Avis CCE 2018-2330 Encourager le transport ferroviaire de marchandises

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                              CCE 2018-2330

Encourager le transport ferroviaire de marchandises
CCE 2018-2330
                                                          CO 1000

                         Avis
« Encourager le transport ferroviaire de marchandises »

                      Bruxelles
                      19.09.2018
2                                                       CCE 2018-2330
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Table des matières

1 Pistes pour relever les défis liés au cadre politique............................................... 3
   1.1 Adopter d’urgence une vision interfédérale de la mobilité........................................................... 3
   1.2 Davantage de coordination entre les différents niveaux de pouvoir ............................................ 3
   1.3 Une attitude proactive du gestionnaire de l'infrastructure vis-à-vis des opérateurs .................... 4
   1.4 Coordonner la politique en matière de transport ferroviaire des marchandises avec les acteurs
       concernés ................................................................................................................................... 4
   1.5 Utiliser le contrat de gestion d’Infrabel pour stimuler le transport ferroviaire de marchandises... 5
   1.6 Un cadre légal permettant au gestionnaire de l’infrastructure de faciliter le transport ferroviaire
       de marchandises ........................................................................................................................ 5

2 Pistes pour relever les défis liés à l’infrastructure ferroviaire ............................... 6
   2.1    Mieux utiliser la capacité existante.............................................................................................. 6
   2.2    Investir dans l’entretien de l’infrastructure ferroviaire .................................................................. 6
   2.3    Affronter la pénurie de locomotives ............................................................................................ 6
   2.4    Gérer l’infrastructure dans une logique à long terme et en tenant compte des possibilités de
          développement économique ....................................................................................................... 7

3 Pistes pour relever les défis en matière d’organisation et de régulation du
  marché ferroviaire ..................................................................................................... 8
   3.1 Mettre les données nécessaires à la disposition des pouvoirs publics et pour la réalisation
       d’études de soutien à la politique ................................................................................................ 8
   3.2 Créer un level playing field pour les différents modes de transport............................................. 8
   3.3 Éliminer les barrières à l’organisation du transport ferroviaire international en Europe .............. 9
   3.4 Rendre le transport ferroviaire plus compétitif sur les distances plus courtes ............................. 9
   3.5 Rendre les mesures de soutien financier plus efficaces ........................................................... 10
   3.6 Donner plus de capacité d’action et de moyens aux régulateurs ferroviaires belge
       et européen............................................................................................................................... 10

4 Pistes pour relever les défis liés aux obstacles sur le terrain ............................. 11
   4.1 Simplifier la réalité administrative et réglementaire du transport ferroviaire .............................. 11
   4.2 Promouvoir activement le transport ferroviaire de marchandises ............................................. 11
   4.3 Résorber la pénurie de conducteurs de train ............................................................................ 11
3                                         CCE 2018-2330
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Saisine

Afin d'alléger la pression sur la capacité routière et de réduire la congestion sur les routes, il est important
d'encourager l'utilisation d'alternatives aux voitures et poids lourds, par exemple le train. Malgré les
avantages du transport ferroviaire de marchandises pour la mobilité, l'économie, le fonctionnement du
marché du travail, l'environnement et la santé publique, nous constatons que la part du rail dans la
répartition modale du transport de marchandises n'augmente pas.

Dans le présent avis d’initiative, approuvé le 19 septembre 2018, le Conseil identifie des facteurs
expliquant le manque de développement du transport ferroviaire de marchandises et avance des pistes
pour relever ces défis. Les défis sont répartis en quatre groupes, à savoir les défis liés : 1) au cadre
politique ;
2) à l’infrastructure ; 3) à l’organisation et la régulation du marché ferroviaire ; 4) aux obstacles sur le
terrain.

1     Pistes pour relever les défis liés au cadre politique

1.1    Adopter d’urgence une vision interfédérale de la mobilité

L'absence d'une vision de la mobilité en général et du transport ferroviaire de marchandises en particulier
est une source d’incertitude pour les opérateurs et les chargeurs qui ne favorise pas les investissements
ferroviaires par le gestionnaire de l'infrastructure et les opérateurs ferroviaires, lesquels doivent être
planifiés longtemps à l'avance.

Le Conseil réitère son appel en faveur de l'élaboration aussi rapide que possible d'une vision interfédérale
à long terme (horizon 2030 voire 2050) de la mobilité – en ce compris le transport de marchandises,
notamment par voie ferrée. Cette vision se devrait d’orienter la politique de mobilité indépendamment
des changements de gouvernement. Elle devrait déboucher sur un pacte de mobilité (ensemble
d'engagements pris par les acteurs concernés) et bénéficier d’une large adhésion sociétale. S’agissant
de ce dernier point, il est important que le Conseil soit associé tant à l'élaboration qu’à la mise en œuvre
de la vision interfédérale de la mobilité.

1.2    Davantage de coordination entre les différents niveaux de pouvoir

Les compétences en matière de mobilité en Belgique sont réparties entre différents niveaux de pouvoir.
Le rail est une compétence fédérale et le gestionnaire de l’infrastructure une organisation fédérale. Mais
la politique ferroviaire ne peut pas être considérée indépendamment de la politique relative aux autres
modes de transport (avec lesquels le train est souvent combiné) et à des domaines dont la compétence
relève des Régions (p.ex. l’aménagement du territoire, les travaux publics aux routes et ports maritimes).
Cette répartition des compétences et le manque de coordination entre les différents niveaux de pouvoir
compliquent et freinent l'élaboration d'une politique cohérente en matière de mobilité, et donc aussi en
matière de transport (ferroviaire) de marchandises.
4                                      CCE 2018-2330
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Le Conseil appelle à une plus grande coordination entre les différents niveaux de gouvernement ainsi
qu'à l'activation des organes de coordination existants (par ex. le Comité exécutif des ministres de la
Mobilité, le Comité de concertation et le Comité RER) et à l’accroissement de la transparence de ceux-
ci, sans en créer d’autres.

En outre, le Conseil estime qu'il serait opportun qu'une instance indépendante évalue régulièrement le
fonctionnement de ces organes de coordination.

1.3       Une attitude proactive du gestionnaire de l'infrastructure vis-à-vis des opérateurs

La communication entre le gestionnaire de l'infrastructure et les opérateurs s’avère parfois difficile, par
exemple lorsque des sillons sont mis hors service ou lorsque des retards se produisent. En outre, le
gestionnaire de l'infrastructure n'offre pas toujours spontanément des solutions en cas de circonstances
imprévues.

Comme il l’a déjà mentionné dans son avis du 25 octobre 2017 « Lignes de force pour le futur contrat de
gestion d’Infrabel »1, le Conseil estime qu’Infrabel se doit d'offrir un service ferroviaire de qualité qui
accroît l'attractivité du rail, ce qui signifie concrètement :

-           améliorer continuellement le service ferroviaire en adoptant une attitude proactive orientée
            « client » et en offrant des solutions proactives et satisfaisantes aux demandes et problèmes
            rencontrés par les entreprises ferroviaires ;
-           communiquer vis-à-vis de ses clients (les entreprises ferroviaires) de façon claire, transparente
            et rapide (par ex. en cas de perturbation du trafic ferroviaire).

1.4       Coordonner la politique en matière de transport ferroviaire des marchandises avec
          les acteurs concernés

Les règles et procédures régissant le transport ferroviaire de marchandises ne tiennent pas suffisamment
compte des besoins du terrain et de la spécificité de ce type de transport. Cela s'explique entre autres
par le fait qu'elles sont établies sans concertation avec les acteurs concernés. Par ailleurs, certains
chargeurs considèrent que les produits et services offerts par les opérateurs ne correspondent pas
suffisamment à leurs besoins.

Le Conseil estime que les règles et procédures régissant le transport ferroviaire de marchandises doivent
être établies en concertation avec les acteurs concernés de l'ensemble du pays. C’est pourquoi le Conseil
rappelle le point de vue qu’il a déjà formulé dans son avis du 25 octobre 2017 « Lignes de force pour le
futur contrat de gestion d’Infrabel », à savoir que cette concertation pourrait avoir lieu au sein d’un
« consultation group » dans lequel siégeraient les acteurs ayant une connaissance spécifique du
transport ferroviaire de marchandises, c’est-à-dire : le gestionnaire de l’infrastructure, les opérateurs
ferroviaires, des représentants des chargeurs, et des représentants des employeurs et des travailleurs.
Le Conseil estime que le gestionnaire de l’infrastructure doit se voir confier un rôle de pilotage au sein
de ce « consultation group », à l’instar d’Elia, le gestionnaire du réseau énergétique, dans son « Users’

1   http://www.ccecrb.fgov.be/txt/fr/doc17-2360.pdf
5                                       CCE 2018-2330
                                                                                                            CO 1000

Group ». À cet égard, il convient de veiller selon le Conseil à ce qu’Infrabel puisse continuer à se
concentrer sur son cœur de métier.

Renforcer le dialogue entre chargeurs et opérateurs pourrait favoriser une meilleure adéquation entre les
produits et services des opérateurs, d’une part, et les besoins des chargeurs d’autre part. Ce dialogue
pourrait avoir lieu au sein du « consultation group » dont il est question ci-dessus.

1.5     Utiliser le contrat de gestion d’Infrabel pour stimuler le transport ferroviaire de
        marchandises

En Belgique, le contrat de gestion du gestionnaire de l’infrastructure n’est pas suffisamment utilisé pour
stimuler le transport ferroviaire de marchandises. Dans d’autres pays comme les Pays-Bas, l’Autriche et
la Suisse, le contrat de gestion du gestionnaire de l’infrastructure comporte des incitants pour atteindre
des objectifs en la matière. Dans ces pays, les contrats de gestion sont régulièrement monitorés et
renouvelés. En Belgique, le contrat de gestion n’a plus été actualisé depuis 2012 et ne contient aucun
indicateur pourvu d’un incitant (positif ou négatif) pour le transport ferroviaire de marchandises.

Le Conseil réitère le point de vue qu'il a formulé dans son avis « Lignes de force pour le futur contrat de
gestion d'Infrabel » du 25 octobre 2017, à savoir que les objectifs de la politique ferroviaire (notamment
en ce qui concerne le transport des marchandises) doivent se refléter en Belgique également dans le
contrat de gestion du gestionnaire de l’infrastructure. Ces objectifs doivent être opérationnels (c’est-à-
dire précis et mesurables) et liés à des sanctions en cas de non-respect.

1.6     Un cadre légal permettant au gestionnaire de l’infrastructure de faciliter le transport
        ferroviaire de marchandises

Le cadre légal au sein duquel opère le gestionnaire de l’infrastructure ne lui permet pas suffisamment de
stimuler le transport ferroviaire de marchandises. Ceci s’explique par le fait que le cadre légal est dispersé
dans plusieurs documents légaux (principalement le codex ferroviaire et la loi du 21 mars 1991 portant
réforme de certaines entreprises publiques économiques) et qu’il ne donne aucune information claire sur
la possibilité de déléguer de la gestion de l’infrastructure2 dans certaines zones, par exemple dans les
ports ou les terminaux multimodaux.

Le Conseil estime qu'il convient d'examiner, avec les acteurs concernés, si et comment des changements
peuvent être apportés afin que le cadre légal du gestionnaire de l'infrastructure contribue effectivement
à la promotion du transport ferroviaire de marchandises. Cela peut se faire, par exemple, en s'inspirant
de ce qui se passe à l'étranger. À cet égard, le Conseil pense notamment à la France 3 et l’Allemagne4,
où la délégation de la gestion de l’infrastructure ferroviaire destinée au transport de marchandises est
autorisée dans des zones bien déterminées (par ex. zones portuaires) en vue de favoriser le
développement économique via le recours au rail pour le transport de marchandises.

2 Le réseau physique peut rester à cet égard aux mains du gestionnaire national de l’infrastructure.
3 Europorte, actif dans plusieurs ports français.
4 Par exemple transPORT Rail à Hambourg.
6                                             CCE 2018-2330
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2     Pistes pour relever les défis liés à l’infrastructure ferroviaire

2.1    Mieux utiliser la capacité existante

Selon des experts5, la capacité ferroviaire existante en Belgique est sous-utilisée, ce qui peut constituer
un frein à la réalisation du plein potentiel de croissance du rail.

Le Conseil appelle à une meilleure utilisation de la capacité ferroviaire existante en misant sur des
innovations technologiques - par exemple ETCS-2 et trains longs (750 mètres)- et sur la réduction du
nombre de trajets et de wagons à vide (par exemple en utilisant des wagons multifonctionnels). Dans la
même optique, les opérateurs ferroviaires doivent, selon le Conseil, être encouragés à annuler les
demandes de sillons non utilisés (par exemple en prévoyant un remboursement) 6. En outre, la gestion
des sillons doit pouvoir répondre à court terme aux besoins de transport variables des entreprises,
lesquels peuvent difficilement être estimés longtemps à l’avance.

2.2    Investir dans l’entretien de l’infrastructure ferroviaire

En raison d'investissements insuffisants dans l'entretien de l'infrastructure ferroviaire, le transport
ferroviaire est soumis sur certaines lignes7 à des limitations temporaires de vitesse (qui ont un impact
négatif sur la qualité du rail en termes de ponctualité). De plus, une stratégie de maintenance réactive
consistant essentiellement à réparer les infrastructures endommagées est appliquée.

Le Conseil souligne la nécessité d'accroître les investissements dans l'entretien de l'infrastructure
ferroviaire et de mettre l’accent sur la maintenance préventive plutôt que réactive. Les besoins
d'infrastructure, et par conséquent les investissements dans l’entretien de celle-ci, seront déterminés à
travers un audit dont les résultats sont attendus en 2019. Le Conseil demande à être informé de ces
résultats.

2.3    Affronter la pénurie de locomotives homologuées

Le nombre de locomotives homologuées (c’est-à-dire des locomotives qui remplissent les conditions
exigées pour circuler sur le réseau ferroviaire belge et pour le transport transfrontalier) est à certains
moments insuffisant pour transporter les volumes de marchandises des chargeurs., Ceci est entre autres
dû à la longue durée de la procédure d’homologation qui a pour effet que les opérateurs ne peuvent pas
répondre rapidement à une demande croissante. Il en résulte que des volumes qui auraient
potentiellement pu être transportés sur le rail sont transférés vers d’autres modes.

5  TECHNUM (2015), Onderzoek naar de concurrentiepositie van het goederenvervoer per spoor in België, p. 68 ;
Vanobbergen, Roel (2016) De toekomst van onderbenutte spoorinfrastructuur in België. Een sociaal-economische analyse ;
Comité consultatif des voyageurs ferroviaires (2016) Recommandations aux chambres législatives fédérales concernant les
contrats de gestion entre l’Etat, la SNCB et Infrabel, p. 3
6 À l’heure actuelle, des opérateurs introduisent parfois des demandes de capacités par souci de sécurité, sans savoir s’ils

les utiliseront effectivement. Étant donné que l’annulation de sillons ne donne pas toujours droit à un remboursement et que
des frais administratifs sont même imputés, de nombreux opérateurs préfèrent ne pas remettre leur sillon à disposition
lorsqu’un transport n’a pas lieu.
7 Dont les lignes 24 (Hasselt-Liège) et 34 (Tongres-Montzen).
7                                         CCE 2018-2330
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Afin de remédier à ce type de situations, le Conseil demande :

-        que le gouvernement belge plaide, au niveau européen, pour une harmonisation technique du
         matériel roulant ;
-        d'analyser les raisons pour lesquelles il existe, en Belgique un stock de matériel roulant
         homologué qui n’est pas utilisé ou mis en location.

2.4    Gérer l’infrastructure dans une logique à long terme et en tenant compte des
       possibilités de développement économique

L’infrastructure ferroviaire est gérée dans une perspective de court terme et suivant des considérations
budgétaires. Ceci est non seulement le cas pour l'entretien, comme indiqué ci-dessus, mais aussi pour
la gestion des liaisons ferroviaires. Ainsi, Infrabel a mis fin à certaines liaisons ferroviaires desservant
des entreprises parce qu'il n'était pas rentable de les maintenir à court terme. Bien que cela ait pu sembler
une bonne décision à court terme et du point de vue budgétaire, cela pourrait à l'avenir dissuader des
entreprises à opter (à nouveau) pour le rail et ralentir ainsi le développement du transport ferroviaire de
marchandises. La remise en service de liaisons ferroviaires rompues avec des entreprises (zones
d’activité) est coûteuse et irréalisable à court terme.

Le Conseil est d'avis que l'infrastructure ferroviaire doit être gérée selon une logique à long terme et en
tenant compte des possibilités de développement économique. Dans le cadre de la politique de
raccordements, une meilleure concertation entre les autorités publiques, le gestionnaire de
l'infrastructure, les acteurs économiques, les employeurs et les syndicats s'impose. Cette concertation
doit avoir lieu le plus en amont possible et s’inscrire dans une vision économique globale. Après analyse
qui justifierait l'option en raison d'un réel potentiel de croissance pour le rail, il doit, selon le Conseil, être
possible d'établir plus rapidement une liaison ferroviaire avec une entreprise ou une zone d’activité.

De plus, un système de partage des coûts pourrait, aux yeux du Conseil, être mis en place entre Infrabel
et l'entreprise en question afin qu’il soit intéressant pour Infrabel d'établir la liaison ferroviaire et pour
l’entreprise d'en faire un usage intensif (par exemple, en y transportant fréquemment de gros volumes
de marchandises).
8                                              CCE 2018-2330
                                                                                                                   CO 1000

3     Pistes pour relever les défis en matière d’organisation et de régulation du
      marché ferroviaire

3.1     Mettre les données nécessaires à la disposition des pouvoirs publics et pour la
        réalisation d’études de soutien à la politique

Les données disponibles pour développer, évaluer et si besoin rectifier une politique en matière de
transport ferroviaire de marchandises sont peu nombreuses, fondées sur des estimations ou ne sont plus
actualisées8. Les opérateurs ne sont pas encouragés à mettre leurs données concernant les trafics, les
tonnages et types de marchandises transportées à la disposition des pouvoirs publics.

Comme précisé dans son avis « Un régulateur ferroviaire performant » du 20 juillet 2018, le Conseil
estime que les autorités, et en particulier le régulateur, doivent pouvoir disposer de données chiffrées
concernant le transport ferroviaire de marchandises, lesquelles sont nécessaires pour la politique en la
matière, et que ces données doivent également être mises à disposition pour la réalisation d’études de
soutien à la politique. Par conséquent, le Conseil préconise une collecte plus approfondie des données
auprès des opérateurs, qui devraient être encouragés à mettre leurs données à la disposition du
régulateur et de chercheurs. Ces données devraient ensuite être anonymisées et mises à la disposition
du public.

3.2     Créer un level playing field pour les différents modes de transport

Les différents modes de transport n’opèrent pas dans des conditions équitables, par exemple en ce qui
concerne les cotisations pour l’utilisation de l’infrastructure, les règles de sécurité et les règles pour les
conducteurs. Les coûts externes générés par les différents modes ne sont pas répercutés de façon égale
dans les prix pratiqués.

Le Conseil considère qu’il est important que les pouvoirs publics créent un level playing field pour les
différents modes de transport, en tenant compte des externalités économiques, sociales et
environnementales qu’ils génèrent et en soulignant l’importance de leur complémentarité9. La
simplification du transport international, par l’élimination des barrières techniques et autres (voir ci-
dessous), peut également contribuer à créer des conditions équitables entre les modes.

8 Les annexes 4 et 5 du contrat de gestion actuel entre l’État et Infrabel (conclu initialement pour la période 2008-2012, mais
prolongé à plusieurs reprises depuis lors) prévoient pourtant qu’Infrabel doit fournir certaines données au SPF Mobilité et
Transports (par exemple concernant l’utilisation de l’infrastructure pour le transport de marchandises ou la ponctualité des
trains de marchandises). L’incertitude demeure encore quant à ce que prévoira le nouveau contrat de gestion (qui est en
pleine négociation) en la matière.
9 Par exemple les camions avec un tonnage plus élevé permettent d’aider à résoudre le problème du first et last mile

(braintrain).
9                                            CCE 2018-2330
                                                                                                              CO 1000

3.3    Éliminer les barrières à l’organisation du transport ferroviaire international en
       Europe

Il existe aujourd'hui une grande fragmentation en Europe en termes de régularisation et de
standardisation technique. Sur le plan technique, il est possible d'évoluer vers une interopérabilité totale,
mais les États membres ont un poids important dans le processus décisionnel et tentent de protéger
leurs marchés contre des opérateurs étrangers.

Le Conseil estime que l’organisation du transport ferroviaire international en Europe doit être simplifié. À
cet effet, il demande au gouvernement belge de plaider, au niveau européen, pour la poursuite du
développement des corridors de fret européens, qui ont déjà joué un rôle positif en la matière, notamment
via l’établissement d’un guichet unique, ainsi que pour l’élimination de la fragmentation au sein de
l’Europe en termes de régularisation et de standardisation technique.

3.4    Rendre le transport ferroviaire plus compétitif sur les distances plus courtes

Le transport ferroviaire de marchandises est le plus rentable lorsque des grands volumes de
marchandises sont transportés sur de longues distances. Plus la distance du pré- et post-déplacement
est grande, moins le choix de l’intermodalité, et partant du transport ferroviaire, est avantageux. Le prix
élevé du premier et du dernier kilomètre, qui découle notamment de la complexité du triage, constitue un
handicap pour le transport ferroviaire.

Le Conseil est convaincu que les pouvoirs publics peuvent stimuler le transport ferroviaire de
marchandises en prévoyant suffisamment de terminaux intermodaux et en axant davantage les mesures
de soutien sur le transbordement que sur le transport lui-même. Le Conseil estime en outre que les
autorités disposent encore d’autres possibilités pour rendre plus attrayant le transport ferroviaire sur des
courtes distances, par exemple en facilitant les expérimentations avec des gestionnaires d’infrastructure
ou opérateurs ferroviaires de proximité10 (cf. point 1.6) ou en encourageant des partenariats entre
opérateurs et chargeurs sur les courtes distances.

En outre, selon le Conseil, les opérateurs eux-mêmes peuvent rendre le rail plus compétitif via une
collaboration horizontale qui consiste notamment à regrouper leurs volumes afin de comprimer les coûts.
Cette collaboration peut être facilitée en faisant appel à des aggrégateurs. Il importe également de
souligner la possibilité offerte aux opérateurs par les nouvelles technologies, par exemple la
« blockchain », de garantir la fiabilité de leurs données et de préserver ainsi leur position concurrentielle
en cas de regroupement de volumes de marchandises.

10Comme cela se passe par exemple dans le Hainaut, où l’intercommunale Idea a fait appel à un opérateur local, Planisfer,
qui se charge notamment de la formation du personnel, des opérations sur sites industriels, des réparations des wagons et
de l’évaluation de l’infrastructure.
10                                             CCE 2018-2330
                                                                                                                  CO 1000

3.5     Rendre les mesures de soutien financier plus efficaces

Les mesures de soutien financier au transport ferroviaire de marchandises actuellement en vigueur dans
notre pays11 n’ont pas l’impact souhaité en termes de transfert modal. Le Conseil demande d’analyser
les raisons à l’origine de ce constat, en tenant compte de l’actuelle structure des coûts du transport
ferroviaire de marchandises.

Dans un souci de réaliser un impact plus important en termes de transfert modal, le Conseil demande s’il
n’y a pas lieu de focaliser l’aide à l’exploitation sur la courte distance plutôt que d’octroyer des subsides
par kilomètre sans différenciation selon la distance. Le soutien actuel au transport combiné diminue au
fur et à mesure que la distance parcourue augmente, alors que ce n’est pas le cas pour le soutien actuel
au transport diffus.

Le Conseil appelle en outre les différentes autorités à examiner si certaines bonnes pratiques en vigueur
à l’étranger, par exemple l’octroi de compensations pour la modernisation et le verdissement du matériel
roulant, peuvent être mises en œuvre en Belgique.

3.6     Donner plus de capacité d’action et de moyens aux régulateurs ferroviaires belge et
        européen

Un contexte libéralisé implique la présence sur le rail de plusieurs acteurs actifs et accroît par conséquent
la probabilité de problèmes et/ou conflits opérationnels qui doivent être réglés par un régulateur
ferroviaire fort. Selon des experts, le régulateur ferroviaire belge12 dispose aujourd’hui de moyens
insuffisants pour pouvoir exercer convenablement sa fonction et il devrait recevoir davantage de
compétences.

Le Conseil demande que l’on mette à disposition du régulateur ferroviaire belge les moyens techniques,
humains et financiers qui sont nécessaires à remplir sa fonction, ainsi qu’à élargir ses attributions, tel que
décrit dans l'avis du CCE du 20 juillet 2018 « Un régulateur ferroviaire performant ».

Une industrie de réseau comme le transport ferroviaire se caractérise par une tendance constante à la
consolidation. Au niveau européen, le risque existe par conséquent que le marché soit dominé à terme
par un ou deux acteurs. Afin d’éviter notamment que des monopoles ne se forment, le Conseil insiste
pour que la mise en place d’un régulateur européen à part entière soit pleinement soutenue.

11 Il existe actuellement en Belgique deux mesures de soutien financier pour les entreprises actives dans le transport combiné
et diffus. Dans le cadre du transport combiné, des unités de transport multimodal sont transportées, par exemple des
conteneurs. Dans le cadre du transport diffus, un train est constitué de différents types de wagons isolés, par exemple pour
le transport de marchandises en vrac ou de métal en provenance de chargeurs différents. Le régime applicable au transport
combiné est en vigueur depuis 2005, celui relatif au transport diffus depuis 2013. Les deux ont été prolongés à plusieurs
reprises. Les mesures de soutien actuelles sont valables pour la période 2017-2020.
12 Nom complet : « Service de régulation du transport ferroviaire et de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National ».
11                                              CCE 2018-2330
                                                                                                                     CO 1000

4     Pistes pour relever les défis liés aux obstacles sur le terrain

4.1     Simplifier la réalité administrative et réglementaire du transport ferroviaire

Les entreprises ferroviaires font face à de nombreuses procédures et règles administratives complexes
et fastidieuses. Pensons à cet égard aux procédures en vigueur pour introduire une demande de sillon
ou pour obtenir l’autorisation de faire circuler une locomotive sur le réseau ferroviaire.

Le Conseil estime que la demande d’un sillon, mais aussi l’obtention d’une autorisation de faire circuler
une locomotive sur le réseau ferroviaire, doivent pouvoir se dérouler plus rapidement et plus facilement.
Il convient en outre d’examiner la possibilité de mettre en place une procédure d’autorisation « light »
pour les opérateurs ferroviaires de proximité qui sont uniquement actifs sur une partie restreinte du
réseau, tout en garantissant la sécurité de tous. A l’heure actuelle, ces opérateurs locaux doivent en effet
remplir les mêmes conditions que les opérateurs qui travaillent à plus grande échelle (nationale et
internationale).

En outre, le Conseil estime que les frais administratifs liés à la demande d’un sillon doivent tenir compte
du volume de marchandises transporté.

4.2     Promouvoir activement le transport ferroviaire de marchandises

Pour un bon nombre de chargeurs, le seuil pour transporter des marchandises par voie ferrée semble
élevé. De plus, le transport ferroviaire de marchandises n’est actuellement pas promu activement.

Afin de remédier à cette situation, le Conseil réitère la remarque qu’il avait déjà formulée dans son avis
du 25 octobre 2017 « Lignes de force pour le futur contrat de gestion d’Infrabel » : il est nécessaire de
créer une instance qui promeut activement le transport ferroviaire de marchandises, comme c’est par
exemple le cas aux Pays-Bas13. Le rôle de cette instance serait de :

-         promouvoir le transport ferroviaire de marchandises auprès des industriels/chargeurs et dans
          les instituts de formation ;
-         agir comme centre d’expertise en la matière.

4.3     Résorber la pénurie de conducteurs de train

Pour faire face à la croissance attendue du transport ferroviaire, le nombre de conducteurs de train doit
augmenter. Mais c’est justement là que le bât blesse, car la profession de conducteur de train figure déjà
depuis plusieurs années sur les listes des métiers en pénurie dans notre pays.

13 Aux Pays-Bas, la fondation Rail Cargo Information Netherlands, créée le 30 juin 2003 sous la forme d’une initiative public-
privé, a pour but de promouvoir l’usage du rail pour le transport de marchandises et d’améliorer l’image du transport ferroviaire
de marchandises auprès des chargeurs et des prestataires de services logistiques.
12                                             CCE 2018-2330
                                                                                                                   CO 1000

Afin de pouvoir formuler une réponse adéquate à la pénurie de conducteurs de train, le Conseil demande
d’analyser les raisons qui expliquent cette pénurie. Dans cette analyse, une attention devrait selon le
Conseil être accordée aux facteurs14 qui découragent les opérateurs ferroviaires d’investir dans la
formation de conducteurs de train.

Dans l’attente des résultats de cette analyse, il est selon le Conseil conseillé de continuer à encourager
des personnes à suivre des formations techniques15, dont la formation au métier de conducteur de train.

14 Une question qui se pose à cet égard est par ex. si l’investissement dans la formation au métier de conducteur de train peut
être valorisée avec l’instauration d’un système de retour sur investissements.
15 Il est à noter qu’à l’heure actuelle, le centre de formation Syntra propose déjà une formation de base aux techniques

ferroviaires en collaboration avec Lineas. L’obtention d’un certificat de cette formation permet de suivre une formation
raccourcie à la profession de conducteur de train.
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