilisation, formation, accompagnement. Selon la Commission européenne, le rapprochement des taux d’activité entre femmes et hommes pourrait générer entre 0,2 et 0,4 point supplémentaire de croissance. Challenges.fr avec AFP, 25 avril 2013 Texte n° 7 « Les écarts de salaires ne bougent pas » Entretien avec Dominique Meurs, économiste et universitaire à l’Institut national d’études démographiques (Ined) et à EconomiX (Paris Ouest-Nanterre) et Sophie Ponthieux, économiste à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le mouvement de rapprochement des salaires entre les hommes et les femmes est quasiment en panne. Comme si le mécanisme de rattrapage était bloqué et la parité inaccessible. - 12 -
Comment l’écart de salaires entre les hommes et les femmes évolue-t-il ? Sophie Ponthieux : Si l’on prend en compte tous les salariés, l’écart des salaires mensuels entre hommes et femmes ne bouge presque plus depuis le début des années 1990. En 1995, le salaire des femmes (en équivalent temps complet) était égal à 79 % de celui des hommes, en 2010 à 81 %, soit trois points rattrapés en quinze ans. A ce rythme, la parité sera atteinte en 2105 ! Ce phénomène n’est pas spécifique à la France : les pays nordiques, bien connus pour leurs politiques d’égalité professionnelle, subissent également une panne du rapprochement des salaires entre les femmes et les hommes, comme si une fois atteint un certain seuil, probablement propre à chaque pays, les progrès patinaient et la parité apparaissait inaccessible. Cette stagnation généralisée succède à une période de resserrement des écarts démarrée dans les années 1970 et qui s’achève au début des années 1990. Ce phénomène apparaît comme largement incompréhensible : les femmes ont un taux de participation élevé au marché du travail, leur niveau d’éducation a rejoint et dépassé celui des hommes, les taux de chômage sont semblables. Quels sont les principaux facteurs de cette stagnation ? S. P. : Lorsqu’on dit que l’écart des salaires est stable, on compare les salaires mensuels observés, sans les corriger du moindre effet lié aux différences dans la structure des emplois. Si l’on prend l’ensemble le plus large possible des salariés, quels que soient leur durée de travail, leur poste occupé, leur secteur d’emploi…, le salaire moyen des femmes est de l’ordre de 75 % du salaire moyen des hommes. Une partie de cette différence salariale s’explique aisément si l’on admet que les hiérarchies de salaires sont normales. Ainsi, comme un emploi moins qualifié rapporte moins, on peut estimer « normal » que les femmes, qui sont plus souvent que les hommes dans des emplois peu qualifiés, gagnent moins. De même, si l’on travaille moitié moins de temps qu’une autre personne sur le même poste de travail, il est normal de gagner deux fois moins pour un même taux horaire ; or, les temps partiels sont majoritairement occupés par des femmes. Si l’on neutralise toutes ces différences structurelles observables (qualification de l’emploi, temps de travail, niveau d’éducation…), alors l’écart entre les salaires des femmes et des hommes, dit écart « ajusté », est beaucoup plus faible, de l’ordre de 9 %, selon les derniers calculs de la Dares, mais toujours au désavantage des femmes. Il est également quasiment constant sur la période. Dominique Meurs : Ces 9 % d’écart persistant signifient que les femmes n’arrivent pas à être rémunérées au même prix que des hommes aux caractéristiques identiques. Cela peut venir de mécanismes non observés dans les statistiques, comme l’accès à des positions plus avantageuses dans l’entreprise à catégories socioprofessionnelles comparables, donc en partie lié à des phénomènes de discrimination. Mais soulignons que, même si l’on réussissait à éliminer cette inégalité salariale non expliquée, tout en conservant les différences structurelles observées entre hommes et femmes, il resterait encore de l’ordre de 15 % d’écart entre les salaires moyens des femmes et ceux des hommes attribuables à des différences observables. L’ampleur de l’inégalité des salaires en l’absence de discrimination demeurerait donc considérable. Une inégalité est-elle plus acceptable parce qu’elle est attribuable à des facteurs identifiés ? Cela dépend de l’interprétation que l’on donne à ce qui est expliqué dans les différences de salaires. Que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes relève-t-il de politiques de recrutement des entreprises (temps partiel contraint) ou de choix personnels ? Si le temps partiel est pris à l’initiative du salarié, s’agit-il d’un vrai choix (se dégager du temps pour soi) ou d’un arbitrage sous contrainte familiale ? Les autres différences de type d’emploi traduisent-elles des choix personnels ou sont-elles le reflet de normes sociales qui poussent encore les femmes plutôt vers les secteurs de l’éducation ou du social, et les hommes vers les secteurs plutôt techniques ou scientifiques ? Quel regard porter sur ces inégalités persistantes ? D. M. : L’analyse de l’ensemble des facteurs de l’écart des salaires, c’est-à-dire des composantes de sa partie expliquée, permet de disposer du panorama le plus exhaustif possible des sources d’inégalités salariales, sans se prononcer sur leur caractère acceptable ou non. Nous avons ainsi montré l’importance des législations sur Tournez la page s.v.p. - 13 -
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