Campagnes solidaires (Re)vivre ensemble en milieu rural - Confédération Paysanne
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Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne
N° 360 avril 2020 – 6 € – ISSN 945863
Dossier
(Re)vivre ensemble
en milieu rural
Coronavirus La nécessaire refondation
de nos systèmes agricoles et alimentairesSommaire
Dossier
(Re)vivre ensemble en milieu rural
Lettre ouverte à nos concitoyen·nes
4 Coronavirus La nécessaire refondation de nos systèmes
agricoles et alimentaires
6 Vie syndicale
Des vidéos pour Hommage
l’agriculture paysanne 7 Joseph Bourgeais
Il est souvent question de mieux communiquer sur Actualité
les pratiques de l’agriculture paysanne. Cette année, 8 Pour un plan de transition sociale et écologique de l’agriculture
la Fédération des associations départementales pour 9 Le tomatovirus, un grand danger pour les cultures de tomate
le développement de l’emploi agricole et rural (Fadear) 10 Quand l’argent public finance de très controversés élevages
a pu appuyer la réalisation de trois vidéos. Si les
cibles de ces outils ne sont pas nécessairement les
industriels de poulets
mêmes, l’objectif, lui, est partagé : ces vidéos ont 12 Pour une filière volailles plus vertueuse en Bretagne
vocation à communiquer largement autour du pro- Courrier
jet de d’agriculture paysanne. 13 Stock de retraité·es : un langage inacceptable !
La première, réalisée par l’Ardear du Centre-Val-de-
13 Taxer la viande : une nouvelle idée de génie !
Loire, présente ce projet d’une manière décalée, via
l’animation graphique. Son objectif est aussi de mettre
Internationales
en valeur un des outils du réseau : le diagnostic d’agri- 14 Les Suisses pourraient se prononcer par référendum sur
culture paysanne (1). un accord de libre-échange
La deuxième, réalisée par l’Addear de la Loire, met 15 N’exportons pas nos problèmes en Afrique
en lumière l’accompagnement des collectifs de pay- Agriculture paysanne
san·nes qui permet par l’échange, le partage et la
mutualisation, de nourrir le projet. 16 Vosges La toute nouvelle ferme « Au bon vieux temps »
La troisième, réalisée par Initiatives Paysannes (Hauts 17 Béarn « Nous voulions faire revivre cette fermette »
de France), met en évidence la construction d’une Initiative
filière, « Du blé au pain » : depuis 2017, l’association 18 La Maison Paysanne de l’Aude, un lieu de vie pour le monde
régionale a établi un partenariat avec la coopérative paysan
Biocer autour d’une filière de blés anciens/blés pay-
sans. La vidéo retrace sa mise en place, interrogeant
Culture
les différents acteurs et actrices de la démarche. 19 Atlas du business des espèces menacées
Ces vidéos, publiées en mars, sont visibles sur le site 19 Gilles Luneau Steak barbare
de la Fadear et des Adear concernées : 21 Abonnement
agriculturepaysanne.org Annonces
22
Pour plus d’informations : contact@fadear.org
Action
(1) agriculturepaysanne.org/en-savoir-plus-sur-le-diagnostic-agricul- 24 Le 8 mars, on arrête toutes !
ture-paysanne
Mines de plombs
2 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la
rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.
Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recycléOn l’ouvre
Crise et mutation
À la vitesse à laquelle évolue la pandémie du Covid-19, cet édito sera peut-être dépassé
au moment de sa parution (1). Malgré cela, j’aimerais avoir une pensée pour les proches
des défunt·es, pour les soignant·es (qui tiraient la sonnette d’alarme depuis un an),
pour celles et ceux qui prennent soin des plus fragiles, toujours premières victimes en cas
de crise. Un soutien aussi au monde agricole qui assure l’essentiel, en n’oubliant pas que
la différence entre la barbarie et la civilisation se limite à une assiette pleine.
Je laisserai le soin aux historiens et aux historiennes de nous expliquer qu’au quinzième
mort sur 1,4 milliard d’habitant·es, la Chine savait déjà que c’était une épidémie. Je leur
laisserai aussi voir si certains (Trump…) n’ont pas essayé d’en profiter pour faire plier leurs
adversaires (Chine ou Iran, par exemple) avant d’être rattrapés par le virus. Le moment venu,
on s’interrogera sur le lien entre la maladie et l’effondrement financier prédit par des
économistes.
En attendant, la Confédération paysanne doit répondre dans l’urgence aux problèmes
Denis Perreau, des paysan·nes. Qu’il s’agisse de la désorganisation des filières amont et aval, de l’accès
paysan en Côte-d'Or, secrétaire national aux marchés ou de la poursuite de l’activité, pour certain·es. Elle se bat, entre autres, pour
le maintien de marchés de plein-vent, la non-fermeture des abattoirs aux abattages fermiers
Mensuel édité par :
l’association Média Pays ou l’indemnisation des différentes pertes liées à l’épidémie. Elle reste vigilante aussi
104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet aux difficultés des filières longues, difficultés qui ne vont pas manquer d’arriver.
Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03
campsol@confederationpaysanne.fr Mais dès à présent, la Confédération paysanne doit également réfléchir à ce que nous révèle
confederationpaysanne.fr cette crise. Le président Macron a affirmé que « déléguer notre alimentation, notre capacité à
facebook.com/confederationpaysanne
soigner, notre cadre de vie à d’autres est une folie » (il faudra penser à lui proposer
Twitter : @ConfPaysanne
Abonnements : 01 43 62 82 82
une adhésion !). La question de la résilience de nos systèmes alimentaires est posée.
abocs@confederationpaysanne.fr La compétition mondiale sur l’alimentation (mais pas seulement) est mortifère, socialement,
Directeur de la publication : Nicolas Girod
économiquement, écologiquement… La relocalisation des productions pour une souveraineté
Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle
Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse
alimentaire accrue est incontournable. Cela passera par des fermes nombreuses, diverses
Maquette : Pierre Rauzy et diversifiées.
Dessins : Samson, Denys Moreau Il nous appartiendra de faire que cet épisode ne soit pas qu’une perturbation dans
Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin la marche en avant du capitalisme financier et de la mondialisation économique,
Comité de publication : Christian Boisgontier,
Michel Curade, Joël Feydel, Florine Hamelin, et qu’il débouche bien sur une mutation de notre monde.
Véronique Léon, Jean-Claude Moreau, Face à la crise, les politiques ont été capables de prendre des mesures fortes. Il faudra
Michèle Roux
Impression : Chevillon le moment venu les pousser à faire preuve de la même volonté pour reprendre la main
26, boulevard Kennedy sur le monde économique.
BP 136 – 89101 Sens Cedex
CPPAP n° 1121 G 88580 Ce n’est pas gagné, mais la Confédération paysanne mettra toutes ses forces dans la bataille
N° 360 avril 2020 pour, entre autres, réorienter le système agricole actuel vers l’agriculture paysanne.
Dépôt légal : à parution
Bouclage : 25 mars 2020 (1) Texte rédigé le 23 mars
Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 3Le ruraleur
Le ruraleur
La petite bête Lettre ouverte à nos concitoyen·nes
Depuis 25 ans, nous étions ran-
gés dans les empêcheurs de
mondialiser en rond. Face à Coronavirus
nous, le triomphe des grands
acteurs économiques plaçant La nécessaire refondation de nos
leurs pions là où se trouvent les
meilleurs avantages compara- systèmes agricoles et alimentaires
tifs. Point de plan B, disaient-
L
ils aux ignares du nouveau a crise du Coronavirus que d’œuvre comme des marchan- nos acheteurs internationaux ne
nous traversons est avant tout dises comme les autres, à pro- s’approvisionnent plus auprès de
monde que nous étions. Et pour
sanitaire. Mais ces effets tou- duire l’alimentation comme une nous pour leurs achats de veaux,
les pays qui ne dérouleraient
chent nos vies dans leur ensemble denrée industrielle standardisée de chevreaux, de lait ou de blé ?
pas le tapis rouge aux trans- et engendrent des conséquences et échangeable à travers la pla- Si on continue à baser notre
nationales, les marchés finan- de grande ampleur qui secouent nète, comment ferons-nous face modèle alimentaire sur la consom-
ciers se chargeraient de rap- les économies de tous les pays du à l’effondrement de la biodiver- mation d’énergies fossiles, la des-
peler où se trouve le pouvoir. monde. C’est un épisode fulgu- sité, aux conséquences sanitaires truction des cycles naturels, le
La Chine s’est offerte à ce nou- rant, avec un trait révélateur et agronomiques du changement recours permanent à la technolo-
vel eldorado, sans contraintes
important : cette crise montre que climatique ? gie, nous ne saurons pas faire face
bien des domaines de notre quo- Si on continue à breveter le aux réactions du vivant, de notre
climatiques ni droit du travail,
tidien doivent être extraits des vivant et déléguer la production planète. Il est illusoire de croire à
au prix de pollutions redou-
logiques de compétition mon- de semences à des firmes multi- une maîtrise totale des sociétés
tables. 80 % des molécules diale, de recherche de profit à tout nationales, qu’en sera-t-il en humaines sur la nature par une
médicamenteuses de base sor- prix, de financiarisation de l’éco- période de crise si nous n’avons artificialisation et une « techno-
tent de cet autre goulag, l’équi- nomie réelle, de spécialisation des pas la main sur la base de toute logisation » croissante de nos
valent de notre sous-proléta- territoires. notre alimentation ? modes de vie. Nous avons besoin
riat du XIXe siècle. Où on ne Il devient ainsi commun d’en- Si on continue à construire des de pouvoir compter sur les savoir-
bricole pas avec la discipline : tendre parler, dans le débat public, filières internationalisées dont faire paysans et leur connaissance
de l’importance de la souverai- le moindre choc économique, de la complexité des écosystèmes.
10 000 condamné·es à mort
neté. Dans le domaine de la fabri- sanitaire, climatique, engendre Les tendances actuelles à la dis-
chaque année…
cation des médicaments et de la une volatilité catastrophique des parition de l’emploi paysan et à la
Pas un problème pour Danone santé, par exemple. Dans ses allo- marchés, comment garantir des mondialisation des échanges nous
qui y emploie 8 400 salarié·es, cutions récentes, le Président de prix justes, stables et sécurisés exposent à une concurrence achar-
ni pour SEB d’où proviennent la République, Emmanuel pour nous, paysannes et pay- née sur les prix et les moyens de
53 % de ses bénéfices, ni pour Macron, a lui-même déclaré que sans, qui vous nourrissons, ici production à l’échelle mondiale.
LVMH qui y a ouvert 950 bou- « déléguer notre alimentation, notre et ailleurs ? Les accords de libre-échange
tiques. Les affaires sont les protection, notre capacité à soigner, aggravent la situation sur le plan
affaires…
notre cadre de vie (…) à d’autres est Nous avons besoin social, économique, sanitaire et
une folie. Nous devons en reprendre de paysannes écologique. Il est grand temps que
Rien ne semblait perturber le contrôle ». Dans cette lettre et de paysans nombreux cela change.
cette véritable machine de ouverte, nous voulons nous pen- Si on continue à prôner l’agran- Il n’est pas question de répondre
guerre économique. Mais cher sur le domaine alimentaire, dissement et l’industrialisation de à la mondialisation et au système
moins qu’un grain de sable, un pilier essentiel de notre société, qui nos structures agricoles, et donc financier capitaliste par une autar-
virus est venu tout dérégler. doit être reconnu comme tel. à favoriser la disparition de nos cie ou le repli sur soi, mais bien
Des dizaines de millions de per- La souveraineté alimentaire emplois paysans et la dépendance de remettre au cœur des politiques
sonnes confinées, l’économie
devient une idée prégnante dans au secteur de l’agrobusiness, com- publiques la question de l’auto-
ces temps de crise où la sécurité ment ferons-nous, alors que nous nomie. Ce principe d’autonomie
mondiale dans la panique.
alimentaire de tout le pays est sous avons besoin de paysannes et de nous est plus que cher : il guide
Comme à chaque crise, celles pression, et nous, Confédération paysans nombreux, pour faire face depuis des années nos luttes et
et ceux qui l’ont provoquée paysanne, estimons que c’est le aux enjeux de climat, de biodi- fonde l’agriculture paysanne, pro-
vont nous promettre d’en tirer moment approprié pour parler de versité ou de crise sanitaire qui jet agricole et alimentaire de la
les enseignements. En 1973, l’avenir du système alimentaire sont et seront devant nous ? Confédération paysanne. Nous
une crise due à l’embargo sur qui la fonde. Nous estimons en Si on continue à spécialiser les espérons que la situation actuelle
le soja avait multiplié le prix effet que si la crise est avant tout territoires, à segmenter les filières, permette à chacun·e de se rendre
sanitaire, notre réponse à celle-ci à faire parcourir aux biens agri- compte de la valeur du travail
mondial par deux. Trente ans
ne peut être que politique, et puis- coles et agroalimentaires le tour de paysan et de l’importance de l’au-
plus tard, prenant cet exemple,
qu’on ne reviendra pas à avant le la planète, comment ferons-nous tonomie paysanne pour la rési-
la commissaire européenne à Covid-19, cette réponse engage quand nous nous rendrons lience de nos systèmes alimen-
l’Agriculture avait déclaré : notre avenir. compte que la France ne produit taires.
« Pourquoi produire ici ce que Si on continue à piller les res- plus que la moitié des fruits et La Confédération paysanne,
l’on peut trouver à moins cher sources naturelles, à considérer légumes consommés par sa popu- inspirée par des valeurs huma-
sur le marché mondial ? » Ah, si la terre, le vivant et la main- lation ? Comment ferons-nous si nistes, a toujours porté la ques-
les petites bêtes pouvaient
faire le tri des coupables… 4 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020Lettre ouverte à nos concitoyen·nes
tion de la répartition : répartition des ment et du vivant, relocalisée et ancrée paysan, producteur d’alimentation, doit
moyens de production, répartition des dans son territoire. Une agriculture capable retrouver un statut et une situation à la
richesses à l’échelle internationale. La d’être la base pour une sécurité sociale ali- hauteur de l’enjeu auquel nous répon-
recherche d’autonomie est pleinement mentaire, prochaine grande avancée sociale dons : satisfaire le besoin premier de la
complémentaire avec la solidarité humaine de notre siècle. population de se nourrir sainement, en
qui traverse les frontières et qui est néces- La pandémie actuelle a des répercus- quantité et qualité.
saire en cas de crise. Un système écono- sions importantes sur nous tou·tes. Pay- On voit actuellement qu’il est possible
mique relocalisé, équitable, qui place les sans et paysannes, nous sommes parmi d’avoir des actes politiques forts face à
considérations sociales et le travail avec les premiers impactés. La Confédération des enjeux planétaires, ici une menace
la nature au cœur de la réflexion, est la paysanne appelle à un soutien indéfectible sanitaire. Cela nous prouve que nous
voie d’avenir à suivre. aux paysannes et paysans, aujourd’hui, et pouvons aussi agir pour changer notre
Toutes les questions que la pandémie du elle demande aussi que ce soutien soit système économique et améliorer notre
coronavirus pose de manière aiguë remet- durable. À ce jour, les modes de distri- mode de vie vers plus de justice sociale
tent en cause nos systèmes alimentaires bution et de commercialisation qui font et climatique. Il faut maintenant que
dans leur ensemble, dont l’avenir sera fondé vivre des dizaines de milliers de pay- nous nous donnions les moyens de
par les réponses que nous donnons et don- san·nes et concernent des millions de répondre à l’urgence sociale dans la pro-
nerons à cette crise. citoyen·nes sont sous pression. Il faut duction agricole et à l’urgence climatique
trouver des solutions concrètes, inno- et écologique que nous avons à relever
Repenser vantes et durables pour tou·tes les pay- collectivement. Il est plus que temps
nos systèmes alimentaires san·nes, touché·es parce qu’ils dépendent maintenant de prendre des décisions qui
Repensons l’organisation de nos filières, du système mondialisé, de contrats avec aboutissent à plus de solidarité et de res-
de notre consommation, de notre alimen- la restauration hors domicile, de marchés ponsabilité.
tation. Repensons nos systèmes alimen- de plein-vent dont l’ouverture est incer- Tirons les enseignements sur notre sys-
taires pour un accès à une alimentation de taine. Il faut les trouver, ensemble, en fai- tème économique et financier actuels pour
qualité pour toutes et tous. Repensons-les, sant des propositions pleinement res- l’avenir de notre société. Revalorisons nos
de sorte à les fonder sur une protection ponsables et efficaces face à l’urgence paysan·nes et redonnons tout son sens à nos
accrue, ambitieuse et durable du monde sanitaire. Réguler les marchés, rééquili- métiers de l’alimentation pour reposition-
paysan. Cette protection ne veut pas dire brer la chaîne de valeur au profit des agri- ner ce secteur au cœur de notre projet de
absence d’évolution mais, au contraire, un culteurs et agricultrices, stopper la concur- société !
accompagnement fort par les politiques rence effrénée, sont des mesures urgentes Relocalisons notre agriculture et nos sys-
publiques d’une agriculture créatrice d’em- pour nous garantir un revenu digne. L’ali- tèmes alimentaires en France, en Europe,
plois de qualité, rémunératrice, produc- mentation et l’agriculture doivent rede- et pour tous les peuples ! n
trice d’une alimentation diversifiée, résiliente venir dès demain l’un des socles et des fon- Le secrétariat national
aux chocs, respectueuse de l’environne- dements de nos sociétés. Le métier de de la Confédération paysanne
Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 /5Vie syndicale
Fermer indistinctement les marchés
est irresponsable
Nous l’avons dit et nous le réaffirmons : il des emballages en plastique… Un guide de mettent de les adopter et pour qu’ils soient
faut maintenir et pérenniser l’approvision- bonnes pratiques a été proposé. Il permet force de propositions vis-à-vis des pouvoirs
nement en nourriture sur le territoire natio- d’ouvrir le dialogue avec des mairies qui locaux.
nal en l’adaptant à la crise sanitaire du doivent allouer plus de moyens humains Nous demandons au gouvernement de
Covid-19. pour la tenue de ces marchés. faire sa part et qu’une parole claire soit
La décision du Premier ministre, le 24 mars, Ces initiatives vont d’ailleurs bien plus loin prononcée dans les plus brefs délais pour
de supprimer de manière unilatérale les que ce qui se pratique dans la grande dis- donner aux municipalités les moyens de
marchés de plein-vent sur l’ensemble du ter- tribution où il n’y a pas eu d’analyse des s’organiser et de garantir l’approvisionne-
ritoire est inadaptée à la situation et poten- risques, avec des personnes laissées à elles- ment en nourriture, sécurisant ce qui s’ima-
tiellement dangereuse. Nous ne pouvons pas mêmes, touchant les mêmes produits et se gine localement.
accepter qu’à cause de quelques marchés rapprochant les unes les autres dans des Nous exigeons enfin que le gouvernement
trop fréquentés dans lesquels les restrictions espaces clos. Ce serait malencontreux et assume clairement ses responsabilités face
sanitaires n’ont pas été appliquées de dangereux de voir les gens se ruer dans les aux producteurs et aux productrices qui
manière conséquente, l’ensemble de la supermarchés parce qu’il n’y a plus de mar- subissent des pertes dans cette situation de
population soit privé d’un mode d’appro- chés ouverts. C’est pourtant ce qui risque crise. Nous le disons clairement, il faut une
visionnement fondamental et les produc- de se passer si le gouvernement ne com- indemnisation complète des pertes : nous
teurs de débouchés. prend pas très vite la situation et n’incite ne tolérerons pas un·e seul·e paysan·ne de
Qu’elles soient à la ferme, dans des points pas les pouvoirs locaux à multiplier les pra- moins à la sortie de cette crise.
de distribution itinérants ou sur des mar- tiques imaginées de concert avec les pay- (Communiqué du 24/3)
chés réorganisés, nombreuses sont les ini- san·nes pour maintenir et pérenniser l’ap-
tiatives qui se mettent en place au niveau provisionnement.
Pour se renseigner sur les initiatives qui se sont
local dans le respect strict des règles sani- La Confédération paysanne s’engage dans mises en place, qui se mettent en place ou qui
taires en vigueur : espacement des bancs (sur tous les départements à identifier, décrire se projettent localement, se renseigner auprès
les marchés), distanciations entre les per- et diffuser les initiatives qui sont en train de la Confédération paysanne de son départe-
sonnes, absence de caddie, paniers à dis- de se mettre en place, pour donner aux ment. Pour la trouver :
position, interdiction du libre-service ou paysan·nes les instruments qui leur per- confederationpaysanne.fr/reseau.php
Apiculture : victoire juridique
Le tribunal correctionnel d’Orléans a rendu son jugement le 13 février sur le cas des cires altérées vendues par Thomas Apicul-
ture, un procès dans lequel la Confédération paysanne était partie civile.
En 2017, plusieurs apiculteurs et apicultrices ont constaté un effondrement de la cire des cadres de leurs ruches. Ce phénomène
affecte le nombre d’alvéoles. Il a pour effet de réduire la production de miel, le nombre des abeilles et met en péril, par voie de
conséquence, l’équilibre financier des élevages. Très vite, la suspicion s’est portée sur la société Thomas, basée dans le Loiret, four-
nisseur de nombreux apiculteurs et apicultrices.
Les prévenus – les deux gérants de la société – ont été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés : pratique com-
merciale trompeuse, vente de produits agricoles falsifiés, corrompus ou toxiques, non-information des acquéreurs d’un produit de
sa non-conformité portant sur une qualité substantielle, non-respect d’une mesure de consignation ordonnée par un agent de la
Répression des fraudes.
Le tribunal a condamné Thomas Apiculture à 15 000 euros d’amende – dont 10 000 euros avec sursis – et les deux dirigeants à
1 500 euros d’amende chacun avec sursis.
À la suite de cette décision, la Confédération paysanne demande que l’interprofession (InterApi) et l’Institut technique de l’abeille
se saisissent du dossier afin d’établir des protocoles de qualification et des contrôles rigoureux des lots de cires.
Mutagénèse: alerte avant les semis
À l’approche des semis de tournesol puis de colza, la Confédération paysanne a alerté – par lettre ouverte, le 4 mars, les produc-
teurs et productrices sur les conséquences de la décision prise par le Conseil d’État le 7 février : les récoltes « pourraient être éti-
quetées OGM » en cas de variétés issues de mutagenèse in vitro. « Le gouvernement a l’obligation dans les neuf mois, soit avant le
11 novembre, de faire retirer du catalogue officiel les variétés obtenues et multipliées par les techniques de mutagenèse in vitro (diri-
gée ou aléatoire) ou de suspendre l’autorisation de culture. Passé ce délai, elles ne pourront pas être cultivées et commercialisées sans
avoir obtenu au préalable une autorisation de dissémination d’OGM. En cas d’autorisation, elles devront être étiquetées et tracées tout
au long de la filière jusqu’au client final. » La Confédération paysanne réclame la transparence des semenciers sur les techniques
qu’ils utilisent pour obtenir leurs variétés.
6 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020Hommage
Jo Joseph Bourgeais – Jo – nous a quittés le 15 mars. C’était le doyen du comité de rédaction
de Campagnes solidaires. Pendant plus de 30 ans, il a notamment rédigé les écobrèves,
très documentées et professionnelles. Mais il n’était pas que cela.
J
oseph naît en janvier 1937 à Champi- reau (1936-1995). En 1972, à 35 ans, il tion et l’information paysannes), dont l’ob-
gné (Maine-et-Loire), dans une famille « passe » à la FDSEA (Fédération départe- jectif était de devenir une plate-forme de
modeste, catholique pratiquante, son mentale des syndicats d’exploitants agri- coopération large entre syndicalistes pro-
père sera proche du MRP (Mouvement répu- coles) qu’il quitte en 1974, avec une dizaine gressistes de diverses obédiences (forma-
blicain populaire, créé à la Libération), d’es- de membres du conseil d’administration, tion, information, études, échanges inter-
sence démocrate-chrétienne réformatrice. pour créer un syndicat « paysan-travailleur » nationaux…).
Il quitte l’école à quatorze ans, aide fami- dans le Maine-et-Loire. Il est très proche Il cède sa ferme en 1997 mais poursuit une
lial sur la ferme de ses parents. Il participe de Bernard Lambert (1931-1984), le prin- activité syndicale au sein de la commission
aux activités de la Jeunesse agricole catho- « Retraites » de la Confédération paysanne,
lique (JAC), mouvement de masse dont il devient responsable au
à l’époque. À 17 ans, il devient niveau national à partir de 2003 jus-
responsable cantonal et participe qu’à 2013.
au comité fédéral (départemental). Toutes celles et tous ceux qui
En 1960, Jo participe à l’équipe l’ont connu sont sincèrement affec-
nationale de la JAC en tant que tés par sa disparition, même si l’âge
permanent non salarié, gardant avançant et son état de santé se
son statut d’aide familial. Il a en dégradant ne poussaient pas à l’op-
charge le journal Militants à l’action timisme. Un autre membre du
et les campagnes thématiques comité de rédaction de Campagnes
annuelles de l’organisation. Il est solidaires, ancien porte-parole
élu président au congrès de fin national de la Confédération pay-
1961 qui transforme la JAC en sanne, Christian Boisgontier adres-
MRJC (Mouvement rural de jeu- sait ce petit mot à l’annonce du
nesse chrétienne), dans une décès de Jo : « Que de souvenirs
période où les relations de ce mou- partagés, de veillées ponctuées de
vement avec la hiérarchie de l’Église grands éclats de rire lors des réunions
catholique sont difficiles. Il occu- de notre commission des anciens
pera ce poste jusqu’en février 1964. quand il nous parlait de sa rencontre
Pendant son mandat, il rencontre, a l’Élysée avec de Gaulle ou de celle
en mai 1962, le pape Jean XXIII, avec le Pape, quand il était le premier
dans le cadre de la préparation du président du MRJC. Il disait encore
concile Vatican II (1962-1965). En qu’il aurait pu être le président de la
1965, il se marie avec Claudine Nol- Fnsea s’il avait accepté de collaborer
let qui fut permanente nationale à à la machine de guerre professionnelle,
la JECF (Jeunesse étudiante chré- ayant fait ses armes dans la lignée des
tienne féminine) puis devient père de deux cipal animateur du mouvement, paysan Debatisse ou Lacombe. Mais il n’en était pas.
filles: Anne (née en 1966) et Ghislaine (1967). dans la Loire-Atlantique voisine. Et ses colères quand il trouvait que les com-
En 1965, Jo est secrétaire général du CDJA Il participe alors à la rédaction du men- bats syndicaux étaient trop mous ! Mais quelle
(Centre départemental des jeunes agricul- suel de l’organisation, Vent d’Ouest, lancé fin belle histoire, il a écrit, de sa vie ! »
teurs) puis, de 1966 à 1972, membre du 1969, notamment pour les brèves et de Le dernier mot à Jean-Claude Moreau,
bureau régional des jeunes agriculteurs de petits articles, activité qu’il poursuit jusque lui aussi partenaire de longue date de Jo au
l’Ouest. Il présente, lors du congrès du 27 sep- dans Campagnes solidaires après la fonda- sein de notre comité de rédaction : « Nom-
tembre 1968, un rapport d’orientation Des tion de la Confédération paysanne, en 1987. breux sont ceux et celles qui auront le senti-
choix difficiles qui exigent une action syndicale Au long de son parcours syndical, Joseph ment que, s’ils ont quelque chose de pas trop
combative. Quelques semaines après les jour- Bourgeais reste à l’écart des structures poli- mauvais en eux, ils le doivent en particulier à
nées de Mai, le rapport marque une radica- tiques, y compris dans les années 1976- un homme comme Jo. » n
lisation des jeunes paysan·nes de l’Ouest. À 1977 où certain·es, à la direction des Pay- Benoît Ducasse, avec l’aimable autorisation
la tribune, derrière le rapporteur, un slogan sans Travailleurs, se réclament des dogmes de Serge Cordellier, militant de l’éducation
sur un grand calicot: OUI au développement marxistes-léninistes des communistes chi- populaire, auteur d’une note biographie plus
de l’agriculture, NON à l’écrasement des faibles! nois. Il explique ne pas s’être écarté d’une complète de Jo Bourgeais sur le site du
Notre homme devient administrateur église pour en rejoindre une autre. Dictionnaire biographique du mouvement
national du CNJA à partir de 1966, en En 1980, Joseph Bourgeais est cofonda- ouvrier/mouvement social :
compagnie notamment de Bernard Tha- teur de l’Afip (Association pour la forma- maitron.fr (copyright : Éditions de l’Atelier)
Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 /7Écobrèves
Écobrèves
Dissonance
Actualité
Le 13 mars, Nicolas Giroud,
porte-parole de la Confédéra-
tion paysanne, a participé à une
action symbolique près du
Pour un plan de transition sociale
Palais de l'Élysée, préparée par
plusieurs organisations non gou- et écologique de l’agriculture
vernementales. Le but était de
porter des portraits d’Emma- À l’occasion du Salon être une formidable opportunité vivre le dialogue entre monde agri-
nuel Macron pour dénoncer la
de l’Agriculture 2020, pour la transition agricole. cole et société civile.
dissonance entre ses discours et
la Confédération paysanne En dix ans, nous nous devons de Le dialogue et l’échange sont les
ses actes : le non-respect des
engagements climatiques de la et d’autres organisations sortir de ce modèle agro-industriel seuls moyens de construire un
France, la fragilisation du sys- syndicales ou associatives mortifère et de ses logiques de futur vivre ensemble.
tème social français et le creu- se sont engagées à rédiger concentration, agrandissement, Nous croyons à un nouveau
sement des inégalités, mais un plan de transition sociale spécialisation, compétitivité-prix contrat social pour des systèmes
aussi la casse des services et écologique de l’agriculture et industrialisation de la produc- alimentaires équitables et durables.
publics et notamment celle du française. Les travaux tion agricole. Nous savons ainsi que la transi-
secteur hospitalier, une casse devraient démarrer Ce plan devra permettre une tion agricole et alimentaire ne se
dont les effets se font cruelle- prochainement. réorientation des politiques fera qu’avec les paysan·nes. Nous
ment sentir aujourd'hui. publiques pour développer l’emploi avons besoin de paysannes et de
Action symbolique mais répres-
A
lors que l’État préfère cri- agricole et rural et soutenir le redé- paysans nombreux dans nos cam-
sion sans détour : une dizaine minaliser les opposant·es ploiement de l’agriculture paysanne pagnes pour réussir ce plan : il
de participant.es arrêté.es et à l’agro-industrie par sa et biologique et la relocalisation de nous faut un million de paysan·nes
mis.es en garde à vue, dont
cellule autoproclamée Demeter nos systèmes alimentaires. pour répondre à l’urgence sociale
Khaled Gaiji, le président des
Amis de la Terre, et Aurélie
(cf. dossier), que l’État, en coges- et climatique.
Trouvé, porte-parole d'Attac. tion avec la Fnsea, organise le Agir rapidement Nous sommes conscient·es que
maintien du statu quo au lieu En parallèle, l’urgence clima- notre modèle agricole doit chan-
Solutions d’engager la transition, nous avons tique et écologique nous saute aux ger pour répondre aux enjeux
La mission interministérielle décidé d’unir largement nos forces yeux et nous appelle à agir rapi- actuels : changement climatique,
sur le suicide des agriculteurs pour l’avenir de notre agriculture dement et efficacement. En dix effondrement de la biodiversité,
rendra ses recommandations d’ici 2030. ans, nous nous devons de chan- qualité de l’eau, alimentation de
dans cinq mois. C’est ce qu’a Dans les dix ans à venir, la moi- ger de modèle social et écono- qualité accessible à tou·tes, emploi,
indiqué le ministre de l’Agri- tié des paysan·nes partiront à la mique pour répondre à cette rémunération paysanne… Nous
culture en remettant, le retraite. Sans installations à la hau- urgence. Sobriété et relocalisation nous devons d’y répondre.
10 mars, sa lettre de mission
teur, nos territoires se videront et sont indispensables pour atténuer Les soutiens à l’agriculture indus-
au député Olivier Damaisin
l’industrialisation poursuivra son le changement climatique et trielle doivent cesser. Nous reven-
(LREM). Celui-ci a été chargé
d’enquêter sur la prévention
œuvre destructrice de l’autono- accroître la résilience de nos sys- diquons une politique ambitieuse
et l’accompagnement des agri- mie, de la rémunération paysanne tèmes alimentaires locaux pour y d’accompagnement des paysan·nes
culteurs en difficulté. Le député et de la planète. faire face. à la transition agricole et alimen-
du Lot-et-Garonne a indiqué L’urgence sociale dans les cam- Nous sommes collectivement taire, en commençant par la Pac
avoir connu de près le suicide pagnes est là ! Pourtant, si nous convaincu·es que la solution est et l’enseignement agricole. Ceci
paysan et s’est dit surpris relevons ce défi de l’installation, de traiter conjointement urgence afin de sortir les paysan·nes du
« qu’on puisse quasiment tous cette nécessité de transmettre peut sociale et écologique en faisant piège tendu par l’agro-industrie et
connaître cette situation et les politiques mises en place depuis
qu’on ne trouve pas les solu- cinquante ans. Cette évolution du
tions ». Sans doute que ça ne modèle, proposée à tou·tes, répon-
résoudra pas tout, mais chan-
dra aux enjeux de revenu paysan,
ger les politiques publiques qui
de dynamique territoriale, aux
précipitent paysannes et pay-
sans dans la faillite, la préca-
droits sociaux, à la santé des popu-
rité et le burn-out, ça pourrait lations et de l’environnement, au
être une piste…
climat et à la biodiversité. n
Un chiffre
9 Français sur 10 qualifient les Premiers signataires : Nicolas Girod,
paysan·nes d’« utiles » et porte-parole de la Confédération pay-
sanne, Jean-Marie Le Boiteux, secré-
« courageux », ou encore de
taire général du SNETAP-FSU, Cécile
« passionnés », sondage de
Duflot, directrice générale d’Oxfam
Odoxa-Dentsu Consulting pour
France, Anne-Laure Sablé, chargée de
franceinfo et Le Figaro, à la
campagne Agriculture des Amis de
veille de l’ouverture du Salon
la Terre, Jean-François Julliard, direc-
de l’Agriculture 2020. Parmi
teur général de Greenpeace, Éric Bey-
les autres adjectifs utilisés, on « Nous avons besoin de paysannes et de paysans nombreux dans nos campagnes pour
réussir ce plan : il nous faut un million de paysan·nes pour répondre à l’urgence sociale nel, porte-parole de Solidaires, Auré-
trouve aussi « sympathiques » lie Trouvé, porte-parole d’Attac.
et climatique. »
(77 %) et « proches des gens »
(70 %). Et donc certain·es
crient à l’« agribashing »… 8 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020Écobrèves
Écobrèves
Actualité Prévisions
Lors du colloque de l’innova-
tion céréalière, Phloème (29
et 30 janvier), les effets mar-
Fruits et légumes quants du réchauffement cli-
matique dans les années à
Le tomatovirus, un grand danger venir ont été mis en avant. Il
faut s’attendre à une recru-
descence d’événements
pour les cultures de tomate extrêmes pour toute la France.
Les vagues de chaleur seront
Une histoire presque banale, Où est la logique ? Plus l’indus- vement adaptée. La Confédéra- plus longues en durée et en
intensité, tout comme les
ou quand les cultures trie standardise, plus elle simpli- tion paysanne a donné son aval
vagues de froid. Les pluies
industrielles essaiment fie le vivant et plus celui-ci lui à ce programme, sous condition
exceptionnelles d’hiver ne
de nouveaux virus. Cette répond ! d’une cotisation spécifique (dont seront plus limitées aux Pyré-
fois-ci, ce sont les tomates Très vite, la « profession » se sai- les modalités restent à définir) nées et au Sud-Est. Leur fré-
qui sont en danger, menacées sit du sujet, tant l’organisation de proportionnelle au chiffre d’af- quence et leur durée augmen-
par un virus provenant productrices et producteurs faires. teront. La sécheresse gagnera
des serres de culture impactés (OP) que l’interprofes- La où en tant que syndicalistes du terrain : la Nouvelle Aqui-
intensive du Moyen-Orient. sion nationale des fruits et légumes paysans nous sommes circons- taine et l’Occitanie seront par-
(Interfel). pects, c’est sur la mise en place du ticulièrement touchées. La
E
n 2014 apparaît un nouveau Le virus se propage d’un pays à plan de lutte et sur les méthodes sécheresse d’automne sera plus
virus dans des serres israé- l’autre, comme on l’a vu par les de prévention annoncées qui sont importante au Nord, la prin-
liennes sur des variétés plants et les semences, mais aussi inadaptés aux fermes diversifiées, tanière et l’estivale s’étendront
hybrides de tomates. Il impacte la par les cageots, les palettes, les en circuit court notamment : partout. Les risques d’incen-
culture en la rendant invendable. vêtements, etc. Le risque de pro- rédaction d’un plan de culture die vont croître de 40 % au
Il se répand rapidement dans pagation à toutes les serres de doublé d’un plan de circulation Sud et frapperont des zones
jusqu’à maintenant non
d’autres pays, compte tenu de l’ho- tomates, quel qu’en soit leur mode des personnes et des cageots dans
concernées…
mogénéisation des modes d’ob- de production, est bien réel. la ferme…
tention des semences et des modes Il a été acté que le ministère À moyen terme, c’est-à-dire dès Procrastination
intensifs de culture. français de l’Agriculture devait la saison 2021, le ministère devra D’après une étude réalisée par
Le virus atteint le territoire métro- mettre en place un plan de lutte avoir impulsé une politique de le cabinet Carbone 4 pour les
politain français en ce début d’an- et, qu’étant donné qu’aucun trai- relocalisation (que nous prônons organisations à l’origine de l’Af-
née 2020. Il arrive d’abord dans des tement n’existe, une indemnisa- depuis toujours) de toute la faire du siècle (Notre affaire à
serres bretonnes hors sol, par des tion des producteurs et produc- filière, de la semence à la distri- tous, la Fondation pour la
plants britanniques issus de trices devait être effective. Pour bution. Nature et l’Homme, Green-
semences vraisemblablement néer- ce faire, les dirigeants du Fonds Au plus vite, pour enrayer la dif- peace et Oxfam), la France
landaises ou péruviennes… national agricole de mutualisation fusion de cette maladie, il est n’atteindra pas la neutralité
sanitaire et environnemental nécessaire d’interdire l’importa- carbone avant 2085, si l’on
(FMSE) se sont réunis lors du tion des plants pour les jardine- considère la réduction
Redoutable pour Salon de l’Agriculture, fin février, ries, dont le potentiel de dissé- moyenne de ses émissions sur
les cultures à haute et ont acté qu’une « cotisation mination du virus en plein champ la période 2011-2017. Dans la
densité nouvelle version de la Straté-
volontaire étendue » sera lancée est considérable et pourrait ruiner
On l’a baptisée Tomato brown gie nationale bas carbone
pour éviter qu’un trop grand toute mesure de biosécurité prise
rugose fruit virus (ToBRFV). Chlo- (SNBC), dont la consultation
nombre de producteurs et pro- par ailleurs. n
roses, mosaïques et marbrures s’est terminée début mars, le
ductrices soit en difficulté. Cette Jonathan Chabert,
gouvernement a fixé l’objectif
sur les feuilles des plantes, tâches
nécrotiques sur les pédoncules, réaction à court terme est relati- paysan dans les Côtes-d’Armor de neutralité pour 2050. Or,
déformation des fruits, symp- en 2020, le volume d’émis-
tômes de rugosité… La liste des sions projeté aurait déjà été
conséquences de cette maladie atteint le 5 mars, d’après les
virale sur les plants de tomate et études de Carbone 4. Une date
leurs fruits est longue, rendant que les associations nomment
les produits invendables. Selon « jour du dérèglement », et à
l’Agence nationale de sécurité partir duquel « l’État français
sanitaire de l’alimentation est donc à découvert climatique
(Anses), le virus peut infecter jus- et aggrave son impact sur le
qu’à 100 % des plantes sur un
dérèglement de la planète ».
site de production, ce qui le rend
redoutable pour les cultures à
haute densité de plantation
Un chiffre
comme les cultures sous serre. En 2018, le cap de 2 millions
En revanche, il n’a pas d’impact d’hectares cultivés en bio en
sur l’homme. Mais le poivron et France a été franchi, selon
l’aubergine y seraient aussi sen- l’Agence Bio. Ce qui représente
sibles. 7,5 % de la surface agricole,
contre 6,5 % en 2017. Il oscil-
lerait entre 8 % et 9 % fin
Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020 / 9 2019.Écobrèves
Écobrèves
Quand l’homme Actualité
favorise les
épidémies
C'est le titre d'un article paru en
septembre 2014 sur le site
d'info du Centre national de la
Quand l’argent public finance de très
recherche scientifique (CNRS) (1),
interview du biologiste Fran- controversés élevages industriels
çois Renaud. On y apprend ou
rappelle ceci (extrait) :
«Il y avait un milliard d’individus
de poulets
en 1800, il y en a aujourd’hui
Le conseil régional de Bretagne soutient financièrement la filière avicole industrielle, au nom
sept milliards, et l’on parle de de l’emploi et en souhaitant orienter la production vers une meilleure qualité. Mais ce sont
neuf milliards demain… Pour les surtout les industriels qui en profitent et les paysan·nes restent coincé·es dans un modèle
nourrir, on a généralisé l’élevage instable, aux conséquences écologiques et sociales négatives.
industriel intensif partout sur la
planète. Ce faisant, on a consti-
L
e 5 octobre dernier, 300 per- en liquidation judiciaire. La col- ses prix, et le rémunérera. En choi-
tué une niche écologique rêvée
sonnes sont rassemblées lectivité est actionnaire à hauteur sissant ce modèle, l’agriculteur
pour les pathogènes. Prenez
H5N1, le virus de grippe aviaire devant la mairie de Néant- de 5 % – participation qu’elle por- arrête de cultiver ses six hectares
apparu en Asie dans les années sur-Yvel, dans le Morbihan. Elles tera à 33 % d’ici 2021, soit 2 mil- de terres servant à alimenter ses
1990, avant de défrayer la chro- manifestent leur inquiétude face lions d’euros –, aux côtés du groupe poulets et à composter les
nique en Europe dans les années au projet agro-industriel d’un sarthois LDC, leader européen dans effluents. Ceux-ci seront désor-
2005-2006. À l’origine, H5N1 jeune agriculteur local qui compte la production de volaille, de l’im- mais exportés par camion par la
est un virus d’oiseau extrême- multiplier par cinq la capacité de portateur saoudien Al Munajem et société Terrial, une filiale com-
ment virulent, mais peu efficace
son élevage, de 40 000 à 192 500 de deux coopératives agroalimen- mune au groupe Avril. Le projet
à l’état sauvage : il tue son hôte,
l’oiseau, très rapidement – d’où poulets. La fébrilité est palpable : taires, Terrena et Triskalia. devient complètement hors sol.
une transmission à d’autres hôtes un autre éleveur de volaille de la L’objectif : reconquérir le marché « Bien sûr, il vaut mieux faire de la
limitée. C’est l’élevage indus- commune, en grande difficulté français, malmené par la concur- volaille chez nous de manière maîtrisée
triel qui a créé les conditions de économique, s’est donné la mort rence venue d’Europe de l’Est. La que d’importer des produits faits n’im-
son succès, grâce à une concen- la semaine précédente. Une Bretagne fournit déjà 40 % de la porte comment en Ukraine, déplore
tration exceptionnelle d’oiseaux minute de silence précède la prise production nationale de volaille de Arnaud Clugery, président d’Eaux
et une promiscuité des volatiles
de parole de la Confédération pay- chair. L’arme de cette reconquête et Rivières de Bretagne. Mais nous
favorisant la transmission du
virus. Le passage à l’homme, sanne qui dénonce le piège du est la Société bretonne de volaille aurions préféré un plan national qui
malgré la barrière inter-espèces, surendettement dans un système (SBV), crée par LDC pour porter relocalise la production de volailles
a fini par se faire du fait de cette d’élevage intensif. L’association ses investissements dans la région, au plus près des territoires en capa-
concentration de volailles en un Eau et Rivières de Bretagne, le col- dont la construction d’un nouvel cité de produire des céréales et de
seul endroit et de conditions lectif « Non à la ferme usine de abattoir à Châteaulin (Finistère) recevoir la matière organique, plutôt
sanitaires dégradées. C’est un Brocéliande », le syndicat Soli- d’ici 2021, dans laquelle la région que d’exporter les fientes dans les
jeu d’essai-erreur : en théorie, le
virus aviaire n’est pas transmis-
daires et le Collectif de soutien investit pas moins de 12,7 millions grandes plaines céréalières. »
sible à l’homme, mais à force aux victimes de pesticides dénon- d’euros. Pour la reconquête du marché
d’essayer, il finit par passer… Le cent également les impacts envi- intérieur, le conseil régional sou-
même scénario ou presque s’est ronnementaux de l’extension, sou- « Construisez haite une « montée en gamme » : du
reproduit en 2009 avec le virus mise à une enquête publique. des bâtiments, on va poulet lourd, pesant 2,1 kg contre
H1N1, apparu dans les élevages Outre sa taille industrielle, une vous donner du travail » 1,6 kg pour le poulet export dont
de porcs au Mexique. »
autre particularité du projet contro- « Pour être compétitif, nous devons la région s’était fait une spécialité,
Pour le biologiste : « On n’éra-
versé agace : il est en partie financé être capables de produire bon et pas surtout à destination du Moyen-
dique pas un pathogène, on
apprend à vivre avec. C’est un par le conseil régional de Bretagne cher, explique Ronand Tonarelli, le Orient. Cela implique des instal-
travail long et fastidieux (…) Pour qui soutient allègrement la filière directeur de SBV. La région nous lations un peu moins low cost :
ce faire, il faut comprendre la volaille locale. 20 millions d’euros accompagne parce qu’avec un nou- lumière naturelle (fenêtres) à la
totalité des événements qui ont d’argent public y sont investis vel outil d’abattage, on peut inciter place des néons dans les bâtiments
conduit à son émergence (…) depuis 2018, à travers des prises les éleveurs à investir et nous enga- d’élevage, dalle de béton à la place
Cela demande une approche glo- de participation actionnariales, la ger sur le long terme, avec eux et les de la terre battue et une durée d’éle-
bale des épidémies dans toutes
construction ou modernisation banques, en disant : construisez des vage qui va jusqu’à 40 jours, contre
leurs composantes, biologiques,
mais aussi environnementales et d’usines et différents investisse- bâtiments, on va vous donner du tra- 20 jours pour le poulet exporté.
sociales. » ments. La « ferme-usine » de vail. » D’où le choix, malgré les Ces arguments pour le poulet
(1) lejournal.cnrs.fr Néant-sur-Yvel a ainsi bénéficié impacts environnementaux, de made in France ont cependant du
d’une subvention de 50 000 euros. financer aussi l’agrandissement mal à passer. Les exportations sont
Un chiffre Cette politique publique inter- d’élevages afin d’alimenter cette au beau fixe, un an après la liqui-
88 % des Français·es préfèrent roge, d’autant qu’elle profite aussi reconquête. dation judiciaire de Doux. 340000
le modèle des « petites exploi-
tations qui privilégient la qua-
à de gros industriels. La Région est LDC est justement l’intégrateur têtes sont abattues chaque jour à
lité des produits » à celui des ainsi actionnaire d’une entreprise de l’éleveur portant le projet à l’abattoir de Châteaulin, dans lequel
« grandes exploitations qui pri- agroalimentaire, Yer Breizh (« la Néant-sur-Yvel. L’éleveur restera la société saoudienne Al Munajem
vilégient la quantité pour res- poule bretonne »), créée en propriétaire et investira en son a augmenté son capital, passant de
ter compétitives » (sondé·es décembre 2018 pour reprendre les nom propre, LDC lui vendra les 100 000 à 5 millions d’euros. La
par Odoxa-Dentsu Consulting activités du groupe volailler Doux, poussins et les aliments en fixant région y a également injecté 1,2 mil-
pour franceinfo et Le Figaro, à
la veille de l’ouverture du Salon
de l’Agriculture 2020). 10 \ Campagnes solidaires • N° 360 avril 2020Vous pouvez aussi lire