Bruxelles en mouvements - Logement - Inter-Environnement Bruxelles
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Bruxelles Périodique édité par Inter-Environnement Bruxelles en mouvements N°255 – mars 2012 Logement 1
Dans le cadre des élections communales 2012 et pour dénoncer la situation critique du logement, le RBDH (Rassemble- ment Bruxellois pour le Droit à l'Habitat) met à votre disposition, sur simple demande, deux types de supports. - 1 autocollant grand format à apposer sur des bâtiments vides. (reproduit ci-dessus) - 5 affiches différentes illustrées par Emmanuel Tête, à mettre en évidence. (1 ex. est encarté dans ce numéro) Le tout est disponible au RBDH : Ce numéro a été réalisé Quai du Hainaut, 29 - 1080 Molenbeek - Contact : 02/502 84 63 en collaboration avec : Maison de Quartier Bonnevie, Alice Romainville et le RBDH. Coordinateurs : François Hubert, Isabelle Hochart, Thierry Kuyken et Almos Mihaly. Dossier : Logement, la lutte des places Collaborateurs : Crise du logement .................................................... p.3 Mohamed Benzaouia, Gwenaël Breës, Maison de quartier Bonnevie ....................................... p.6 Raymond Boudru, Sophie Deboucq, Anne Delfairière, Jérôme Matagne, Philippe Meersseman, Pierre Meynaert, Etat et marché du logement........................................ p.9 Nicolas Prignot, Hélène Quoidbach, Dalila Riffi, Denys Ryelandt, Logements communaux ........................................... p.12 Claire Scohier, Mathieu Sonck, Roland Van De Poel. Pour en savoir plus ................................................. p.16 Imprimerie : Auspert & Cie sprl. RUBRIQUES Bruxelles en mouvements est édité par Inter-Environnement Bruxelles, asbl. Quelles priorités pour le rail belge ? ............................ p.17 Association indépendante. Fédération des comités d’habitants de Bruxelles. Membre de l’ARSC. De Baltimore à La Nouvelle-Orléans............................. p.21 Organisme d’Éducation Permanente bénéficiant du soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 2 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier crise du logement c’est par où la sortie? thierry kuyken Depuis plus de vingt ans, la crise du logement sévit à Bruxelles. Depuis plus de vingt ans, la Région a entrepris de réformer en profondeur les pratiques du secteur sur son territoire. Depuis plus de vingt ans, pourtant, la situation s'aggrave chaque jour un peu plus. L' échec des politiques qu’ils ne se métamorphosent en construction de régionales logements moyens[2]. Les politiques régionales successi- Face à cette inertie ou à ces blocages, la vement mises en place depuis 1989 réponse des pouvoirs publics a été, et est paraissent sans effet et en tous cas manifestement chaque jour un peu plus, de bien incapables d'apporter une réponse à la se tourner vers d’autres alternatives que le situation parfois dramatique dans laquelle se logement social au sens strict. Il s’agit bien sûr retrouvent un nombre de plus en plus important du développement des Agences Immobilières de ménages bruxellois. Le logement social, Sociales (AIS - 3000 logements actuellement), du ancien «fer de lance» des politiques sociales programme de construction de logements acqui- du logement, est même «en perte de vitesse» sitifs moyens de la SDRB (3000 logements entre et ne représente aujourd’hui plus qu’un petit 1988 et 2011), des diverses aides accordées par 7 % du parc de logements de notre Région[1]. le Fonds du Logement, des volets logements Si des aides considérables ont été attribuées dans les contrats de quartier,… pour soutenir la rénovation, tant dans le parc Ces alternatives se sont en réalité déve- public que dans le parc privé (avec toutefois loppées tant et si bien qu’elles constituent un effet plus que limité pour certaines couches aujourd’hui, au regard des piètres résultats du de la population), la construction de nouveaux logement social, le corps même de la politique logements publics accessibles aux ménages du logement de notre Région. Ceci explique disposant des plus bas revenus est elle restée à sans doute le glissement sémantique qui s’est l’arrêt total à quelques exceptions près. Malgré opéré au début de cette législature. En effet, les différents plans élaborés pour accroître le plus personne ou presque, ne parle encore de parc de logements sociaux, les projets restent logement social. Non ! Aujourd’hui on ne parle immanquablement au fond des cartons, à moins plus que de logements à «gestion publique et à Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 3
isabelle hochart finalité sociale»... Cette définition, volontaire- car il nous faudra construire plus de logements, ment vague, masque mal l'évolution en cours. plus d'équipements (écoles, crèches,...), plus Au delà du fait qu'elle permet d'améliorer le d'aires de loisirs, plus d'activités productives bilan chiffré des pouvoirs publics, elle révèle en capables d'absorber l'offre d'emplois des Bruxel- réalité la véritable philosophie de la politique lois, etc. Dans pareil contexte et sans un méca- du logement à Bruxelles (voir article page 9). nisme de contrôle des loyers, la hausse des Après avoir, dans un premier temps, rendu les prix du foncier que nous connaissons depuis critères d'accès au logement social plus restric- 1990 n'est pas près de s'arrêter et continuera à tifs[3] et donné la priorité d'accès aux ménages avoir de lourdes répercussions sur le loyer des les plus précarisés, la Région ouvre aujourd'hui Bruxellois. à nouveau les aides qu'elle attribue de diverses Deuxièmement, les chiffres de projection manières à un public plus large, puisque les démographique fournis par le Bureau du Plan conditions financières d'accès varient fortement indiquent que l'on sera confronté à une ville d'un dispositif à l'autre. plus duale qu'aujourd'hui avec le risque de Par ailleurs, la prise en compte des AIS, des voir les recettes fiscales en chute libre et les logements mis en location par les communes besoins financiers en hausse constante du fait et les CPAS, ainsi que par le Fonds du Loge- d'une demande accrue en termes de politiques ment, dans le bilan chiffré des pouvoirs publics, sociales et de services. Ceci justifie d'ailleurs correspond à une multiplication des opérateurs aux yeux des pouvoirs publics, tant locaux que (y compris privés) et peut-être, au fond, à une régionaux, la mise en œuvre de politiques visant dilution des responsabilités. Le logement social à attirer des ménages plus aisés sur le territoire. au sens strict semble bel et bien mort au profit Si cette approche permet certes d'augmenter d’un logement semi-privé/semi-public. Mais les recettes fiscales, elle ne sera pas sans avec quelles conséquences à long terme ? conséquence sur le marché immobilier où elle ne fera qu'accentuer encore la hausse des prix Un avenir encore plus sombre déjà en cours et les difficultés rencontrées par A ce tableau pour le moins déjà sombre, les ménages économiquement plus faibles. s'ajoute aujourd'hui un contexte tel qu'on voit mal comment enrayer ce cycle infernal à moins Des mondes parallèles de la mise sur pied de politiques ambitieuses Quelles réponses les pouvoirs publics pour- de la part de nos autorités publiques. Non ront-ils ou voudront-ils apporter à ces défis ? seulement les diverses crises (économiques, Afin de tenter de répondre à cette question, budgétaires, institutionnelles,...) se succèdent, nous avons voulu, dans ce dossier, mettre en mais l'évolution socio-démographique en cours regard la situation vécue par une partie gran- ne va pas faciliter les choses et ce pour au moins dissante de la population des quartiers centraux deux raisons. de la ville avec une série de politiques mises en Premièrement, plus il y aura d'habitants, plus œuvre par les pouvoirs publics tant régionaux la concurrence pour le territoire sera grande, que communaux. 4 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier Les 38 000 ménages inscrits sur la liste d'at- principale de masquer la réalité et les besoins [1] Contre encore 8% il y a une dizaine d'années environ. tente pour obtenir un logement social ne sont des gens. [2] Rétro-acte : 2002, A. Hutchin- en fait que la partie apparente du problème. D'autre part, une série d'acteurs du secteur son, Secrétaire d'Etat au Logement Logements insalubres, sur-occupation, endette- ne semblent pas encore tout à fait débarrassés (1999-2004), annonce la création ment, expulsions,... les situations individuelles des pratiques opportunistes du passé. Comme d'une société de logement régionale. Objectif : 6000 à 7000 nouveaux vécues au quotidien par un nombre croissant de le montre la récente étude du «Rassemblement logements publics endéans les 3 ans ménages bruxellois sont peut-être bien moins Bruxelles pour le Droit à l'Habitat» (RBDH – voir et 25% du parc locatif de chaque médiatisées, mais elles n'en sont pour autant article page 12) sur les logements détenus par commune = des logements sociaux pas moins interpellantes. Comme le montre le les communes et les CPAS, certains d'entre eux dans 10 ans. 2005 : A. Hutchinson annonce le témoignage du service d'aide au logement de mettent en place des règlements d'attribu- «Plan Logement». Objectif: 5000 la «maison de Quartier Bonnevie» (voir article tion de logements ou de gestion de leur parc logements en 5 ans (3500 sociaux et page 6), les demandes d'aide des ménages en immobilier largement motivés par le souci de 1500 moyens). détresse sont en hausse constante, alors que maximaliser leurs recettes locatives et fiscales, Fin 2011 (soit presque 10 ans plus tard), un bilan plus que mitigé : 482 la situation générale du secteur ne leur donne laissant de côté les préoccupations sociales que logements construits (387 sociaux en réalité quasi aucune perspective pour sortir nous abordons dans ce dossier. et 95 moyens) et 798 logements des difficultés auxquelles ils sont confrontés. en chantier (563 sociaux et 235 Face à cela, les politiques publiques actuelle- Et pourtant... moyens). [3] L'Ordonnance du 9 septembre ment menées ainsi que les pratiques observées Chacun rêve, de manière bien légitime, à 1993 fixera, entre autres choses, des sur le terrain posent question à plus d'un égard. obtenir sa place au soleil. Et pour un nombre critères d'attribution des logements D'une part, elles se construisent mani- croissant d'entre nous, cela se résume de plus sociaux plus strictes que par le passé. festement au gré des chiffres et d'analyses en plus souvent à simplement pouvoir béné- Les ordonnances ultérieures vont aller dans le même sens en réfor- macro, focalisées sur des perspectives à 20 ans ficier d'un logement décent et adapté à ses mant le système d'inscription des comme dans les discussions en cours autour du besoins. Quand à savoir si ce logement sera, candidats et en fixant des critères de futur PRDD (Plan Régional de Développement selon la formule consacrée, «abordable», la priorités pour favoriser les ménages Durable). Elles donnent lieu à toute une série de question semble malheureusement de plus en les plus démunis. débats idéologiques où les concepts tels que la plus souvent reléguée au second plan, les loyers densification, la mixité ou la cohésion sociale, bruxellois ne l'étant plus depuis belle lurette. la planification urbaine, la revitalisation, l'aire métropolitaine,... semblent avoir pour fonction Thierry Kuyken isabelle hochart Rue Bruxelles en mouvements n°255 • du2012 mars Beau site : anciens bureaux reconvertis en logements 5
maison de quartier bonnevie témoignages La crise du logement frappe de plein fouet les plus pauvres d’entre nous. Face aux difficultés rencontrées, un nombre croissant de ménages font appel à l'aide de notre service logement. U n public Molenbeek, Monsieur et Madame X ont la en difficulté croissante charge d'une famille de 6 enfants et d'une Depuis une dizaine d’années, la quête apparentée. Nous les avons rencontrés pour la d'un logement décent à un prix abordable première fois en octobre 2008. Vivant dans un est devenue un véritable parcours du logement déclaré insalubre par la commune combattant, tant sur les marchés locatifs privés de Molenbeek, la famille venait de recevoir un que publics. Les ménages à faibles revenus se préavis locatif de la part du propriétaire. Le voient la plupart du temps contraints d’accepter logement sis au 4e étage d'un petit immeuble n’importe quel logement, dans n’importe quel était plus que vétuste et ne disposait pas de état, à n’importe quel prix. chauffage. Pour chauffer le logement et éviter Pour un néophyte, la situation décrite ci-des- que le dernier né, âgé d'à peine un mois ne sous peut paraître exceptionnelle. Pour les tra- souffre trop du froid, la famille utilisait un vailleurs sociaux qui assurent les permanences vieux four électrique. Que faire ? Les maisons logement de la Maison de quartier Bonnevie, d'accueil affichaient complet et la famille ne elle relève du quotidien. Chaque accompagne- trouvait pas à se reloger sur le marché locatif ment social en matière de logement est un défi privé. Le15 janvier 2009, la famille trouve enfin pour tenter d’aider les personnes en quête d’un un logement dont le loyer s'élève à 515 euros logement décent financièrement abordable. (hors charge). Pour accueillir une famille de 9 personnes, le logement est composé d'une cuisine, d'un salon et d'une seule chambre. En regard de l'exiguïté des lieux, très rapidement des problèmes d'hu- midité et de condensation apparaissent. Entre- temps, nous avons procédé à l'inscription de la famille sur les listes d'attente de certaines AIS, du Fonds du Logement et des Sociétés de loge- ments sociaux. Le 8 février 2011, soit deux ans plus tard, la famille se voit attribuer un loge- ment 6 chambres, géré par une AIS. Il faudra encore négocier très rapidement une résiliation à l'amiable du bail avec l'ancien propriétaire. La famille y perdra le montant de sa garantie locative soit 1000 euros. Le loyer du nouveau logement s'élève à 707 euros, le montant des 6 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier isabelle hochart charges à 99 euros sans gaz et électricité soit un l’initiative du groupe ALARM (Action pour le moment total de 806. Les frais liés au logement droit au logement). Une trentaine d’habitants pèsent très lourd dans le budget d'un ménage du quartier se rassemblent mensuellement, se qui dépend de l'aide financière accordée par un mobilisent et mènent des actions pour défendre CPAS, soit 1006 euros. Heureusement, la famille le droit au logement pour tous, en tentant peut prétendre à l’aide des ADIL (allocation/ de faire entendre leur voix le plus largement déménagement/installation/loyer). possible. Le dossier est introduit le 8 février 2011. Après moult tracasseries administratives, la Le Code du logement famille percevra ces ADIL en décembre 2011, en question soit 10 mois plus tard. Aujourd'hui, la famille En 2004, et à juste titre, la plupart des asso- est stabilisée et se porte candidate pour la ciations actives dans le secteur du logement se participation à notre nouveau groupe d'épargne réjouissaient de la mise en œuvre du Code du collective et nourrit l'espoir de devenir proprié- logement. Nous disposions enfin d’un instru- taire dans le cadre du projet «Community Land ment de lutte contre les bâtiments insalubres. Trust» qui se développe à grand pas. Quelques années plus tard, en regard de notre pratique professionnelle, nous déposons un Le logement, une affaire bilan mitigé. personnelle ou collective ? Le Code du logement a le mérite d’être un ins- La plupart du temps, la question du logement trument de sanction à l’égard des propriétaires est vécue comme une affaire personnelle. A la peu scrupuleux, mais il répond rarement aux Maison de Quartier Bonnevie, même si nous besoins de logements décents à prix abordables avons souvent le sentiment de nous battre pour les ménages à faibles revenus, c’est même, contre des moulins à vent, l’accompagnement parfois, un instrument qui les jette dans la rue. individuel des locataires reste prioritaire. Nous En cas de fermeture d'un logement insalubre, pensons néanmoins que ce travail ne peut se l’intervention financière accordée par la Direc- passer d’une réflexion et d’une mobilisation tion de l’Inspection régionale au locataire pour collective menée par et avec les premières un nouveau logement décent, est valable pour personnes concernées par cette crise du loge- une période de 3 ans maximum. ment. De cette conviction est née, il y a 10 ans, Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 7
Un nombre croissant de d’un immeuble vide sans chauffage, vivre dans menaces d’expulsion sa voiture ou dans une caravane, etc … Même si nous ne sommes pas en mesure de Vivre en précarité ou sans «chez soi» peut chiffrer le nombre de menaces d’expulsion, il engendrer toute une kyrielle de conséquences est un fait réel que ces menaces sont de plus en dommageables : des absences scolaires, un chan- plus nombreuses. Elles peuvent être liées à des gement d’établissement scolaire, des violences manquements dans le chef des locataires, mais intrafamiliales liées au stress, la dispersion pas nécessairement. Elles peuvent également des membres de la famille, parfois des pertes être liées à des pressions institutionnelles à d’emploi, souvent la perte du revenu de rem- l’égard des propriétaires de biens insalubres placement qui permettait de subsister. Sources qu’ils ne sont pas en mesure de rénover mais qui de grande souffrance, les traumatismes liés à se voient interdits à la location par les instances la perte d’un logement seront parfois extrême- officielles. L’augmentation de ces menaces ment difficiles à soulager ou à «réparer». d’expulsion est aussi un indicateur clair du fait qu’un nombre croissant de ménages n’arrivent Conclusion plus à faire face aux frais liés au logement. Aujourd’hui, pour faire face et sortir de Avec la crise du logement qui sévit et s’inten- la crise du logement, le secteur associatif a sifie, avec le manque de mesures structurelles besoin de moyens humains et financiers suffi- qui permettraient de combattre l’augmentation sants. L’inventivité et la créativité du secteur du montant des loyers sur le marché locatif doivent être soutenues structurellement par privé, avec la pénurie de logements sociaux les pouvoirs publics, faute de quoi, le droit au et particulièrement à destination des familles logement pour tous, inscrit à l’article 23 de nombreuses et enfin avec le manque de places notre constitution, restera à l’état «de bonne disponibles dans les maisons d’accueil, ces d’intention». Pour rendre ce droit effectif, les menaces sont particulièrement douloureuses pouvoirs publics doivent également prendre des pour les ménages qui y sont confrontés et mesures structurelles telles que : deviennent un casse-tête pour les travailleurs L’encadrement des loyers, l’allocation-loyer sociaux qui doivent y faire face. élargie au marché locatif privé pour les ménages «Le système D» est alors, souvent la seule aux revenus les plus faibles, une augmentation alternative : hébergement chez un ou plu- significative du nombre de logements sociaux. Maison de Quartier Bonnevie sieurs membres de la famille ou chez une ou Aurélia Van Gucht, http://www.bonnevie40.be/ plusieurs connaissances, occupation précaire Maison de Quartier Bonnevie La Maison de Quartier Bonnevie L a Maison de Quartier Bonnevie, située dans le vieux En 2011, parmi les 307 ménages qui nous ont demandé conseil Molenbeek, est née en 1976 à l’initiative d’un prêtre sur des questions de logement : et de quelques bénévoles pour venir en aide aux loca- - 77 souffraient d’un problème de surpopulation. taires et aux propriétaires massivement expulsés ou - 60 souffraient du mauvais état de leur logement. expropriés. A l’époque, il s’agissait de réagir, de reconstruire et - 46 se plaignaient d’un loyer trop cher. de faire revivre un quartier ravagé par les travaux du Métro et - 41 avaient reçu un préavis locatif. délaissé par les pouvoirs publics. - 38 étaient en train de perdre ou avaient perdu leur logement Aujourd’hui, les activités de la Maison de Quartier concernent en raison d’un arrêté de fermeture pour cause d’insalubrité délivré toujours l’ensemble des préoccupations des habitants du quartier par la Cellule Logement de la commune de Molenbeek ou par la en matière d’environnement et de qualité de vie. L’aménagement Direction de l’Inspection régionale du Logement. de l’espace public et la question de l’habitat ont toujours été et - 23 étaient en conflit grave avec leur propriétaire. sont plus que jamais au centre de nos préoccupations. 8 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
thierry kuyken dossier état et marché du logement quels intérêts, quelles politiques ? En Belgique, c’est aux acteurs privés que l’on laisse le soin de produire des logements en quantité et qualité adéquates, même si l’État intervient sur ce marché, soutenant à la fois la demande et l’offre. Bruxelles, capitale libérale d’un pays libéral, ne fait pas exception. Sa politique de l’habitat profite en fait essentiellement, comme dans le reste du pays, aux classes moyennes et supérieures. L' État et l’offre revenus moyens ne permettant pas, à la base, de logements un taux de profit suffisant pour le secteur En Belgique, différentes formes de privé, les pouvoirs publics interviennent sur «production» de logements coexistent. ce sous-marché à travers des subsides aux En banlieue et à la campagne, dans la promoteurs. On reconnaît le système de la plupart des cas, le logement est produit direc- SDRB (un peu plus de 3000 logements vendus tement par le ménage qui l’occupera (qui est à Bruxelles ces 20 dernières années). Ces pro- le «maître d’ouvrage», même s’il sous-traite la moteurs-partenaires doivent vendre une partie construction à un entrepreneur). A Bruxelles et des logements produits à un prix plafonné, mais dans les autres villes, la forme la plus courante ceux-ci rejoignent le marché libre quelques de production de logements est la production années plus tard. Enfin, le secteur «social», par un «promoteur», qui peut être une ins- exclusivement locatif, destiné aux ménages titution publique ou — cas le plus fréquent les plus pauvres, et dont la production dégage — une société de promotion immobilière. On un taux de profit faible voire négatif, si bien distingue à Bruxelles, comme dans la plupart que les pouvoirs publics sont seuls à le prendre des villes occidentales, trois «sous-marchés» en charge. C’est le domaine de la SLRB avec de logements : d’abord celui du logement ses 38 000 logements sociaux (7% du total des «libre», locatif ou acquisitif, dont le prix est logements bruxellois). tel qu’il permet au producteur de réaliser un L’importance respective de ces trois« sous- profit suffisant. Ce segment de la production marchés» dépend à la fois du taux de profit est donc laissé entièrement au privé. Ensuite, exigé par le secteur de la promotion immobi- le secteur «aidé», essentiellement acquisitif : lière (qui dépend des taux de profit réalisables les logements qui doivent être accessibles aux dans d’autres secteurs économiques), de la Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 9
volonté d’intervention des pouvoirs publics et la demande de logements (acquisitifs) plutôt du pouvoir d’achat des différentes couches de que sur l’offre. Les premières mesures prises population. Les ménages à faibles revenus qui par le gouvernement, à la fin du 19e siècle, ne trouvent pas à se loger, ni dans le social, avaient déjà pour but de favoriser l’accès à la ni dans le secteur aidé, se retrouvent dans le propriété pour les travailleurs. Cette option logement «libre». Là, soumis aux conditions du était défendue à l’époque par les sociaux-chré- marché (surtout en tant que locataires, mais tiens et s’opposait à la conception de certains parfois en tant que propriétaires occupants), socialistes qui défendaient plutôt la produc- ils doivent faire le choix entre être mal logés tion massive de logements sociaux et d’autres (logement de taille ou de confort insuffisant) formes de propriété collective. L’acquisition ou consacrer une part trop élevée de leurs du logement était perçue par les catholiques revenus aux frais de logement. Vu l’ampleur comme un moyen de diffuser, parmi les tra- des besoins et le niveau de production dérisoire vailleurs, les bienfaits d’une vie tournée vers du «social» à Bruxelles (38 000 ménages sur la de saines préoccupations familiales, et, par là, liste d’attente et un stock qui ne s’accroît que de garantir la paix sociale (et du même coup de 70 logements par an environ), le nombre de la compétitivité des entreprises). Les libéraux, ménages se trouvant dans cette situation est eux, prônaient une intervention minimale de très important. Le nombre de mal-logés sur le l’Etat, mais voyaient d’un bon œil la promotion marché libre est en effet d’autant plus élevé du logement unifamilial pour les travailleurs : que la crise du logement est aiguë. C’est parce elle permettait de limiter l’agitation sociale que le stock de logements est mal réparti [1] et et les risques de contagion liés aux grandes que la production «sociale» est insuffisante, concentrations de logements ouvriers. que les bailleurs bruxellois ont la possibilité de Ces différentes conceptions du logement des louer à des prix surévalués des biens de piètre travailleurs se sont opposées durant tout le 20e qualité et amortis depuis longtemps. siècle, mais la promotion de la propriété privée a toujours été l’option forte de la politique L’État promoteur... de l’habitat. Aujourd’hui, cela se traduit en de la propriété privée premier lieu par les déductions fiscales dont En réalité, la politique belge de l’habitat est bénéficient les ménages ayant contracté un depuis ses débuts plutôt axée sur le soutien à emprunt hypothécaire, déductions qui coûtent à l’État plus de 1500 millions d’euros par an : de quoi construire plus de 10 000 logements chaque année ! Comme les autres déductions fiscales, celles-ci sont majoritairement mises à profit par les classes moyennes et supérieures [2]. Le béné- fice est assez relatif, cela dit, puisqu’il semble que ces déductions provoquent, entre autres, une augmentation des prix des logements (ce sont d’ailleurs les constructeurs et les agents immobiliers qui sont montés les premiers au créneau lorsqu’il a été question, récemment, de supprimer ces déductions). Appliquant le même genre de recettes, la Région de Bruxelles-Capitale a instauré des déductions sur les droits d’enregistrement, une «aide à l’achat» qui lui coûte 49 millions d’euros par an (de quoi construire 450 logements sociaux...), et qui a un effet probablement très limité sur l’accessibilité des logements car les vendeurs la répercutent sur les prix qu’ils pratiquent. Le soutien à l’acquisition se fait aussi, à Bruxelles, à travers les prêts hypothé- caires du Fonds du Logement et les primes à la rénovation. En ce qui concerne les primes à la rénovation, la lourdeur des démarches et les thierry kuyken conditions d’octroi [3] ont comme conséquence qu’elles bénéficient surtout à des ménages 10 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier ayant des revenus moyens ou supérieurs, s’ins- des prix des logements est la plus forte, et tallant dans les quartiers centraux. Les prêts du les pouvoirs publics y sont particulièrement Fonds du Logement, eux, sont essentiellement présents : rénovation des espaces publics (réa- utilisés par des ménages ayant des revenus ménagement de la petite ceinture ouest, des inférieurs à la moyenne. A travers ces prêts, une berges du canal, rénovations de voiries dans le axel claes partie des classes populaires quitte les quartiers cadre des «contrats de quartier»), modification centraux pour s’installer à l’ouest de la région. des plans d’affectation du sol pour satisfaire au mieux les demandes des promoteurs (PPAS L’État et l’évolution des quartiers des rues Bara et de France derrière la gare du Voilà pour les (principales) interventions des Midi, projet Up-Site en face de Tour & Taxis,...), pouvoirs publics sur le marché du logement. On encouragement de certains types de commerces pourrait s’étendre sur ce que l’Etat ne fait pas : «innovants» tandis que d’autres sont dissuadés toujours pas de régulations du marché locatif (le (phone-shops), ou encore installation d’équipe- contrôle des loyers revient pourtant régulière- ments — pensons à la rénovation subsidiée du ment sur la table à Bruxelles), pas non plus de Centre d’Art Wiels, par un promoteur qui vend politique visant une meilleure répartition des des logements haut-de-gamme à proximité logements selon les besoins. immédiate, tablant sur un «effet Guggenheim» Mais il reste aussi à évoquer les interventions dans l’ensemble du quartier,... On pourrait publiques qui pèsent, de manière plus indi- allonger la liste. recte, sur le marché du logement : les pouvoirs En conclusion, même si en termes de [1] Sur le marché libre, cette répar- publics influencent en effet, de mille manières, quantités, le marché du logement bruxellois tition déséquilibrée s’effectue entre la géographie des prix de l’immobilier. On est dominé par les promoteurs immobiliers, une partie de la population qui sous- peut montrer que, lorsque le sol fait l’objet ce marché est très fortement influencé occupe de grands logements et une autre qui en sur-occupe de petits. Au d’un marché, la valeur d’un terrain dépend de par les politiques publiques. La Région et les total à Bruxelles, il y a bien assez de l’utilisation que l’on peut en faire. Il se crée communes créent, de diverses façons, une chambres pour tout le monde ! Voir donc une sorte de hiérarchie des usages du nouvelle demande de logements moyens et «La Région de Bruxelles-Capitale sol, chaque propriétaire ayant intérêt à fixer haut-de-gamme dans les quartiers centraux, en face à son habitat», rapport VUB- ULB pour Mme Françoise Dupuis, pour son terrain un prix le plus élevé possible, même temps qu’elles orientent vers ces quar- 2007. c’est-à-dire compatible avec les activités les tiers un investissement privé à la recherche de [2] Voir «Les échos du Logement», plus lucratives. Cela empêche alors d’en faire plus-values immobilières. L'essentiel du marché 2008, volume 2. un usage «inférieur» dans la hiérarchie : s’il étant laissé à l'initiative privée, les pouvoirs [3] Le montant de la prime varie inversement aux revenus du ménage, est possible de créer du logement de luxe dans publics — sans parler des habitants — n'ont mais il n’y a pas de condition de un quartier, le prix du sol s’adaptera à cet aucune prise sur les hausses de prix que ces revenu pour obtenir une prime dans usage potentiel et rendra l’usage en logement interventions ne manquent pas de provoquer. les quartiers «en revitalisation». moyen ou populaire financièrement impossible. Ce que nous appelons la «crise» du logement, Ailleurs, la prime est accessible aux revenus inférieurs à 60 000 euros Or, cet usage potentiel du sol est fortement à Bruxelles, n'est que le résultat très prévisible par an (3,5 fois le revenu médian influencé par les pouvoirs publics. A Bruxelles, de ce système ! bruxellois). Ces plafonds ont été c’est dans les quartiers centraux que la hausse Alice Romainville, chercheuse revus à la hausse récemment. Sources : SLRB, SDRB, Ananian (2010), AATL. Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 11
logements communaux attribution et gestion locative Depuis fin 2008, le Code du logement impose aux communes et aux CPAS une plus grande transparence des règles d’attribution de leurs logements, mais il ne leur impose pas pour autant une gestion plus sociale de leur patrimoine. emmanuel tete I ntroduction La crise du logement, qui touche de très nombreux Bruxellois, oblige les pouvoirs publics à s'engager dans la production et la mise à disposition de logements de qualité, abordables financièrement. Il est totalement du secteur public sont énormes. La situation actuelle exige des mesures à court terme, favorables à tous ceux qui sont le plus durement touchés par le manque d’accessibilité du parc locatif bruxellois. Le logement public ne se limite pas, loin inacceptable qu’une part grandissante d’habi- s’en faut, au logement social. Les communes tants peine à se loger correctement ou à se et, dans une moindre mesure, les CPAS sont loger tout simplement. Les attentes vis-à-vis aussi d’importants pourvoyeurs de logements 12 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier à Bruxelles. Avec plus de 8000 habitations en Les règles imposées aux communes prévoient location, ces deux opérateurs représentent près aussi l’obligation de fournir annuellement des de 20% de l’ensemble des logements publics informations sur les caractéristiques de leur locatifs dans notre région. parc locatif, notamment sur les loyers prati- Jusqu’il y a peu, ce secteur affichait un qués. Des données que les communes n’aiment manque de transparence évident dans la ges- pas diffuser. tion de ses logements. Difficile, en effet, pour Ces nouvelles dispositions ont apporté une l’observateur extérieur ou le candidat-locataire certaine transparence dans les pratiques de savoir comment les logements étaient réel- locales, la plupart des communes ayant adopté lement attribués et à qui ils étaient destinés. un règlement d’attribution. Elles restent cepen- Il fallait lever cette opacité qui constituait en dant trop peu ambitieuses, à notre sens, pour outre une véritable porte ouverte aux dérivés mettre fin à certaines pratiques locales dis- clientélistes. criminatoires, voire illégales. Le législateur a, semble-t-il, tenté de ménager les sensibi- Ce qu'en dit le Code lités politiques sur la question de l’autonomie du logement… communale, en imposant des règles certes, Depuis fin 2008, à la suite d’une initiative mais néanmoins minimales, préservant ainsi parlementaire, les communes et CPAS se sont l'indépendance des communes et CPAS dans la vu imposer des règles dans l’attribution de gestion de leur patrimoine. leurs logements. Ces nouvelles mesures ont été Par ailleurs, et c’est une déception pour le insérées dans le Code du logement. RBDH, aucune mesure n’a été adoptée pour Concrètement, les autorités locales doivent favoriser la socialisation des logements com- désormais disposer d’un règlement d’attribution munaux, loués trop souvent à des prix élevés. accessible au public et détaillant les modalités En 2009 déjà, le RBDH soulignait les faiblesses d’accès à leur parc locatif. Elles sont par ail- de cette règlementation. leurs dans l’obligation de tenir un registre des Aujourd’hui, à l’heure où la réforme du Code demandes, classées par ordre chronologique du logement est en marche, nous demandons et doivent respecter certains critères dans la des modifications qui permettent de mieux procédure d’attribution. contrôler les règles d’attribution locales et aïcha dinguizli Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 13
[1] Faut-il encore rappeler que qui imposent à chaque opérateur des efforts les candidats locataires [2]» peuvent être confiés l’accord du Gouvernement 2009- 2014 prévoit un objectif de 15% de de socialisation[1], pour favoriser l’accès au en gestion à une agence immobilière privée et logements à gestion publique et à logement des ménages à bas revenus. dès lors être loués en échappant à toutes les finalité sociale dans toutes les com- règles du Code. Au CPAS de Bruxelles-Ville, ce munes bruxelloises d’ici 2020 ? Constats et propositions sont les logements de rapports[3] qui en sont [2] Article 6§3 du règlement commu- nal adopté le 29 juin 2009. Le RBDH a procédé à l’analyse de l’ensemble exclus… Des choix susceptibles de provoquer [3] Définis dans le règlement du CPAS des règlements d’attribution disponibles. une inégalité de traitement entre candidats- de la Ville de Bruxelles comme des Une démarche qui a permis de mettre en locataires selon le type de logements auxquels logements qui «par leur localisation lumière certaines pratiques locales interpel- ils peuvent prétendre et qui permettent aux exceptionnelle, leur caractère archi- tectural exceptionnel ou pour des lantes et de dégager les points sur lesquels le autorités communales d’attribuer ces logements motifs de rentabilité ou de mixité Code du logement doit être renforcé. en toute liberté. sociale dans l’immeuble justifient Quels sont nos constats et propositions ? Le Code du logement devrait prévoir des des loyers élevés et sont réservés sanctions à l’égard des communes et CPAS qui aux ménages présentant une forte solvabilité». 1. Clarifier le champ d’application : déter- soustraient des logements à l’application du [4] Notamment les subsides miner clairement quels sont les logements règlement. La tutelle régionale sur les pouvoirs «immeubles isolés» et «contrat de concernés par les règles d’attribution. locaux est en mesure de jouer ce rôle. quartier». Les communes et CPAS mettent en location différents types de logement. Certains ont été 2. Adopter une position claire concernant produits sur fonds propres, d’autres ont été les conditions d’admission rénovés grâce à des subsides régionaux. Ils Dans toutes les communes, l’accès aux loge- sont parfois destinés à des publics spécifiques ments est limité par des conditions d’admission. (personnes à mobilité réduite, ou qui néces- Ces dernières ne sont pas sans conséquences sitent un accompagnement social, etc.) ou puisqu’elles ont pour effet d’exclure d’emblée répondent à des projets particuliers (habitat et de manière définitive certaines catégories de solidaire, à but thérapeutique,…). Néanmoins, personnes : inscription réservée aux habitants tous les logements communaux sont censés de la commune, aux locataires «bons payeurs», à être soumis aux règles d’attribution. En effet, ceux qui peuvent justifier de revenus minimum, aucune base légale ne permet aux opérateurs qui ne bénéficient pas d’une aide du CPAS… locaux d’exclure certains logements et de les Des conditions d’admission discriminatoires qui faire ainsi échapper aux règles du Code. C’est touchent principalement les ménages les plus pourtant systématiquement le cas sur le terrain fragilisés et qui s’inscrivent en porte-à-faux et parfois pour des questions de pure rentabilité par rapport à l’article 23 de la Constitution qui économique. consacre le droit à un logement décent, dont A Etterbeek par exemple, le règlement pré- les pouvoirs publics sont pourtant débiteurs. voit que les logements qui « n’intéressent pas Le Code devrait bannir la possibilité pour isabelle hochart 14 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
dossier les communes de prévoir des conditions d’ad- communes et CPAS lorsqu’elles agissent comme mission qui excluent les ménages fragilisés bailleurs. Ces opérateurs sont donc tenus de de l’attribution des logements communaux. respecter les règles impératives du droit du D’autres conditions d’admission devraient au bail, en l’absence de dérogations régionales. contraire être encouragées, dans la mesure Nous sommes d’avis qu’en la matière, les pou- où elles permettent justement de favoriser le voirs publics doivent être exemplaires, ce qui droit au logement de ceux qui en sont exclus. aujourd’hui n’est pas toujours le cas. Il s’agit de la condition de non-propriété et de l’établissement de plafonds de revenus maxi- Pour aller plus loin… mum. Le Code du logement pourrait enjoindre L’existence de règlements d’attribution est les communes à fixer systématiquement des incontestablement un pas en avant par rapport plafonds de revenus bas pour tout ou partie au passé. Toutefois, cela n’est pas suffisant si de leur parc. les logements restent inaccessibles aux ménages à bas revenus. 3. Encadrer les sanctions administratives Si certaines communes ont fait le choix de La toute grande majorité des règlements louer leurs logements à des conditions sociales, d’attribution prévoient des sanctions adminis- une grande partie des logements communaux tratives à l’égard des candidats locataires qui restent financièrement inaccessibles aux ne respectent pas certaines règles comme le ménages bruxellois à revenus modestes. renouvellement annuel de leur inscription, le Selon nous, la réforme du Code du logement fait de ne pas informer l’administration d’un doit aussi prévoir des dispositions qui encou- changement de situation personnelle,… ragent les communes et CPAS à une gestion Voir l’analyse dans son Dans presque tous les cas, la sanction consiste plus sociale de leur patrimoine. Par ailleurs, ensemble sur le site du RBDH : à radier le candidat du registre, temporaire- la Région a mis en place depuis longtemps www.rbdh.be ment ou définitivement. Une décision qui est différents systèmes de subsides à destination Rubrique : publications. loin d’être anodine puisqu’elle réduit à néant des communes[4]. Ces législations imposent des ses chances de se voir un jour attribuer un plafonds de revenus pour certains des logements logement, vu le nombre élevé de demandes et créés ; or certaines communes ne respectent le nombre limité d’attributions annuelles. pas les conditions fixées. Ce n’est pas tant l’existence de sanctions Nous demandons, à ce titre, que la Région administratives qui indispose, mais le fait que exerce un réel contrôle sur les logements com- certaines d’entre elles soient totalement dis- munaux subsidiés et qu’elle sanctionne, par des proportionnées par rapport au comportement mesures appropriées, les opérateurs qui ne s’y reproché ou qu’elles semblent ne reposer sur conforment pas. Nous plaidons également pour aucune base objective. Ainsi, à Koekelberg, une utilisation effective de l’allocation-loyer qui toute «réticence» à communiquer un change- permet aux communes de réduire le montant de ment de situation personnelle (composition leurs loyers sans perte financière (puisqu’elle de ménage, revenus,…) «entraîne automati- se trouve compensée par la Région). quement la radiation de la candidature». Au Notre point de vue consiste à défendre l’idée CPAS de Bruxelles-Ville, le fait d’introduire une selon laquelle les pouvoirs publics, lorsqu’ils plainte contre une décision d’attribution risque mettent des logements en location, doivent d’entraîner une radiation à vie, si le CPAS juge d’abord viser la catégorie de ménages qui dis- emmanuel tete la requête non-fondée … pose de revenus modestes. L’intégration dans le Code du logement d’une disposition encadrant les hypothèses de radia- Carole Dumont et Marie Didier, tion aurait donc tout son sens, vu l’attitude de Rassemblement Bruxellois pour le certaines opérateurs locaux. Droit à l'Habitat (RBDH) 4. Respect de la loi sur le bail de résidence principale Certaines communes imposent, via leur règle- ment d’attribution, des conditions locatives qui dérogent aux règles du bail de résidence prin- cipale : résiliations unilatérales, révisions du loyer en cours de bail dans des cas non-prévus par la loi, etc. Or, les dispositions relatives au bail de résidence principale s’appliquent aux Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012 15
Pour en savoir plus Ci-dessous, vous trouverez une série de références et de sources d'information pour alimenter la réflexion. livres/dossiers Logements communaux : plaidoyer Les expulsions de logement, 2011, pour une réforme des conditions sous la direction de N. Bernard, La d'attribution, 2012, RBDH. Charte ed. Le RBDH plaide pour une politique Actes du colloque organisé le 15 jan- d'attribution plus sociale des loge- vier 2010 par l'Institut de recherches ments communaux. Pour objectiver interdisciplinaires sur Bruxelles des son propos, il a réalisé une vaste Facultés universitaires Saint-Louis et enquête sur la manière dont les loge- le Syndicat des locataires. ments des communes et des CPAS Etat des lieux sur les lois et pratiques sont attribués. Disponible sur : http:// en matière d'expulsions. www.rbdh-bbrow.be/IMG/pdf/rbdh_ brochure_communes_web_2.pdf Les mutations du logement en région Vers un encadrement des loyers, bruxelloise, 2008, Nicolas Bernard, 2011, Equipes Populaires. Courrier du CRISP. Actes du colloque organisé le Nicolas Bernard dresse un bilan de 9 décembre 2010 au Parlement Bruxel- la situation du secteur du logement lois. Quelle forme devrait prendre à l'aube du vingtième anniversaire aujourd'hui un encadrement des loyers de la Région. Il passe en revue les qui permette à la fois de garantir la différentes politiques et dispositifs protection des locataires et le main- existants et les mets en regards des tien d'une offre suffisante de loge- mutations sociales en cours, plaidant ments de qualité ? au passage pour une réappropriation de la ville par ses habitants. films / Loger à Bruxelles, Bruxelles se raconte, 1979, de Jacques Jacobs. sites/ - Ministère de la crise du logement http://www.wooncrisis.be/fr docus Décortiquant la vie quotidienne, Jacques Jacobs nous livre un instan- ressources - Chez nous : http://users.skynet. be/cheznous.bijons/FR/En_bref.html tané d'un monde en transformation et - Les équipes populaires : http:// en tension. Tensions entre Bruxelles www.equipespopulaires.be/spip. «ville des villages de Brabant» et php?rubrique52 Bruxelles «capitale moderne» ; ten- - Liste des sociétés de logements sions entre habitants et promoteurs/ sociaux : http://www.slrb.irisnet.be/ décideurs ; tensions entre jeunes et site12/slrb/societes-locales/contacts vieux... - Liste des agences immobilières sociales : http://www.fedais.be/fr/ Squat, la ville est à nous, 2011, de contact.html Christophe Coello. - Les logements locatifs du Fonds du Tonique et vivifiant, ce documentaire logement : http://www.woningfonds. vous invite à suivre les actions d'un be/fr/aide-locative collectif de squatteurs militants, dans - Les logements des régies foncières un quartier populaire de Barcelone. et des CPAS (ici Bruxelles-Ville) : Un bel exemple de lutte joyeuse et http://www.bruxelles.be/artdet. concrète contre la spéculation immo- cfm/4728 bilière. 16 Bruxelles en mouvements n°255 • mars 2012
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