Campagnes solidaires (Re)vivre ensemble en milieu rural - Confédération Paysanne
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Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne N° 360 avril 2020 – 6 € – ISSN 945863 Dossier (Re)vivre ensemble en milieu rural Coronavirus La nécessaire refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires
Sommaire Dossier (Re)vivre ensemble en milieu rural Lettre ouverte à nos concitoyen·nes 4 Coronavirus La nécessaire refondation de nos systèmes agricoles et alimentaires 6 Vie syndicale Des vidéos pour Hommage l’agriculture paysanne 7 Joseph Bourgeais Il est souvent question de mieux communiquer sur Actualité les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, 8 Pour un plan de transition sociale et écologique de l’agriculture la Fédération des associations départementales pour 9 Le tomatovirus, un grand danger pour les cultures de tomate le développement de l’emploi agricole et rural (Fadear) 10 Quand l’argent public finance de très controversés élevages a pu appuyer la réalisation de trois vidéos. Si les cibles de ces outils ne sont pas nécessairement les industriels de poulets mêmes, l’objectif, lui, est partagé : ces vidéos ont 12 Pour une filière volailles plus vertueuse en Bretagne vocation à communiquer largement autour du pro- Courrier jet de d’agriculture paysanne. 13 Stock de retraité·es : un langage inacceptable ! La première, réalisée par l’Ardear du Centre-Val-de- 13 Taxer la viande : une nouvelle idée de génie ! Loire, présente ce projet d’une manière décalée, via l’animation graphique. Son objectif est aussi de mettre Internationales en valeur un des outils du réseau : le diagnostic d’agri- 14 Les Suisses pourraient se prononcer par référendum sur culture paysanne (1). un accord de libre-échange La deuxième, réalisée par l’Addear de la Loire, met 15 N’exportons pas nos problèmes en Afrique en lumière l’accompagnement des collectifs de pay- Agriculture paysanne san·nes qui permet par l’échange, le partage et la mutualisation, de nourrir le projet. 16 Vosges La toute nouvelle ferme « Au bon vieux temps » La troisième, réalisée par Initiatives Paysannes (Hauts 17 Béarn « Nous voulions faire revivre cette fermette » de France), met en évidence la construction d’une Initiative filière, « Du blé au pain » : depuis 2017, l’association 18 La Maison Paysanne de l’Aude, un lieu de vie pour le monde régionale a établi un partenariat avec la coopérative paysan Biocer autour d’une filière de blés anciens/blés pay- sans. La vidéo retrace sa mise en place, interrogeant Culture les différents acteurs et actrices de la démarche. 19 Atlas du business des espèces menacées Ces vidéos, publiées en mars, sont visibles sur le site 19 Gilles Luneau Steak barbare de la Fadear et des Adear concernées : 21 Abonnement agriculturepaysanne.org Annonces 22 Pour plus d’informations : contact@fadear.org Action (1) agriculturepaysanne.org/en-savoir-plus-sur-le-diagnostic-agricul- 24 Le 8 mars, on arrête toutes ! ture-paysanne Mines de plombs 2 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
On l’ouvre Crise et mutation À la vitesse à laquelle évolue la pandémie du Covid-19, cet édito sera peut-être dépassé au moment de sa parution (1). Malgré cela, j’aimerais avoir une pensée pour les proches des défunt·es, pour les soignant·es (qui tiraient la sonnette d’alarme depuis un an), pour celles et ceux qui prennent soin des plus fragiles, toujours premières victimes en cas de crise. Un soutien aussi au monde agricole qui assure l’essentiel, en n’oubliant pas que la différence entre la barbarie et la civilisation se limite à une assiette pleine. Je laisserai le soin aux historiens et aux historiennes de nous expliquer qu’au quinzième mort sur 1,4 milliard d’habitant·es, la Chine savait déjà que c’était une épidémie. Je leur laisserai aussi voir si certains (Trump…) n’ont pas essayé d’en profiter pour faire plier leurs adversaires (Chine ou Iran, par exemple) avant d’être rattrapés par le virus. Le moment venu, on s’interrogera sur le lien entre la maladie et l’effondrement financier prédit par des économistes. En attendant, la Confédération paysanne doit répondre dans l’urgence aux problèmes Denis Perreau, des paysan·nes. Qu’il s’agisse de la désorganisation des filières amont et aval, de l’accès paysan en Côte-d'Or, secrétaire national aux marchés ou de la poursuite de l’activité, pour certain·es. Elle se bat, entre autres, pour le maintien de marchés de plein-vent, la non-fermeture des abattoirs aux abattages fermiers Mensuel édité par : l’association Média Pays ou l’indemnisation des différentes pertes liées à l’épidémie. Elle reste vigilante aussi 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet aux difficultés des filières longues, difficultés qui ne vont pas manquer d’arriver. Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 campsol@confederationpaysanne.fr Mais dès à présent, la Confédération paysanne doit également réfléchir à ce que nous révèle confederationpaysanne.fr cette crise. Le président Macron a affirmé que « déléguer notre alimentation, notre capacité à facebook.com/confederationpaysanne soigner, notre cadre de vie à d’autres est une folie » (il faudra penser à lui proposer Twitter : @ConfPaysanne Abonnements : 01 43 62 82 82 une adhésion !). La question de la résilience de nos systèmes alimentaires est posée. abocs@confederationpaysanne.fr La compétition mondiale sur l’alimentation (mais pas seulement) est mortifère, socialement, Directeur de la publication : Nicolas Girod économiquement, écologiquement… La relocalisation des productions pour une souveraineté Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse alimentaire accrue est incontournable. Cela passera par des fermes nombreuses, diverses Maquette : Pierre Rauzy et diversifiées. Dessins : Samson, Denys Moreau Il nous appartiendra de faire que cet épisode ne soit pas qu’une perturbation dans Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin la marche en avant du capitalisme financier et de la mondialisation économique, Comité de publication : Christian Boisgontier, Michel Curade, Joël Feydel, Florine Hamelin, et qu’il débouche bien sur une mutation de notre monde. Véronique Léon, Jean-Claude Moreau, Face à la crise, les politiques ont été capables de prendre des mesures fortes. Il faudra Michèle Roux Impression : Chevillon le moment venu les pousser à faire preuve de la même volonté pour reprendre la main 26, boulevard Kennedy sur le monde économique. BP 136 – 89101 Sens Cedex CPPAP n° 1121 G 88580 Ce n’est pas gagné, mais la Confédération paysanne mettra toutes ses forces dans la bataille N° 360 avril 2020 pour, entre autres, réorienter le système agricole actuel vers l’agriculture paysanne. Dépôt légal : à parution Bouclage : 25 mars 2020 (1) Texte rédigé le 23 mars Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 3
Le ruraleur Le ruraleur La petite bête Lettre ouverte à nos concitoyen·nes Depuis 25 ans, nous étions ran- gés dans les empêcheurs de mondialiser en rond. Face à Coronavirus nous, le triomphe des grands acteurs économiques plaçant La nécessaire refondation de nos leurs pions là où se trouvent les meilleurs avantages compara- systèmes agricoles et alimentaires tifs. Point de plan B, disaient- L ils aux ignares du nouveau a crise du Coronavirus que d’œuvre comme des marchan- nos acheteurs internationaux ne nous traversons est avant tout dises comme les autres, à pro- s’approvisionnent plus auprès de monde que nous étions. Et pour sanitaire. Mais ces effets tou- duire l’alimentation comme une nous pour leurs achats de veaux, les pays qui ne dérouleraient chent nos vies dans leur ensemble denrée industrielle standardisée de chevreaux, de lait ou de blé ? pas le tapis rouge aux trans- et engendrent des conséquences et échangeable à travers la pla- Si on continue à baser notre nationales, les marchés finan- de grande ampleur qui secouent nète, comment ferons-nous face modèle alimentaire sur la consom- ciers se chargeraient de rap- les économies de tous les pays du à l’effondrement de la biodiver- mation d’énergies fossiles, la des- peler où se trouve le pouvoir. monde. C’est un épisode fulgu- sité, aux conséquences sanitaires truction des cycles naturels, le La Chine s’est offerte à ce nou- rant, avec un trait révélateur et agronomiques du changement recours permanent à la technolo- vel eldorado, sans contraintes important : cette crise montre que climatique ? gie, nous ne saurons pas faire face bien des domaines de notre quo- Si on continue à breveter le aux réactions du vivant, de notre climatiques ni droit du travail, tidien doivent être extraits des vivant et déléguer la production planète. Il est illusoire de croire à au prix de pollutions redou- logiques de compétition mon- de semences à des firmes multi- une maîtrise totale des sociétés tables. 80 % des molécules diale, de recherche de profit à tout nationales, qu’en sera-t-il en humaines sur la nature par une médicamenteuses de base sor- prix, de financiarisation de l’éco- période de crise si nous n’avons artificialisation et une « techno- tent de cet autre goulag, l’équi- nomie réelle, de spécialisation des pas la main sur la base de toute logisation » croissante de nos valent de notre sous-proléta- territoires. notre alimentation ? modes de vie. Nous avons besoin riat du XIXe siècle. Où on ne Il devient ainsi commun d’en- Si on continue à construire des de pouvoir compter sur les savoir- bricole pas avec la discipline : tendre parler, dans le débat public, filières internationalisées dont faire paysans et leur connaissance de l’importance de la souverai- le moindre choc économique, de la complexité des écosystèmes. 10 000 condamné·es à mort neté. Dans le domaine de la fabri- sanitaire, climatique, engendre Les tendances actuelles à la dis- chaque année… cation des médicaments et de la une volatilité catastrophique des parition de l’emploi paysan et à la Pas un problème pour Danone santé, par exemple. Dans ses allo- marchés, comment garantir des mondialisation des échanges nous qui y emploie 8 400 salarié·es, cutions récentes, le Président de prix justes, stables et sécurisés exposent à une concurrence achar- ni pour SEB d’où proviennent la République, Emmanuel pour nous, paysannes et pay- née sur les prix et les moyens de 53 % de ses bénéfices, ni pour Macron, a lui-même déclaré que sans, qui vous nourrissons, ici production à l’échelle mondiale. LVMH qui y a ouvert 950 bou- « déléguer notre alimentation, notre et ailleurs ? Les accords de libre-échange tiques. Les affaires sont les protection, notre capacité à soigner, aggravent la situation sur le plan affaires… notre cadre de vie (…) à d’autres est Nous avons besoin social, économique, sanitaire et une folie. Nous devons en reprendre de paysannes écologique. Il est grand temps que Rien ne semblait perturber le contrôle ». Dans cette lettre et de paysans nombreux cela change. cette véritable machine de ouverte, nous voulons nous pen- Si on continue à prôner l’agran- Il n’est pas question de répondre guerre économique. Mais cher sur le domaine alimentaire, dissement et l’industrialisation de à la mondialisation et au système moins qu’un grain de sable, un pilier essentiel de notre société, qui nos structures agricoles, et donc financier capitaliste par une autar- virus est venu tout dérégler. doit être reconnu comme tel. à favoriser la disparition de nos cie ou le repli sur soi, mais bien Des dizaines de millions de per- La souveraineté alimentaire emplois paysans et la dépendance de remettre au cœur des politiques sonnes confinées, l’économie devient une idée prégnante dans au secteur de l’agrobusiness, com- publiques la question de l’auto- ces temps de crise où la sécurité ment ferons-nous, alors que nous nomie. Ce principe d’autonomie mondiale dans la panique. alimentaire de tout le pays est sous avons besoin de paysannes et de nous est plus que cher : il guide Comme à chaque crise, celles pression, et nous, Confédération paysans nombreux, pour faire face depuis des années nos luttes et et ceux qui l’ont provoquée paysanne, estimons que c’est le aux enjeux de climat, de biodi- fonde l’agriculture paysanne, pro- vont nous promettre d’en tirer moment approprié pour parler de versité ou de crise sanitaire qui jet agricole et alimentaire de la les enseignements. En 1973, l’avenir du système alimentaire sont et seront devant nous ? Confédération paysanne. Nous une crise due à l’embargo sur qui la fonde. Nous estimons en Si on continue à spécialiser les espérons que la situation actuelle le soja avait multiplié le prix effet que si la crise est avant tout territoires, à segmenter les filières, permette à chacun·e de se rendre sanitaire, notre réponse à celle-ci à faire parcourir aux biens agri- compte de la valeur du travail mondial par deux. Trente ans ne peut être que politique, et puis- coles et agroalimentaires le tour de paysan et de l’importance de l’au- plus tard, prenant cet exemple, qu’on ne reviendra pas à avant le la planète, comment ferons-nous tonomie paysanne pour la rési- la commissaire européenne à Covid-19, cette réponse engage quand nous nous rendrons lience de nos systèmes alimen- l’Agriculture avait déclaré : notre avenir. compte que la France ne produit taires. « Pourquoi produire ici ce que Si on continue à piller les res- plus que la moitié des fruits et La Confédération paysanne, l’on peut trouver à moins cher sources naturelles, à considérer légumes consommés par sa popu- inspirée par des valeurs huma- sur le marché mondial ? » Ah, si la terre, le vivant et la main- lation ? Comment ferons-nous si nistes, a toujours porté la ques- les petites bêtes pouvaient faire le tri des coupables… 4 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020
Lettre ouverte à nos concitoyen·nes tion de la répartition : répartition des ment et du vivant, relocalisée et ancrée paysan, producteur d’alimentation, doit moyens de production, répartition des dans son territoire. Une agriculture capable retrouver un statut et une situation à la richesses à l’échelle internationale. La d’être la base pour une sécurité sociale ali- hauteur de l’enjeu auquel nous répon- recherche d’autonomie est pleinement mentaire, prochaine grande avancée sociale dons : satisfaire le besoin premier de la complémentaire avec la solidarité humaine de notre siècle. population de se nourrir sainement, en qui traverse les frontières et qui est néces- La pandémie actuelle a des répercus- quantité et qualité. saire en cas de crise. Un système écono- sions importantes sur nous tou·tes. Pay- On voit actuellement qu’il est possible mique relocalisé, équitable, qui place les sans et paysannes, nous sommes parmi d’avoir des actes politiques forts face à considérations sociales et le travail avec les premiers impactés. La Confédération des enjeux planétaires, ici une menace la nature au cœur de la réflexion, est la paysanne appelle à un soutien indéfectible sanitaire. Cela nous prouve que nous voie d’avenir à suivre. aux paysannes et paysans, aujourd’hui, et pouvons aussi agir pour changer notre Toutes les questions que la pandémie du elle demande aussi que ce soutien soit système économique et améliorer notre coronavirus pose de manière aiguë remet- durable. À ce jour, les modes de distri- mode de vie vers plus de justice sociale tent en cause nos systèmes alimentaires bution et de commercialisation qui font et climatique. Il faut maintenant que dans leur ensemble, dont l’avenir sera fondé vivre des dizaines de milliers de pay- nous nous donnions les moyens de par les réponses que nous donnons et don- san·nes et concernent des millions de répondre à l’urgence sociale dans la pro- nerons à cette crise. citoyen·nes sont sous pression. Il faut duction agricole et à l’urgence climatique trouver des solutions concrètes, inno- et écologique que nous avons à relever Repenser vantes et durables pour tou·tes les pay- collectivement. Il est plus que temps nos systèmes alimentaires san·nes, touché·es parce qu’ils dépendent maintenant de prendre des décisions qui Repensons l’organisation de nos filières, du système mondialisé, de contrats avec aboutissent à plus de solidarité et de res- de notre consommation, de notre alimen- la restauration hors domicile, de marchés ponsabilité. tation. Repensons nos systèmes alimen- de plein-vent dont l’ouverture est incer- Tirons les enseignements sur notre sys- taires pour un accès à une alimentation de taine. Il faut les trouver, ensemble, en fai- tème économique et financier actuels pour qualité pour toutes et tous. Repensons-les, sant des propositions pleinement res- l’avenir de notre société. Revalorisons nos de sorte à les fonder sur une protection ponsables et efficaces face à l’urgence paysan·nes et redonnons tout son sens à nos accrue, ambitieuse et durable du monde sanitaire. Réguler les marchés, rééquili- métiers de l’alimentation pour reposition- paysan. Cette protection ne veut pas dire brer la chaîne de valeur au profit des agri- ner ce secteur au cœur de notre projet de absence d’évolution mais, au contraire, un culteurs et agricultrices, stopper la concur- société ! accompagnement fort par les politiques rence effrénée, sont des mesures urgentes Relocalisons notre agriculture et nos sys- publiques d’une agriculture créatrice d’em- pour nous garantir un revenu digne. L’ali- tèmes alimentaires en France, en Europe, plois de qualité, rémunératrice, produc- mentation et l’agriculture doivent rede- et pour tous les peuples ! n trice d’une alimentation diversifiée, résiliente venir dès demain l’un des socles et des fon- Le secrétariat national aux chocs, respectueuse de l’environne- dements de nos sociétés. Le métier de de la Confédération paysanne Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 /5
Vie syndicale Fermer indistinctement les marchés est irresponsable Nous l’avons dit et nous le réaffirmons : il des emballages en plastique… Un guide de mettent de les adopter et pour qu’ils soient faut maintenir et pérenniser l’approvision- bonnes pratiques a été proposé. Il permet force de propositions vis-à-vis des pouvoirs nement en nourriture sur le territoire natio- d’ouvrir le dialogue avec des mairies qui locaux. nal en l’adaptant à la crise sanitaire du doivent allouer plus de moyens humains Nous demandons au gouvernement de Covid-19. pour la tenue de ces marchés. faire sa part et qu’une parole claire soit La décision du Premier ministre, le 24 mars, Ces initiatives vont d’ailleurs bien plus loin prononcée dans les plus brefs délais pour de supprimer de manière unilatérale les que ce qui se pratique dans la grande dis- donner aux municipalités les moyens de marchés de plein-vent sur l’ensemble du ter- tribution où il n’y a pas eu d’analyse des s’organiser et de garantir l’approvisionne- ritoire est inadaptée à la situation et poten- risques, avec des personnes laissées à elles- ment en nourriture, sécurisant ce qui s’ima- tiellement dangereuse. Nous ne pouvons pas mêmes, touchant les mêmes produits et se gine localement. accepter qu’à cause de quelques marchés rapprochant les unes les autres dans des Nous exigeons enfin que le gouvernement trop fréquentés dans lesquels les restrictions espaces clos. Ce serait malencontreux et assume clairement ses responsabilités face sanitaires n’ont pas été appliquées de dangereux de voir les gens se ruer dans les aux producteurs et aux productrices qui manière conséquente, l’ensemble de la supermarchés parce qu’il n’y a plus de mar- subissent des pertes dans cette situation de population soit privé d’un mode d’appro- chés ouverts. C’est pourtant ce qui risque crise. Nous le disons clairement, il faut une visionnement fondamental et les produc- de se passer si le gouvernement ne com- indemnisation complète des pertes : nous teurs de débouchés. prend pas très vite la situation et n’incite ne tolérerons pas un·e seul·e paysan·ne de Qu’elles soient à la ferme, dans des points pas les pouvoirs locaux à multiplier les pra- moins à la sortie de cette crise. de distribution itinérants ou sur des mar- tiques imaginées de concert avec les pay- (Communiqué du 24/3) chés réorganisés, nombreuses sont les ini- san·nes pour maintenir et pérenniser l’ap- tiatives qui se mettent en place au niveau provisionnement. Pour se renseigner sur les initiatives qui se sont local dans le respect strict des règles sani- La Confédération paysanne s’engage dans mises en place, qui se mettent en place ou qui taires en vigueur : espacement des bancs (sur tous les départements à identifier, décrire se projettent localement, se renseigner auprès les marchés), distanciations entre les per- et diffuser les initiatives qui sont en train de la Confédération paysanne de son départe- sonnes, absence de caddie, paniers à dis- de se mettre en place, pour donner aux ment. Pour la trouver : position, interdiction du libre-service ou paysan·nes les instruments qui leur per- confederationpaysanne.fr/reseau.php Apiculture : victoire juridique Le tribunal correctionnel d’Orléans a rendu son jugement le 13 février sur le cas des cires altérées vendues par Thomas Apicul- ture, un procès dans lequel la Confédération paysanne était partie civile. En 2017, plusieurs apiculteurs et apicultrices ont constaté un effondrement de la cire des cadres de leurs ruches. Ce phénomène affecte le nombre d’alvéoles. Il a pour effet de réduire la production de miel, le nombre des abeilles et met en péril, par voie de conséquence, l’équilibre financier des élevages. Très vite, la suspicion s’est portée sur la société Thomas, basée dans le Loiret, four- nisseur de nombreux apiculteurs et apicultrices. Les prévenus – les deux gérants de la société – ont été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés : pratique com- merciale trompeuse, vente de produits agricoles falsifiés, corrompus ou toxiques, non-information des acquéreurs d’un produit de sa non-conformité portant sur une qualité substantielle, non-respect d’une mesure de consignation ordonnée par un agent de la Répression des fraudes. Le tribunal a condamné Thomas Apiculture à 15 000 euros d’amende – dont 10 000 euros avec sursis – et les deux dirigeants à 1 500 euros d’amende chacun avec sursis. À la suite de cette décision, la Confédération paysanne demande que l’interprofession (InterApi) et l’Institut technique de l’abeille se saisissent du dossier afin d’établir des protocoles de qualification et des contrôles rigoureux des lots de cires. Mutagénèse: alerte avant les semis À l’approche des semis de tournesol puis de colza, la Confédération paysanne a alerté – par lettre ouverte, le 4 mars, les produc- teurs et productrices sur les conséquences de la décision prise par le Conseil d’État le 7 février : les récoltes « pourraient être éti- quetées OGM » en cas de variétés issues de mutagenèse in vitro. « Le gouvernement a l’obligation dans les neuf mois, soit avant le 11 novembre, de faire retirer du catalogue officiel les variétés obtenues et multipliées par les techniques de mutagenèse in vitro (diri- gée ou aléatoire) ou de suspendre l’autorisation de culture. Passé ce délai, elles ne pourront pas être cultivées et commercialisées sans avoir obtenu au préalable une autorisation de dissémination d’OGM. En cas d’autorisation, elles devront être étiquetées et tracées tout au long de la filière jusqu’au client final. » La Confédération paysanne réclame la transparence des semenciers sur les techniques qu’ils utilisent pour obtenir leurs variétés. 6 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020
Hommage Jo Joseph Bourgeais – Jo – nous a quittés le 15 mars. C’était le doyen du comité de rédaction de Campagnes solidaires. Pendant plus de 30 ans, il a notamment rédigé les écobrèves, très documentées et professionnelles. Mais il n’était pas que cela. J oseph naît en janvier 1937 à Champi- reau (1936-1995). En 1972, à 35 ans, il tion et l’information paysannes), dont l’ob- gné (Maine-et-Loire), dans une famille « passe » à la FDSEA (Fédération départe- jectif était de devenir une plate-forme de modeste, catholique pratiquante, son mentale des syndicats d’exploitants agri- coopération large entre syndicalistes pro- père sera proche du MRP (Mouvement répu- coles) qu’il quitte en 1974, avec une dizaine gressistes de diverses obédiences (forma- blicain populaire, créé à la Libération), d’es- de membres du conseil d’administration, tion, information, études, échanges inter- sence démocrate-chrétienne réformatrice. pour créer un syndicat « paysan-travailleur » nationaux…). Il quitte l’école à quatorze ans, aide fami- dans le Maine-et-Loire. Il est très proche Il cède sa ferme en 1997 mais poursuit une lial sur la ferme de ses parents. Il participe de Bernard Lambert (1931-1984), le prin- activité syndicale au sein de la commission aux activités de la Jeunesse agricole catho- « Retraites » de la Confédération paysanne, lique (JAC), mouvement de masse dont il devient responsable au à l’époque. À 17 ans, il devient niveau national à partir de 2003 jus- responsable cantonal et participe qu’à 2013. au comité fédéral (départemental). Toutes celles et tous ceux qui En 1960, Jo participe à l’équipe l’ont connu sont sincèrement affec- nationale de la JAC en tant que tés par sa disparition, même si l’âge permanent non salarié, gardant avançant et son état de santé se son statut d’aide familial. Il a en dégradant ne poussaient pas à l’op- charge le journal Militants à l’action timisme. Un autre membre du et les campagnes thématiques comité de rédaction de Campagnes annuelles de l’organisation. Il est solidaires, ancien porte-parole élu président au congrès de fin national de la Confédération pay- 1961 qui transforme la JAC en sanne, Christian Boisgontier adres- MRJC (Mouvement rural de jeu- sait ce petit mot à l’annonce du nesse chrétienne), dans une décès de Jo : « Que de souvenirs période où les relations de ce mou- partagés, de veillées ponctuées de vement avec la hiérarchie de l’Église grands éclats de rire lors des réunions catholique sont difficiles. Il occu- de notre commission des anciens pera ce poste jusqu’en février 1964. quand il nous parlait de sa rencontre Pendant son mandat, il rencontre, a l’Élysée avec de Gaulle ou de celle en mai 1962, le pape Jean XXIII, avec le Pape, quand il était le premier dans le cadre de la préparation du président du MRJC. Il disait encore concile Vatican II (1962-1965). En qu’il aurait pu être le président de la 1965, il se marie avec Claudine Nol- Fnsea s’il avait accepté de collaborer let qui fut permanente nationale à à la machine de guerre professionnelle, la JECF (Jeunesse étudiante chré- ayant fait ses armes dans la lignée des tienne féminine) puis devient père de deux cipal animateur du mouvement, paysan Debatisse ou Lacombe. Mais il n’en était pas. filles: Anne (née en 1966) et Ghislaine (1967). dans la Loire-Atlantique voisine. Et ses colères quand il trouvait que les com- En 1965, Jo est secrétaire général du CDJA Il participe alors à la rédaction du men- bats syndicaux étaient trop mous ! Mais quelle (Centre départemental des jeunes agricul- suel de l’organisation, Vent d’Ouest, lancé fin belle histoire, il a écrit, de sa vie ! » teurs) puis, de 1966 à 1972, membre du 1969, notamment pour les brèves et de Le dernier mot à Jean-Claude Moreau, bureau régional des jeunes agriculteurs de petits articles, activité qu’il poursuit jusque lui aussi partenaire de longue date de Jo au l’Ouest. Il présente, lors du congrès du 27 sep- dans Campagnes solidaires après la fonda- sein de notre comité de rédaction : « Nom- tembre 1968, un rapport d’orientation Des tion de la Confédération paysanne, en 1987. breux sont ceux et celles qui auront le senti- choix difficiles qui exigent une action syndicale Au long de son parcours syndical, Joseph ment que, s’ils ont quelque chose de pas trop combative. Quelques semaines après les jour- Bourgeais reste à l’écart des structures poli- mauvais en eux, ils le doivent en particulier à nées de Mai, le rapport marque une radica- tiques, y compris dans les années 1976- un homme comme Jo. » n lisation des jeunes paysan·nes de l’Ouest. À 1977 où certain·es, à la direction des Pay- Benoît Ducasse, avec l’aimable autorisation la tribune, derrière le rapporteur, un slogan sans Travailleurs, se réclament des dogmes de Serge Cordellier, militant de l’éducation sur un grand calicot: OUI au développement marxistes-léninistes des communistes chi- populaire, auteur d’une note biographie plus de l’agriculture, NON à l’écrasement des faibles! nois. Il explique ne pas s’être écarté d’une complète de Jo Bourgeais sur le site du Notre homme devient administrateur église pour en rejoindre une autre. Dictionnaire biographique du mouvement national du CNJA à partir de 1966, en En 1980, Joseph Bourgeais est cofonda- ouvrier/mouvement social : compagnie notamment de Bernard Tha- teur de l’Afip (Association pour la forma- maitron.fr (copyright : Éditions de l’Atelier) Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 /7
Écobrèves Écobrèves Dissonance Actualité Le 13 mars, Nicolas Giroud, porte-parole de la Confédéra- tion paysanne, a participé à une action symbolique près du Pour un plan de transition sociale Palais de l'Élysée, préparée par plusieurs organisations non gou- et écologique de l’agriculture vernementales. Le but était de porter des portraits d’Emma- À l’occasion du Salon être une formidable opportunité vivre le dialogue entre monde agri- nuel Macron pour dénoncer la de l’Agriculture 2020, pour la transition agricole. cole et société civile. dissonance entre ses discours et la Confédération paysanne En dix ans, nous nous devons de Le dialogue et l’échange sont les ses actes : le non-respect des engagements climatiques de la et d’autres organisations sortir de ce modèle agro-industriel seuls moyens de construire un France, la fragilisation du sys- syndicales ou associatives mortifère et de ses logiques de futur vivre ensemble. tème social français et le creu- se sont engagées à rédiger concentration, agrandissement, Nous croyons à un nouveau sement des inégalités, mais un plan de transition sociale spécialisation, compétitivité-prix contrat social pour des systèmes aussi la casse des services et écologique de l’agriculture et industrialisation de la produc- alimentaires équitables et durables. publics et notamment celle du française. Les travaux tion agricole. Nous savons ainsi que la transi- secteur hospitalier, une casse devraient démarrer Ce plan devra permettre une tion agricole et alimentaire ne se dont les effets se font cruelle- prochainement. réorientation des politiques fera qu’avec les paysan·nes. Nous ment sentir aujourd'hui. publiques pour développer l’emploi avons besoin de paysannes et de Action symbolique mais répres- A lors que l’État préfère cri- agricole et rural et soutenir le redé- paysans nombreux dans nos cam- sion sans détour : une dizaine minaliser les opposant·es ploiement de l’agriculture paysanne pagnes pour réussir ce plan : il de participant.es arrêté.es et à l’agro-industrie par sa et biologique et la relocalisation de nous faut un million de paysan·nes mis.es en garde à vue, dont cellule autoproclamée Demeter nos systèmes alimentaires. pour répondre à l’urgence sociale Khaled Gaiji, le président des Amis de la Terre, et Aurélie (cf. dossier), que l’État, en coges- et climatique. Trouvé, porte-parole d'Attac. tion avec la Fnsea, organise le Agir rapidement Nous sommes conscient·es que maintien du statu quo au lieu En parallèle, l’urgence clima- notre modèle agricole doit chan- Solutions d’engager la transition, nous avons tique et écologique nous saute aux ger pour répondre aux enjeux La mission interministérielle décidé d’unir largement nos forces yeux et nous appelle à agir rapi- actuels : changement climatique, sur le suicide des agriculteurs pour l’avenir de notre agriculture dement et efficacement. En dix effondrement de la biodiversité, rendra ses recommandations d’ici 2030. ans, nous nous devons de chan- qualité de l’eau, alimentation de dans cinq mois. C’est ce qu’a Dans les dix ans à venir, la moi- ger de modèle social et écono- qualité accessible à tou·tes, emploi, indiqué le ministre de l’Agri- tié des paysan·nes partiront à la mique pour répondre à cette rémunération paysanne… Nous culture en remettant, le retraite. Sans installations à la hau- urgence. Sobriété et relocalisation nous devons d’y répondre. 10 mars, sa lettre de mission teur, nos territoires se videront et sont indispensables pour atténuer Les soutiens à l’agriculture indus- au député Olivier Damaisin l’industrialisation poursuivra son le changement climatique et trielle doivent cesser. Nous reven- (LREM). Celui-ci a été chargé d’enquêter sur la prévention œuvre destructrice de l’autono- accroître la résilience de nos sys- diquons une politique ambitieuse et l’accompagnement des agri- mie, de la rémunération paysanne tèmes alimentaires locaux pour y d’accompagnement des paysan·nes culteurs en difficulté. Le député et de la planète. faire face. à la transition agricole et alimen- du Lot-et-Garonne a indiqué L’urgence sociale dans les cam- Nous sommes collectivement taire, en commençant par la Pac avoir connu de près le suicide pagnes est là ! Pourtant, si nous convaincu·es que la solution est et l’enseignement agricole. Ceci paysan et s’est dit surpris relevons ce défi de l’installation, de traiter conjointement urgence afin de sortir les paysan·nes du « qu’on puisse quasiment tous cette nécessité de transmettre peut sociale et écologique en faisant piège tendu par l’agro-industrie et connaître cette situation et les politiques mises en place depuis qu’on ne trouve pas les solu- cinquante ans. Cette évolution du tions ». Sans doute que ça ne modèle, proposée à tou·tes, répon- résoudra pas tout, mais chan- dra aux enjeux de revenu paysan, ger les politiques publiques qui de dynamique territoriale, aux précipitent paysannes et pay- sans dans la faillite, la préca- droits sociaux, à la santé des popu- rité et le burn-out, ça pourrait lations et de l’environnement, au être une piste… climat et à la biodiversité. n Un chiffre 9 Français sur 10 qualifient les Premiers signataires : Nicolas Girod, paysan·nes d’« utiles » et porte-parole de la Confédération pay- sanne, Jean-Marie Le Boiteux, secré- « courageux », ou encore de taire général du SNETAP-FSU, Cécile « passionnés », sondage de Duflot, directrice générale d’Oxfam Odoxa-Dentsu Consulting pour France, Anne-Laure Sablé, chargée de franceinfo et Le Figaro, à la campagne Agriculture des Amis de veille de l’ouverture du Salon la Terre, Jean-François Julliard, direc- de l’Agriculture 2020. Parmi teur général de Greenpeace, Éric Bey- les autres adjectifs utilisés, on « Nous avons besoin de paysannes et de paysans nombreux dans nos campagnes pour réussir ce plan : il nous faut un million de paysan·nes pour répondre à l’urgence sociale nel, porte-parole de Solidaires, Auré- trouve aussi « sympathiques » lie Trouvé, porte-parole d’Attac. et climatique. » (77 %) et « proches des gens » (70 %). Et donc certain·es crient à l’« agribashing »… 8 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020
Écobrèves Écobrèves Actualité Prévisions Lors du colloque de l’innova- tion céréalière, Phloème (29 et 30 janvier), les effets mar- Fruits et légumes quants du réchauffement cli- matique dans les années à Le tomatovirus, un grand danger venir ont été mis en avant. Il faut s’attendre à une recru- descence d’événements pour les cultures de tomate extrêmes pour toute la France. Les vagues de chaleur seront Une histoire presque banale, Où est la logique ? Plus l’indus- vement adaptée. La Confédéra- plus longues en durée et en intensité, tout comme les ou quand les cultures trie standardise, plus elle simpli- tion paysanne a donné son aval vagues de froid. Les pluies industrielles essaiment fie le vivant et plus celui-ci lui à ce programme, sous condition exceptionnelles d’hiver ne de nouveaux virus. Cette répond ! d’une cotisation spécifique (dont seront plus limitées aux Pyré- fois-ci, ce sont les tomates Très vite, la « profession » se sai- les modalités restent à définir) nées et au Sud-Est. Leur fré- qui sont en danger, menacées sit du sujet, tant l’organisation de proportionnelle au chiffre d’af- quence et leur durée augmen- par un virus provenant productrices et producteurs faires. teront. La sécheresse gagnera des serres de culture impactés (OP) que l’interprofes- La où en tant que syndicalistes du terrain : la Nouvelle Aqui- intensive du Moyen-Orient. sion nationale des fruits et légumes paysans nous sommes circons- taine et l’Occitanie seront par- (Interfel). pects, c’est sur la mise en place du ticulièrement touchées. La E n 2014 apparaît un nouveau Le virus se propage d’un pays à plan de lutte et sur les méthodes sécheresse d’automne sera plus virus dans des serres israé- l’autre, comme on l’a vu par les de prévention annoncées qui sont importante au Nord, la prin- liennes sur des variétés plants et les semences, mais aussi inadaptés aux fermes diversifiées, tanière et l’estivale s’étendront hybrides de tomates. Il impacte la par les cageots, les palettes, les en circuit court notamment : partout. Les risques d’incen- culture en la rendant invendable. vêtements, etc. Le risque de pro- rédaction d’un plan de culture die vont croître de 40 % au Il se répand rapidement dans pagation à toutes les serres de doublé d’un plan de circulation Sud et frapperont des zones jusqu’à maintenant non d’autres pays, compte tenu de l’ho- tomates, quel qu’en soit leur mode des personnes et des cageots dans concernées… mogénéisation des modes d’ob- de production, est bien réel. la ferme… tention des semences et des modes Il a été acté que le ministère À moyen terme, c’est-à-dire dès Procrastination intensifs de culture. français de l’Agriculture devait la saison 2021, le ministère devra D’après une étude réalisée par Le virus atteint le territoire métro- mettre en place un plan de lutte avoir impulsé une politique de le cabinet Carbone 4 pour les politain français en ce début d’an- et, qu’étant donné qu’aucun trai- relocalisation (que nous prônons organisations à l’origine de l’Af- née 2020. Il arrive d’abord dans des tement n’existe, une indemnisa- depuis toujours) de toute la faire du siècle (Notre affaire à serres bretonnes hors sol, par des tion des producteurs et produc- filière, de la semence à la distri- tous, la Fondation pour la plants britanniques issus de trices devait être effective. Pour bution. Nature et l’Homme, Green- semences vraisemblablement néer- ce faire, les dirigeants du Fonds Au plus vite, pour enrayer la dif- peace et Oxfam), la France landaises ou péruviennes… national agricole de mutualisation fusion de cette maladie, il est n’atteindra pas la neutralité sanitaire et environnemental nécessaire d’interdire l’importa- carbone avant 2085, si l’on (FMSE) se sont réunis lors du tion des plants pour les jardine- considère la réduction Redoutable pour Salon de l’Agriculture, fin février, ries, dont le potentiel de dissé- moyenne de ses émissions sur les cultures à haute et ont acté qu’une « cotisation mination du virus en plein champ la période 2011-2017. Dans la densité nouvelle version de la Straté- volontaire étendue » sera lancée est considérable et pourrait ruiner On l’a baptisée Tomato brown gie nationale bas carbone pour éviter qu’un trop grand toute mesure de biosécurité prise rugose fruit virus (ToBRFV). Chlo- (SNBC), dont la consultation nombre de producteurs et pro- par ailleurs. n roses, mosaïques et marbrures s’est terminée début mars, le ductrices soit en difficulté. Cette Jonathan Chabert, gouvernement a fixé l’objectif sur les feuilles des plantes, tâches nécrotiques sur les pédoncules, réaction à court terme est relati- paysan dans les Côtes-d’Armor de neutralité pour 2050. Or, déformation des fruits, symp- en 2020, le volume d’émis- tômes de rugosité… La liste des sions projeté aurait déjà été conséquences de cette maladie atteint le 5 mars, d’après les virale sur les plants de tomate et études de Carbone 4. Une date leurs fruits est longue, rendant que les associations nomment les produits invendables. Selon « jour du dérèglement », et à l’Agence nationale de sécurité partir duquel « l’État français sanitaire de l’alimentation est donc à découvert climatique (Anses), le virus peut infecter jus- et aggrave son impact sur le qu’à 100 % des plantes sur un dérèglement de la planète ». site de production, ce qui le rend redoutable pour les cultures à haute densité de plantation Un chiffre comme les cultures sous serre. En 2018, le cap de 2 millions En revanche, il n’a pas d’impact d’hectares cultivés en bio en sur l’homme. Mais le poivron et France a été franchi, selon l’aubergine y seraient aussi sen- l’Agence Bio. Ce qui représente sibles. 7,5 % de la surface agricole, contre 6,5 % en 2017. Il oscil- lerait entre 8 % et 9 % fin Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 9 2019.
Écobrèves Écobrèves Quand l’homme Actualité favorise les épidémies C'est le titre d'un article paru en septembre 2014 sur le site d'info du Centre national de la Quand l’argent public finance de très recherche scientifique (CNRS) (1), interview du biologiste Fran- controversés élevages industriels çois Renaud. On y apprend ou rappelle ceci (extrait) : «Il y avait un milliard d’individus de poulets en 1800, il y en a aujourd’hui Le conseil régional de Bretagne soutient financièrement la filière avicole industrielle, au nom sept milliards, et l’on parle de de l’emploi et en souhaitant orienter la production vers une meilleure qualité. Mais ce sont neuf milliards demain… Pour les surtout les industriels qui en profitent et les paysan·nes restent coincé·es dans un modèle nourrir, on a généralisé l’élevage instable, aux conséquences écologiques et sociales négatives. industriel intensif partout sur la planète. Ce faisant, on a consti- L e 5 octobre dernier, 300 per- en liquidation judiciaire. La col- ses prix, et le rémunérera. En choi- tué une niche écologique rêvée sonnes sont rassemblées lectivité est actionnaire à hauteur sissant ce modèle, l’agriculteur pour les pathogènes. Prenez H5N1, le virus de grippe aviaire devant la mairie de Néant- de 5 % – participation qu’elle por- arrête de cultiver ses six hectares apparu en Asie dans les années sur-Yvel, dans le Morbihan. Elles tera à 33 % d’ici 2021, soit 2 mil- de terres servant à alimenter ses 1990, avant de défrayer la chro- manifestent leur inquiétude face lions d’euros –, aux côtés du groupe poulets et à composter les nique en Europe dans les années au projet agro-industriel d’un sarthois LDC, leader européen dans effluents. Ceux-ci seront désor- 2005-2006. À l’origine, H5N1 jeune agriculteur local qui compte la production de volaille, de l’im- mais exportés par camion par la est un virus d’oiseau extrême- multiplier par cinq la capacité de portateur saoudien Al Munajem et société Terrial, une filiale com- ment virulent, mais peu efficace son élevage, de 40 000 à 192 500 de deux coopératives agroalimen- mune au groupe Avril. Le projet à l’état sauvage : il tue son hôte, l’oiseau, très rapidement – d’où poulets. La fébrilité est palpable : taires, Terrena et Triskalia. devient complètement hors sol. une transmission à d’autres hôtes un autre éleveur de volaille de la L’objectif : reconquérir le marché « Bien sûr, il vaut mieux faire de la limitée. C’est l’élevage indus- commune, en grande difficulté français, malmené par la concur- volaille chez nous de manière maîtrisée triel qui a créé les conditions de économique, s’est donné la mort rence venue d’Europe de l’Est. La que d’importer des produits faits n’im- son succès, grâce à une concen- la semaine précédente. Une Bretagne fournit déjà 40 % de la porte comment en Ukraine, déplore tration exceptionnelle d’oiseaux minute de silence précède la prise production nationale de volaille de Arnaud Clugery, président d’Eaux et une promiscuité des volatiles de parole de la Confédération pay- chair. L’arme de cette reconquête et Rivières de Bretagne. Mais nous favorisant la transmission du virus. Le passage à l’homme, sanne qui dénonce le piège du est la Société bretonne de volaille aurions préféré un plan national qui malgré la barrière inter-espèces, surendettement dans un système (SBV), crée par LDC pour porter relocalise la production de volailles a fini par se faire du fait de cette d’élevage intensif. L’association ses investissements dans la région, au plus près des territoires en capa- concentration de volailles en un Eau et Rivières de Bretagne, le col- dont la construction d’un nouvel cité de produire des céréales et de seul endroit et de conditions lectif « Non à la ferme usine de abattoir à Châteaulin (Finistère) recevoir la matière organique, plutôt sanitaires dégradées. C’est un Brocéliande », le syndicat Soli- d’ici 2021, dans laquelle la région que d’exporter les fientes dans les jeu d’essai-erreur : en théorie, le virus aviaire n’est pas transmis- daires et le Collectif de soutien investit pas moins de 12,7 millions grandes plaines céréalières. » sible à l’homme, mais à force aux victimes de pesticides dénon- d’euros. Pour la reconquête du marché d’essayer, il finit par passer… Le cent également les impacts envi- intérieur, le conseil régional sou- même scénario ou presque s’est ronnementaux de l’extension, sou- « Construisez haite une « montée en gamme » : du reproduit en 2009 avec le virus mise à une enquête publique. des bâtiments, on va poulet lourd, pesant 2,1 kg contre H1N1, apparu dans les élevages Outre sa taille industrielle, une vous donner du travail » 1,6 kg pour le poulet export dont de porcs au Mexique. » autre particularité du projet contro- « Pour être compétitif, nous devons la région s’était fait une spécialité, Pour le biologiste : « On n’éra- versé agace : il est en partie financé être capables de produire bon et pas surtout à destination du Moyen- dique pas un pathogène, on apprend à vivre avec. C’est un par le conseil régional de Bretagne cher, explique Ronand Tonarelli, le Orient. Cela implique des instal- travail long et fastidieux (…) Pour qui soutient allègrement la filière directeur de SBV. La région nous lations un peu moins low cost : ce faire, il faut comprendre la volaille locale. 20 millions d’euros accompagne parce qu’avec un nou- lumière naturelle (fenêtres) à la totalité des événements qui ont d’argent public y sont investis vel outil d’abattage, on peut inciter place des néons dans les bâtiments conduit à son émergence (…) depuis 2018, à travers des prises les éleveurs à investir et nous enga- d’élevage, dalle de béton à la place Cela demande une approche glo- de participation actionnariales, la ger sur le long terme, avec eux et les de la terre battue et une durée d’éle- bale des épidémies dans toutes construction ou modernisation banques, en disant : construisez des vage qui va jusqu’à 40 jours, contre leurs composantes, biologiques, mais aussi environnementales et d’usines et différents investisse- bâtiments, on va vous donner du tra- 20 jours pour le poulet exporté. sociales. » ments. La « ferme-usine » de vail. » D’où le choix, malgré les Ces arguments pour le poulet (1) lejournal.cnrs.fr Néant-sur-Yvel a ainsi bénéficié impacts environnementaux, de made in France ont cependant du d’une subvention de 50 000 euros. financer aussi l’agrandissement mal à passer. Les exportations sont Un chiffre Cette politique publique inter- d’élevages afin d’alimenter cette au beau fixe, un an après la liqui- 88 % des Français·es préfèrent roge, d’autant qu’elle profite aussi reconquête. dation judiciaire de Doux. 340000 le modèle des « petites exploi- tations qui privilégient la qua- à de gros industriels. La Région est LDC est justement l’intégrateur têtes sont abattues chaque jour à lité des produits » à celui des ainsi actionnaire d’une entreprise de l’éleveur portant le projet à l’abattoir de Châteaulin, dans lequel « grandes exploitations qui pri- agroalimentaire, Yer Breizh (« la Néant-sur-Yvel. L’éleveur restera la société saoudienne Al Munajem vilégient la quantité pour res- poule bretonne »), créée en propriétaire et investira en son a augmenté son capital, passant de ter compétitives » (sondé·es décembre 2018 pour reprendre les nom propre, LDC lui vendra les 100 000 à 5 millions d’euros. La par Odoxa-Dentsu Consulting activités du groupe volailler Doux, poussins et les aliments en fixant région y a également injecté 1,2 mil- pour franceinfo et Le Figaro, à la veille de l’ouverture du Salon de l’Agriculture 2020). 10 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020
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