ANESTHESIA SAFETY NETWORK - TOWARD EXCELLENCE IN HEALTHCARE
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ANESTHESIA SAFETY NETWORK RAPPORT TRIMESTRIEL DES ÉVÈNEMENTS PÉRIOPÉRATOIRES Newsletter #013 - septembre 2019 TOWARD EXCELLENCE IN HEALTHCARE
INTRODUCTION Anesthesia Safety Network Newsletter #013 - septembre 2019 Dans la dernière newsletter (#12), juillet 2019, nous évoquions le congrès du Clinical Human Factor Group dédié à l’impact de l’ergonomie des dispositifs sur la sécurité des patients. Au cours de cette journée mémorable, nous avons eu la chance d’échanger longuement avec Martin Bromiley, Rhona Flin et d’autres participants. Les speakers soulignaient qu’il était important de faire la distinction entre l’erreur d’utilisation (use error) et l’erreur de l’utilisateur (user error). L’erreur d’utilisation renvoie à un défaut d’ergonomie ou de conception du dispositif médical. En effet, le design de certains dispositifs médicaux ou l’architecture de certains lieux de soins n’ont pas toujours été pensés pour assurer une sécurité des soins optimale. Comme le dit Martin Bromiley, un design ergonomique en matière de sécurité doit rendre difficile ce qui est dangereux et facile ce qui est sûr, littéralement : “rendre facile ce qui est vrai et difficile ce qui est faux”. En fin de journée, Martin Bromiley avait présenté les newsletters d’Anesthesia Safety Network comme le Gold Standard en matière de retour d’expérience. Nous souhaitions partager avec vous cette reconnaissance qui vous revient également (interview disponible sur le site du CHFG). De notre côté, la plateforme de déclaration n’avait pas évolué depuis Juin 2016. Nous avons donc décidé de simplifier l’outil de déclaration en créant une plateforme plus dynamique utilisant un agent conversationnel intelligent qui assiste le soignant dans sa déclaration et son retour d’expérience pour en faire un débriefing virtuel. D’ici 2020, grâce au perfectionnement de l’analyse automatisée, nous serons en mesure de vous fournir au terme de la déclaration des liens vers des documents ou outils développés par les institutions nationales et internationales (HAS, OMS, sociétés savantes, …). “RENDRE FACILE CE QUI EST VRAI https://vimeo.com/342935330 Interview réalisée lors du Safer Healthcare by Design – 12th June 2019 – A conference for healthcare, Human Factors, ET DIFFICILE CE QUI EST FAUX” procurement and design (https://chfg.org/chfg-safer- healthcare-by-design-conference-london-2019/) Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 2
Newsletter #013 - septembre 2019 Nous espérons que vous apprécierez cette 13ème newsletter. Un grand merci à Guillaume Tirtiaux pour sa fidélité et sa parti- cipation sans faille à cette revue. Nous en profitons pour le fé- liciter pour l’ouvrage qu’il vient de publier. Sans nul doute, son expertise et les sujets qu’il y aborde nous permettront de pro- gresser collectivement. Enfin, nous sommes très honorés et remercions chaleureuse- ment Rhona Flin et David Whitaker pour leur contribution à cette newsletter. Nous espérons que ces propositions trouveront un écho positif et nous vous engageons à devenir ambassadeurs du 2222. Continuez à déclarer ! En partageant vos événements vous améliorez chaque jour un peu plus la sécurité des patients. Plus que jamais, le retour d’expérience doit devenir l’un des leviers majeurs de la fiabilisation de nos pratiques. François Jaulin et Frédéric Martin PLUS QUE JAMAIS, LE RETOUR D’EXPÉRIENCE DOIT DEVENIR L’UN DES LEVIERS MAJEURS DE LA FIABILISATION DE NOS PRATIQUES. Anesthesia Safety Network 3 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network FAUT-IL PRESCRIRE UNE DOSE DE PRÉOCCUPATION CONSTANTE AUX ANESTHÉSISTES ? par Rhona Flin Rhona Flin est professeure de psychologie industrielle (industrial psychology) à la Aberdeen Business School de l’Université Robert Gordon et professeure émérite de psychologie appliquée à l’Université d’Aberdeen. Ses travaux portent sur la performance humaine dans des environnements de travail à risque élevé et ses études récentes portent sur le leadership, la culture de sécurité, les aptitudes à travailler en équipe et les aptitudes cognitives. «En tant que neurochirurgien, j’étais tout le temps le concept de «préoccupation constante» chez les dans un état d’anxiété chronique légère.» rapporte managers, en rapport avec la sécurité opérationnelle. Henry Marsh, neurochirurgien, dans le Gardian en En collaboration avec une collègue psychologue, 2019. le Dr Laura Fruhen, nous avons commencé à «La vérité, c’est que parfois, je n’arrive pas à couper. identifier les principales composantes du concept Je rumine et je pense aux patients. Souvent, je me de préoccupation constante. À partir des données réveille à 2 heures du matin en me souvenant de pauvres issues de la littérature, puis en interviewant quelque chose que j’ai oublié au sujet d’un patient et des professionnels du secteur de l’énergie, nous j’envoie un courriel - qu’est-ce qui est arrivé à tel ou avons défini la préoccupation constante comme une tel sujet ?» déclare Ian Grant, chirurgien ORL, dans tendance à éprouver un “inconfort et de l’inquiétude” le Times en 2018. à l’égard de la maîtrise des risques. Le niveau d’inquiétude est lié à l’impression qu’a le manager de Ces chirurgiens semblent décrire une inquiétude savoir si les dangers sont suffisamment maîtrisés et sous-jacente quant à la facilité avec laquelle les si les décisions opérationnelles sont fondées sur des choses peuvent mal tourner dans les opérations. renseignements adéquats en matière de sécurité. Ce qu’ils montrent n’est pas, je pense, une Chaque personne est susceptible d’éprouver des particularité des chirurgiens britanniques, mais inconforts différents qui seront utiles à la gestion des plutôt une caractéristique très souhaitable pour questions de sécurité - le niveau optimal dépendra du le bien-être des patients. A savoir, un sentiment contexte et des caractéristiques personnelles. Nous de ”préoccupation constante” ; une tendance à la avons considéré que la préoccupation constante se méfiance à l’égard des risques, un niveau d’anxiété développe par le biais d’un processus psychologique requis pour la sécurité. Ce concept a été identifié et que la dimension dans laquelle les individus en par des chercheurs de l’université de Berkeley qui font l’expérience semble reposer sur cinq facteurs : la étudiaient des organisations de haute fiabilité (HRO) vigilance, la souplesse de la pensée, la propension à réalisant des activités à risques avec un niveau de l’inquiétude, le pessimisme et la capacité d’imaginer sécurité particulièrement élevé. Ils ont souligné que des conséquences négatives. L’expérience du l’absence d’événements indésirables sur un lieu “malaise” est précieuse pour la sécurité parce de travail hautement risqué devrait être interprété qu’elle favorise une évaluation critique de la cause comme un signe prémonitoire d’une possible de l’inconfort, en examinant les situations sous de détérioration des mécanismes de sécurité plutôt multiples angles, en appliquant une pensée flexible, que comme un accomplissement conduisant à un en recherchant les risques cachés, en effectuant les sentiment de confort. vérifications supplémentaires. Peut-être les anesthésistes les plus “sûrs” en À la suite de l’accident de la plateforme de forage termes de sécurité bénéficient-ils d’une touche de Deepwater Horizon, les responsables du secteur de préoccupation constante ? l’énergie ont suspecté que la rareté des accidents majeurs ait pu conduire à une certaine suffisance Version originale dans la version anglaise de des managers. J’ai obtenu un contrat de recherche la newsletter 13 d’une société pétrolière et gazière pour examiner Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 4
Newsletter #013 - septembre 2019 FALLAIT PAS “L’INVITER” (OU L’APPEL “TOXIQUE”) ça peut aider, si c’est une intoxication à la xylo». Je n’ai pas de retour. Devant l’absence de décision, l’IADE propose d’intuber Un samedi au bloc d’urgence. Premier patient de la journée avec le malade. Je regarde l’IADE et lui fais “oui” de la tête. Le senior de lourds antécédents ORL. Pris en charge pour une fracture en renfort objecte : «non faut pas intuber ce malade, sinon on mandibulaire traumatique. La consultation d’anesthésie ne sait pas ce qu’on fera ensuite». L’IADE prépare quand même recommande une intubation par fibroscopie vigile compte tenu de quoi intuber. J’administre pendant ce temps les intralipides. du risque d’intubation difficile possible (cancer ORL, chirurgies Je demande à nouveau «que fait-on ?» car aucune décision ORL multiples). claire n’est prise. Le patient continue de convulser et le senior Réalisation au bloc, par le senior, d’une anesthésie locale de la “renfort” qui semblait vouloir s’imposer comme leader ne sphère ORL (narines, gargarisme, …) avant de faire l’intubation propose rien d’évident. Il finit par sortir de la salle sans préciser sous fibroscopie. ce qu’il part faire. L’ambiance s’en ressent immédiatement : 20 minutes après les premières administrations de lidocaïne, l’anesthésiste senior semble reprendre ses esprits et confirme le patient présente brusquement un état d’agitation et finit l’état de mal épileptique sur une intoxication aux anesthésiques par convulser. Je demande au senior s’il y a eu d’autres locaux. Il me demande d’injecter en IVD 1 mg de clonazepam médicaments administrés au patient puis évoque une associé à la poursuite des intralipides. Nous préparons intoxication à la lidocaïne (seul médicament qu’il a reçu). Le l’intubation qui se fera en séquence rapide avec un McGrath, sénior, un peu surpris par ce diagnostic, acquiesce et me malade qui finalement s’avère facile à intuber (score POGO demande d’aller chercher l’intralipide. L’intralipide n’est pas à sa à 1). La chirurgie est annulée et le malade est transféré au place habituelle. Je cours en chercher dans un sas d’une salle réveil. Le senior qui n’est jamais revenu nous accueille de façon adjacente demandant au passage à l’IBODE d’appeler du renfort désagréable et nous demande de changer d’emplacement en salle de réveil. Lorsque je reviens dans le bloc, le patient est une fois le patient scopé et installé. Il ne participe pas à la inconscient et en détresse respiratoire malgré l’oxygénation transmission des dernières informations et revient sèchement avec un masque facial. Apparition d’une bradycardie. J’annonce demander si on a appelé le scanner… à voix haute ces informations et je finis par dire très fort «le Cette prise en charge m’invite à vous demander comment gérer patient est en train de s’arrêter» en commençant le massage un renfort finalement toxique dans une gestion de crise. cardiaque. Le sénior en renfort (MAR) - que je ne connais pas - À ma question qui me semble légitime («qui est teamleader ?») entre dans le bloc opératoire sans s’annoncer ni demander en dans une situation de crise, je me suis vu recevoir une réponse quoi il peut aider. Il me dit que ça ne sert à rien de masser et qu’il violente dans un moment de stress (MCE) alors que ma faut un plan dur. Etant en présence d’un MAR (renfort) et d’un question ne visait qu’à prendre un temps pour percevoir, décider MAR du bloc, je demande “qui est le teamleader ?”. Il me répond et agir. Comment gérer un mauvais leadership ou l’absence de : «bah en tout cas, ce n’est certainement pas toi !». Toujours en leadership ? Comment gérer un renfort qui s’avère toxique ? train de masser, je lui redemande alors de me donner un plan dur et reformule ma question «qui est teamleader dans cette MAR : médecin anesthésiste réanimateur / MCE : massage prise en charge ?». Le sénior d’anesthésie reste silencieux et cardiaque externe / ACR : Arrêt cardio respiratoire semble sidéré. Le MAR renfort demande le dossier pour savoir si ce patient est «réanimatoire» et dit «il a peut-être des HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired): 0 - Heure : 9h-11h métastases cérébrales ce patient». Le chirurgien qui arrive infirme ce point, son dernier scanner cérébral récent étant Points positifs: travail d’équipe avec MAR du bloc, IBODE et normal. Le MAR parvient finalement à ventiler le patient qui IADE, appel à l’aide, speak-up. récupère un rythme et une hémodynamique stable. Le senior Points d’amélioration: Comptabiliser les quantités administrées “renfort” demande «pourquoi on fait des intralipides ?» sur dans une anesthésie locale topique de la sphère ORL / travail sur un ton agressif. Je lui réponds : «on suspecte en premier lieu CRM / utilisation d’aides cognitives / RMM / débriefing en équipe une intoxication à la lidocaïne. Ce n’est pas délétère d’en faire et MOTS CLÉS : intoxication, ACR, erreur médicamenteuse Anesthesia Safety Network 5 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network INTRODUCTION À LA COMMUNICATION BIENVEILLANTE La gestion d’une situation de crise En préambule, je souhaite insister sur un point qui fait souvent l’objet d’incompréhensions : la dénomination « Crisis Resource Management » qu’a pris le CRM dans les soins de santé est déroutante. En effet, les compétences nécessaires au bon fonctionnement d’une équipe en situation de crise sont les mêmes que celles qui sont nécessaires en situation normale ! C’est donc en apprenant au quotidien à réussir en équipe que nous réussirons également lorsque la situation se compliquera. Ensuite, quelques bonnes pratiques supplémentaires sont recommandées afin de gérer au mieux une situation de crise. STOP ! Avant de se lancer dans l’action, il est utile de s’arrêter afin de : ● Nommer un coordinateur, dont le rôle sera de rester en retrait – il ne doit pas être impliqué dans l’action –, de coordonner l’équipe, d’anticiper les besoins, d’être garant du cadre temps, et de protéger l’équipe en détectant toute tunnelisation ou autre biais cognitif ; ● Évaluer la nécessité d’appeler davantage de monde en renfort ou au contraire, de limiter le nombre de personnes présentes ; ● Établir un projet d’action commun en réalisant un briefing et en assignant un rôle clair à chacun. Il est important de se rappeler la notion de leadership situationnel : quelle est la personne la plus compétente et à même d’apporter une solution à la situation ? Le coordinateur doit se poser cette question chaque fois que la situation évolue. Il est facilitant de s’appuyer sur des aides cognitives si elles existent pour la situation rencontrée (check-list, guide de référence, procédure, protocole, etc.) Quelle réaction face à un comportement toxique ? La ligne de conduite en cas de comportement toxique de la part d’un collègue n’est pas évidente. Seule certitude, la question prioritaire qui doit guider les choix sera toujours :« Quelle est la meilleure chose que je peux faire, ici et maintenant, afin de garantir la sécurité du patient ? ». Et ces choix dépendent de nombreux paramètres propres à la situation. Seule certitude, cette situation laissera chez la plupart des protagonistes un goût amer, une charge émotionnelle qu’il sera utile de débriefer à froid, l’objectif recherché étant que cette situation ne se reproduise pas. Comment organiser ce débriefing ? Une piste est de s’appuyer sur la structure proposée par la Communication Non Violente (CNV) également appelée communication bienveillante, en s’appuyant sur deux postulats : ● Tous les professionnels impliqués partagent un objectif commun : garantir la sécurité du patient. ● La personne responsable du comportement toxique n’avait pas conscience de l’impact de ce comportement sur la performance de l’équipe. Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 6
Newsletter #013 - septembre 2019 Avant tout, il convient de respecter certaines règles si l’on veut se donner la chance que notre débriefing atteigne son objectif. ● Un tel débriefing doit toujours être constructif et sans jugement. ● Un tel débriefing ne se donne que si la personne concernée est d’accord pour le recevoir, qu’elle l’ait demandé ou qu’on lui ait proposé. Ne pas insister si ce n’est pas le cas. ● Un tel débriefing n’est jamais donné quand l’une des personnes concernées, celle qui le donne ou celle qui le reçoit, se trouve sous le coup d’une émotion. ● Il est important de respecter une certaine forme de confidentialité. Un tel débriefing n’aura lieu qu’en présence des personnes concernées. ● Un tel débriefing ne se commente pas. Celui qui le reçoit ne doit pas essayer de se justifier sur tel ou tel point afin d’éviter de rentrer dans des argumentaires interminables. Il pourra juste demander des précisions si nécessaire. Venons-en au processus CNV en lui-même. Quels en sont les deux principes essentiels ? ● Des faits observables exprimés sans jugement ni interprétation ne sont pas contestables. Par exemple, dans le propos « Il ne m’a pas dit bonjour, il n’est pas sympa », la première affirmation est un fait observable, alors que la deuxième est un jugement. Si je dis « Il a serré la main à tout le monde sauf à moi, il ne m’aime pas », la deuxième affirmation est une interprétation. Lorsqu’on désire exposer son point de vue à quelqu’un sans équivoque, il est important de partir des faits bruts. ● Nos émotions nous appartiennent et ne peuvent être mises en doute par l’autre. Si je vous dis « Je suis triste ! », ou « je suis en colère ! », ou « j’ai peur ! », vous pouvez essayer de me prétendre que c’est faux ou que j’exagère. Il suffit que je répète « Je t’assure, je suis sérieux ! Je suis triste ! » et vous mesurerez la gravité de mon propos. Attention : veillons à nous attribuer la responsabilité de nos émotions en parlant en « Je ». Pas question de « Tu m’énerves », mais bien de « Je suis énervé. » Résumons-nous. Nous avons explicité les faits et exprimé notre ressenti. Il s’agit des deux premières étapes du processus de la CNV, qui suffisent généralement si votre interlocuteur remplit les deux postulats initiaux. L’ordre de ces deux étapes importe peu. Parfois, il sera utile de compléter notre propos en exprimant nos besoins (respect, sécurité, sérénité, ...). Quel(s) besoin(s) non satisfait(s) a(ont) provoqué l’émotion qui nous a accablé ? Puis en formulant une demande pour l’avenir. Attention, cette demande doit respecter les critères suivants : réalisable, concrète, précise et positivement formulée. Et elle doit être négociable, elle ne peut donc en aucun cas être exigée. Rédigé par Guillaume Tirtiaux, auteur du livre «Mieux réussir ensemble» et directeur des formations chez REPORT’in Anesthesia Safety Network 7 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network Offre de souscription du livre «Mieux réussir ensemble» Gestion du stress, travail en équipe et autres compétences non techniques : s’inspirer des bonnes pratiques d’un pilote de ligne de Guillaume Tirtiaux 400 s page De nombreux exemples tirés du monde de la santé Dans les années 70, les crashes d’avions se succèdent au point que les compagnies font face à une crise majeure. Une étude de la NASA révèle alors l’incapacité des pilotes à collaborer en équipe. Face à ce constat, le Crew Resource Management (CRM) est dé- veloppé pour apprendre au personnel navigant à mieux fonctionner ensemble. Et les résultats suivent tout de suite, rendant ainsi les for- mations au CRM obligatoires. Un ouvrage pratique de Dans de nombreux secteurs référence pour tout qui d’activité autres que l’avia- doit travailler en équipe tion civile (médical, énergie, etc.), les pertes liées à une communication inefficace ou à un leadership inappro- Commandez votre prié se chiffrent aussi en vies humaines. Toutefois, quelle exemplaire sur que soit l’entreprise et même s’ils sont moins flagrants, de tels dysfonctionnements demeurent tout aussi per- www.edipro.info nicieux : perte de la performance, dégradation du bien- être, burnout… ; et in fine très coûteux. PRIX DE SOUSCRIPTION : De la performance individuelle (gestion du stress, de 29 € et frais de port offerts la fatigue, de l’attention…) à la performance collective (communication, travail en équipe, prise de décision…), en Belgique et en France cet ouvrage fourmillant d’exemples vous fait découvrir jusqu’au 10 octobre 2019 les bonnes pratiques du CRM des pilotes de ligne en les Commandez dès à présent étendant à toutes les professions, donc la vôtre. Vous votre exemplaire sur et votre groupe y gagnerez en capacité à rebondir dans l’adversité et à continuer d’avancer. www.edipro.info en mentionnant le code Sortie officielle : 10 octobre 2019 GTPRO Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 8
Newsletter #013 - septembre 2019 LE SIGNAL FAIBLE, UN AMI À ÉCOUTER ! Vendredi après-midi. Programme chargé avec pression temporelle. Toutes les salles sont occupées. Je suis interpellé alors que je ne suis pas d’astreinte pour prendre en charge deux urgences chirurgicales. La demande est de trouver “des anesthésistes”. Je me sens énervé et explique fermement qu’il faut interrompre deux salles avec des actes programmés non urgents. C’est chose faite 5 min après. Une des urgences est un patient qui saigne après une chirurgie en ambulatoire le matin et qui a fait un malaise. Il arrive en civil au bloc poussé par son chirurgien. On le conditionne et l’IADE le rentre au bloc. Je lui demande de m’appeler pour l’induction car nous serons plus vigilants à deux dans ce cas d’urgence. Une fois installé par l’équipe IBODE- IADE, je suis appelé. Le malade est pré-oxygéné avec le respirateur caché derrière l’IADE. Je prends les médicaments anesthésiques pour réaliser une séquence en induction rapide. Un signal dans ma tête me dit de regarder la FeO2 avant d’induire. Fuites sur masque et pas de capno visible ni de FeO2. Nous sommes pressés. J’hésite et j’attends quand même de visualiser la courbe de CO2. C’est chose faite et je découvre une FeO2 à 21 %. On découvre alors que le commutateur était placé sur circuit accessoire et pas sur le circuit machine qui servait à la préoxygénation. Finalement, l’induction est réalisée sans problème et nous débriefons après en équipe (IADE-MAR) de cet évènement. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 1 - Heure : 15h-19h Points positifs: application d’un No Go avant induction, vérification de la pré-oxygénation sur des critères objectifs, conscience de la situation, rattrapage de l’erreur et correction de la pré-oxygénation, débriefing post-événement. Points d’amélioration: Optimiser la position des dispositifs médicaux pour l’usage qu’on en fait, en particulier, tenter d’avoir les tableaux de bords (scope, écran respi) en visuel direct. MOTS CLÉS : Pré-oxygénation, induction séquence rapide, circuit accessoire Anesthesia Safety Network 9 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network SÉDATION INTRAVEINEUSE INEFFICACE Réalisation d’une intubation par fibroscopie vigile chez un patient polytraumatisé, obèse, avec fracture cervicale, dans la salle de réveil - accueil polytraumatisé d’un CHU. Lieu relativement exigu situé au fond de la salle de réveil, avec peu d’espace pour circuler autour du brancard. Soignants probablement trop nombreux pour ce geste : un interne d’anesthésie (réveil) qui manie le fibroscope, une chef de clinique qui est responsable de la prise en charge initiale au réveil, deux infirmiers du réveil qui parlent au patient et tentent de le maintenir immobile. Présent “en cas de besoin”, je profite pour observer à distance l’intubation avant de prendre en charge ensuite le patient au bloc opératoire. Réalisation d’une sédation pendant le geste par rémifentanil avec une cible initialement faible. La chef de clinique augmente les cibles de rémifentanil, sans effet. Le patient s’agite de plus en plus. Finalement, dans l’agitation globale - patient qui dit s’étouffer et qui s’agite violemment, mouvements des infirmiers pour contentionner le patient manuellement, etc… - le patient est intubé et un bolus de propofol est réalisé dès que le tube est en place. L’équipe soignante s’étonne de cette agitation malgré de fortes doses de rémifentanil. On constate alors que la tubulure s’est cassée au niveau de la jonction après la connexion à la seringue. Le patient n’a en pratique pas reçu de rémifentanil. Aucune alarme de “faible” pression existe. Les tubulures étaient sans doute trop courtes. Le lieu du geste probablement trop exigu. La base était dans le dos de la chef de clinique. L’écran de fibroscopie n’était pas visible par tous. Les infirmiers étaient gênés par les bras qui portent les scopes et le respi. À gauche : zone de rupture après la visse de connexion, d’une des autres tubulures A droite : tubulure rompue après la connexion sur la seringue de remifentanil HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 0 - Heure : 9h-11h Points positifs: travail d’équipe, analyse de la situation, partage de l’événement Points d’amélioration: évaluer l’effet de la sédation et vérifier la ligne d’administration du médicament en l’absence d’effet constaté avec un médicament connu pour agir vite. Définir après évaluation des besoins le nombre de personnes nécessaires (et leur rôle) pour un soin. “Optimiser” le lieu d’un geste à risque. MOTS CLÉS : Tubulure rompue, intubation vigile au fibroscope Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 10
Newsletter #013 - septembre 2019 ARRÊT ACCIDENTEL D’UNE ANESTHÉSIE SOUS AIVOC En semaine au cours d’une vacation matinale de chirurgie réglée, je relaie l’IADE partie faire une pause en cours d’une anesthésie par AIVOC (propofol, remifentanil) pour une chirurgie thyroïdienne. La chirurgie et l’anesthésie se déroulent très bien. Le chirurgien souhaite modifier la position du cou de la patiente. Nous réalisons ce changement ensemble, de part et d’autre des champs opératoires. Durant ce changement de position, la pré- alarme de fin de seringue retentit (fin du propofol) : je mets sur silence l’alarme en appuyant sur le bouton “silence” et commence à préparer la seringue suivante de propofol. Je suis interrompu par un collègue qui rentre dans le bloc opératoire pour un avis. Ce dernier ressort puis l’IADE revient en salle. Elle constate que la seringue de propofol en place a été arrêtée, sans qu’elle soit entièrement vidée. Elle m’en fait part. Au lieu de mettre en silence l’alarme, j’avais stoppé l’infusion de propofol en appuyant sur le bouton “STOP”. Les deux boutons étant très proches, je réalise mon erreur : j’ai involontairement appuyé sur le mauvais bouton. Début de réveil du patient malgré une remise en marche du propofol. Rapidement j’approfondie l’anesthésie. Pas de mémorisation rapportée par le patient en fin d’intervention. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 0 - Heure : 9h-11h Points positifs: travail d’équipe, récupération de l’erreur par l’IADE Points d’amélioration: points de situation réguliers notamment lors de modification de composition de l’équipe (permet de récupérer certaines erreurs), politique de gestion des interruptions de tâches, verbaliser à haute voix certaines actions MOTS CLÉS : ergonomie, seringue auto-pousseuse, alarme, stop, interruption de tâche CA VA ÊTRE UN GESTE RAPIDE ! Fin de matinée chargée au bloc dédié d’endoscopie. Gros service de 4 salles en CHU. Patients souvent complexes. Procédure : écho-endoscopie diagnostique pour objectiver un cancer. Patiente fragile en VS aux lunettes O2 car acte prévu court. Demi No Go de l’opérateur devant une sténose œsophagienne serrée vue lors du premier look en fibroscopie standard (heureusement sinon risque de rupture !). Décision de l’opérateur (expérimenté) de dilater l’œsophage et de reporter l’écho-endoscopie. IADE (expérimenté) à la tête propose d’intuber le patient afin d’éviter tout risque ajouté (inhalation). Réponse de l’opérateur : “non, non ça va être rapide”. Finalement le geste, pas si simple chez cette patiente, prend 25 minutes en VS sous propofol. IADE doit aspirer fréquemment en oropharynx. A la fin de la procédure, arrêt du propofol et retrait de l’endoscope, aspiration en remontant, en plus de la canule d’aspiration Yankauer. Patiente en position demi assise. Tout le monde sort de la salle, il ne reste plus d’une seule IDE. La saturation en O2 chute alors brutalement à 80% avec l’apparition d’une cyanose. Le thorax semble se soulever de façon asymétrique avec tirage. Mise en place d’un masque à haute concentration et auscultation pulmonaire immédiate : silence auscultatoire à droite et sibilants à gauche. Appel à l’aide du MAR par téléphone qui arrive immédiatement (1 MAR pour 3 salles d’endo). La patiente tousse spontanément et crache beaucoup de sécrétions épaisses qui obstruaient probablement la bronche souche droite. La saturation en O2 remonte à 96%. Aérosol de béta2-mimétique. Suites favorables. Discussion sur l’intérêt de l’IOT devant une procédure à risque et plus longue que prévue. Prendre une décision en équipe mais avant tout en binôme IADE-MAR pour la partie anesthésique. L’arrêt tôt du propofol a permis une toux de la patiente, sans cela l’incident serait devenu un véritable problème avec nécessité d’IOT devant une hématose très basse. Ne pas se fier au feeling de l’opérateur même expérimenté, mais plutôt à sa propre objectivité bénéfice-risque. IOT : intubation oro-trachéale HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 1 - Heure : 11h-15h Points positifs: prise en charge rapide / atténuation de l’inhalation Points d’amélioration: briefing en équipe contextualisé / conscience de situation et du risque d’inhalation broncho-pulmonaire au réveil MOTS CLÉS : équipe, ventilation en VS, contexte Anesthesia Safety Network 11 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network “PAS DE CONSÉQUENCE = PAS D’ERREUR ?”: UNE PERCEPTION ERRONÉE DE L’ERREUR! Je suis IADE et je relève une collègue à la fin de sa journée de travail. Elle vient juste d’endormir un patient pour une montée de sonde JJ. C’est un patient ASA II qui bénéficie d’une chirurgie qui est habituelle pour moi et que je considère comme simple. Je me permets donc de faire plusieurs choses en même temps pendant qu’elle me fait les transmissions : je termine l’installation, ajuste des paramètres du respirateur. Ma collègue me dit « il faudra lui faire de l’Imipenème, c’est XXX qui est allé t’en chercher ». Pendant qu’elle termine ses transmissions, je lui fais signe de se dépêcher de sortir parce qu’elle ne porte pas de tablier de protection plombé, je suis en train de m’équiper moi- même pendant que l’équipe chirurgicale demande si tout le monde est bien protégé pour commencer. XXX m’apporte en même temps l’imipenème qu’elle pose rapidement sur la paillasse. Je rédige une étiquette « Imipenème 1g » que je colle sur un pochon de 100 cc de NaCl 0.9%. Je termine de m’équiper et d’installer le patient puis je branche le pochon préparé. J’annonce tout haut qu’une prophylaxie a été réalisée avec de l’Imipenème. 5 minutes plus tard, je remarque les flacons d’imipenème sur la paillasse. Je les ai sortis de leur emballage mais je ne les ai pas préparés dans le pochon qui est donc un pochon sans médicament dedans. En le réalisant, je dis tout haut que j’ai fait « une erreur ». La réaction de l’équipe chirurgicale est de dire que ce n’est « pas une erreur, puisqu’il ne va rien se passer ». Cet épisode m’a questionné sur la perception des erreurs médicales dans les équipes en fonction de leurs conséquences. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 2 - Heure : 15h-19h Points positifs: Perception “moderne” de l’erreur, verbalisation (speak-up) des tâches en cours, atténuation de l’erreur (l’erreur aurait été récupérée si détectée avant le début de la chirurgie car antibioprophylaxie aurait été réalisée en amont du geste. Ici, elle est atténuée), communication en équipe sur l’erreur. Points d’amélioration: avoir conscience du piège des activités routinières / réalisation du 2ème temps de la check-list chirurgicale / technique des “flows” / débriefing en équipe MOTS CLÉS : interruption de tâche / erreur et conséquence / pression temporelle UN MORPHINIQUE PEUT EN CACHER UN AUTRE Réalisation d’une anesthésie par AIVOC Propofol + Sufentanil. Gros programme avec cadence importante et chirurgien professeur autoritaire perçu comme un frein à une communication normale qui crée une ambiance trop calme où personne ne parle. Deuxième patient de la journée. L’induction s’est bien passée. L’anesthésiste me propose de faire une pause. Avant que je parte, nous réalisons ensemble quelques vérifications et constatons que la base AIVOC est programmée avec du rémifentanil au lieu de sufentanil. Arrêt et reprogrammation de la base Priméa™. Le patient n’a pas eu “trop” de sufentanil (injecté comme si c’était du rémifentanil), rattrapage de l’erreur peu de temps après l’induction. Débrief. On réalise que la cadence nous a conduit à faire une erreur de manipulation lors de la programmation de la base. J’ai subi aussi plusieurs interruptions durant ma préparation des médicaments. Enfin, la lisibilité sur l’écran de la base n’est pas aisée et il est facile en allant vite de se tromper entre Rémifentanil et Sufentanil. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 0- Heure : 9h-11h Points positifs: découverte de l’erreur, débriefing, déclaration Points d’amélioration: cockpit stérile lors de la préparation et la programmation de l’administration de médicaments / contrôle croisé / point de situation avec “flow” pour le contrôle en AIVOC ou AINOC. MOTS CLÉS : équipe, communication, médicament, dispositif médical Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 12
Newsletter #013 - septembre 2019 UNE SANCTION EXEMPLAIRE ! Patient de 65 ans présentant une infection urinaire. Il est traité par Amoxicilline et présente lors de la première prise d’Amoxicilline un malaise hypotensif avec douleur thoracique et modifications ECG. Il bénéficie d’une coronarographie en urgence et l’indication de pontage bi tronculaire est posée. La chirurgie cardiaque a lieu quelques jours plus tard. Il séjourne en réanimation en postopératoire et les suites sont simples. Il est ensuite transféré en service de cardiologie avant un retour au domicile. L’introduction d’un traitement par beta-lactamines a révélé une coronaropathie, et, cette allergie fortement suspectée est notifiée dans son dossier. Le lendemain de sa sortie de soins intensifs, je suis appelé en urgence pour prise en charge d’un ACR en cardiologie. A mon arrivée, je constate qu’il s’agit du patient que j’avais en charge en réanimation. L’ACR est prolongé, le patient bénéficie d’un MCE. Je constate un «pochon» sur la ligne veineuse. Je demande à l’IDE de me dire le nom du médicament et elle me répond “Augmentin”. Elle me dit ensuite qu’il n’en avait pas et que c’était le traitement du voisin de chambre. L’élève IDE avait confondu les patients. L’IDE a été «blâmée» .... Cette sanction permettra-t ’elle d’éviter un nouvel événement de ce type ? Le patient peut-il être une ressource pour la sécurité de ses soins ? ACR : arrêt cardio-respiratoire, MCE : massage cardiaque externe HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 0- Heure : 11h-15h Points positifs: déclaration / analyse Points d’amélioration: sortir de la culture du “blame and shame” / administration médicamenteuse / éducation et information des patients comme rempart à l’erreur / double contrôle avant administration médicamenteuse / encadrement des élèves MOTS CLÉS : Allergie, ACR, erreur médicamenteuse Anesthesia Safety Network 13 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network Dr David Whitaker FRCA, FFPMRCA, FFICM, FCARCSI (Hon) Le Dr Whitaker était consultant au Manchester Royal Infirmary et ancien président de l’Association of Anaesthetists of Great Britain and Ireland (AAGBI). Il a également été président de l’Association of Cardiothoracic Anaesthetists (ACTA), membre élu du Conseil du Royal College of Anaesthetists et membre honoraire du College of Anaesthetists of Ireland. Il préside actuellement le Comité de sécurité du Conseil européen d’administration de l’anesthésiologie. Il a été co-auteur de la Déclaration d’Helsinki en 2010 sur la sécurité des patients en anesthésie, signée par plus de 200 organisations liées à la pratique de l’anesthésie dans le Monde. Il est également membre du comité sur la sécurité patient et la qualité des soins de l’European Society of Anaesthesiology (ESA) et ancien membre du comité sur la qualité et la sécurité de la World Federation of Societies of Anaesthesiologists (WFSA). Le Dr Whitaker s’intéresse particulièrement à la mise en œuvre de pratiques plus sûres en anesthésie, en soins intensifs et en médecine de la douleur. Il fait actuellement la promotion d’une meilleure gestion du sang des patients, de l’utilisation accrue de seringues préremplies et d’une surveillance plus étendue des patients en dehors du bloc opératoire, comme la capnographie continue en soins intensifs. Il travaille également sur l’initiative EBA/ESA/ERC visant à standardiser le numéro de téléphone des hôpitaux européens pour les arrêts cardiaques au 2222 Standardisation du numéro d’appel En 2016, une enquête paneuropéenne a téléphonique pour l’arrêt cardiaque montré que 105 numéros différents étaient intra-hospitalier au 2222 utilisés dans 232 hôpitaux et qu’un grand On estime qu’il y a 300 000 arrêts cardiaques nombre d’entre eux n’étaient pas facilement dans les hôpitaux européens chaque année. mémorisables (ex :5714 1453, 4361, 7530, Lorsque cela se produit dans de nombreux 3274), et peut-être choisis au hasard. hôpitaux, une infirmière ou un autre membre Le numéro le plus fréquemment utilisé du personnel appelle une équipe d’arrêt était 2222. Un moyen simple d’améliorer la cardiaque pour réanimer le patient. situation serait que tous les hôpitaux utilisent La survie du patient dépend de la réanimation le même numéro de téléphone interne et le cardio-respiratoire, et, du délai d’arrivée, de standardisent dans toute l’Europe [3]. défibrillation [1]. En dehors des hôpitaux en Europe, le numéro Plus de 80 % des hôpitaux européens d’urgence a déjà été uniformisé (le 112) depuis disposent d’un système téléphonique à cet 2004. Certains pays ont déjà standardisé effet et l’infirmière compose un numéro de le numéro d’arrêt cardiaque de tous leurs téléphone spécifique, d’autres peuvent utiliser hôpitaux au niveau national à 2222, les boutons d’appel sur le mur. par exemple le Royaume-Uni et la Turquie. L’une des raisons du retard de l’arrivée de En 2016, le Bureau européen d’anesthésiologie, l’équipe est que le personnel, surtout lorsqu’il le Conseil européen de réanimation et la Société est stressé, ne se souvient pas du bon numéro européenne d’anesthésiologie ont publié une à appeler dans l’hôpital où il travaille. déclaration commune recommandant que Au Danemark, seulement 50% du personnel tous les hôpitaux en Europe adoptent le même médical et 58% du personnel infirmier numéro 2222 [4]. connaissaient le bon numéro à appeler dans leur propre hôpital [2]. Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 14
Newsletter #013 - septembre 2019 Martin Bromiley, président du Clinical Human 3. A call for 2222 in European hospitals—A Factors Group (CHFG) déclare : reply to letter by Dr. Whitaker. Kasper Glerup «La standardisation s’est avérée être un Lauridsen, Bo Løfgren. Resuscitation. 2016; mécanisme efficace pour réduire les erreurs Volume 107, e19, humaines dans des processus ou situations 4. Implementing a standard internal telephone complexes. Le CHFG soutient pleinement cette number 2222 for cardiac arrest calls in all initiative en faveur de la sécurité des patients hospitals in Europe Whitaker, David K.Nolan, et encourage tous les hôpitaux européens à Jerry P.Castrén, Maaret Abela, Carmel Goldik, standardiser leur numéro de téléphone pour les Zeev et al. Resuscitation, Volume 115, A14 - A15 arrêts cardiaques au 2222». 5. Local Implementation Pack for establishing Les ministères de la Santé du Royaume-Uni, de la a standard “Cardiac Arrest Call” telephone Turquie, de l’Allemagne, de l’Irlande, du Portugal number for all hospitals in Europe – 2222 et certains États australiens ont officiellement http://newsletter.esahq.org/a-standard- recommandé la normalisation à 2222. cardiac-arrest-call-2222/ Les hôpitaux qui souhaitent adopter cette initiative 6. Establishing a standard crash call telephone simple et peu coûteuse en matière de sécurité des number in hospitals. National Patient patients n’ont toutefois pas besoin d’attendre que Safety Agency; 2004. https://webarchive. le gouvernement la propose. Comme bon nombre nationalarchives.gov.uk/20171030124337/ des numéros utilisés semblent avoir été choisis au h t t p : // w w w . n r l s . n p s a . n h s . u k / hasard localement, la décision de passer à la norme resources/?entryid45=59789&p=16 2222 peut aussi être prise facilement localement. Si l’ancien numéro existant est maintenu en parallèle par le standard téléphonique pendant un an, disons à côté du 2222, il est parfaitement sûr de le changer. Il a été dit que tout hôpital qui ne veut pas ou ne se sent pas en mesure de mettre en œuvre cette initiative visant à normaliser son numéro d’appel pour les arrêts cardiaques au 2222 devrait examiner s’il a réellement une culture de sécurité. En effet, très peu d’autres changements pour la sécurité des patients seront aussi simples, peu coûteux, de bon sens et sûrs. Plus de détails sur la mise en œuvre et une présentation powerpoint téléchargeable sont disponibles gratuitement sur les sites Web de l’ESA et de NPSA [5,6]. Une carte indiquant l’étendue actuelle de la mise en œuvre à l’échelle mondiale est disponible sur https://ishen.ushahidi.io/ views/map Planifiez dès maintenant pour changer votre numéro d’hôpital à 2222 - vous savez que c’est logique ! References https://ishen.ushahidi.io/views/map 1. Delays in Cardiopulmonary Resuscitation, Defibrillation, and Epinephrine All Decrease Survival in In-hospital Cardiac Arrest. Nicholas G. et al. Anesthesiology 2019; 130:414–22 2. A standard “Cardiac Arrest Call” – 2222, ESA Newsletter, Issue 65, 2016 Anesthesia Safety Network 15 Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com
Anesthesia Safety Network BARRIÈRES DE SÉCURITÉ PERMÉABLES Au bloc des urgences, en CHU, le premier patient programmé de la journée est un homme de 65 ans, qui est repris au bloc opératoire pour une infection de prothèse totale de genou, posée il y a 3 semaines. En principe, le premier patient programmé généralement la veille ou durant la nuit par l’équipe de garde sortante dispose d’un dossier cadré, revu par un anesthésiste la veille ainsi que par l’équipe chirurgicale. Lorsque le patient arrive au bloc opératoire, on l’installe et on procède à l’induction anesthésique sans problème. La chirurgie se déroule normalement. Environ une heure après l’incision, alors que l’IADE réalise un hemocue™ à 6,8 g/dl, elle me demande par téléphone de combien est parti le patient car elle ne parvient pas à retrouver la trace du dernier bilan sanguin dans son dossier papier ni sur le dossier informatique (dernier bilan réalisé lors de la première hospitalisation). Je réalise alors que je n’ai moi-même pas vu de bilan biologique à l’accueil de ce patient et que nous avons réalisé l’anesthésie sans avoir connaissance de l’hémoglobinémie pré-opératoire dans une chirurgie potentiellement hémorragique (reprise PTG infectée). Après une sensation de culpabilité, je réalise qu’aucun autre soignant (infirmier de salle, IADE, IBODE, médecin anesthésiste ayant réalisé la consultation pour la reprise ou chirurgien responsable de l’intervention), n’a prescrit, réalisé ou vu de bilan biologique. Ayant un programme opératoire chargé en ce début de garde, je réalise que cela nous a peut-être conduit à vouloir faire vite pour avancer le programme. Je me rends également compte que nous n’avons pas réalisé de check-list avec l’équipe chirurgicale, ni à l’induction anesthésique (chirurgiens absents), ni à l’incision (j’étais en train d’induire dans l’autre salle avec l’interne d’anesthésie). Je prends également conscience de ma fatigue après une semaine de travail intense. Débrief à chaud avec l’IADE et l’interne d’anesthésie. On réalise un bilan biologique (Hb à 8,7 g/dl) et on transfuse d’un culot globulaire le patient en salle de réveil après l’intervention qui s’est bien terminée. Suites simples pour le patient. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 1 - Heure : 9h-11h Points positifs: conscience de l’oubli et de la fatigue, verbalisation de l’oubli, débriefing avec l’équipe anesthésique Points d’amélioration: réalisation des différents temps de la check-list chirurgicale avec briefing contextualisé MOTS CLÉS : équipe, check-list, saignement, bilan opératoire, oubli LES PIÈGES DE LA DOUBLE NÉGATION Patient devant être opéré d’une fracture mandibulaire. Alors que j’appelle les chirurgiens pour les prévenir que le patient est installé, l’anesthésiste me demande de leur demander s’ils ont “besoin qu’il n’y ait pas de curares pour cette intervention”. Ils me disent «non». Je communique cette information à l’anesthésiste. Le patient est endormi puis les chirurgiens arrivent. L’anesthésiste leur dit “c’est bon le patient dort et est curarisé, vous pouvez y aller”. Le chirurgien peste en disant «mais non, j’avais demandé qu’il n’y ait pas de curare». Finalement, le temps qu’on installe le matériel et les champs, l’anesthésiste nous informe que le patient est décurarisé spontanément au moment où le chirurgien commence à inciser dans la zone du nerf facial. Ce type de malentendus est fréquent et pénible. La communication par téléphone n’est pas toujours bonne. Les questions posées sont parfois ambigües : quel que soit la réponse des chirurgiens “oui” ou “non”, on pouvait injecter ou pas des curares. Plus tôt dans la journée, avec l’équipe d’orthopédie, nous avions préparé le matériel pour installer le patient en DV alors que les chirurgiens voulaient un DD. Ils avaient donné leurs instructions par téléphone. La confusion est facile entre DV et DD dans un téléphone additionné au bruit ambiant. DV : décubitus ventral, DD : décubitus dorsal. HALT (Hungry / Angry / Lonely / Tired) : 1- Heure : 15h-18h Points positifs: conscience du problème, communication avec chirurgien Points d’amélioration: réaliser le premier temps de la check-list avec équipe au complet (anesthésie et chirurgie), utiliser une communication effective (phraséologie) avec boucle fermée. MOTS CLÉS : équipe, communication, téléphone, malentendu Anesthesia Safety Network Mail : fjaulin@anesthesiasafetynetwork.com / fmartin@anesthesiasafetynetwork.com // Site : anesthesiasafetynetwork.com 16
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