Autour d'un livre Histoire de l'histoire de l'Univers Cannes Autour d'un livre 4 janvier 2019

 
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                                     Autour d’un livre
                           Histoire de l’histoire de l’Univers
                          Cannes Autour d’un livre 4 janvier 2019

D’abord : pourquoi 2 fois le mot « histoire » dans le titre de mon exposé ?

L’Univers (c’est-à-dire les planètes, leurs étoiles, les nébuleuses, les nuages moléculaires, les
trous noirs, les pulsars, les galaxies, leurs amas, le grand attracteur, Laniakea, les libellules,
les girafes, les microbes et les requins, et nous-mêmes, l’Univers donc, formant un tout sur
rien d’autre, a une histoire : c’est à dire un drôle de possible début, une vie à laquelle nous
sommes impliqués et une fin mathématiquement probable. Il s’agit là d’une découverte
incroyable faite en 1927 puis en 1931 par un prêtre catholique, belge, parlant français,
découverte inimaginable, incompréhensible, même pour les spécialistes et même si cette
histoire a été maintes fois prouvée au cours du XX ième siècle et encore récemment, de
façon magistrale, par le satellite PLANCK en 2013 conçu pour l’essentiel par des chercheurs
français à Orsay. A partir de 1990 nous avons pu voir le premier flash, la première lumière de
l’enfance de l’Univers dont Stephen Hawking disait être la plus belle manifestation de
l’intelligence humaine.
Une telle découverte est en fait l’aboutissement d’une longue saga de savants par-delà les
siècles et les frontières. Nous allons donc maintenant parler de cette histoire de l’histoire.

Question de vocabulaire : 3 mots : Astrologie, Astronomie, Astrophysique, signifiant 3
périodes de l’histoire de l’Humanité.

L’astrologie couvre 21 siècles jusqu’au 7 janvier 1610, précisément. L’astrologie c’est le
temps de l’observation du Ciel avec les yeux, parfois avec un bâton de Jacob et ses degrés
pour mesurer la hauteur des étoiles sur l’horizon et leur course autour de l’étoile dite
« polaire » qui traduit en fait la rotation de la Terre sur elle-même. Il faut imaginer ce que
nos yeux ne voient plus par le filtre de la pollution lumineuse. Lors d’une panne géante
d’électricité en 2005 à Los Angeles les californiens se précipitèrent craintifs à l’Observatoire
Griffith pour comprendre ce phénomène qui n’en était pas un, affolés par l’infinie multitude
d’étoiles dans leur ciel. Ce plafond dense et lumineux d’étoiles était chaque nuit le plafond
de nos ancêtres en Mésopotamie au début des siècles connus. Leurs prêtres du haut des
degrés des ziggourats adoraient une chose brillante la nuit : Marzouk, devenue Zeus à
Athènes, Jupiter à Rome, puis planète à Florence au temps de Galilée. Ces prêtres
inventèrent alors une tapisserie céleste : le Zodiaque avec ses 12 signes (en fait la position
du Soleil de 30° en 30° qui deviendrons des mois et qui montrait la course relative de la
Terre autour de son étoile), signe aujourd’hui décalés par la précession des équinoxes. Ces
adorations du ciel placèrent de fait l’Homme au centre de l’Univers connu, entrainant la
communauté humaine dans une erreur magistrale en associant chaque humain à « son
étoile ». S’en suivit le commerce millénaire des horoscopes dont les erreurs et ignorances
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perdurent encore aujourd’hui en flattant les ignorants et les âmes en peine comme
Françoise Hardy se consolant des frasques de Jacques Dutronc ou encore comme un
président donnant ses rendez-vous secrets à la bibliothèque Mazarine.

Je me suis un jour trouvé à l’Assemblée Nationale, à la tribune réservée au peuple, face au
côté que la télé ou les photos ne montrent jamais, mais que les députés contemplent en
permanence. Sur ce mur de face : une grande tapisserie Gobelins, seul vestige avec le
fauteuil du président de l’ancien Parlement de Paris qui légiférait sous les Rois. Cette
tapisserie brode la peinture de Raphaël : « l’Ecole d’Athènes » où figurent les grands
philosophes et scientifiques de la Grèce antique. Curieusement, pour une République laïque,
l’original orne, au beau milieu du Vatican, la salle où les Papes signent leurs bulles. Y
figurent : Aristarque qui disait déjà au 6 ième siècle avant JC que la Terre tourne autour du
Soleil, Thalès ses parallèles et ses éclipses, Socrate et ses questions, Euclide et ses principes,
Platon et son Académie qui dura 8 siècles et où nul n’entrait s’il n’était géomètre, Aristote
l’universaliste prétendant ses étoiles fixes sur sa sphère céleste plongeant le monde dans
l’erreur pendant 18 siècles, Eratostène avec ses latitudes et sa circonférence terrestre,
Pythagore avec la philo, le cosmos et ses mathématiciens. Cette cohorte des génies est
aujourd’hui méconnue, parfois oubliée, des enseignements modernes.

Astronomie 1610 : Galilée ouvre l’ère e l’Astronomie scientifique. Par lui : tout va
commencer.
A la prestigieuse université de Padoue près de Venise, Galilée sera prof de math pendant 18
ans, rémunéré par le doge de Venise dont dépendait la 2 ième plus ancienne université
d’Europe, toujours en service, montrant fièrement encore sa chaire en bois de Galilée.
Enseignant que les maths sont le langage universel des sciences destiné à exprimer ce que
l’on observe et, suivant le philosophe anglais Francis Bacon, Galilée va dire que seules des
observations répétées ou des expériences reproductibles peuvent être le support de toute
théorie : il inaugure ainsi la méthode et la rigueur scientifique, devenant le « père de la
Physique » en étant aussi le père de l’Astronomie. Au cours de son enseignement, il
commence à utiliser, à l’instar de Viète, des lettres dans ses équations, équations expliquées
jusque-là par des poèmes ou un langage abscon. Les constantes étaient les lettres « a b c »
et les voyelles « eiou » pour les inconnues. Il faudra attendre Descartes pour utiliser « x y
z » » pour les inconnues, reprenant l’invention de Kwarzimi en 930 utilisant à Bagdag
« chey » pour désigner les parts d’héritages, occidentalisé en « xay », puis « x » par les
traducteurs catalans.

 Galilée, informé par un ancien élève de l’invention d’une nouveauté appelée « lunette »
pour voir la Lune, va perfectionner ce système avec des lentilles de 3 cm dans un tube
coulissant et parvenir à grossir 3 fois, puis 8 fois, puis 30 fois des objets célestes. Parmi ceux-
ci : le 7 janvier 1610 : des petits points lumineux qui changeaient de position chaque nuit. Il
en déduisit que ces choses, qu’il appellera « satellites » du nom des esclaves qui portaient
les armes et les équipements des soldats romains pendant leurs marches d’approche,
tournaient autour de Jupiter. Il en déduisit aussi avec, en prime, les croissants de la planète
Vénus, que : comme les satellites découverts tournent autour de Jupiter la Terre tourne
autour du Soleil qui devient de fait le centre de l’Univers prouvant ainsi l’affirmation de
Copernic. 1610 Galilée publie le premier livre d’astronomie « Siderus nuncius », le
« Messager des étoiles ».
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Galilée venait d’inventer la lunette astronomique en reprenant une invention de l’opticien
hollandais Lippershey, servant de jouet pour les enfants et de longue vue pour les militaires
en lutte contre les Espagnols pour l’indépendance des Provinces Unies, nouvelle appellation
des Flandres. Grimpant en haut du Campanile de la place Saint Marc, Galilée montre
l’avantage de son invention pour observer au loin d’éventuels ennemis entrant dans la
lagune par le Lido ou les frasques des verriers de Murano. Galilée fit don de son invention au
Sénat de Venise et le doge multipliera son salaire par 2 puis par 3 lorsque Galilée partit pour
Florence.

Bien que Copernic, lui aussi à Padoue et non à Cracovie selon la légende, en 1530 avait
affirmé, et aussi Képler, et avant lui Aristarque, que la Terre tournait autour du Soleil en
observant des occultations de planètes avec la Lune, Galilée annonce que la Terre tourne
bien autour du Soleil et va promouvoir sa découverte à Rome auprès des Jésuites, seuls
habilités à s’occuper de sciences depuis le Concile de Trente. Encore aujourd’hui seuls des
astronomes jésuites ont accès au télescope du Vatican dans l’Arizona.
Saint Thomas d’Aquin (1224 1274) va relier la Foi chrétienne et la Raison avec les Textes
fondateurs et Aristote. Tout ce qui est contraire à Aristote est hérétique.

L’Inquisition, sollicitée par les Jésuites en 1616, ne s’en prend pas directement à Galilée
mais seulement à ses idées (Soleil centre de l’Univers). Copernic, étudiant le mouvement
rétrograde de Mars, avait annoncé dès 1530 sa découverte, avait averti le Pape par écrit,
puis fut consultant au Concile du Latran sur les mouvements de la Terre et du Soleil
débouchant sur la révision du calendrier julien par Grégoire XIII (notre calendrier grégorien).
A Florence et à Rome, Galilée, devenu célèbre, retournant dans région natale sous la
protection du Grand-Duc de Toscane, et fort de ses connaissances faisait le fanfaron et
suscitait de plus en plus des querelles d’égo avec les puissants à Bologne et à Venise et les
cardinaux à Rome. Il avait un caractère exécrable, irascible et un comportement de vedette
qui exaspéraient professeurs, sponsors, collègues, religieux.
 Il avait écrit à Christine de Lorraine, l’épouse du Grand-Duc Ferdinand II de Médicis, que
l’Eglise dit « comment va-t-on au Ciel alors que le scientifique dira « comment va le Ciel ».
Commence alors la rupture entre l’Eglise et la Science dont s’accommodera l’abbé Lemaître
et tant d’autres séparant dans leur vie l’aspiration au transcendant, au divin et l’envie de
connaître l’Univers comme objet réel observé. Pasteur écrira « un peu de science éloigne de
Dieu, beaucoup nous en rapproche ». Je m’en souviendrai lors de notre rencontre à
Cambridge avec Martin Rees sur les constantes universelles finement ajustées.

Devant les objections des adversaires de Galilée, son ami, le pape URBAIN VIII, lui demanda
d’écrire un livre déclinant les arguments pour et contre de l’héliocentrisme. Galilée publie en
1632 son livre « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde » mettant en scène 3
personnages : un partisan de Copernic, un partisan d’Aristote (et donc de l’Eglise) et un
simplet sans opinion. Ce dernier ressemblait trop au pape (il bégayait comme lui et, dans les
illustrations portait son chapeau). L’Inquisition va conduire en 1633 un curieux procès où se
mêlera jalousie, théologie, politique, obscurantisme. Galilée, à 69 ans, est condamné à ne
plus répandre ses idées et à être assigné à résidence à Arceti, près de Florence et du
couvent de sa fille après avoir été hébergé par un cardinal. La France anticléricale de 1880 va
se servir de Galilée et peindre des portraits ridicules avec Galilée en barbotteuse et des
moines féroces alimentant une histoire officielle qui perdure encore. Pendant 9 ans, dans
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une belle villa, Galilée reprendra ses études sur le mouvement et la chute des corps,
inventera la relativité en regardant les bateaux s’éloigner des quais comme aujourd’hui les
trains. Avec un plan incliné et des clochettes pour marquer des temps intermédiaires, il
inventera la notion de vitesse que Newton reprendra en inventant ses touchantes qu’Euler
appellera « dérivées ». Galilée vient de lancer une nouvelle forme les mathématiques qui
va analyser des observations. Il lance aussi la physique des mouvements, préludes à de
nouvelles découvertes. Galilée publie en 1638 à Leyde au Pays Bas son « Discours sur deux
sciences nouvelles » où il annonce la « cinématique » et le comportement des corps
indépendamment de leur masse. Le pape Jean Paul II reconnaitra la faute de l’Eglise en
1992 lors d’une séance de l’Académie Pontificale des Sciences.

21 juin 2017, jour du solstice d’été, je suis invité à fêter les 350 ans de l’Observatoire de
Paris au château de Versailles ! Pourquoi Versailles ? En décembre 1666 Louis XIV, qui
aimait les sciences, ordonne à Colbert de créer l’Académie des Sciences à Paris et de
construire un bâtiment pour loger les futurs académiciens qui se réunissaient chez
Mersenne ou dans sa bibliothèque. 1667 l’Observatoire est construit par Claude Perrault
avec pour axe le méridien tracé par les mathématiciens astronomes, axe qui deviendra le
méridien de Paris, volé en 1882 par les Anglais pour que le méridien 0 soit localisé à
Greenwich, en échange les Anglais devaient adopter le système métrique décimal. Ainsi
l’altitude des avions est en pied, les cageots de patates en pound et les diagonales d’écran
en pouces. Vont venir à Paris : le niçois Cassini, futur directeur de l’Observatoire, dessinera
Saturne et ses anneaux, Huygens découvrira Titan et inventera des horloges, Roemer y
découvrira la vitesse de la lumière, Newton, Leibniz y étudieront eux aussi les mouvements
de Galilée. Leibniz va inventer le calcul intégral. Avec le télescope à miroir inventé par
Newton (en fait inventé par Hooke après le microscope), celui d’Herschel et tous les autres
le ciel s’ouvre enfin aux observateurs.

Jusqu’à Galilée, les mathématiques servaient à compter, à mesurer et à recenser. A la suite
de Galilée, Newton et Leibniz inventent l’analyse des évènements, pionniers de générations
de mathématiciens : Euler, les Bernoulli, Dalembert, Lagrange et ses orbites, Fourier, Taylor,
Mac Laurin et leurs suites puis leurs séries convergentes qui étudieront les évolutions,
Galois qui, avant un duel fatal, transformera les êtres mathématiques isolés en ensembles
d’éléments ayant des propriétés en commun qui serviront en 1965 à classer les particules
et en 1995 permettront à Andrew Wiles de démontrer le théorème de Fermat..
Muni d’outils mathématiques d’analyse et d’instruments optiques les physiciens vont
découvrir d’autres faces de la Nature : Ampère quantifiera l’électricité, le génial Faraday,
commis en librairie-éditeur-bibliothécaire en regardant le vent dans les champs de
houblons pourra décrire l’électromagnétisme, préludes aux théories des champs que
Maxwell fixera avant Einstein. L’opticien Fraunofer invente en 1804 les spectromètres
traçant les longueurs d’ondes comme des codes-barres, faisant progresser l’astronomie au
point, en découvrant l’hydrogène, le sodium et l’hélium du Soleil, d’ouvrir l’ère de
l’Astrophysique qu’Einstein lancera en 1905.

Au 350 ième anniversaire de l’Académie des Sciences des académiciens de toute l’Europe,
Allemand, Turinois, Russe, Américain, Français rejouaient les séances en souvenir de leurs
ancêtres. Lors d’une pause, je prends un café avec Eberhart Knobblock académicien à Berlin
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pour discuter d’un de mes articles Astromaths sur Leibniz dont Knobblock est le spécialiste.
Il avait traduit à Paris le manuscrit en latin sur lequel Leibniz écrivait :
« Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien » ?

Leibniz lançait ainsi d’innombrables dissertations sur l’Univers dont Emmanuel Kant dessinait
déjà les contours des « Univers îles », singulier présage des « multivers » d’Aurélien Barrau
et Carlo Rovelli. Au bout de cette lignée en 1905 Einstein va tout chambouler et casser les
codes de la pensée scientifique : la relativité du temps local, l’équivalence masse et énergie,
introduisant la notion mathématique d’espace-temps, il admettra que toutes les lois
physiques sur Terre sont valables dans tout l’Univers. Expliquant l’effet photoélectrique
découvert par Planck il va démontrer l’existence des atomes. Publiant en 1915 l’article sur la
relativité générale sur l’origine de la gravité comme étant la courbure par les masses de
l’espace-temps. Eddington et Crommelin prouveront, en juxtaposant des plaques-photos, en
1919 à Sobral au Brésil et en Guinée que la masse du Soleil, lors d’une éclipse, courbe la
vision des étoiles de l’amas des Hyades, donc la lumière. Cet incroyable exploit, qui consacra
Einstein, va motiver Georges Lemaître, ancien élève de l’Ecole des Mines de Charleroi et
soldat volontaire pendant la guerre, reprenant ses cours : il réussit un doctorat de
mathématiques et entre au séminaire d’où il sera ordonné prêtre en 1920. Séminaire d’où
rédigera un mémoire pédagogique sur la relativité d’Einstein qui lui vaudra une bourse
d’études à Cambridge auprès d’Eddington. Celui-ci, devant le potentiel de son élève, lui
obtient une bourse pour aller étudier auprès de l’astronome Shapley à Harvard d’où il
soutiendra au MIT une autre thèse sur le calcul du champ gravitationnel d'une sphère fluide de
densité homogène. De retour à Louvain où il va enseigner, il reprend ses recherches.

En 1924 Edwin Hubble avec le télescope Hooker au mont Wilson découvre que des céphéïdes
dans la nébuleuse d’Andromède, appliquant la formule d’Henrietta Leavitt de 1909, il démontre
que M31, Andromède, est très éloignée de notre Voie Lactée : il vient d’inventer le mot
« galaxie » et ouvre ainsi le champ de l’Univers, mettant fin à la querelle Curtis-Shapley sur les
nébuleuses.

Fort de ses séjours aux US où Lemaître rencontra Slipher, le découvreur du décalage vers le
rouge, il va résoudre l’équation d’Einstein sur la courbure de l’espace-temps en trouvant
une métrique, sorte d’équation donnant la distance entre deux évènements dans l’Univers. Cette
équation sera fonction du temps ! Il en déduira que l’Univers varie avec le temps et donc est
en expansion. Cette équation est l’origine de l’histoire de l’Univers.

L’abbé Lemaître publie ce résultat incroyable en 1927 le fameux article :
» Un univers homogène de masse constante et de rayon croissant » dont la conclusion est
que                      l’Univers est en expansion
En 1931 Lemaître, remontant la flèche du temps en déduira que l’Univers était réduit à
                            « un atome primitif »
traduit mathématiquement par une singularité dont la température et la densité tendaient vers
l’infini. En 1931 Lemaître publia dans Nature le plus bel article du XXième siècle selon Jean
Pierre Luminet : (beginning of the Universe from the quantum point of view)
              « le début de l’Univers selon le point de vue de la physique quantique »

La cosmologie scientifique venait de naître !

Le monde scientifique accepta ces conclusions, sauf Einstein voulant croire à un Univers
stationnaire, tout comme l’astrophysicien anglais Fred Hoyle, célèbre pour sa découverte de la
nucléosynthèse, véritable généalogie de la matière, se moquant de cette théorie lors d’une
émission à la BBC en 1949 par les mots célébrissimes de « Big Bang », expression erronée car
cette singularité ne pouvait pas être « big » et ne pouvait pas faire « bang ».
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Lemaître passa le reste de sa vie jusqu’en 1966 à chercher en vain parmi les rayons cosmiques,
des rayonnements sortes de restes fossiles des débuts de l’Univers.

Hubble en 1929, grâce à la spectroscopie, avec Humason le gardien du télescope, établit la
relation entre la distance des galaxies et leur vitesse d'éloignement, vitesse calculée par
Lemaître dans son fameux article 2 ans plutôt. Pendant 90 ans cette relation s’appellera « loi de
Hubble » sur la vitesse d’éloignement des galaxies proportionnellement à leurs distances. Le
nom de Lemaître sera associé à celui d’Hubble, approprié à tort, par l’Union Astronomique
Internationale en octobre 2018 grâce à l’intervention de Mario Livio, étrangement directeur du
satellite-télescope Hubble.

1948 : un immigré russe aux US, enfui de Crimée, Georges Gamov, fan de Lemaître, publie un
article capital sur la formation des éléments au cours des premières phases de l'expansion de
l'Univers, participant ainsi à l'élaboration de la théorie du Big Bang. Ses élèves Ralph Alpher et
Robert Herman conclurent qu’en expansion l’Univers allait se refroidir, allant même jusqu’à
calculer la température du rayonnement recherché par Lemaître à 5 K°. En 1965, deux
ingénieurs télécom, ou astrophysiciens, Penzias et Wilson, cherchant à étalonner à zéro une
antenne devant capter les signaux du satellite Telstar, capte un signal « parasite » dans toutes
les directions, de température 2,7K°. Ils soumettent leur problème à Robert Dicke qui annonce la
découverte du rayonnement fossile prédit par Lemaître, calculé par les élèves de Gamov.
Oddon Goddard, l’assistant de Lemaître ira monter la publication officielle du rayonnement CMB
à l’abbé Lemaître, entre temps nommé Evêque par Pie XII, se trouvant à l’hôpital, peu avant sa
mort.

En 1990 Smoot et Mather vont mesurer la répartition des températures dans toutes les
directions du fameux rayonnement CMB avec le satellite COBE (Cosmic Background Explorer)
lancé par la NASA. Le résultat est exceptionnel : on voit des grumeaux colorés en bleus et roses
signifiant la fiche température, c’est-à-dire l’énergie, c’est-à-dire la première matière selon la
première équation d’Einstein, de l’époque où la densité des atomes primitifs commence à libérer
les premiers photons 380.000 années-lumière après le soi-disant Big Bang. Hawking dira que
cette fiche de température est l’exploit scientifique du XX ième siècle. Penzias et Wilson auront le
prix Nobel de physique en 1978, Smoot et Mather seront nobélisés en 2006 et j’aurai la chance
de parler à Smoot, retour de Stockholm, grand gaillard travaillant aujourd’hui au labo APC,
AstroParticulesCosmologie, à Paris Tolbiac. De nouveaux instruments satellisés viendront affiner
les graphiques de COBE : WMAP en 2001 et surtout le satellite européen PLANCK en 2013 avec
ses bolomètres (thermomètres) français ultra précis au 10millionièmes de degré.
En 1999 Saul Perlmutter, prix Nobel 2011, que nous avons accueilli à Sciences Po l’an passé,
découvre en analysant des supernovae que l’expansion de l’Univers s’accélère, pensant que
l’origine en est une « énergie noire ». Auparavant d’autres astrophysiciens (Fritz Zwicky en 1933
et Vera Rubin en 1976 avaient imaginé une matière noire pour comprendre la rotation des
galaxies incompatible avec leur gravité. Les résultats de PLANCK décrivent les répartitions de
matière l’Univers : 68,3% d’énergie noire, 26,8% de matière noire, 4,9% de matière
baryonique dont seulement 0,3% correspondant à toute la matière détectable (nous, les étoiles
et les galaxies).
La compréhension de l’histoire avancera beaucoup avec les découvertes des différents
accélérateurs de particules au CERN (Centre Européen de Recherches Nucléaires) crée en 1949
par le français Louis de Broglie, prix Nobel 1929 sur la découverte de la nature ondulatoire des
électrons. La théorie quantique des champs élaborée par Dirac, Pauli, Feynman donnera les
explications aux résultats des collisions des différents accélérateurs de particules. La
complexité des résultats donnera naissance à Internet en mars 1989 par Tim Bernès-Lee (pour
http et le protocole www) et Robert Cailliau pour le téléchargement. Le modèle standard des
particules publiait en 1969 par Murray Gell-Man, appliquant l’algèbre de Lie et annonçant les
quarks, trouvera sa conclusion par la confirmation de l’existence du boson de Higgs le 4 juillet
2012.

Désormais grâce au CERN la notion d’Univers sera de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
Dès 1980 Alan Guth et Andrei Linde, élève de Sakharov, annonceront la théorie de l’inflation
justifiant ainsi l’accroissement subit de l’expansion, suivi du flash du CMB. Ainsi les
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astrophysiciens remontèrent jusqu’au temps 10 puissance -43 s, appelé le mur de Planck. Au-
delà les équations d’Einstein ne sont plus applicables et Marc Lachièze Ray nous dit qu’il nous
manque de nouveaux outils mathématiques (Einstein avait profité de la géométrie
différentielle de Rieumann et de la théorie des tenseurs). Le français Alain Connes étudie une
géométrie non commutative. Le gros problème est la singularité dont tous les attributs tendent
vers l’infini, ce qui est impossible en physique : d’où vient que la température tende vers l’infini,
ainsi que la densité. Peut-être disent Aurélien Barrau et Carlo Rovelli d’un autre univers
précédent le nôtre qui se serait contracté le « Rebounce Universe ». Pour l’explication du tout
début, Barrau, Lee Smolin et Rovelli proposent la « théorie de la gravitation quantique à
boucles » où l’espace-temps devient une sorte d’atome d’espace. Gabriele Veneziano invente la
théorie des cordes pour remplacer quantique et relativité impliquant des espaces à 10 12
dimensions.
Nous étions à Cambridge en 2011 et nous rencontrions l’astrophysicien sir Martin Rees,
l’astronome de la Reine. Lui demandant, lors de la dédicace d’un livre, ce qui est le sujet le plus
important, il me répondit :
« Just six numbers for Universe ». Il parlait de la découverte des
« constantes universelles finement ajustées », caractéristiques fondamentales telles que des
niveaux d’énergies, densité, vitesse d’expansion, charges électriques, etc. Si un seul de ces
« paramètres d’univers » variait d’une infime valeur notre univers ne pourrait pas exister. On en
déduisit que notre univers n’était pas unique, qu’il existait d’autres univers avec un jeu de
constantes différents. Mieux : que le nôtre avait été « programmé » pour la Vie, dixit Hawking et
son copain Brandon Carter. Curieusement, après tant de découvertes nous revenons à la
question soulevée par le procès de Galilée.
Ainsi s’achèvent la saga des savants : Hawking, le roi des trous noirs, disait que son niveau
venait qu’il était porté sur les épaules de ces savants.

Aurélien BARRAU commence toujours ses conférences par un poème qu’il termine à la fin en
concluant. Cela va d’Homère, en grec, à l’UNESCO il y a 10 ans ou en novembre en
déclamant un poème de Jean Genet. Je pense, moi, simplement à Cyrano de Bergerac,
mourant enfin dans les bras de Roxanne retrouvée, disant en regardant la Lune :
« Je vais là-haut rejoindre Socrate et Galilée pour enfin comprendre le monde ».

Bernard LELARD
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