Campagnes solidaires - Confédération Paysanne
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CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 1 Campagnes solidaires N° 349 avril 2019 – 6 €– ISSN 945863 Mensuel de la Confédération paysanne Dossier Plaidoyer pour les petites fermes Semences et OGM Contamination, questions et conséquences
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 2 Sommaire Dossier Plaidoyer pour les petites fermes Vie syndicale 4 Salon de l’agriculture, apiculture, lait, élevage, retraites, Grand débat… Actualité 7 Partage d’expériences pour les paysannes et paysans européens 8 Terrena condamne l’emploi et les circuits courts 9 Peste porcine africaine Menaces sur l’élevage plein-air de porc 10 Semences et OGM Contamination, questions et conséquences 11 Forte mobilisation pour la reconnaissance des PNPP Le 17 décembre 2018, l’assemblée générale de l’ONU 12 Agriculture et société Manger de la viande ? adoptait la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones Point de vue rurales. 13 Des aides à la cotisation pour les petites fermes C’était là l’aboutissement de 17 ans de travail, de débats et de combats pour la validation de cette déclaration ini- Agriculture paysanne tiée et proposée par la Via campesina, réseau mondial d’or- ganisations paysannes et rurales auquel adhère la Confédé- 14 Ain Les évolutions d’une ferme de la Dombes ration paysanne. Initiatives Comment ce bel objectif a-t-il pu être atteint ? Un livre en témoigne : les moments forts, les rapports de force, les 16 Hérault Près de Montpellier, une commune installe stratégies et les étapes de cette incroyable aventure sont ici deux chevriers relatés. La Déclaration y est également présentée : un instrument 18 Côtes-d’Armor Trémargat passe à la Saga indispensable pour une alimentation saine, les semences 19 Paysan·nes Un mot, des images, une histoire paysannes, la préservation de l’environnement, de la biodi- versité, et la protection des producteurs de nos aliments eux- Culture mêmes. Un instrument pour bien d’autres luttes futures 20 Film Un lien qui nous élève communes… Le livre contient beaucoup d’infos, d’analyses, de témoi- 21 Film Le portrait d’une femme, le combat d’une éleveuse gnages. Édité par le Centre Europe – Tiers-monde (Cetim), une ONG basée à Genève depuis 1970, il est préfacé par 22 Abonnement Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial auprès de l’ONU sur 23 Annonces la question du droit à l’alimentation dans le monde. La Déclaration de l’ONU sur les droits des paysan·nes, Action Outil de lutte pour un avenir commun, Coline Hubert, 2019, 24 Le 16 mars, la Confédération paysanne a marché pour 200 pages, 20x12, Cetim, 13 euros cetim.ch/product/declaration-de-lonu-droits-paysan-ne-s la justice climatique et sociale Mines de plombs 2 \ Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 3 On l’ouvre Repartir au combat Les élections aux chambres d’agriculture viennent de clore un cycle. Notre résultat est bon, obtenu dans un contexte ou le repli corporatiste instrumentalisé par la Fnsea, sous la bannière de l’agribashing, a contraint nombre de paysannes et de paysans à serrer les rangs derrière la grande maison. Nous avons, avec nos quasi 21 %, un réel vote d’adhésion qu’il va falloir faire fructifier dans les années à venir. Nous sommes porteurs d’un projet de transformation agricole qui passera inévitablement par une transformation sociale de la société. Nous n’avons eu de cesse de le dire durant nos campagnes contre le réchauffement climatique, contre l’industrialisation des territoires et de notre alimentation. Nous passons une partie de nos vies à défendre les plus en difficultés, les délaissés du système qui vient de les broyer. Nous accompagnons au quotidien, via les associations pour le développement de l’emploi agricole et rural, la transition des systèmes agricoles. Nous sommes syndicalistes! Nous devons continuer à lutter, à poursuivre ce syndicalisme de combat récemment illustré par les neuf militants gardés à vue et jugés à Amiens pour avoir osé entraver le délire de la ferme-usine des 1000 vaches et, avec lui, l’accaparement des terres, la massification et la concentration des productions agricoles. À Amiens, la Confédération Laurent Pinatel, paysanne s’est réunie à plusieurs reprises pour dire stop à l’industrialisation de nos vies! paysan dans la Loire, porte-parole national Désormais s’ouvre une phase post-élection. À l’issue du congrès – à Tours, les 17 et 18 avril – Mensuel édité par : une nouvelle équipe va écrire une nouvelle page de la Confédération paysanne. Une équipe va l’association Média Pays s’en aller… Pas pour se lancer en politique avec la République en marche – c’est un truc de jeunes 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 JA, ça ! – mais pour redevenir paysannes et paysans à temps plein. Parce qu’à la Confédération campsol@confederationpaysanne.fr paysanne, nous sommes ancrés dans la réalité de nos cantons, de nos communes, au contact www.confederationpaysanne.fr permanent avec nos collègues de Cuma ou d’équipes d’entraide, de la vraie vie… Et la vraie vie www.facebook.com/confederationpaysanne des paysannes et des paysans mérite que nous déployions toute notre énergie pour sauver Twitter : @ConfPaysanne ce monde, cette profession qui se scinde en deux et laisse sur le chemin des pendus, des noyés, Abonnements : 01 43 62 82 82 des familles en ruine tant morale que financière… abocs@confederationpaysanne.fr Il est de notre devoir, lors du congrès de Tours, de faire entendre nos voix pour donner Directeur de la publication : Laurent Pinatel un horizon, un cap aux déboussolés d’un système tombé aux mains des marchands, Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle des multinationales de l’agro-alimentaire, avec l’assentiment de politiques hors-sol, plus soucieux Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse de leur patrimoine et de leur carrière que nos vies. Maquette : Pierre Rauzy Dessins : Samson, Denys Moreau Alors, il va falloir reprendre la route, passer des soirées, des journées en réunions, convaincre, Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin fédérer, encore et encore donner du temps et de l’énergie pour porter l’autre voie, celle Comité de publication : Christian Boisgontier, de la transition agricole, celle de paysannes et de paysans heureux et sereins, avec l’appui Jo Bourgeais, Michel Curade, Joël Feydel, des autres citoyen·nes! Temanuata Girard, Florine Hamelin, À l’heure où le temps est venu pour moi de rejoindre ma ferme et celles et ceux qui l’ont gérée Véronique Léon, Jean-Claude Moreau pour me permettre d’exercer au mieux mon mandat de porte-parole, je suis serein, et confiant. Impression : Chevillon 26, boulevard Kennedy La Confédération paysanne, les confédérations paysannes, tant en régions qu’en départements, BP 136 – 89101 Sens Cedex ont démontré que le travail de terrain paye, que nous sommes audibles, que notre projet CPPAP n° 1121 G 88580 est réellement dans le vrai! N° 349 avril 2019 Plus que jamais, restons pertinents et impertinents et donnons rendez-vous aux puissants, Dépôt légal : à parution aux « grands » de ce monde dès que l’occasion va se présenter, pour les interpeller, pour Bouclage : 26 mars 2019 dénoncer, pour proposer et construire un horizon radieux pour toutes et tous! Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019 /3
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 4 Vie syndicale Bilan du Salon de l’Agriculture 2019 A u cours du Salon (du 23 février au 3 mars), la Confédération paysanne a rencontré le Président de la Répu- blique (le jour de l’inauguration) et le Pre- Nous pouvons souligner la forte affluence de parlementaires, et notamment de par- lementaires européens ou candidats aux européennes de tous bords sur notre stand, Enfin, rappelons l’action menée le 26 février au Salon pour interpeller les pouvoirs publics, la Safer et Enerdis sur les menaces d’artifi- cialisation de 3 000 hectares de terres agri- mier ministre, avec les autres syndicats. surtout des élu·es avec qui nous avons une coles près des centrales nucléaires du pays, Trois ministres se sont arrêtés pour discu- habitude de travail ou qui travaillent sur les a priori pour le démantèlement de celles- ter sur le stand : Didier Guillaume (Agricul- dossiers agricoles. ci (cf. CS n° 348). ture), François de Rugy (Transition écolo- Le Salon est l’occasion de rencontrer et de Niveau médias, la Confédération pay- gique) et Marc Fesneau (ministre chargé dialoguer avec de nombreuses associations sanne a bénéficié d’une couverture diver- des relations avec le Parlement). Les thèmes agricoles ou para-agricoles, les associations sifiée. La présence de plusieurs paysan·nes, abordés pendant ces réunions ont été nom- de races à petits effectifs, par exemple, avec dès le début voire la veille de l’ouverture breux : les relations commerciales, la pro- qui des échanges s’étoffent depuis deux du Salon, a permis de répondre positive- chaine Pac, le foncier, la prédation (avec la ans. Le voisinage du stand de la plateforme ment à de nombreuses sollicitations : mati- présence du président du Centre d’études Pour une autre Pac a permis des temps de nale et plateau télé de France Info, mati- et de réalisations pastorales Alpes-Médi- travail plus formels avec certaines associa- nale de RTL, émission économique de terranée), les problématiques des DOM et tions adhérant à la plate-forme aux côtés France 24, direct de Public Sénat… Les les résultats des élections aux chambres de la Confédération paysanne. Deux orga- demandes ont ensuite été satisfaites jus- d’agriculture… Phil Hogan (commissaire nisations syndicales de salarié·es de l’agri- qu’à la fin, avec notamment la participa- européen à l’Agriculture) et Michel Barnier culture et du para-agricole sont également tion de Laurent Pinatel, porte-parole natio- sont également venus sur le stand pour dis- venues à notre rencontre pour des temps nal, au grand journal du soir d’Europe 1, le cuter (brièvement) Pac et Brexit. de discussion et de travail : la CGT-FNAF et vendredi 1er mars. Des réunions de travail se sont tenues ou le SNUITAM. Parallèlement, une animation des « réseaux ont été obtenues avec le cabinet du ministre Des paysannes et paysans de différentes sociaux » (Twitter et Facebook) a permis de de l’Agriculture, comme avec les services du régions ont accueilli les visiteurs et visi- relayer chaque jour, avec des visuels, cha- ministère. Didier Guillaume a accepté l’in- teuses sur le stand. Deux conférences – sur cun des débats/thèmes abordés sur le stand vitation de participer à notre congrès (à un peu tous les thèmes d’actualité – ont été de la Confédération paysanne. n Tours, les 17 et 18 avril). tenues quotidiennement sur le site. Maxime Bergonso et Caroline Nugues Enquête pour Déni de démocratie l’interprofession apicole chambre Le 13 mars se déroulait à Nantes la session d'installation de la d'agriculture régionale des Pays de la Loire. Les syndi- cats Fnsea-JA étant arrivés en tête dans quatre départements L’interprofession apicole Interapi, récemment créée, sur cinq ont logiquement obtenu la présidence. construit son projet de filière depuis maintenant un an. La logique démocratique aurait voulu que chaque président de Impliquée dès sa création, la Confédération paysanne chambre départementale puisse être vice-président de la chambre souhaite faire de cet outil interprofessionnel une structure régionale, comme à l'accoutumée. Mais si c'est bien le cas pour démocratique, gérée en transparence et en interaction les présidents départementaux issus des rangs de la Fnsea, le pré- avec celles et ceux qui font la filière des produits sident confédéré de la chambre de Loire-Atlantique, Dominique de la ruche, contrairement aux interprofessions classiques Deniaud, est relégué sans concertation sur un strapontin... en 6ème existantes. C’est une condition incontournable pour que secrétaire adjoint. cette structure soit une vraie réponse aux besoins Alors que l'échelon régional s'impose de plus en plus, l'absten- du terrain, d’autant plus qu’elle suppose à terme tion record du dernier scrutin devrait appeler à un sursaut dans des cotisations de la part des apiculteurs et apicultrices, la représentation et dans le fonctionnement pluraliste des des conditionneurs et distributeurs. C’est pourquoi nous chambres pour réconcilier les paysan·nes avec leur institution. avons milité fortement pour qu’une large consultation La Confédération paysanne des Pays de la Loire demande à ce que la chambre régionale d'agriculture reconnaisse la victoire de se fasse auprès de l’ensemble des apiculteurs et la Confédération paysanne en Loire-Atlantique en mettant tout apicultrices de plus de 50 ruches. C’est chose faite ! en œuvre pour que l'alternance démocratique soit respectée. L’idée est de faire remonter les préoccupations prioritaires La Confédération paysanne des Pays de la Loire dénonce par quant au projet d’interprofession et les remarques, ailleurs la quasi-absence de femmes (1 sur 12) au bureau de la qu’elles soient positives ou négatives. chambre régionale d'agriculture, un mépris de la parité dans la Le questionnaire (à partager avec vos confrères représentation régionale qui interpelle gravement. et consœurs) est en ligne sur : Source : communiqué de presse interapi.limequery.com/844983?lang=fr de la Confédération paysanne des Pays de la Loire (14/3/2019) 4 \ Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 5 Vie syndicale Contractualisation Être plus forts face aux agissements des laiteries L a loi Egalim, adoptée fin 2018, a intro- duit le principe « d’inversion de la contractualisation », c’est-à-dire que la proposition initiale de contrat revient La peur de ne plus être collecté, le fait de devoir être à l’initiative du contrat – et ce dans un délai raccourci – engendrent une réelle pression sur le producteur au point tement de ces industriels. Cette attitude nous conforte dans la nécessité du regroupement en organisations trans- versales de producteurs fortes, qui ne au producteur ou à son organisation de de se sentir contraint de déléguer cette soient pas inféodées à des industriels. producteurs (OP). Or, des acheteurs indus- proposition d’avenant à son acheteur. Ache- C’est la voie à suivre pour une meilleure triels comme Lactalis ou Danone profitent teur qui ne manquera pas d’imposer son défense collective des productrices et scandaleusement de l’évolution de ce cadre contrat et la détermination du prix qui en producteurs de lait. réglementaire pour fragiliser davantage découle. Nous souhaitons aussi alerter l’État : encore les productrices et producteurs iso- Face à cela, nous appelons les produc- l’inversion de la contractualisation est lés et s’attaquer à la défense collective des trices et producteurs concernés à ne pas se insuffisante sans une action contraignante intérêts des éleveurs laitiers. paniquer, à ne pas signer l’éventuel ave- pour rééquilibrer le rapport de forces Ainsi, des productrices et producteurs de lait nant proposé par leur acheteur et à rejoindre actuel entre laiteries et producteurs. Sous non-membres d’une OP ou membres d’une les organisations de producteurs transver- peine d’acter définitivement l’abandon OP transversale, France Milk Board (FMB), sales FMB sur leur territoire. Ils seront ainsi de celles et ceux-ci par les pouvoirs publics ont reçu un courrier de leur acheteur leur couverts par la proposition d’accord-cadre à la loi du marché, l’ordonnance sur les signifiant qu’ils devaient dans un délai très réalisée par l’OP à laquelle ils auront donné prix abusivement bas et le retour à des court annoncer s’ils proposaient un avenant mandat. outils de régulation du marché doivent à leur contrat de leur propre chef ou s’ils délé- Membre fondatrice de FMB, la Confé- relever ce défi. n guaient cette charge à leur acheteur. dération paysanne dénonce le compor- (communiqué du 19/3) Roulez, Une batterie Pan sur la carte jeunesse ! qui fait du bruit et le tableau ! À l’approche du congrès national La Confédération paysanne du Doubs Deux erreurs nous ont été qui se tiendra les 17 et 18 avril, et les habitant·es de Flangebouche, au cœur de l’AOC Comté et de la zone signalées suite à la publication, à Tours, c’est la saison des assemblées IGP de la saucisse de Morteau, se battent dans notre précédent numéro, générales annuelles pour la plupart contre un projet d’élevage de poulets en des structures départementales batterie . Le bâtiment de 1 530 m2 des résultats des élections abriterait 33 000 poulets (soit 22 poulets de la Confédération paysanne. par mètre carré). Avec plusieurs rotations de janvier 2019 aux chambres L’occasion pour l’une des plus jeunes par an, ce sont 200 000 volailles d’agriculture. Sur la carte, en une, de fêter ses 20 ans : la Confédération qui pourraient être élevées ici, chaque année. la Mayenne n’apparaît pas sous paysanne du Vaucluse a en effet été C’est le groupe LDC connu pour fondée le 16 mars 1999 ! la bonne couleur, la rouge, celle les marques Le Gaulois, Maître Coq, Loué À l’issue de son AG anniversaire, ou Poulets de Bresse qui porte ce projet. des structures départementales Jérémy Coley, porte-parole ce 16 mars, elle a invité de la Confédération paysanne de la Confédération paysanne du Doubs les associations citoyennes locales et du Territoire de Belfort : « C’est ayant obtenu plus de 25 % pour « envisager deux chantiers un projet qui n’a rien à faire dans notre de lutte » contre deux beaux département, ni en France. Ce n’est pas des voix. Dans le tableau du tout la demande des consommatrices symboles locaux de l’agriculture et des consommateurs qui veulent des résultats (p. 4 et 5), il faut industrielle : un poulailler de 29 990 des produits respectueux de ajouter un élu à la Confédération poules à Valréas et une « usine l’environnement et des animaux. » Et de s’étonner que ces volailles soient paysanne de Corrèze qui en aura à salades » de 38 000 m2 de serres nourries aux tourteaux de soja OGM alors à Villelaure. que l’utilisation des OGM est interdite ainsi deux pour la mandature 20 ans et pleine d’énergie ! en zone de production du Comté. qui vient de s’ouvrir. Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019 /5
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 6 Le ruraleur Le ruraleur Maman bobo ! Vie syndicale Dans leur coffre à neurones, sursaturé de graphiques et d’équations absconses, les génies de la gestion gouver- Retraites agricoles nementale estiment que les paysannes et les paysans, mal- Une pension au niveau du minimum gré les pesticides, sont un modèle de rude santé. Alors vieillesse tout de suite ! pourquoi maintenir des centres médicaux ou des hôpitaux en milieu rural avec des citoyen·nes à la couenne si dure ? L a Confédération paysanne a profité du Salon de l’Agriculture pour faire le point sur le chantier des Confédération paysanne rappelle le niveau actuel indécent de la pension agricole moyenne (740 euros) pour une carrière ment sur le niveau de ce seuil minimal pour l’avenir. Les pay- sans et paysannes aujourd’hui retraité.es mais aussi celles et retraites agricoles. Elle a invité complète de cotisations. C’est ceux qui arrêteront leur activité À l’heure où les responsables la Caisse centrale de la MSA en le plus faible niveau national ! avant la mise en application de veulent envoyer des milliers la personne de son président la future réforme, ont besoin de fonctionnaires tester les services de Pôle emploi, la fer- Pascal Cormery et le Haut-com- Considération d’un peu de considération, et il meture de ces espaces qu’ils missaire à la réforme des et légitimité est plus que légitime de deman- retraites, représenté par son La Confédération paysanne, 2ème der un niveau de pension à ce considèrent à présent superflus Secrétaire général adjoint, à en syndicat agricole dans le col- niveau pour celles et ceux qui est une aubaine en phase avec débattre sur le stand du syndi- lège 4 des « Anciens exploitants ont travaillé et cotisé toute leur leurs projets mortifères pour cat, début mars. et assimilés » lors des dernières vie n . ces populations méprisées. Au-delà de la réforme globale élections aux chambres d’agri- (communiqué du 5/3) Depuis quelque temps, les des retraites en cours de négo- culture, demande une revalori- autorités sanitaires avaient (1) Minimum vieillesse ou Aspa (pour alloca- ciation et qui ne concernera que sation au niveau du minimum réduit les possibilités d’inter- tion de solidarité aux personnes âgées). En les personnes prenant leur vieillesse (1), soit à 868 euros par 2020, l’Aspa sera portée au-delà de ventions rapides, supprimant retraite en 2025 et après, la mois pour 2019, et un aligne- 900 euros. comme dans l’Aude l’hélicop- tère du Samu, confiant les urgences à la route sinueuse et parfois à la main de Dieu. La Nos ancien·nes et le Grand débat course à la rentabilité a éloi- Un groupe de retraité·es agricoles de la Confédération Paysanne a posté cette contribution gné les plus courageux des fils en mars sur le site du Grand débat national. et filles d’Hippocrate. Les lieux E de soins sont dans le meilleur n France, le montant Ils passent par : agences postales, transports, des cas regroupés, mais tou- moyen de retraite tous • la garantie du revenu agricole maternités, hôpitaux, écoles, tri- jours plus éloignés. Les situa- régimes confondus, pour permettant de cotiser ; bunaux, loisirs… – désengage- tions d’accouchement dans les une carrière complète, est de • la limitation des dégrèvements ment qui les rend dépendants de véhicules qui tentent de 1 860 euros par mois fiscaux afin d’élargir l’assiette des la voiture. rejoindre la maternité la moins (1 520 euros pour les femmes cotisations ; Nous souhaitons des cam- lointaine ne sont plus anec- et 2 160 euros pour les • la diminution et le plafonnement pagnes vivantes, riches de ses dotiques. hommes). des niches fiscales ; habitants, d’une agriculture res- Pendant que les patient·es Les plus petites pensions sont • le plafonnement des très pectueuses de l’environnement, apprennent la zen attitude les retraites agricoles : 740 euros grosses pensions, quel que soit riche en biodiversité. dans les urgences surchargées, en moyenne. Elles sont à 40 % le régime de retraite ; Jupiter nous joue « tout va de la moyenne nationale : quelle • une juste répartition des Nous demandons : bien ». La logorrhée du guide injustice ! Ces montants sont à richesses ; • l’incitation financière à la couvre les plaintes des misé- la fois inférieurs au seuil de pau- • une solidarité nationale à la cédante ou au cédant qui installe rables gaspilleurs d’aides vreté et au minimum vieillesse : hauteur de ce que les retraités un·e jeune ; sociales. Si vous apercevez une une honte ! d’aujourd’hui ont apporté à la • le plafonnement des aides voiture avec au volant un La Confédération paysanne nation. Pac ; parent blême, à ses côtés un demande un renforcement du Nous demandons également que • le soutien au service de santé, enfant qui crie « maman système des retraites agricoles la bonification « enfant » à partir service de soins à domicile ; bobo ! », n’appelez pas la gen- par répartition afin d’atteindre du troisième soit fixe (et non pro- • le maintien des services darmerie, le conducteur affolé une pension minimale men- portionnelle à la pension) et le publics et médicaux en milieu cherche simplement l’hôpital. suelle de 1 000 euros ou 85 % maintien de la réversion au rural ; Le docteur a fui du village, après du Smic. conjoint survivant, dans la limite • la prise en charge de la perte tous les services. Pourtant tous L’égalité femme-homme est un du plafond actuel. d’autonomie par une assurance ces ruraux n’espèrent rien impératif, un objectif fondamen- Les paysans et paysannes vivent collective et obligatoire. d’autre qu’une main tendue tal à atteindre. aussi au quotidien la désertifica- Restent bien d’autres problèmes pour ne pas désespérer de tout. Les moyens de financement tion rurale, le désengagement à résoudre, dont la fracture numé- En vain ? existent. orchestré des services publics - rique. n Le ruraleur le 12 mars 2019 6 \ Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 7 Écobrèves Écobrèves Actualité Paysannes 110 300 femmes étaient « cheffes d’exploitations ou Partage d’expériences pour d’entreprises agricoles » en 2017, soit 24,3 % de l’en- les paysannes et paysans européens semble, « une proportion glo- balement stable depuis dix ans ». C’est ce qu’indique la Les premières rencontres MSA dans un communiqué de dans le cadre du programme presse du 7 mars. Les femmes représentent 27,8 % des non- Erasmus + à l’attention salariées agricoles, un chiffre des paysannes et paysans qui inclut les 23 500 femmes européens se sont tenues ayant le statut de collaboratrice au Pays basque en février. d’exploitation. En 2017, le Compte rendu. revenu professionnel agricole annuel moyen des agricultrices D u 12 au 14 février, une était de 9679 euros, « soit 29 % trentaine de paysannes et inférieur à celui des agriculteurs paysans issus de six pays (13658 euros) ». Enfin, 140000 européens se sont retrouvés à femmes d’exploitants n’ont Durango, au Pays basque (Biscaye), pas le statut de non-salariées pour un premier séminaire de for- agricole, mais sont salariées mation à l’agroécologie paysanne dans l’entreprise de leur conjoint ou dans d’autres dans le cadre d’un projet européen entreprises. Erasmus + (1) porté par la Confédé- Étude d’une ferme d’adhérents au syndicat paysan Ehne Bizkaia, à partir de la méthodo- ration paysanne (cf. CS n° 344). Ce logie du diagnostic agriculture paysanne présenté et mis en discussion lors du séminaire. Paysannes bio projet a pour vocation l’échange de En France, les agricultrices bio pratiques et la formation entre pairs d’identifier des pistes individuelles Le séminaire a offert l’opportu- sont de plus en plus nom- sur les questions d’agroécologie d’amélioration, mais également nité de découvrir le travail d’Ehne breuses : elles représentent paysanne ; il vise également à par- d’identifier les contraintes exté- Bizkaïa, le syndicat paysan basque environ 1/3 du monde agri- tager du contenu syndical et poli- rieures qui pèsent sur la ferme, qui accueillait l’événement. Les cole bio. « Elles sont en majo- tique entre organisations membres entravent le développement de participant·es ont pu visiter rité non issues du monde agri- de la Coordination européenne Via l’agriculture paysanne et ne peu- quelques fermes, ainsi qu’une cole, plutôt jeunes, diplômées, campesina (ECVC). vent être traitées qu’en agissant cidrerie artisanale et un lieu d’ac- et souvent seules à la tête de À la demande des partenaires sur le cadre politique. cueil de réfugié·es. Enfin, ces trois leur exploitation, explique Sté- participant au projet, cette pre- jours de formation ont été ponc- phanie Pageot, éleveuse bio et secrétaire nationale de la Fédé- mière rencontre s’est articulée L’échelle européenne tués – comment ne pas en par- ration nationale d’agriculture autour du diagnostic agriculture En agriculture peut-être plus ler ? – de nombreux moments de biologique (Fnab). Malheureu- paysanne, outil d’analyse des qu’ailleurs, les orientations poli- convivialité, toujours propices à sement, elles rencontrent sou- fermes développé depuis près de tiques les plus lourdes sont prises l’échange d’idées et à l’émergence vent des difficultés plus impor- vingt ans par la Fadear (2) et au niveau européen : Politique de projets communs. tantes que leurs collègues constamment amélioré et actua- agricole commune (Pac), marché Ces mêmes partenaires seront à masculins dans leur parcours lisé depuis. Le séminaire s’est unique, traités de libre-échange, nouveau réunis en octobre pro- professionnel et familial.» Dif- construit autour de cette métho- normes et directives, etc. Et c’est chain pour traiter plus spécifi- ficultés auxquelles la Fnab a dologie, via des temps de forma- là que réside tout l’intérêt d’un quement des questions de trans- souhaité répondre par la publi- tion théorique, de mise en pratique projet Erasmus + : il permet, à tra- mission des fermes. Le séminaire cation d’un guide Devenir agri- sur différentes fermes, de mutua- vers la formation dans un contexte se déroulera cette fois en Belgique cultrice bio – Les clés pour s’ins- lisation des résultats et de débats. européen, de s’enrichir mutuel- et sera organisé par le Mouvement taller publié symboliquement L’outil proposé par la Fadear a été lement et de renforcer la cohé- d’action paysanne (MAP). n le 8 mars. Le guide à lire et à télécharger sur : produire-bio.fr reçu très favorablement par l’en- sion entre organisations paysannes Joris Gaudaré, semble des participant·es, perçu pour, à terme, peser plus lourd animateur national Eurobio comme un moyen d’identifier des dans le jeu politique à cette échelle. Entre 2008 et 2017, la super- (1) Porté par les instances de l’Union euro- pistes d’amélioration à l’échelle Les discussions et débats ont péenne, le nouveau programme Erasmus + ficie des terres agricoles consa- de la ferme pour tendre vers une confirmé la volonté des organisa- aide les organisations à travailler dans le cadre crées à l’agriculture biologique agriculture plus vertueuse tions paysannes présentes de dis- de partenariats internationaux et à partager leurs pratiques innovantes. dans les pays de l’Union euro- (cf. p. 14-15), mais également poser d’un outil similaire au niveau (2) Fédération des associations pour le déve- péenne a augmenté de 70 % comme une méthode permettant européen. Les échanges ont aussi loppement de l’emploi agricole et rural. Ces pour atteindre 7 % de la sur- de déboucher sur des considéra- permis d’identifier quelques associations regroupent des paysannes et des face agricole de l’UE. C’est ce paysans, pour majorité membres de la Confé- tions politiques. En effet, en par- besoins d’adaptation aux contextes qu’on apprend d’une note dération paysanne, et d’autres acteurs du tant de questions très concrètes, propres à chaque pays. Ces temps monde rural, réunis par l’envie de partager publiée le 7 mars par la Com- l’analyse par thème du diagnostic ont également été l’occasion d’évo- leur expérience et leurs savoir-faire pour per- mission européenne. La moitié mettre de maintenir et d’installer des paysans de ces surfaces est concentrée et l’articulation entre les différents quer d’autres initiatives dévelop- nombreux et de faire vivre les valeurs de l’agri- dans quatre pays : Espagne, Ita- thèmes permettent d’une part pées par les partenaires. culture paysanne : agriculturepaysanne.org lie, France et Allemagne. L’Eu- rope comptait ainsi 250 000 Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019 /7 fermes bio en 2016.
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 8 Écobrèves écobrèves Des risques Actualité à réévaluer Dans un arrêt rendu le 7 mars, le tribunal de l’UE estime que la décision de l’Autorité euro- Vosges Terrena condamne l’emploi péenne de sécurité des ali- ments (Efsa) de refuser d’ac- et les circuits courts corder l’accès de certaines études sur les dangers sani- Le 25 janvier, Elivia, « exploser » la distribution en cir- avec les salarié·es (dans un premier taires du glyphosate lors de la deuxième groupe national cuits courts de leur viande (vente temps la Fdsea s’en était désoli- procédure qui a abouti à la de distribution de viande à la ferme, amap, magasin de pro- darisée), interpellant les élu·es, la réautorisation de la substance (après Bigard) annonçait ducteur, restauration collective…). chambre d’agriculture, l’adminis- herbicide fin 2017 doit être sèchement la fermeture, Cet outil est devenu au fil du tration et rencontrant les respon- annulée. L’Efsa ne peut justifier en mai prochain, de deux temps un lieu essentiel de trans- sables de Terrena-Elivia. de ses sites de production : formation pour la vente directe Mais les volontés du syndicat se son refus de divulguer un docu- Le Mans (Sarthe) et Eloyes, dans le Grand Est. La qualité de heurtent au fonctionnement des ment sur le fondement de la petite commune vosgienne. ses services et des produits (sani- institutions qui s’occupent des protection des intérêts com- taire, conditionnement, goût) est « solutions » : les salariés (syndi- merciaux pour des informa- C ette décision vient porter unanimement reconnue par tous cats) ont un Plan de Sauvegarde tions qui « ont trait à des émis- un coup sévère à l’écono- les utilisateurs actuels, les services de l’Emploi à négocier et les pay- sions dans l’environnement ». mie locale, remerciant sans sanitaires et les consommateurs. sans (chambre d’agriculture) ont Cette décision intervient au gratitude plus de 80 salarié·es vos- un nouveau site à créer ! moment où les instances euro- gien·nes. De plus, 400 fermes de Un outil unique Difficile alors d’espérer le main- péennes se mettaient d’accord la région Grand Est bénéficiant Le « couac », c’est qu’il ne suf- tien de ce site, dont le fonctionne- sur un nouveau dispositif de la prestation de l’unité d’Eloyes fit pas de traverser la route pour ment est certes très lourd, mais qui d’évaluation des risques. Reste se retrouvent sans solution satis- retrouver les mêmes prestations. pourrait toutefois répondre simul- à voir comment elle remettra faisante pour la découpe de leurs C’est le seul outil dans l’Est de la tanément aux enjeux du dévelop- en cause des travaux qui carcasses et la transformation en France à fabriquer des steaks pement des circuits courts (et du venaient d’être conclus. Une steak hachés surgelés. hachés, particuliers en plusieurs maintien du revenu sur les fermes) belle victoire pour les quatre Voilà plus de 30 ans que l’outil points. C’est un hachage façon et de l’approvisionnement local de a été créé par un entrepreneur bouchère, donc grossier, qui ne la restauration hors domicile. eurodéputé·es qui ont mené local, nouant une relation com- détruit pas les fibres de viande et Jugeant qu’aucun outil de trans- la démarche au bout en dépo- merciale très forte avec l’entre- préserve le goût. La viande est tra- formation n’est en trop sur notre sant plainte contre l’Efsa en prise de surgelés Thiriet, voisine vaillée à -1 °C pour éviter tout territoire, nous restons mobili- mai 2017. du site. Passée par la suite dans échauffement et pour former les sés ! n Statut du loup les mains de Socopa-Viandes (dont steaks sous basse pression : ils ne Lionnel Caudy, paysan en Haute-Marne Bigard est devenu actionnaire sont pas comprimés, ce qui pré- et Romain Balandier, Le 12 mars, le Parlement euro- exclusif), l’unité d’Eloyes, ainsi serve encore le goût et garanti une paysan dans les Vosges péen a demandé à la Com- que l’abattoir de Mirecourt, à une surgélation rapide à cœur du pro- mission européenne d’envisa- cinquantaine de kilomètres, sont duit. (1) En 2009, la DGCCRF (direction générale de la Concurrence) constate que Bigard est en ger un reclassement du statut cédés en 2010 au groupe Elivia Face à cette situation, La Confé- situation de quasi-monopole dans ce secteur du loup en tant qu’espèce de dans le cadre d’une injonction de dération paysanne dénonce la bru- de l’abattage et la transformation de viande. faune protégée (et non « stric- l’Autorité de la Concurrence (1). talité de la décision et l’empres- L’Autorité de la Concurrence lui demande alors de céder cinq sites en France, dont Eloyes et tement protégée »). La Suisse Voilà comment une grosse coopé- sement de la fermeture, soutenant Mirecourt. C’est Terrena, via sa filiale Elivia, qui a proposé l’an dernier cette rative de l’Ouest, Terrena, qui et organisant une manifestation en devient propriétaire. révision, compte tenu de l’évo- détenait à ce moment-là 100 % des lution des populations de loups parts d’Elivia, se retrouve sans en Europe et de leur difficile aucune attache territoriale, sans cohabitation avec le pastora- adhérent·e localement, à gérer une activité à plus de 800 km de son lisme. La commission agricole bassin d’intervention ! du Parlement européen estime Malgré son caractère industriel, que « les mesures visant à un esprit familial se dégage encore empêcher les conflits de coha- de l’activité à Eloyes, avec une bitation se sont révélées peu équipe salariée investie, fournis- efficaces et que les paiements sant un travail de grande qualité. compensatoires ne permettent Depuis plusieurs années, les pro- pas de résoudre le problème de ductrices et producteurs locaux l’augmentation des préjudices peuvent y faire travailler leur liés aux grands prédateurs au viande bovine en sous vide ou en détriment du bétail ». Pour le surgelé (découpée ou hachée). Manifestation des salarié·es d’Elivia-Eloyes, le 5 février à Épinal. Une délégation de Parlement, il s’agit d’« ajuster Nombreuses sont les fermes qui, salarié·es manifestera quelques jours plus tard sur le stand de Terrena, au Salon de le statut de protection des à partir de ce service, ont fait l’Agriculture, à Paris, avec le soutien de la Confédération paysanne. espèces une fois le niveau de conservation souhaité atteint ». 8 \ Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 9 Écobrèves Écobrèves Actualité Sponsor Coca-Cola sponsorise la prési- dence roumaine du Conseil de l’Union européenne (elle durera Peste porcine africaine tout le premier semestre 2019) et ne s’en cache pas. L’asso- Menaces sur l’élevage plein-air de porc ciation Foodwach révèle l’af- faire : « Lors de rencontres offi- Les autorités belges essayent démie n’est toujours pas maîtri- aussi de maintenir tout ça le plus cielles, les ministres sont tant bien que mal d’endiguer sée et s’étend vers le nord et l’est. loin possible de la Bretagne. accueillis avec boissons gra- l’épidémie de peste porcine Côté français, l’émotion est Comme on l’a vu pour la grippe tuites, pubs, poufs rouges affu- africaine frappant grande, proportionnelle à la sur- aviaire, la faune sauvage est le seul blés du fameux logo, etc. Il les élevages du pays. face financière de la filière porcine facteur de risque sur lequel les s’agit d’un criant conflit d’in- Si la France n’est pas pour qui l’enjeu exportateur est autorités et la profession essayent térêts alors que la malbouffe actuellement touchée, vital. Alors que la Chine ne d’agir, sans remettre en cause le et l’alimentation figurent parmi l’émotion est grande, contrôle plus l’infection, les expor- système de production industriel. les sujets débattus à l’agenda proportionnelle à la surface tations françaises explosent : l’ob- Les élevages plein-air deviennent européen. » financière de la filière jectif est donc de conserver ce donc la première obsession : c’est porcine pour qui l’enjeu précieux statut indemne. Pour ce par eux que va arriver le virus sur Par le biais d’une pétition lan- exportateur est vital. faire, les grands moyens sont le territoire français ! Il faut donc cée en France, en Allemagne et déployés. Un plan de prévention tout barricader et exiger des aux Pays-Bas où Foodwatch S elon les dernières hypo- est mis en œuvre depuis un an, normes dures, éloignées des pra- est présente, l’association thèses, des sangliers malades couplé à des textes réglementaires tiques de terrain. demande au président du porteurs de peste porcine imposant des mesures de biosé- Conseil européen, Donald Tusk, africaine ont été introduits illéga- curité en élevage, dans les trans- Rien n’est fait de mettre en place une poli- lement en Wallonie l’été 2018. ports et dans la faune sauvage. pour maîtriser les flux tique fixant des règles claires Longtemps on a soupçonné un Localement, une clôture élec- Sans compter qu’on fait face à un pour les futures présidences « camionneur polonais » qui, en trique est installée sur la frontière gros impensé : rien n’est fait pour afin de garantir que de tels jetant un sandwich contenant des franco-belge (1), couplée à une clô- maîtriser les flux, première inquié- produits à base de porc infecté, ture en dur. De plus, une « zone tude en élevage intégré. La paille, parrainages et potentiels aurait contaminé des sangliers en blanche », dite de dépeuplement, l’alimentation animale ou les sous- conflits d’intérêts ne se repro- Belgique… L’arrestation des res- est instaurée : l’objectif est d’y éra- produits animaux sont largement duisent pas. La pétition sur : ponsables présumés de ces intro- diquer tous les sangliers. Dès à utilisés. Ils peuvent provenir de foodwatch.org ductions illégales pour la chasse présent sur ces territoires (zone pays où l’infection est active. Mais a clos ce débat. blanche, zone d’observation ren- il est plus facile de s’agiter en Retour sur terre Les autorités belges essayent tant forcée et zone d’observation), menaçant l’existence des petites La coopérative Sodiaal a bien que mal d’endiguer l’épidé- l’alerte est maximale : les élevages fermes que de véritablement chan- annoncé, le 12 mars, reprendre mie. Les porcs en élevage wallons porcins sont vidés, les mesures de ger des pratiques liées au fonc- les activités de transforma- ont d’abord fait les frais d’une biosécurité doivent être respec- tionnement du système exporta- tion de l’usine de poudre de lait politique d’abattage préventive tées sans délai. Les efforts de chasse teur et industriel. infantile de Synutra à Carhaix étendue. À cette décision contes- y sont également importants. Alors que la France est toujours (Finistère). Faisant suite aux table se sont ajoutées des mesures Derrière ce tableau volontariste, indemne de peste porcine afri- défaillances de l’entreprise chi- de gestion de la faune sauvage: clô- on retrouve la volonté de main- caine, les élevages fermiers de noise Synutra qui n’aurait payé ture des zones infectées et éradi- tenir les sangliers malades de porcs se trouvent pris en étau. cation des sangliers. Mais l’épi- l’autre côté de la frontière… mais D’un côté, une logique adminis- qu’une (petite) partie de la trative qui nie et proscrit de fait fourniture du lait livré par la la diversité des pratiques ; de coopérative, la reprise l’autre côté, la profession agri- concerne « l’ensemble des cole qui soutient cette logique et activités de réception et de pro- attise les passions. Pour sortir de duction de l’unité de séchage ce piège, la Confédération pay- ainsi que le laboratoire du site sanne exige – comme elle l’avait de Carhaix ». Ne sont pas fait lors des épisodes de grippe concernées les activités de aviaire ces dernières années – des mélange et de conditionne- politiques sanitaires qui protè- ment restant la propriété de gent les paysan·nes, les consom- mateurs et les consommatrices Synutra. Synutra avait conclu avant de servir les acteurs de un accord avec Sodiaal pour l’agroexportation. n transformer près de 300 mil- Roxanne Mitralias lions de litres de lait chaque Carte – état des lieux en février 2019 : la peste porcine africaine est une maladie hémor- année. « La Chine, c’est le Pérou ragique contagieuse qui touche les porcs, les phacochères et les sangliers d’Europe (1) Aux limites des départements de la et d’Amérique, selon l’Organisation mondiale pour la santé animale. Elle ne se trans- Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des pour la Bretagne ! », s’était met pas à l’humain. Ardennes. exclamé en 2016 le maire de Carhaix. C’est plutôt la Béré- Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019 /9 zina.
CS 349.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/19 14:50 Page 10 Écobrèves écobrèves Record à abattre Actualité Samir Flores, leader indigène náhuatl, a été assassiné de deux balles dans la tête le 20 février dans son village de l’État de OGM Contamination, questions Morelos, au Mexique. Il était l’un des fers de lance de l’op- position à la construction d’un et conséquences gazoduc et de deux centrales En France, 8 000 hectares de l’hectare, avec une clause de Et bien d’autres questions, thermoélectriques dont les de cultures de soja ont été non-recours envers la multina- autant de failles dans le « contrat communautés locales crai- ensemencés avec des lots tionale dans les années qui sui- de solution » à la traçabilité gnent les conséquences en de semences contaminées vent. C’est mettre le paquet pour exemplaire, tant vanté par le sys- termes de pollution et de sur- par des OGM. Ces cultures faire taire les productrices et pro- tème agricole en place durant la exploitation des ressources en doivent être détruites avant ducteurs ! campagne. eau. Elles dénoncent l’expro- la floraison. Au mois d’octobre 2018, on À chaque fois que la Confédé- priation de leurs terres et la parlait de 1 900 hectares de ration paysanne dénonçait les violation de leurs droits. P remière alerte le colza concerné, puis silence risques des dérives des acteurs Le 29 janvier, Rosane Santiago 28 octobre 2018 : la radio pendant trois mois. Puis, semenciers, ces acteurs l’accu- Silveira a été retrouvée assas- répression des fraudes juste après les élections aux saient de saboter une filière qui sinée après avoir été torturée (DGCCRF), lors d’un contrôle chambres d’agriculture, comme exporte à tout va… alors que chez elle, dans l’État brésilien à la coopérative Dijon Céréales, par hasard, l’affaire ressort dans cette affaire dévoile que nous de Bahía. Elle luttait contre l’ex- découvre des lots de semences la presse. Ce n’est plus 1 900 sommes obligés d’importer nos pansion des plantations d’eu- de colza faiblement contami- mais 8 000 hectares et 700 agri- semences. calyptus qui ravagent la région nées par des graines d’OGM cultrices et agriculteurs qui sont Début février, sur le site de au détriment des forêts natu- résistants au glyphosate. Cela concernés. l’hebdomadaire La France Agri- relles et des terres nourricières. concerne la variété DK Excep- cole, Arnaud Rousseau, prési- 207 meurtres de militant·es tion commercialisée par la Des questions dent de la Fédération des oléo- défendant les droits des pay- société Dekalb, propriété de la et des failles protéagineux (FOP, section sans, des peuples autochtones multinationale Bayer-Mon- Quelle omertà a pu cacher l’am- spécialisée de la Fnsea) affirmait et de l’environnement avaient santo. Selon Bayer-Monsanto, pleur des dégâts aussi longtemps ? que le seuil européen « zéro tolé- été enregistrés dans le monde ces lots de semences ont été Pourquoi avoir laissé les produc- rance d’OGM » pour les en 2017, un chiffre record. produits en Argentine, un pays trices et producteurs appliquer semences n’est pas tenable et où cet OGM est pourtant inter- leur désherbage d’automne ? craignait que cette affaire ne Le glypho, encore ! dit. On peut se poser la ques- Est-ce que cette pollution aurait mette KO l’industrie des Quels sont les pesticides qui tion de l’efficacité des contrôles pu ternir l’image d’un système semences européennes. augmentent le plus les risques dans ce pays ! agricole en collusion avec l’agro- Ces propos sont inacceptables de lymphomes non hodgkiniens Bien que la contamination soit chimie et l’agrodistribution pen- car la moindre tolérance aux chez les agricultrices et agri- faible (0,005 %), les risques de dant la campagne aux élections des contaminations réduirait à néant culteurs, plus fréquemment dissémination dans l’environ- chambres ? les filières sans-OGM et bio mises touchés que le reste de la popu- nement sont bien réels. La cul- Comment être certain que toutes en place pour apporter de la lation par ces cancers du sang ture d’OGM étant interdite en les parcelles semées avec ces lots valeur ajoutée aux paysans et rares ? C’est la question que France, la direction générale de seront toutes repérées et détruites paysannes. Pour Arnaud Rous- pose Le Monde, dans son édi- l’alimentation (DGAL) du avant la floraison pour éviter toute seau, leur avenir serait moins tion du 19 mars. Une quinzaine ministère de l’Agriculture contamination ? important que celui des semen- d’épidémiologistes d’une ordonne la destruction des par- Quelles conséquences pour l’ave- ciers ! n dizaine d’institutions de celles emblavées, selon une pro- nir de nos filières non-OGM et de Claude Bâcle, recherche internationale, dont cédure bien précise, afin d’évi- qualité en cas de contamination ? paysan dans l’Orne le Centre international de ter tout risque de dissémination. recherche sur le cancer, ont La procédure oblige à la des- Une affaire loin d’être réglée apporté leur réponse le 18 mars truction de la culture avant flo- Pour la Confédération paysanne, la prise en charge des conséquences dans l’anglophone Journal raison, interdit tout labour pen- de cette contamination n’est qu’en partie réglée. Le second accord international d’épidémiologie. dant deux ans pour éviter transactionnel accepté par Bayer porte désormais sur deux cam- Ils ont procédé à la synthèse de d’enterrer des graines qui pagnes supplémentaires, 2021 et 2022, s’engageant à suivre et à travaux menés en France, en seraient capables de germer des indemniser les agricultrices et les agriculteurs concernés, notamment Norvège et aux États-Unis, ras- années plus tard, et interdit le pour les cas de nouvelles contaminations de leurs parcelles et de celles semblant ainsi les données de retour d’une culture de colza de tiers. On peut craindre que les graines de colza OGM ne puissent plus de 315000 agricultrices et dans les deux ans qui suivent la pas être toutes détruites. Ces graines peuvent en effet germer jus- agriculteurs suivis en moyenne destruction de la culture qu’à 15 ans après avoir été mises en terre, être transportées par le pendant plus de dix ans. concernée. vent et les animaux sur plusieurs kilomètres, tout comme les pollens Ils pointent deux insecticides, Suite à un protocole d’accord des repousses transportés par les pollinisateurs. Les contaminations le terbuphos et la deltame- avec la DGAL, Bayer-Monsanto de futures récoltes et de la flore sauvage ne peuvent donc pas être thrine, et un herbicide, le mal- proposerait une indemnisation exclues. heureusement fameux gly- non négociable de 2000 euros phosate. Décidément, on n’en sort (toujours) pas. 10 \ Campagnes solidaires • N° 349 avril 2019
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