Burundi : les fruits vénéneux du coup d'État

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Burundi : les fruits vénéneux
du coup d’État

L     E 21 occtobre dernier,
      COUD
                                  un
             d’Etat militaire inter-
rompait le. processus politique en
                                        panne, l’insécurité totale, la popu-
                                        lation en exil chez elle ou à l’étran-
                                        ger, clivée en deux camps apparem-
cours au Burundi. Le président          ment irréconciliables. La force et le
Melchior Ndadaye, le premier chef       terrorisme triomphaient dans les
d‘Etat démocratiquement élu (à          rues et sur les collines. Cette situa-
65 YO) était assassiné en même          tion perdure jusqu’à aujourd‘hui où
temps que ses successeurs constitu-     des mouvements terroristes ont
tionnels : les président et vice-       réussi à imposer la présence de
président de l’Assemblée nationale.     leurs leaders dans les rangs du gou-
Avec eux d’autres collaborateurs        vernement. Par ces aspects du recul
étaient abattus. Une dizaine de tom-    démocratique, il apparaît qu’une
bes s’alignent aujourd‘hui dans le      forme du putsch a bel et bien par-
jardin du palais présidentiel de        tiellement réussi.
Bujumbura. Parmi les tombes, celle
d‘un citoyen anonyme symbolise les
milliers de victimes innocentes         Résistance
emportées par le chaos qui a résulté
du putsch.                                  Dès qu’ils apprirent la nouvelle
     La situation du pays devint        qu’un coup d‘Etat avait été tenté et
rapidement si incertaine que les        que leur président était prisonnier
putschistes s’évanouirent bientôt       des putschistes, des paysans organi-
dans la nature. On se retrouva après    sèrent la résistance civile : arbres
quelques jours dans une sorte de        abattus sur les routes, ponts coupés.
vide, avec un putsch que certains       En plusieurs endroits certains allè-
qualifieront un peu tôt de raté D.
                            ((          rent jusqu’à prendre en otage leurs
Mais l’irréparable était fait et bien   voisins tutsi S i vos amis les mili-
                                                      ((

fait. L’armée avait perdu pour long-    taires tuent notre président, ce sera
temps toute crédibilité, les institu-   votre tour après. Si les soldats vien-
tions issues des élections étaient      nent nous tuer comme en 72, nous ne
ébranlées, la fonction publique en      serons pas les seuls à mourir cette

                                                                          145
fois N. Le sentiment de frustration       ou    (( déplacés    ))discrètement
 des paysans était à son comble. La       appuyés par des militaires.
 colère, l’indignation et la peur mon-        La société burundaise rurale et
taient sur les collines, où aucune        urbaine se retrouvait ainsi déchirée
 nouvelle .ne parvenait plus. Certains    de part en part : presque partout les
 cadres administratifs Frodebu (1) se     Tutsi fuirent ou fixent regroupés
 cachaient ou prenaient la l i t e ,      dans des camps de déplacés, les
 d‘autres ne savaient quel parti pren-    Hutu se réhgièrent dans les marais,
 dre, d’autres suivaient le mouve-        dans les collines inaccessibles aux
 ment des paysans révoltés. Les ota-      véhicules des militaires ou à l’étran-
 ges tutsi furent, hélas !, exécutés en   ger. Les ethnies, mêlées depuis des
 de nombreux endroits. Ils le furent      siècles, fùrent ainsi séparées par la
 soit au moment où fut connue la          peur panique de l’autre.
 mort du Président, soit quand fùt             La nuit du 21 octobre, d‘impor-
 diffusé le communiqué militaire:         tants moyens militaires sont entrés
(( Tous les camps sont ralliés N etc.     en action à Bujumbura. Pendant
 soit encore quand les troupes furent     plus de 24 heures, des bandes de
 en vue.                                  soldats portant les uniformes de
     Nous avons pu constater en           diverses garnisons ont écumé la
 maints endroits combien les paysans      ville, assassinant des dignitaires du
 hum ont ‘fait l’amalgame entre           Frodebu, terrassant leurs familles,
 l’armée et les Tutsi. Beaucoup           pillant leurs maisons. On pouvait
 étaient persuadés qu’en s’en prenant     voir pendant ce temps des fonction-
 aux Tutsi, parfois leurs voisins de      naires tutsi célébrer ouvertement la
 colline, ils atteignaient l’armée.       mort de Ndadaye.
 L’armée est en effet, depuis 1965,            Cependant, l’immédiate réproba-
 le fruit d’une politique persistante     tion internationale jointe à la résis-
 de sélection sur base ethnique : elle    tance populaire généralisée dans
 est composée presqu’exclusivement        tout le pays fit échouer le putsch.
  de Tutsi. Et c’est un fait que beau-    En tout cas, il ne s’est trouvé per-
  coup de paysans tutsi qui avaient       sonne pour le revendiquer ni même
  des liens familiaux dans l’armée         expliquer ses motivations et ses
  fùrent massacrés.                        objectifs. Les putschistes rentrèrent
                                           rapidement dans l’ombre anonyme
                                           de l’armée d’où ils étaient tempo-
 Répression et échec du putsch             rairement sortis. Aujourd’hui, tout
                                           le monde dans l’armée, du simple
     Des jours apocalyptiques com-         soldat à l’état-major proclame sa
 mencèrent alors dans le pays. Aux         fidélité et son loyalisme. On se
 massacres des Tutsi (parfois des          retrouve donc devant un putsch
 familles entières) par les paysans
 hutu succédait la répression de
 l’armée, répression massive, aveugle,        * L’auteur de cet article a participé à la
 frappant parfois là où tout était        Commission internationale d’ONG qui a
                                          enquêté sur les violations des droits de
 resté calme, utilisant des blindés       l’Homme au Burundi (26 janvier - 10 février
 contre des paysans désarmés ou           1994). Le texte n’engage pas la Commission ;
 armés seulement de gourdins, de          il n’cyprime que l’opinion de son auteur.
 houes, de lances. Les leaders hutu           (1) Frodebu: Front pour la démocratie
                                          au Burundi. Principal parti démocratique, il
 et le Frodebu furent pourchassés         porte en 1993 Melchior Ndadaye 1 la prési-
 dans les centres administratifs par      dence et remporte 80 Yo des sièges aux légis-
 les Tutsi fonctionnaires, étudiants      latives.

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t   -I_._            -

sans auteurs. Pour les chefs militai-     et prendre les mesures indispensa-
res, le coup h t l’&äire d‘une petite     bles à la désignation d’un nouveau
poignée d’égarés irresponsables.          chef de l’Etat. Ce processus de
Comme si des enfants avaient joué         remise en route ht rendu plus dif-
avec des allumettes et mis malen-         ficile par la persistance de l’action
contreusement le feu au logis !           des groupuscules politiques hostiles
    Certains semblent prêts à accré-      à la démocratie.
diter cette thèse de l’accident de             Le Collectif de l’opposition
                                                   ((                                ))

parcours. Cependant, dans ce pays         regroupant les partis extrémistes qui
si particulier, où les acteurs du jeu     avaient fait des scores dérisoires aux
politique aiment à jouer masqués,         élections législatives, grossi par des
où les hiérarchies et les alliances       Cléments transhges de l’uprona,
sont souvent occultes, oiì les paro-      organisa barricades, attentats, et
les exprimées ont des sens codés et       opérations ville morte pour per-
                                                        ((              ))

des non-dits, où ce qui se voit n’est     turber les négociations et la reprise
qu’une partie de ce qui importe, où       de la vie politique démocratique.
chacun doit parler un langage             Ces groupuscules font à voix haute
crypté, il faut apprendre à décoder       profession de condamner le putsch
toutes les apparences. C’est pour-        et de fidélité démocratique tout en
quoi il est légitime de se demander       bloquant par la violence armée
si le putsch a raté ou non. Le            toute solution politique conforme à
putsch ne ht pas un échec pour            la volonté populaire exprimée par
tout le monde. I1 a manifestement         les urnes.
bien servi les ennemis du change-              Ces opérations terroristes firent
ment démocratique : en l’occur-           de nouvelles centaines de morts à
rence, les privilégiés du régime pré-     Bujumbura en janvier et février 94,
cédent. Les barons des régimes            imposant au nouveau président
antérieurs, dignitaires upronistes (2),   Ntaryamira d’accepter que plusieurs
haut gradés de l’armée, grands com-       personnalités extrémistes reçoivent
merçants, fonctionnaires, etc.            des portefeuilles importants dans
avaient certainement beaucoup à           son gouvernement. Il est à remar-
perdre avec l’arrivée d’un régime         quer, du reste, que les négociations
qui imposerait le partage des pou-        avec le Collectif de l’opposition se
voirs et des places, une plus grande      firent sous I’égide de l’état-major et
                                          sur convocation de celui-ci. Ces
transparence dans les affaires et les
                                          négociations aboutirent à la consti-
opérations spéculatives. La situation
                                          tution du nouveau gouvernement.
actuelle de recul démocratique leur
                                          Le putsch a donc permis à une aile
offre du bois de rallonge. On a vu
                                          de 1’Uprona et au Collectif de
ces acteurs en action tout au long        l’opposition que s’opère un net
de ces longues semaines de novem-         recul des acquis du Frodebu et de
bre 1993 à février 1994 alors qu’on       ses alliés. Mais il y a un autre fruit
tentait de dénouer la crise.              amer du putsch. C’est le triomphe
    Progressivement le pays recolla       de l’idéologie tribaliste.
les morceaux de sa démocratie bri-
sée. Le gouvernement légal put sié-
ger d‘abord en exil à l’ambassade de
France puis à l’abri de quelques             (2) Uprona: ancien parti unique qui a
militaires dans u n hôtel à la péri-      régné sur le Burundi depuis l’indépendance.
                                          Les trois régimes militaires qui se sont suc-
phérie de la capitale. Enfin,             cédés de 1965 i 1993 se sont appuyés sur
l’Assemblée nationale put se réunir       ce parti.

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Conflit ethnique                        villes comme Bujumbura ou Gitega
                                        présentent une forte concentration
     Y a-t-il un conflit ethnique au de population tutsi. (Les campus de
Burundi ? Tout le monde l’affirme. l’université ont constitué de vérita-
Pourtant il convient de s’interroger bles maquis de l’opposition à la
sur l’apparente évidence de l’exis- démocratisation. On a pu voir au
tence des ethnies dans ce pays. Burundi le spectacle plutôt insolite
Quelle est leur base réelle, objec- de milliers de jeunes intellectuels
tive ? Ce qui permet de distinguer manifestant en ville contre les résul-
un Hutu d‘un Tutsi est bien vola- tats des élections qui menaçaient
til. Les deux groupes (si groupes il leur carrière de futurs cadres).
y a) vivent mélangés, partagent la           Pendant toute la montée du
même langue, les mêmes structures parti Frodebu, on a pu observer
socioculturelles, économiques, reli- que celui-ci développait un discours
gieuses. En fin de compte, pour novateur sur les ethnies au
chacun, c’est la tradition familiale Burundi. Les analyses du Frodebu
qui détermine son appartenance. avaient résolument tourné le dos
Son identité ethnique se reGoit dans aux systèmes explicatifs ethnistes.
un récit: Je suis Tutsi car mon On renvoyait dos à dos les deux
            ({

père me l’a raconté. Cette appar- extrémismes, celui de 1’Uprona
                        ))

tenance détermine pour chacun sa (larvé) d’un côté et celui (manifeste)
vision des choses, de sorte que la du Palipehutu(4) de l’autre.
plupart des étrangers résidant au            Pour le Frodebu le problème est
Burundi qui jusqu’ici avaient des       social  : une minorité de privilégiés
difficultés à reconnaître une ethnie ont accaparé 1’Etat en utilisant une
de l’autre peut aujourd’hui aisément idéologie ethniste. L’ethnisme au
distinguer un Hutu d’un Tutsi à ce Burundi n’est donc qu’un
qu’il dit, les événements ayant exa- symptôme. La maladie s’appelle
cerbé les positions.                    domination des privilégiés et injus-
     Mais s’il n’y a pas d’ethnie au    tice  sociale. Seule la démocratie per-
Burundi, il y a bel et bien de l’eth-   mettra    de sortir de la spirale infer-
nisme. C’est-à-dire une construction    nale   de   l’ethnisme.
idéologique largement intériorisée
par les citoyens. Cette idéologie eth-
niste tire une lointaine origine dans La deuxième mort de Ndadase
le Burundi pré-colonial et colonial,
                                             Le Burundi aujourd’hui semble
mais elle s’est largement développée
                                        redonner vigueur aux analyses eth-
durant les 30 années des régimes
                                        nistes selon lesquelles les Hutu et
militaires upronistes (3). Un eth- les Tutsi ne peuvent s’entendre.
nisme qui fut érigé longtemps (Partant de là il faudrait protéger
comme système de gestion du pays, les minorités tutsi). Le Burundi
                                                ((           )>
tout en étant, cela va sans dire, offi- ressemblerait donc à une ménagerie
ciellement nié. Outre le cas déjà
cité de l’armée, la prédominance            (3) Lue à ce sujet : M. Elias, Burundi :
                                                                           t(
tutsi est visible dans l’appareil judi- la spirale de la violence La Revue Nou-
ciaire, dans de larges sphères de velle, no 11, novembre 1985.
l’administration, du système sco-           (4) Palipehutu : Parti pour la libération
                                        du peuple hutu. Non reconnu légalement, ce
laire, des appareils médiatiques, de parti    préconise la prise du pouvoir par l’eth-
l’université. La disproportion des nie majoritaire hutu. I1 a une branche mili-
Tutsi dans ces secteurs fait que des taire et on lui attribue des actions armées.

148
r _   ..                        ..   ..            ....I_..   .    ..   .     -. .-

peuplée de chiens et de chats pres-       être connu de ceux qui ont préparé
sés d‘en découdre. Bien des com-          l’attentat. La fin tragique du prési-
portements cruels et sanguinaires         dent burundais est donc acciden-
qui ont eu lieu de part et d‘autre        telle ; c’est le président rwandais
ces derniers mois apportent de l’eau      qui était visé.
au moulin de ces analyses caricatu-            L’assassinat du président Ha-
rales. La grande lessive réciproque,      byarimana entraînait le massacre au
la chasse au faciès : des élèves de       Rwanda de nombreux Tutsi ainsi
l’athénée de Gitega sont accusés          que des Hutu de partis opposés à
d‘avoir tué des gens qui passaient        la  ((  mouvance présidentielle n.
sur la route simplement parce qu’ils      L’ensemble de l’opposition est alors
avaient l’air hutu !. La résistance à     prise pour cible ainsi que les défen-
la démocratisation du Burundi a           seurs des Droits de l’Homme et les
donc pris ce visage raciste. Les pri-     militants de la société civile n. On
                                                              ((

vilégiés de la capitale n’ont pas         identifie rapidement les leaders
craint par leur putsch, non seule-        principaux des tueries comme
ment d’assassiner la démocratie,          appartenant à la Garde présiden-
mais encore de mettre en péril la         tielle, aux milices des partis proches
minorité ethnique à l’intérieur du         du président : MRND (Mouvement
pays. Ce sont eux, en dernière             révolutionnaire national pour le
analyse, les responsables des drames       développement) et CRD (Coalition
qui sont arrivés.                          pour la défense de la République).
     Voilà oh résidera une des tâches      I1 ne faut pas être grand clerc de
les plus difficiles pour les démocra-      la réalité politique rwandaise pour
tes burundais : revitaliser le message     reconnaître derrière ces hommes de
 que laisse Melchior Ndadaye. Exor-        main la catégorie sociale que cons-
 ciser les démons de l‘ethnisme et du      tituent les privilégiés du régime,
 régionalisme, établir les conditions      farouchement hostiles au partage du
 de l’égalité des chances de tous les      pouvoir.
 citoyens hutu, tutsi et twa. La fin            Le parallélisme des situations
 de ce projet démocratique constitue-      rwandaise et burundaise saute aux
 rait sans doute l’ultime assassinat de    yeux: non pas comme on l’a dit
 Ndadaye.                                  trop souvent en référence aux cri-
                                           tères ethniques, mais selon les inté-
  Corollaire rwandais                      rêts d’une même classe de nantis.
                                           De part et d‘autre, on observe
      Le mercredi 6 avril 1994, deux       qu’une minorité sociale, venue. au
  mois après son investiture, le nou-      pouvoir à la faveur de coups d’Etat
  veau président Cyprien Ntaryamira         militaires et ayant monopolisé les
  périssait dans l’attentat qui visait      appareils économiques et politiques
  son homologue rwandais. Alors que         de 1’Etat pendant des décennies, ne
  les deux chefs d‘Etat revenaient          peut courir le risque du moindre
  ensemble d’une rencontre à Dar-es-        partage. Car un tel partage impli-
  Salam, la capitale tanzanienne,           querait de devoir rendre des comp-
  l’avion du président rwandais fut         tes sur trop de dossiers lourdement
  abattu au-dessus de Kigali. I1 est        compromettants. Le rôle similaire
  bien établi que le retour du prési-       d’une catégorie sociale apparaît
  dent Ntaryamira par l’avion du pré-       donc dans les deux pays : on risque
  sident Habyarimana, a été décidé à        le tout pour le tout afin d’éviter le
  la dernière minute et ne pouvait          partage du pouvoir. On recourt

                                                                             149
ainsi aux moyens les plus ultimes (en     soient les soubresauts qui attendent
jouant sur les puissants leviers idéo-    encore dans un proche avenir les
logiques de l’ethnisme et du régio-       deux pays, on n’aperçoit pas
nalisme) pour enrayer les processus       d‘autres issues que celles qu’ouvri-
démocratiques et décapiter les orga-      ront les acteurs démocratiques de
nisations de la société civile, quitte    ces deux pays. Espérons qu’ils puis-
à initier des dynamiques incontrôla-      sent trouver dans la communauté
bles de massacres et de violences         internationale des soutiens réels,
populaires. Que les membres de            financiers, diplomatiques et peut-
cette minorité oligarchique soient        être militaires à la création des con-
hutu d’un côté et tutsi de l’autre ne     ditions minimales de la reprise du
relève en fm de compte que des con-       projet démocratique.
tingences de l’Histoire : le ressort du
mécanisme est le même.                                               Michel Elias
    Plus que jamais et quels que                                     20 avril 1994

Zambie : une démocratie lacunaire 1

L      ES Zambiens parlent. Depuis
       l’élection de Frederick Chi-
luba à la présidence de la Républi-
                                          vateur pressé à affirmer que la
                                          démocratie règne en Zambie en rai-
                                          son des efforts réguliers du pouvoir
que fin octobre 1991, la liberté          pour mettre en exergue une série
d’expression a pu largement être          d‘éléments positifs : liberté d’expres-
testée par la population. Certes, son     sion, absence quasi totale de vio-
emploi n’apparaît pas toujours judi-      lence collective ou de manifestation,
cieux, soit parce qu’elle est dévoyée     relative discrétion de la police, non
par une presse à scandale faisant         entrave à la bonne marche de la
peu de cas de l’intimité des person-      justice, développement considérable
nalités que sa vindicte excessive         de la presse. D’autant plus que si
écorne (l), soit parce que les Zam:       les Zambiens parlent, ils n’agissent
biens eux-mêmes, dans leur vie quo-       pas, ce qui tend à conforter le gou-
tidienne, ne l’ont pas encore tout à      vernement dans sa logique de mise
fait apprivoisée. Cette liberté
d’expression n’est pas feinte. Tou-
tes les personnes que nous avons              (1) C’est le cas essentiellement du jour-
souhaité interroger au cours de           nal The Sun. Fondé au mois d’août 1993,
notre séjour, qu’il s’agisse de jour-     les articles constituant son assise sont pour
                                          la plupart centrés sur le dévoilement de
nalistes, d’ecclésiastiques, de syndi-    pseudo-vérités concemant la vie privée de
calistes, de vendeurs de rue ou           ministres ou de hauts-fonctionnaires. En cela,
d’étudiants, se sont volontiers prê-      il est calqué sur son modèle britannique du
                                          même nom. Il reste qu’il propose également
tées à ces jeux d’entretiens ou de        de temps à autre des chroniques politiques
conversations informelles. Les appa-      pertinentes, malheureusement plus ou moins
rences pourraient conduire I’obser-       noyées dans la masse.

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