Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité Involved citizens. Women and local decision-making - Érudit
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Document generated on 02/27/2022 11:41 a.m. Lien social et Politiques Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité Involved citizens. Women and local decision-making Danielle Maisonneuve Engagement social et politique dans le parcours de vie Article abstract Number 51, Spring 2004 At particular moments of their lives, women volunteer in local organisations, particularly those that focus on local and regional development. This research URI: https://id.erudit.org/iderudit/008872ar project was undertaken in two large cities in Quebec (Montreal and Laval), DOI: https://doi.org/10.7202/008872ar following Montreal’s policy for involving women in development (La Politique sur la participation des femmes au développement de Montréal) and the government of Quebec’s program supporting women’s involvement in See table of contents decision-making (À égalité pour décider) instituted by the Secrétariat à la condition feminine. The goal of the research was to profile women leaders in Montreal and Laval and identify the moment in their lives that women were Publisher(s) able to undertake such involvement in the voluntary sector. Lien social et Politiques ISSN 1204-3206 (print) 1703-9665 (digital) Explore this journal Cite this article Maisonneuve, D. (2004). Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité. Lien social et Politiques, (51), 83–95. https://doi.org/10.7202/008872ar Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2003 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité Danielle Maisonneuve L’accès aux lieux de pouvoir est instances. Notre but est de tracer le (Thivierge et Tremblay, 2002; Lister, l’un des principaux défis des femmes profil des administratrices en tenant 1997). Que ce soit en politique muni- qui, désireuses de jouer leur rôle de compte de leur parcours de vie, afin cipale (Tardy, 1992 et 1996) ou du citoyennes, participent aux prises de de cerner la relation entre leur enga- point de vue de la participation des décisions dans la cité (Lister, 1997; gement et certaines variables, notam- femmes aux activités économiques Tardy, 1982 et 1996). Même si leur ment la variable « temps de la vie ». † † (Thivierge et Tremblay, 2002), plu- situation est définie par des politiques Nous poursuivons trois objectifs sieurs recherches 3 jettent les bases † et des législations qui leur accordent complémentaires : 1) identifier les † d’un renouvellement des théories de les mêmes droits qu’aux hommes, ce aspects professionnels et personnels même que des pratiques écono- ne sont pas toutes les catégories de de la participation des femmes à une miques et politiques, à partir d’ana- femmes qui participent aux prises de instance, 2) préciser leurs motivations lyses différenciées selon le genre. décisions selon une forme de citoyen- ainsi que le mode d’accession à l’ins- Ainsi, les travaux de l’Institut de neté décisionnelle, et exercent ainsi tance et 3) dévoiler les contraintes recherches et d’études féministes de une influence sur les orientations de inhérentes à la participation citoyenne l’Université du Québec à Montréal leur milieu. Notre étude tente de cer- des femmes, notamment la contrainte apportent une contribution intéres- ner les caractéristiques communes liée à l’âge. sante aux réflexions menées ailleurs aux administratrices déjà engagées dans la francophonie sur ce sujet Une problématique à coefficient bénévolement dans certaines ins- (notamment Carver et al., 2000). tances décisionnelles des villes de La situation des administratrices Montréal et de Laval (Canada) 1, au † dans la cité s’inscrit, comme objet de Au-delà des femmes qui font de la sein d’organismes voués au dévelop- recherche, dans la foulée des études politique municipale, la situation par- pement local et régional. Réalisée en sur la situation personnelle, familiale ticulière des administratrices pré- collaboration avec divers parte- et professionnelle des femmes qui sentes dans divers organismes naires 2, elle documente les variables † participent à la gouvernance des ins- socio-économiques est peu documen- sociodémographiques qui influent titutions dans l’espace public, selon tée en fonction des phases de leur vie. sur la participation des femmes à ces une perpective de citoyenneté active C’est pourquoi nous avons voulu pro- Lien social et Politiques – RIAC, 51, Engagement social et politique dans le parcours de vie. Printemps 2004, pages 83 à 95.
LIEN SOCIAL ET POLITIQUES – RIAC, 51 responsable des tâches liées à la Jürgen Habermas, dans ses écrits sphère privée. sur la participation des citoyens dans Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité l’espace public, avait lui aussi abordé Administratrices : une forme de l’apport des femmes à la vie de la citoyenneté directement liée au cité (Habermas, 1992 : 427) : † † parcours de vie Aucun doute ne planait sur le carac- L’engagement des femmes dans tère patriarcal de la famille conjugale, les instances décisionnelles en tant à la fois cœur de la sphère privée que participation active aux lieux de bourgeoise et terreau des nouvelles expériences psychologiques d’une l’exercice du pouvoir démocratique subjectivité préoccupée d’elle-même. dans les institutions québécoises a Aujourd’hui, cependant, le dévelop- déjà fait l’objet de quelques études pement de la littérature féministe nous 84 (Desrochers, 2002 ; Houde, 1999; a sensibilisés au caractère patriarcal Perlman, 1973; Riverin-Simard, de la sphère publique, laquelle a bien- blématiser la situation des administra- 1984, 1989 et 1993). Houde, tôt débordé les limites du public lec- trices québécoises de la façon sui- teur (en partie constitué de femmes) et Perlman et Riverin-Simard, sans vante : en quoi la participation des assumé des fonctions politiques. La † toutefois aborder les parcours de vie question est de savoir si les femmes femmes à des instances décisionnelles spécifiques aux administratrices, ont été exclues de la sphère publique est-elle reliée à des moments particu- étudient les cycles de la vie person- bourgeoise au même titre que les tra- liers de leur vie et est-elle fonction de nelle et professionnelle. Dans cer- vailleurs, les paysans et le « peuple », leurs conditions de vie, liées à leur tains domaines de la recherche autrement dit les hommes dépourvus âge, à l’âge de leurs enfants, à leur féministe, d’autres auteures ont d’« indépendance » 4. situation familiale ainsi qu’à leur abordé ces questions, telles Rosi situation sociale et professionnelle ? Cette notion d’indépendance, † (1980), Descarries (1998), Collin et familiale, financière, politique, À cette question s’en associent Descarries (1995). On peut égale- sociale ou culturelle, est l’un des d’autres : quelle place les femmes † ment citer l’étude de Levinson sur angles d’analyse retenus dans le occupent-elles réellement dans les les cycles de vie des femmes, amor- cadre de notre recherche pour cerner instances de développement local et cée en 1979 (Levinson, 1996). Dans les conditions de participation des régional à Montréal et à Laval ? † son ouvrage sur les temps de la vie, femmes aux instances décisionnelles. Quelles sont leurs motivations ? † Houde (1999 : 153) retient de cette † Quels sont les obstacles qu’elles doi- L’étude de la citoyenneté des étude « le concept de clivage sexuel vent surmonter et quelles conditions † femmes et du rôle décisionnel doivent être mises en place pour l’at- et la perspective de sexes qui permet- qu’elles exercent en sus de leurs teinte d’une réelle parité hommes- tent de regarder, de l’intérieur des rôles professionnel, maternel et femmes (selon le questionnement différentes sociétés et cultures et à conjugal nécessite une approche posé par Coenen, 1999) ? Comment partir de la ligne de séparation entre † théorique intégrée, que les études assurer la participation des femmes à ce qui y est conçu comme étant mas- féministes contribuent à élaborer la prise de décisions sur les questions culin et féminin, les contraintes et les (Descarries, 1998; Iannello, 1992; qui touchent la vie de la cité ? Prenant † ressources que chaque sexe ren- Lamarche, 1998; Lister, 1997). On comme variables l’âge des femmes, contre au cours de son existence ». † connaît mal la place des femmes leurs conditions de vie et leur mode La participation des femmes au pro- dans la cité et leur contribution aux de participation aux instances cessus de prise de décisions pour le prises de décisions, ce que Coenen décisionnelles locales et régionales, bien commun dans la cité s’effectue- appelle leur difficile accès à la nous faisons l’hypothèse de recherche rait à des moments de vie spéci- citoyenneté (1999). L’intégration de suivante : les femmes s’impliquent † fiques. Le temps apparaît ainsi plusieurs approches — au premier dans les instances lorsque leur situa- comme une variable essentielle pour chef sur la multiplicité des rôles, le tion de vie, liée à leur âge, les comprendre les conditions liées au soutien social, l’intégration sociale dégage en partie de leurs responsa- genre dans l’exercice de la démocra- (Pillemer et al., 2000 : 49) — est † bilités de mère, épouse et principale tie de proximité. nécessaire pour cerner le parcours de
vie des femmes qui désirent s’inves- perception de rôles : comme un † Au-delà des approches féministes tir activement dans l’espace public. ensemble de règles, un rôle incorporé et culturelles, les travaux sur les his- Si plusieurs travaux portent sur les dans la vision que l’individu a de lui- toires de vie font ressortir l’impor- relations entre hommes et femmes même et du monde où il vit, débou- tance des variables du temps de la dans les organisations (voir notam- chant sur une interaction symbolique vie, de l’âge en particulier, en tant ment Hearn et Parkin, 1983), très peu avec les autres personnes significa- qu’indices signifiants en ce qui présentent des analyses du fonction- tives » (Brooks, dans Manis et † concerne les limites de la participa- nement des instances de pouvoir Meltzer, 1972 : 463 5). Dans la mou- † † tion des femmes à la citoyenneté. (conseils d’administration, conseils vance post-moderne, on rappelle que Ainsi, Danielle Riverin-Simard exécutifs, etc.) différenciées selon le l’exercice du pouvoir doit être appré- (1984 : 58) met en évidence le « rôle † † genre et l’âge hendé au-delà du rôle de l’État; ainsi, prépondérant de l’âge », bien qu’elle † Eschle écrit : « La démocratie † † ne suggère pas d’analyse différen- Au sein des approches communi- déborde les institutions étatiques […] ciée selon le genre pour les femmes 85 cationnelles, Putnam et Fairhurst Elle est un mode de gouvernement ou participant aux instances décision- (1985) présentent une analyse des de gouvernance, mais aussi beaucoup nelles. Elle aborde les étapes de la modes de communication différen- plus. Elle inscrit dans la vie culturelle vie professionnelle en fonction du ciée selon le genre. Plusieurs auteurs un égalitarisme qui incite les gens à parcours de vie mais sans tenir (en particulier Eagly et Johnson, participer à la définition de leurs compte d’engagements sociaux exté- 1984; Eagly et Karau, 1991; Eagly, propres difficultés et possibilités, rieurs à l’activité professionnelle. Makhijani et Klonsky, 1992) propo- nonobstant l’origine et la petite ou Elle analyse plutôt l’impact de l’âge sent des réflexions sur les styles de grande envergure de ces dernières » † sur l’énergie et le dynamisme des leadership propres aux femmes et aux (2001 : 72 6).† † individus au travail sans documenter hommes dans les organisations (mais l’investissement bénévole qui amène ces études abordent rarement la pré- Les « études culturelles » apportent † † des femmes d’âge mûr à s’engager sence des femmes dans les conseils également une contribution significa- dans la vie de la cité, comme déci- d’administration). Ces approches tive aux études féministes, comme le deures au sein de diverses instances. peuvent enrichir les cadres d’analyse montrent Lebel et Nadeau, à propos de la recherche sur l’engagement des d’un article de Grenier et Shawchuk Plusieurs rapports de recherche femmes dans les instances et le pro- paru dans Communications (2000 : † recommandent l’inclusion des cessus décisionnels (notamment 2) : « Ancrant leurs analyses dans la † † femmes aux échelons décisionnels Adams, Rice et Instone, 1984; Bass, perspective des cultural studies, les dans les organisations : † 1990; Fairhurst, 1993). Mais nous auteures expriment des critiques qui Les décisions touchant les réformes retenons surtout l’interactionnisme permettent de penser et le féminisme structurelles se prennent souvent sans symbolique, parce qu’il fournit des et la communication comme un mou- grande participation des femmes. points de repères (Manis et Meltzer, vement critique où la connaissance Puisque celles-ci sont essentiellement 1972) pour comprendre l’inclusion épistémologique émerge justement exclues du pouvoir politique, les déci- ou l’exclusion de certains acteurs de l’articulation entre les pratiques et sions qui touchent l’ensemble de la sociaux, des femmes notamment, les discours ». Cet ancrage entre les † société se prennent souvent sans grande dont la voix ne participe pas toujours pratiques sociales et la participation représentation de la moitié de la société à l’exercice du pouvoir élocutoire au discours public éclaire l’influence qu’elles concernent. Elles s’appuient dans les débats des instances de la parole des femmes dans les ins- plutôt sur les valeurs, les perceptions et décisionnelles. La participation tances. Cependant, aucun auteur des les expériences des hommes (Centre canadien du marché du travail et de la citoyenne des femmes aux instances approches culturelles en communi- productivité, 1994 : 47). locales et régionales (organisations cation ne documente la posture élo- politiques et de toute nature : sociale, † cutoire des administratrices dans les Dans bon nombre de ces études, économique, culturelle…) renvoie à instances de la cité, selon un discours lorsqu’on présente la situation profes- l’image qu’elles se font de leur rôle, féministe (ou non féministe, puisque sionnelle des femmes et leur travail en tant que décideures dans la cité. toutes les femmes siégeant à des ins- non rémunéré, c’est habituellement Ainsi, Brooks parle de traiter tances n’y défendent pas la cause pour mettre en évidence le travail « l’idéologie politique en tant que † féministe). bénévole qu’elles effectuent au foyer
LIEN SOCIAL ET POLITIQUES – RIAC, 51 administrateurs et administratrices, sion systématique des femmes peu nous avons retenu deux autres modes habituées à Internet). Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité de cueillette de l’information, asso- Pour le volet qualitatif de l’étude, ciant le quantitatif (sondage) et le réalisé après le sondage, quatre qualitatif (groupes témoins). groupes témoins 8 ont été réunis, deux † Pour obtenir des renseignements à Montréal (les 2 et 3 mai 2000), significatifs applicables à l’ensemble deux à Laval (le 13 mai 2003); les des femmes siégeant à des instances participantes ont été recrutées suivant décisionnelles dans les deux villes, des critères homogènes (Simard, nous avons d’abord réalisé une 1989 : 12). Ces groupes témoins ont † enquête par sondage. Une liste d’en- permis d’approfondir l’information 86 viron 1000 Montréalaises et 137 obtenue par sondage. Pour les former, Lavaloises toutes membres d’une ou nous avons invité toutes les femmes plusieurs instances locales et régio- ayant reçu le questionnaire à s’y ins- (ibid. : 11), sans aborder leur travail † nales (en 1999 pour Montréal, en crire. Environ 50, soit une douzaine non rémunéré au sein d’instances 2002 pour Laval) nous a été fournie de femmes pour chacun des groupes décisionnelles. par les groupes communautaires par- témoins, ont accepté. Les outils utili- tenaires, le CRDIM et la TCLCF. Sur sés pour ces rencontres comprenaient Considérations méthodologiques les 1000 administratrices montréa- un schéma d’entretien semi-dirigé et Pour cerner le profil sociodémo- laises, 650, sélectionnées de manière un questionnaire d’identification, graphique des femmes membres aléatoire, ont reçu le questionnaire; tous deux conçus en collaboration d’instances décisionnelles à Montréal 216 (33,2 %) l’ont rempli. Pour Laval, † avec les groupes communautaires et à Laval, notre équipe de recherche toutes les administratrices de la liste partenaires, et prétestés. Les discus- s’est intéressée aux organismes de ont reçu le questionnaire et 42 sions ont été enregistrées avec le développement local et régional de (30,66 %) l’ont rempli. Dans les deux † consentement écrit des participantes 9 † ces villes (sans se limiter aux ins- cas, le taux de réponse est donc satis- et analysées selon la méthode de l’ar- tances municipales). Les conseils faisant (Fenneteau, 2002). borescence des thèmes et la satura- d’administration des entreprises 7 ne † tion des opinions émises. faisaient pas partie du terrain Le questionnaire, élaboré selon d’étude; nous avons retenu unique- l’approche préconisée par Javeau État de l’engagement bénévole ment les organismes publics et para- (1982), était à peu de chose près iden- des femmes dans les instances publics. Nous nous sommes centrés tique pour les deux villes. Le logiciel Nos données révèlent qu’à sur la présence des femmes dans les Surveyor Manager 1.2.2 a servi à Montréal, 64,2 % des administra- † instances « parapluie », tels les compiler les données recueillies. † † trices ont été élues et 29,6 % nom- † administrations municipales et les Nous avons rédigé les questions de mées; à Laval, de même, l’accession organismes de développement éco- concert avec les groupes partenaires des femmes à une instance s’est nomique, sociosanitaire, éducatif, (CRDIM et TCLCF) et en collabora- effectuée surtout par élection culturel et environnemental. Notre tion avec les Services aux collectivi- (47,4 %) et par nomination (36,8 %). † † recherche a été qualitative et quanti- tés de l’UQAM, et elles ont fait Les autres modes d’accession, moins tative (Tardy, 1999) et s’est appuyée l’objet d’un consensus entre les orga- fréquents, sont la cooptation, l’accla- sur une collaboration avec les nismes partenaires et les chercheures. mation et le remplacement. A priori, groupes communautaires, misant sur Un prétest a permis de valider les il ne semble pas y avoir eu sélection une approche transversale plutôt que composantes du questionnaire, qui a sur la base de l’âge. sur la sectorialisation des données été envoyé par la poste ou par cour- disponibles dans les instances déci- rier électronique aux femmes sélec- Tous secteurs d’intervention confon- sionnelles. Ne pouvant opter pour tionnées. Les répondantes pouvaient dus, le pourcentage de femmes sié- l’ethnométhodologie et l’observation le remplir en ligne, ou par écrit en le geant à une instance (par rapport aux participante, puisque l’accès aux ins- renvoyant par la poste ou par téléco- hommes) varie entre 40 % et 60 %; la † † tances est strictement réservé aux pieur (nous voulions éviter l’exclu- représentation des femmes est donc
plus élevée dans les organismes de 40,12 % 46 à 55 ans développement local et régional 36 à 45 ans 30,23 % qu’en politique ou dans les entre- 56 à 65 ans 13,37 % 18 à 35 ans prises 10 (Carter, 2000; Tardy, 1996). † 65 ans et plus Les organismes étudiés à Montréal 8,72 % comptent 2143 administrateurs et 7,56 % administratrices au sein de leurs ins- tances décisionnelles (conseil d’admi- Figure 1. nistration, d’établissement, des Répartition des femmes siégeant à une instance décisionnelle de commissaires, etc.), avec un ratio d’environ 60 % d’hommes (1284) † Montréal, selon leur âge (en pourcentage des répondantes au sondage) contre 40 % de femmes (859). On est † plus près de la parité à Laval : les ins- † 87 tances étudiées y comptent 617 per- 40 % 46 à 55 ans sonnes, 310 femmes et 307 hommes, 36 à 45 ans soit une représentation féminine de 20 % 56 à 65 ans 50,2 %. Mais la situation diffère selon † 17,5 % 18 à 35 ans 65 ans et plus les secteurs d’activités. Dans cer- 15 % taines instances, le taux de présence 7,5 % féminine est très inférieur à la moyenne. À titre d’exemple, il est de 19 % au conseil de la Communauté † Figure 2. urbaine de Montréal et de 15 % à son † Répartition des femmes siégeant à une instance décisionnelle de Laval, Comité exécutif. Les femmes sont selon leur âge (en pourcentage des répondantes au sondage) très peu présentes dans les domaines environnementaux et culturels; au Conseil régional de l’environnement l’évoque Houde (1999 : 294) : « Ainsi, † † † deux villes : « Maintenant que les † † de Laval, on en compte seulement l’âge n’est pas une occasion néces- enfants peuvent revenir à la maison 25 %, et seulement le tiers des admi- † saire de changement mais une occa- seuls après l’école, qu’ils ont atteint nistrateurs de l’Unité régionale de loi- sion possible de changement, selon la l’âge d’être autonomes le soir à la sir et de sport de Laval et de Tourisme nuance apportée par Weick (1983). maison, je me suis dit : c’est à mon † Laval sont des femmes. Le secteur De plus, l’âge dont il s’agit quand on tour de m’impliquer dans les causes économique est aussi très majoritai- parle de changements liés à l’âge est auxquelles je crois » 11. † † rement composé d’hommes : 70,6 % † † moins chronologique que social, Les femmes d’âge mûr (entre 36 et des membres du conseil d’administra- puisque l’âge tend à interagir avec les 55 ans) participent plus aisément à tion du Centre local de dévelop- rôles sociaux ainsi que le disait des instances décisionnelles et, selon pement de Laval et 83,3 % des † Neugarten (1979) ». Nos résultats † nos données, n’ont habituellement personnes siégeant au comité exécutif mettent en lumière ce rôle détermi- pas à assumer la responsabilité de de Laval Technopole sont des nant de l’âge (figures 1 et 2) : la plus † jeunes enfants (moins de 12 ans), ce hommes. forte proportion d’administratrices se qui leur laisse du temps à consacrer à situe dans le groupe d’âge des 46-55 un engagement au sein d’une ins- Un profil complexe correspondant ans (40 % dans les deux villes étu- † tance. En outre, le groupe d’âge com- à des tranches de vie spécifiques diées). Les femmes de 18 à 35 ans mun au plus grand nombre La participation à des instances représentent un peu moins de 10 % † d’administratrices présente un avan- décisionnelles semble survenir à des des administratrices; ce segment tage au plan professionnel : ces † moments particuliers de la vie des sous-représenté correspond à la femmes d’âge mûr ont une carrière femmes, l’âge devenant une variable tranche de vie où les femmes ont des bien amorcée, ce qui leur permet une clé pour comprendre l’évolution des enfants en bas âge, fait confirmé par implication dans d’autres milieux de rôles sociaux de l’adulte, comme les groupes témoins réunis dans les la sphère publique. En ce sens, nos
LIEN SOCIAL ET POLITIQUES – RIAC, 51 présentent pas de profil similaire à cet leur travail (29,4 % des administra- † égard du simple fait qu’elles sont trices de Montréal et 41,4 % de celles † Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité femmes. La littérature féministe de Laval accordent même plus de 45 conçoit cette diversité (Lister, 1997), heures par semaine à leur travail). illustrée par les résultats de notre son- Cela étant, il est normal de trouver, dage. Ainsi, à la question : « Vous † † parmi les difficultés vécues par les considérez-vous comme fémi- femmes, celle de trouver le temps niste ? » 13, 61,3 % ont répondu non, ce † † † † nécessaire pour assister aux réunions qui témoigne aussi d’un parcours de des instances décisionnelles, d’autant vie diversifié quant à l’évolution de plus que la majorité estiment aussi leur idéologie en tant que citoyennes devoir accomplir davantage de travail engagées publiquement. Il faut noter à la maison que leur conjoint, ce que 88 que près de la moitié des Lavaloises confirment plusieurs études sur le tra- affirment défendre (toujours ou de vail non rémunéré effectué à la mai- manière régulière) la cause des son : « les femmes font deux fois plus données confirment l’approche de † † femmes lors des réunions de leur ins- de travail [domestique] non rémunéré Neugarten (1996) quant à l’impact tance, même si elles ne se déclarent que les hommes » (Centre canadien des cycles de vie sur l’engagement † pas féministes. du marché du travail et de la produc- dans la société en fonction de l’âge. tivité, 1994 : 11). † Selon les études réalisées par Le groupe des administratrices de Houde (1999), Perlman (1973) et Près de 60 % des administratrices Montréal et de Laval est assez homo- † Riverin-Simard (1984, 1989 et 1993), montréalaises et 70 % des lavaloises gène au plan sociodémographique. Il † les femmes franchissent des étapes de ont un conjoint (mari ou conjoint de est principalement (à près de 90 %) † scolarisation et de carrière avant de fait). Plus des trois quarts des constitué de francophones d’origine participer à une instance; leur entrée Montréalaises et près de 90 % des canadienne (groupe social dominant) † dans les instances s’effectue donc Lavaloises ont des enfants, de plus et comprend très peu de représentantes dans des tranches de vie correspon- de 12 ans pour la plupart. Dans la de groupes ethnoculturels, surtout à dant à la fin d’une scolarité assez majorité des cas, ces enfants ne Laval, où les immigrantes sont à peu avancée et à des responsabilités pro- vivent plus sous leur toit ou un seul près absentes des instances décision- fessionnelles élevées. Notre étude le enfant y demeure présent. Une corré- nelles. La situation au sein des lieux confirme : la majorité des adminis- † lation peut d’ailleurs être établie de pouvoir ne reflète donc pas la tratrices ont un diplôme universitaire entre le nombre des enfants à charge, diversité de la population féminine de (74,6 % à Montréal, 60,0 % à Laval) † † leur autonomie et le temps consacré Laval puisque les femmes issues des et un travail rémunéré (82 % à † par les femmes à leurs enfants divers milieux ethniques et linguis- Montréal, 72,4 % à Laval); il s’agit † (moins de cinq heures par semaine tiques y sont sous-représentées 12. La † d’emplois permanents pour la plu- pour 65,7 % des administratrices situation est similaire à Montréal, où † part. Environ 40 % des administra- † lavaloises). Les femmes n’ont pas à les francophones de race blanche sont trices occupent soit un poste de cadre, s’inquiéter de leurs enfants pendant nettement surreprésentées. Le par- soit un poste professionnel. Les fonc- qu’elles sont au travail puisqu’ils cours de vie des femmes immigrantes tions techniques et de soutien admi- sont à l’école (50,0 %) ou au travail ne semble donc pas inclure une parti- † nistratif sont peu représentées. Près (33,3 %). Ces éléments influencent la cipation aux instances décisionnelles; † de la moitié des répondantes gagnent disponibilité des femmes pour ce qui mais il serait nécessaire de docu- entre 31 000 et 60 000 dollars. La est de siéger à des instances; ils sont menter davantage ce sujet pour savoir plupart des femmes appartiennent liés à l’évolution de leur parcours de s’il s’agit de femmes de la première ou donc à un milieu aisé; le revenu vie vers des formes d’engagement de la seconde génération établie en annuel moyen par ménage se situe à citoyen dans les affaires de la cité. pays d’accueil. plus de 90 000 dollars, niveau habi- L’homogénéité raciale et culturelle tuellement atteint à l’âge mûr. À Montréal, environ la moitié des n’entraîne pas l’identité des postures Environ 70 % des répondantes consa- † administratrices siègent à titre de idéologiques : les administratrices ne † crent plus de 39 heures par semaine à membre et un peu plus de 10 % à titre †
de présidentes ou de vice-présidentes. ment chez moi à ne rien faire » 16. Ces † † — L’âge : lorsqu’elles se situent † À Laval, 30,61 % sont présidentes et † deux commentaires font référence à dans un groupe d’âge supérieur à 36 12,24 % vice-présidentes. Environ † l’âge et au parcours de vie : les † ans, les femmes ont plus de facilité à 90 % ne touchent pour cela aucune † femmes affirment vouloir s’impli- gérer leur temps en fonction de l’ex- contrepartie financière. Il s’agit donc quer depuis longtemps (et pour long- pression de leur citoyenneté active d’un engagement bénévole; elles doi- temps) dans la société, par souci de dans la cité. Ayant des enfants âgés vent de surcroît assumer certains frais justice sociale, mais ne peuvent vrai- de plus de 12 ans, les femmes d’âge (transport, repas, habillement, garde- ment le faire qu’à l’âge mûr. mûr ont aussi une carrière déjà bien rie, etc.). Pour plusieurs, notamment amorcée, ce qui leur permet une celles qui ont des moyens financiers — L’exercice du pouvoir dans une insertion dans d’autres milieux pro- plus limités, ces frais représentent un société démocratique, par la partici- fessionnels que leur lieu de travail problème, sur lequel elles se sont lon- pation aux prises de décisions : les † quotidien. Les femmes qui siègent à guement attardées lors des deux femmes désirent influencer le déve- des instances ont rarement des 89 groupes témoins : « Une femme † † loppement des organismes où elles enfants âgés de moins de 12 ans. monoparentale s’impliquerait davan- s’investissent : « Je n’étais pas d’ac- † † L’époque de la vie où les enfants tage si elle savait que les frais de gar- cord avec certaines décisions qui se prennent de l’autonomie est donc un diennage sont payés, accepterait de prenaient dans mon milieu, j’ai donc facteur facilitant important pour les participer aux réunions d’une instance décidé de m’impliquer. Ainsi, quand femmes. décisionnelle » 14. † † j’affirme qu’une décision n’a pas de — Une connaissance approfondie La participation à des instances est sens, les gens me considèrent comme des dossiers traités par l’instance ainsi fonction de diverses variables plus crédible étant donné que je décisionnelle est aussi un facteur liées au parcours de vie : les femmes † m’implique dans les dossiers » 17. † † facilitant : « Je n’ose pas toujours † † chefs de famille monoparentale, prendre la parole, à moins que j’aie — Le rayonnement de l’expertise appartenant à d’« autres » origines † † vraiment étudié très à fond mon dos- ethniques et âgées de moins de 35 ans accumulée. Riverain-Simard rat- sier » 19. Les femmes ont exprimé le † † sont moins nombreuses à pouvoir tache cette motivation caractéris- sentiment qu’elles doivent maîtriser exercer ce mode de citoyenneté dans tique du mitan de la vie à une très bien un sujet afin de se sentir en l’espace public. perception positive de leur passé de confiance quand vient le temps de la part des personnes qui s’enga- s’engager dans un débat, ce qui leur Motivations des femmes à gent : « L’héritage ou le bagage de † † est plus facile lorsqu’elles ont accom- participer à des instances leur passé agit parfois comme une pli un parcours de vie leur donnant décisionnelles génératrice d’électricité dans la une expérience des affaires publiques On trouve, parmi les motivations poursuite du développement voca- reliées à l’exercice de la citoyenneté. les plus fréquemment nommées : tionnel » (1984 : 73). Plusieurs parti- † † † cipantes ont en effet déclaré qu’à leur — L’aisance financière : les † — Le désir de contribuer au chan- femmes qui participent aux instances âge, elles désiraient faire bénéficier gement dans la communauté et la décisionnelles jouissent d’un revenu l’organisme de leurs connaissances et volonté de s’engager socialement : les familial assez élevé (comparative- † de leur expertise professionnelle, en femmes veulent améliorer les ser- ment à la moyenne des Montréalaises tant que citoyennes pleinement enga- vices pour aider la communauté et et des Lavaloises), ce qui leur permet gées socialement : « Je me suis dit que † † de siéger bénévolement à une ins- rehausser la qualité de vie de ses sûrement j’avais quelque chose à leur tance. Cette situation explique l’ex- membres : « Depuis que je suis toute † † apporter, que je leur serais utile » 18.† † clusion des instances décisionnelles jeune je veux aider ma commu- nauté » 15. Le bien-être de la clientèle † † Facteurs propices à la de certaines femmes de classe sociale et de la population leur tient à cœur : moins aisée : † † participation des femmes « Avec le temps, je me rends compte † On peut employer le terme « exclus » de tous les besoins qu’il y a autour de Les principaux facteurs qui facili- au sens de Foucault lorsqu’on a affaire moi. Je ne suis pas capable d’arrêter tent l’engagement bénévole des à des groupes qui jouent un rôle consti- de siéger et de retourner tranquille- femmes dans une instance sont : † tutif dans la formation d’une sphère
LIEN SOCIAL ET POLITIQUES – RIAC, 51 démocratie participative sans fron- femmes est l’un des principaux obs- tières : une démocratie au sein de † tacles selon moi » 24. Il n’empêche que † † Citoyennes engagées et prises de décisions dans la cité laquelle non pas l’État, mais les popu- plus de la moitié des femmes siègent lations se chargeraient les premières à plus d’une instance décisionnelle, d’orienter les processus économiques tant à Montréal qu’à Laval. Plusieurs et politiques mondiaux qui structurent expliquent qu’elles sont passionnées leur vie; mais peut-être les temps par ce qu’elles font, ce qui les incite à sont-ils mûrs » (Alexander et † « en prendre » toujours plus. Elles se † † Mohanty, 1997 : xli 21). † † rendent compte qu’elles ne sont pas assez attentives à la surcharge de tra- — La « proximité » de l’orga- † † vail et deviennent extrêmement fati- nisme : on voit décroître très nette- † guées, ne disposant plus d’assez de 90 ment l’intérêt des femmes pour des temps pour leurs loisirs et leur organismes nationaux ou internatio- famille. Cette surcharge s’accom- naux. Ce facteur influencerait donc publique particulière. « Exclusion » pagne d’un sentiment de culpabilité : † l’engagement des femmes dans une revêt un sens différent et moins « Je culpabilise toujours quand je † instance. extrême quand les mêmes structures de mets quelque chose de côté pour aller communication permettent en même Facteurs défavorables à la travailler sur d’autres dossiers » 25. † † temps l’apparition de plusieurs arènes participation des femmes où, à côté de la sphère publique bour- — La répartition des tâches selon geoise hégémonique, d’autres sphères Les facteurs identifiés comme le sexe : la préparation des repas, la † publiques liées à des sous-cultures ou sources d’obstacles à une pleine par- responsabilité des enfants, l’entretien classes se créent, sur des fondements ticipation des femmes à des instances ménager, le rôle d’épouse, d’éduca- qui leur sont propres et n’étaient pas décisionnelles 22 sont : † † trice auprès des enfants et d’aidante faciles à concilier au point de départ 20 naturelle auprès des aînés sont des (Habermas, 1992 : 425). — L’âge : avant 35 ans, les femmes † aspects qui freinent l’engagement de Par conséquent, la situation finan- se trouvent limitées dans leur emploi certaines femmes. cière et la classe sociale peuvent être du temps par des responsabilités familiales (notamment à l’égard de — La communication demeure des facteurs favorables ou défavo- leurs enfants en bas âge) qu’il leur est un problème de taille pour les rables à la participation des femmes difficile d’équilibrer avec leurs res- femmes. La difficulté de communi- aux instances décisionnelles. Certains ponsabilités professionnelles : « On quer efficacement durant les groupes sont exclus : femmes chefs de † † † tient peu compte de l’effet cumulatif réunions apparaît comme un obs- famille monoparentale dépourvues des tâches accomplies par les femmes tacle à leur participation. Si elles des ressources nécessaires à une parti- à la maison et en milieu de travail, à entrent pour la première fois dans cipation aisée et femmes issues de l’origine de situations stressantes, l’univers des lieux de pouvoir 26, † groupes ethnoculturels. uniques qui nuisent à leur santé. Ce elles ont l’impression de devoir fran- — La connaissance des rouages du “stress de la double tâche” serait chir plusieurs barrières; les femmes pouvoir dans l’espace public : les † propre aux femmes et conduirait à un s’évaluent comme moins compé- femmes bien informées du fonction- surcroît de fatigue et même à des sen- tentes pour la prise de parole devant nement d’une instance décisionnelle timents de culpabilité » 23. La difficulté † † un public de décideurs. Tant les peuvent plus facilement y participer. de gérer le temps, surtout, rend plus Montréalaises que les Lavaloises Initier les femmes le plus tôt possible ardue la participation aux travaux des affirment que dans les instances où à ce rôle, en leur offrant de la forma- instances, à laquelle s’ajoutent la pré- les hommes sont majoritaires, les tion à l’école, faciliterait leur partici- paration et le suivi des réunions. femmes éprouvent beaucoup de diffi- pation à des instances ou à la vie Notre sondage montre que plus du cultés de communication, souvent publique au sens démocratique du tiers des sujets de difficultés concer- dues à un manque d’expérience du terme : « Les mouvements de femmes † † nent la surcharge de l’horaire; les dis- type de discours propre au milieu : † pour la démocratie sont loin d’avoir cussions rendent le même son de « Les femmes ne se sentent pas assez † accordé la priorité à l’idée d’une cloche : « Le manque de temps des † † fortes pour faire un pas en dehors de
la famille et pour s’imposer » 27. Elles † † choix des membres des conseils d’ad- nécessité d’un changement d’atti- voudraient maîtriser l’art d’argumen- ministration de ces organisations » 30. † † tudes dans la société pour que la par- ter et la rhétorique afin d’accroître « Les changements dans les institu- † ticipation des femmes en tant que leur influence lorsqu’elles présentent tions sociales sont importants pour citoyennes soit mieux intégrée à la un dossier ou une opinion, soit pour comprendre plus concrètement com- démocratie dans la cité. Elles rejoi- donner le point de vue des femmes ment s’effectue le processus global du gnent ainsi Côté et Hafsi : « Équité et † † (selon une posture féministe), soit développement adulte », écrit Houde † démocratie. Ce sont des principes pour faire valoir leur avis personnel (1999 : 255). Les changements struc- † indispensables au bon fonctionne- ou les positions de l’organisation qui turaux et législatifs influent sur les ment du processus décisionnel col- les délègue. Faute d’avoir appris à institutions, qui à leur tour ont un lectif, surtout si l’on vise un niveau maîtriser les modes de communica- impact sur le développement des indi- consensuel optimal. Par démocratie, tion propres à une instance, elles vidus en tant que citoyens. Ils éclai- on entend la possibilité d’exprimer n’ont pas l’aisance qu’il faut pour s’y rent l’influence du parcours de vie des sans entraves, au sein du processus 91 exprimer et vont même éviter de pré- femmes sur leur engagement dans les décisionnel, ses idées, ses valeurs, tendre à une fonction 28. Ces difficul- † affaires de la cité et le rôle — lié à leur ses préférences et ses objectifs. Est tés illustrent également les tensions parcours de vie — qu’elles y jouent équitable un processus qui accorde dans les rapports hommes-femmes, comme représentantes de groupes une importance appropriée à chaque mentionnées à plusieurs reprises spécifiques. Ce dernier aspect, il membre du réseau » (2000 : 327). † † dans les groupes témoins : les com- † convient de le noter, influence la per- L’inclusion des femmes comme mentaires des femmes seraient ception des hommes : « Quand tu † † bénévoles dans les instances de la moins pris au sérieux, moins cré- représentes l’Université, quand tu es cité serait une manière de leur faire dibles que ceux des hommes. docteur, ils sont plus portés à t’écou- exprimer leur voix pour assurer ter que si tu représentes les employés l’équité et la démocratie des proces- Commentaires ou la population » 31. Ce cantonne- † † sus décisionnels. Elle doit cependant ment dans des types d’interaction s’élargir à une diversité d’âges, La participation à une instance symbolique (Manis et Meltzer, 1972) d’origines echnoculturelles et de sta- décisionnelle n’est donc pas en soi rend souvent plus difficile la partici- tuts sociaux plus représentative de une garantie d’influence ou de pou- pation des femmes à des instances l’ensemble de la population. voir. Les administratrices sont décisionnelles. conscientes qu’il faut des compé- Conclusion : citoyennes pour tences communicationnelles pour la Plus globalement, l’instance déci- une démocratie sans exclusion présentation d’idées ou pour la repré- sionnelle demeure souvent un lieu sentation de soi, au sein de ce qui res- d’incompréhension entre femmes et Dans la Grèce antique, berceau de semble à un processus de négociation hommes. Les femmes n’arrivent pas la démocratie occidentale, la citoyen- où les identités des participants toujours à communiquer de manière neté était strictement réservée aux entrent en jeu et influencent le résul- à être entendues, comprises, accep- hommes libres. Les esclaves, les tat 29. Cette négociation identitaire † tées. Leur intégration aux instances étrangers, les jeunes et les femmes en reste à faire pour la majorité des vise, selon les femmes consultées, étaient exclus. Aujourd’hui, du moins administratrices. L’égalité de droit une complémentarité des points de en théorie, tout individu est considéré n’assure pas l’inégalité de fait, et c’est vue, dans l’intérêt de l’ensemble de comme un citoyen à part entière. Il pourquoi il faudrait « que les lois † la population, selon une approche peut participer aux affaires de l’État constitutives des organismes régio- d’intersubjectivité (Habermas, 1987) et aux prises de décisions dans les naux de gestion et de concertation dont la finalité serait, écrit Gauthier organismes de son milieu de vie. contiennent, non seulement une (1984 : 519), d’assurer « le plus de † † Mais tous ne sont pas à l’aise avec déclaration de principe indiquant la vérité possible dans l’observation et l’exercice du pouvoir décisionnel et volonté du législateur d’en arriver à l’interprétation des phénomènes la démocratie de proximité n’est pas une représentation équitable des sociaux en offrant une représentation facile à exercer pour certains groupes femmes et des hommes, mais aussi un de la réalité conforme aux perceptions d’individus qui se sentent plus ou appel en ce sens aux différents acteurs ou opinions de plusieurs personnes ». † moins en situation d’exclusion ou de (personnes ou groupes) chargés du Les administratrices évoquent la rattrapage. Selon les résultats de
LIEN SOCIAL ET POLITIQUES – RIAC, 51 veulent non seulement poursuivre rence, l’amorce d’une solution, mémoire leur engagement au sein d’instances présenté comme exigence partielle de la Citoyennes engagées et prises de décisions maîtrise en science politique, Montréal, dans la cité décisionnelles mais souhaitent que Université du Québec à Montréal. plus de femmes exercent cette forme de pouvoir dans la cité, notamment 4 « No doubt existed about the patriarchal † les femmes plus jeunes, les femmes character of the conjugal family that constituted both the core of bourgeois chefs de famille monoparentale et les society’s private sphere and the source femmes issues de groupes ethnocul- of the novel psychological experiences turels : ces femmes aussi ont une † of a subjectivity concerned with itself. expérience et des attentes à partager By now, however, the growing feminist pour influer sur les orientations de la literature has sensitized our awareness cité. to the patriarchal character of the public sphere itself, a public sphere that soon 92 Danielle Maisonneuve transcended the confines of the reading Chaire en relations publiques public (of which women were a consti- notre étude, l’évolution du parcours tuting part) and assumed political func- Département des communications tions. The question is whether women de vie des femmes dans l’espace Faculté des lettres, langues et com- were excluded from the bourgeois public (Habermas, 1988) a franchi munications public sphere in the same fashion as une nouvelle étape avec leur acces- Université du Québec à Montréal workers, peasants, and the “people”, i.d. sion aux instances décisionnelles des men lacking “independence”. » Traduit † organismes de développement local par la rédaction. et régional au Québec. Celles qui siè- 5 « Political ideology is treated as role † gent à ces instances se perçoivent perception. It is viewed as a set of norms comme très engagées socialement et Notes or a role incorporated into the indivi- politiquement, et veulent principale- dual’s view of himself and the world he ment améliorer la qualité de vie de 1 Avec ses deux millions d’habitants, lives in. It develops out a symbolic inter- Montréal est la première ville du action with significant others. » Traduit leurs concitoyens. Le profil global de † Québec. Laval, située dans la couronne par la rédaction. l’administratrice est celui d’une nord de Montréal, compte près de femme parvenue au mitan de la vie, 360 000 résidants. Même si la plupart 6 « Democracy is expanded beyond the † libérée des obligations inhérentes à des organismes de développement local institutions of state […] Democracy […] et régional de la région se trouvent à is a form of rule or governance, but it is une carrière débutante. Bilingue et Montréal, il était intéressant de compa- much more than that as well. It is an ega- scolarisée, elle a des engagements litarian constitution of cultural life that rer la situation des femmes œuvrant multiples; mère et épouse, elle n’a ni dans des instances décisionnelles de ces encourages people to participate in defi- jeunes enfants ni autres personnes à deux villes puisque Montréal est une ning their own troubles and possibilities, sa charge. À l’aise financièrement, agglomération métropolitaine alors que regardless of where theses troubles origi- elle s’engage dans une instance mal- Laval est une ville de banlieue en pleine nate and how narrow or broad they are in expansion. scope. » Traduit par la rédaction. gré son horaire chargé, et malgré l’in- † confort relatif qu’elle éprouve dans 2 Le Comité Femmes et développement 7 On notera que les résultats de notre ses interactions communicationelles régional du Conseil régional de dévelop- recherche ne sont pas applicables au avec ses collègues masculins lors de pement de l’île de Montréal (CRDIM), la milieu des affaires, où les femmes sont Table de concertation de Laval en condi- moins présentes : « Dans une récente réunions où elle se perçoit comme † † tion féminine (TCLCF), les Services aux enquête, le Financial Post a découvert moins compétente au plan discursif. que la dure réalité dans les milieux d’af- collectivités de l’Université du Québec à En tant que groupe, les administra- faires du Canada aujourd’hui, c’est que Montréal (UQAM) et l’ARIR (Alliance trices ont le sentiment que le proces- de recherche IREF/Relais-Femmes). les femmes ne jouent qu’un petit rôle ou sus d’intégration vers un réel qu’un rôle insignifiant à la haute direc- engagement social par la participa- 3 De plus en plus, de jeunes chercheures tion. Seulement 0,7 % des postes de † consacrent leur mémoire ou leur thèse à haute direction (président du conseil, tion bénévole à une instance n’est pas l’un ou l’autre aspect de la citoyenneté président, chef de la direction) […] encore achevé pour toutes les des femmes; voir notamment Michèle appartiennent à des femmes » (Centre † femmes. C’est pourquoi les adminis- Boudreault (2001), La citoyenneté des canadien du marché du travail et de la tratrices montréalaises et lavaloises femmes et le dilemme de l’égalité/diffé- productivité, 1994 : 45). †
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