Angelo Clareno et les augustins - Xavier Biron-Ouellet - OpenEdition Journals
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Oliviana Mouvements et dissidences spirituels XIIIe-XIVe siècles 6 | 2020 6 Angelo Clareno et les augustins Xavier Biron-Ouellet Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/oliviana/1374 ISSN : 1765-2812 Éditeur Groupe d'anthropologie scolastique (Centre de recherches historiques-EHESS-CNRS) Référence électronique Xavier Biron-Ouellet, « Angelo Clareno et les augustins », Oliviana [En ligne], 6 | 2020, mis en ligne le 14 mars 2020, consulté le 22 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/oliviana/1374 Ce document a été généré automatiquement le 22 mars 2020. © Oliviana
Angelo Clareno et les augustins 1 Angelo Clareno et les augustins Xavier Biron-Ouellet 1 Après la mort de son protecteur Jacques Colonna au mois d’août 1318, Angelo Clareno quitta Avignon et regagna l’Italie pour se réfugier à Subiaco, abbaye bénédictine située dans le Latium, à une soixantaine de kilomètres à l’est de Rome 1. Depuis ce lieu, où il demeura jusqu’en 1334, il entretint des relations spirituelles avec un réseau comprenant des laïcs, des frères observant la règle franciscaine en dehors des couvents de l’ordre et des ermites de saint Augustin. Il peut sembler curieux de compter des frères augustins au nombre des sympathisants claréniens puisque les dirigeants de cet ordre ont fidèlement défendu la cause des papes lors de la querelle sur la pauvreté du Christ et des Apôtres (1322-23), ou pendant le conflit opposant Jean XXII à l’empereur Louis de Bavière (à partir de 1324)2. Leur fidélité a par ailleurs été récompensée par l’octroi du privilège de la garde du tombeau de saint Augustin à Pavie en 1328 3. Pourtant, l’augustin Gentile da Foligno apparaît comme l’un des principaux correspondants d’Angelo Clareno : au moins six lettres de la collection éditée par Lydia von Auw lui sont nommément destinées4. Parmi celles-ci, la lettre 45 (datée de la veille de l'Ascension de l'an 1332, soit le 27 mai) revêt un intérêt tout particulier car elle met en scène deux autres frères augustins associés au vieux spirituel : Simone Fidati da Cascia5 et Giovanni da Salerno. Alors que le premier est un prédicateur florentin se présentant lui-même comme le disciple de Clareno, le second est reconnu comme étant à l’origine du recueil transmettant une partie de sa correspondance 6. De fait, trois frères membres d’un ordre réputé fidèle à la papauté faisaient partie du cercle rapproché d’un des leaders de la dissidence franciscaine. L’objectif de cet article est donc de mettre en contexte cet apparent paradoxe et d’identifier la nature des liens rattachant Angelo Clareno aux ermites augustins Gentile da Foligno, Simone Fidati da Cascia et Giovanni da Salerno à partir d’une analyse de la lettre 45 des Epistole claréniennes. Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 2 Gentile da Foligno et les spirituels franciscains 2 Angelo Clareno rencontra Gentile da Foligno à l’occasion de ses déplacements en Ombrie, entre son retour de Grèce en 1304 et son départ pour Vienne en 1311. Selon Robert E. Lerner et Matthias Kaup, Gentile aurait étudié à Paris autour de 1300, avant de revenir s’installer à Foligno vers 13037. Son nom apparaît dans un document de 1310 qui le présente comme frère rattaché au couvent augustin de cette ville 8. Au cours de cette période, les deux hommes ont noué un lien d’amitié assez important pour qu’ils maintiennent une correspondance pendant les années qu’Angelo a passées hors d’Italie. Dans une perspective plus large, Mario Sensi suggère l’existence d’un réseau de relations centré sur Foligno comprenant, outre Gentile et Clareno, Angèle de Foligno, Ubertin de Casale et la famille Colonna9. Ces personnes partageaient un idéal spirituel commun : celui d’une assimilation à Dieu, imitable par le fidèle, obtenue par l’élimination progressive de toute attache charnelle avec l’objectif de se replacer dans l’horizon de la vie divine10. De manière plus spécifique, Gentile entretenait avec Angelo un intérêt particulier pour la spiritualité orientale : il a réalisé un volgarizzamento de la Scala paradisi de Jean Climaque, texte grec préalablement traduit en latin par Clareno 11. Bien qu’il ait été le proche collaborateur d’un dissident bien connu, le frère augustin n’a jamais été inquiété par les autorités de son ordre. Au contraire, il fut nommé socius du prieur général Guillaume Amidani de Crémone lors du chapitre général de Venise en 133212. 3 C’est à cette occasion qu’Angelo Clareno envoie à Gentile la lettre qui nous intéresse. Après s’être réjoui de son élection « pour l’utilité commune », Clareno lui fait part de son inquiétude au sujet de la cura animarum des « personnes spirituelles » délaissées par Gentile en raison de sa nouvelle charge13. Les personnae spirituales évoquées dans la lettre sont sans aucun doute les frères observant la règle franciscaine hors des couvents de l’ordre, ceux-là mêmes qui ont été condamnés par Jean XXII en 1317, et dont Angelo Clareno était le guide spirituel. Puisque ce dernier n’était pas prêtre, et qu’il ne souhaitait pas le devenir, il ne pouvait ni dire la messe, ni célébrer de sacrements. De fait, l’un des enjeux principaux motivant la volonté d’institutionnaliser les Pauvres ermites était justement de permettre à certains frères d’accéder au sacerdoce afin d’assurer à l’ensemble du groupe l’accès aux sacrements14. Après l’échec de ce projet, ce sont notamment les ermites augustins, Gentile en tête15, qui ont tenu ce rôle. Leur statut régulier, c’est-à-dire leur appartenance légale et légitime à un ordre religieux reconnu, permettait à ces derniers de pourvoir les frères irréguliers en soins spirituels conformes au droit ecclésiastique. Nous savons grâce aux travaux de Mario Sensi que les augustins d’Ombrie protégeaient des communautés se revendiquant du mode de vie religieux clarénien. Par exemple, celles d’Assise (Collicelli) et de Spello (Rapecchiano) étaient protégées par Bartolomeo Bardi, ermite de saint Augustin et évêque de Spolète16. D’autres communautés ombriennes liées à Clareno sont localisées à Pérouse 17 et à Bevagna18. Cette dernière relevait directement des augustins de Foligno, jusqu’à ce qu’elle soit rattachée à l’abbaye de Subiaco en 1348. Deux lettres de Gentile transmises par le manuscrit 1942 de la bibliothèque Oliveriana de Pesaro témoignent de son implication auprès des pauvres ermites d’Ombrie19 : il leur prodigue conseils spirituels et instructions pratiques, notamment en vue d’obtenir la protection de prélats sympathiques à leur cause. Dans la mesure où Gentile jouait un rôle prépondérant au sein du réseau spirituel clarénien, il était nécessaire de lui trouver rapidement un Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 3 successeur en vue d’assurer le soin pastoral des frères. Aux yeux de Clareno, Simone Fidati était la personne tout indiquée pour combler ce besoin. Toutefois, le frère Simone avait d’autres aspirations. En effet, ses campagnes de prédication connaissaient un succès qui l’accablait ; le poids était trop lourd à porter et il souhaitait se détacher de ses tâches pastorales afin de pouvoir vivre comme les pauci, soit comme le petit nombre d’élus vivant selon l’idéal d’imitation évangélique promu par Clareno 20. Aussi voulait-il suivre l’exemple de son maître et se retirer dans un ermitage loin des turbulences de la ville pour adopter un mode de vie contemplatif marqué par l’ascèse. Le frère Simone mentionné dans cette lettre est assurément l’ermite augustin Simone Fidati da Cascia, car le doute de celui-ci concernant sa capacité à offrir un soin pastoral à la hauteur de ses propres attentes est maintes fois évoqué dans sa correspondance 21. Angelo perçoit pourtant chez lui un talent pour la prédication, cette « grâce qui lui a été donnée » pour convertir le prochain. Son activité pastorale paraît donc essentielle pour évangéliser en profondeur la société chrétienne, conformément au projet spirituel du maître à penser de Clareno, Pierre de Jean Olivi22. Guillaume de Crémone et l’équilibre de l’ordre augustin 4 La proximité entre Simone Fidati et les milieux de la dissidence franciscaine, jointe à sa volonté d’abandonner ses tâches pastorales, a suscité un sentiment de méfiance chez ses confrères augustins. En effet, Giovanni da Salerno consacre de longs passages de la Vita à défendre son maître contre les accusations d’hypocrisie qui étaient lancées contre lui23. La perception négative de Simone Fidati au sein de son couvent est symptomatique d’une tension présente au sein de l’Ordre augustin entre une tendance érémitique, associée aux couvents ruraux, et une tendance mendiante, associée aux couvents urbains. Cette tension est particulièrement vive en Italie centrale, foyer des communautés érémitiques rurales qui ont été réunies pour former l’Ordre des ermites de saint Augustin en 125624. Sous l’impulsion donnée par Gilles de Rome à la fin du XIII e siècle, les dirigeants augustins ont cherché à renforcer la légitimité de leur ordre en développant massivement leur réseau d’écoles. Dans ce contexte, nombre de frères obtenaient exemptions et bénéfices pour favoriser leurs études aux dépens de l’observance de la règle25. Cette situation a ainsi nourri la tension entre les tenants de la vie contemplative, auxquels se rattachaient Gentile et Simone, et les tenants de la vie active, parmi lesquels on compte les frères du couvent de Santo Spirito. Or, les prieurs généraux étaient conscients de l’origine érémitique de leur ordre et s’efforçaient de ménager les deux tendances afin de maintenir l’unité entre les frères. Les efforts affichés pour canoniser l’ermite augustin Nicolas de Tolentino dans les années 1320 sont un exemple de la volonté d’offrir un modèle normalisé de vie érémitique qui, dans le contexte de la crise franciscaine, soit à l’abri des soupçons d'hérésie ; car comme l'indique Didier Lett, il est fort probable que l’ermite de Tolentino, contemporain de Clareno et provenant lui aussi des Marches, ait été influencé par le mouvement des spirituels franciscains26. 5 Guillaume de Crémone offre l’un des meilleurs exemples de cette détermination à construire des ponts entre les deux tendances de l’ordre. Sous son priorat, entre 1326 et 1342, chaque chapitre général veillait à renforcer la règlementation concernant la pauvreté personnelle des frères en s’attaquant tout particulièrement aux abus des autorités provinciales27. Le choix de prendre Gentile da Foligno comme socius Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 4 représente le signe le plus fort de cette volonté de rapprocher les tendances érémitique et mendiante, et confirme que les deux hommes partageaient une vision similaire du devenir de leur ordre. L’objectif de cette politique de conciliation consistait à démontrer l’uniformité et la rigueur religieuse des ermites augustins, gage de la bonne réputation de l’ordre aux yeux de la papauté. En effet, en tant qu’ordre créé par décret pontifical, sa survie n’était pas encore assurée au début du XIV e siècle. C’est ce qui explique la grande fidélité des prieurs généraux envers la politique pontificale. Guillaume de Crémone a par exemple rédigé un traité pour réfuter le Defensor pacis de Marsile de Padoue dans lequel il met en avant la plénitude du pouvoir des papes28. L’impératif d’unité et de bonne réputation faisait en sorte qu’il n’était pas contradictoire pour un ardent défenseur de Jean XXII d’avoir comme plus proche collaborateur l’ami d’un dissident très connu, protégeant des communautés illégales aux yeux de la papauté. En effet, Guillaume ne semble pas avoir vu de problèmes à encourager une prédication propageant les idées des spirituels franciscains. Pour cette raison, la première chose que Clareno demande à Gentile dans sa lettre est d’obtenir que Guillaume ne révoque pas l’obedientia de Simone, c’est-à-dire la mission de prédication qui lui avait été assignée par son supérieur. Il devait alors savoir que le prieur général était disposé favorablement à l’égard des « frères spirituels » de l’ordre augustin. Angelo Clareno, directeur spirituel 6 Avant de s’adresser à Guillaume de Crémone par l’intermédiaire de Gentile, Angelo avait d’abord tenté de retenir Simone « dans les voies de la charité » et de le convaincre de revenir sur sa décision d’abandonner la vie active ; mais ne se sentant pas à la hauteur de la tâche, l’ermite de Cascia s’obstine dans son intention et fait preuve d’un zèle jugé suspect par le vieux spirituel, qui cherche alors à l’en détourner 29. Pour mieux comprendre le rôle joué par Angelo Clareno auprès de Simone Fidati, on peut observer la manière dont il envisageait les relations spirituelles qui le reliaient à ses disciples grâce à l’exemple d’une lettre de conseils récemment retrouvée, adressée à Simone 30. Comme on l’a vu, Angelo Clareno dit s’être efforcé de retenir son disciple dans les « voies de la charité ». C’est dans ce contexte précis qu’il convient de lire sa missive, où il déclare d’entrée : « Le culte de la piété avec tous les désirs dévots et ardents et les actions de grâces cruciformes, chercher sans cesse le royaume de Dieu (Mt. 6, 33), les œuvres de miséricorde et de piété appartiennent surtout au culte de Dieu : ne crois donc pas vain de lire et d’annoncer la parole de Dieu » 31. L’intention de Clareno est claire : il cherche à convaincre Simone que l’office de la prédication n’est pas vain et qu’il fait partie du cultus Dei au même titre que les pratiques contemplatives du cultus pietatis. Par la suite, le directeur spirituel indique à son élève que les exercices de l’esprit doivent être préférés aux exercices corporels lorsqu’il est impossible d’accomplir les deux simultanément, comme c’est le cas pour Simone 32. Ainsi, plutôt que de chercher l’isolement dans le désert, Fidati est appelé à se concentrer sur une série d’exercices qui permettent de sanctifier les sens et les affects (sensus et affectus). C’est par la répétition de ces exercices spirituels que l’âme se conforme progressivement à la figure du Christ, se détachant des préoccupations de la vie courante, source de conflits et d’angoisses. L’affectivité et les émotions sont les domaines principaux où agit le directeur spirituel. En effet, puisque les émotions médiévales sont conçues comme des mouvements de l’âme, son travail est de diriger les Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 5 affects du disciple vers le salut et la tranquillité de l’esprit 33. Angelo Clareno insiste sur la dimension affective de la vie évangélique : « c’est un devoir d’aspirer par le sens et l’affect et des désirs enflammés à se conformer et s’unir au Christ et à se transformer par lui en son amour (caritas) »34 ; « [la caritas] enflamme les esprits et les affects d’une haine évangélique et les arme de vertus pour qu’en eux-mêmes ils tuent tout amour mondain et charnel »35 ; « car par les conformités aux vertus et aux affects de l’âme du Christ […] nous rendons un culte au vrai Dieu »36. L’accent mis par le maître sur la vie affective de son disciple apparaît plus clairement à la fin de la lettre, alors qu’il personnalise son propos : 7 J’ai écrit en t’obéissant selon le don du Seigneur le jour de la saint Jean Evangéliste pour que tu pries pour moi et que tu me recommandes à ceux qui t’aiment en Christ ; pour que tu endosses l’esprit de joie qui reposa en saint Jean et chasses loin de ton esprit (mens) l’esprit (spiritum) de chagrin, de tristesse, de dégoût et d’amertume par la vertu du Christ ; que, plein de la joie du Christ, priant sans cesse (1 Th. 5, 17) et psalmodiant, rendant grâces pour tout et en tout toujours et partout au nom et en vertu du Christ d’amour (caritas), ton pas soit dirigé jusqu’à la fin sur les chemins et enseignements très sûrs de la vie du Christ ; que par elle tu entraînes en actes et en paroles ceux qui t’écoutent, afin qu’avec le salut de beaucoup tu retournes avec foi et pleine confiance auprès du roi de gloire pour être établi sur beaucoup dans la gloire, parce que tu auras été fidèle en un petit nombre de choses (Mt. 25, 21 ; 23) sur la voie. Ainsi soit-il. Amen 37. 8 Il convient d’abord de remarquer le tibi obediens au début du passage, caractéristique de la conception particulière de l’obéissance mise en avant par Clareno. Malgré son statut de supérieur spirituel, l’obéissance évangélique impose à Clareno de répondre aux besoins de son disciple et de l’éclairer sur la voie du Christ. Nous reviendrons sur ce point dans la prochaine section. On comprend alors que Clareno tient un rôle de thérapeute auprès de Simone : celui-ci est envahi par un esprit de tristesse, qui lui procure des émotions négatives ; il doit donc se soigner au moyen d’exercices spirituels. Les exercices proposés par Angelo permettent à l’âme de convertir les affectus de tristesse, de dégoût et d’amertume en affectus de joie et d’amour du Christ. Le salut des chrétiens passait par la mise en ordre de leur vie affective, laquelle devait être structurée par les vertus et conforme à l’exemple du Christ. Puisque la progression vers le Christ doit être avant tout spirituelle et affective, il n’est pas nécessaire pour Simone de rechercher un isolement physique puis de réaliser des exercices ascétiques corporels ; la seule ascèse spirituelle suffit, selon les exercices préalablement identifiés38. C’est armé de vertus christiques qu’il peut réaliser une prédication efficace, et c’est par l’obtention du salut du plus grand nombre de fidèles qu’il peut assurer son salut ; Clareno fait de l’activité pastorale l’objectif de la progression spirituelle de Fidati, afin qu’elle contribue à son salut personnel. Cette lettre représente bien le travail d’assistance spirituelle personnalisée accompli par Angelo Clareno auprès de Simone Fidati. Selon David Burr, le vieux spirituel croyait vivre une époque où il fallait compter sur la conscience individuelle plutôt que sur la reconnaissance institutionnelle39. De fait, on comprend pourquoi Angelo propose les martyrs et les confesseurs de l’Église primitive comme modèles de conduite : ceux-ci vivaient une époque où l’Église était moins institutionnalisée. 9 C’est dans cette optique qu’Angelo Clareno a réalisé un traité intitulé Preparantia Christi Ihesu habitationem. Il s’agit d’un texte proposant une série d’exercices spirituels expliqués de manière détaillée. Il est intéressant d’observer que la Preparantia est Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 6 incluse dans la version de l’Epistolarium de Fidati transmise dans un manuscrit vénitien en plus d’accompagner la présente lettre dans le manuscrit d’Olomouc 40. Cet argument philologique avancé de manière convaincante par Armelle Le Huërou nous permet de penser que le Preparantia a été écrite à l’intention de Simone, dans le contexte particulier de sa crise spirituelle41. Le fait est d’autant plus vraisemblable que les deux hommes entretenaient une relation spirituelle à distance, l’un résidant à Subiaco, l’autre à Florence. Cette relation se matérialisait principalement par l’écrit (même s’il leur arrivait de se rencontrer à l’occasion). Clareno aurait donc rédigé ce court traité afin de le lui offrir comme support à sa direction spirituelle, avant d’envisager de faire dépendre Simone de l’abbé de Subiaco. L’obéissance à l’abbé Barthélemy de Subiaco 10 Après avoir échoué à convaincre Simone Fidati au moyen d’une rhétorique édifiante, Angelo Clareno change de stratégie. La solution proposée est de contraindre l’ermite de Cascia à reprendre sa mission pastorale en redoublant son obéissance religieuse à l’Ordre augustin d’une obéissance personnelle à l’abbé de Subiaco, Barthélemy. Clareno souhaitait non seulement s’assurer que Simone reprenne la prédication, mais également, par l’entremise de l’abbé, l’obliger à prendre soin des âmes délaissées par l’absence de Gentile da Foligno42. Barthélémy jouait un rôle central dans le cercle spirituel clarénien car il veillait à l’exécution des volontés de l’ancien franciscain. Leurs destins semblent s’être liés dès 1318, lorsque tous deux se trouvaient à Avignon alors qu’Angelo était en voie d’être transféré hors de l’Ordre franciscain. À ce moment, Barthélemy, fraîchement nommé abbé de Subiaco par Jean XXII au mois de mars, s’est offert pour l’accueillir43. Cette offre n’était pas anodine : Jacques Colonna, protecteur de Clareno à la Curie, était aussi le protecteur laïc de l’abbaye. Il est dès lors raisonnable de penser que le choix de Subiaco devait permettre au frère Angelo d’être dans les meilleures conditions pour veiller sur son réseau de pauvres ermites en Italie centrale. Barthélemy n’avait cependant pas la réputation d’être un homme spirituel. La chronique de Subiaco en fait plutôt un seigneur féodal sans vergogne, un princeps latronum prêt à tout pour défendre les intérêts temporels de son abbaye 44. En revanche, il semble que son attitude ait changé à partir de 1327 et qu’il ait démontré à partir de ce moment un plus grand engagement dans la vie spirituelle de sa communauté 45. Cette « conversion » aurait-elle à voir avec la fréquentation continue d’un homme spirituel comme Clareno ? Ou serait-elle simplement le fait d’une diminution des conflits territoriaux touchant Subiaco ? La réponse la plus plausible se trouverait sans doute à mi-chemin : Barthélemy était d’abord un seigneur féodal devant défendre l’indépendance politique de son monastère, mais il était aussi un homme spirituel ayant beaucoup de respect pour son pensionnaire. 11 Le soutien de l’abbé bénédictin était nécessaire à la survie du réseau clarénien en raison de son statut d’autorité religieuse lui permettant de donner des ordres, alors qu’Angelo Clareno ne pouvait officiellement que proposer des conseils. L’ancien franciscain veillait en effet à ne pas inscrire son action dans un cadre institutionnel. En effet, à la suite du refus de Jean XXII de reconstituer l’Ordre des pauvres ermites, Clareno effectua une svolta (pour reprendre l’expression de Gian Luca Potestà) et abandonna toute ambition de reconnaissance officielle. Comme il l’explique dans la lettre 14 écrite juste après que la décision du pape soit tombée en 1317, l’important est désormais Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 7 moins le statut religieux ou le nomen qui désigne une forme de vie religieuse que la vita religieuse elle-même46. Il encouragea donc ses sympathisants à privilégier l’observance de la règle de François malgré l’absence de rattachement à un ordre officiellement reconnu, puisque c’est en elle que réside l’essence de la vie religieuse : « Ce qui est vraiment signifié s’exprime dès que le signe fait défaut, le silence parle quand la parole se tait, et l’ordre (ordo) se réalise dans la vérité des vertus et la Règle subsiste en ceux qui aiment et observent les promesses »47. Une fois installé à Subiaco, Angelo, en tant que principal point de référence pour les frères spirituels italiens, devait repenser le cadre de l’expérience religieuse de ses disciples afin qu’ils puissent s’épanouir hors d’un ordre religieux. C’est l’objet de son commentaire à la Règle franciscaine, l’Expositio regulae, écrit vers 1321-1323. Comme l’observe Gian Luca Potestà, le texte de Clareno dépend en grande partie du commentaire réalisé par Pierre de Jean Olivi, à cela près que toute référence « institutionnelle », soit les références juridiques et scolastiques, en est évacuée48. Sa perspective était plutôt historique : il cherchait à ancrer le mode de vie franciscain dans l’histoire. 12 Dans cette optique, il puisa dans ses connaissances du monachisme oriental, et plus particulièrement dans les écrits de Basile de Césarée qu’il a traduits. Après la condamnation des fraticelles par Jean XXII, il était plus que jamais nécessaire de réactualiser le modèle religieux de Basile, dans lequel Clareno voyait une préfiguration de la fraternité mise en place du vivant de François49. De fait, dans l’Expositio regulae, Clareno mentionne que la religio de Basile est une fraternitas plutôt qu’un ordo, observant avant tout les Évangiles du Christ50. Le modèle basilien correspond à l’idée que l’essence de la vie religieuse consiste moins à obéir à une règle institutionnelle qu’à obéir à la règle évangélique, incarnée par le Christ et transmise par les Évangiles. Le caractère ouvert de ce modèle est bien illustré par le fait que les Règles de Basile sont des dialogues : le Cappadocien ne cherchait pas à composer une règle, comme l’ont fait Augustin ou Benoît par après, car pour lui la seule règle véritable est l’Évangile 51. De plus, il n’y est jamais question de « moines » ou de « monastère », mais de « frères » et de « communauté ». Comme le précise Jean Gribomont, tout chrétien désirant vivre un « radicalisme évangélique » dans l’unité représentée par la vie commune est un frère 52. Si cette perspective correspond au projet spirituel d’Olivi, Basile propose néanmoins un cadre organisationnel clair offrant une flexibilité que ne permettaient pas les institutions monastiques traditionnelles. En effet, dans une communauté basilienne, l’obéissance est due avant tout à la volonté divine, et la désobéissance consiste à ne pas respecter les enseignements contenus dans les Évangiles. En contraste avec ce que l’on trouve dans la tradition monastique occidentale, Basile propose une doctrine de l’obéissance stipulant que la supériorité du directeur spirituel provient de sa capacité à imiter le Christ53. Le « supérieur » (praeceptus) a la responsabilité de faire progresser ses disciples dans l’application des vertus évangéliques, comme on l’a vu avec la formule tibi obediens dans la lettre de Clareno à Fidati. Dès lors, puisque le mode de vie pratiqué par Clareno et dont se réclament les « personnes spirituelles » n’est plus désigné par un nomen ou un ordo, mais par l’application vertueuse des enseignements de l’Évangile (dont la Règle franciscaine est l’équivalent), les membres d’autres ordres religieux peuvent s’y rattacher sans qu’il y ait de contradiction avec leur propre vœu religieux. Par exemple, en tant que frère augustin, Simone Fidati a fait un vœu d’obéissance à son ordre et à l’Église (l’obéissance religieuse), mais en tant que membre de la fraternitas clarénienne, il doit aussi obéir à son supérieur Angelo Clareno (selon l’obéissance évangélique). C’est cette dernière forme d’obéissance qu’Angelo voulait manifester en Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 8 rattachant son disciple davantage à l’abbé de Subiaco qu’à l’Ordre augustin (magis ipsum abbati subdens)54. 13 Simone Fidati partageait cette conception de l’obéissance, comme il le montre dans un chapitre du De gestis Domini Salvatoris intitulé De oboedientia où il affirme que « toute obéissance chrétienne est fondée dans l'Évangile, auquel personne ne doit s’opposer même par obéissance spéciale, ni par un quelconque ordre régulier, ni par aucune forme de vie »55. En souhaitant suivre un mode de vie contemplatif et évangélique, Simone était prêt à désobéir à ses supérieurs augustins et abandonner le couvent florentin où il résidait pour rejoindre un ermitage isolé. Puisqu’il est acceptable qu’un frère puisse changer d’ordre ou de statut religieux afin de suivre un mode de vie plus sévère, il est possible que Guillaume de Crémone ait été tenté d’acquiescer au désir du frère de Cascia. Or, Clareno insiste auprès de Gentile pour que cela ne se produise pas. Outre la lettre dont il est question ici, Angelo mentionne l’existence d’autres missives envoyées de sa part ainsi que de celle de Barthélemy (dominus abbas significavit vobis suis litteris et ego in meis). Gentile, devenu depuis peu de temps le socius du prieur général de l’Ordre des ermites de saint Augustin, avait doublement reçu la mission de convaincre son nouveau compagnon, Guillaume de Crémone, de ne pas dispenser Simone de ses tâches pastorales, lesquelles sont comprises par Clareno comme faisant partie de l’ obedientia due par Fidati en tant que prêtre – soit l’obligation de prêcher 56. Angelo ne s’arrêta cependant pas à cette seule demande : il chercha aussi à ce que Simone passe sous l’obédience de l’abbé de Subiaco afin que ce dernier puisse lui imposer comme tâche la cure des âmes que Gentile a dû abandonner depuis qu’il est socius – ce qui correspondait de fait à la volonté du vieux spirituel. Giovanni da Salerno et le dénouement de la crise 14 Angelo Clareno était résolu à retenir Simone Fidati dans la vie active. Ainsi, en plus des pressions effectuées sur Guillaume de Crémone par le biais de Gentile da Foligno, il envoya à ce dernier un jeune frère dans le but d’en faire le socius de Simone 57. Ce frère Giovanni recommandé par Clareno est assurément Giovanni da Salerno. En effet, à la toute fin de la Vita, celui-ci indique avoir été le secrétaire de Simone pendant dix-sept années58. Puisque ce dernier meurt en 1348, cette indication situerait leur rencontre vers 1332 après la réception de cette lettre. En effet, les éléments de preuve sont clairs : au début de la lettre, Clareno fait référence au refus de Simone d’avoir un socius, aide nécessaire à une tâche pastorale élargie. Il serait donc surprenant que Clareno ait écrit cela si le Salernitain était déjà aux côtés de Simone. Giovanni da Salerno est présenté dans la lettre comme un jeune homme doté de bonnes capacités spirituelles qui, au terme de son noviciat à Subiaco, n’a pas voulu faire la profession des vœux monastiques (recepit in monachum […] et noluit professionem facere). L’abbé Barthélemy, qui était prêt à le recevoir, accepte sa nouvelle vocation. À l’inverse de Simone Fidati, Giovanni voulait mener une vie religieuse active dans le monde plutôt que contemplative dans une abbaye. Angelo Clareno l’a donc recommandé à Gentile pour qu’il le reçoive dans l’ordre augustin, afin qu’il soit ensuite rattaché à Simone pour le convaincre et l’aider à poursuivre ses tâches pastorales59. Les pressions convergeaient de toutes parts pour forcer Fidati à ne pas abandonner la prédication : elles venaient simultanément de son maître spirituel Angelo Clareno, de l’abbé de Subiaco Barthélémy, de son confrère Gentile da Foligno, de son supérieur religieux Guillaume de Crémone et de son nouveau Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 9 socius Giovanni da Salerno. Face à l’insistance de tous, Fidati s’avoua alors vaincu et reprit la prédication. Ce dénouement démontre bien l’existence et l’efficacité d’un réseau de communication reliant des figures importantes de la vie religieuse en Italie centrale ; entre un dissident franciscain, un abbé bénédictin et un prieur général augustin. 15 Dans la Vita fratris Simonis, Giovanni da Salerno s’applique à normaliser la relation entre son maître et Guillaume de Crémone en mentionnant par deux fois que Simone a repris la prédication sous l’ordre direct du prieur général augustin. Dans la première mention, Giovanni rappelle que Fidati avait abandonné la prédication par zèle de pauvreté, c’est- à-dire par l’effet de sa conversion à la spiritualité clarénienne, mais que son retour à la vie active a été accompagné d’une ferveur intellectuelle renouvelée et d’une humilité fortifiée60. Dans la seconde mention, Giovanni évoque la ferveur de son maître et nous apprend que la décision de Guillaume de Crémone a créé une distance entre Simone et ses confrères ; celui-ci aurait alors voulu s’isoler au sein de couvent afin de combler du mieux possible son désir de vie solitaire61. Dans les deux cas, Giovanni présente Simone comme ayant fait preuve d’une grande humilité. Il montre ainsi que la pratique de l’obéissance a été positive pour lui, stimulant sa simplicité et son abnégation. Bien que le prieur général soit celui qui ait pris la décision de forcer Simone à reprendre la prédication, il ne faut pas sous-estimer l'importance du rôle de Clareno dans le dénouement de la crise spirituelle de Simone. S’il a eu un regain de ferveur à la suite de la décision de Guillaume, c’est bien parce qu’elle était cohérente avec ce que lui demandait son directeur spirituel Angelo. 16 Bien qu’il se soit soumis à la volonté de ses proches, Fidati n’a toutefois pas été totalement détourné de son aspiration contemplative. Dans une lettre envoyée à Giovanni da Salerno, il s’exprime ainsi au sujet de sa crise spirituelle : « Mais si la fuite avait disparu de moi ? Et si Dieu n’imposait plus la fuite à mon âme ? Et si je restais lié au monde de manière irréversible ? Je ne sais si cela peut être reconnu comme mon crime. Je n'ai su faire la coupure, rien ne m'horrifie autant que d'être séparé de l'obédience de mon ordre sous l'image du bien, même si par mon obstination je vivrai toujours comme un rebelle en son sein »62. Simone donne raison à Angelo Clareno : son désir de fuir les tâches pastorales était suspect et aurait pu le mener à une double désobéissance, envers Dieu et envers son ordre. Alors que Giovanni da Salerno utilise les termes alienigena, barbarus et longinquus, Simone a recours un mot plus fort pour exprimer sa différence : rebellis. Ce terme montre que le doute subsiste dans l’esprit de Fidati. En effet, dans une lettre envoyée au cours de l’année 1335 à des frères dont il avait la charge d’âme, il affirme qu’en le forçant à prêcher, son ordre met en danger son salut63. Ainsi, bien qu’il ait accepté la décision de Guillaume de Crémone, se soit rendu aux arguments de Clareno et qu’il ait reçu Giovanni comme socius, la tension entre son désir de vie contemplative et son obligation de vie active était toujours présente, comme elle l’est restée chez les ermites augustins jusqu’en 1387, moment où le couvent de Lecceto (près de Sienne) a obtenu une forme d’indépendance par rapport aux autres couvents de l’ordre, signalant la naissance de l’observance augustine 64. À juste titre, Mario Sensi souligne l'importance du rôle de Simone Fidati dans la « préhistoire » de l'observance augustine, en tant que figure faisant le pont entre l'idéal spirituel franciscain et l'idéal érémitique augustin65. Ce n’est donc pas une coincidence si après la mort de Simone, Giovanni da Salerno a été affecté au couvent de San Leonardo al Lago, une dépendance du couvent de Lecceto. Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 10 Conclusion 17 L’étude de la lettre 45 de la correspondance d’Angelo Clareno jette une nouvelle lumière sur les relations complexes entre les milieux de la dissidence franciscaine et l’Ordre des ermites de saint Augustin. La situation de crise provoquée par l’aspiration contemplative de Fidati nous permet alors de mieux comprendre la manière dont fonctionne le réseau d’Angelo Clareno, entre Gentile da Foligno, Barthélemy de Subiaco et lui-même. Si l’ancien franciscain détient l’autorité charismatique nécessaire pour assurer la direction spirituelle de son cercle, il a néanmoins besoin de l’autorité institutionnelle d’un socius de prieur général et d’un abbé afin d’exécuter ses décisions. Ainsi, dans le but de contraindre Simone à reprendre la prédication, il a d’abord tenté de le convaincre grâce à son charisme de directeur spirituel en lui envoyant une lettre et un traité puis, devant l’intransigeance de l’élève, il a décidé de faire appliquer sa volonté par une voie institutionnelle, par l’intermédiaire de Gentile et Barthélemy. Ce statut ambigu de chef spirituel fait en sorte que Clareno a réussi, pour un temps, à mettre en place une structure religieuse décentralisée, inspirée des règles de Basile de Césarée, qui contourne l’interdiction pontificale de reformer l’Ordre des pauvres ermites. 18 De plus, il est possible de voir à quel point la pratique de la direction spirituelle et ses enjeux particuliers apportent des nuances importantes à la vision souvent stéréotypée que l’on a des relations entre différents ordres religieux. Deux hommes réputés être chacun à l’opposé du spectre idéologique ecclésial — l’un soutenant fidèlement les papes, et l’autre mettant en doute leur autorité — considèrent la prédication de Simone comme étant nécessaire à la diffusion des idéaux chrétiens. Alors que l’historiographie a coutume de présenter cette situation comme contradictoire, la lettre 45 fait plutôt état d’une relation de collaboration entre différents chefs religieux. Ainsi, alors qu’il y avait chez les ermites de saint Augustin un certain nombre de frères « spirituels », si l’on peut s’exprimer ainsi, qui partageaient avec les dissidents franciscains la même attitude intransigeante par rapport à l’observance de la règle, au respect du vœu de pauvreté et au rejet de la vaine connaissance, on aurait pu s’attendre à ce que ceux-ci soient durement réprimés par un ordre réputé pour sa fidélité envers la papauté. Mais au contraire, grâce à l’intermédiaire de Gentile da Foligno et de Giovanni da Salerno, le cas de Simone Fidati a suscité une convergence d’intérêts entre un dissident franciscain, un prieur général augustin et un abbé bénédictin. NOTES 1. Sur Angelo Clareno, voir Gian Luca Potestà, Angelo Clareno. Dai poveri eremiti ai fraticelli, Rome, Sede dell'Istituto palazzo borromini, 1990 et sur le mouvement des spirituels franciscains, voir David Burr, The Spiritual Franciscans: From Protest to Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 11 Persecution in the Century After Saint Francis, University Park, Pennsylvania State University Press, 2001. 2. Sur l’Ordre des ermites de saint Augustin, voir en premier lieu David Gutierrez, The Augustinians in the Middle Ages 1256-1356, Villanova (PA), Augustinian Historical Institute, 1984 [Rome, 1980]. Plus récemment, Erik L. Saak présente la fidélité aux papes comme fondement de l’Ordre augustin, cf. High Way to Heaven. The Augustinian Platform between Reform and Reformation, 1292-1524, Leiden, Brill, 2002. 3. Pour le contexte de cet octroi, voir Sharon Dale, « A house divided. San Pietro in Ciel d’Oro in Pavia and the politics of Pope John XXII », Journal of Medieval History, 27, 2001, p. 55-77. 4. Il s’agit des lettres 18, 21 22, 23, 45 et 46, selon la numérotation proposée par Lydia von Auw dans son édition des Epistole, cf. Angeli Clareni Opera I. Epistole, Lydia Von Auw (éd.), Rome, Nella sede dell'Istituto Palazzo Borromini, 1980. 5. Nicola Mattioli, Il beato Simone Fidati da Cascia dell'Ordine romitano di S. Agostino e i suoi scritti editi ed inediti, Rome, Tipografia del Campidoglio, 1898. Je me permets aussi de renvoyer à ma thèse intitulée Un prédicateur et sa cité : spiritualité, émotion et société dans la Toscane du XIVe siècle. Le cas de Simone Fidati da Cascia, Université du Québec à Montréal et École des Hautes Études en Sciences Sociales de Paris, 2019. L’œuvre entière de Simone Fidati a été éditée dans Simonis Fidati de Cassia OESA. De gestis Domini Salvatoris, Willigis Eckermann et al. (éd.), 8 volumes, Rome, Augustinianum, 1998-2006 ; son corpus inclut un commentaire des Évangiles, le De gestis Domini Salvatoris, un traité pédagogique en vernaculaire toscan, L’Ordine della vita cristiana, un recueil de lettres, l’Epistolarium, et des Laude. 6. Cf. G. L. Potestà, Angelo Clareno, p. 19-21. Il s’agit d’une demande faite à Giovanni de la part de Simone, comme on le lit dans une lettre qu’il a écrite après la mort de Clareno. Cf. Simonis Fidati de Cassia OESA. Epistolarium, ep. 11, vol. 8, p. 295 : « Sed quia aliquarum epistularum et dictorum eius est memoria super terram, quas, ut potui, studui aggregare, tam aliis quam mihi directas, nolens ut eius memoria totaliter de saeculo deperiret ». 7. Matthias Kaup et Robert E. Lerner, « Gentile of Foligno Interprets the Prophecy 'Woe to the World,' with an Edition and English Translation », Traditio, 56, 2001, p. 149-211 (p. 153-154 et 158). 8. Mario Sensi, Storie di bizzoche tra Umbria e Marche, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1995, p. 283 (n. 74). 9. Mario Sensi, « Foligno all'incrocio delle strade », dans Jacques Dalarun (dir.), Angèle de Foligno. Le Dossier, Rome, École française de Rome, 1999, p. 267-292. 10. La formule, utilisée au sujet de Clareno, Ubertin, Angela et Iacopone da Todi, provient de G. L. Potestà, Angelo Clareno, p. 75. 11. Jean Gribomont, « La Scala Paradisi, Jean de Raithou et Angelo Clareno », Studia monastica, 2, 1960, p. 345-358 et Ronald G. Musto, « Angelo Clareno: fourteenth-century translator of the Greek Fathers. An introduction and checklist of manuscripts and printings of his Scala Paradisi », Archivum franciscanum historicum, 76, 1983, p. 215-238 et 589-645. Voir aussi Gian Luca Potestà, « Genesi e fortuna delle traduzioni di Angelo Clareno », dans Bernadette Cabouret, Annick Peters-Custot, Camille Rouxpetel (dir.), La réception des Pères grecs et orientaux en Italie au Moyen Âge (V e-XVe siècle), Paris, 2019, p. 269-286. 12. Ugo Mariani, Chiesa e stato nei teologi Agostiniani del secolo XIV, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 1957, 106-107. 13. Angeli Clareni Opera I. Epistole, ep. 45, p. 230 : « Audivi insuper quod generalis vester elegit te in suum socium de qua re, licet gaudeam propter utilitatem comunem, tamen propter spiritualium personarum desolationem et damnum, non potui usquequaque letari ». Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 12 14. G. L. Potestà, Angelo Clareno, p. 32. 15. La possibilité que deux correspondants d’Angelo Clareno, Accomandolo da Foligno et Filipo di Castro Mili, aient aussi été des ermites augustins de Foligno est évoquée par Arsenio Frugoni, « Subiaco francescana », Bolletino dell'Istituto storico italiano per il Medio Evo, 65, 1953, p. 107-119 (p. 117). 16. Mario Sensi, Le osservanze francescane nell'Italia centrale (secoli XIV-XV), Rome, Istituto storico dei cappuccini, 1985, p. 142. 17. Mario Sensi, « Simone Fidati e gli spirituali (Angelo Clareno) », dans Willigis Eckermann et Carolin Oser-Grote (dir.). Simone Fidati da Cascia OESA : un agostiniano spirituale tra Medioevo e umanesimo ; atti del congresso internazionale in occasione dell'VIII centenario della nascita (1295 - 1347), Cascia (Perugia) 27 - 30 settembre 2006, Rome, Institutum historicum Augustinianum, 2008, p. p. 51-98. 18. M. Sensi, Le osservanze francescane, p. 141-142. 19. La première est adressée à Matteuccio de Gubbio et la seconde à François de Monteavio. Ces deux lettres sont éditées par Lydia von Auw dans Angeli Clareni Opera I. Epistole, p. 356-361, et dans leur traduction vernaculaire, par M. Curto, « L’epistolario di Angelo Clareno nel Ms. 1942 della Biblioteca Oliveriana di Pesaro », Studia Oliveriana, III s., 1-2, 2001-2002, p. 220-224. 20. Angeli Clareni Opera I. Epistole, ep. 45, p. 230 : « Frater Simon ad tantam devenit displicentiam de concursu personarum et devotione ad eum quod nullatenus potest ei suggeri quod data sibi gratia ad suam et proximorum salutem cum humilitate secundum discrete caritatis regulam uti consentiat. Sed peregrinationis et singularis abiectionis cuiusdam vere paucorum ardet desiderio aut desolate penitus conversationis concupiscit solitariam vitam ad quam hodie non inveniet, sed nec multum ipse curat habere, socium ». 21. Pour le détail de cette crise spirituelle, je renvoie au chapitre 2 de ma thèse, Un prédicateur et sa cité…, p. 57-81. 22. Antonio Montefusco, « Il progetto bilingue di Olivi e la memoria dissidente », dans Pietro di Giovanni Olivi Frate Minore. Atti del XLIII Convegno internazionale (Assisi, 16-18 ottobre 2015), Spoleto, 2016, p. 185-209. Plus largement sur Clareno et Olivi, voir l’article de Sylvain Piron, « Olivi et Clareno. Une rencontre à L’Aquila », Oliviana, 6, 2020 [En ligne] URL : https:// journals.openedition.org/oliviana/990 23. Sur cette question, ainsi que pour une vue d’ensemble de la Vita fratris Simonis, voir le chapitre 4 de ma thèse Un prédicateur et sa cité…, p. 123-158; en amont, voir Dinora Corsi, « Simone da Cascia, un 'rebellis ecclesiae' ? », Archivio storico italiano, 149, 1991, p. 739-781. 24. Sur l’origine de l’ordre augustin, voir Kaspar Elm, Italienische Eremitengemeinschaften des 12. und 13. Jahrhunderts : Studien zur Vorgeschichte des Augustiner-Eremitenordens, in L'Eremitismo in Occidente nei secoli XI e XII. Atti della seconda Settimana internazionale di studio, Mendola, 30 agosto-6 settembre 1962, Milan 1965, p. 491-559. 25. Eelcko Ypma, La formation des professeurs chez les ermites de saint Augustin de 1256 à 1354, Paris, 1956. 26. Didier Lett, Un procès de canonisation au Moyen Âge. Essai d’histoire sociale : Nicolas de Tolentino, 1325, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 89. 27. Fulgence A. Mathes, « The Poverty Movement and the Augustinian Hermits », Analecta Augustiniana, 31, 1968, p. 150-151. 28. Guillemi de Villana Cremonensis O.S.A. Tractatus cuius Titulus Reprobatio Errorum, Darach Mac Fhionnbhairr (éd.), Rome, Augustinianum, 1977. Voir aussi Erik Saak, High way, p. 60-65. 29. Angeli Clareni Opera I. Epistole, ep. 45, p. 230 : « Laboravi autem quibusdam caritatis viis ipsum in suo proposito irrevocabiliter fere firmato retinere ad tempus, si quomodo ipsum inclinare Oliviana, 6 | 2020
Angelo Clareno et les augustins 13 finaliter, Deo operante, valerem ut ad desolationis et consolationis multorum considerationem animum converteret et impetum immissi fervoris suspectum haberet ». 30. Armelle Le Huërou, « Une lettre inédite d’Angelo Clareno à Simone Fidati », Oliviana, 6, 2020 [En ligne] URL : https://journals.openedition.org/oliviana/1070 31. Ibid. § 36 : « Pietatis cultus cum omnibus devotis et desideriis ardentibus et cruciformibus gratiarum accionibus, incessanter querere regnum Dei, misericordie et pietatis opera ad cultum Dei maxime pertinent : unde legere et verbum Dei annuncciare non putes ociosum ». 32. Ibid. § 37 : « Sicut anima est corpore dignior, ita dignius et perfectius est pietatis et misericordie spiritualia exercicia corporalibus preferre, quando quis impeditur implere utraque simul ». Sur la question des exercices spirituels, voir Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Études augustiniennes, 1981 ; et en amont, Paul Rabbow, Seelenführung. Methodik der Exerzitien in der Antike, Münich, Kösel, 1954. 33. À propos du fonctionnement de la direction spirituelle, je me permets de renvoyer à mon article « Simone Fidati da Cascia’s Spiritual Direction in Fourteenth-Century Italy », dans Johannes Bartuschat, Elisa Brilli et Delphine Carron (éds.), Agostino, Agostiniani e Agostinismi nel Trecento italiano, Ravenne, Longo, 2019, p. 67-86. 34. A. Le Huërou, « Une lettre inédite », § 37 : « et sensu et affectu et flameiis desideriis aspirare conformari et uniri Christo et ex ipso in ipsius caritatem tranformari est debitum ». 35. Ibid. : « ewangelico odio mentes et affectus accendit et virtutibus armat, ut in seipsis occidant omnem mundanum et carnalem amorem ». 36. Ibid. : « Nam per conformitates ad virtutes et affectus anime Christi […] veri Dei cultores et adoratores et laudatores efficimur ». 37. Ibid., § 38 : « Scripsi, obediens tibi sicut Dominus dedit, in die sancti Iohannis evangeliste, ut ores pro me et te in Christo diligentibus recomendes, ut spiritum leticie, qui requievit in sancto Iohanne, induas, et meroris et tristicie et tedii et amaritudinis spiritum in Christi virtute a mente tua procul repellas ; et sine intermissione, gaudio Christi plenus, orans et psallens, ex omnibus et in omnibus semper et ubique in nomine et virtute Christi caritatis gratias agens, in certissimis Christi vite semitis et doctrinis ubique in finem dirigatur gressus tuus, et per ipsam te audientes trahas operibus et sermone, ut cum multorum salute ad regem glorie Christum cum fiducia et plena confidencia revertaris supra multa constituendus in gloria, quia in paucis extiteris fidelis in via. Ita fiat. Amen ». 38. Ibid. : « Ieiunium enim et abstinencia et castigacio carnis et lingue et sensuum exteriorum et interiorum custodia et mortificatio rationabiliter assumpta, cum vigiliis, orationibus, genuflexionibus, disciplinis et cruciformi manuum extensione ad Deum pietatis cultus sunt exercicia sanctificantia ». 39. David Burr, « Angelo Clareno et le vœu d'obéissance », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 16, 1996, disponible en ligne : http://journals.openedition.org/ccrh/2643 (consulté le 10 janvier 2020). 40. Marciana Codici Latini III, 107 (=2905) et Vědecká knihovna v Olomouci, M I 349 41. Voir l’article d’Armelle le Huërou, « La transmission manuscrite du Preparantia et les recueils des lettres d’Angelo Clareno et Simone Fidati », Oliviana, 6, 2020 [En ligne] URL : http://journals.openedition.org/oliviana/1076 42. Angeli Clareni Opera I. Epistole, ep. 45, p. 230 : « Et propter hoc, dominus abbas significavit vobis suis litteris et ego in meis quatenus cum generali procurare penitus studeretis quod obedientia quam habet non revocaretur sed mitteretur sibi adhuc alia obedientia magis ipsum abbati subdens, ita quod ex ipsius virtute teneretur abbati in Oliviana, 6 | 2020
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