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Caractérisation chez l’humain de l’expression de différents gènes et fonctions biologiques associés à la dépression et signatures transcriptionnelles spécifiques au sexe à l’aide de différents modèles animaux Mémoire Théo Stéfan Maîtrise en épidémiologie - avec mémoire Maître ès sciences (M. Sc.) Québec, Canada © Théo Stéfan, 2020
Caractérisation chez l’humain de l’expression de différents gènes et fonctions biologiques associés à la dépression et signatures transcriptionnelles spécifiques au sexe à l’aide de différents modèles animaux Mémoire Théo Stéfan Maîtrise en épidémiologie - avec mémoire Maître ès sciences (M. Sc.) Sous la direction de : Benoit Labonté, directeur de recherche Chantal Mérette, codirectrice de recherche
Résumé Le trouble majeur de la dépression est un des troubles de santé mentale les plus fréquents dans la société d’aujourd’hui avec plus de 350 millions de personnes atteintes dans le monde. Malgré la présence de différents types de traitement, comme les antidépresseurs ou les thérapies comportementales, les causes de ce trouble ne sont pas encore complètement élucidées. Les lacunes concernant la compréhension de cette pathologie se trouve plus particulièrement au niveau de ses fondements génétiques. A partir d’un grand échantillon de 267 sujets atteints de la dépression, de 286 sujets témoins ainsi que de trois modèles animaux, la présente étude a pour objectif de mettre en évidence différents gènes et fonctions associés de façon significative à cette maladie et de caractériser les différences transcriptionnelles spécifiques au sexe. Pour ce faire, deux grandes étapes composent ce projet. Une analyse de gènes différentiellement exprimés ainsi qu’une de modules de gènes Eigengenes, toutes deux effectuées sur l’humain et sur les modèles animaux. Les résultats ont mis en exergue plusieurs gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain et les modèles animaux. Il semblerait que le modèle animal qui reproduit le plus les observations chez l’humain soit celui de l’isolation sociale. De plus, plusieurs fonctions biologiques pertinentes avec la caractérisation du trouble étudié ont été identifiées. Par surcroît, les modules de gènes associés à la dépression chez les femelles étaient en plus grand nombre que chez les mâles et cette observation est bien reproduite dans le modèle du stress variable chronique de l’animal. Cette étude a donc permis une amélioration des connaissances concernant la génétique de la dépression. Il en ressort que les modèles animaux utilisés dans cette étude permettent de bien de reproduire un état dépressif chez l’animal. ii
Abstract Major depressive disorder is one of the most common mental health disorder in modern society affecting more than 350 million people worldwide. While different types of treatment are available, such as antidepressants or behavioural therapies, causes of this disorder are not yet fully understood. A better comprehension of its genetic basis could fulfil the gaps. From a large sample of 267 subjects with depression, 286 control subjects and three animal models, this study aims to identify different genes and functions significantly associated with this disorder and to characterize sex-specific transcriptional differences. This project splits in two major steps: a differentially expressed genes analysis and a gene modules analysis using Eigengenes, both performed on humans and animal models. Results highlight several genes shared between humans and animal models. The animal model that seems to better reproduce the effects observed in humans is that of social isolation. In addition, several biological functions appear to be relevant to major depressive disorder characterization. Furthermore, gene modules associated with depression are more numerous in females than in males and this observation is reproduced in the animal’s chronic variable stress model. This study therefore enhanced knowledge about depression’s genetics and shows that animal models can be effectively used to reproduce a depressive state in animals. iii
Table des matières Résumé……………………………………………………………………………………………ii Abstract…………………………………………………………………………………………..iii Table des matières ...................................................................................... iv Liste des tableaux……………………………………………………………………………..vi Liste des figures……………………………………………………………………………….vii Liste des abréviations, sigles, acronymes………………………………………………ix Remerciements…………………………………………............................................xi Avant-propos…………………………………………………………………………………..xii Introduction……………………………………………………………………………………..1 Chapitre 1 : Matériels et méthodes………………………………..........................18 1.1 Description de l'étude cas-témoins……………………………………………18 1.2 Prélèvement des tissus et régions cérébrales ciblées………………………19 1.2.1 La région Brodmann 25……………………………………………….19 1.2.2 La région du Nucleus accumbens…………………………………..19 1.2.3 La région Subiculum…………………………………………………..20 1.3 Traitement des données de séquençage………………………………………20 1.3.1 Le mapping et assemblage des séquences alignées……………..21 1.3.2 Séparation des reads mappés et non mappés……………………22 1.3.3 Identification des variants génétiques……………………………..22 1.4 Explication des modèles animaux…………………………………………..…23 1.4.1 Le modèle du Stress Variable Chronique (CVS).......................23 1.4.2 Le modèle de l'Isolation Sociale (SI)………………………………...23 1.4.3 Le modèle du Stress de la Défaite Social Chronique (CSDS)…..24 1.5 Conséquences fonctionnelles des changements génétiques observés chez l'humain en lien avec de nouveaux modèles animaux…………………………..25 1.5.1 Diagrammes de Venn et HeatMaps………………………………..26 1.5.2 Graphiques des fonctions biologiques communes entre l'humain et les différents modèles animaux...................................................27 1.5.3 Analyses statistiques sur les valeurs Eigengenes……………….28 1.5.4 Analyses de "Gene ontology" : recherche des fonctions des modules de gènes……………………………………………………………...29 1.5.5 Représentations graphiques des valeurs de significativité des modules en fonction de leurs tailles et fonctions……………………….29 iv
Chapitre 2: Analyse différentielle........................................................... ..311 2.1 Analyse des gènes partagés entre l’humain et les différents modèles animaux……………………………...………………………………………………….31 2.2 Comparaison de la directionnalité d’expression des gènes associés à la dépression entre l’humain et les modèles animaux…………………………….33 2.3 Analyse des fonctions ontologiques communes entre l’humain et les différents modèles animaux………………………………………………………….34 Chapitre 3 : Analyse de modules de gènes chez l’humain en comparaison à des modèles animaux de dépression.…………………...........……………………....36 3.1 Association des modules de gènes en fonction de leurs tailles et de leurs rôles biologiques………………………………………………………………………………..36 Discussion ................................................................................................. 39 Conclusion………………………………………………………………………………………43 Bibliographie…………………………………………………………………………………..46 Annexe I : Figures et tableaux en soutien à la méthode ........................... 533 Annexe II: Figures des résultats de l'analyse différentielle et des analyses d'association avec les modules de gènes……………………………………………….57 Annexe III: Figures des résultats pour les deux autres régions du cerveau Brodmann 25 et Subiculum……………………………………………………………….66 v
Liste des tableaux Tableau 1. Résumé des gènes identifiés comme associés à la dépression dans la littérature……………………………………………………………………..51 Tableau 2. Statistiques descriptives des caractéristiques cliniques de l’échantillon de l’étude cas-témoins sur la dépression…………………………52 Tableau 3. Principaux résultats obtenus dans les Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain et les modèles animaux……………………………………………..…………………..81 Tableau 4. Principaux résultats obtenus dans les Heatmaps représentant la directionnalité de l’expression des gènes associés à la dépression entre l’humain et les modèles animaux……………………….…………………………81 Tableau 5. : Principaux résultats obtenus dans les analyses des fonctions biologiques communes à l’humain et aux modèles animaux pour différents niveau de significativité ……………………………….……………………………..82 Tableau 6. Principaux résultats obtenus dans les analyses sur les modules de gènes significativement associés à la dépression en fonction de leur taille et de leur fonction biologiques…………………………..…………………………82 vi
Liste des figures Figure 1. Prévalence de la dépression majeure au cours de la vie chez des personnes âgées de 15 ans et plus, selon le sexe, Québec, 2012………………5 Figure 2. Prévalence de la dépression majeure au cours de la vie en fonction de 4 catégories d’âge, selon le sexe , Québec, 2012………………………………5 Figure 3. Prévalence à vie de la dépression dans différents pays en fonctions de leurs revenus………………………………………………………………………...7 Figure 4. Schéma démonstratif du processus de régulation de l’expression des gènes.……………………………………………………………………………….13 Figure 5. Schéma démonstratif du traitement des données de séquençage …………………………………………………………………………………………….55 Figure6. Devis global du protocole de l’étude……………………………………56 Figure 7. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Région NAc) et les différents modèles animaux avec CSDS pour les souris Susceptibles………………………………………….57 Figure 8. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Région NAc) et les différents modèles animaux avec CSDS pour les souris Résilientes..………………………………………….58 Figure 9. Heatmaps représentant la directionnalité de l’expression des gènes associés à la dépression entre l’humain et les modèles animaux……59 Figure 10. Comparaison des fonctions communes à l’humain et aux modèles animaux pour différents niveaux de significativité………………….60 Figure 11. Représentation des valeurs d’expression des modules Eigengene pour la région NAc en fonction du phénotype pour l’humain…………………61 Figure 12. Représentation graphique des modules de gènes significativement associés à la dépression en fonction de leur taille et de leur fonction biologique…………………………………………………………………….62 vii
Figure 13. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Région BA25) et les différents modèles animaux avec CSDS pour les souris Susceptibles…………………..66 Figure 14. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Région BA25) et les différents modèles animaux avec CSDS pour les souris Résilientes……………………..67 Figures 15. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Subic) et le modèle du CSDS pour les souris Susceptibles……………………………………………………………….68 Figure 16. Diagramme de Venn présentant les gènes associés à la dépression et partagés entre l’humain (Subic) et le modèle du CSDS pour les souris Résilientes………………………………………………………………….69 Figure 17. Heatmaps représentant la directionnalité de l’expression des gènes associés à la dépression entre l’humain et les modèles animaux (Région BA25)……….………………………………………………………………….70 Figure 18. Heatmaps représentant la directionnalité de l’expression des gènes associés à la dépression entre l’humain et le modèle du CSDS (Région Subic)……….……………………………………………………………………………71 Figure 19. Comparaison des fonctions communes à l’humain et aux modèles animaux pour différents niveaux de significativité (Région BA25)…………………………………………………………………………………….72 Figure 20. Comparaison des fonctions communes à l’humain et aux modèles animaux pour différents niveaux de significativité (Région Subic).....................................................................................................73 Figure 21. Représentation graphique des modules de gènes significativement associés à la dépression en fonctions de leur taille et de leur fonction biologique (Région Ba25)……………………………………………74 Figure 22. Représentation graphique des modules de gènes significativement associés à la dépression en fonctions de leur taille et de leur fonction biologique (Région Subic)……………………………………………78 viii
Liste des abréviations, sigles, acronymes ADN Acide désoxyribonucléique ANOVA Analyse de variance ANTINS Insula antérieure ATP Adenosine triphosphate BA11 Aire de Brodmann 11 BA25 Aire de Brodmann 25 BA89 Aire de Brodmann 89 BDNF Facteur neurotrophique dérivé du cerveau BET1 Bet1 Golgi Vesicular Membrane Trafficking Protein BWA Burrows Wheeller Aligner CCDC19 Cilia And Flagella Associated Protein 45 CCK Cholecystokinin CDC42EP1 CDC42 Effector Protein 1 CELF4 CUGBP Elav-Like Family Member 4 CHST8 Carbohydrate Sulfotransferase 8 CRF Facteur de libération de la corticotrophine CSDS Stress Chronique de la défaite sociale CTRL Contrôle CVS Stress Variable Chronique DRD2 Dopamine Receptor D2 DUSP6 Dual Specificity Phosphatase 6 ECT Electroconvulsiothérapie ELAVL2 ELAV Like RNA Binding Protein 2 FOXJ1 Forkhead Box J1 GALNT6 Polypeptide N-Acetylgalactosaminyltransferase 6 GATK4 Genome Analysis Toolkit 4 GM24148 Small Nucleolar RNA, C/D Box 20 (SNORD20) GTPases Enzymes guanosine triphosphate GUF1 GUF1 Homolog, GTPase HIST1H4H Histone Cluster 1 H4 Family Member H HSD11B1 Hydroxysteroid 11-Beta Dehydrogenase 1 HSPA13 Heat Shock Protein Family A (Hsp70) Member 13 MATR3 Matrin 3 MDD Major depressive desorder MEFC2C myocyte enhancer factor 2C MOG Myelin Oligodendrocyte Glycoprotein MTX3 Metaxin 3 MYRF Myelin Regulatory Factor NAc Nucleus Accumbens ix
NEGR1 Neuronal Growth Regulator 1 NPTX2 Neuronal Pentraxin 2 NR4A3 Nuclear Receptor Subfamily 4 Group A Member 3 OLFM4 Olfactomedin 4 PMI Intervalles post-mortem SI Isolation sociale SNORD7 Small Nucleolar RNA, C/D Box 7 SORCS3 Sortilin Related VPS10 Domain Containing Receptor 3 SUBIC Subiculum TMEM125 Transmembrane Protein 125 TMEM161B Transmembrane Protein 161B WGCNA Weighted gene coexpression network analysis ZFP329 Zinc Finger Protein 329 ZMYM4 Zinc Finger MYM-Type Containing 4 ZRANB1 Zinc Finger RANBP2-Type Containing 1 x
Remerciements Je remercie tout d’abord mon directeur de recherche Benoit Labonté pour sa très bonne supervision, ses enseignements ainsi que son soutien durant la réalisation de mes travaux de maîtrise. Je souhaite également chaleureusement remercier ma co-directrice de recherche Chantal Mérette pour son accompagnement et sa grande disponibilité durant la réalisation de ce mémoire. Mes remerciements vont également à Romaric et Ting-Huei pour leur aide et leur travail qui m’ont été précieux. Un grand merci à ma compagne Pauline pour son soutien sans faille et sa précieuse présence au quotidien qui a permis de rendre cette expérience rédactionnelle moins difficile. Je remercie chaudement ma famille et plus particulièrement mes parents pour leurs encouragements constants durant ce projet de maîtrise. Merci à mes amis Philippe et Antoine, pour les moments passés ensemble qui ont rendu la rédaction de ce mémoire plus facile. Je remercie aussi ma collègue et amie Elisabeth pour ses précieux conseils et sa compagnie au cours de ma maîtrise. Merci, votre soutien et votre présence ont contribué à la rédaction de ce mémoire qui concrétise une étape très importante de mon parcours académique. xi
Avant-propos Cet avant-propos consiste à exposer les tâches que j’ai effectuées durant mes travaux de maîtrise. Il est important de prendre conscience que les résultats présentés dans ce mémoire s’inscrivent dans un projet de recherche beaucoup plus large et que ces derniers peuvent découler d’autres étapes réalisées au préalable au cours de ce grand projet. Tout d’abord toutes les expérimentations animales et humaines effectuées en laboratoire ont été réalisées au préalable par d’autres professionnels ou étudiants de recherche. Suite à cela, la totalité du traitement des données de séquençage (traitement bio-informatique des données génomiques séquencées au préalable en laboratoire par d’autres membres de l’équipe de recherche) a été effectuée par mes soins au cours de ma maîtrise (Section 1.3; Chapitre 1) Concernant les analyses des données d’études différentielles (Section 1.5.1/1.5.2/1.5.4 du Chapitre 1 et le Chapitre 2), j’ai effectué les réalisations et les interprétations des représentations graphiques J’ai également effectué les analyses sur les modules de gènes (Section 1.5.3/1.5.5 du chapitre 1 et le chapitre 3) incluant les analyses statistiques, les mises en forme des données ainsi que les représentations graphiques. xii
Introduction Histoire de la dépression La dépression aussi appelée trouble majeur de la dépression est une maladie psychosomatique due à un dérèglement de l’humeur. La découverte de cette pathologie ne date pas d’hier, en effet, le médecin Hippocrate décrit dans ses ouvrages, un syndrome de mélancolie comme une maladie distincte avec symptômes mentaux et physiques particuliers. Des symptômes de tristesse, de découragement, de colère, de délires, d'obsessions et souvent de peur conduisant vers un dérèglement de la bile appelé la « bile noire ».1 Pour éliminer cette bile noire, seuls des traitements comme des bains, potions à base de plantes, des laxatifs et autres vomitifs ont été utilisés durant des siècles. Le terme dépression est issu du latin « deprimere » et signifie « se décourager »1. Le sens exact du mot dépression qui nous intéresse fut utilisé seulement dans les années 1800 au moment où la psychiatrie devient une discipline médicinale à part entière. Malheureusement suite à cette avancée dans la reconnaissance des maladies psychiatriques, les maladies de « l’esprit » furent longtemps mal acceptées et les personnes en soufrant étaient très souvent vouées à l’enfermement. Le trouble majeur de la dépression fit réellement un pas en avant grâce à l’arrivée de la psychanalyse apportée par Sigmund Freud fin des années 1890. Freud utilise alors un procédé d'investigation des processus psychiques permettant de traiter et de mieux connaître les troubles mentaux tels que la dépression. Par la suite les premiers traitements biologiques font leurs apparitions dans les années 30 notamment avec l’un des plus connu d’entre eux, l'électroconvulsivothérapie (ECT),1 qui consiste à envoyer des électrochocs par le biais d’un courant électrique dans le corps du malade. Le but est de provoquer une crise d'épilepsie ce qui va stimuler les neurones et leurs permettre d’établir de nouvelles connexions entre eux. Ce procédé a été pendant longtemps extrêmement controversé puisqu’il était utilisé de façon 1
violente, forcée et très douloureuse. De nouvelles modalités de fonctionnement permettent maintenant d’utiliser l’ECT de façon sécuritaire et efficace.2 Plus tard, dans les années 70, l’industrie pharmaceutique met sur le marché une molécule appelée la fluoxétine aussi connue sous le nom de Prozac.1 D’autres antidépresseurs se sont succédés depuis et malgré le succès en dents de scie de ces médicaments, aucun traitement miracle n’existe à ce jour pour soigner la dépression. Symptômes propres à la dépression Aujourd’hui les symptômes de la dépression permettent d’identifier deux types de trouble dépressif. En effet, un trouble dépressif récurrent est caractérisé par des épisodes dépressifs répétés, rendant le patient d’une humeur morose. Il subit une grande perte d’énergie, d’intérêt et de plaisir entraînant une baisse de son activité pendant au moins deux semaines. Il est en effet possible d’identifier des symptômes physiques et psychologiques. Parmi les manifestations physiques, la fatigue, des troubles du sommeil, une diminution ou augmentation de l’appétit, une baisse de la libido, des maux de tête, à l’estomac ou dans d’autres parties du corps. 3 Un autre type de dépression est aussi mis en avant, le trouble affectif bipolaire. Ce dernier est définit par des épisodes maniaco-dépressifs séparés par des périodes d’humeur normale. Les patients atteints de ce type de trouble dépressif peuvent êtres hyperactifs, irritables, prétentieux et sembler infatigables.4 Traitements utilisés pour lutter contre cette pathologie Dans notre société moderne, la dépression a une importance grandissante. En effet, étant reconnue comme une maladie à part entière, les personnes en souffrant consultent plus aisément et spontanément. Il existe à ce jour deux grandes catégories de traitements, les traitements pharmacologiques et les traitements psychologiques. La pharmacologie est depuis longtemps utilisée pour traiter la dépression. Elle est principalement basée sur 2
l’utilisation d’antidépresseurs et est adaptée pour les cas de dépression modérée à sévère. Cette médication agit principalement sur la chimie du cerveau et est basée sur l’hypothèse très controversée5 qu’est la monoaminergie de la dépression. Cette dernière met en avant que cette pathologie serait due à un déséquilibre des molécules chimiques présentes dans le cerveau appelées monoamines (dopamine, noradrénaline et sérotonine). Les antidépresseurs agissent via les neurotransmetteurs en augmentant ou diminuant les concentrations des monoamines présentes dans le cerveau des patients.6 Malheureusement les antidépresseurs ne sont que très peu actifs chez 2/3 des patients et plusieurs études ont démontré que l’amélioration de l’humeur obtenue chez les patients sous antidépresseurs se retrouvait aussi à 80% à court terme chez les personnes qui prenaient un simple placebo.7 L’efficacité des antidépresseurs semble malgré tout bien réelle à plus long terme mais reste tout de même assez modeste et variable. Il existe alors d’autres alternatives de traitement, notamment les thérapies axées sur la psychologie de la dépression. Le traitement cognitivo- comportementale peut être utilisé lors de dépression résistante aux médicaments.8 Plusieurs études ont notamment démontré que ce traitement diminuait le risque de rechute suite à un épisode dépressif.9 D’autres types de traitement sont aussi utilisés, comme la psychothérapie d’activation comportementale10 ou la thérapie interpersonnelle11. Il est donc facile de retenir qu’il n’y a pas de traitement miracle pour soigner la dépression. Cependant de plus en plus d’études démontrent qu’une amélioration de la qualité de vie via l’adoption de saines habitudes pourrait avoir un impact extrêmement important dans la prévention de ce trouble de santé majeur. Au vu des effets mitigés et variables des traitements utilisés à l’heure actuelle pour soigner la dépression, il est clair qu’une meilleure compréhension de ce trouble est primordiale pour mieux le traiter. 3
Épidémiologie de la dépression La dépression est devenue une préoccupation majeure des services de santé et pour cause, elle touche plus de 350 millions de personnes dans le monde.4 La dépression peut entraîner une souffrance considérable et altérer la vie familiale et professionnelle. Chaque année près de 800 000 personnes se suicident suite à des épisodes dépressifs insoutenables. Malgré la mise en place des traitements évoqués plus haut, moins de 50% des personnes atteintes ont accès à des soins appropriés. En effet, le manque de ressources, la pénurie de soignant qualifié et l’important fardeau économique que représente la prise en charge de cette maladie font en sorte que de nombreux pays n’aient pas les capacités nécessaires pour gérer ce problème de santé majeur. 4 Au canada, 11,3% de la population (15 ans et plus) a déjà été atteints de dépression au cours de sa vie soit 3 184 422 personnes.4 Au Québec, cette prévalence est de 12.2% hommes et femmes confondus. Or lorsqu’on regarde au niveau du sexe, on s’aperçoit que 15,0% des femmes et 9,3% des hommes ont déjà été dépressifs durant leur vie comme en témoigne la figure 1.12 On observe donc une prévalence plus importante de la dépression majeure chez les femmes au cours de leur vie. En effectuant un rapport relatif grâce aux données démographiques du Québec13 on obtient RR=1,61 ce qui signifie qu’une femme a 1,61 fois plus de risque qu’un homme de subir un évènement dépressif dans sa vie. Il peut être aussi intéressant de regarder cette prévalence en fonction de l’âge (figure 2).12 4
15,0% 16,0% 12,2% PRÉVALENCE DE LA DÉPRESSION MAJEURE 14,0% 12,0% 9,3% 10,0% 8,0% 6,0% 4,0% 2,0% 0,0% Total Femmes Hommes Figure 1 : Prévalence de la dépression majeure au cours de la vie chez des personnes âgées de 15 ans et plus, selon le sexe, Québec, 2012 18,00% 17,1% 16,7% 16,5% PRÉVALENCE DE LA DÉPRESSION MAJEURE 16,00% 14,3% 14,00% 12,7% 12,1% 12,1% 12,00% 10,00% 8,4% 8,5% 7,7% 8,0% 7,3% 8,00% 6,00% 4,00% 2,00% 0,00% Total hommes Total hommes Total hommes Total hommes femmes femmes femmes femmes 15-24 ans 25-44 ans 45-64 ans 65 ans + Figure 2 : Prévalence de la dépression majeure au cours de la vie en fonction de 4 catégories d’âge ; selon le sexe, Québec, 2012 5
Il est possible de remarquer qu’en fonction des différentes catégories d’âge, la prévalence de la dépression varie de façon importante. En effet, les 45-64 ans ont la plus grande prévalence des 4 catégories avec 14,3% contre 12,7% pour les 15-24 ans, 12,1% pour les 25-44 ans et 8,0% pour les 65 ans et plus. Cette figure démontre aussi encore une fois la prévalence plus élevée chez les femmes à tout âge. Ces nombreux cas de dépression représentent également un important poids économique. En 2016, le Conference Board du Canada indique que la dépression coûte plus de 17,3 milliards de dollars au Canada.14 En plus des mesures nécessaires aux traitements des maladies mentales, de nombreux coûts indirects sont engendrés. Tout d’abord les coûts des régimes d’assurances invalidités privés et publics mais aussi les coûts de l’employeur associés à l’absentéisme ou au présentéisme non rentabilisé ou encore les revenus fiscaux perdus en raison du chômage. En effet, au Canada, la santé mentale en milieu du travail coûtent aux entreprises près de 14% de leur chiffre d’affaire annuel net soit jusqu’à 16 milliards de dollars par an.15 Facteurs de risque influençant la dépression Compte tenu de la place importante que la dépression prend dans notre société, il est judicieux de se demander quels sont les facteurs de risque qui influencent cette maladie. Il est ici possible d’identifier trois groupes de facteurs de risques, l’environnement et la santé, les antécédents personnels et la génétique. Facteur de risques environnementaux Quand on entend environnement, il est évident de penser aux conditions de vie dans lesquelles une personne se trouve. Ces dernières passent avant tout par les revenus perçus par les habitants qui eux-mêmes dépendent des ressources économiques du pays dans le lequel ils vivent. Une étude publiée 6
en 2013 démontre que la prévalence de la dépression durant la vie d’une personne est plus élevée dans les pays avec des revenus plus importants.16 (Figure3) 25 20 PREVALENCE À VIE (%) 15 10 5 0 Pays à haut Pays à bas et moyens Figure 3 : Prévalence à vie de la dépression dans différents pays en fonction de leurs revenus Cela pourrait sembler contre-intuitif de trouver que la prévalence de la dépression est en moyenne plus élevée dans les pays à haut revenus. En effet, de par les développements économiques plus importants de ces pays il serait logique de croire l’inverse. Or une première explication viendrait du fait que dans ces pays hautement développés, les niveaux de stress, notamment via les conditions de travail et la nécessité de faire partie d’un standard de réussite seraient plus élevés. La deuxième cause pourrait venir du fait que dans les pays à hautes ressources économiques, les inégalités 7
de revenus sont plus importantes entre les classes sociales que dans les pays à faibles revenus.16 De plus, il est logique d’imaginer que les habitants de ces pays font faces à d’autres priorités sanitaires ou sécuritaires passant au premier plan en comparaison à leur santé mentale. Il est aussi difficile d’exclure le fait que la sensibilisation plus grande à l’importance de la santé mentale dans les pays à revenus élevés pourrait amener à plus facilement consulter en cas de problèmes mentaux. Une étude effectuée sur des travailleurs australiens démontre bien que le milieu du travail peut être une source importante de survenue de dépression. Il a été démontré que le risque de dépression augmenterait significativement avec la diminution du niveau de responsabilité au travail.17 Un autre point qui est très souvent relié à des cas de dépression est la consommation d’alcool ou de drogues. En effet il a été rapporté que le risque de dépression était 1,4 fois plus élevé (IC 95% [1.2-1.7] ) en cas de consommation d’alcool en quantité importante (plus de 3 verres par jour), tout comme la consommation de drogues engendrerait un risque 1.2 fois plus élevé (IC 95% [1.04-1.3] ) pour la prise de marijuana et 1.4 (IC 95% [1.2-1.7] )a pour la prise d’autres drogues dures. 18 Des études récentes ont même démontrées que l’alimentation pouvait jouer un rôle important sur la dépression, notamment la consommation de fruits et légumes. Les personnes suivant les recommandations de l’organisation mondiale pour la santé c’est-à-dire consommer au moins 5 fruits et légumes par jour, auraient presque 2 fois moins de risque de développer des épisodes dépressifs que ceux n’en consomment que 1 ou 2. 19 a Puisque la dépression est rare dans la population, l’impact des facteurs de risques peut-être décrit en termes de risque relatif, même s’ils ont été rapportés sous forme de rapport de côtes. Cette remarque s’applique également à la page suivante. 8
Facteurs de risque liés aux antécédents personnels Selon le Journal of affective disorders, le développement de l’enfant durant son enfance et notamment la qualité de l’environnement dans lequel il vit est un point crucial prédicteur de la santé mentale d’un individu. L’attention parentale est un facteur important pouvant impacter de façon non négligeable le risque de développer un trouble de dépression durant la vie d’un individu. Le bon développement psychologique de l’enfant étant fortement influencé par l’attention parentale, il est aisé de comprendre qu’en cas de négligence, l’individu peut être fragilisé au niveau de sa santé mentale. En effet, une étude a démontré que le risque de développer un épisode dépressif durant la vie d’un individu serait plus important en cas de faible attention parentale durant l’enfance. L’attention parentale a été divisée en 3 catégories, faible attention parentale de la part de la mère, du père ou des deux parents. Les trois types d’attentions parentales se sont avérées avoir un effet d’augmentation du risque de dépression, en revanche dans l’étude ciblée, seule l’attention de la part du père s’est révélée avoir un effet statistiquement significatif (risque 1,6 fois plus important par rapport à une attention jugée bénéfique selon les critères de l’étude).20 Cela pourrait paraître étonnant que l’attention de la part de la mère ne se soit pas révélée comme facteur influençant le risque de dépression dans cette étude. Cependant, une autre étude a par la suite contredit cette supposition en démontrant une diminution de la proportion de cas de dépression chez les enfants (entre 5 et 19 ans) ayant eu une mère affectueuse et stimulante durant leur enfance (risque 0.38 fois moins important (IC 95% [0.006- 0.52])21. Cependant les résultats de ces deux études peuvent difficilement être comparés puisque la première étude dispose d’une cohorte de patients âgés de 18 ans et plus (ils présentent même un groupe d’âge >65 ans) alors que la seconde étude traite avec des patients de 5 à 19 ans. 9
Le stress est un facteur extrêmement influenceur de l’état de la santé mentale et notamment le stress traumatique précoce. Les évènements stressants ou traumatiques durant la petite enfance ont des effets sur le cerveau et affectent la réponse au stress pouvant mener à des épisodes dépressifs récurrents durant la vie de la personne. Les changements résultants de stress traumatique durant l’enfance engendrent un hippocampe plus petit, une perturbation de la régulation du cortisol et une augmentation du facteur de libération de la corticotrophine (CRF).22 Le cortisol est aussi appelé hormone du stress, une libération plus importante de CRF augmente alors le taux de cette hormone et cela résulte en un stress plus important dans la vie des personnes concernées. Être victime d’un stress précoce pourrait donc augmenter la vulnérabilité au stress plus tard dans la vie. Approche génétique et moléculaire de la dépression La dépression semble être alors une maladie extrêmement influencée par l’environnement. Cependant on ne peut ignorer la prédisposition génétique mise en évidence par les études familiales.23 Malgré un facteur génétique indéniable, les études sur la génétique de la dépression n’ont pas pu encore identifier l’ensemble des gènes responsables. Tout de même, quelques constats en ressortent : Certaines analyses du transcriptome masculin ont mis en évidence des modifications des gènes liées aux systèmes glutamatergiques, GABAergiques, sérotoninergiques et polyaminergiques à travers différentes régions du cerveau,24,25 mais également au niveau la réponse immunitaire, du métabolisme lipidique, de la synthèse d’ATP ou encore de la régulation de la transcription et traduction de L’ADN. 26–28 Une faible proportion d’étude s’est attardée sur les potentiels changements génétiques spécifiques aux femmes. Une association entre l’augmentation de l’expression de plusieurs gènes régulant des récepteurs au glutamate du cortex préfrontal dorsolatréral et le trouble majeur de la dépression a été 10
démontrée. Ces anomalies spécifiques se produisent directement dans le système glutamatergique du cortex préfrontal dorsolatréral dans la dépression et sont bien plus sévères chez la femme. 29 Association entre gènes et dépression La compréhension de la biologie de la dépression passe par la mise en évidence de gènes associés à cette pathologie. Par devis d’échantillonnage cas-témoins, l’analyse d’association consiste simplement à comparer les fréquences des allèles (différents variants d’un gène) d’un gène donné entre les sujets cas (avec dépression) et les témoins. Une méta-analyse récemment rapportée par Howard et al (2019)30 sur le génome entier impliquant 807 553 individus (246 363 cas et 561 190 témoins) a révélé 269 gènes associés à la dépression de façon significative. Le gène montrant l’association la plus significative (Valeur p = 2,27E-19) est SORCS3 (Sortilin related VSP10 domain containing receptor 3) sur le chromosome 10. Ce gène est exprimé dans le cerveau et a déjà été identifié comme influant dans la maladie d’Alzheimer.31 Un autre gène fortement significatif (Valeur p = 3,55E-15) et très important est NEGR1 (Neuronal Growth factor) joue un rôle dans la croissance des neurones. Plusieurs autres gènes importants ont été mis en évidence comme DRD2, CELF4 ou ELAVL2. Le gène récepteur à la dopamine D2 (DRD2) régie l’action de la dopamine qui agit comme un neurotransmetteur dans le cerveau30. Les variations génétiques qui ont été démontrées concernant DRD2 sont liées aux différences de connectivité structurelle entre la structure de base des ganglions et les cortex frontaux.32 Il est donc judicieux de retenir l’association de ce gène avec la dépression puisque l’importance des régions corticales a été précédemment démontrée dans cette pathologie30. De plus, le gène DRD2 est connu pour être associé à la schizophrénie33 et faire partie du processus de régulation de l’humeur et des émotions.34 Le gène CUGBP Elav-like family member 4 (CELF4) s’avère être acteur de la coordination des fonctions synaptiques des 11
neurones excitateurs et jouer un rôle dans le trouble du spectre de l’autisme35 et dans la modification du comportement.36 Aussi, ELAV like RNA binding protein 2 (ELAVL2) est connu pour soutenir la régulation de l’expression des gènes dans le neuro-développement humain.37 Une étude d'association pangénomique (GWAS) publiée dans la revue Nature Genetics38 (75 607 cas et 231 747 témoins) a mis en évidence d’autres gènes associés significativement à la dépression. Le gène OLFM4 (olfactomedin-4) ressort comme étant le plus fortement associé à ce trouble (pValue=8,52E-13) et aurait un effet protecteur avec un risque 0.955 (IC 95% [0.943-0.968] fois moins important de développer la dépression lorsqu’il est exprimé. Ce gène est connu pour être exprimé dans le cerveau dans l’amygdale et dans le lobe temporal médial. Deux autres gènes ont aussi été identifiés comme significativement associés à la dépression, MEFC2C (myocyte enhancer factor 2C) et TMEM161B (transmembrane protein 161B) (Valeur p=2.91E-12). En cas d’association de ces gènes, le risque de subir un trouble dépressif est 1.051 (IC 95% [1.036-1.067] fois plus important. Les deux gènes identifiés sont exprimés dans le cerveau, le premier est associé au système nerveux central, notamment avec des phénotypes comme l’épilepsie, les déficiences intellectuelles et a déjà été révélé comme gène de vulnérabilité pour la maladie D’Alzheimer et la Schizophrénie33. Il est possible de noter qu’à l’échelle individuelle, les gènes identifiés (résumés en Tableau 1 (Annexe I)) n’ont qu’un impact modéré sur le risque de dépression, mais c’est en les considérants comme un réseau de gènes qu’ils prennent toute leur importance. Processus d’expression des gènes L'expression génique est le processus par lequel le code génétique (la séquence de nucléotides) d'un gène est utilisé pour diriger la synthèse de protéines et produire les structures de la cellule. Les gènes qui codent pour les séquences d'acides aminés sont appelés «gènes structurels». Les 12
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